Mercredi 11 octobre 2017
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 11 heures.
Audition de MM. Jean-Marc Huart, directeur général de l'enseignement scolaire, et Xavier Turion, adjoint au directeur général, au ministère de l'éducation nationale
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous souhaitons la bienvenue à M. Xavier Turion, adjoint au directeur général de l'enseignement scolaire et à M. Jean-Marc Huart qui va nous rejoindre. L'objet de cette audition est de nous présenter les conditions et les enjeux de la rentrée scolaire 2017.
Le dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) dans certaines zones et le décret de juin ouvrant la possibilité de revenir à la semaine de quatre jours dans certaines communes sont deux nouveautés de cette rentrée scolaire qui nous préoccupent, tant dans l'intérêt des enfants que comme représentants des élus locaux. Ces mesures ont été accueillies de manière positive, mais non sans difficultés. La décision extrêmement tardive de ne pas renouveler une grande partie des contrats aidés a placé de nombreux élus locaux dans une situation extrêmement difficile, conduisant même parfois au report de la rentrée scolaire.
Nous réaffirmons ce que Jean-Claude Carle et Mireille Jouve, les deux co-rapporteurs de la mission d'information sur les rythmes scolaires avaient conclu : les élus locaux ont besoin de concertation et souhaitent être considérés comme des partenaires à part entière du service public de l'éducation.
M. Xavier Turion, adjoint au directeur général de l'enseignement scolaire. - D'un point de vue technique, cette rentrée scolaire a été préparée par le gouvernement précédent. Preuve en est le volume des emplois créés, soit 10 800 au total, dont 4 311 professeurs dans l'enseignement du premier degré et 4 400 professeurs dans l'enseignement du second degré, auxquels s'ajoutent un peu moins de 2 000 emplois dans l'administration et le secteur médico-social.
Le nouveau ministre a fortement imprimé sa marque en prenant de nombreuses dispositions nouvelles pour traduire la priorité qu'il entend accorder à l'enseignement du premier degré et la nécessité de soutenir avec force les élèves les plus fragiles. Le dédoublement des classes de CP en réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) et l'assouplissement des rythmes scolaires ne sont que des mesures parmi d'autres. Il faut aussi mentionner la mise en place des stages de réussite et le dispositif « Devoirs faits », qui devrait entrer en vigueur après les vacances de la Toussaint, l'assouplissement de la réforme du collège, les mesures en faveur des élèves en situation de handicap ou encore la formation continue des professeurs.
Le dédoublement des classes de CP en REP+ se justifie par le fait que, au sortir de l'école, 18 % des élèves ne maîtrisent pas les bases de la langue française et 28 % d'entre eux n'ont pas acquis les fondamentaux en mathématiques et en sciences. Ces proportions sont considérablement plus élevées en éducation prioritaire, d'où la nécessité d'y concentrer les efforts en agissant dès le CP. Le coût de cette mesure budgétaire n'est pas négligeable, puisque qu'elle devrait mobiliser, à terme, plus de 11 000 professeurs.
Tout récemment et alors que les opinions divergeaient sur le sujet, une étude de l'Institut des politiques publiques a montré que le dédoublement des classes avait des conséquences réelles en matière d'apprentissage, même lorsque les professeurs n'étaient pas accompagnés.
A la rentrée 2017, pas moins de 3 111 classes de CP ont été dédoublées en REP+, avec des effectifs réduits à 12 élèves pour 2 000 d'entre elles et de 13 à 15 élèves pour les autres. La mesure a bénéficié du soutien des collectivités locales, qui ont procédé aux aménagements structurels nécessaires. Parmi les professeurs affectés dans ces classes, 89 % d'entre eux ont une ancienneté supérieure ou égale à trois ans, ce qui est remarquable.
Cette mesure a été permise par des créations d'emplois et par un redéploiement de postes affectés au dispositif « Plus de maîtres que de classes » : sur les 3 087 emplois mobilisés par ce dispositif, 820 ont été consacrés au dédoublement des classes de CP en REP+. Lorsque les classes n'ont pu être dédoublées, les responsables académiques ont recouru au co-enseignement. Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » continue d'exister et sera évalué parallèlement à la mise en place des CP dédoublés.
L'étude scientifique que j'ai mentionnée précise que le dédoublement doit s'appuyer sur une pédagogie renouvelée, structurée, progressive et explicite. Voilà pourquoi nous avons souhaité fixer au sein des programmes des repères annuels de progression, avec pour objectif de personnaliser davantage les apprentissages. Le ministre rencontre ces jours-ci les inspecteurs de l'éducation nationale de circonscription pour leur présenter l'ensemble des mesures qui touchent à l'enseignement du premier degré. Les professeurs disposent désormais d'un espace numérique grâce auquel ils peuvent mutualiser leurs ressources et échanger entre eux. Des évaluations nationales exhaustives sont organisées à l'entrée du CP. Ces dernières ayant donné lieu à des appréciations parfois négatives, notamment de la part de la communauté scientifique, un nouveau protocole sera élaboré pour la rentrée prochaine.
Constatant que la réforme des rythmes scolaires avait créé des tensions dans certains territoires, le Président de la République a souhaité donner une liberté nouvelle aux acteurs, en impliquant les conseils d'école, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le décret du 27 juin 2017 ouvre une possibilité de dérogation à l'organisation en quatre jours et demi qui constitue le droit commun. Cette souplesse accordée aux acteurs sur le terrain a été accueillie favorablement puisque 1,8 million d'élèves, soit 31 % d'entre eux, sont désormais scolarisés sur une semaine de quatre jours. 43,1 % des communes ont au moins une école ayant fait le choix de revenir à la semaine de quatre jours. Toutefois, les aides du fonds de soutien sont conservées pour les communes qui ont fait le choix de conserver la semaine de quatre jours et demi.
Le ministre a souhaité développer les stages de réussite, qui consistent en une mise à niveau de quinze heures organisée pendant les vacances scolaires. Lors de cette rentrée, le nombre de ces stages connaît une évolution favorable, puisqu'ils ont été organisés dans 8 700 écoles, bénéficiant à 83 200 élèves et mobilisant 14 100 professeurs.
L'assouplissement de la réforme du collège était une mesure attendue : les dispositions prises par le gouvernement précédent (interdisciplinarité, autonomie accrue des établissements, accompagnement personnalisé) ont été en grande partie conservées dans un cadre réglementaire moins rigide, notamment en ce qui concerne l'organisation et les thématiques des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Chaque élève a l'obligation de suivre au moins un EPI au cours de sa scolarité au collège, les établissements restant libres d'en organiser davantage s'ils le souhaitent.
Un nouvel enseignement « Langues et cultures européennes » a été créé ; il est l'équivalent des sections européennes d'antan. Le ministre a souhaité permettre la création de classes bilangues, même en l'absence de continuité avec le primaire. L'horaire de latin et de grec a été renforcé sans que les élèves soient obligés de suivre l'EPI « Langues et cultures de l'Antiquité ». En cette rentrée, 16 % des collèges ont ouvert un enseignement « Langues et cultures européennes », dont 14 % dans le public et 21 % dans le privé. Pas moins de 22 % des collèges ont ouvert des classes bilangues, pour un enseignement de ces langues rétabli à 85 %. Concernant l'enseignement des langues et cultures de l'Antiquité, 20 % des collèges ont augmenté le volume horaire qui lui est consacré, pour un rétablissement à 57 %. Ces mesures ont remporté une adhésion assez forte dès cette rentrée, malgré la brièveté des délais. Elles devraient être renforcées l'an prochain.
Après les vacances de la Toussaint, tous les collégiens qui le souhaiteront auront la possibilité de faire leurs devoirs au sein de leur établissement, le volume horaire à dégager restant à la libre appréciation du chef d'établissement. Dans la plupart des cas, cela représentera environ une heure consacrée aux devoirs, quatre jours de travail par semaine. Cette heure ne sera pas forcément reléguée en fin de journée. Elle mobilisera les professeurs, mais aussi les assistants d'éducation, qui pourront ainsi se préparer à l'exercice du métier de professeur. Des jeunes issus du service civique apporteront aussi leur aide, d'où un doublement de leur recrutement de 10 000 à 20 000 pour cette rentrée. Les associations qui interviennent déjà dans les collèges, notamment l'Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) et Zup de Co, seront également mobilisées.
Des moyens budgétaires importants y sont consacrés : 500 000 heures supplémentaires effectives (HSE) seront mises à disposition dès le 1er janvier 2018 dans les établissements dotés de toutes les ressources nécessaires. Des ressources numériques sont déjà constituées, notamment une banque numérique pour l'éducation développée l'an dernier et réalisée à 80 % par des éditeurs scolaires. Un dispositif de formation destiné aux jeunes issus du service civique, aux assistants d'éducation et aux personnes recrutées par les associations est en cours d'élaboration.
M. Jean-Claude Carle. - Je salue la volonté affichée par le ministre de donner la priorité à l'enseignement primaire. Le dédoublement des classes de CP en REP+ est une bonne mesure. Il doit cependant être accompagné par la formation des enseignants à des pédagogies adaptées. Qu'en est-il de la formation continue des enseignants, y compris ceux du second degré ? Et de l'accompagnement des néotitulaires et des contractuels ?
Le dispositif « Devoirs faits » sera mis en place après les vacances de la Toussaint. Y aura-t-il un équivalent à l'école primaire ?
Concernant les remplacements, ceux de courte durée étant particulièrement problématique dans le second degré, comment comptez-vous agir pour assurer la continuité de l'enseignement ? À cet effet, quel regard portez-vous sur le rapport que la Cour des comptes a consacré à cette question ?
Les communes qui font le choix de la semaine de quatre jours et demi verront les aides pérennisées et je m'en félicite. Cela vaut-il aussi pour les aides de la caisse d'allocations familiales ? Si ce n'est pas le cas, on risque d'assister à un exode massif vers la semaine de quatre jours.
M. Jacques-Bernard Magner. - Les fonctionnaires étaient en grève, hier, et parmi eux, beaucoup d'enseignants. Quelles conclusions en tirez-vous ?
Je regrette le changement incessant des rythmes scolaires tous les quatre à cinq ans. Cela tient sans doute au fait que l'on mêle l'intérêt de l'enfant et d'autres, y compris financiers. L'éducation nationale devrait prendre ses responsabilités en la matière.
Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » donne satisfaction et je regrette qu'il soit réduit avant d'être évalué. J'ai quelques réserves sur l'évaluation à l'entrée au CP, car la maternelle est un cycle où l'objectif est d'apprendre à devenir élève, pas d'acquérir des connaissances. Quant aux emplois aidés, je regrette que la décision de les supprimer ait été prise aussi tardivement et brutalement.
Vous avez dit que les jeunes issus du service civique seraient mobilisés pour l'aide aux devoirs. Nous avons beaucoup réfléchi à ce que devait être le service civique dans le cadre de la loi relative à l'Égalité et à la citoyenneté ; il n'a pas pour objet de se substituer à l'emploi !
Enfin, quel avenir prévoyez-vous pour le Conseil supérieur des programmes ?
Mme Françoise Laborde. - Préparée par le gouvernement précédent, cette rentrée scolaire témoigne, malgré les mesures nouvelles, d'une certaine continuité.
S'agissant des rythmes scolaires, le ministère a donné davantage de souplesse. Cependant, la coexistence dans une même commune d'établissements fonctionnant sur des rythmes différents est surprenante. Il faudrait s'assurer que l'intérêt de l'élève a toujours prévalu dans ces choix et pas celui des maires, soucieux de faire des économies ou celui des professeurs, désireux de disposer de leur mercredi matin. Les cinq matinées d'enseignement ne sont-elles pas plus profitables aux élèves ? Une comparaison scientifique serait nécessaire.
M. André Gattolin. - Le rétablissement du délai de carence dans le service public a-t-il eu un impact sur l'absentéisme des enseignants ? Nous disposons de beaucoup de données dans le secteur hospitalier, mais nous n'avons rien de récent dans l'éducation nationale.
Dans les Antilles françaises frappées par le cyclone Irma, est-on en mesure de répartir l'ensemble des enfants en âge d'être scolarisés dans les écoles qui fonctionnent encore ?
Ma dernière question porte sur l'accueil des élèves handicapés. Dès lors que l'enfant atteint l'âge de vingt ans, il n'est plus éligible aux aides de l'éducation nationale pour le handicap, même s'il est encore scolarisé. C'est le cas de mon fils. Il faudrait développer une vision beaucoup plus globale sur ce sujet, pour mettre fin à cette aberration.
Mme Sonia de la Provôté. - La réforme des rythmes scolaires visait à assurer une meilleure adéquation avec la chronobiologie de l'enfant, avec l'objectif d'assurer à tous un égal accès à la culture et au sport. Ces objectifs émanaient du ministère de l'éducation : la loi prévoyait une année de transition, avec l'obligation, la seconde année, d'appliquer le nouveau rythme.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cette décision a été prise par décret, et c'est ce qui a posé problème ! Avec une loi, les choses se seraient peut-être passées différemment.
Mme Sonia de la Provôté. - En effet ! Veuillez m'en excuser, ce sont mes débuts de sénatrice...
Toutes les communes ont eu l'obligation de mettre en place la semaine de quatre jours et demi, les activités périscolaires devant intervenir durant une heure ou une heure trente dans la journée. L'évaluation de l'éducation nationale me semble essentielle, car l'objectif d'équité et d'égal accès de tous à la culture et au sport n'a pas été atteint, y compris dans les grandes villes.
Si l'on détricote ce qui avait été imposé aux communes, doit-on en conclure que cet objectif n'en est plus un ?
Dans certaines grandes villes, les rythmes scolaires seront différents d'une école à l'autre, pour des raisons parfois légitimes avancées par les équipes pédagogiques et les enseignants. En zone d'éducation prioritaire, par exemple, la semaine de cinq jours permet aux enfants, qui n'ont pas d'activités, d'avoir un enseignement le mercredi matin. Ne serait-ce pas à l'éducation nationale de trancher cette question plutôt que de la laisser aux maires et aux conseils d'école ? Il n'est pas de la responsabilité des maires de juger de l'efficacité de la pédagogie à fournir.
Mme Colette Mélot. - D'après ce que j'ai entendu dans mon département, la mise en place du dédoublement des classes en REP+ semble satisfaire les enseignants. Nous attendons l'évaluation qui en sera faite. Dès la maternelle notamment, il faut apporter une plus grande attention aux élèves qui viennent d'arriver en France et dont les parents ne parlent pas bien français. À cet égard, pourquoi ne pas prévoir de très petites sections dans toutes les écoles ?
Les stages de réussite ne me semblent pas très répandus sur le terrain. Qui les encadre ? Des enseignants volontaires ? Des assistants d'éducation ?
M. Jean-Marc Huart, directeur général de l'enseignement scolaire. -Concernant la question des rythmes scolaires, la décision revient in fine à l'éducation nationale : la demande émane conjointement des conseils d'école et des communes, et c'est le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) qui prend la décision. Cela permet de garantir une certaine homogénéité sur le territoire en termes d'équité de traitement. Le DASEN analyse la situation de l'école sur son territoire et décide en conscience. Un grand nombre de demandes n'ont d'ailleurs pas reçu l'assentiment des DASEN ; certaines ont même été faites après la rentrée scolaire, pour une mise en place après les vacances de la Toussaint ou au 1er janvier 2018. Les DASEN n'y ont pas donné suite afin de ne pas déstabiliser l'organisation de la scolarité.
Quant au débat sur l'organisation de la semaine scolaire, le ministre a répété qu'il ne dispose pas d'analyses définitives sur le caractère meilleur de telle ou telle organisation scolaire. Voilà cinq ans, la question se posait dans des termes à peu près identiques. Je rappelle que la réforme de 2013 n'avait pas pour objectif d'organiser le périscolaire ; au contraire, le développement du périscolaire était une conséquence de l'organisation scolaire.
Le ministre a souhaité redonner la responsabilité aux acteurs de terrain pour faire en sorte que l'organisation mise en place soit la meilleure possible. S'agissant des éléments de bilan, certaines études montrent qu'en maternelle et dans les zones les moins favorisées l'absentéisme est parfois plus important dans les écoles appliquant la semaine de cinq jours qu'avec la semaine de quatre jours. Il convient également de rappeler qu'à la suite du décret Hamon, 20 % des écoles libéraient le vendredi après-midi. Aujourd'hui, on constate une diminution réelle du nombre de vendredis libérés - je n'ai pas les chiffres exacts ici - au profit d'une semaine de quatre jours.
Le ministre souhaite également continuer à travailler sur le périscolaire, le para- ou l'extrascolaire -sur ce sujet, mon propos dépasse les compétences de la DGESCO ; Jean-Benoît Dujol est chargé de cette question à la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) -en menant une réflexion sur le mercredi. La réforme des rythmes scolaires -c'est l'un des effets bénéfiques- a engagé une dynamique de partenariat entre le scolaire et le périscolaire, entre l'éducation nationale et les services des communes. Le ministre s'est également prononcé sur le fonds de soutien qui sera maintenu pour les communes ayant conservé cinq matinées d'enseignement par semaine.
En matière de handicap, l'éducation nationale connaît comme tous les autres ministères une diminution du nombre d'emplois aidés. Leur nombre avait connu une très forte progression ces deux dernières années. L'éducation nationale a été privilégiée dans la diminution globale des emplois aidés : nous disposions d'un peu plus de 20 % des emplois aidés avant l'été, contre 40 % environ actuellement. Le ministre a affirmé la priorité absolue de l'affectation des emplois aidés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. La politique menée depuis douze ans est une véritable réussite : 300 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire, et 165 000 d'entre eux bénéficient d'un accompagnement individuel ou collectif. Nous connaissons une augmentation des notifications d'accompagnants, avec 15 000 accompagnants supplémentaires par an. Nous menons aussi une transformation qualitative dans la mesure où l'on transforme des emplois aidés en emplois d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), destinés à être pérennes. Lors de cette rentrée, nous avons transformé 11 600 emplois aidés en 6 700 emplois d'AESH. Sachant que la quotité horaire d'un emploi aidé est de 57 %, cela correspond à plus de 8 000 équivalents temps plein (ETP). Cette politique se poursuivra au cours des prochaines années ; la transformation d'emplois supplémentaires est d'ores et déjà inscrite dans la loi de finances.
L'opération « Devoirs faits » est comme l'opération « CP 12 », une réelle opération d'équité sociale. Le ministre donne la priorité absolue au premier degré, avec le souci de faire porter l'effort sur la maîtrise des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter, respecter autrui - et sur les classes de CP en REP+. Pour « donner des racines et des ailes » aux élèves, le ministre souhaite renforcer les fondamentaux dès la classe de CP. L'an prochain, dans le cadre d'une concertation avec les municipalités, nous dédoublerons les CP en REP et les CE1 en REP+. L'objectif est de concentrer l'effort sur les petites classes pour que les élèves ne se retrouvent pas en difficulté en CE1 ou en CE2.
L'opération « Devoirs faits » est une autre mesure forte d'équité, car il n'y a rien de plus inéquitable que l'inégalité face aux devoirs à la maison. Voilà une dizaine d'années a été introduit l'accompagnement éducatif, qui perdure dans un certain nombre d'établissements, notamment en REP+. Il faut évidemment poursuivre les politiques qui fonctionnent. À la rentrée des vacances de la Toussaint, tous les élèves volontaires pourront participer à l'opération « Devoirs faits », sachant que l'équipe pédagogique pourra susciter dans un dialogue construit avec la famille la participation de tel ou tel élève. Plusieurs heures de devoirs par semaine seront proposées aux élèves à des moments où l'emploi du temps le permettra, et pas obligatoirement en fin de journée. À cet effet, nous mobilisons de nombreuses heures pour les enseignants, ainsi que 10 000 volontaires du service civique et des assistants d'éducation, qui bénéficieront ainsi d'une dynamique de prérecrutement et d'incitation à embrasser la carrière d'enseignant. L'organisation de cette mesure est laissée au niveau local : nous n'imposons rien, nous proposons tout.
Concernant les stages de remise à niveau, je vous communiquerai ultérieurement les chiffres. Le ministre souhaite développer cette mesure. La dynamique est lancée ; elle se poursuivra lors des vacances de printemps et d'été prochain.
Mme Colette Mélot. - Avec quels moyens ?
M. Jean-Marc Huart. - Des enseignants ou, dans une faible proportion, des assistants d'éducation encadrent ces stages.
Mme Colette Mélot. - Des enseignants volontaires ?
M. Jean-Marc Huart. - Bien sûr !
La question de la formation continue des professeurs est centrale. Le dédoublement des CP à douze ne peut pas fonctionner si la pédagogie n'est pas adaptée. Plus de 90 % des enseignants concernés ont plus de trois ans d'ancienneté ; il n'y a pas de néotitulaires pour les CP à douze.
On se réfère souvent au dédoublement expérimenté dans les années 2000 pour arguer d'un échec relatif, mais une étude a montré que cette mesure était un succès dès lors que les professeurs étaient confirmés. Voilà pourquoi nous avons demandé aux inspecteurs d'académie de nommer des enseignants avec une ancienneté de plus de trois ans dans ces classes.
Nous examinerons la question des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ). Il faut regarder très précisément les contenus des accréditations, et j'y travaille avec mes homologues de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) et la direction générale des ressources humaines (DGRH). La formation continue des enseignants est un point extrêmement important. Dans le premier degré, nous avons lancé un plan Maths. Nous le savons, une grande majorité de professeurs des écoles viennent d'études littéraires et ont besoin d'un renforcement en mathématiques.
Les professeurs des écoles ont une obligation réglementaire de formation. Encore faut-il qu'ils puissent être remplacés. Nous avons donc augmenté les moyens pour assurer ces remplacements dans le premier degré.
Nous devrons également définir la manière dont nous mettrons en oeuvre le programme du Président de la République en matière de formation continue des enseignants du second degré, soit trois jours de formation. Depuis cette année, les fonctionnaires, dont les enseignants, disposent d'un compte personnel de formation.
M. Jacques Grosperrin. - Les premières décisions que vous avez prises ont été rassurantes par rapport à tout ce qui avait été fait et défait par le gouvernement précédent.
Je suis ravi que vous donniez la priorité à l'enseignement primaire. Toutefois, il faudrait prévoir un véritable statut pour le directeur d'école. Rien ne pourra se faire sans cela.
En tant qu'ancien directeur de la pédagogie, vous savez très bien qu'il faut s'intéresser à ce qui se passe dans la classe. Une véritable réflexion sur les programmes serait déterminante.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur la mise en place des classes européennes ? Les chefs d'établissement des collèges s'interrogent sur les moyens prévus pour l'opération « Devoirs faits », même si le vade-mecum est une initiative très heureuse et appréciée. Enfin, la réforme du baccalauréat, prévue pour 2021, a-t-elle des répercussions sur l'année actuelle ?
M. Olivier Paccaud. - Vous avez beaucoup utilisé le terme « équité ». Le principe des REP+, c'est de la discrimination positive. Il faut effectivement apporter plus de moyens là où se concentrent les difficultés. Mais qui dit discrimination positive peut aussi impliquer discrimination négative. Aussi, j'évoquerai les écoles dans les zones rurales.
Nombreux sont les maires qui m'ont parlé du dédoublement des classes dans les REP+, alors qu'ils sont eux-mêmes confrontés à des classes de vingt-trois élèves avec un triple niveau, grande section, CP et CE1. Je le sais, Rome ne s'est pas faite en un jour. Vous avez eu recours au quota des remplaçants pour assurer les classes dédoublées. Dès lors, quid des remplacements en zone rurale ? Beaucoup d'élus et de professeurs s'inquiètent de l'effet double lame : les professeurs absents en zone rurale ne seront pas remplacés.
Mme Mireille Jouve. - Le ministre a envisagé de créer une cellule laïcité au sein du ministère de l'éducation nationale pour répondre aux besoins des enseignants confrontés à des dérives religieuses. Lors de la rentrée 2014, des référents laïcité ont déjà été nommés au sein de chaque académie afin de former et d'aider les équipes pédagogiques et éducatives confrontées sur le terrain à des questionnements sur la laïcité. Quels sont les apports du nouveau dispositif envisagé ?
L'interdiction des téléphones portables au sein des écoles et des collèges reste difficile à appliquer même si elle existe déjà dans la loi et les règlements intérieurs de certains établissements. Les conséquences néfastes en termes de comportement et de concentration font consensus. De réelles interrogations demeurent, notamment sur le coût et l'installation d'éventuels casiers, la surveillance des élèves, la volonté des parents de joindre leurs enfants. Pouvez-vous nous éclairer sur cette question ?
Enfin, je souhaiterais aborder la situation des candidats malheureux au concours de recrutement des professeurs des écoles. De nombreuses académies font appel à des personnels contractuels. Pourquoi ne pas recruter les personnes inscrites sur liste complémentaire plutôt que de recourir à des contractuels ?
Mme Annick Billon. - Que fera-t-on des évaluations à l'entrée au CP ? Ces évaluations sont plutôt mal vécues par le corps enseignant. Et que proposera-t-on aux enfants évalués ? Car il faut un retour.
La question des rythmes scolaires a suscité les débats que l'on connaît, surtout dans les territoires ruraux. Vous nous avez dit que le ministre avait choisi d'introduire de la souplesse sans disposer d'éléments pour trancher. Je suis assez surprise par cette méthodologie à l'aveugle. La semaine des quatre jours et demi était-elle la bonne solution ? Finalement, on n'en sait rien...
M. Stéphane Piednoir. - Je me fais le porte-parole des enseignants du premier degré pour souligner la mise en oeuvre difficile des évaluations qui ont été diligentées au début de l'année scolaire, notamment pour les élèves de CP qui ne savent pas encore écrire. La question du niveau à évaluer reste entière.
J'ai une question purement comptable sur le dispositif « Devoirs faits ». Vous avez annoncé 500 000 HSE pour tous les établissements, avec une heure par semaine. Le compte n'y est pas : avec quelque 5 000 collèges publics, on est à moins de quatre heures par semaine dans chaque établissement. Priorisez-vous les collèges en REP+ par exemple ?
Plutôt que de faire appel à des jeunes du service civique ne serait-il pas plus pertinent de recourir à des jeunes déjà formés, même s'ils ont échoué au concours de recrutement ?
M. Jean-Marc Huart. - Les évaluations de CP ont été conçues sur la base du programme dont l'école maternelle dispose depuis la rentrée 2015. Il s'agit de fournir aux professeurs des écoles des diagnostics destinés à eux-mêmes et à l'inspecteur de circonscription, avec des remontées anonymisées pour mettre en place une véritable animation pédagogique et une formation adéquate. Il n'y a pas de remontée nationale de ces évaluations. Nous avons des enquêtes nationales par ailleurs : les études CEDRE sont réalisées sur des échantillons représentatifs.
L'évaluation-diagnostic est un outil essentiel pour traiter la difficulté de l'élève dès qu'elle se présente sans la repousser d'année en année, avec pour objectif de parvenir à un taux de 100 % de réussite à l'issue du CP.
M. Jacques Grosperrin. - Ce n'est pas une évaluation-sanction.
M. Jean-Marc Huart. - Non, surtout pas. J'ai demandé par courrier aux enseignants de l'expliquer aux parents.
M. Jacques-Bernard Magner. - Le Conseil supérieur des programmes a-t-il été associé à leur élaboration ?
M. Jean-Marc Huart. - Non, l'évaluation a été conçue par une équipe composée du conseil national d'évaluation du système éducatif (CNESCO), donc de chercheurs, de chercheurs indépendants, d'agents de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) et de la DGESCO ainsi que d'inspecteurs généraux.
Figurent parmi les moyens octroyés à l'opération « Devoirs faits » les heures supplémentaires des enseignants, les 10 000 contrats de service civique, les assistants d'éducation, un budget de 3 millions d'euros dédié au partenariat avec les associations en 2018.
La ruralité est un autre objectif prioritaire. Ce n'est pas parce que nous priorisons le dédoublement de classes en REP+ que nous oublions les zones rurales. Nous affichons la volonté très claire d'amplifier les signatures des conventions ruralité. Se posent d'une part des questions relatives aux moyens d'enseignement, avec les classes multiniveaux, et, d'autre part, des questions relatives à la culture. La ministre de la culture a pour mission prioritaire le développement de l'éducation artistique et culturelle. Le développement des partenariats avec des conservatoires, des bibliothèques, des médiathèques se fait facilement en milieu urbain. Tout l'enjeu est qu'il en soit de même dans les zones rurales. L'objectif est l'accès pour 100 % des élèves à l'éducation artistique et culturelle.
L'opération « Plus de maîtres que de classes » n'a pas été abandonnée. Elle est évaluée de la même manière que le sera en 2018 le dispositif « CP 12 » à partir d'évaluations spécifiques des élèves. Elle fonctionne très bien dans certains endroits ; dans d'autres, l'apport d'un maître supplémentaire ne profite aux élèves que deux ou trois heures par semaine. Cette opération a été très faiblement touchée par le redéploiement des postes en vue du dédoublement des classes. Nous avons également réussi à favoriser le remplacement avec 700 postes supplémentaires dans le premier degré.
La question du remplacement des enseignants dans le second degré renvoie à la question de l'attractivité du métier et au prérecrutement des assistants d'éducation pour que ceux-ci s'engagent à passer les concours. On pourrait imaginer un concours spécifique. Ces questions concernent mon collègue de la direction générale des ressources humaines (DGRH). Les moyens existent. La DGESCO implante les moyens, mais il y a parfois des difficultés à pourvoir les postes dans certaines disciplines.
Cette année, nous avons eu recours à la liste complémentaire dans le premier degré. Cette solution de court terme n'est pas satisfaisante, j'en suis d'accord. Le recours aux contractuels pose des difficultés en termes de précarité et de qualité de l'enseignement.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Permettez-moi de vous poser une dernière question sur la souplesse qui serait accordée aux recteurs, ou qui leur est déjà accordée, de moduler les vacances scolaires. Il semblerait que des changements soient en cours, postérieurement à l'élaboration des programmes d'un certain nombre d'instituts qui proposent des activités pour les jeunes et aux saisons artistiques d'établissements - musées, théâtres, salles de concert. On m'a alertée sur cette absence de coordination.
M. Jean-Marc Huart. - Dans la semaine du 7 mai, le jeudi de l'Ascension se trouve deux jours après le 8 mai. Or les académies de la zone B rentrent de vacances le 7 mai. Cela pose des difficultés d'organisation notamment pour les internats des collèges et des lycées. Nous ne pouvions pas revoir le calendrier, car il faut un délai d'au moins un an. En revanche, un certain nombre de recteurs, au regard de leurs compétences, et après concertation dans le cadre des conseils académiques de l'éducation nationale, ont modifié le calendrier : les écoles, collèges et lycées seront en vacances la semaine du 7 mai.
Concernant la laïcité, le ministre connaît l'existence des référents laïcité : trente référents, un par académie. L'idée est de faire en sorte que les professeurs, les principaux et les proviseurs qui font face à des manifestations contraires aux principes fondamentaux de laïcité - remise en cause de certains cours de sciences de la vie et de la terre, de physique, d'histoire, des sifflements lors de la minute de silence, etc. - ne soient pas seuls. Nous utilisons le livret laïcité pour établir des fiches très opérationnelles, en nous entourant d'un comité national laïcité, composé de personnalités incontestables sur cette question, pouvant donner des orientations et identifier des manques dans le dispositif national. Sur le terrain, nous souhaitons que les référents laïcité animent des équipes susceptibles d'assister les proviseurs, les principaux et les professeurs.
La question des téléphones portables est complexe. Vous n'avez pas évoqué l'utilisation qui peut en être faite à des fins pédagogiques. Le principe est clair : les élèves doivent quitter les écrans quand ils sont dans un établissement scolaire. Une réflexion est en cours à ce sujet.
Enfin, la question du statut du directeur d'école renvoie à la question du rôle des inspecteurs.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie de ces précisions. J'informe mes collègues que le ministre viendra devant notre commission le 15 novembre 2017.
La réunion est close à 12 h 45.