Mercredi 18 octobre 2017
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Projet de loi de finances pour 2018 - Désignation des rapporteurs pour avis
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, le Bureau de notre commission s'est réuni en début de semaine. Pour nos nouveaux collègues, je rappelle que cette instance réfléchit aux orientations de nos travaux et à l'organisation de ces derniers. J'invite chacun à se rapprocher de son chef de file afin d'avoir plus d'informations sur les conclusions de celui-ci. Je souhaite préciser que le Bureau, à l'unanimité, a réaffirmé l'importance de la participation de chaque commissaire aux travaux de la commission et la possibilité pour chacun de s'exprimer. Il a également confirmé les règles établies en 2014 quant aux temps de parole : les rapporteurs pour avis budgétaire disposent de 5 minutes, les représentants des groupes de 3 minutes, puis chacun pourra s'exprimer dans un délai imparti de deux minutes. Il s'agit ainsi de permettre à la commission d'avoir des débats vivants, interactifs, dialectiques, laissant à chaque tendance politique la possibilité de s'exprimer afin de faire avancer nos travaux.
Nous allons maintenant procéder à la nomination des rapporteurs pour les avis budgétaires du projet de loi de finances pour 2018.
Ont été désignés :
Mission Action extérieure de l'État
M. Claude Kern
Mission Culture
Patrimoines : M. Philippe Nachbar
Création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture: Mme Sylvie Robert
Mission Enseignement scolaire
Enseignement scolaire : M. Jean-Claude Carle
Enseignement technique agricole : M. Antoine Karam
Mission Médias, livre et industries culturelles
Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public : M. Jean-Pierre Leleux
Presse : M. Michel Laugier
Livre et industries culturelles : Mme Françoise Laborde
Mission Recherche et enseignement supérieur
Recherche : Mme Laure Darcos
Enseignement supérieur : M. Jacques Grosperrin
Mission sport, jeunesse et vie associative
Sport : M. Jean-Jacques Lozach
Jeunesse et vie associative : M. Jacques-Bernard Magner
Bien entendu, ces avis budgétaires, dont la répartition respecte strictement la proportionnelle, ne représentent pas l'exhaustivité de nos travaux. D'autres rapports d'information et de contrôle, ainsi que les travaux des groupes d'études viendront prochainement les compléter. Tous les membres de la commission seront amenés à y participer et à intervenir. Notre commission est attachée à l'idée d'un travail partagé et efficace.
M. Pierre Laurent. - Madame la Présidente, je suis sensible à cette précision. En effet, comme chacun peut le constater, notre groupe ne dispose pas de rapporteurs pour avis, ce que je regrette. J'espère que la participation de l'ensemble des groupes et commissaires sera effective. Nous avons l'habitude de participer avec un esprit, certes témoignant de notre sensibilité, mais toujours constructif et nous espérons qu'il sera pris en compte dans les différents travaux.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Lors de la précédente législature, j'ai veillé à ce que chaque groupe soit pleinement associé aux travaux de la commission. D'ailleurs, le groupe CRC a eu plusieurs co-rapporteurs lors de divers travaux menés par la commission. Je pense notamment à Mme Gonthier-Morin, corapportrice sur le rapport « culture et handicap », qui a fait un travail remarquable.
M. David Assouline. - Cette année, en raison d'une modification de la répartition des lignes de crédits budgétaires, le cinéma ne fait plus l'objet d'un rapport associé. Toutefois, le Sénat doit continuer à s'intéresser à ce fleuron de la culture française, et à s'interroger sur les voies et moyens mis à sa disposition.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Bien entendu, nous nous efforcerons dans nos travaux de nous intéresser à ce secteur. Je tiens à cet égard à souligner que la participation d'un sénateur au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) - vous-même en l'occurrence - témoigne de l'intérêt de notre commission pour le cinéma, comme pour tous les autres secteurs. D'un point de vue budgétaire, le cinéma n'est plus rattaché à la création, mais aux industries culturelles.
Rentrée universitaire - Audition de M. Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, après notre réunion de la semaine dernière consacrée à la rentrée scolaire, je suis heureuse d'accueillir aujourd'hui M. Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU) pour évoquer avec lui le bilan de la rentrée universitaire 2017-2018.
Avant de lui donner la parole, permettez-moi de rappeler quelques éléments de contexte. Chaque année, l'enseignement supérieur français accueille environ 30 000 étudiants supplémentaires. C'est une chance formidable pour notre jeunesse et notre pays tout entier. Pourtant, et même si le même scenario se répète chaque année, les ministres successifs du précédent quinquennat ont semblé à chaque fois découvrir l'ampleur du phénomène et le subir sans jamais véritablement l'anticiper. Face à cet afflux de nouveaux étudiants et le plus souvent sans aucun moyen nouveau, les universités ont tenté, tant bien que mal, de s'adapter, de pousser les murs, de revoir leurs modalités pédagogiques ...
Mais cette rentrée 2017 est peut-être pire que les autres :
- À la mi-juillet 87 000 candidats inscrits sur Admission Post Bac (APB) n'avaient reçu aucune proposition d'affectation ;
- Dans 169 licences (en sciences et techniques des activités physiques et sportives -STAPS-, en sciences de l'éducation, dans les arts du spectacle, en droit, en information et communication), c'est le tirage au sort qui a départagé les candidats !
- Et alors que la rentrée universitaire est en cours, 4 000 candidats sont encore « sur le carreau ».
La ministre Frédérique Vidal, que nous avons récemment auditionnée, a lancé à la mi-juillet une concertation sur l'accès au premier cycle, qui s'achève demain. Un projet de loi devrait être déposé dans les prochaines semaines sur le Bureau des Assemblées.
Notre commission s'est toujours montrée favorable à aborder sans tabou la question de la sélection à l'université comme l'ont montré nos travaux de l'an dernier :
- sur la sélection en master (menés par notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont) ;
- et sur l'orientation (menés par notre collègue Guy-Dominique Kennel qui avait notamment préconisé « l'édiction de prérequis transparents et affichés dans APB pour l'accès à toutes les formations à effectifs limités »).
Nous sommes résolument opposés au tirage au sort qui nous semble la forme de sélection la plus injuste. Nous serons également très vigilants à ce que les futures modalités d'admission à l'université contribuent à la réduction de l'échec en licence lequel constitue un immense gâchis et une autre forme de sélection, plus déguisée que le tirage au sort, mais non moins scandaleuse.
Le sujet est vaste, passionnel et passionnant, et nous serons heureux de mieux connaître grâce à vous la situation « sur le terrain » en cette rentrée universitaire ainsi que les propositions que font les présidents d'université pour sortir d'une situation qui devient aujourd'hui intenable.
M. Gilles Roussel, Président de la Conférence des présidents d'université. - Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les sénateurs, au nom des 130 présidents et directeurs d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche que je représente, je tiens à vous remercier de votre invitation. C'est un moment important pour nous. Nous savons que la commission s'est beaucoup intéressée à l'université ces dernières années et qu'elle a nourri et enrichi le débat sur l'enseignement supérieur en France. C'est notamment le cas de la réforme du master dont la première pierre a été posée par le Questeur Jean-Léonce Dupont, dont je veux aujourd'hui saluer le rôle décisif.
Je souhaite également saluer celles et ceux d'entre vous élus le 24 septembre dernier, avec qui la CPU aura à coeur de travailler.
Le premier fait marquant est la poursuite de l'augmentation des effectifs étudiants à l'université, à un rythme soutenu. Cette année, entre 30 et 40 000 étudiants supplémentaires sont entrés dans l'enseignement supérieur et à l'université. Leur nombre est passé entre 2007 et 2016 de 1,3 million à 1,6 million. D'après les projections du ministère, cette dynamique démographique se poursuivra lors des prochaines rentrées universitaires, et ce jusqu'en 2025. Certes, il y aura à un moment donné un infléchissement, mais l'on constatera toujours une poursuite de cette augmentation. Rien que pour cette rentrée, nous avons chiffré à 280 millions d'euros le coût que représente cette hausse d'effectifs, si on s'en tient à une moyenne de 7 000 euros alloués par l'État par étudiant à l'université. Pour illustrer l'ampleur du phénomène, nous pourrions dire qu'il faudrait chaque année ouvrir une université supplémentaire de la taille de celle de Nantes, pour accueillir les nouveaux étudiants. L'absence de prise en compte dans le budget de l'État des effectifs supplémentaires, alors même que ceux-ci sont prévus et prévisibles, conduit à fragiliser fortement les universités françaises. Entre 2011 et 2016, la dépense par étudiant et par an est passée de 11 106 euros à 10 387 euros, alors qu'en dépit de la crise financière, le budget moyen accordé par les pays de l'OCDE à leur enseignement supérieur entre 2008 et 2013 a connu lui une progression de 5 % en euros constants. La situation française est donc très particulière parmi l'ensemble des pays développés. Sans nous focaliser sur les chiffres, nous pouvons également observer que la part du PIB de la France consacré à l'enseignement supérieur s'établissait à 1,5 % en 2014, soit un taux inférieur à la moyenne des pays de Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui était de 1,6 %.
Ainsi, l'État fait supporter, depuis 2011, l'accroissement des effectifs étudiants par le budget de fonctionnement des universités, lesquelles sont contraintes de geler ou de différer les créations de poste, ou de doubler les effectifs des cours dans des bâtiments qui ne sont pas extensibles, ni propices aux transformations pédagogiques que les populations étudiantes attendent aujourd'hui. Le risque que court la France à court terme est la dégradation de la qualité de l'accueil à l'université, avec les conséquences que nous connaissons sur l'attractivité de nos universités et sur l'image de la France dans le monde. Par conséquent, le projet de loi de finances pour 2018 ne peut être, en l'état, considéré à la hauteur des enjeux par les universités, car il ne tient pas compte de l'accroissement important du nombre d'étudiants. Les universités seront attentives aux modifications qui pourront y être apportées lors des discussions au Parlement.
La CPU a néanmoins manifesté sa satisfaction sur d'autres aspects, notamment l'augmentation de 186 millions d'euros du programme 150. Pour la première fois depuis que les universités sont passées aux responsabilités et compétences élargies en 2007, le gouvernement a décidé de compenser le coût du glissement vieillesse technicité (GVT), dont la charge était jusqu'alors intégralement supportée par les universités.
Parallèlement, le projet de loi de finances prévoit de compenser les charges résultant de la responsabilité de l'État, que ce soient les mesures relatives au protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), l'augmentation du point d'indice, ou encore la dé-précarisation d'un certain nombre de personnels. Si nous ne pouvons que nous féliciter du tournant que représente pour l'État le fait de compenser les charges induites par ses propres décisions, la raison commanderait d'entériner ce changement de paradigme budgétaire, en inscrivant dans la loi le principe de compensation intégrale des charges transférées par l'État aux universités.
Le second fait marquant de cette rentrée est la concertation lancée par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur l'accès au premier cycle universitaire. Après la mise en cohérence du master, il est urgent de mettre en cohérence en France les conditions d'accès au premier cycle, reprenant les standards appliqués dans tous les autres pays développés. Toutefois, une réforme des conditions d'accès de l'enseignement supérieur ne peut pas avoir pour but de répondre à la hausse continue des effectifs, au moyen d'une conception malthusienne de la sélection, dont l'objet serait d'exclure des étudiants. L'objectif doit rester celui d'augmenter la proportion d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur, même si des conditions d'accès à la licence à l'université sont instaurées. Les universités françaises partagent cet objectif : chaque jeune doit pouvoir trouver une place dans l'enseignement supérieur, quel que soit son parcours antérieur.
Le véritable enjeu de cette réforme est en réalité d'en finir avec l'hypocrisie de la sélection par l'échec trop important dans nos licences, et l'absurdité de la sélection par tirage au sort. Il est au contraire d'améliorer l'orientation, la cohérence des parcours, l'insertion professionnelle, et par conséquent d'assurer la réussite de tous les étudiants, en défendant un nouveau pacte pour l'enseignement supérieur, comprenant l'introduction de prérequis prescriptifs, adaptés à chaque filière. La CPU entend ainsi améliorer l'orientation des étudiants à l'université, pour prévenir l'échec, l'abandon et les réorientations par défaut qui frappent trop d'étudiants entrant en première année de licence aujourd'hui.
Les universités ont la volonté d'engager les transformations nécessaires capables de répondre aux besoins exprimés par toute la société, en adaptant la formation de premier cycle à la diversité des publics et des personnes désirant se former tout au long de la vie, en développant des filières plus professionnalisantes, parfois plus courtes, ou encore en organisant des modules, avant l'entrée en licence pour celles et ceux qui veulent étudier mais qui ne disposent pas encore des prérequis. Bref, il s'agit de fournir à chacun les armes de sa réussite et de son insertion professionnelle, en fonction de ses compétences, de ses désirs et de son projet professionnel.
Toute ambition réformatrice de cette ampleur doit reposer sur un investissement massif et global, sans lequel elle serait privée de tout effet. La fragilisation économique actuelle des universités les privent de toute visibilité pour engager ces transformations urgentes et attendues par les étudiants, les parents et les enseignants. La réussite de la réforme de l'entrée dans le premier cycle de l'enseignement supérieur dépend de la stratégie et de la volonté réformatrice de l'État. Cette réforme doit s'articuler avec celle du baccalauréat, qui devrait être concertée à partir de janvier 2018, et pour laquelle la CPU sera aussi force de propositions.
C'est cette question de la stratégie de l'État que je veux maintenant aborder. La dernière décennie a vu émerger des universités autonomes, prônant leurs responsabilités face aux défis qu'elles ont eu à affronter. Outre les effets de la dynamique démographique de la France, les universités ont su s'adapter aux réformes structurelles : par exemple la mise en place des regroupements universitaires, l'irruption des initiatives d'excellence, ou encore la place sans cesse grandissante des appels à projet au détriment de financements récurrents. Elles ont relevé le défi de l'amélioration de la vie de campus, ont façonné leur écosystème économique en favorisant la valorisation des résultats de la recherche et de l'innovation. Enfin, elles ont renforcé leurs relations avec les collectivités et leurs territoires, concourant à leur attractivité. Les universités ont su accomplir leur mission de service public dans un environnement politique, institutionnel et juridique pour le moins instable, souvent sans que les financements n'accompagnent leurs nouvelles missions.
Un regard critique sur les dix années qui viennent de s'écouler ne doit pas contribuer à alimenter une vision pessimiste de l'avenir, ni nourrir un sentiment décliniste. Au contraire, c'est parce que les universités sont optimistes qu'elles pensent que des orientations ambitieuses à dix ans doivent être capables de leur donner la visibilité qu'elles réclament. Voici les deux orientations qui semblent essentielles à la CPU.
Tout d'abord, il s'agit de renforcer l'intégration des universités dans les territoires et de parachever leur autonomie. Les politiques de regroupements universitaires ont trop souvent été la proie d'atermoiements traduisant des objectifs parfois contradictoires. On a vu apparaître en 2006 les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), dont l'objectif était le développement de la coopération ; puis nous avons eu les programmes d'investissements d'avenir à partir de 2008 qui avaient pour objectif de créer des pôles d'excellence scientifique au rayonnement mondial ; les communautés d'universités et établissements (COMUE) ont été créées en 2013 et avaient pour objectif de regrouper en leur sein, les organismes de recherche, les grandes écoles et les universités. Enfin, la récente réforme territoriale a modifié l'environnement institutionnel de plusieurs établissements, en les obligeant souvent à opérer des changements radicaux dans leurs stratégies territoriales. Le résultat est l'existence d'une grande diversité de regroupements qui se distinguent par leur taille et par leur objet, en fonction des territoires. La CPU souhaite que de la cohérence et de la lisibilité soient introduites dans le système. C'est pourquoi, il nous paraît indispensable d'assouplir la gouvernance des regroupements, afin de favoriser une intégration adaptée aux spécificités de chaque territoire, et en même temps, de maintenir une coordination territoriale, pour prévenir toute atomisation du paysage universitaire. L'université ne saurait être un angle mort des politiques d'aménagement du territoire dans un État unitaire.
Alors que le Parlement devrait être saisi du projet de loi visant à améliorer et simplifier les relations entre les administrations et les usagers, qui comporte des dispositions relatives au regroupement universitaire, la CPU est attachée à ce que ce rendez-vous législatif ne soit pas une occasion manquée d'atteindre ces objectifs. À l'évidence, le seul instrument prôné par ce texte qu'est l'expérimentation dans un cadre dérogatoire d'une durée de 10 à 15 ans ne répondrait pas aux besoins de l'ensemble des établissements. La gouvernance que requiert la compétitivité internationale ne peut être subordonnée à une échéance aussi lointaine. Aussi, la loi devrait faire sauter le verrou qui, depuis 2013, limite aux seules institutions historiques la possibilité de se constituer en grand établissement alors que la forme juridique pourrait convenir à d'autres groupements, sur le modèle qui a été réussi en Lorraine, avec l'Université de Lorraine.
Je souhaite également mettre l'accent sur un autre aspect important de la stratégie de l'État, à savoir le patrimoine immobilier. Ce patrimoine représente aujourd'hui pas moins d'un tiers du patrimoine immobilier étatique. Il souffre de deux problèmes : tout d'abord, il est extrêmement énergivore. Son coût d'exploitation représente le deuxième poste de dépenses dans le budget de fonctionnement des universités, après la masse salariale. Ensuite, la législation actuelle et la doctrine de Bercy interdisent toute rénovation d'ampleur, car ce foncier et ce bâti sont considérés comme des charges d'exploitation pour l'État, plutôt que comme des actifs valorisables. Alors que la France s'engage à réduire de 75 % ses consommations d'énergie à l'horizon 2050 et qu'elle défend sur la scène internationale les accords de Paris sur le climat, il est insensé que les administrations de l'État freinent ce changement impérieux, alors qu'elles disposent d'un puissant levier capable d'agir sur 18,5 millions de m² dans les universités. La CPU sera donc attentive à ce que dans le débat budgétaire qui s'ouvre, comme dans la mise en oeuvre du grand plan d'investissement annoncé par le Premier ministre, le sujet de la valorisation des campus universitaires soit abordé et fasse l'objet d'avancées concrètes.
La deuxième orientation que je souhaite proposer consiste à donner à nos scientifiques le moyen de concourir à armes égales dans la compétitivité mondiale. Notre recherche doit être plus soutenue, en offrant de l'autonomie à nos chercheurs et des moyens à la recherche fondamentale. Cela suppose en particulier d'accroître les budgets de fonctionnement des laboratoires. Mais il faut donner également à l'Agence nationale de la recherche (ANR) les moyens d'accroître sensiblement le taux de succès aux appels à projet. Aujourd'hui, il est ridiculement bas et n'est pas digne d'une nation développée. Il faudra également pour l'ANR, développer le préciput qui doit être au niveau des appels de projets européens, afin que cela puisse contribuer également au fonctionnement des laboratoires, et pas uniquement au fonctionnement de la recherche.
Pour conclure, que ce soit sur le niveau de financement, les conditions d'entrée et d'accueil dans l'enseignement supérieur, le degré d'autonomie des universités ou de la recherche, notre pays accuse encore quelques retards par rapport aux pays de l'OCDE. Pourtant, les universités disposent de tous les atouts pour consolider une position hautement concurrentielle en Europe et dans le monde. Pour preuve, de nombreuses coopérations se développent entre nos établissements et les plus grandes universités d'Europe et d'ailleurs. C'est pourquoi la France doit aujourd'hui concevoir ses universités comme des puissants leviers de développement national et territorial, et de rayonnement scientifique et culturel, à l'international.
M. Jacques Grosperrin. - Je remercie le président de la Conférence des présidents d'université de venir nous présenter la situation des universités, qui est un peu pessimiste.
Le contexte actuel est lié à l'augmentation importante du nombre d'étudiants. Cela pose la question des conditions d'entrée à l'université. Certains n'y ont peut-être pas leur place. Il existe aujourd'hui un vrai problème d'orientation, mais aussi de formation. C'est la raison pour laquelle je pense que la mise en place de prérequis est fondamentale. Il est vrai que la ministre a lancé une concertation qui doit normalement aboutir prochainement et permettre de supprimer le tirage au sort.
De manière générale, j'ai l'impression que cette rentrée a été mal préparée. Ce n'est pas du fait de la ministre, mais certainement lié au changement du gouvernement. Notre système d'orientation se voulait très égalitaire, mais il n'était pas symbole de sincérité et d'équité vis-à-vis de nos étudiants. Le plus grand scandale reste celui de la première année, où 40 % des étudiants ont des difficultés. À ce jour déjà, de nombreux étudiants ont quitté les bancs de l'université. Cela pose un vrai problème car certains n'ont pas eu la chance de pouvoir être pris via le système d'APB et ne suivent actuellement aucune formation. Je sais que vous êtes opposés à cette sélection brutale et unilatérale à l'université mais le mot sélection ne doit pas être tabou. Certains parlent de prérequis, cela ne me gêne pas. Des filières doivent se développer avec des profils plus atypiques. Les membres du groupe Les Républicains ont toujours été favorables à une sélection juste pour l'accès à l'enseignement supérieur. La présidente a rappelé tout à l'heure les excellents travaux de Guy-Dominique Kennel sur l'orientation. Son rapport préconisait, lui aussi, l'instauration de prérequis. Jean-Léonce Dupont proposait une sélection pour tous, garante de la réussite étudiante. Cette réforme doit s'accompagner d'un travail d'orientation dès le lycée. Trop d'étudiants s'inscrivent à l'université parce que le baccalauréat est le sésame pour y entrer. Or, il y a peu, un doyen de la faculté de médecine me disait que depuis vingt ans, aucun étudiant avec un bac professionnel n'a réussi le concours de médecine. On trompe ces bacheliers dans l'orientation.
L'augmentation des places dans certaines filières constitue une autre difficulté. On a parlé des STAPS ou des études de psychologie. Les bacheliers professionnels et technologiques doivent s'orienter vers des filières plus courtes, souvent encombrées par d'autres étudiants qui les utilisent pour passer dans des écoles d'ingénieur ou de commerce via les passerelles en diplôme universitaire de technologie (DUT) ou en institut universitaire de technologie (IUT).
En troisième lieu, je veux insister sur le travail de réorientation à l'université. Il faut mener une vraie réflexion sur les passerelles qui ne sont pas suffisamment mises en place. Enfin, on constate une paupérisation des outils pédagogiques. Il nous faut imaginer de nouvelles méthodes de communication et d'enseignement pour permettre un peu plus de « cousu main ».
J'en viens aux trois questions que je souhaitais vous poser : Quelles sont les propositions de la CPU pour améliorer l'orientation avant l'université et au cours de la première année universitaire ? Thomas Piketty affirmait récemment que le budget par étudiant avait chuté de près de 10% entre 2008 et 2018 : assiste-t-on aujourd'hui à une paupérisation de l'université ? Enfin, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités a ouvert la voie à la dévolution du patrimoine universitaire. Pourquoi les présidents des universités n'entrent-ils pas dans ce système de dévolution ?
Mme Colette Mélot. - Il est indéniable que l'élévation du taux de réussite au baccalauréat a entraîné une forte augmentation des effectifs à l'université. Mais celle-ci ne constitue certainement pas la solution pour tous. Il faut revoir en amont l'orientation et mieux la prévoir. Il faut également envisager des formations professionnelles diverses. En effet, la priorité de l'enseignement supérieur doit être l'insertion professionnelle des jeunes. Mais actuellement, l'échec est manifeste. Les difficultés d'insertion des jeunes diplômés dans le monde du travail sont particulièrement choquantes. Quelle solution pouvez-vous trouver pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes ? À mon avis, il faut instaurer des prérequis et des sélections à l'entrée la première année et certainement pas le tirage au sort. Il faut favoriser la réussite des étudiants et individualiser réellement leurs parcours. Enfin, une meilleure articulation entre le baccalauréat et l'université doit être organisée.
Deuxièmement, beaucoup d'étudiants issus des bacs technologiques et des bacs professionnels se retrouvent en situation d'échec. L'éloignement des universités de leur lieu de résidence est aussi un sujet. La solution réside certainement dans un meilleur maillage territorial. Il faut conforter et développer les formations dans les villes moyennes et dans les banlieues. Cela a déjà été fait, mais insuffisamment. Il en est de même pour les jeunes issus de la ruralité.
Mme Maryvonne Blondin. - Nous partageons tous la volonté de mettre fin au système de double sélection que vous avez évoqué, par tirage au sort et par l'échec en licence qui est retentissant dans notre système éducatif. La plateforme APB a montré ses limites. Ce système a été créé en 2003. La population étudiante a beaucoup évolué depuis. Ce qui pose, évidemment, la question des prérequis et de l'orientation.
L'orientation et l'information doivent-elles commencer dès le collège et si oui, être assurées par qui ? Au niveau du lycée, il faut pouvoir trouver des heures consacrées à l'orientation et avoir des professeurs formés. Je pense également que la question de l'orientation doit être intégrée dans les discussions sur la réforme du baccalauréat et qu'il convient de réfléchir au rôle que l'enseignement supérieur et l'enseignement secondaire peuvent y jouer.
Les pratiques numériques doivent également évoluer : le numérique y a toute sa part, avec notamment les « Massive Open Online Courses » (MOOCS), ou encore la diffusion des cours par des écrans, les locaux n'étant pas assez vastes pour accueillir l'ensemble des étudiants.
Je souhaite revenir sur la décharge de service de 32 heures mise en place pour les nouveaux maîtres de conférences, afin de leur permettre d'approfondir des connaissances pédagogiques. Cette formation est-elle obligatoire ou organisée sur la base du volontariat ? Comment sera-t-elle mise en place à la rentrée 2018 ?
En outre, nous allons avoir très prochainement les résultats des travaux de concertation. Disposez-vous de premières informations concernant leurs conclusions ?
En ce qui concerne les opérations de dévolution immobilière, à ma connaissance, quatre universités - Bordeaux, Caen, Tours et Aix-Marseille - s'étaient lancées dans ce projet. Il semblerait que Caen devienne propriétaire, en 2018, de 350 000 m² dans l'Orne, la Manche et le Calvados. Disposez-vous d'un état de lieux de ces quatre projets ?
S'agissant de la formation continue à l'université, est-il envisagé d'encourager les cours du soir, qui sont nettement plus développés dans d'autres pays ? Je pense qu'il est important d'aborder la question de l'organisation temporelle à l'université.
Mme Françoise Laborde. - Aujourd'hui, l'audition portait sur la rentrée universitaire. Mais une fois la rentrée passée, viennent le suivi des études et le temps des examens. En septembre 2015, paraissait un guide sur la laïcité dans l'enseignement supérieur, élaboré par Christian Maistre et Emmanuel Roux. Votre prédécesseur M. Jean-Loup Salzmann l'avait distribué, mais peut-être ne l'a-t' il pas appliquée avec la conviction attendue de lui ? Avez-vous eu connaissance de ce guide et si oui, avez-vous l'intention de l'appliquer ? Parfois, à l'université, apparaissent des difficultés dues au fait que des choses simples ne sont pas appliquées. Ce guide, à mon sens, contient beaucoup de réponses.
M. Pierre Ouzoulias. - Je souhaite saluer de façon forte votre engagement républicain. Il est bon d'entendre que l'objectif de l'éducation nationale, consiste d'abord de hisser vers l'université la part la plus importante possible d'une classe d'âge. Aujourd'hui, alors que nous sommes tous conscients que l'avenir de notre pays est dans la connaissance, dans la science, ainsi que dans la construction d'un esprit critique et citoyen, il est bon d'entendre répéter que c'est aussi l'un des engagements de l'université française. S'il y a bien quelque chose que ne prend pas en compte le classement de Shanghai, c'est cela.
À propos de la sélection, j'ai enseigné comme vous. La plupart des étudiants qui arrivent condamnés par avance dans nos filières le font parce que toutes les autres possibilités leur ont été interdites. Ce sont des choix par défaut. Et si demain, la porte de l'université se ferme aussi à eux, nous les retrouverons directement sur le marché du travail, sans formation. Je ne pense pas que la mise en place de prérequis serait une solution mettant fin à tous nos problèmes. En effet, les universitaires qui arrivent aujourd'hui en thèse se retrouvent sur un marché précarisé. La précarisation des docteurs est très forte. Même la sélection élitiste ne fonctionne pas. Dans le monde de la recherche, l'entrée dans le métier, que ce soit au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou à l'université, se fait de plus en plus tardivement. Il me semble que l'âge moyen d'entrée au CNRS est de 37 ans. Vous avez jeté un voile pudique sur les différences de rémunérations entre chercheurs français et allemands. La différence de traitement indiciaire va du simple au double. Sans parler des moyens mis à leur disposition. Nous avons accumulé depuis des années un très grand retard. Les syndicats estiment qu'il faudrait environ 2 milliards d'euros par an pour remettre à niveau notre système universitaire. Nous serons à vos côtés pour exiger du gouvernement cet engagement budgétaire fort sur la longue durée.
M. Laurent Lafon. - Pour revenir à la procédure APB, je m'interroge sur l'outil lui-même. Ce dernier est-il toujours opérationnel ? Des défaillances sont-elles liées à l'outil, et pourra t'on toujours lui faire confiance pour la rentrée 2018 ?
Je souhaiterais également connaître votre position sur la sectorisation géographique, notamment en Ile-de-France où les universités parisiennes sont réservées en priorité aux bacheliers parisiens.
Enfin, où en est le projet de fusion de l'UPEC (Université Paris-Est Créteil) et de l'UPEM (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) dont vous êtes le président ?
M. André Gattolin. - Lorsque l'on pose la question de l'accès d'une classe d'âge à l'enseignement supérieur, il faudrait intégrer une donnée pour laquelle l'université française est très mal adaptée, à savoir la formation tout au long de la vie. C'est très compliqué dans l'université française, y compris via la validation des acquis de l'expérience. Le monde universitaire a évolué : une enquête menée il y a cinq ans dans l'université Paris III-Sorbonne nouvelle où j'enseigne, montrait que les étudiants étaient demandeurs d'une formation professionnelle. Or, tout cela coûte cher.
L'une des raisons de l'échec des licences professionnelles réside dans le nombre important d'étudiants. Une formation de nature professionnalisante peut très difficilement être organisée devant un amphithéâtre de 300 étudiants. Nous avons également des problèmes de ressources. Les formations professionnalisantes nécessitent un encadrement extrêmement lourd. Or, les ressources générées par ces formations ne leur sont pas directement attribuées, mais reviennent dans l'escarcelle de l'ensemble de l'université. Sur ce point, si on veut éviter une hausse des droits d'entrée, flécher une partie des fonds de la formation professionnelle devra être fléchée vers l'université, sa vocation étant de proposer de plus en plus des formations professionnalisantes. Sinon, je ne vois pas comment vont pouvoir être absorbés, non seulement le volume des nouveaux étudiants, mais également leurs exigences et leurs attentes.
M. Guy-Dominique Kennel. - Je suis heureux de voir que l'ensemble des collègues parlent d'orientation. J'ai l'impression que très souvent on confond orientation et affectation. De nombreuses personnes pensent que, lorsque l'affectation est faite, l'orientation est également assurée. C'est d'ailleurs, selon moi, l'une des sources d'alimentation de Pôle Emploi. L'échec en année de licence est un scandale. Lorsque l'on sait que seulement 2 % des bacheliers professionnels réussissent leurs années de licence, lorsque l'on a plus de 60 % d'échecs en première année de licence, on ne peut pas s'estimer heureux. M. le Président, que pensez-vous de la mise en place d'une orientation qui se ferait de la sixième à la terminale, en remplacement d'une affectation aujourd'hui trop brutale ? Parallèlement, en ce qui concerne les prérequis, nous en avons proposé un certain nombre. Il faudrait donner aux étudiants le taux de réussite et le taux d'insertion dans chaque filière. Les universités peuvent-elles le faire ?
Ma deuxième question porte sur la remise en cause du baccalauréat comme premier grade universitaire.
Enfin, le patrimoine immobilier des universités doit-il devenir une compétence régionale ? Je me réfère à mon expérience : en tant que président d'un conseil général j'ai investi plus de 100 millions d'euros dans le campus universitaire de Strasbourg, sur un plan bâti en commun entre la région, le département, l'État et l'université. Êtes-vous favorable à cette régionalisation ?
M. Olivier Paccaud. - Je remercie le Président Roussel pour sa présentation précise ainsi que sa franchise dans son approche du projet de loi de finances. La présidente a évoqué les 4 000 jeunes sans affectation il y a de cela trois semaines. Quelle est la situation aujourd'hui ? En matière de coopération internationale, le Brexit va t'il avoir des répercussions pour nos jeunes souhaitant étudier outre-Manche ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sur cette dernière question, je peux vous donner le témoignage de notre mission d'information qui s'est rendue en Inde en mars dernier. En raison du Brexit, ainsi que de l'élection de Donald Trump, nos interlocuteurs indiens nous ont expliqué se tourner vers nos pays et cherchent à envoyer davantage étudiants en France.
Mme Sylvie Robert. - On parle de contrats de réussite, de prérequis. Nous sommes tous conscients de l'état des lieux de nos universités. Êtes-vous favorable aux prérequis sélectifs ? Ne serait-il pas plus intéressant de mettre en place des prérequis informatifs, incitatifs, de sorte à travailler sur le parcours des jeunes dès le secondaire et à développer un véritable accompagnement, sans sanctionner tout de suite les étudiants à partir de leurs compétences. En effet, j'ai retenu dans vos propos que les objectifs poursuivis étaient les compétences, les désirs des jeunes et leurs objectifs professionnels. Lorsque l'on veut concilier ces trois objectifs, l'on doit mettre en place des dispositifs reposant sur plusieurs leviers, pour ne pas pénaliser les bacheliers technologiques et professionnels.
M. Maurice Antiste. - Ma question sera brève. Tous les problèmes évoqués ici sont transversaux concernant les universités des îles. Cependant, j'aimerais connaître la place dans la gestion et la réflexion aux universités ultramarines, compte tenu de leurs spécificités géographiques et culturelles.
M. Bruno Retailleau. - Je veux revenir rapidement sur cette notion de sélection en posant trois questions : On a réglé en partie le problème de l'entrée en première année de master grâce à la loi issue de la proposition de notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont. Nous y avions à l'époque inscrit un dispositif relatif au « droit à la poursuite d'études », pour lequel j'avais exprimé un certain nombre de craintes. Combien d'étudiants ont-ils demandé à bénéficier de ce dispositif ?
Il existe désormais un problème d'articulation entre le bac et la première année de licence. À tous ceux qui pensent que l'on ne peut rien changer, je voudrais rappeler trois chiffres : 60 % des étudiants échouent en première année de licence, APB n'a pas trouvé d'affectation à 80 000 élèves. Enfin, le tirage au sort, sélection la plus absurde et inégalitaire qui soit, a concerné cette année 169 formations, contre seulement 78 l'année dernière. Tout n'est pas une question budgétaire. Je pense que l'orientation est scandaleusement faible. Je l'ai constaté en tant que président de région. En France, il vaut mieux, pour réussir ses études, être bien-né. On ne peut pas se contenter de cette situation. L'orientation est une notion-clé. Les prérequis sont un autre mot pour « sélection ». Ma question est la suivante : ces prérequis doivent-ils être, selon vous, adoptés dans un cadre national, ou dans un cadre local, université par université ?
Enfin, les passerelles, qui sont pour moi des systèmes de deuxième chance, sont fondamentales. Ainsi, dans ma région, l'Université d'Angers a développé des passerelles extraordinaires pour les études de santé. L'autonomie, les situations locales, l'initiative de présidents d'université, de doyens, permettent de faire avancer les choses. Qu'en pensez-vous ?
Mme Mireille Jouve. - Mon intervention concerne l'expérimentation dans la lutte contre l'échec au sein d'Aix-Marseille Université. Vous avez évoqué les regroupements universitaires. Dans les Bouches-du-Rhône, la fusion de l'Université de Provence, de l'Université de la Méditerranée et de l'Université Paul Cézanne a eu lieu en 2012. Aujourd'hui, au sein d'Aix-Marseille Université, 40 % des étudiants de première année de licence ne se présentent pas aux examens, ou à l'ensemble des épreuves. Le président de l'université prône un droit à l'expérimentation pour entreprendre de remédier à ce constat d'échec. C'est au niveau local que plusieurs pistes sont explorées, comme la mise en oeuvre d'une licence en quatre ans, impliquant une remise à niveau en première année, ou encore l'intervention d'étudiants devant les lycéens. Ces types d'initiatives vous paraissent-elles aller dans le bon sens ?
Mme Annick Billon. - Le problème de l'université ne pourra se régler que par l'orientation. Quels moyens met-on en place ? Comment forme-t-on les professeurs à partir du collège à l'information et l'orientation ? Pour le moment, ils ne disposent d'aucun outil, d'aucune formation.
Nous souhaitons également favoriser certaines filières. Or, nous n'avons pas parlé aujourd'hui des débouchés. On oriente parfois les jeunes vers l'université, sans se poser la question du débouché, du métier. C'est pourtant le sujet principal. Le succès à l'université réside dans l'existence d'un projet. Les gens qui travaillent à l'université vous le diront : les jeunes entrant à l'université sans véritable projet échoueront - et malheureusement beaucoup de jeunes entrent par défaut dans la filière universitaire. Parfois, ils ont demandé d'autres choix qui sont des formations un peu plus courtes. Il y a vraiment urgence, car nous maltraitons nos jeunes, à la fois par la procédure APB, par le tirage au sort, mais également dans les conditions d'accueil. Vous avez évoqué la faculté de Nantes. Pour ma part, j'entends des jeunes me dire qu'ils patientent dès 6h30 du matin devant les portes fermées de l'amphithéâtre, car il n'y a pas de places pour tout le monde.
M. Pierre Laurent. - Manifestement, nous avons un débat sur le niveau de la dépense d'avenir qu'il faut consacrer à l'université et à la recherche. On peut débattre du niveau d'échec et de la sélection. Toutefois, il faut d'abord se mettre d'accord sur une chose. Le niveau de la dépense d'avenir pour l'université et la recherche est-il suffisant dans notre pays ? J'ai entendu dans ce que vous nous avez dit que, dans de nombreux domaines, des signaux d'alerte existent : la dépense par étudiant, l'augmentation du nombre d'étudiants, le problème de l'état du patrimoine universitaire. C'est d'abord cela que nous devons retenir. Et ensuite traiter les sujets qui vont avec, si nous voulons élever cette ambition.
Je suis très sensible à une question que vous avez soulevée et sur laquelle nous aurions besoin d'un bilan. Il y a eu beaucoup de transformations et de regroupements. Où en est-on de la cohérence territoriale ? Cette question rejoint celle de l'orientation. Cela permettrait de regarder où en est la cohérence territoriale de l'implantation universitaire, en lien avec le problème de l'état des formations secondaires. D'immenses inégalités existent en la matière. Dans le secondaire, par exemple, on constate une inégalité criante entre les moyens accordés aux enfants de Seine-Saint-Denis et ceux d'autres départements. À cela s'ajoute un sous-équipement universitaire dans ce département, dont la population est extrêmement jeune. Le problème de cohérence territoriale mériterait d'être traité.
Enfin, s'agissant des étudiants étrangers, j'entends la remarque sur le Brexit, mais on ne peut pas dire que, au cours des dernières années, la France ait fait preuve d'une grande capacité d'accueil. Pourtant, dans le monde qui est le nôtre aujourd'hui, nous devrions beaucoup plus jouer la carte de l'échange universitaire.
M. David Assouline. - Parce que l'échec en licence est important, faudrait-il plaider pour une sélection sans tabou ? Dans une France où les mots ont un sens, la sélection est un projet défendu en général par la droite, et l'orientation est un autre axe politique qui s'y oppose.
D'où ma question : va-t'on se concentrer sur l'orientation ou sur une sélection qui est déjà très forte ? Je tiens à rappeler que ceux qui vont à l'université sont déjà issus de certaines classes sociales. Tout le système scolaire, du primaire jusqu'à la fin de l'université, est un système de sélection par l'échec. Comment y remédier ?
Au-delà des orientations mal faites, comment fait-on pour répondre à une des raisons de l'échec, qui est ce que j'appellerai la « misère étudiante » ? Quand on arrive à l'université, même lorsqu'on est issu de classe moyenne, on doit travailler à côté, occuper des petits boulots qui deviennent de plus en plus déstructurants et ne permettent pas un apprentissage tout à fait stable. Qu'est-il fait pour la vie étudiante pour permettre de répondre à cela ?
Enfin, si l'université doit tendre vers un débouché professionnel, deux conceptions peuvent s'affronter : l'orientation pour apprendre un métier donné ; et des systèmes, y compris le système américain, qui attendent l'après-licence pour proposer une spécialisation, et essayent en licence de donner un cadre général, surtout dans un monde où il faudra s'adapter régulièrement à différents métiers. Le socle fondamental de connaissances, mais aussi de curiosité et de capacité à s'adapter, reste essentiel. L'orientation, c'est aussi faire en sorte qu'il n'y ait pas de séparation si brutale entre le travail manuel et intellectuel.
Mme Marie-Pierre Monier. - Aujourd'hui, près d'un quart des étudiants renoncent à se soigner pour des raisons financières. Il me semble que l'affiliation des étudiants au régime général de la sécurité sociale est en cours de discussion. Savez-vous si le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera prochainement examiné à l'Assemblée nationale, reprend cette idée ? À votre connaissance, y-a-t-il eu des rencontres et des concertations avec les mutuelles étudiantes ? Enfin, quelles pourraient être les propositions de la CPU pour améliorer la prévention et l'accès aux soins des étudiants ?
Je voudrais rapidement évoquer la question de l'orientation car je m'en suis occupée pendant trente ans auprès des élèves. Elle se construit année par année, très tôt, par l'échange. Quand on est professeur principal, que l'on soit au collège ou au lycée, il existe des personnes ressources dans les établissements - les conseillers d'orientation pédagogique (COP). A l'heure actuelle, ces personnes sont présentes une demi-journée, ou une journée par semaine, dans des établissements qui peuvent compter jusqu'à 1 500 élèves. Il est nécessaire d'augmenter la présence des COP, qui sont des aides précieuses pour les professeurs principaux.
Mme Sonia de la Provôté. - À défaut d'avoir réussi l'adéquation dans l'orientation entre les compétences, le désir et le parcours et la réussite professionnels, on constate ces dernières années, une sélection sociale. Ainsi, en médecine, les préparations payantes se sont multipliées ; elles sont devenues des passages quasi-imposés pour la réussite au concours. Cela n'était pas le cas il y a vingt ans. Cela permettait d'avoir une représentation sociale diversifiée dans les promotions de médecine. De manière plus générale, dans certains métiers et pour certaines filières, ce sont des écoles privées, payantes, très onéreuses, qui garantissent la réussite et la qualité sur le marché du travail. Est-il légitime que l'on passe par des préparations payantes, des concours et des formations payantes pour pouvoir garantir sa réussite professionnelle ? En outre, est-on capable de donner des moyens à des étudiants qui n'ont pas la chance sociale de pouvoir accéder à ces formations ?
Mme Samia Ghali. - Nous sommes face à une hypocrisie sociale avec d'un côté une université qui ne permet pas la réussite et de l'autre des écoles privées qui sont créées dans des domaines toujours plus nombreux et qui arrivent à faire réussir un certain nombre d'élèves. Dès la maternelle, les écarts sociaux se creusent ; après le bac, ils s'amplifient. N'a-t-on pas intérêt à chercher la solution ailleurs, par exemple, en permettant aux parents de bénéficier d'une déduction fiscale lorsqu'ils veulent aider leur enfant à travers un prêt ou une aide pour pouvoir l'accompagner, notamment dans les écoles privées ? D'autre part, il faudrait libérer de la place à l'université. Quand 40 % des élèves de première année ne se présentent pas à l'examen, c'est parce qu'ils sont déjà désespérés, ils ont déjà décroché. Or ces décrocheurs, on ne les retrouvera plus, parfois même pas sur le marché de l'emploi, car ils n'ont aucune formation. Enfin, ne pourrait-on pas envisager la création d'une niche fiscale pour les entreprises qui accorderaient des bourses à l'université ?
Mme Laure Darcos. - Parmi les annonces du gouvernement pour cette rentrée, ont été évoquées 5 000 missions de service civique déployées au sein des universités et des établissements d'enseignement supérieur, notamment pour l'inclusion des étudiants handicapés. Pourriez-vous nous en dire plus ?
M. Antoine Karam. - À travers vos propos et le débat qui s'en est suivi, nous avons bien compris que les universités doivent être une vitrine. La France n'est pas seulement un hexagone, et mon collègue Maurice Antiste l'a précisé. Grâce aux outre-mer nous disposons d'une dimension mondiale, et par notre positionnement géographique dans l'océan Indien, dans les Caraïbes, dans le Pacifique et en Amérique du Sud, nous attirons beaucoup d'étudiants étrangers. Pourriez-vous nous préciser quel rôle les universités des outre-mer pourraient jouer pour donner une dimension encore plus forte aux relations que nous avons avec nos pays voisins ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Une dernière question qui concerne le lien entre les universités et les nouvelles grandes régions. Ces dernières ne peuvent pas se désintéresser de leurs universités et sont fortement impliquées dans le suivi de la formation et de l'enseignement supérieur. Pourriez-vous nous faire un point sur ce sujet ?
M. Gilles Roussel, Président de la Conférence des présidents d'université. - Tout d'abord je vous remercie pour vos questions qui montrent l'intérêt que vous portez à l'université et qui sont à la hauteur des enjeux de l'enseignement supérieur. Bien évidemment, la question de base est celle des moyens mis à disposition de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous considérons à ce stade qu'ils sont insuffisants et qu'il faut les augmenter. Mais, même en les augmentant, un certain nombre de questions qui ont été posées demeurent légitimes. Je vais ainsi plutôt m'intéresser à ces dernières, qui ne sont pas nécessairement rattachées aux problématiques budgétaires.
La CPU est favorable à ce que l'orientation débute le plus en amont possible, notamment au lycée. Pour autant, le personnel doit être formé à cette orientation et doit être capable de renforcer l'orientation des jeunes. Il faut faire en sorte que les universités aient plus de liens avec les lycées - ce que l'on appelle le continuum BAC-3 / BAC+3 - et qu'ainsi les lycéens connaissent mieux l'université. Souvent, l'orientation se fait avec un défaut de connaissances du système d'enseignement supérieur et de recherche français. A titre d'exemple, le système APB oblige qu'un voeu au moins porte sur une formation « pastille verte ». On s'est aperçu que grâce à ces « pastilles vertes », un certain nombre d'étudiants avaient découvert des formations qui leur correspondaient. Certaines sont même devenues des pastilles rouges écarlates du fait de l'intérêt qui leur était finalement porté par les étudiants. L'université doit renforcer ses liens avec les lycées pour améliorer la connaissance des formations disponibles.
La question de la paupérisation de l'université rejoint celle des moyens. Aujourd'hui, l'université est à la limite de ses capacités d'accueil. Les universités font au mieux au vu des conditions. Tous les enseignants chercheurs font du mieux qu'ils peuvent, mais les groupes sont très disparates, on supprime des options pour pouvoir accueillir les étudiants. La qualité de l'accueil dans nos universités n'est pas satisfaisante.
Certains établissements ont fait le choix de la dévolution du patrimoine principalement les premières années, lorsqu'il était très valorisable. J'ai l'exemple de l'université de Poitiers qui possédait beaucoup de bâtiments en centre-ville, qui a pu les valoriser et les revendre. Ce n'est pas le cas de toutes les universités. Aujourd'hui, la dévolution se fait sans remise à niveau du patrimoine universitaire. Les universités sont tentées de prendre cette responsabilité, car les coûts leur incombent, avec un patrimoine souvent dégradé. En revanche, les universités sont toutes conscientes de l'importance de la question immobilière. Que ce soit en termes d'économies d'énergie mais également d'adaptation des locaux aux nouvelles pratiques pédagogiques. Si on veut faire évoluer la réussite des étudiants, on ne peut pas se contenter d'avoir des amphithéâtres de plus en plus grands, de multiplier les lieux. Il faut peut-être trouver de nouvelles modalités pédagogiques qui doivent pouvoir s'implémenter dans le patrimoine. Les universités souhaiteraient pouvoir être plus impliquées, avoir une plus grande maîtrise de leur patrimoine. Là encore, cela demande un investissement, mais qui permettra un retour sur ces derniers grâce aux économies d'énergie.
En matière d'insertion professionnelle, l'université a énormément changé, depuis la loi de 2007 et l'introduction des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle (BAIP). Beaucoup de nos formations se sont orientées vers de la formation à vocation professionnelle. Les résultats d'insertion professionnelle de nos formations, que ce soit en licence professionnelle ou en master sont, en général, très bons. Il y a une réelle évolution, même si on peut aller plus loin. Aujourd'hui, cette question est au coeur des réflexions des différentes universités.
En revanche, des progrès importants peuvent encore être réalisés sur le recours aux fonds de la formation professionnelle. Même si certaines utilisent déjà ce système, les universités auraient intérêt à davantage s'impliquer et utiliser plus fortement les fonds de la formation professionnelle, que ce soit ceux de l'apprentissage ou ceux de la formation continue. Pour autant, on ne peut pas substituer ces moyens à d'autres financements. La formation professionnelle se différencie de la formation initiale et de l'accueil des étudiants en première année de licence. On ne peut pas dire que la formation continue et les marges budgétaires dégagées dans ce domaine vont permettre de mieux accueillir et de faire réussir des étudiants en première année de licence. Ceux-ci, de notre point de vue, relèvent des missions de l'État et donc doivent procéder d'un financement public.
L'échec des étudiants issus des bacs technologiques et professionnels est également au coeur de nos réflexions. Nos universités font ce constat. Doit-on considérer que c'est satisfaisant, et que tout ce qui a été mis en place convient ? Au contraire, comment faire pour aller plus loin ? La CPU propose, dans le cadre de la concertation, que la licence générale ne soit pas le seul vecteur d'accès à l'enseignement supérieur. Cette licence, qui est une licence en trois ans permettant normalement la poursuite d'études, ne doit pas être choisie par défaut, lorsque l'on n'a pas réussi à aller autre part car cela dévalorise cette formation. En outre, on envoie des jeunes à l'échec. Nous préconisons de pouvoir mettre un mode de sélection par une forme de prérequis. Mais ce ne serait pas une sélection « sèche ». On la souhaite prescriptive, mais en parallèle, nous proposons une formation à chaque jeune souhaitant aller dans l'enseignement supérieur. Nous souhaitons des formations plus professionnalisantes - on sait déjà faire des licences professionnelles - ainsi qu'une remise à niveau.
Nous faisons également le constat que si dans certaines universités, le taux de jeunes boursiers en première année atteint les 40 % celui-ci n'est plus que de 10 à 12 % en master. La sélection sociale se produit quoi qu'il arrive. Il faut ainsi être capable d'accompagner les jeunes, de façon individuelle afin d'être en mesure de les faire réussir. Nous souhaitons mettre en place dans les universités des points d'entrée qui permettent de remettre l'élève à niveau pour poursuivre ensuite, soit en licence générale, soit dans d'autres types de filières. Des expérimentations en cours semblent porter leurs fruits. Nous proposons également que les universités s'engagent en matière de diversité sociale.
Cela rejoint d'autres questions, notamment celles de la sectorisation. Les universités doivent également être au service de leurs territoires. Elles ont un rôle social d'accueil des étudiants du territoire. En effet, beaucoup souhaitent étudier dans les universités de proximité. Il faut donc leur garantir cette possibilité d'accès, tout en permettant une certaine fluidité pour ne pas qu'un jeune soit d'emblée exclu d'une autre université. Nous sommes favorables à la mise en place d'objectifs pour les universités, en matière d'accueil et de réussite de jeunes issus des catégories socio-professionnelles les plus défavorisées, ainsi que des étudiants venant du territoire, comme nous l'avons proposé pendant la concertation. Le maillage territorial est une difficulté. La ministre évoquait la question de l'éloignement. On voit bien dans APB, que parfois les choix sont liés à la proximité territoriale. Si certains jeunes font un choix de filière unique dans toute la France parce que souhaitant absolument suivre cette formation, d'autres n'ont qu'une logique de proximité géographique. On a, là encore, un dilemme : comment les universités peuvent-elles se projeter dans des endroits plus ruraux, comment assurer le lien formation-recherche dans une petite implantation de l'université, comment assurer les locaux ? Avoir un grand bâtiment unique où tous les étudiants sont accueillis est bien moins cher que d'avoir plusieurs petits bâtiments que l'on doit entretenir et assurer. Toutes ces questions sont à étudier.
Pour ce qui est de la réforme du baccalauréat, aujourd'hui, on ne peut pas considérer qu'il s'agisse du premier grade de l'enseignement supérieur. En revanche, nous réfléchissons, dans le cadre de la réforme, à mieux impliquer les universités et à faire en sorte que les conseils de classe des lycées donnent plus d'informations pouvant servir par la suite. Des critères autour de l'acquisition de grands domaines disciplinaires pourraient permettre de décider par rapport aux prérequis. Mais on pourrait aussi disposer d'informations plus générales portant, par exemple, sur l'autonomie de l'élève. Ces critères aideraient à décider si l'étudiant a toutes les chances de réussir à l'université ou s'il est souhaitable de lui proposer un accompagnement plus particulier.
En ce qui concerne le numérique, il ne faut pas croire que cela va tout changer. On a beaucoup parlé de MOOCs. Toutefois, les personnes qui les consultent sont souvent déjà très bien formées ; d'autres ne suivent pas l'intégralité de la formation proposée. Il est assez difficile de remplacer les cours de première année par des MOOCs. Le numérique peut être un accompagnement, une transformation des modalités avec lesquelles on accompagne les jeunes, mais il ne faut pas le voir comme une capacité à diminuer les coûts. On aura toujours besoin d'un face à face avec le jeune. On peut renouveler l'exercice, avec un travail en petit groupe en travaux dirigés (TD), mais l'amphithéâtre de médecine ou de STAPS ne pourra jamais être remplacé par un MOOC.
La formation des enseignants et enseignants chercheurs est obligatoire et sera mise en place dans les universités. La CPU était plutôt pour un droit à la formation sur l'ensemble de la carrière. Ce n'est pas nécessairement lorsque l'on entre dans le métier que l'on a toute la conscience des problèmes que l'on pourra rencontrer. Aujourd'hui des enseignants se retrouvent face à des populations d'étudiants qui ont beaucoup évolué depuis le moment où ils ont commencé leur carrière.
J'ai également été interrogé sur les résultats de la concertation. Je n'ai pour l'instant aucune information. Je ne sais pas ce qui va être annoncé demain.
La formation tout au long de la vie et les cours du soir constituent un combat quotidien : nous devons transformer nos universités. Des avancées existent, mais cela prend du temps, les pratiques et les moyens à notre disposition n'étant pas toujours suffisants. Nous sommes conscients de la nécessité d'aller dans ce sens.
Bien sûr, le guide de la laïcité à l'université a eu beaucoup d'impact. Mais il est vrai que nous rencontrons des difficultés à le mettre en oeuvre quotidiennement. Souvent, certaines décisions sont prises par d'autres personnes que le président de l'université. La CPU travaille sur une plus large diffusion.
J'ai été interrogé sur la situation actuelle de jeunes non affectés par la procédure APB. Avant les vacances, la difficulté était d'arriver à trouver une place à ces jeunes à partir de leurs choix initiaux. Les problèmes rencontrés ont été dus à l'augmentation des effectifs, mais aussi à la possibilité offerte aux étudiants déjà inscrits en première année de se réorienter. Il nous semble que c'est une bonne chose de constater une augmentation du nombre de jeunes souhaitant aller à l'université, même si cela rend les choses plus compliquées. Il faut rappeler que le nombre d'étudiants supplémentaires cette année est comparable à l'année précédente.
En ce qui concerne les réorientations, la CPU est plutôt favorable à ce qu'elles soient faites via APB, que soit permis à tout étudiant ayant fait une erreur d'orientation de pouvoir postuler au même niveau que les autres, plutôt que de revenir à un mode où il n'a pas accès à l'ensemble des formations de l'enseignement supérieur. Au final, on s'aperçoit que les jeunes non affectés aujourd'hui sont très majoritairement des détenteurs de bacs professionnels ou technologiques. Bien souvent, l'université n'est pas l'endroit où ils souhaitaient s'inscrire. Ce qui manque aujourd'hui, ce sont des formations pour ces jeunes. La question qui se pose est celle de la mise en place de formations qui répondent à leurs compétences et qui conduisent aux métiers qu'ils souhaitent exercer.
S'agissant d'APB, je ne pense pas qu'il soit utile de jeter l'outil globalement. Celui-ci a permis de remplacer les longues files d'attente pour les inscriptions. Auparavant, nombre d'étudiants ne pouvaient s'inscrire. Ce qui pose problème aujourd'hui c'est le tirage aléatoire et l'illisibilité du système pour les étudiants et leurs parents. Nous sommes actuellement dans l'incapacité d'expliquer à un étudiant la raison pour laquelle il n'a pas été pris dans la filière qu'il avait demandée.
La fusion entre l'UPEC et l'UPEM n'a connu aucune avancée pour l'instant mais nous continuons à travailler ensemble.
Les taux de réussite et d'insertion des licences professionnelles sont très bons. Nous préconisons de pouvoir prendre des jeunes dès la première année. Toutefois, cela demande des moyens supplémentaires mais on peut peut-être s'appuyer sur l'apprentissage.
L'opposition entre affectation et orientation est l'un des problèmes que l'on rencontre très fréquemment. Les jeunes ne s'intéressent à la question de leur poursuite d'études que lorsqu'ils sont devant le mur de l'affectation d'APB. Il apparaît qu'APB est un outil d'orientation. Or ce n'est qu'un outil d'affectation.
En général, les universités sont prêtes à diffuser leur taux d'insertion et de réussite. Certaines d'entre elles le font depuis longtemps. Toutefois, ceci est parfois difficile pour certaines licences dont le nombre d'étudiants est très faible, présentant des variations potentiellement très importantes d'une année sur l'autre.
Concernant le patrimoine universitaire, nous comptons beaucoup sur les régions. Dans mon université, s'il n'y avait pas eu la région, le bâtiment n'existerait pas. Toutefois, la CPU n'ayant pas mené à ce stade de débat sur une dévolution de ce patrimoine aux régions, je ne me permettrai pas de me prononcer sur ce sujet aujourd'hui.
Le Brexit est un réel enjeu. Nous avons beaucoup d'appels des universités britanniques nous interrogeant sur les futurs échanges ainsi que sur la capacité à accueillir de part et d'autre des étudiants et des enseignants chercheurs. Il existe une vraie inquiétude. L'impact concerne non seulement la relation avec le Royaume-Uni, mais aussi avec d'autres pays, notamment au niveau européen, l'axe franco-allemand universitaire étant renforcé. La France a repris une position de leader au niveau de l'accueil dans l'enseignement supérieur et la recherche.
- Présidence de M. Jean-Pierre Leleux, vice-président -
J'ai également été interrogé sur les universités d'outre-mer. Au niveau de la CPU, j'ai rencontré spécifiquement le groupe des universités ultramarines pour travailler avec elles. Les problématiques sont extrêmement différentes de celles que l'on peut avoir en métropole. Je n'ai pas tous les chiffres en tête, mais je sais qu'à La Réunion, en première année de licence, plus de 50 % de bacs professionnels entrent à l'université. Nous préconisons des solutions adaptées à chacun des territoires. On souhaite pouvoir expérimenter sur les territoires, non pas pour déréguler, mais pour pouvoir s'adapter à ce qui se passe. Pour nous, il est également important d'évaluer les dispositifs mis en place, avant, éventuellement, de les mettre en oeuvre sur d'autres territoires. Inversement, il faut pouvoir mettre fin à des expérimentations si elles ne sont pas concluantes. L'évaluation scientifique de l'expérimentation doit permettre, si cette dernière ne correspond pas aux attentes de la Nation, de revenir en arrière pour faire ensuite d'autres propositions.
S'agissant du droit d'accès à la première année de Master, 2 000 à 3 000 étudiants ont fait appel au recteur dans le cadre du droit à la poursuite d'études. C'est un chiffre faible comparé à la masse des étudiants en master, même s'il faut traiter des cas individuels. La loi a peut-être un défaut. Aujourd'hui, lorsque le recteur vient nous voir, il donne aux universités le nom de la personne et la licence qu'elle a obtenue ainsi que les choix de master qu'elle veut dans l'université. Mais il est très difficile de proposer un choix à ce jeune, car nous n'avons pas accès à son dossier universitaire. La procédure doit être améliorée. Dans tous les cas, il est encore un peu tôt pour tirer un bilan de cette loi. Plus encore, les étudiants concernés dès cette année se sont vus appliquer une réforme à laquelle ils n'étaient pas préparés. La question de l'orientation se pose également au niveau du master.
En matière de prérequis, il faudra sans doute fixer un cadre national, mais avec des adaptations possibles localement. On a parlé tout à l'heure de l'outre-mer ; il faudra nécessairement des solutions pour prendre en compte les spécificités locales.
La revalorisation des métiers de l'enseignement supérieur est liée aux moyens de l'université. Bien évidemment, nous souhaiterions être plus attractifs, mais cela ne dépend pas de la CPU.
La mise en place de missions de service civique pour accompagner des étudiants en situation de handicap à l'université est encore au stade des annonces. La convention n'est toujours pas signée et il sera compliqué de la mettre en oeuvre cette année. En revanche, les universités essaient d'avancer sur ce point. Cela rejoint la question de la santé étudiante. Aujourd'hui, les universités n'ont pas les moyens d'accompagner la santé étudiante. Pourtant, que ce soit en matière de handicap ou de prévention des risques, les besoins se font sentir. J'en profite pour vous dire que dernièrement l'État nous a transféré la charge de la visite médicale des étudiants étrangers. Celle-ci incombait aux services des ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur, avant l'arrivée en France des étudiants concernés. Désormais, c'est aux universités de la réaliser mais elles ne disposent pas des moyens nécessaires. Il n'y a aucun moyen d'assurer qu'il n'y aura pas de risques sanitaires, de contagions avec des maladies telle que la tuberculose.
Les universités sont conscientes de la question de l'emploi des étudiants. Elles ont signé des chartes avec des employeurs afin de faire en sorte que le temps de travail soit compatible avec le temps d'études. Ainsi les chartes prévoient que si le jeune a besoin, pour une raison quelconque, d'une modification ou d'une diminution des horaires, l'employeur s'engage à la rendre possible.
Enfin, en ce qui concerne les prépas privées, il faut s'engager à permettre d'autres voies d'accès aux formations, notamment en médecine. Des expérimentations sont menées dans certaines universités, notamment via la procédure Alter-PACES, qui permet de diversifier les publics accédant aux études de santé. Il existe également des accompagnements par des étudiants de deuxième, troisième ou quatrième années, même s'ils n'ont pas le même impact que les prépas privées.
De manière générale, les universités ne sont pas favorables à ce que l'État accorde des moyens aux établissements privés. Si les universités disposaient des mêmes moyens et mêmes conditions que ces établissements, elles obtiendraient des résultats similaires. Nous sommes bien conscients que l'enjeu est dans le taux d'encadrement et la capacité à mieux individualiser le parcours des jeunes. Une petite structure avec des moyens peut en avoir la capacité, une université plus difficilement.
Toutefois, je tiens à souligner pour terminer sur une note positive, que de plus en plus d'étudiants souhaitent s'inscrire à l'université, notamment dans les filières scientifiques. Les universités ont mis en place, en économie et en gestion, des instituts d'administration des entreprises (IAE) qui ont des taux d'insertion excellents et ont un coût bien moindre pour les jeunes et la société que les écoles de commerce privées.
En conclusion, je dirai que certains éléments sont perfectibles dans l'université. Les moyens manquent. Mais il existe aussi de formidables réussites.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 30.