Mardi 17 janvier 2017
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 9 h 05.
Projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique - Examen des amendements de séance déposés sur les articles délégués au fond
La commission examine les amendements de séance déposés sur les articles délégués au fond du texte n° 288 (2016-2017), adopté par la commission des lois, sur le projet de loi de programmation n° 19 (2016-2017) relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous examinons les amendements de séance au texte du projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer tel qu'établi par la commission des lois. Nous nous prononçons sur les amendements portant sur les articles dont l'examen nous a été délégué au fond, ainsi que sur les amendements portant articles additionnels délégués.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - L'amendement n° 87 du Gouvernement revient sur les modifications apportées par notre commission à l'article 13 C. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 87.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - L'amendement n° 121 supprime l'habilitation prévue par l'article 13 E, que nous avions souhaité conserver. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 121.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - Si je comprends les intentions de l'auteur de l'amendement n° 135, la détermination du contenu des manuels scolaires ou des modalités de représentation des cartes ne relève assurément pas du domaine de la loi ; j'invite la commission à proposer à la commission des lois de soulever l'irrecevabilité de cet amendement au titre de l'article 41 de la Constitution. À défaut, avis défavorable.
La commission propose à la commission des lois de soulever l'irrecevabilité de l'amendement n° 135 au titre de l'article 41 de la Constitution.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - Les amendements n° 170 et 171 visent à imposer la communication, par le chef d'établissement privé sous contrat, du nombre d'élèves susceptibles d'intégrer un établissement public l'année suivante, afin de faciliter l'organisation des rentrées scolaires sur l'ensemble du territoire national ou, pour l'amendement n° 171, dans la collectivité territoriale de Saint-Martin. Ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec l'objet du texte. Pour ces raisons, je vous invite à proposer à la commission des lois de les déclarer irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution. À défaut, avis défavorable.
La commission propose à la commission des lois de prononcer l'irrecevabilité des amendements n° 170 et 171 au titre de l'article 45 de la Constitution.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - L'amendement n° 164 institue un conseil territorial de l'éducation nationale à Saint-Martin. Je propose à la commission de solliciter l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
La commission demandera l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 164.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - L'amendement n° 163 rétablit l'article 13 bis que notre commission avait supprimé, tout en limitant l'extension de l'obligation d'instruction aux seuls enfants âgés de trois à six ans. Avis défavorable, nous en débattrons en séance.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 163.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - L'amendement n° 206 revient, par coordination et par souci de cohérence, sur la suppression des 1° et 2° du présent article que nous avions effectuée. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 206.
Suivi quinquennal de l'application des lois - Communication
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - En complément de notre débat annuel de juin, la conférence des présidents a décidé d'organiser cette année, avant l'interruption des travaux fin février, un bilan quinquennal de l'application des lois. Sous la conduite du président Bérit-Débat, chargé de ce dossier au sein du bureau, chaque président de commission présentera à cette occasion le bilan de quelques lois emblématiques du quinquennat qui s'achève.
À l'évidence, pour notre commission, trois lois se distinguent particulièrement : celle sur la refondation de l'école de la République, celle relative à l'enseignement supérieur et à la recherche et la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine. Les deux premières ont été promulguées en juillet 2013, la dernière en juillet 2016. Le bilan qu'on peut aujourd'hui en dresser est donc par construction très différent : sur le plan quantitatif, c'est-à-dire le nombre de dispositions applicables et le nombre de mesures d'application qui restent à prendre, les deux premières sont pratiquement intégralement appliquées, alors que la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine n'en est qu'à ses débuts. Trois ans et demi après leur promulgation, le bilan de la loi sur la refondation de l'école et de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche peut donc être plus qualitatif.
Je commence par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Elle constitue la traduction législative de la « priorité du quinquennat », en faveur de la jeunesse, annoncée par le Président de la République.
L'ensemble des mesures règlementaires d'application de cette loi ont été prises, les dernières l'étant au cours de la session 2015-2016. Sur le plan strictement juridique, la loi du 8 juillet 2013 est donc totalement appliquée.
Parmi les rapports prévus par la loi, seul celui évaluant l'expérimentation du « dernier mot aux familles » en matière d'orientation en classe de troisième est en attente de publication.
Une particularité de la loi du 8 juillet 2013 est d'avoir prévu, par son article 88, un comité de suivi de son application, composé de douze membres dont huit parlementaires et présidé par notre collègue député Yves Durand, qui fut le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale.
Or, comme l'a rappelé devant notre commission M. Durand, l'évaluation de l'application de la loi ne saurait se limiter à la publication des textes réglementaires qu'elle prévoit. Cela est d'autant plus vrai que, s'agissant d'une loi de programmation, au surplus dans un domaine où, en application de l'article 34 de la Constitution, la loi se borne à en déterminer les principes fondamentaux, une grande partie des mesures de la loi, dont certaines sont des mesures principales, à l'instar de la création de 60 000 postes ou de la réforme du collège, sont prévues par le rapport annexé, dénué de valeur juridique, et relèvent du pouvoir règlementaire.
Là encore, la quasi-totalité des mesures prévues par le rapport annexé par le Gouvernement ont été réalisées, du moins formellement. Il en va ainsi de la création de 60 000 postes dans l'enseignement scolaire, supérieur et agricole. Sur le plan strictement budgétaire, le projet de loi de finances 2017 prévoit ainsi la création de 11 662 postes qui, ajoutés aux 42 338 créés depuis 2012, aboutissent aux 54 000 postes prévus en faveur de l'enseignement scolaire. Cela ne signifie pourtant pas que ces postes seront réellement créés : la Cour des comptes relevait que « sur les 31 627 postes créés entre 2012 et 2015, 27 668 ont été effectivement pourvus » ; en effet, la politique de création de postes se heurte à des difficultés de recrutement, mises en évidence par notre collègue Jean-Claude Carle dans son avis budgétaire consacré aux crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2017.
Sous un angle qualitatif, le comité de suivi de la loi de refondation, dans son premier rapport annuel remis fin 2015, dressait un bilan mitigé de l'application de la loi : « le comité de suivi ne peut qu'être frappé par l'insuffisance de l'appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants, par l'affadissement et la parcellisation de son application ». S'agissant de la priorité donnée à l'enseignement primaire et à l'acquisition des fondamentaux, mesure phare de la loi du 8 juillet 2013, le comité de suivi relevait que sa mise en place était « inégale et diluée », du fait d'« un séquençage des mesures contestables [et] une mise en application reportée », aboutissant à « des attentes globalement déçues ».
Il en va de même de la formation initiale et continue des enseignants. Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) ont été mises en place dans des délais relativement courts et ont fait l'objet d'un important travail de suivi de la part de notre commission, en particulier de nos collègues Jacques-Bernard Magner et Colette Mélot. Dans son rapport, le comité de suivi observait que cette « mise en oeuvre s'avère difficile, rencontre des résistances et se heurte à des pratiques ancrées anciennes et à des configurations structurelles aux logiques concurrentes ». Le caractère professionnalisant de la formation initiale, à laquelle notre commission était très attachée et qui participe de la professionnalisation du métier d'enseignant, n'est pas réalisé. Enfin, s'agissant de la formation continue des enseignants, celle-ci demeure insuffisante, en ce qu'elle ne correspond pas à une logique de développement professionnel et qu'elle contribue peu au déroulement de la carrière. Tout cela conduisait le comité de suivi à s'interroger : sa mise en oeuvre n'est-elle pas restée au milieu du gué ?
Comme vous le voyez à travers ces exemples, mes chers collègues, notre commission est attachée à ce que le suivi de l'application de la loi ne se limite pas au seul suivi de la publication des décrets d'application : de ce seul point de vue, la loi du 8 juillet 2013 est entièrement appliquée. La prochaine étape est certainement l'évaluation de la loi et des mesures qu'elle contient au regard des objectifs qu'elle s'était fixés ; s'il est trop tôt pour juger de l'évolution générale du niveau des élèves, dont l'amélioration est le premier objectif de la refondation de l'école, notre commission a formé avec la commission des finances un groupe de travail chargé de mener un premier travail d'évaluation globale de la réforme des rythmes scolaires, qui devrait rendre son rapport à l'été prochain. La poursuite de l'amélioration et du bien-être des élèves reste un enjeu fondamental.
La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a été promulguée deux semaines après la loi de refondation de l'école. Comprenant 129 articles, elle s'articulait aussi autour de quatre grands objectifs.
Le premier était consacré à la réussite ; il s'agissait « d'offrir de meilleurs chances de réussite à tous les étudiants, améliorer la pertinence de leur orientation et leur insertion professionnelle, pour atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur ».
Sur la première partie de cet objectif, la réussite étudiante, je reprendrai le constat dressé par notre rapporteur - Jean-Léonce Dupont - dans son rapport sur la réforme du système licence-master-doctorat (LMD) : le nouveau cadre national de formation licence, paru en décembre 2013, n'a pas permis d'améliorer la situation et l'échec en licence reste une cruelle réalité pour près des deux tiers des étudiants inscrits dans ce cycle, sans amélioration significative.
En revanche, la loi a porté ses fruits sur plusieurs points, notamment la mise en place de France université numérique (FUN), plateforme sur laquelle 262 MOOCs sont ouverts à ce jour. De même, même si ce changement parfois fait dans la douleur, tous les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ont été transformés en ÉSPÉ, installées au sein de l'université. Troisième élément positif, les expérimentations permises par la loi ont été menées à bien, notamment celle de la première année commune aux études de santé (PACES) ou des études paramédicales. Un rapport d'évaluation devra être adressé au Parlement au cours de l'année 2018. Dernier point concernant la réussite étudiante, le plan national de vie étudiante, mesure qui ne relevait pas de la loi mais s'inscrivait dans son cadre, a été annoncé le 1er octobre 2015.
En matière d'orientation, l'ensemble des dispositifs innovants prévus par la loi ont été mis en place : accès prioritaire des bacheliers professionnels en STS, accès prioritaire des bacheliers technologiques en IUT, droit d'accès pour 10 % des meilleurs élèves de chaque lycée aux filières sélectives de l'enseignement supérieur et décloisonnement entre lycées et universités. Elles ont été complétées par des mesures extra-législatives : amélioration lente mais continue d'admission post bac (APB), développement des passerelles entre filières, création du parcours avenir de découverte des formations et des métiers et simplification de l'offre de formation.
Malgré son ampleur, l'ensemble de ces mesures n'a pas porté tous les fruits attendus et l'orientation reste un mécanisme « couperet » fonctionnant largement sur l'échec et l'éviction, comme l'a montré le rapport fait au nom de notre commission par Guy-Dominique Kennel.
Le deuxième objectif de la loi était de « donner un nouvel élan et une meilleure visibilité à notre recherche ». Certaines mesures ont été appréciées par la communauté scientifique, telles que l'élaboration de la stratégie nationale de la recherche ou la transformation de l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur en Haut conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. En revanche, la création d'un conseil stratégique de la recherche n'a pas donné les résultats escomptés et la diminution drastique des moyens accordés à l'Agence nationale de la recherche (ANR) a ravivé les tensions au sein de la communauté scientifique. Au sein de cette communauté, le fait que le conseil stratégique n'ait jamais été présidé par le Premier ministre, ni même par le ministre chargé de la recherche, et qu'il n'ait jamais fait l'objet de commande de la part du Gouvernement pour enrichir sa réflexion sur la recherche ou préparer une de ses décisions programmées, constitue un signe indéniable d'une certaine désaffection du Gouvernement dans son rôle de stratège en matière d'orientation et de programmation de la recherche. Cet état de fait entraîne des tensions entre les différents acteurs de la recherche. L'ANR se voit mise en cause par sa répartition, jugée peu transparente, des budgets entre les différents comités d'évaluation scientifique. Plus généralement, c'est la réduction importante de la dotation de l'ANR entre 2012 et 2016 (- 24%) qui nuit à son efficacité. Comme nous l'avions d'ailleurs mentionné lors de l'examen du dernier budget au sein de notre commission, les taux de sélection très élevés des appels à projets ont engendré de nouvelles frustrations au sein de la communauté scientifique et ont semé le doute sur la volonté réelle du Gouvernement de soutenir ce secteur. Le Gouvernement a d'ailleurs pris conscience de cette difficulté et a « corrigé le tir » dans le dernier budget.
Le troisième objectif visait à « renforcer la coopération entre tous les acteurs et réduire la complexité institutionnelle [et] concilier la collégialité dans l'université et l'excellence pour tous ». Cet objectif est globalement atteint ou en voie de l'être, dans la mesure où la création des regroupements se poursuit et même si les effets de cette structuration ne sont pas encore fait sentir. La loi a également amélioré la gouvernance des universités en la rendant plus démocratique et plus collégiale avec, notamment, l'instauration des conseils académiques et la rénovation des conseils d'administration, en particulier l'introduction de la parité. Rappelons enfin la création par la loi d'un statut pour les « établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général », qui a largement contribué à la structuration du secteur de l'enseignement supérieur privé. Au 1er août 2016, 44 établissements étaient ainsi labellisés.
Le quatrième et dernier objectif fixé par la loi concernait la dimension internationale de la recherche. La structuration en pôle et la simplification de l'offre de formation de l'université française ont contribué à son attractivité au niveau international, même si cela ne se traduit pas encore dans les grands classements internationaux.
En revanche, alors que l'exposé des motifs de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche présentait la simplification des structures et des procédures comme destinée à permettre aux établissements d'enseignement supérieur et aux organismes de recherche de participer à un plus grand nombre d'initiatives européennes et en dépit des efforts menés, que ce soit la mise en place puis le renforcement des dispositifs d'accompagnement, les financements européens obtenus par la communauté scientifique française ne reflètent pas le potentiel de la recherche de notre pays. Au cours des trois derniers programmes-cadres de recherche et développement technologique (PCRDT), soit depuis 1998, la part obtenue par la France dans l'ensemble des financements disponibles a baissé de deux points, ce taux passant même sous la barre des 10 % en 2015.
Pour ce qui concerne la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, dont la discussion constitua le coeur de nos travaux de la session passée, le bilan de l'application du texte apparaît fort logiquement corrélé à la date récente de sa promulgation, bien qu'il soit fâcheux de d'ores et déjà constater certains retards dans la publication des textes réglementaires annoncés.
57 articles sur les 110 sont entrés en vigueur le lendemain de sa publication, notamment les articles 1er et 2, qui posent les principes de liberté de création et de diffusion et instaurent un délit d'entrave ou l'article 35 consolidant les quotas de chansons françaises à la radio pour encourager la diversité. Est également effectif le principe de la création d'une commission dédiée à la culture au sein de chaque conférence territoriale de l'action publique ou encore les nouvelles modalités de répartition des compétences de l'État et des différents échelons territoriaux pour les enseignements artistiques spécialisés. De même, les anciens secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural et paysager et aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine, ont tous été automatiquement transformés en sites patrimoniaux remarquables en juillet dernier.
L'application des 43 autres articles de la loi appelait au préalable l'adoption de dispositions d'ordre règlementaire. Malheureusement, l'échéancier annoncé par le Gouvernement ne paraît pas, dans la grande majorité des cas, aujourd'hui respecté.
Sur les 33 décrets dont le Gouvernement avait annoncé la publication avant la fin de l'année 2016, un seul est paru à ce stade. C'est ainsi que nous sommes toujours dans l'attente du décret d'application de l'article 5 relatif aux labels, qui doit en fixer la liste, les conditions d'attribution, de suspension ou de retrait du label et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée. Cet article avait été âprement discuté lors de l'examen du projet de loi et la mesure d'application cristallise de nombreuses attentes.
L'article 6 prévoyait, pour sa part, la rédaction d'un rapport dans les six mois suivant la promulgation de la loi sur l'opportunité de consacrer 1 % du coût des opérations des travaux publics au soutien de projets artistiques. Ce rapport n'a pas été rendu, comme cela était envisagé lors du débat de la loi, avant la discussion du PLF 2017, dans lequel il aurait pu trouver son aboutissement sous la forme d'une mesure fiscale. Les craintes de notre rapporteur, qui avait mis en évidence le caractère dilatoire de cette mesure, s'en trouvent donc confirmées.
L'article 30, introduit à l'initiative du Sénat pour permettre la rémunération des artistes visuels dont les oeuvres sont reproduites sans leur autorisation par les sites de référencement d'images sur Internet, est finalement entré en vigueur le 7 janvier dernier, avant même la publication de la mesure d'application, pour laquelle le législateur avait donné un délai de six mois. En effet, les dispositions de cet article, au sujet desquelles le Gouvernement craignait une contrariété avec le droit européen, ont fait l'objet d'une notification à la Commission européenne en septembre. Cette dernière avait jusqu'en décembre pour présenter des observations, ce qu'elle n'a pas fait. Le Conseil d'État a donc été saisi du projet de décret il y a seulement quelques semaines et devrait l'examiner à la fin du mois de février.
S'agissant des dispositions relatives à l'industrie musicale, les articles 12 et 14, relatifs à la création d'un observatoire de l'économie de la musique et d'un médiateur de la musique, prévoyaient la publication de textes réglementaires. Ces décrets ont été transmis au Conseil d'État, respectivement le 29 novembre et le 8 décembre derniers, et devraient dès lors être publiés prochainement.
C'est également le cas, pour ce qui concerne l'édition, avec le décret figurant à l'article 33, qui transpose en droit français les dispositions du traité de Marrakech relatif à l'accessibilité des oeuvres de l'écrit aux personnes aveugles et malvoyantes. Ce texte a déjà fait l'objet des consultations obligatoires, avant d'être transmis au Conseil d'État le 9 décembre dernier. Ses termes demeurent cependant éloignés de ceux proposés par la Commission européenne dans le cadre de la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001, qui sera transposée en droit français dans les années à venir, ce qui nécessiterait, en l'état, de nouvelles modifications législatives et réglementaires des articles du code de la propriété intellectuelle portant sur les dispositions du traité de Marrakech.
Par ailleurs, pour l'industrie musicale comme pour le cinéma et l'audiovisuel, la loi du 7 juillet 2016 a prévu que, pour plusieurs dispositifs qu'elle crée, un décret serait pris dans un délai donné en cas d'absence d'accord professionnel destiné à en préciser les conditions de mise en oeuvre. Un délai de douze mois a ainsi été fixé à l'article 10, relatif aux relations contractuelles entre producteurs et artistes-interprètes, et à l'article 21 portant sur la transparence des comptes dans l'industrie cinématographique. Ce délai n'ayant pas, à ce jour, expiré, les négociations demeurent en cours et les décrets correspondant n'ont évidemment pas été publiés. La situation n'est pas différente concernant l'article 28 qui prévoit une négociation identique concernant la transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres audiovisuelles. C'est également le cas du décret envisagé, selon le même mode opératoire, par l'article 38 portant sur l'exploitation suivie des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. En effet, si le délai prévu n'était ici que de trois mois, un accord professionnel est intervenu le 3 octobre dernier puis étendu par arrêté du 7 octobre 2016, ce qui a rendu la publication d'un décret inutile.
Sur le volet patrimoine, seul un décret a été publié à ce stade, le 16 décembre dernier, pour abaisser le seuil de dispense de recours obligatoire à un architecte pour les travaux portant sur des constructions ou des rénovations. Les autres mesures d'application devraient être publiées au Journal officiel avant la fin du mois de mars, à l'exception du décret relatif aux domaines nationaux, qui devrait être publié courant avril.
Je crois utile de vous indiquer que les services du ministère de la culture et de la communication ont pris l'initiative de présenter à Françoise Férat, rapporteur de notre commission pour le volet patrimoine, à la fin du mois de novembre dernier, les projets de décret d'application en cours de concertation avant leur soumission au Conseil d'État. Il s'agit d'une attention à laquelle nous avons été sensibles.
Je ne peux que formuler le voeu que cette pratique, que je n'avais pas rencontrée par le passé, puisse se développer à l'avenir pour d'autres lois : après tant de mois passés à travailler sur la rédaction des textes législatifs, il n'est pas rare que nous ressentions une certaine frustration à constater que les derniers détails des mesures d'application nous échappent. Si nous n'avons pas cherché, en l'occurrence, à infléchir le texte de ces projets de décret, qui auraient fait l'objet de larges concertations préalables, nous avons été satisfaits de demeurer associés à la mise en oeuvre de cette loi.
J'en viens enfin aux derniers articles de la loi qui portent habilitation à légiférer par voie d'ordonnances.
Les articles 93 et 94 habilitaient le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour, d'une part, modifier certaines dispositions du code du cinéma et de l'image animée et, d'autre part, transposer la directive du 26 février 2014 relative à la gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins. Seule cette seconde ordonnance a, à ce jour, été publiée au Journal Officiel du 23 décembre 2016. Le texte de l'ordonnance portant modification du code du cinéma et de l'image animée est, pour sa part, toujours en concertation interministérielle et, va, pour certains aspects, faire l'objet d'une saisine de l'Autorité de la concurrence.
L'article 95 habilitait le Gouvernement à modifier par ordonnances le code du patrimoine. D'après les informations dont je dispose, plusieurs ordonnances, qui doivent être publiées avant juillet, sont en préparation :
- en matière d'archéologie, pour permettre l'application de la convention de l'UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique et pour mieux organiser la gestion des vestiges, ce qui devrait également inclure l'épineuse question des restes humains ;
- en matière de monuments historiques, pour harmoniser les procédures d'autorisation de travaux sur les immeubles et les objets mobiliers classés ou inscrits et pour définir des exceptions au caractère suspensif du recours exercé à l'encontre de la décision de mise en demeure d'effectuer des travaux de réparation ou d'entretien d'un monument historique classé ;
- en matière de musées, pour autoriser l'administration à refuser d'examiner une demande de certificat d'exportation, afin que les refus de délivrance de certificats ne puissent plus être utilisés par les propriétaires comme des pièces authentifiant une oeuvre.
Mme Françoise Cartron. - Je remercie Catherine Morin-Desailly pour son exposé très complet.
En ce qui concerne la loi pour la refondation de l'école de la République, j'avais déjà manifesté mon étonnement, lors de l'audition d'Yves Durand devant notre commission, face à l'empressement fréquemment manifesté pour évaluer les lois à peine celles-ci votées ou mises en oeuvre. C'est d'autant plus surprenant quand il s'agit d'une loi qui porte sur l'école. L'éducation nationale est un paquebot : du temps est nécessaire pour que les nouvelles dispositions soient déclinées sur le terrain, avec l'assistance du ministère, et produisent correctement leurs effets.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que des difficultés d'application subsistent trois ans après le vote de la loi. Compte tenu de ces observations, j'espère que les évaluations faites jusqu'à présent par le comité de suivi ne seront pas utilisées pour justifier une nouvelle réforme de l'éducation nationale, avant même d'avoir accordé à cette dernière le temps de s'approprier la précédente.
S'agissant des ÉSPÉ, il faut souligner que le principe d'autonomie des universités peut constituer un frein pour l'harmonisation de la formation des enseignants, qui explique sans doute partiellement certaines difficultés relevées par le comité de suivi.
Mme Marie-Pierre Monier. - La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a été adoptée très récemment par le Parlement et il me paraît normal que tous les décrets d'application ne soient pas encore parus.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Françoise Cartron a raison de souligner que la mise en oeuvre des dispositions législatives prend du temps, mais nous vivons dans une société de l'immédiateté. L'intérêt de mettre en place un comité de suivi de l'application d'une loi consiste à permettre de corriger des erreurs qui auraient été identifiées au cours de la mise en oeuvre.
Mme Françoise Cartron. - J'espère que nous pourrons avoir connaissance du prochain rapport du comité de suivi de l'application de la loi pour la refondation de l'école.
Mme Maryvonne Blondin. - Où en est-on de la mise en oeuvre des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), car aucune ne s'est encore tenue en Bretagne ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cela dépend de chaque région. En Normandie, aucune CTAP n'a encore été réunie également. Le temps nécessaire à la mise en place des nouvelles grandes régions en est sans doute très largement la cause.
M. Jean-Claude Luche. - Dans ma région, j'ai déjà participé à trois réunions de la CTAP. Ne fondez toutefois pas trop d'espoir dans ces instances ! Il s'agit de grandes messes au sein desquelles les métropoles ont un grand poids et où le temps manque pour aborder tous les sujets. J'ai peur que la culture en pâtisse car ce ne sera logiquement pas le sujet prioritaire de la CTAP. C'est d'autant plus inquiétant dans un contexte où la compétence en matière de culture reste partagée entre les différents échelons territoriaux et où les moyens financiers manquent. Nous savons que beaucoup d'événements culturels, comme les festivals, ont besoin de la mobilisation des collectivités territoriales.
La réunion est close à 9 h 45.