- Mercredi 19 octobre 2016
- Loi de finances pour 2017 - Audition du général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre
- Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration
- Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Louis Gautier, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, et de M. Guillaume Poupard, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information
- Désignation d'un rapporteur
- Question diverse
Mercredi 19 octobre 2016
- Présidence de M. Jacques Gautier, vice-président -La réunion est ouverte à 9 heures
Loi de finances pour 2017 - Audition du général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre
M. Jacques Gautier, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser.
Mon général, nous poursuivons avec vous notre cycle d'auditions budgétaires sur les crédits de la défense dans le projet de loi de finances pour 2017.
Chacun le sait, l'armée de terre, depuis les attentats de janvier 2015, est fortement sollicitée en raison de la pérennisation de l'opération Sentinelle. Pour l'essentiel de cette période, et notamment depuis l'attentat de Nice, sept mille à dix mille hommes sont mobilisés, déployés chaque jour sur le territoire national. On nous dit qu'il y a eu un rééquilibrage entre Paris et la province et que, depuis cet été, vos hommes interviennent plus en dynamique et en ronde aléatoire qu'en statique, ce que nous réclamions depuis longtemps.
Vous pourrez peut-être nous dire quelles sont les conséquences de cette situation sur l'entraînement, nous parler de l'articulation entre déploiement sur le territoire national, déploiement en opérations extérieures et entraînement, et de la façon dont vous envisagez la suite de Sentinelle. On regrette qu'il n'existe pas une doctrine d'emploi des forces sur le territoire national.
L'armée de terre est également engagée dans la remontée en puissance de sa force opérationnelle terrestre, la FOT, avec de nouveaux effectifs, suivant les décisions prises en 2015 lors de la réactualisation de la LPM et après les décisions du Président de la République au moment des voeux aux armées.
Comment se déroulent les recrutements ? Arrivez-vous à trouver des femmes et des hommes disponibles ? Comment se passe l'instruction ? Comment adapte-t-on les infrastructures par rapport à ces arrivées de personnel nouveau ?
Pouvez-vous nous dire un mot sur le renouvellement des matériels ? Griffon et Jaguar correspondent-ils à vos besoins ? Compte tenu de la ressource humaine, les matériels sont-ils à la hauteur de cette montée en puissance ?
Dans ce contexte, comment jugez-vous le moral de vos soldats qui, comme notre commission l'a constaté sur le terrain, donnent beaucoup d'eux-mêmes - même si on a senti à propos de Sentinelle un effet d'usure ?
De façon générale, quels sont pour vous les principaux points de vigilance dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine ?
Général Jean-Pierre Bosser. - Nous sommes encore plus convaincus que par le passé d'être dans un contexte que l'on peut qualifier de rupture stratégique.
D'une part, le retour de la haute intensité et des États forts est aujourd'hui avéré ; d'autre part, nos adversaires « irréguliers » qui, autrefois, étaient traditionnellement inférieurs en nombre et en puissance, sont aujourd'hui rendus de plus en plus forts par l'emploi de modes d'action innovants et l'exploitation de moyens nivelants, comme l'information, le cyberespace ou les médias.
Pire encore, aujourd'hui, lieux de guerre et lieux de paix se confondent, et il en est de même pour le temps de la guerre et celui de la paix. On peut même dire que certains hommes de paix qui étaient hier encore sur les mêmes bancs d'écoles que nos enfants, deviennent brutalement, sans raison apparente, des hommes de guerre.
Plus que jamais, il faudra vaincre l'ennemi. Ce sera lui ou nous. Mais il nous faudra également être capable de le dominer dans le temps long.
Nous avons, face à nous, une menace qui s'installe durablement. L'armée de terre a, dès 2014, anticipé cette évolution et elle colle depuis aux besoins de sécurité et de défense de la France et des Français.
Je vous propose de tracer le contour de cette armée de terre en trois traits. Tout d'abord, je vous expliquerai en quoi 2016 a été une année caractéristique en matière d'inversion de tendance. En second lieu, je dresserai le périmètre des champs d'action dans lesquels l'armée de terre est engagée. Enfin, je vous dirai comment je vois 2017 et les années qui viennent.
L'année 2016 est l'année de l'inversion de tendance.
C'est sans doute, depuis la fin de la guerre d'Algérie, un revirement majeur, tout d'abord, en matière de ressources humaines. L'armée de terre a recruté onze mille hommes supplémentaires. Ils seront dans nos rangs à la fin de l'année 2016, seront « formés » à l'été 2017 et sans doute « entraînés » à l'été 2018.
La réserve est également en phase de remontée en puissance. Son emploi a été multiplié par deux par rapport à 2015. Dans nos rangs, quatre cent cinquante réservistes interviennent désormais quotidiennement au profit de la protection des Français.
Il a ainsi été procédé en 2016 à quinze mille recrutements dans l'active et cinq mille dans la réserve. L'effort de guerre a été important dans le domaine du recrutement, mais aussi dans celui de la formation initiale.
Ces effectifs sont mis en place par densification d'unités déjà existantes. Les seules unités que l'armée de terre a créées sont la 13ème DBLE au camp du Larzac, le 5ème régiment de cuirassiers aux Émirats-arabes-unis et le 5ème régiment de dragons, qui devient notre laboratoire Scorpion.
La deuxième inversion de tendance concerne le capacitaire. En 2016, le centre de gravité entre anciens et nouveaux matériels a basculé en faveur des équipements de nouvelle génération. Nous avons vu arriver le soixantième Tigre, le vingtième Caïman, et nous allons bénéficier de la livraison de douze bâtiments modulaires durables de type « Catalpa » pour loger nos soldats nouvellement recrutés. Nous allons recevoir avant la fin de l'année les trois mille cinq cents premiers gilets de combat individuels. Les mille Ford Ranger sont désormais livrés. Nous attendons cinq cents autres véhicules légers pour 2017. En matière de commande, Scorpion est sur la voie. Nos hommes peuvent concrètement constater cette inversion de tendance.
La troisième inversion de tendance concerne les opérations. Nous intervenons pour la première fois de façon équilibrée en opérations extérieures et intérieures. Dix mille hommes hors métropole, dix mille hommes dans l'hexagone, avec un rééquilibrage entre Paris et la province, suite aux attentats de Nice, et avec le passage du « tout statique » au « tout dynamique ».
Le mot-clé, en matière d'opérations, est le continuum de la menace. L'ennemi est lourdement armé, équipé comme nous le sommes, entraîné, soutenu et endoctriné. Face à cet ennemi, le choix fait par le ministre et que nous mettons en oeuvre repose sur un principe fondamental : un seul soldat, une seule armée de terre, une même réponse, entièrement militarisée dans le cadre des OPEX et partagée avec les forces de sécurité intérieure sur le territoire national.
Nous avons eu en 2016 trois champs d'action majeurs. Le premier champ est celui de l'engagement à l'extérieur, au travers de différents types d'opérations.
Le plus classique est celui de l'intervention que l'on connaît depuis les années 1980. C'est ce que l'on vit aujourd'hui en BSS ou au Levant. Il convient de noter que la dangerosité reste permanente sur ces théâtres : une Gazelle a été touchée par des tirs d'armes légères la semaine dernière, deux VAB ont sauté sur un IED dimanche dernier, et nous avons dénombré six blessés.
Le deuxième type d'opérations qui se profile repose sur une forme de dissuasion en Europe centrale face à l'Est. Nous allons fournir un sous-groupement blindé sous commandement britannique en Estonie, en 2017, et contribuer à même hauteur sous commandement allemand en 2018, en Lituanie.
Le troisième type d'opérations en dehors du territoire national consiste à prévenir les crises en accompagnant nos alliés et, par l'intermédiaire des Nations unies, en participant à des forces comme la MINUSCA et la MINUSMA.
En matière de lutte sur notre propre territoire, notre deuxième champ, nous avons trois défis à relever.
Le premier défi, qui est majeur, concerne la protection du territoire national et des Français. Dans ce domaine, nous devons faire émerger la posture de protection terrestre (PPT) en lieu et place de Sentinelle.
Deuxième défi - j'y crois mais l'essentiel est à construire : contribuer à une meilleure connaissance de l'adversaire par le continuum extérieur-intérieur et anticiper. C'est tout l'enjeu de la PPT : face aux scénarios de crise identifiés par le SGDSN, comment pouvons-nous nous préparer ?
Troisième défi : renforcer la cohésion et la résilience de la nation. Le service militaire adapté fonctionne désormais bien, avec six mille hommes formés par an. Nous avons également mis en oeuvre le service militaire volontaire, encore en phase d'expérimentation. Il donne des résultats pour le moment très satisfaisants avec un accès à l'emploi à plus de 70 % pour les jeunes qui y sont entrés.
Nos engagements dans les champs des opérations intérieures et extérieures ne peuvent être tenus que si nous nous renforçons. C'est le troisième et dernier champ. Il existe trois enjeux en matière de renforcement.
Le premier enjeu, ce sont les ressources humaines, afin de disposer d'hommes et de femmes de qualité, facteur indispensable, qu'il s'agisse de personnel militaire ou civil. Il faut par ailleurs veiller au moral de ces soldats. On enregistre, chez nos militaires, une forte absence de la garnison depuis dix-huit mois. Quels aménagements pouvons-nous réaliser en matière de condition du personnel ?
Deuxième enjeu : nous devons également nous renforcer en matière d'entraînement face à la baisse de la préparation opérationnelle, conséquence du sur-emploi et du sur-recrutement. On a compté soixante-cinq jours de préparation opérationnelle l'an dernier, on devrait atteindre soixante-dix à soixante-quinze en 2016, alors que l'objectif demeure de quatre-vingt-dix jours.
Dernier enjeu : il nous faut nous renforcer dans le domaine de la maintenance de nos matériels. On ne pourra user plus qu'on ne régénère encore longtemps, au risque de nous essouffler et de ne plus avoir la capacité à honorer notre contrat opérationnel. C'est le but de la réforme du MCO terrestre, qui doit davantage faire appel à l'industriel pour la régénération des matériels, laissant en retour les maintenanciers de l'armée de terre concentrer leurs efforts sur la disponibilité technique.
Agir simultanément sur les trois champs d'action majeurs que je viens de détailler est une entreprise délicate. Nous devons en outre faire face à trois vents contraires avec, en premier lieu, les dysfonctionnements de Louvois, qui continuent de toucher 15 % des soldes chaque mois. Le successeur de Louvois soulève également des inquiétudes, tout comme la retenue à la source mise en oeuvre avec un logiciel non stabilisé.
Le second vent contraire concerne les infrastructures. Un grand plan a été mis en oeuvre par le ministre à ce sujet. Il comporte un certain nombre de points noirs. 75 % de ces points ont été traités pour l'armée de terre. Un gros effort a également été réalisé pour l'infrastructure de Sentinelle, à hauteur de 20 millions d'euros, afin que nos hommes soient mieux installés. Pour autant, en matière d'entretien, nous sommes toujours à 2 euros du mètre carré, contre 6 euros en 2007.
Nous visitions hier, avec le sénateur Perrin, le premier régiment d'artillerie. Ces locaux, qui datent des années 1970, ne permettent plus d'accueillir décemment nos soldats dans leurs quartiers. Or le quartier est la maison du soldat.
Le troisième vent contraire est le maintien en condition des matériels terrestres, mais surtout aéronautiques.
Pour conclure, il va falloir, en 2017, garder l'élan de 2016 et donner toute sa puissance au modèle. Le modèle « Au contact » est adapté à nos besoins : deux divisions, six brigades équilibrées, deux brigades de haute intensité, deux brigades médianes, deux brigades légères, un pilier TN qui englobe les réserves, le SMA, la BSPP, un pilier d'aérocombat, un pilier des forces spéciales. Ce modèle est actuellement déployé à 90 % et le sera à 100 % l'été prochain. Il permet de dire que l'armée de terre est aujourd'hui organisée pour faire face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés.
Il faut aussi l'outiller. C'est tout l'enjeu de Scorpion, premier programme de l'armée de terre, qui inclut les véhicules, la simulation, les systèmes de commandement, et les munitions. Il faudra le compléter par un véhicule léger qui n'existe pas aujourd'hui, le soutenir par un MCO rénové et, surtout, au travers d'un nouveau modèle économique, accélérer les livraisons.
Le CEMAT a trouvé une petite place aux côtés de la DGA et des industriels. Même s'il n'a toujours pas de prérogative, il est néanmoins présent.
Enfin, après avoir organisé et outillé l'armée de terre, il faut l'orienter. C'est l'objet de la réunion de demain et de la présentation traditionnelle à l'IHEDN, qui aura lieu à Satory. Je vous remercie d'avoir répondu à cette invitation. Le but est de vous présenter les orientations de l'armée de terre et les huit facteurs de supériorité opérationnelle qu'elle retient pour les années à venir.
En ce qui concerne les moyens, la fin de gestion 2016 est classique, avec les inconnues que l'on connaît, comme la levée des gels et des surgels, etc.
Je suis confiant quant au PLF 2017. J'ai les moyens en T2, à hauteur de 7,8 milliards d'euros, pour honorer les besoins de la FOT.
Dans le domaine capacitaire, les commandes de SCORPION sont lancées : trois cent dix-neuf Griffon, vingt Jaguar. Côté livraisons, de nombreux matériels doivent arriver, notamment six Tigre, sept Caïman, cinq Cougar NG, trois cent soixante-dix-neuf porteurs polyvalents terrestres, cinq cents véhicules légers non protégés remplaçant la P4 ...
Dans le domaine de l'entrainement, je pense disposer de ce dont j'aurais besoin pour consommer à hauteur de mes capacités : je vise quatre-vingt-un jours de JPO en 2017 et cent soixante-quatre heures de vol.
Nous avons une belle armée de terre. Nous sommes fiers de nos soldats, et ceci crée des obligations.
M. Jacques Gautier, président. - La parole est aux différents rapporteurs.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Je voudrais transmettre, de la part des parlementaires de cette commission, nos félicitations et nos remerciements aux hommes actuellement engagés tant dans le cadre des opérations intérieures que des OPEX. Nous leur rendons visite régulièrement, et nous pouvons témoigner du fait qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Il faut qu'ils sachent que la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat est derrière eux !
Par ailleurs, tout le monde sait l'importance essentielle des hélicoptères au regard des actions dans lesquelles on les utilise aujourd'hui. On éprouve une certaine insatisfaction devant le peu de disponibilité de ces hélicoptères de transport ou de combat, accentuée par le fait qu'on en a acheté de nouveaux. Or nous pensons que c'est par une meilleure organisation de ce soutien qu'on obtiendra une disponibilité de qualité. Où en est-on ?
S'agissant des drones, la décision a été prise de remplacer le système tactique. J'aimerais connaître votre sentiment à propos de l'utilisation des drones par l'armée de terre. Quelle est en particulier votre appréciation du Patroller ?
Enfin, nous sommes convaincus qu'il faut accélérer le programme Scorpion. Ceci répond à l'opinion générale selon laquelle on a identifié l'ennemi et qu'il faut trouver les moyens pour neutraliser celui-ci. Vous aurez notre soutien dans la préparation de la prochaine LPM ou son actualisation à ce sujet. Vingt EBRC seulement sont prévus pour 2017. À ce rythme, on va en en voir pour quinze ans.
En revanche, la commission est satisfaite des véhicules légers destinés à nos forces spéciales qui ont été commandés cette année.
M. Xavier Pintat, rapporteur. - Merci pour votre exposé. J'aimerais également vous dire notre admiration au regard de l'intensité de l'engagement de l'armée de terre, qui est présente sur tous les fronts, même si l'on peut craindre un risque d'essoufflement. Tous nos voeux vous accompagnent dans ces missions importantes.
Je m'associe aux questions de Daniel Reiner sur les drones tactiques, que je compléterai de la façon suivante : en janvier dernier le drone de SAGEM a été préféré au Watchkeeper de Thalès, utilisé par les Britanniques pour remplacer notre actuel système. Cette décision vous satisfait-elle ?
Je crois avoir vu que deux systèmes de drone tactique et un système d'entraînement seront livrés, soit quatorze vecteurs en tout. Le premier système sera opérationnel fin 2018, et le second est prévu en 2019. Ce calendrier est-il en phase avec les besoins de l'armée de terre ?
Enfin, le 23 septembre dernier, la DGA a annoncé l'achat de fusil d'assaut HK 416 F fabriqué en Allemagne afin de remplacer le célèbre FAMAS. Cette acquisition est-elle financée sur le budget 2017, et si oui pour quel montant ?
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - Je voudrais pour ma part vous interroger sur la politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP) qui regroupe en deux familles distinctes, le parc en exploitation opérationnelle et le parc en immobilisation technique.
Pour s'adapter à la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre, deux actions significatives ont été initiées en 2015, portant sur la régénération de quatre cent quarante véhicules cargo tout-terrain, dits GB 180, et un arrêt de la décroissance du parc des véhicules de transport de troupes, cent cinquante VAB ayant été régénérés.
D'autres efforts particuliers sont-ils prévus sur ses équipements ou sur d'autres en 2017 ?
Je souhaite également obtenir des précisions sur une des réponses au questionnaire budgétaire qui nous a été adressée. Il y est précisé - je cite - « le bon fonctionnement de la PEGP est lié directement à la ressource budgétaire disponible pour maintenir ou acquérir la disponibilité technique souhaitée ainsi qu'à la ressource en personnel de maintenance. »
La ressource budgétaire est-elle suffisante, alors qu'au sein de l'action préparation des forces terrestres les crédits de l'opération stratégique « entretien programmé des matériels » restent à un niveau équivalent à celui du projet de loi de finances pour 2016 ? Vous avez en partie répondu, mais je pose néanmoins à nouveau la question.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Je voudrais vous remercier à mon tour pour votre présentation claire, simple et concise.
Pour ma part, je voudrais vous interroger sur l'organisation de la préparation opérationnelle différenciée (POD). Elle distingue la préparation opérationnelle dite « métiers », qui concerne l'ensemble de la force opérationnelle terrestre, soit à terme soixante-dix-sept mille militaires, et de la préparation opérationnelle interarmées, qui vise à atteindre le stade opérationnel numéro deux et concerne quarante mille militaires.
Suite au déploiement de Sentinelle et à la mobilisation de dix mille hommes sur le territoire national, maintenus après les attentats du 14 juillet à Nice, il semble que le nombre de journées de préparation opérationnelle n'a pas atteint le niveau fixé ni pour 2015 ni pour 2016. Pourriez-vous nous indiquer les volumes attendus en 2016 et en 2017 ?
Enfin, la remontée de la force opérationnelle terrestre devait permettre une reprise progressive des activités mais, dans le même temps, la formation initiale des personnels nouvellement recrutés nécessite 50 % de journées de préparation opérationnelle.
Dans ce contexte, quand pensez-vous que la force opérationnelle terrestre dans son nouveau format sera réellement opérationnelle, avec un taux de préparation satisfaisant ?
M. Robert del Picchia, rapporteur. - Vous avez brièvement évoqué les évolutions de Sentinelle. Qu'y a-t-il de nouveaux concernant la coordination avec les forces de sécurité intérieure - police et gendarmerie ?
Quelle place ont aujourd'hui dans Sentinelle les gardes dynamiques par rapport aux gardes statiques ?
Comment s'est déroulé le plan de recrutement en 2016 et quelles sont les prévisions pour 2017 ?
Enfin, vous avez évoqué l'Allemagne. Coopérez-vous avec ce pays concernant la Lituanie ?
M. Gilbert Roger, rapporteur. - Merci pour cette présentation.
Ce budget nous donne l'occasion de nous pencher sur la LPM. Il est souhaitable que l'on soit à l'avenir dans une certaine continuité.
Je note la remontée des effectifs. C'est peut-être la première fois depuis bien longtemps. On est loin de ce qu'on a connu il y a six ans, avec des déflations d'effectifs et des fermetures un peu partout. On peut s'en réjouir, en espérant que nos collègues de la majorité, au Sénat, nous laisserons aller au bout de la discussion budgétaire et ne refuseront pas le débat sur les dépenses et les objectifs. Je lance ici un appel.
Par ailleurs, vous avez évoqué les bâtiments et les casernes. Vous allez notamment vous implanter dans le Larzac, où je possédais quelques mètres carrés dans ma jeunesse afin de vous empêcher d'y aller !
Pour ce qui est de Louvois, j'ai bien entendu votre inquiétude. Nous la partageons. On a également évoqué le prélèvement à la source, qui constitue une angoisse pour tout le monde, et encore plus dans le cas présent.
Quant à l'opération Sentinelle, plusieurs membres de la commission pensent que la réflexion sur l'emploi des forces dans Sentinelle doit être poursuivie, de telle sorte que l'on soit les plus efficaces possible.
M. André Trillard, rapporteur. - Les études amont dans le domaine terrestre concernent notamment les technologiques qui se rapportent à ce qu'il est convenu d'appeler le « combattant augmenté ».
Quels sont à vos yeux les grands enjeux de ce sujet, et quelles sont les utilisations que l'on peut espérer ? Quels sont les intérêts de cette technologie ?
S'agissant de Sentinelle, je suis convaincu de son intérêt ponctuel et dans des lieux déterminés, mais non dans la durée. Je regrette que les règles d'emploi ne soient pas plus affinées, et que les règles de feu soient restées dans le vague du « danger immédiat » et de la légitime défense, ce qui n'est pas suffisant pour des militaires.
Pour ce qui est des forces spéciales, qu'en est-il du marché concernant les véhicules terrestres ?
M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur. - Avons-nous déjà fait l'objet de tentatives d'infiltrations de la part de l'ennemi ? À l'extérieur, la chaîne du renseignement fonctionne-t-elle suffisamment bien pour vous permettre d'améliorer l'efficacité de vos interventions ?
M. Cédric Perrin. - Je m'associe aux remerciements qui ont été adressés aux militaires pour leur engagement, leur dévouement et leur courage. Il est important de le dire.
Vous avez exprimé le souhait de renouveler un certain nombre de matériels plutôt que de les « rétrofiter » à grands frais, comme le FAMAS, le P4, le VAB, etc.
Comment votre position s'articule-t-elle avec la DGA ? Votre avis est-il entendu ? Pensez-vous qu'il faudrait faire plus pour être plus efficaces en la matière ?
Deuxièmement, pensez-vous que l'on puisse aujourd'hui anticiper la demande de renouvellement d'un certain nombre de matériels pour intéresser les industriels français et leur permettre de lancer la recherche et le développement en amont, afin qu'ils puissent mieux répondre aux appels d'offres ?
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Je voudrais m'associer à l'hommage rendu à vos hommes sur tous les terrains où ils interviennent.
À la faveur d'une mission récente en Australie avec quatre collègues de cette commission, nous avons rendu visite à nos forces armées à Nouméa. Nous avons naturellement pu constater le grand professionnalisme de nos pilotes d'hélicoptères et mesuré la diversité de leurs interventions, y compris au plan civil.
Nous avons aussi pu déplorer le vieillissement certain du parc d'hélicoptères. La disponibilité des hélicoptères Puma s'est améliorée grâce à des visites préventives. Pour autant, l'âge de ces appareils n'implique-t-il pas une part de risques pour nos pilotes ?
Général Jean-Pierre Bosser. - Les sujets que vous avez abordés sont au coeur de la réflexion que je mène aujourd'hui pour l'armée de terre.
Tout d'abord, je tiens à dire que tous les compliments que vous faites à propos des soldats sont directement répercutés à la troupe.
Je suis par ailleurs très attaché à la relation avec les parlementaires. Les échanges que nous pouvons avoir sont précieux et viennent compléter l'action que le chef militaire mène sur le terrain.
Je voudrais commencer par un thème qui m'est cher, celui du modèle économique et du renouvellement des matériels. C'est un domaine que j'ai découvert en tant que CEMAT. D'une manière générale, depuis plus de trente ans, on s'échine à entretenir de vieux parcs, sans réfléchir à l'équilibre économique que pourraient parfois constituer, pour un même industriel, l'accélération de la livraison des nouveaux matériels et l'abandon de l'entretien des anciens.
Le FAMAS est un très bon fusil, mais il a quarante ans d'emploi intense et coûte cher à l'entretien. On sous-traite le percuteur, qui représente 380 euros pour trois mille coups de fusil. Avec trois percuteurs, on peut acheter un HK 416. Va-t-on continuer à acheter des percuteurs ou acquérir des fusils neufs ? Une autre faiblesse de ce fusil réside dans les chargeurs. Avec six chargeurs FAMAS, on achète un HK 416.
Autre exemple : la P4 est un véhicule âgé de plus de quarante ans dont le problème majeur est la rouille. On a choisi il y a quelques années de consacrer 27 000 euros et trois cents heures de travail par véhicule à reconstruire. Pour ce prix, on trouve sur le marché des véhicules de bonne qualité.
On pourrait se poser la question pour tous les matériels : on s'échine à remettre en état, voire à reconstruire, le VAB qui va fêter ses quarante ans, alors que l'industriel qui l'entretient est un acteur majeur de Scorpion. Sous réserve de soutenabilité financière et de faisabilité industrielle, ne vaut-il mieux pas accélérer la livraison de Scorpion et réduire le maintien en condition des VAB ? La réponse est évidente, sous réserve de la capacité industrielle à pouvoir accélérer sa production.
C'est au CEMAT de dire que le fusil coûte trop cher à entretenir. Je pense avoir trouvé ma place aujourd'hui. Si on donne à l'industriel de la visibilité horizontale, il nous renseigne sur la capacité qu'il a à accélérer la production, et on peut ainsi décider d'entretenir ou non les vieux parcs. Ce modèle économique ne fonctionne pas forcément dans tous les domaines : il faut l'étudier au cas par cas.
À quelques milliers d'hommes près, je n'ai pas l'intention, dans les cinq années qui viennent, de faire effort sur les effectifs. Mon souci est que l'armée de terre de demain soit équipée de façon cohérente, que l'on ait ce qu'il faut pour s'entraîner et entretenir nos matériels. Les équipements doivent donc maintenant rattraper les effectifs. Je ne veux pas d'une armée à deux vitesses.
Un mot sur les fusils. On ne change pas de fusil tous les ans. Tous les soldats de l'armée de terre, ainsi que les autres armées, seront équipés du nouveau fusil. Ce fusil, fabriqué dans un pays voisin, a fait l'objet de nombreux débats.
Les obsolescences du FAMAS nous coûtent cher, même s'il reste un très bon fusil, probablement un des meilleurs au monde en termes de précision.
En second lieu, dans le combat moderne, il ne faut pas accorder trop d'importance au fusil en tant que marque de souveraineté. C'était vrai il y a cent ans, cela ne l'est plus aujourd'hui. L'environnement du soldat a tellement évolué qu'on ne peut faire du fusil une marque de souveraineté nationale, d'autant que 30 % du coût de l'AIF provient du canon. Il sera fabriqué en France, avec de l'acier français.
Le nouveau fusil aura une crosse réglable et repliable. Il sera adapté à l'ergonomie du soldat, avec des talons qu'on pourra positionner pour tenir compte de la morphologie des tireurs, et une sangle compatible avec la nouvelle instruction concernant le tir tactique. Il sera même doté d'un bipied, et bénéficiera surtout de rails autour du canon permettant d'adapter tous les dispositifs de vision nocturne et de précision, que nous n'avons pas sur le FAMAS. Sa baïonnette sera également bien plus perfectionnée.
Il faut avoir une approche raisonnable à propos du FAMAS. Je sais que le made in France est un sujet extrêmement sensible et qu'on y est très attentif en matière d'équipement des armées. En l'occurrence, je ne peux décemment pas cautionner l'entretien du FAMAS, alors que ce modèle économique n'est pas pertinent et qu'il existe bien mieux aujourd'hui sur le marché pour équiper nos soldats.
S'agissant du MCO aéronautique, nous progressons mais à petits pas. Nous avons bien analysé la verticalité entre l'employeur et le soutien étatique : peut-être faut-il frapper à la porte de l'industriel. Le MCO aéronautique est le point de convergence entre le public et le privé, avec un industriel qui détient un monopole. Il faut l'intégrer dans la réflexion.
Deuxième point : en matière de capacités militaires OPEX et TN, on ne fait plus rien sans l'hélicoptère. C'est donc une priorité absolue.
Troisième point : il faut être prudent quand on parle de chiffres. On a trois cents hélicoptères en stock, mais ils ne voleront jamais tous en même temps. 20 à 25 % d'entre eux sont chez l'industriel en permanence, comme les avions. Quand il y a des rénovations, comme pour le Tigre et le Cougar, cela peut aller jusqu'à 30 %. Une partie est en essai, l'autre est en formation. Je suis en train de faire calculer la cible que je souhaite faire décoller exclusivement pour les opérations. Cette cible doit tourner entre cent quarante et cent cinquante appareils. On se situe aujourd'hui à cent. On est donc en dessous. Aujourd'hui on a un gap de cinquante hélicoptères qui doivent absolument pouvoir décoller.
Enfin, l'hélicoptère moderne constitue un outil numérique à lui seul. La chaîne de rechange doit être la plus pointue et la plus réactive possible. Il faut en outre tenir compte de ce qu'on appelle la sécurité aérienne et des règles de navigabilité. Un hélicoptère peut être interdit de vol parce que sa documentation électronique n'est pas à jour. C'est donc un sujet complexe.
Il faut noter, côté industriel, que celui-ci a espacé le rythme des visites du Tigre, qui l'immobilisaient beaucoup trop. On a ainsi gagné 20 % sur le Tigre, et l'on va gagner 15 % sur le Caïman, qui est encore un appareil jeune. C'est un point très positif.
On découvre finalement que l'hélicoptère est comparable technologiquement à un petit avion et qu'il lui faudra plus de temps que par le passé pour arriver à maturité.
Au bout du compte, les hélicoptères sont le premier poste de dépenses de l'armée de terre. Avant d'en commander d'autres, ce serait déjà bien d'être capable de faire décoller ceux que nous possédons et de renouveler les vieux parcs. D'où mon intérêt concernant le HIL. Aujourd'hui, le Tigre et le Caïman mènent des actions opérationnelles que je souhaite autonomes, mais la Gazelle est d'une autre génération et ne peut suivre le Tigre et le Caïman. Or, on a besoin d'un hélicoptère d'accompagnement performant.
Le MCO aéronautique est un sujet dont on parle tous les jours - formation des pilotes, etc.
S'agissant des drones, l'armée de terre vise trois types différents : le nano-drone, aujourd'hui en cours d'expérimentation, destiné à servir aux fantassins pour le combat en zone urbaine, le DRAC et son successeur, qui servent aux capitaines pour explorer les cinq à huit kilomètres qui sont devant eux, et le SDT, qui est l'outil du patron de GTIA, dont le rayon d'action est de quinze à vingt kilomètres.
L'armée de terre et l'armée de l'air ne se concurrencent absolument pas dans ce domaine. Le drone MALE est d'une autre dimension. Le Patroller est le drone qui a été retenu, notamment pour la qualité de sa boule et la précision de ses images.
Élément important, le Patroller est dérivé d'un planeur piloté. Quand le changement du drone a été imaginé, on n'avait aucune vision sur le territoire national. Or on a aujourd'hui des difficultés à y faire voler des drones. Le Patroller nous offre une navigabilité quasi-libre.
Avec André Lanata, le chef d'état-major de l'armée de l'air, nous avons convenu de ne pas quitter nos fonctions sans avoir tordu le cou à la gestion de l'espace aérien, qui est depuis toujours un sujet de tension entre l'armée de l'air et l'armée de terre.
Nous allons d'ailleurs réaliser très bientôt un exercice en commun où, pour la première fois depuis de très nombreuses années, des avions, des drones de l'armée de l'air et des drones de l'armée de terre vont travailler ensemble.
Un mot du moral des troupes. J'étais hier dans un régiment où le moral, tel que l'évaluent les armées, était « plutôt mauvais » chez les officiers et les sous-officiers et « moyennement bon » chez les militaires du rang. J'ai été très surpris de trouver un décalage important entre le rapport sur le moral qui avait été réalisé il y a dix-huit mois et la réalité. Je suis intimement convaincu que l'évaluation du moral des troupes que l'on fait à partir de tables rondes, où les questions sont très formatées, n'est plus d'actualité. L'approche catégorielle n'a surtout plus de sens.
Aujourd'hui, un caporal-chef marié avec deux enfants a les mêmes préoccupations qu'un lieutenant ou un capitaine dans la même situation. En revanche, un caporal ou un lieutenant célibataire peuvent faire deux cent vingt jours de terrain par an - et le souhaitent même. Ils sortent de l'école, rêvent d'action, savent qu'ils vont partir au Mali dans trois mois. Leur moral est donc bon. Le caporal-chef qui a quinze ans de service, trois enfants, qui avait prévu de partir en vacances et que l'on rappelle brutalement l'été, le privant de ses vacances en famille, réagit différemment. Son moral n'est pas du tout le même.
Je vais donc modifier l'évaluation du moral des troupes, étudier les bons capteurs et voir comment mesurer une chute brutale du moral.
Nous avons eu un exemple avec Louvois, il y a quelques jours, au quatre-vingt-treizième régiment d'artillerie de montagne. Nous nous rendons compte que les réseaux sociaux agissent comme des accélérateurs de particules. Brutalement, un problème local peut devenir rapidement national et prendre une ampleur qu'on ne mesure pas. S'agissant du cas que j'évoque, ce n'était en outre pas totalement justifié.
Un mot à propos de Sentinelle. Il y a encore beaucoup à faire. Je le dis très franchement : nous sommes aujourd'hui très loin de ce que doit être selon moi l'évolution du dispositif. Nous avons beaucoup amélioré notre coopération avec les forces de sécurité intérieure notamment la police, avec laquelle nous n'avions jamais travaillé. Cela s'est remarquablement passé. On n'a jamais entendu des policiers dire du mal des militaires, ni l'inverse. Les gens ont appris à se connaître et les choses se passent très bien.
Nous avons encore beaucoup à apprendre. Un certain nombre de choses se font en marchant et, malheureusement, en réaction aux faits.
Un sondage a été réalisé par la défense avant l'été : 86 % des Français sont satisfaits de voir des soldats dans la rue. Nous sommes tous d'accord sur le fait que nous avons besoin d'une force militaire déployée sur le territoire national. À quelle hauteur et pour quoi faire ? C'est un second sujet, mais je pense que les Français ne se passeront plus de la présence des soldats sur le territoire.
Les Français savent - et ils le disent - qu'ils ne risquent pas moins avec Sentinelle, mais que, si jamais quelque chose arrive, il y aura quelqu'un pour réagir. Les gens sont donc convaincus que Sentinelle ne les protégera pas d'un attentat mais, en revanche, ils sont convaincus que les militaires auront une capacité de réaction.
Il faut donc faire évoluer Sentinelle et garder les dix mille intervenants, avec une partie en alerte, une partie déployée et une autre qui s'entraine sur les scénarios de crise tels que le SGDSN les imagine, et sur lesquels il nous faut encore travailler.
C'est l'idée de la posture de protection terrestre. Les personnes en alerte continuent de s'entraîner. On retrouve ainsi des jours de préparation opérationnelle, et on s'investit dans la préparation des scénarios de crise. À titre personnel, c'est ainsi que je vois, demain, le positionnement de l'armée de terre sur le territoire national.
Vous m'avez posé une question sur la PEGP. Il s'agit d'un système qui visait à mettre les matériels en pool, avec un pool d'emplois en opération, un pool d'alerte et un pool pour les centres d'entraînement. Ce modèle a vécu. Il sera conservé pour quelques types de matériels. Le pool d'alerte sera maintenu, mais nous allons redéployer du matériel dans les garnisons. Si nous faisons demain de la PPT, comme le réclament les élus, je souhaite voir un peu plus de militaires manoeuvrant dans les régions de France.
Depuis l'Afghanistan, il n'existe plus de militaires en terrain libre, tous s'entraînant dans des centres spécialisés. L'ambition est donc de pouvoir évoluer en terrain libre, comme l'a connu ma génération. Hier encore, le directeur de l'aérodrome sur lequel nous nous sommes posés m'a demandé pourquoi on ne venait pas faire un tour sur son aérodrome. Il est vrai que nous pourrions « sortir de nos casernes ». Nous allons donc conserver le concept de la PEGP mais probablement l'aménager.
Concernant l'Allemagne, j'ai de très bons contacts avec mon homologue. Mon homologue britannique, quant à lui, est confronté à de sérieuses difficultés en interne et en externe.
Mon homologue allemand est culturellement et historiquement très tourné vers l'Est même s'il contribue assez bien à notre action en BSS. Il a un peu de mal à admettre que la France marque son effort sur le flanc Sud, et souhaiterait que l'on soit plus présent à l'Est. Je ne sais pas le faire dans les conditions actuelles. Je le lui ai dit. Au fur à mesure que nous monterons en puissance, nous pourrons être présents.
Nous n'avons pas voulu laisser la chaise totalement vide. Le ministre souhaitant marquer la présence militaire dans le cadre des mesures de réassurance face aux pays baltes, nous fournirons l'équivalent d'une compagnie renforcée, dans un premier temps sous commandement britannique, en Estonie en 2017, puis avec les Allemands en Lituanie en 2018.
J'ai pour projet, avec le CEMAT allemand, de ne pas faire de ce dispositif un dispositif destiné à attendre que les choses se passent. On voudrait imaginer des scénarios intéressants de déploiement de nos unités, sachant qu'il existe des savoir-faire que l'on a complètement abandonnés : franchissement des coupures très larges, transport par chemin de fer, déploiement logistique de brigades sur plus de mille kilomètres.
M. Jacques Gautier, président. - Avec la brigade franco-allemande ?
Général Jean-Pierre Bosser. - Pas forcément, la brigade franco-allemande n'étant pas équipée de moyens lourds. Toutefois celle-ci, qui sera également déployée en 2018 dans le cadre des OPEX, sera bien employée. Ce serait un comble qu'on ne l'utilise pas pour cet exercice.
En Allemagne, comme d'ailleurs en Grande-Bretagne, l'effort des deux chefs d'état-major se porte aussi sur les équipements, l'entraînement et le soutien des matériels. Il existe donc une convergence dans la vision que l'on a de l'avenir.
Nous serons demain dans le Larzac avec le ministre. Nos légionnaires sont courageux. Le Larzac, c'est presque la moyenne montagne : il fait en ce moment trois degrés à La Cavalerie. On bénéficie des infrastructures du camp. Les légionnaires sont donc logés par douze, alors qu'ils ont l'habitude de se retrouver à deux par chambre.
Un grand plan d'investissement en matière d'infrastructures a pris la priorité sur les autres projets. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a repoussé quelques projets du premier régiment d'artillerie. Le moral des légionnaires est bon.
Enfin, s'agissant de la recherche, certains industriels développent des concepts intéressants. Mais les industriels ne peuvent pas investir sans horizon. Cela fait partie du modèle économique, où le SOUTEX a également une place importante.
M. Jacques Gautier, président. - La parole est aux commissaires.
M. Alain Joyandet. - Merci pour votre intervention passionnante qui, grâce aux questions judicieuses de nos collègues, a rendu cet échange très intéressant.
Des dispositions spécifiques sont-elles prises sur le plan du management des troupes et de leur accompagnement compte tenu de la période très intense que nous vivons ?
Mme Éliane Giraud. - Merci pour votre intervention très claire.
Lundi, à Grenoble, j'ai rencontré nos forces déployées dans le cadre de l'opération Sentinelle. J'ai trouvé le travail réalisé en quelques mois extraordinaire.
Je voudrais également témoigner du moral des soldats et de leur compréhension de la situation. L'effort réalisé en matière de ressources humaines est exceptionnel. Il s'agit d'une opération délicate, et l'accompagnement des soldats est extraordinaire.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Il paraît en effet plus intelligent d'accélérer les livraisons de matériels neufs que de bricoler des matériels anciens à des coûts élevés.
Toutefois, la technologie est si différente que le coût du maintien des nouveaux matériels est largement plus élevé que celui du matériel précédent. Le raisonnement tombe donc un peu, le changement du matériel accélérant le coût du MCO. La recherche de davantage de technologie et de complexité entraîne de plus grandes difficultés d'entretien.
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - Vous avez fait allusion au SOUTEX. J'ai l'impression qu'on a un problème avec les industriels, qui devraient s'impliquer bien plus. Compte tenu des succès à l'exportation, je pense qu'il est nécessaire que l'armée ait une réflexion plus directive - mais je n'ai pas votre expérience en la matière.
Général Jean-Pierre Bosser. - Je partage votre approche au sujet du modèle économique, mais j'ai bien dit que les choses ne se feraient que sous réserve de soutenabilité et de faisabilité industrielle.
J'ai compris que les industriels réalisaient leur marge sur le MCO. La question est de savoir où situer la marge. La plus importante se situe-t-elle dans le maintien des matériels anciens ou dans l'arrivée des matériels modernes ?
Chaque ligne doit être expertisée. On ne peut avoir une vision globale. Il faut l'adapter à chaque matériel. C'est un travail que j'ai confié à l'état-major.
Quant à la qualité de la troupe, je remercie Mme Giraud d'avoir évoqué sa rencontre avec les chasseurs alpins. Le ministre souhaitait que l'on recrute onze mille hommes au plus vite. On y avait un double intérêt. Le premier consistait à pouvoir mélanger les anciens soldats avec les nouveaux, à un moment où la préparation opérationnelle diminuait. Si on avait mis cinq ans pour les recruter, on aurait perdu tout l'acquis des anciens d'Afghanistan, du Mali, etc. En deux ans, on incorpore ces gens dans les unités où les anciens sont encore présents.
Cela sous-entend un effort en termes d'encadrement. On a prévu un cadre pour quatre militaires du rang, ce qui n'est pas le ratio traditionnel, mais on a ainsi voulu garantir la qualité.
Cet été, certains de ces jeunes ont été engagés dans le cadre de Sentinelle. Ils se sont remarquablement bien comportés. Il s'agissait d'un investissement très important pour nous, puisque l'on consacre à leur formation l'équivalent d'une brigade, soit plus de sept mille hommes.
Un certain nombre de primes ont été annoncées, liées à la fois à la LPM actualisée, mais aussi aux décisions du Président de République lors de ses voeux et du Conseil de défense du 6 avril dernier.
La protection du territoire national est aujourd'hui devenue une opération comme les autres. Les soldats sont bien rémunérés dans le cadre des OPEX. Il n'y a donc pas de raison qu'ils le soient mal lorsqu'ils interviennent sur le territoire national.
La compensation de l'absence est selon moi un sujet majeur. Un jeune qui gagne le SMIC et fait 220 jours de terrain - c'est le cas d'un certain nombre - risque d'être perdu pour l'armée au bout de cinq ans s'il n'est pas rémunéré en conséquence. Tout ce qu'on aura investi en matière de formation sera alors perdu. On garantit donc l'avenir en investissant un peu plus dans la rétribution des absences.
M. Jacques Gautier, président. - Merci.
Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration
M. Jacques Gautier, président. - J'ai à présent le plaisir d'accueillir M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration.
Nous poursuivons notre cycle d'auditions budgétaires sur les crédits de la défense dans le projet de loi de finances pour 2017.
Nous allons en particulier nous pencher sur le programme 212, qui constitue le programme « support » du ministère. Il représente à lui seul 21,9 milliards d'euros et regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère de la défense.
Il centralise depuis 2015 l'ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense, soit 19,8 milliards d'euros, enveloppe qui va augmenter avec la fin de la déflation, afin de permettre aux autres composantes du ministère de se consacrer à leur coeur de métier.
Vous nous direz comment ce budget permet de prendre en charge la nouvelle trajectoire induite par l'annulation des déflations d'effectifs, les dépenses de fonctionnement qui y sont liées, mais aussi les mesures d'amélioration de la condition des personnels et l'ajustement nécessaire des infrastructures.
Nos collègues Robert del Picchia et Gilbert Roger, rapporteurs du programme 212, vous interrogeront aussi sur les autres politiques dont vous êtes en charge, qu'il s'agisse de la politique immobilière, de l'accompagnement des restructurations, ou du pilotage des systèmes d'information.
L'année 2017 sera notamment l'année d'ouverture de Source Solde, le calculateur destiné à succéder à Louvois, qui va d'abord être testé sur la marine. Vous pourrez peut-être nous en dire un mot.
M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration. - Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver pour l'examen du projet de loi de finances pour 2017, dans un contexte plutôt favorable au ministère, puisque le budget de la défense s'élèvera à 32,7 milliards d'euros, comprenant notamment 250 millions d'euros de ressources issues de cessions, dont 200 millions d'euros de cessions immobilières, soit une enveloppe globale de 600 millions d'euros de plus qu'en LFI 2016.
Les évolutions des effectifs sont elles aussi positives. Nous aurons quatre cents emplois en plus pour la seule année 2017, hors effectifs du Service industriel de l'aéronautique (SIAé), puisqu'ils sont à l'extérieur du plafond ministériel des emplois autorisés (PMEA) et représentent soixante-quatre emplois.
Les personnels font l'objet d'une attention toute particulière, avec un plan de mesures catégorielles au sens strict de 194 millions d'euros. On peut considérer que l'ensemble des mesures en faveur des personnels représentent 400 millions d'euros.
Mon intervention s'articulera autour de trois points : je vous donnerai dans un premier temps des éléments très généraux sur le programme 212. Je reviendrai sur le titre 2, dont j'ai en effet la responsabilité depuis 2015. Je passerai très rapidement sur deux politiques propres au programme 212, l'immobilier et l'action sociale.
Le programme 212 regroupe les fonctions d'administration et de soutien mutualisé au profit de l'ensemble du ministère.
S'agissant du hors titre 2, ces autorisations d'engagement s'élèvent à 2,439 milliards d'euros, soit une hausse de 4,8 % par rapport à 2016. Les crédits de paiement augmentent de 5,8 %, passant de 2,027 milliards d'euros à 2,145 milliards d'euros.
Cette hausse est principalement due aux besoins en infrastructures et aux dépenses d'accompagnement, notamment pour les systèmes d'information, d'administration et de gestion. Les dépenses de fonctionnement connaissent toutefois une baisse d'environ 10 millions d'euros.
En outre, le ministère de la défense aura la possibilité de dépenser 200 millions d'euros sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Cela constituera sans doute un sujet de tension dans la gestion, d'une part parce qu'il faut réaliser les cessions permettant de dégager cette ressource, d'autre part parce que les modalités d'utilisation du compte d'affectation spéciale sont en cours de modification et deviennent totalement interministérielles.
Concernant le partenariat public-privé Balard, tous les ouvrages ont été mis à la disposition du ministère. Les déménagements se sont achevés fin octobre 2015. Un sondage réalisé auprès des personnels en activité à Balard pour connaître leur ressenti à propos des conditions de travail a montré que 80 % des personnes qui ont répondu, soit 53 % du personnel en poste à Balard, se sont déclarées satisfaites de leurs conditions de travail et de vie sur le site.
2016 représente la première année d'emploi du site. Nous avons quelques difficultés avec nos partenaires, mais les travaux sur la parcelle Est continuent. De nouveaux bâtiments réhabilités seront livrés à l'automne. La rénovation du bâtiment 26, ancien bâtiment de l'état-major de l'armée de l'air commencera à partir de 2018.
Les crédits affectés au PPP Balard en 2017 s'élèvent à 151,93 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de près de 9 millions d'euros, et représentent 214 millions d'euros en CP, ce qui constitue une diminution de 7 millions d'euros par rapport à 2016. Cela recouvre le paiement des redevances et des travaux de la phase 2.
Mes services ne connaîtront pas d'évolutions importantes en 2017. Ils vont continuer à mettre en place l'autorité fonctionnelle renforcée qui leur est concédée concernant la direction financière et la DRH. Le service des infrastructures poursuivra le renforcement de compétence dans les établissements du service, notamment en matière nucléaire, du fait des très gros enjeux qui accompagnent l'arrivée du Barracuda. Une centaine de personnels auront été formés en quelques années, notamment en liaison très étroite avec le CEA.
La direction du service national devrait connaître une évolution importante. Elle ne figure pas dans le programme 212, ces crédits relevant de la mission « Anciens combattants ». Elle doit devenir la direction du service national et de la jeunesse. Les questions relatives à la jeunesse sont une des préoccupations importantes du pouvoir politique. Il faut donc que nous soyons en mesure d'y répondre.
Nous disposons d'un outil avec la journée défense et citoyenneté qui permet de recenser l'ensemble des jeunes Français, mais il existe au sein du ministère, d'autres actions en faveur de la jeunesse, comme le service militaire volontaire ou tout ce qui est fait au titre de l'égalité des chances et des actions pilotées par la commission Armée-Jeunesse (CAJ).
Le ministre a décidé, lors du soixantième anniversaire de la CAJ, de tout regrouper au sein d'une direction du service national et de la jeunesse pour avoir un interlocuteur unique sur ces questions.
Le titre 2 du ministère, pensions comprises, représente un budget de 19,8 milliards d'euros, et de 11,6 milliards d'euros hors pension, soit une augmentation de 329 millions d'euros par rapport à la LFI 2016.
Ces crédits intègrent notamment 170 millions d'euros pour le financement des OPEX. Ils seront complétés par 286 millions d'euros de ressources externes, constituées pour l'essentiel par les attributions de produits du service de santé des armées. Par ailleurs, 30 millions d'euros sont budgétés sous plafond de ressources pour tenir compte des difficultés éventuelles de Louvois. Dès lors, l'ensemble des ressources confondues du budget du titre 2 du programme 212 s'élèvent à 11,9 milliards d'euros hors CAS Pensions.
Ces crédits permettront de tenir compte de l'évolution des effectifs. Le plafond ministériel des emplois autorisés s'établira à 273 294 ETP - 77 % de militaires, 23 % de civils.
Le personnel militaire comptera 711 ETP de plus en 2017 : 304 ETP pour les militaires du rang mais également 399 ETP d'officiers, principalement subalternes, pour répondre aux besoins d'encadrement de la FOT, du renseignement et de la cyberdéfense. Cette augmentation ne conduit pas à stopper le mouvement de « dépyramidage » prévu dans la LPM. Les tableaux d'avancement de lieutenant-colonel et colonel ont été réduits de 30 % en quatre ans.
Le personnel civil connaîtra une baisse de 247 ETP du fait de la déflation des ouvriers de l'État, sauf dans le domaine assez critique de la maintenance des aéronefs et des matériels terrestres, pour lequel nous avons obtenu 418 recrutements sous statut d'ouvriers de l'État.
Les personnels de catégorie C diminuent d'un peu plus de 137 emplois. En revanche, les emplois de catégorie A augmentent de 428 postes pour répondre à la politique de signalisation des postes et aux exigences en matière de renseignement et cyberdéfense.
Les mesures catégorielles représentent 194 millions d'euros, contre 33,8 millions d'euros l'an passé - 1,6 million d'euros en 2016, contre 18,1 millions d'euros en 2017 pour le personnel civil, qui bénéficiera de la mise en oeuvre des mesures prévues dans la fonction publique de manière générale, notamment du dispositif « parcours professionnels, des carrières et des rémunérations » (PPCR), et du régime indemnitaire « RIFSEEP », qui tient compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel.
L'enveloppe catégorielle militaire s'établit à 175,3 millions d'euros. 71 millions d'euros résultent de mesures d'équité interministérielle - transposition à la défense de mesures générales, comme celles appliquées aux fonctionnaires. 51 millions d'euros sont destinés à compenser l'engagement opérationnel pour tenir compte de l'absence des militaires de leur garnison, avec la création d'une nouvelle indemnité de compensation.
53 millions d'euros correspondent à la transposition aux militaires du rang des réformes des grilles des fonctionnaires de catégorie C, ainsi qu'à la réforme de la grille des capitaines de gendarmerie, qui a des conséquences pour les capitaines des armées.
La revalorisation du point d'indice de la fonction publique s'effectue en deux temps : 0,6% au 1er juillet 2016, puis 0,6 % au 1er février 2017. L'impact de cette mesure s'élève à 109 millions d'euros, soit 96 millions d'euros pour les militaires et 23 millions d'euros pour les civils. En 2016, nous avons financé cette mesure par des crédits propres au ministère, à hauteur de 27 millions d'euros. Pour 2017, des crédits supplémentaires à hauteur de 82 millions d'euros nous ont été accordés.
Concernant les ouvriers de l'État, nous ne sommes toujours pas sortis du gel du bordereau des salaires. Il le faut cependant. Il n'y a pas de raison que les salaires de la fonction publique évoluent et non ceux des ouvriers de l'État. Nous discutons avec la fonction publique sur ce sujet. Une proposition de quasi-statut ne nous semble pas acceptable. On peut toutefois s'interroger sur des évolutions concernant le dispositif d'indexation du salaire des ouvriers de l'État sur le bordereau des salaires de la métallurgie parisienne.
Des discussions sont en cours avec les syndicats, la fonction publique et le ministère du budget. L'objectif du ministre est de régler ce sujet pour la fin de l'année.
Nous avons cependant obtenu une mesure très positive en ayant la capacité de recruter 418 ouvriers de l'État pour les services de maintenances aéronautique et terrestre dès le début de l'année.
Un mot sur Louvois et Source Solde. En moyenne, en 2016, 90 % des militaires soldés par Louvois l'ont été sans anomalie. Pour les autres, l'essentiel des soldes a été régularisé dans Louvois avant versement, et seul 1 % a été versé hors Louvois.
La récupération des trop-perçus se poursuit. Ils représentent en cumulé 401 millions d'euros. 30 millions d'euros sont encore à notifier. À l'été 2016, le montant cumulé des trop-perçus remboursés était de 271 millions d'euros.
Concernant Source Solde, des discussions importantes sont menées avec l'industriel. Des phases des tests, notamment de solde à blanc, puis de solde en double vont débuter. Ces tests doivent être réalisés sur des périodes longues. Je ne peux donc dire si la bascule s'opérera fin 2017 ou tout début 2018. Le calendrier se calera progressivement au cours de l'année.
J'en viens aux politiques du programme 212.
En ce qui concerne la politique immobilière, les autorisations d'engagement pour 2017 sont à hauteur de 1,7 milliard d'euros, soit plus de 100 millions d'euros d'augmentation par rapport à 2016. Les crédits de paiement s'élèvent à 1,34 milliard d'euros, soit une augmentation de 170 millions d'euros. À cela, il faut ajouter les 200 millions d'euros de droit à consommer sur le compte d'affectation spéciale. Cette augmentation correspond au maximum de ce que nous pouvons consommer. Il sera extrêmement difficile d'aller au-delà de 1,6 milliard d'euros d'engagement.
Pourquoi y a-t-il une augmentation ? Tout simplement parce qu'il faut répondre aux besoins de la FOT, ainsi qu'aux besoins liés à l'arrivée des grands programmes d'armement, comme Barracuda, les hélicoptères de nouvelle génération ou la poursuite des programmes Rafale, FREMM, VBCI, Scorpion. On prévoit 67 millions d'euros pour l'accueil du MRTT, 92 millions d'euros pour Barracuda et 22 millions d'euros pour Scorpion.
À côté de ces opérations liées aux nouveaux programmes, un effort important est fait en matière de maintenance. Les crédits augmenteront de près de 7 % en 2017, et nous consacrerons 170 millions d'euros à la maintenance de nos bâtiments. C'est certes inférieur à ce qu'il faudrait, mais cela augmente néanmoins, et il le faut absolument si l'on veut répondre aux besoins des armées.
La partie relative à la sécurité et à la protection des emprises de défense est également importante soit 98 millions d'euros en 2017 sur ce dispositif. Ils viendront compléter une somme à peu près identique engagée en 2016.
Un mot sur les cessions. Compte tenu de la situation du compte d'affectation spéciale, pour consommer 200 millions d'euros, il faudrait quasiment 300 millions d'euros de recettes. La gestion du compte d'affectation spéciale a connu depuis plusieurs années quelques perturbations. Il nous est arrivé d'engager des opérations sur crédits budgétaires et de les payer sur des ressources du compte d'affectation spéciale ou réciproquement, selon les capacités. C'est ce qu'on appelle le mécanisme de facturation interne.
Allons-nous pouvoir réaliser ces cessions ? Pour ce faire, il faut les réaliser à Paris. Des discussions sont toujours en cours sur la cession de l'Hôtel de l'artillerie - Saint Thomas d'Aquin. L'arbitrage rendu en faveur de Sciences Po devrait conduire à percevoir environ 87 millions d'euros.
Compte tenu des prix de vente de la caserne de la Pépinière et de l'ensemble Bellechasse-Penthemont, il est fort probable qu'une cession ouverte de Saint Thomas d'Aquin aurait pu produire plus de ressources. Un arbitrage a été rendu. Il faut à présent le mettre en oeuvre.
Le Premier ministre a effectué une visite de l'îlot Saint-Germain avec la maire de Paris en juillet. Des annonces ont été faites. Une fraction - environ 14 000 mètres carrés - va être utilisée pour construire des logements sociaux et des équipements publics. Cette décision relève de la politique de logement social de la ville. Il existe différentes catégories en matière de logement social. Si la catégorie retenue est celle dans laquelle les loyers sont les plus bas - et il semblerait que l'on s'oriente vers cette option - cela aura nécessairement des conséquences sur les ressources que le ministère attend.
Cela peut également avoir des conséquences sur la cession de l'autre partie de l'îlot Saint-Germain, qui devrait faire l'objet d'un appel à projets. Des discussions sont pilotées par le préfet de région, avec la ville, le ministère et la direction de la politique immobilière de l'État. Je ne suis pas certain que cette opération sera réglée en 2017.
Concernant la cession du Val de Grâce, les discussions ont également été engagées par la préfecture de région avec la ville et l'ARS. Le classement de l'hôpital du Val-de-Grâce en grand équipement urbain dans le PLU de Paris limite les capacités d'utilisation de cet édifice.
Le ministère devrait conserver la partie historique. Une discussion a lieu sur le jardin. L'autre partie devrait être cédée. Un appel à projets va être lancé. Des investisseurs français et étrangers sont intéressés. Le résultat dépendra des discussions avec la ville et de ses projets. L'Agence régionale de santé (ARS) ne prévoit pas d'établissement hospitalier dans cet arrondissement. Il y a donc là aussi une interrogation sur la réalisation de cette cession en 2017.
En dehors de Paris, nous avons récupéré en 2016 83 millions d'euros de produits de cession. On peut en attendre en 2017 entre 50 millions d'euros et 80 millions d'euros, mais le marché immobilier n'est pas le même en Ile-de-France et dans les autres régions de province.
Des cessions sont en cours dans des villes de la grande couronne parisienne (Saint-Cloud, Rueil Malmaison), mais aussi ailleurs : on peut donc réussir à dépasser 50 millions d'euros.
Jusqu'à maintenant, chaque ministère disposait de sa propre ligne au sein du compte d'affectation spéciale. Désormais la gestion sera interministérielle. Il sera nécessaire de présenter à la direction de la politique immobilière de l'État les opérations à financer sur le compte d'affectation spéciale. On parle d'un seuil à 5 millions d'euros. Le ministère conduit en moyenne deux cents opérations d'infrastructure de plus de cinq millions d'euros par an. J'ai donc quelques difficultés à concevoir comment nous pourrions nous justifier sur plus de deux cents opérations, et surtout les faire aboutir dans les temps.
Je répondrai ultérieurement aux questions portant sur la politique d'action sociale si vous en avez.
M. Jacques Gautier, président. - Vous avez anticipé certaines questions que je sens poindre.
La parole est aux différents rapporteurs.
M. Robert del Picchia, rapporteur. - Je voudrais revenir sur le plan d'accompagnement des restructurations qui accuse, selon le projet de budget, une baisse de 114 millions d'euros, soit 36 %. Sur quoi cet ajustement va-t-il porter ?
Quelles sont les prochaines étapes du service militaire volontaire ? Comment s'intègre-t-il avec ce qui est fait autour ?
On connaît l'historique de Louvois. Il reste encore 130 millions d'euros de trop-perçus à restituer. Quand seront-ils rendus ?
Enfin, la retenue de l'impôt à la source va certainement vous poser des difficultés supplémentaires dans le contexte de Louvois. Je n'ai rien contre cette mesure, mais, pour les militaires, elle risque d'être problématique.
M. Gilbert Roger, rapporteur. - Vous avez répondu à une partie de nos préoccupations, mais vous avez également parfois soulevé d'autres questions. Les 200 millions d'euros de produits de cession dont vous avez parlé constituent-ils la compensation de ce que vous aviez évoqué lors de la préparation du budget 2016 comme le delta qui manquait à l'appel pour le financement des infrastructures ? Avez-vous pu réaliser quelques économies pour réduire ce delta ou avez-vous dû réduire un certain nombre de programmes, notamment en matière d'hébergement et de cadre de vie ?
S'agissant des bases de défense, la déconcentration semble s'organiser à nouveau, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose. Je me souviens de quelques aberrations en la matière. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Par ailleurs, l'émission « Cash investigation » diffusée hier soir cherchait à savoir pourquoi votre administration est allée effectuer des achats de matériel informatique en Irlande. S'agit-il d'une démarche destinée à se substituer aux obligations fiscales françaises ?
Quant aux cessions à la ville de Paris, en tant que maire, j'ai acheté des terrains à la SNCF pour réaliser des logements sociaux. Après avoir payé le prix fort, j'ai cependant réussi à construire ce que je voulais. Tout n'est peut-être donc pas impossible dans Paris intra-muros !
J'ai également acheté des terrains le long du canal de l'Ourcq à la ville de Paris. La SEMIDEP est d'ailleurs pour moi très critiquable ! J'ai également dû les payer au prix fort. Que les Parisiens ne pleurent donc pas trop !
M. Joël Guerriau. - L'armée doit être à la pointe de la technologie. Je ne m'explique donc pas les problèmes de Louvois. Comment se fait-il qu'on en parle encore aujourd'hui ? Combien de personnes cela mobilise-t-il au sein de l'administration ?
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - J'irai dans le sens de Gilbert Roger : il est vrai que Paris dispose de 20 milliards d'euros de capital immobilier. La ville est très riche, puisque son budget annuel avoisine les 9 milliards de budget annuel. La gestion n'étant malheureusement pas parfaite, il manque chaque année 300 millions d'euros à 400 millions d'euros. Il n'est donc pas acceptable que l'État ait vendu des biens immobiliers à la ville de Paris à un tel prix. La commission des finances du Sénat va d'ailleurs réagir, et je pense qu'il en sera de même pour celle l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, le VIIe arrondissement, dont je suis élu, est très demandeur de logements sociaux. Ne pourrait-on négocier avec la ville de Paris pour qu'une partie de ces logements soit réservée aux familles de militaires ?
Enfin, deux projets de construction d'un entrepôt central de distribution par correspondance interarmées ont été repoussés. Vous avez opté pour un bail, certes un peu moins cher, mais n'aurait-il pas été préférable de redistribuer un capital à la fin des neuf ans ?
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Vous avez évoqué le statut des ouvriers : j'espère que l'on trouvera des solutions. Il n'est pas juste que l'on bloque sur cette question au regard de ce qu'on attend d'eux !
Par ailleurs, lors de nos déplacements de l'automne dernier au commandant des forces aériennes à Mérignac, nous avons rencontré les représentants de la structure intégrée de MCO. Il nous est apparu que des bâtiments non optimisés pouvaient être la source d'accidents, de détérioration de matériel, d'allongement des délais. Une évaluation des infrastructures à la charge du programme 212 paraît nécessaire. A-t-elle été menée en 2016 ? Dans le cas contraire, est-ce prévu pour 2017 ?
Ne pensez-vous pas qu'il serait regrettable que les efforts budgétaires n'aient pas l'effet attendu sur la remontée du taux de disponibilité au motif que les locaux ne sont pas optimisés pour la maintenance ou l'accueil des nouveaux équipements ?
M. André Trillard, rapporteur. - L'opération Sentinelle a-t-elle une influence sur les cessions du Val-de-Grâce et de l'îlot Saint-Germain ?
Par ailleurs, je souhaite que vous protégiez le nom du Val-de-Grâce et qu'on ne retrouve pas une clinique privée installée sur le site dans trois ans. C'est une demande que j'ai déjà adressée au directeur du service de santé des armées, et je la réitère ! Je souhaite en outre qu'un des deux hôpitaux militaires proches de Paris porte le nom de Val-de-Grâce.
Enfin, peut-on avoir un statut correspondant à celui de la DGSE pour les spécialistes informatiques, que l'on recrute à 1 500 euros nets par mois ? On n'est pas au bon niveau. Ne peut-on s'organiser de manière différente ? Ce n'est pas sérieux !
M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur. - Très bonne question !
M. Alain Gournac. - Il n'apparaît nulle part que l'industriel qui a mis Louvois au point doive dédommager l'État pour ses manquements. Est-ce prévu ?
Par ailleurs, les nouveaux matériels étant de plus en plus sophistiqués, les prévisions budgétaires pour leur maintenance sont-elles correctement évaluées ?
Que va-t-on faire du bâtiment historique de l'îlot Saint-Germain ? On oublie tout dans ce pays, mais on s'y est battu, à la libération et l'endroit en garde les traces !
Enfin, qui va payer la garde nationale ?
M. Michel Boutant. - Notre pays s'apprête à renouveler un certain nombre de contrats cadre passés avec plusieurs grandes sociétés d'informatique, dont Microsoft. Il y a quelques années des révélations importantes ont été faites à propos de la NSA et de son système de surveillance quasi universelle.
Or une école d'ingénieurs de Laval, qui forme des informaticiens de très haut niveau, a mené une expérience qui semble démontrer que les logiciels de Microsoft peuvent être facilement pénétrés. C'est inquiétant. Si l'un de nos principaux alliés est en mesure de savoir ce qui se passe au sein du ministère de la défense français, on peut se demander ce qu'il fait de ces informations, et ce que cela signifie pour nous.
Un rapport interne a été établi en 2007 par des militaires pour mettre le ministère de la défense en garde contre cette éventualité. En est-il tenu compte aujourd'hui ? Dans le même temps, la gendarmerie nationale a recours à des logiciels libres qui ne sont pas exposés aux mêmes risques que ceux fournis par Microsoft.
M. Alain Néri. - Ma question concerne l'utilisation des locaux militaires désaffectés. À Clermont-Ferrand, les locaux des Gravanches sont en train de se dégrader, alors qu'il s'agit d'une construction de qualité.
Comment se fait-il, alors que la France connaît une crise du logement, que l'on ne puisse trouver un accord avec le ministère des armées pour que ces locaux soient rapidement mis à la disposition d'autres ministères ou de collectivités pour y conduire des programmes de logements sociaux, qui sont urgents ?
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Ma question porte sur les infrastructures liées aux programmes d'équipement. Il y a plus d'argent cette année, mais la demande est immense. Elle est même explosive, à ce qu'il paraît, pour les Barracuda.
Ne serait-il pas utile d'engager une réflexion de manière à intégrer les infrastructures nécessaires dans les programmes d'armement ? On a connu cela avec le Rafale et avec la mise aux normes des M51. On n'en a pas tiré les leçons. Peut-on imaginer une programmation intelligente sur le sujet ?
Par ailleurs, concernant les cadets de la défense, il existe des bases aériennes qui mettent en place un système destiné à intéresser de jeunes élèves de collège ou de lycée à la préparation militaire. C'est une initiation exemplaire, très utile socialement, et efficace. On vient d'en terminer une à Nancy. Elle a concerné une vingtaine de jeunes. L'année prochaine, quarante d'entre eux iront tous les mercredis à la base aérienne faire du sport et s'initier à la citoyenneté. Ils ont été choisis dans les établissements. Ils ne sont pas tous parmi les plus sages ni parmi les plus mauvais.
Peut-on trouver un financement pérenne pour ce type d'opération ?
M. Jacques Gautier, président. - Concernant l'immobilier parisien, nous avions déjà souligné qu'une partie des crédits de la LPM provenait de cessions immobilières réalisées en région parisienne. En vous écoutant, on peut craindre que les recettes ne soient pas au rendez-vous à cause de la ville de Paris et de Sciences Po. Il nous appartiendra de mettre ce point en exergue. Nous devons réagir.
L'an dernier, compte tenu de la baisse du prix du baril de pétrole et de la forte consommation de carburant des armées, Bercy a opéré une retenue en fin d'exercice. Le prix du pétrole repartant à la hausse, va-t-on encore connaître des difficultés en fin d'exercice ?
Enfin, la fin de la déflation réelle est prévue pour la fin de 2018 ou le début de 2019. A-t-on réalisé une projection pour connaître le coût réel des personnels à partir de 2019 ?
M. Jean-Paul Bodin. - D'une manière générale, je suis d'accord avec ce qu'a dit le sénateur Néri : il va de soi qu'on ne doit pas garder des immeubles si l'on n'en fait rien et qu'il convient de se débarrasser des emprises dont nous n'avons pas besoin. Il faut toutefois trouver des repreneurs. C'est là qu'apparaissent les difficultés. S'il n'y a pas de projet, les choses ont du mal à s'enclencher. Pour avoir une meilleure connaissance du patrimoine à céder, nous poursuivons l'élaboration de schéma directeur par base de défense, mais également avec chaque armée.
S'agissant de l'utilisation de ce patrimoine pour y réaliser des logements sociaux, les contraintes sont assez fortes, les préfets recevant eux-mêmes des commandes du Gouvernement afin de trouver des terrains. Il en va de même pour l'accueil des migrants.
Notre premier réflexe est de conserver notre patrimoine, mais il existe des emprises qu'on peut céder sans difficulté et que l'on doit abandonner.
Néanmoins, pendant longtemps, nous avons négocié directement par le biais de la mission de réalisation des actifs immobiliers du ministère (MRAI) avec des collectivités locales. Aujourd'hui, c'est France Domaine qui négocie.
J'ai en tête plusieurs exemples de cessions pour lesquelles nous avions engagé des décisions assez avancées avec les collectivités locales. Quand nos partenaires entrent dans l'exercice, ils peuvent toutefois avoir une autre vision des choses. Cela prend alors plus de temps.
La direction de la politique immobilière de l'État vient d'être créée par le Gouvernement. Un de nos chantiers pour les mois qui viennent est d'établir un mode de fonctionnement avec cette direction, comme on l'a fait avec la direction des achats de l'État.
Le ministère de la défense avait défini des stratégies d'achat dans beaucoup de domaines et était plutôt en avance sur ces questions. On a négocié avec la direction de la politique des achats de l'État, et on essaie d'être actif. Il faut que ce soit la même chose en matière de politique immobilière, puisque nous sommes utilisateurs de la part la plus importante du parc immobilier de l'Etat.
Ce mode de fonctionnement joue sur les cessions parisiennes, sur lesquelles nous n'avons pas la main. Nous avons abandonné des emprises. Le Gouvernement a décidé que de nombreux immeubles et de nombreuses administrations étant concernés, les discussions seraient pilotées par le préfet de région. Nous y participons mais ce dialogue entre la ville, le préfet de région, et la direction de la politique immobilière de l'État permet d'aboutir. La maîtrise des calendriers n'est pas toujours facile à établir.
Concernant les bases de défense et la déconcentration, des regroupements de moyens ont été effectués. On est peut-être allé trop loin dans certains domaines. Il faut redonner aux unités, aux corps et aux régiments des moyens de fonctionnement.
En matière d'infrastructures, nous avons expérimenté en 2016 la déconcentration du pilotage au plan local d'opérations avoisinant 500 000 euros, grâce à un dialogue entre le commandant de la base de défense et le patron du service des infrastructures local.
Cette expérimentation a été menée à Grenoble et Marseille. Nous allons l'étendre à toutes les bases de défense. L'étape suivante consistera à fixer un seuil et à acter le fait que les opérations de maintenance courante d'un montant inférieur seront décidées localement. Il n'y a aucune raison que la décision remonte à Paris.
Les 200 millions d'euros compensent-ils les crédits qui manquaient l'an dernier ? Oui. Nous sommes toujours à la recherche de crédits supplémentaires pour répondre aux dépenses que nous avons à couvrir en matière d'infrastructures.
Il s'agit des mêmes recettes depuis la précédente LPM. La vente de l'immobilier parisien est à l'étude depuis 2008, date du début de l'opération Balard. Nous avons très bien vendu Bellechasse-Penthemont et la Pépinière, mais la cession des autres emprises avance plus difficilement.
Pour ce qui est du logement du personnel, nous devons avoir une discussion avec les communes autour de Balard. Aujourd'hui, on essaye de trouver des logements sur un axe Paris-Centre/Rambouillet.
Nous avons complètement rénové la caserne d'Artois, à Versailles, pour y faire des logements. Nos personnels demandent du logement en banlieue, mais aussi dans Paris intra-muros.
Nous devons commencer les discussions avec le XVe arrondissement et en avoir avec le VIIe et les bailleurs sociaux de la ville pour répondre à ces besoins notamment pour l'Ilot Saint Germain.
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - Pourriez-vous intervenir dans la part qui n'est pas celle de la ville ?
M. Alain Gournac. - Disposera-t-on d'un quota pour loger les militaires qui viennent à Paris ?
M. Jean-Paul Bodin. - Cela fera partie des sujets dont il faudra discuter.
L'impact de l'opération Sentinelle sur les cessions existe. On héberge en effet aujourd'hui des militaires dans l'îlot Saint-Germain et au Val-de-Grâce.
Concernant Sentinelle, nous sommes en train de réaliser un immeuble d'hébergement au Fort de l'Est. Nous faisons également des travaux à Vincennes et dans le Fort de Nogent pour réhabiliter voire agrandir les hébergements, mais ces sites sont en dehors de Paris et engendrent des problèmes de trajet.
Le gouverneur militaire de Paris insiste sur le fait qu'on doit conserver des sites dans Paris. Nous avons décidé de renoncer à céder une part de la caserne Lourcine, le reste ayant été cédé au CROUS pour y réaliser des logements étudiants. Une dernière partie devait être cédée. Nous la conservons pour répondre aux besoins parisiens.
Cela freine-t-il les cessions de l'îlot Saint-Germain ou du Val-de-Grâce ? Non. Avant qu'un projet n'arrive et qu'un permis de construire soit déposé, il faudra au moins deux ans. Le repreneur a tout intérêt à héberger des occupants durant deux ans. Je ne sais où en sera Sentinelle dans deux ans mais, pour la période intermédiaire, on doit pouvoir gérer les choses correctement.
Les crédits du plan d'accompagnement des restructurations diminuent effectivement de 44 millions d'euros, notamment pour le plan d'accompagnement concernant le personnel militaire. Pourquoi ? Il n'y a plus de restructuration de même ampleur et moins de départs de personnel que dans le passé.
Le budget de 114 millions d'euros est en baisse de 36 % par rapport à 2016. La part militaire, quant à elle, diminue de 44,7 millions d'euros.
Pour ce qui est du SMV, un rapport va prochainement être remis au Parlement sur cette expérimentation. Vous aurez un débat sur ce sujet dans les semaines qui viennent.
Ceci me permet de répondre à la question au sujet des cadets. La direction du service national a vocation à animer toutes ces politiques. Les cadets sont répartis sur treize sites. Cela concerne six cent cinquante jeunes. 30 % viennent d'établissements situés en zones sensibles. Une extension du dispositif est envisagée. Il faudra prévoir les crédits, qui viennent aujourd'hui de la défense.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Vous allez en dégager un peu quand même.
M. Jean-Paul Bodin. - Il va le falloir.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Cela représente 5 000 euros à 6 000 euros pour une vingtaine de cadets.
M. Jean-Paul Bodin. - Cela fait partie des objectifs de la direction du service national pour les mois qui viennent.
Le lien entre programme d'infrastructures et programme d'équipement est un sujet important. Pour des opérations comme Barracuda, on bénéficie d'un programme d'ensemble, sous la responsabilité du directeur des programmes de la DGA. Nous apportons quant à nous des éléments du SID.
On commence à mettre les choses en oeuvre, notamment dans le cadre de l'opération Barracuda. Il existe effectivement des dépassements par rapport au devis. Le ministre a demandé au contrôle général des armées de se pencher sur le sujet. Nous en saurons plus dans quelques semaines.
Nous avons également commencé des discussions avec DCNS à propos d'une autre opération. DCNS a une responsabilité historique sur les opérations d'infrastructures, compte tenu de sa présence dans les ports. Le service d'infrastructures n'intervenait pas en tant que tel, mais ce n'est pas le métier principal de DCNS.
Il est indispensable que DCNS intervienne pour prendre en compte les besoins liés au matériel et au fait que nous devions utiliser des bassins, eux-mêmes utilisés pour l'entretien des bâtiments existants.
DCNS doit-il avoir un rôle de maîtrise d'ouvrage délégué, un rôle d'ensemblier, un rôle de coordination? Tout cela se discute, d'autant que la marge prise par DCNS n'est pas la même selon ce qu'on lui demande. Nous pensons que DCNS peut, dans un certain nombre de cas, être mis en concurrence, intervenir pour coordonner des opérations d'ensemble, mais le SID peut passer directement un marché avec des entreprises du BTP.
Tout cela fait l'objet d'un travail de contrôle et de discussions avec DCNS.
M. Jacques Gautier, président. - Trois sites, Cherbourg, Brest et Toulon vont être concernés crescendo.
M. Jean-Paul Bodin. - La phase 1 comporte des travaux à Brest et à Toulon. Une partie de l'augmentation des dépenses vient du fait qu'on doit prendre en compte des éléments comme le post-« Fukushima ». À Brest, nous réalisons sur le quai des installations qui doivent être capables de supporter une augmentation importante du niveau de la mer. Aucune de ces infrastructures n'est classique.
Les opérations s'enclenchent les unes après les autres, de telle sorte qu'on ait dans les deux ports des capacités de stationnement et d'entretien des bateaux. Cherbourg est concerné par la phase initiale de construction des bâtiments.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Et par le MCO.
M. Jean-Paul Bodin. - En effet. On doit pouvoir faire du MCO intermédiaire dans les deux pôles, mais la décision n'est pas encore complètement prise pour ce qui concerne l'arrêt technique majeur. Un travail d'expertise est en cours.
Les choses ne sont pas encore totalement calées, mais l'impact s'élève à plus d'1 milliard d'euros pour l'ensemble des travaux sur toute la période - ce qui est très important.
Je n'ai pas regardé l'émission « Cash investigation » d'hier soir. On connaît le sujet s'agissant de Microsoft. Le même type de polémique a été engagé lors de la signature du contrat. Nous sommes en période de renouvellement. Les questions évoquées l'ont déjà été. Elles ont été étudiées, notamment en matière de sécurité, à propos d'une utilisation des logiciels compatibles avec ceux de nos partenaires, notamment au sein de l'OTAN.
Concernant Louvois, il s'agit principalement d'une construction interne au ministère de la défense. Un développeur nous a accompagnés, mais ce n'est pas l'industriel qui a fait l'essentiel du travail.
C'est d'ailleurs la grande différence avec Source Solde, pour lequel l'industriel développe et l'équipe de programme définit les spécificités et réalise les tests. Louvois a été réalisé en interne, et s'est étalé sur plus d'une dizaine d'années. La responsabilité est donc principalement interne.
S'agissant de la garde nationale, les crédits destinés à la réserve permettront de couvrir les dépenses.
Enfin, le prix du pétrole fera partie des discussions de fin de gestion avec Bercy. Elles seront d'ailleurs un peu compliquées, car plus de 2 milliards d'euros de crédits d'équipement sont gelés.
M. Jacques Gautier, président. - On connaît ce mécanisme que subit la DGA durant les tous derniers jours de l'année !
M. Jean-Paul Bodin. - Sous réserve qu'il y ait bien un dégel.
M. André Trillard, rapporteur. - Pensez-vous que l'on puisse faire une analogie entre les reproches adressés à Microsoft et les fuites relatives au sous-marin Scorpène ?
M. Jean-Paul Bodin. - Je ne connais pas la réponse.
M. Jacques Gautier, président. - Merci de vous être soumis à cet échange.
Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Louis Gautier, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, et de M. Guillaume Poupard, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information
La commission auditionne M. Louis Gautier, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, et M. Guillaume Poupard, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, sur le projet de loi de finances pour 2017.
M. Jacques Gautier, président. - Nous sommes heureux de vous accueillir pour cet exercice annuel de présentation des crédits du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information.
C'est pour nous l'occasion de suivre votre activité et nous nous félicitons de la publication pour la première fois cette année de rapports d'activité. Ceci nous permet de mieux formuler les nombreuses questions que nous aurons, mes collègues et moi à vous poser.
Avant de vous donner la parole pour cette présentation liminaire, je voudrai vous prier d'excuser notre président, M. Jean-Pierre Raffarin et l'un des co-rapporteurs du programme 129, notre collègue, Jean-Marie Bockel, tous deux en déplacement à l'étranger.
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. - Mon intention est de vous exposer les problématiques de gestion et de construction du budget du SGDSN. Le budget pour 2017 est un budget de mutation puisqu'il retranscrit à la fois une extension du périmètre de l' « ensemble SGDSN » Ce périmètre est désormais composé du SGDSN proprement dit qui comprend deux directions et un service, mais aussi de l'ANSSI dont le directeur général Guillaume Poupard vous présentera les évolutions et qui poursuit sa montée en puissance, du centre de transmissions gouvernemental (CTG), cet organisme militaire chargé des communications gouvernementales dont le rattachement est récent, et du groupement interministériel de contrôle (GIC) qui vient rejoindre notre ensemble cette année. Chacune de ses entités a ses propres rythmes et sa propre évolution budgétaire.
Le SGDSN « proprement dit » dispose d'une organisation stable issue de sa réorganisation de 2008, conçue en application de la révision générale des politiques publiques. Elle comprend deux grandes directions, celle des affaires internationales et stratégiques (AIST), mobilisée sur les thématiques de la prolifération, du contrôle des exportations d'armement et du contrôle de la technologie, et celle de la protection et de la sécurité de l'Etat (PSE), très sollicitée sur toutes les questions liées au terrorisme, et un service de l'administration générale (SAG). Le CTG a des effectifs stables. L'ANSSI poursuit sa croissance à raison de celle de ses missions, de celle de son volume d'activités tant dans le domaine de la réalisation d'audit et d'action de sécurisation au sein des services de l'Etat et des opérateurs d'importance vitale, mais aussi le développement d'une politique de prévention plus large, avec désormais des implantations territoriales. Enfin, nous devons soutenir la montée en puissance du GIC qui doit prendre en compte des évolutions imposées par les modifications du cadre juridique des activités de renseignement intervenues en 2015. Les transformations dans lesquelles le GIC est engagé sont nombreuses, concernent à la fois son mode de financement et les ressources humaines mises à sa disposition, et doivent s'effectuer sans nuire au bon accomplissement des missions qui lui sont confiées.
C'est donc un budget dynamique pour un ensemble en mouvement que je vais vous présenter. C'est d'ailleurs assez habituel dans une histoire que nous aurons l'occasion de présenter, à côté de ses missions actuelles, à l'occasion d'un colloque, auquel vous êtes conviés qui se tiendra les 22 et 23 novembre à l'occasion du 110ème anniversaire de sa création en 1906 en appui au premier conseil de défense nationale présidé par le Président de la République.
L'ensemble du périmètre SGDSN bénéficiera en 2017 d'un budget total de 277,6 millions d'euros (M€) de crédits de paiement. Ce total se décompose en 84,5 M€ de masse salariale et 193,1 M€ hors titre 2. Les crédits inscrits en loi de finances sont donc supérieurs aux 244,3 M€ qui ont été votés l'année dernière.
Cette augmentation de 33,4 M € s'explique par deux éléments que je mentionnais en introduction : le rattachement administratif et financier du GIC au SGDSN et la poursuite de la montée en puissance de l'ANSSI.
Le rattachement du GIC entraîne un transfert des crédits vers le SGDSN à hauteur de 27,6 M€. La montée en puissance de l'ANSSI est financée par une augmentation des crédits hors titre 2 de 3,7 M€ et de 2,8 M€ de progression du financement de la masse salariale.
Le volume des crédits de fonctionnement prend en compte les instructions du Premier ministre de baisser de 5 % le montant des subventions pour charge de service public, par rapport à la gestion 2016. En conséquence, la dotation globale destinée aux instituts IHEDN et INHESJ ainsi qu'au Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique (CSFRS) est donc en baisse de 1,2 M€.
Une part importante des dépenses de fonctionnement de l'ensemble SGDSN est constituée d'achats de matériels, que ces matériels servent au SGDSN ou bien qu'ils soient achetés par le SGDSN pour l'ensemble des administrations de l'État. Ainsi, l'informatique, la téléphonie et les moyens de communications sécurisés représenteront une consommation prévue de l'ordre de 20 M€.
S'agissant des crédits d'investissement (82,7 M € en crédits de paiement) qui sont consacrés de façon quasi-exclusive au financement de recherche, de développement et d'acquisition de capacités techniques répondant aux besoins interministériels, le SGDSN attribue ces crédits, mais il n'en est pas le bénéficiaire direct. 6,5 M€ de crédits de paiement seront utilisés dans le financement d'une nouvelle tranche annuelle d'un centre informatique qui sera exploité conjointement - quoique de façon totalement distincte - par l'ANSSI et le ministère de l'intérieur.
En ce qui concerne les emplois, on retrouve des réalités différentes selon les ensembles. La progression notable des effectifs de l'ANSSI, le rattachement du centre de transmissions gouvernemental en 2015 et le rattachement administratif du GIC en 2016 ont fait évoluer de façon sensible les effectifs de l'ensemble SGDSN : en 2013, la programmation prévoyait 565 emplois pour le SGDSN et l'ANSSI ; ce sont 1 126 emplois représentant 1 113 ETPT qui sont prévus en 2017 pour le SGDSN, l'ANSSI, le CTG et le GIC. L'essentiel de l'effort, c'est la création de 50 emplois à l'ANSSI et l'intégration du GIC.
Les points d'attention en termes de gestion, sont, je vous le rappelle, la nécessité pour nous de moderniser nos outils de planification stratégique. Je dois toutefois signaler un point de difficulté : le nombre d'emplois trop limité du service de l'administration générale (SAG). Deux directions centrales ont été supprimées en 2008 en application de la révision générale des politiques publiques, dont la direction des affaires générales qui est devenue un simple service, n'y revenons pas. En revanche, la croissance du périmètre du SGDSN, alors que le SAG et la structure centrale du SGDSN demeuraient sur un modèle issu de la RGPP, a beaucoup dégradé le ratio entre effectifs de soutien et effectifs soutenus. Ce ratio était de 15,6 % entre 2008 et 2009 et il est actuellement inférieur à 7 %. Nous devons donc, avec des moyens proportionnellement réduits, mener ce développement de l'ANSSI, l'intégration du CTG, le rattachement du GIC ainsi qu'une série de missions qui sont en constante augmentation. Les premiers rapports d'activités du SGDSN et de l'ANSSI, publiés en 2016 pour retracer l'activité de l'année 2015, permettent de mieux décrire nos actions, dans un souci de transparence démocratique et de justification de nos crédits et de nos actions, même si une partie de celles-ci ne peuvent pas être divulguées. Les activités traditionnelles du SGDSN demeurent : le secrétariat des conseils de défense et de sécurité nationale, les réunions de commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG), la gestion des grands contrats interministériels, le soutien au coordonnateur national du renseignement (CNR), les groupes de travail « renseignement, l'audit des opérateurs d'importance vitale, le renforcement de la cybersécurité... Toutefois, pendant cette séquence ouverte par les attentats de janvier 2015, l'activité du SGDSN a été forcément très intense. Je vous décrivais l'année 2015 comme une année particulière : c'est la première crise de sécurité nationale depuis cinquante ans. La lutte contre le terrorisme impliquait bien la gestion interministérielle intégrée de tous les moyens de lutte et de toutes les réponses, que ce soit dans les opérations extérieures ou que ce soit sur le sol national, que ce soit avec nos alliés avec l'application de la disposition de garantie mutuelle dans l'Union européenne prévue à l'article 42 du traité sur l'Union européenne ou que ce soit l'évolution de la mission Sentinelle. L'année 2015 avait été rythmée par les attentats de janvier et novembre, la crise de TV5 Monde, le déclenchement de l'état d'urgence que nous avions préparé, ainsi que par toute une série de rapports « drones » qui a conduit à l'adoption de la proposition de loi sur le sujet.
M. Jacques Gautier, président. - Cette proposition de loi a été adoptée, en seconde lecture, sans modification, la semaine dernière au Sénat.
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. - Nous nous en réjouissons. Il y a eu aussi le rapport Sentinelle, les négociations de rachat des deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), la création d'une firme franco-allemande Kant avec le Français Nexter, mais c'est aussi la loi sur le renseignement. L'année 2016, c'est la pérennisation de cette suractivité parce que notre pays a encore été frappé par des attentats. On pense notamment à Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray. La permanence de la menace a conduit à la multiplication des conseils de sécurité et de défense nationale qui, depuis le 14 juillet, se réunissent à un rythme hebdomadaire et que nous devons préparer en interministériel pour proposer des arbitrages au Président de la République. C'est aussi la révision très régulière des postures Vigipirate, notamment pour accompagner le championnat d'Europe des nations de football, le placement du département des Alpes- Maritimes en Alerte attentat ou encore la posture de rentrée qui s'est accompagnée d'un travail très étroit avec les recteurs et les inspecteurs d'académie, pour mieux faire passer les messages de prévention. Cela a été aussi l'accompagnement des lois en matière de sécurité Urvoas, Savary, Leroy, qui ont permis l'introduction dans notre droit ordinaire de mesures exceptionnelles pour la lutte contre le terrorisme ; mesures seulement envisageables, auparavant, dans le cadre de l'état d'urgence. S'agissant de la garde nationale, un mandat interministériel nous a été confié pour le projet gouvernemental présenté au Conseil des ministres de la semaine dernière. Nous sommes partis du rapport des sénateurs Gisèle Jourda et de Jean-Marie Bockel sur la garde nationale et je profite de l'occasion pour les remercier puisqu'ils ont contribué à nourrir notre réflexion et à faciliter ce travail interministériel. Il y a eu le plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), qui nous amène à suivre un tableau de bord extrêmement dense de mesures de déradicalisation confiées au comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation dirigé par madame Muriel Domenach. Il y a eu des mandats industriels exécutés dans une série de domaines : le plan d'actualisation du dispositif de sécurité des activités d'importance vitale (SAIV), l'intégration de 18 nouveaux sites dans les plans Seveso et je cite pour mémoire le suivi de crises comme celles liées aux crues de la Seine et au débordement du Loing. L'activité internationale a été également été intense. Je pense au travail que nous avons conduit au Japon pour renforcer les coopérations dans le domaine spatial, en matière d'observation de la Terre. Ce sera un éclairage stratégique de nos décisions tout à fait intéressant, compte tenu du positionnement sur d'autres zones de nos satellites. Notre activité nous a également conduit à Singapour, dans le cadre d'un travail coopératif en matière de cybersécurité, en Australie où nous sommes en passe de finaliser un accord général de sécurité qui consolide une relation de sécurité pour l'échange d'informations classifiées industrielles, ce qui est un élément de sérénité pour les autorités australiennes. Nous avons été très réactifs puisque les négociations ont été suspendues pendant les élections australiennes et qu'elles ont ensuite été bouclées entre fin août et maintenant.
Au total, c'est une action extrêmement dense qui conduit le SGDSN à auditer tous les dispositifs de sécurité, notamment la sécurité aérienne en liaison avec la direction de l'aviation civile, ce qui permet de renforcer la sécurité de nos aéroports mais aussi de contrôler, y compris grâce à un programme de coopération internationale avec les États-Unis et le Royaume-Uni les opérateurs dont les vols entrants posent problème comme ceux du Mali. Le SGDSN auditionne régulièrement les services de sécurité (aviation civile) et coopère avec les États-Unis et le Royaume-Uni concernant la sécurité des vols problématiques en provenance de l'extérieur, particulièrement de la Tunisie, du Liban.
L'audit mené concernant les risques dans les aéroports français est clos, l'audit concernant les sites Seveso est également bientôt terminé. La sécurisation des transports qui est problématique va faire l'objet d'un prochain rapport. En effet, le transport ferroviaire et les zones de connexion inter-transports sont devenus des priorités et il est nécessaire de trouver une cohérence et des solutions, afin de tirer toutes les conséquences et les enseignements de la tentative d'attentat du 21 août 2015 dans le Thalys
Concernant le plan Vigipirate, nous continuons sa rénovation afin de présenter aux autorités et aux élus une rationalisation qui passera par des postures claires concernant certains événements (Fêtes de fin d'année) et qui doit tirer les conséquences des évolutions juridiques que les parlementaires ont adoptées. Ce travail spécifique d'adaptation juridique s'effectuera sereinement à la fin de l'état d'urgence.
Le criblage a été étendu. Ce criblage est déjà en place dans le domaine nucléaire, sur la plaque parisienne particulièrement et, en application de la loi Savary, dans les transports parisiens mais le contrôle de sécurité doit être étendu à d'autres domaines d'activité. Le SGDSN fera des propositions en la matière prochainement.
M. Guillaume Poupard, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information. - Dans le domaine de la cybersécurité, les menaces sont polymorphes du fait de la transformation numérique des activités humaines dans les pays développés et donc de l'omniprésence des systèmes d'information qui soutiennent cette transformation. Les entreprises et les États sont les cibles prioritaires. Le phénomène est inquiétant. Cette menace rapporte plusieurs milliards d'euros à des groupes qui agissent souvent loin du territoire national. C'est une menace qui est prise au sérieux car elle a des conséquences sur la disponibilité des services affectés, le patrimoine et la compétitivité des entreprises et peut provoquer des pertes de vies humaines.
L'atteinte au fonctionnement des systèmes informatiques qui soutiennent nombre de services publics tels que les hôpitaux ou les distributeurs d'électricité est une forme nouvelle de menace. Comme l'a montré l'actualité récente des élections présidentielles américaines, c'est le fonctionnement des démocraties qui est désormais visé. Des partis politiques sont ciblés par des actes de piratages de messageries, de révélations de données ou plus de déstabilisation informatique par dénis de service. Nous allons donc sensibiliser les partis politiques à de telles menaces à l'approche des élections présidentielles françaises, et ce dès la semaine prochaine.
Nos deux inquiétudes principales relatives à la cybersécurité concernent en premier lieu le vol de données qui est quotidien. Ainsi, 20 attaques majeures à des fins d'espionnage ont été subies par des grandes entreprises françaises au cours de l'année ce qui représente des pertes économiques et stratégiques lourdes (vols de brevets, courriels, appels d'offres, données financières et commerciales) et a donc un impact en terme d'emplois. Ces attaques informatiques sont pilotées par des concurrents, des États également. La seconde inquiétude porte sur le sabotage informatique qui peut causer des pertes de vies humaines lorsqu'il vise des systèmes d'information d'infrastructures critiques (aiguillages ferroviaires, contrôle aérien, équipement hospitalier par exemple).
Il faut ainsi bien prendre en compte que si la numérisation représente de nombreux avantages, elle est parallèlement une menace pour beaucoup d'acteurs du fait de ses différentes mises en oeuvre qui exposent davantage ceux qui effectuent leur transition numérique.
Face à cette menace qui va continuer à se développer, il n'y a aucun doute là-dessus, l'ANSSI va poursuivre sa montée en puissance. Elle est passée d'une centaine de personnes en 2009 à 500 aujourd'hui avec un niveau de compétence et d'expertise exceptionnel, déployé de façon préventive et réactive au profit des victimes et des cibles potentielles des attaques informatiques. Le Royaume-Uni et l'Allemagne s'inscrivent dans la même démarche. Les Britanniques sont en train d'ouvrir leur centre national de cybersécurité doté d'emblée de 700 personnes et le BSI allemand, qui dépend du ministère de l'intérieur et emploie 600 personnes, annonce le recrutement de 180 salariés supplémentaires en 2017, de manière à répondre à l'accroissement des missions.
Je ne vous cacherai pas que le recrutement n'est pas une chose facile : recruter des experts, c'est compliqué -on a de très bons experts en France mais on n'en a pas assez - les conserver, c'est aussi une question. On a la chance d'avoir une image attrayante pour attirer des jeunes, qui sont patriotes, et qui ont envie de faire de la technique de haut niveau. Ils ont vocation à repartir un jour car ils ne viennent pas pour faire toute leur carrière à l'ANSSI, ce qui n'a plus beaucoup de sens dans ce secteur. L'enjeu consiste donc à gérer la montée en puissance de l'agence en assurant le turn over et donc en restant le plus attractif possible. Il s'agit d'un travail permanent et exigeant. On arrive à être sur la courbe de montée en puissance, mais cela nous demande beaucoup d'énergie.
En termes de type d'actions, nous essayons de maintenir l'équilibre entre celles qui relève de la prévention et celles qui correspondent à la réaction. Prévenir, cela consiste à pousser les gens à être de mieux en mieux sécurisés, à faire développer des équipements et des services capables d'apporter aux différentes cibles potentielles ce dont elles ont besoin pour se protéger avec un aspect de politique industrielle que l'on pilote avec le ministère de l'économie et des finances et avec le ministère de la défense, notamment avec la direction générale de l'armement. Côté réaction, l'ANSSI développe aujourd'hui ses propres équipements techniques, ses propres sondes qui sont mises à l'entrée de l'ensemble des réseaux de la quasi-totalité des ministères qui permettent de détecter, le plus tôt possible, les attaques informatiques en cours. Nous envoyons alors nos équipes de réaction, comme nous le faisons pour les opérateurs d'importance vitale mais également, de façon exceptionnelle, dans des cas particulier comme celui de TV5 Monde en 2015, pour aider la victime à limiter les conséquences de l'attaque et à reprendre en main son propre système d'information.
Nos priorités sont clairement orientées vers les opérateurs d'importance vitale. La loi de programmation militaire 2014-2019 nous donne les moyens d'imposer à ces opérateurs des obligations dans le domaine de la cybersécurité, au-delà du simple conseil. Nous avons été les premiers au monde à faire ce choix, mais beaucoup d'Etats se rallient à cette méthode désormais. Le conseil n'est pas suffisant, si l'on veut pouvoir mobiliser les acteurs avant qu'ils soient attaqués, il faut passer par une politique réglementaire intelligente. C'est ainsi que la loi a été adoptée en décembre 2013, que les décrets d'application ont été publiés en mars 2015 et que les arrêtés qui fixent secteur par secteur les règles de sécurité imposées aux opérateurs le sont depuis l'été 2016. Ce délai s'explique par notre volonté de coécrire des règles avec les opérateurs, pour mettre en place une réglementation efficace, soutenable financièrement et humainement, et adaptée à chaque secteur. Nous avons voulu être au plus proche de la réalité des métiers, à leurs contraintes et à la nature des menaces qui correspondent à chaque secteur.
Nous avons également influencé l'Union européenne puisqu'une directive Network & Information Security (NIS) allant exactement dans le même sens a été adoptée au début de l'été. Elle permet que soit reprise au niveau européen cette démarche fondée sur trois grands principes : l'identification des acteurs critiques, la fixation des règles de sécurité obligatoires qui leur sont applicables et l'obligation qui leur est faite de notifier les incidents de sécurité dont ils seraient victimes. Ainsi, le système promu par l'ANSSI ne sera plus une exception franco-allemande, mais sera uniforme et unifié une fois la directive transposée, d'ici deux ans.
Pour les autres victimes que les opérateurs d'importance vitale, nous conduisons une démarche originale pour une administration : nous « incubons » un dispositif d'assistance aux victimes d'actes de cybermalveillance. Ce n'est pas forcément la mission de l'ANSSI mais je crois indispensable de créer une assistance aux PME, très nombreuses et très vulnérables aux attaques. Ce dispositif est aujourd'hui élaboré au sein de l'ANSSI s'adressera également aux collectivités territoriales et plus largement encore aux particuliers. Il est élaboré en collaboration avec le ministère de l'intérieur et en lien avec l'industrie privée qui a tout intérêt à l'élévation du niveau de sécurité globale. Ce système a vocation, à voler de ses propres ailes, d'ici deux à trois ans.
M. Jean-Pierre Masseret, co-rapporteur pour avis du programme 129. - On peut se féliciter de la politique suivie qui a permis la montée en puissance de l'ANSSI, la législation du domaine du renseignement et donc la transformation du GIC et d'avoir une relation européenne fondamentale dans le domaine de la sécurité.
S'agissant du GIC, envisage-t-on de le doter d'un statut de service à compétence nationale et sera-t-il doté de moyens suffisants pour assurer la totalité des missions qui lui sont désormais confiées, dans un contexte au surplus de forte activité ?
S'agissant des emplois tant au GIC qu'à l'ANSSI, la recherche de hauts niveaux de compétences et d'expertises est indispensable et la gestion du turn over est évidemment très compliquée. Il faut pour appuyer cette politique pouvoir proposer des niveaux de rémunération élevé, est-ce toujours possible dans le cadre du statut de la fonction publique ?
Où en est-on de la création d'un data center ? Peut-on connaître le montant de l'investissement et le calendrier de sa réalisation ?
Concernant l'IHEDN et l'INHESJ, ces établissements subissent la contrainte budgétaire que l'on connaît et essaient en conséquence de rechercher des fonds propres pour développer leurs activités. Ce développement suppose aussi des moyens en personnel. Des assouplissements des contraintes sont-ils envisageables pour aller dans cette direction ?
S'agissant de Sentinelle, le chef d'état-major de l'armée de terre a estimé devant nous que l'on pouvait améliorer les choses. Quelle est votre appréciation ?
M. Xavier Pintat. - Nous nous félicitons de l'adoption de la proposition de loi sur l'usage civil des drones Mais la législation que nous venons de voter n'épuise pas toutes les réponses s'agissant de l'usage des drones malveillants en France. La malheureuse affaire des soldats français blessés en Irak par un drone malveillant nous rappelle ce type de menace. Votre rapport préconisait des solutions techniques de détection, d'identification et de neutralisation de ces appareils de petite taille. Vous aviez lancé en 2014 un appel à projet. Où en sommes-nous exactement sur la neutralisation de drones qui survoleraient des installations sensibles ?
M. Michel Boutant. -. Depuis quelques années, on assiste à une vraie montée en puissance de l'ANSSI. Son périmètre d'action s'étend de manière assez considérable et en même temps, la menace est croissante et se diversifie à la fois dans ses cibles, dans ses origines et dans ses intentions. Quelles sont les relations que l'ANSSI entretient avec les unités du ministère de la défense en charge de la cyberdéfense ? Ma seconde question porte sur le GIC. L'une des missions nouvelles figurant dans la loi de sécurité intérieure prévoit que tous les renseignements collectés par les différents services de renseignement du premier et du deuxième cercle, selon les techniques autorisées, doivent être centralisés. Or cela suppose une quasi inviolabilité des canaux de transmission, surtout depuis qu'un décret permet à des services du deuxième cercle de recueillir également des renseignements, en recourant à ces techniques nouvelles. La question se pose de la centralisation de ces renseignements. Leur dissémination rend sûrement plus difficile leur contrôle par la CNCTR mais le risque de volatilité est peut-être plus grand. La mise en oeuvre de la centralisation, au niveau du GIC, de tous les renseignements glanés par tous les services - si on veut bien admettre l'exception accordée à la DGSI et à la DGSE et à d'autres services du premier cercle qui le demanderaient - nécessite à la fois des techniques et des financements très lourds. On sait que cette centralisation demandera du temps. Il faut donc recourir à une solution intermédiaire. Quelle solution est envisageable et dans quel délai cette centralisation de tous les renseignements obtenus pourrait-elle permettre un contrôle plus efficace de la part de la CNCTR ?
M. Robert del Picchia. -Avez-vous une coopération avec le ministère des affaires étrangères ? Actuellement le ministère des affaires étrangères organise le vote sur Internet des Français de l'étranger en vue des prochaines élections. Il y a pas mal de discussions avec la CNIL. Les services du Quai d'Orsay mettent tout en oeuvre pour éviter les intrusions. Travaillez-vous avec eux et comment cela se passe-t-il ? Par ailleurs, il y a pas mal de tentatives dans certains pays pour avoir d'autres réseaux de transmission qu'Internet ? Où en est-on pour ce qui nous concerne ? Les banques internationales ont leurs propres réseaux. Y-a-t-il de la recherche et du développement sur ce sujet ?
M. Jacques Gautier, président. - Je rajoute deux questions. Des conseils de défense et de sécurité multiples, presque hebdomadaires : est-ce sain dans la durée et arrivez-vous à fournir la matière ? Dans notre rapport sur l'approche globale et coordonnée des OPEX, adopté le 13 juillet dernier par notre commission, nous avons rappelé le rôle essentiel du SGDSN pour être le coordonnateur au sein du conseil de défense de « cette marche sur deux pieds » entre l'aide au développement et les actions militaires. Nous y avons proposé la nomination d'un haut représentant par théâtre qui travaillera en lien direct avec vous, car il faut avoir une vision interministérielle. Je souhaiterais avoir votre appréciation sur ces deux propositions.
M. Louis Gautier, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. - Le GIC est rattaché organiquement au SGDSN. Son activité opérationnelle dépend du cabinet du Premier ministre et son contrôle de la CNCTR. Notre rôle est organique, ce qui fait une très grande différence avec l'ANSSI. Nous normalisons administrativement le GIC. Pour le reste, les procédures qui ont été mises en place, notamment au travers de la rénovation du contrôle indépendant des techniques de renseignement, s'imposent.
Pour répondre à Michel Boutant, la centralisation des données issues des techniques de renseignement a été rendue nécessaire par la volonté du législateur de permettre à la CNCTR de contrôler de façon effective l'emploi des techniques. Afin d'éviter une centralisation globale qui exposerait à des contraintes et à des risques démesurés, le Gouvernement a autorisé plusieurs organismes, dont le GIC, à conserver les données issues des techniques de renseignement. Pour autant, les questions de la protection des données et de la sécurité du réseau de communication sont une priorité et le GIC porte une attention toute particulière à la sécurité informatique.
Le nouveau directeur travaille à la modernisation du travail du GIC pour l'inscrire dans le bon rythme opérationnel, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En modifiant la classification de certains documents, le renseignement issu des interceptions de sécurité pourra bientôt être disponible sous de nouvelles formes.
Le turn-over du personnel à l'ANSSI est certes rapide mais nécessaire. Il permet d'avoir en permanence du personnel qualifié et motivé et s'effectue dans des justes proportions qui assurent une pleine efficacité. Ce mouvement permet en outre une diffusion de la culture de la cybersécurité dans d'autres services.
L'IHEDN et l'INHESJ pourraient mutualiser des postes de prospection de mécénat. Dans tous les cas, des évolutions sont souhaitables.
Dans les améliorations du programme Sentinelle, on peut noter tout d'abord la dynamisation des modes d'action. Il faut saluer l'implication de l'encadrement et l'effort de formation, mais également l'accent mis sur la collecte du renseignement qui a été améliorée. La densification de la mission Sentinelle est cohérente avec le niveau de la menace mais Sentinelle n'a pas pour vocation de rendre permanent le déploiement militaire sur le terrain.
Le rééquilibrage Paris-Province consécutif aux attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray est essentiel dans la lutte et crée un lien Armées-Nation fort du fait de la quotidienneté des rapports entre militaires et civils.
M. Daniel Reiner. - L'Armée de Terre a mis sur pied un groupe de réflexion et de prospective et de planification. Doté d'un général, il était prévu qu'il monte jusqu'à 80 personnels. Le SGDSN est-il associé ?
M. Louis Gautier, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.- Le SGDSN est associé. Il faudrait également associer le secrétaire de la garde nationale, le général de division de Raucourt.
L'enjeu du contrôle des drones est important, plus encore en prenant en considération les deux militaires blessés à Erbil. Dans un premier temps, le travail législatif et administratif effectué réduit la zone d'incompréhension de ce phénomène. De plus, le travail de sécurisation des sites mené avec l'ONERA et l'ANR a permis pendant l'Euro 2016 la mise en place de dispositifs de détection, d'un canon à micro-ondes et d'un système de brouillages. Ces dispositifs seront testés dans quelques jours, à Villacoublay.
Le véritable problème reste les menaces opportunistes sur cibles mobiles et non sur les sites fixes (centrales nucléaires, stade de football) et nos groupes de travail étudient ce problème qui semble être devenu l'une des stratégies de Daesh dans la zone de combat.
La coopération est régulière avec le ministère des affaires étrangères comme avec l'ensemble des autres ministères et elle se caractérise par la préparation des conseils, les enjeux d'Europe de la défense et la problématique de la prolifération.
Pour sensibiliser les formations politiques sur les menaces informatiques durant les élections, le SDGSN et l'ANSSI organiseront la semaine prochaine un séminaire fermé, comme ce fut le cas avec les médias après le piratage de TV5 Monde. Le vote des Français de l'étranger par internet est selon l'ANSSI une prise de risque majeure...
Le SGDSN reste très mobilisé et attentif à la capacité à monter, dans le domaine des industries de sécurité, des programmes gouvernementaux structurants. Cette structuration passe par un accès aux investissements du PIA3 et un bon suivi de l'application du PIA2. Il manque peut-être au sein de l'appareil de l'État, comme cela existe avec la DGA dans le domaine militaire, un organe pour porter ces dossiers. Au moins jusqu'à l'expression du besoin, le SGDSN entend jouer son rôle comme copilote du comité de la filière industrielle de sécurité (CoFIS).
S'agissant du Conseil de défense, les réunions devenues hebdomadaires changent un peu la nature de l'exercice, qui perd de sa solennité, mais cela permet à l'instar de ce qui se pratique, par exemple aux États-Unis, d'avoir un échange sur des points précis sur l'activité opérationnelle des services, des armées et sur l'agenda diplomatique. C'est donc très utile pour la cohérence de la chaîne gouvernementale et présidentielle. Le SGDSN prépare systématiquement un dossier car il faut construire le débat sur la base d'éléments dont par exemple l'évaluation de la menace en France et à l'étranger, la situation des grands théâtres sur lesquels notre pays est engagé et souvent sur un sujet particulier qui nécessite un arbitrage. C'est ainsi que le projet de la garde nationale a d'abord été évoquée en Conseil de défense avant d'être adopté en Conseil des ministres. Certains sujets sont examinés à une cadence régulière, ce qui permet d'ajuster le niveau d'intervention des uns et des autres. Le Président de la République peut suivre l'évolution d'un dossier avant qu'il n'entre dans sa phase publique (conseil des ministres, projet de loi, examen parlementaire) et arbitrer s'il le faut.
Sur le rôle et la capacité de pilotage du SGDSN dans la définition et la mise en oeuvre d'une approche globale des crises, vous connaissez ma position. C'est une suggestion qui mériterait d'être examinée. Elle va un peu dans le sens de ce que nous avions traité dans le rapport sur le Sahel où l'on voit bien que les règlements de ces crises passent outre l'action militaire par des accompagnements diplomatiques et de coopération économique. Il y aurait un intérêt à la mise en oeuvre de cette suggestion.
Quant aux réseaux, nous sommes dans la logique de déployer des réseaux de fibres comme le fait le ministère de la défense. Dans le périmètre de responsabilité du SGDSN, c'est ce que fait le CTG pour des communications très sécurisées, mais cela est très coûteux. Nous préconisons plutôt la sécurisation de flux de données grâce à des techniques que nous maîtrisons, comme le chiffrement robuste.
M. Guillaume Poupard, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information. - S'agissant de la rémunération des personnels, j'ai le sentiment que nous bénéficions de d'une certaine souplesse par rapport à d'autres administrations, elle est souhaitable et nécessaire. Je soumettrai ainsi au secrétaire général, la semaine prochaine, les primes que je propose d'attribuer à nos personnels contractuels qui représentent 80 % de notre effectif. La politique de primes est une manière de motiver ces personnels. Évidemment, nous sommes démunis lorsque d'autres proposent trois fois plus ailleurs, mais nous ne sommes pas certains de vouloir embaucher des mercenaires à l'ANSSI donc, on prend surtout des jeunes, motivés, patriotes qui ont envie d'apprendre, qui nous quittent après 5 ou 6 ans pour aller travailler dans le domaine de la cybersécurité, dans le privé. Cela crée aussi un écosystème très précieux pour nous. Au-delà de la politique de rémunération, il faut surtout s'intéresser à la formation car le vivier est insuffisant. Nous avons la qualité mais pas la quantité et c'est bien là le problème principal. Nous travaillons avec les universités et les écoles d'ingénieurs pour identifier les filières de formation et aller vers une labélisation de certaines d'entre-elles par l'ANSSI afin de montrer à ceux qui veulent travailler dans le domaine de la cybersécurité vers lesquelles se diriger.
En ce qui concerne le centre informatique en cours de construction, l'ANSSI, comme d'autres, utilise des données en masse (big data) et collecte énormément d'informations qui sont très précieuses si l'on est capable d'aller chercher ces contenus précis. Elles proviennent de victimes de cyberattaques, de victimes potentielles, d'opérateurs d'importance vitale. Elles ne peuvent être stockées sur des serveurs étrangers ou privés ; elles doivent être protégées dans une enceinte sécurisée. Nous travaillons à la construction de ce centre avec le ministère de l'intérieur qui est maître d'ouvrage. Les travaux avancent bien et il devrait pouvoir être livré début 2019. Le montant de l'investissement et de 24 millions d'euros (18 pour l'ANSSI et 6 pour le ministère de l'intérieur). 18 millions sont inscrits en autorisation d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2016 et 6 millions en crédits de paiement en 2017 qui s'ajoutent aux 6 millions inscrits en 2016, le solde sera financé en 2018.
S'agissant de nos relations avec le ministère de la défense, le modèle français, que je défends ardemment a clairement séparé les activités défensives et les activités offensives, la protection des victimes et le renseignement, contrairement au modèle anglo-saxon. C'est important pour la clarté des missions et pour asseoir un climat de confiance dans nos relations avec nos clients et notre personnel. Cela ne veut pas dire que les entités ne dialoguent pas, ce dialogue est nécessaire. Il existe des liens avec les services de renseignement qui se matérialisent par la présence réciproque d'officiers de liaison. Il existe aussi des liens forts avec les services de protection défensive du ministère de la défense et notamment le centre d'analyse de lutte informatique défensive (CALID). En cas de crise majeure, nous serions capables de travailler ensemble. Nous avons également des relations avec la DGA dans le domaine de la prévention et du développement d'équipements de sécurité informatiques robustes, notamment des chiffreurs permettant de résister aux attaquants les plus puissants, pour protéger le secret de la défense nationale. Enfin dans notre métier défensif, nous ne nous interdisons pas in fine d'éventuelles contre-attaques qui pourraient être réalisées par les services du ministère de la défense, ce qui n'est qu'un exemple supplémentaire d'un usage des forces armées ou des capacités militaires dans le cadre de missions qui ne sont pas strictement militaires.
Concernant le ministère des affaires étrangères, il s'agit d'abord d'un client, qui se fait régulièrement attaquer par des ennemis et par des alliés de la France ; nous en avons les preuves. Lorsque nous travaillons sur des sujets de cyberdéfense avec certains pays ou dans les enceintes internationales comme les Nations unies, nous profitons de la compétence de nos diplomates. Sur le cas particulier des bureaux de votes pour permettre aux Français établis à l'étranger de voter via l'Internet, ils seront mis en place pour les élections présidentielles et pour les élections législatives comme c'était déjà le cas en 2012. Nous sommes intégrés à l'équipe du ministère des affaires étrangères en charge de cette mission. Nous avions produit beaucoup de retours d'expériences à la suite des scrutins de 2012. La version 2017 sera bien plus robuste que la précédente. Mais je déconseille une extension du vote électronique au-delà de cette catégorie spécifique d'électeurs, car ce serait prendre d'énormes risques.
Quant aux réseaux, nous sommes dans la logique de déployer des réseaux comme le ministère de la défense.
Désignation d'un rapporteur
M. Jacques Gautier, président. - Nous devons enfin nommer un rapporteur sur le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 entre l'Etat et France Médias Monde, contrat qui nous sera bientôt soumis pour avis.
Notre candidate naturelle est notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, qui est la rapporteure budgétaire des crédits de l'audiovisuel extérieur.
Nous pourrions ainsi examiner ensemble, au cours d'une même réunion de commission, les crédits de l'audiovisuel extérieur et notre avis sur ce contrat d'objectif et de moyens, car les deux sont naturellement étroitement liés.
Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.
Question diverse
Dans le cadre de la préparation de l'avis sur le programme 185 (« Diplomatie culturelle et d'influence »), dont M. Gaëtan Gorce et M. Jacques Legendre sont rapporteurs, M. Gaëtan Gorce (M. Jacques Legendre ne pourra s'y rendre pour des raisons d'agenda) me sollicite pour que la commission prenne en charge les frais d'un déplacement à Londres ou à Bruxelles sur une journée. Il s'agit de faire un point sur les différents statuts des personnels enseignants de l'AEFE.
Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.
La réunion est levée à 12 h 45.