Mercredi 9 mars 2016
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 10 h 25.
Audition de M. Emmanuel Hoog, président-directeur général de l'Agence France-Presse
La commission auditionne M. Emmanuel Hoog, président-directeur général de l'Agence France-Presse (AFP).
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Un peu moins d'un an après le vote de la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse qui a toiletté le statut de l'AFP, nous auditionnons son président directeur général, M. Emmanuel Hoog, son directeur général, M. Rémi Tomaszewski, ainsi que sa directrice de l'information, Mme Michèle Léridon. Le Sénat avait porté sa marque à cette loi, grâce à notre collègue Philippe Bonnecarrère qui en fut le rapporteur. Nous avions beaucoup travaillé au cours de la navette parlementaire pour trouver un texte équilibré afin de moderniser la gouvernance de l'Agence et ainsi lui permettre de mieux faire face aux enjeux de la mondialisation de l'information. Nous souhaiterions donc, monsieur le président, faire un premier bilan de cette nouvelle gouvernance. Peut-être pourriez-vous nous présenter aussi le projet stratégique de la société.
Notre rapporteur budgétaire des crédits « presse », M. Patrick Abate, vous posera également quelques questions sur la situation de l'Agence sur le plan économique et financier.
Enfin, nous souhaiterions connaître votre sentiment sur le texte adopté hier à l'Assemblée nationale, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. L'AFP est soucieuse de préserver l'indépendance de ses journalistes. Où en est le projet de charte des bonnes pratiques éditoriales et déontologiques ?
M. Emmanuel Hoog, président-directeur général de l'Agence France-Presse. - La loi du 17 avril 2015 a modifié la gouvernance de l'Agence, en l'articulant autour d'un conseil supérieur, sorte de conseil de surveillance, du conseil d'administration, et de la commission financière, chargée du suivi des comptes, du contrat d'objectifs et de moyens (COM), et de l'évaluation de la mission d'intérêt général. Les membres du conseil supérieur ont été renouvelés, avec la nomination, notamment, d'une sénatrice et d'un député, désignés par le Parlement. Le conseil s'est réuni en novembre. Ses missions ont été élargies à l'étude du contrat d'objectifs et de moyens, qui arrive bientôt au terme de sa première année. Il a nommé, conformément à la loi, les personnalités extérieures du conseil d'administration, dont la composition a été élargie par la loi au-delà des clients de l'Agence. Celui-ci s'est réuni dans sa forme nouvelle en novembre, puis en janvier. La prochaine réunion aura lieu en avril. Les élus du personnel, dont la représentativité a été renforcée, ont aussi été désignés. Ainsi la nouvelle gouvernance s'est mise en place et cette réforme attendue du statut de 1957, qui suscitait des craintes et semblait impossible, est entrée en vigueur, grâce à l'effort de tous, et à votre concours. Difficile encore de dresser un bilan, mais l'arrivée de personnalités extérieures au conseil d'administration a permis d'enrichir les débats, de confronter les points de vue. La réforme va dans le bon sens.
Les compétences de la commission financière ont été accrues : elle approuve le budget, arrête les comptes, audite l'Agence si besoin et évalue le coût de la mission d'intérêt général. La réforme du statut visait aussi à mettre notre statut en conformité avec le droit européen de la concurrence, suite à la plainte, devant la Commission européenne, d'un concurrent qui considérait que les fonds publics que nous percevions étaient assimilables à des aides d'État. Cette mise en conformité juridique était nécessaire pour notre développement car notre chiffre d'affaires se fait principalement à l'étranger, beaucoup en Europe, l'Allemagne constituant notre premier marché hors de France. La Commission de Bruxelles, après des consultations avec le Gouvernement et l'Agence, a sécurisé pour dix ans les aides publiques, à condition de séparer clairement les prestations de service pour le compte de l'État, qui donnent lieu à la rémunération d'un fil d'informations, et la compensation d'une mission d'intérêt général, définie et très encadrée, sous le contrôle de la commission financière, composée majoritairement de magistrats de la Cour des comptes, qui agit pour le compte de la Commission de Bruxelles.
M. Louis Duvernois. - Où en est la plainte déposée par votre concurrent ?
M. Emmanuel Hoog. - Elle a été classée, après la mise en oeuvre des « mesures utiles » demandées par la Commission européenne et dont une partie figure dans la loi d'avril. Il faut noter aussi que le dispositif a été pérennisé pour dix ans, et non trois ou quatre ans comme cela est le cas généralement, vu que le secteur est en évolution constante.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la loi du 17 avril portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse. - La Commission a fait preuve d'une grande attention, voire de mansuétude, d'indulgence, de courtoisie...
M. Emmanuel Hoog. - Légitimes !
M. Philippe Bonnecarrère. - Nous avions souhaité aller plus loin dans la loi en fusionnant le conseil supérieur et la commission financière, afin de créer un contre-pouvoir face au président de l'Agence et au conseil d'administration. Malheureusement nous n'avons pas été suivis et la consanguinité et l'endogamie continuent de prévaloir dans les nominations. Les présidentes du conseil supérieur et de la commission financière sont deux anciens directeurs de cabinet de ministère. Les étrangers ne comprennent pas : l'AFP est une agence de presse internationale et l'indépendance des journalistes doit être garantie. Voilà qui n'est pas à la hauteur des standards internationaux en la matière. J'espère que notre pays sera un jour plus raisonnable...
Combien de fois le conseil supérieur et la commission financière se sont-ils réunis depuis le vote de la loi? Ces deux instances n'ont jamais brillé par la fréquence de leurs réunions... Comment le contrat d'objectifs et de moyens se met-il en oeuvre ? Votre chiffre d'affaires a baissé en 2015. Ce tassement concerne-t-il aussi les autres agences ? Comment l'Agence fait-elle face à la concurrence ? Enfin, vous insistez souvent sur l'orientation vers le sport et la vidéo. Cette stratégie est-elle propre à l'AFP ?
M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits budgétaires « presse ». - Dans mon rapport pour avis, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, j'avais moi aussi regretté l'absence de fusion entre le conseil supérieur et la commission financière dans un conseil de surveillance. Toutefois, un conseil de surveillance peut s'avérer inefficace. Le COM a été signé le 15 juin, les nouvelles instances n'ont été installées qu'en octobre et n'ont pu l'examiner. Comment rattraperez-vous ce handicap ?
Je partage les inquiétudes de M. Bonnecarrère sur les perspectives financières de l'AFP, oserais-je dire « notre Agence » ? Elle perçoit 126 millions de crédits publics : 25 millions d'euros au titre du fil d'informations et 105 millions d'euros pour compenser les charges de service public. Ce montant est stable mais ne suffit pas à assurer le développement de l'Agence. En l'absence de rapport financier, quelle a été l'évolution depuis 2014 et quelles sont les perspectives pour 2016 ? Nous sommes inquiets pour la capacité d'investissement de l'Agence. L'endettement est important. La filiale AFP Blue est endettée à hauteur de 26 millions. Quelle est votre stratégie ? Les marges d'investissement sont de 7 à 9 %, soit 30 millions sur cinq ans. Que ferez-vous ? Enfin, les tensions sociales qu'a connues l'Agence l'an passé se sont-elles apaisées ?
M. Jean-Louis Carrère. - J'entends ces réquisitoires à charge, sur le ton de la plus parfaite courtoisie, évidemment. Aussi je voudrais savoir comment ont été désignés les parlementaires au sein du conseil supérieur ? J'étais peut-être absent, mais je n'ai pas été informé... Enfin je croyais que nous écouterions d'abord M. Hoog sur l'action de l'AFP. Or je constate que les questions portent déjà sur l'après. Cette audition à charge m'étonne.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous n'auditionnons pas à charge ! Chacun est libre de s'exprimer librement. Le rapporteur n'a pas remis en cause le mode de désignation, puisqu'il est inscrit dans la loi. J'excuse d'ailleurs l'absence Mme Nicole Duranton, retenue pour des raisons familiales, et qui est notre représentante au sein du conseil de l'AFP, aux côtés de M. Michel Françaix qui était le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale.
M. Emmanuel Hoog. - Les présidents du conseil supérieur et de la commission financière sont des magistrats qui ont été désignés par la Cour des comptes et le Conseil d'État. Le conseil supérieur et la commission financière sont des organes indépendants et je ne connais pas leur calendrier. Toutefois depuis le renouvellement de ces instances, mes services sont très sollicités pour leur fournir des données sur l'entreprise, ses axes stratégiques, ses comptes. La capacité d'auditer la mission d'intérêt général constitue un levier de contrôle important pour la commission financière.
Le classement de la plainte à Bruxelles était conditionné à l'élaboration d'un COM. Il comportait la définition de la mission d'intérêt général et la trajectoire financière pour la période 2014-2018. Il a été signé en juin 2015. Ce fut la trajectoire financière qui fut la plus longue à définir.
L'AFP est l'une des trois grandes agences mondiales avec Associated Press et Reuters. La concurrence hors de nos frontières est rude, les prix sont gouvernés par la loi de l'offre et de la demande et soumis à une logique déflationniste. L'originalité de l'AFP est d'être à la fois une agence nationale et internationale, alors que les Allemands ou les Britanniques n'ont plus d'agence nationale. En France, si nous ne sommes pas confrontés à la concurrence internationale, nous subissons les effets de la crise des médias, qui réduisent leurs budgets. De grands groupes nous demandent des remises de 20, 30 voire 40 %. Une baisse de 30 % de nos prix en France représente 15 millions de chiffre d'affaires en moins. Notre part de marché augmente, chacun reconnaît la qualité de nos produits, mais nous subissons l'effet prix, à cause de la crise du marché publicitaire et des médias en France ou de la compétition à l'international.
Nous avons longtemps souffert de l'absence d'une offre de vidéos. Le texte et la photo ne suffisent pas et nous risquions de sortir du marché. Après cinq ans d'investissements lourds et de redéploiements, nous proposons une offre mature, qui fait de l'AFP un acteur mondial : 250 chaînes dans le monde reprennent nos vidéos, parmi elles la BBC, CNN, Al Jazeera, BFM... La vidéo représente 70 % du chiffre d'affaires de Reuters, 30 % de celui d'AP, alors qu'il y a cinq ans, cela ne représentait qu'1 % pour nous. Il y avait urgence à rattraper ce retard de 25 ans. Nous l'avons fait et nous réalisons désormais près de 200 vidéos par jour. Depuis juin, nous réalisons aussi une trentaine de live par semaine. Grâce à des redéploiements à effectifs quasi constants, nous proposons désormais une offre complète et mondiale. Nous avons dû adapter en conséquence nos infrastructures techniques. TF1 et France Télévisions se fournissent, outre leur production propre, chez Reuters, AP ou auprès des chaînes publiques européennes. J'espère qu'ils nous rejoindront bientôt comme clients.
Autre point, la spécialisation sur le sport. Comme nous, Reuters et AP sont des agences généralistes, avec une offre complète sous tous les formats. Mais dans la concurrence internationale, il importe de se différencier. Reuters a privilégié l'économie et les services financiers, AP se distingue grâce à la profondeur de sa couverture aux États-Unis. Peu de thématiques sont porteuses au niveau mondial. Le sport en est une. Il ne s'agit pas de transformer l'AFP en agence sportive mais de compléter sa dimension généraliste. 25 % de notre production était déjà consacrée au sport. De plus l'offre de nos concurrents est très centrée sur le marché nord-américain et les sports qui y sont pratiqués. Cela nous laissait le champ libre pour nous spécialiser sur le football, par exemple, et profiter de notre spécialisation historique sur le cricket. Nous disposions d'une base solide que nous approfondissons, ce qui nous permet de viser d'autres acteurs que les médias, comme les sponsors, les fédérations, les clubs, les marques. Là encore, nous procédons par redéploiements, dans un cadre économique contraint, d'autant plus que, comme nos produits appartiennent à tous nos clients une fois diffusés, ils sont facturés moins chers que s'ils étaient livrés en exclusivité. Nous devons compenser les rabais en gagnant sans cesse de nouveaux clients. Notre marge d'exploitation demeure néanmoins positive et le sera encore l'an prochain. Comme l'AFP n'a pas d'actionnaire ni de capitaux propres, la seule solution pour financer son développement est l'emprunt. Notre endettement reste toutefois limité, inférieur à celui de beaucoup de nos clients, et exclusivement consacré à l'investissement, dans le cadre d'un plan d'investissement pour développer les réseaux, la couverture vidéo, nos capacités. Ce plan a été construit au terme d'une analyse très discutée avec les banques : on ne nous a pas signé un chèque en blanc. Nous n'enregistrons pas de désabonnements, ce qui prouve que notre marque est forte. Le problème est celui de la solvabilité de nos clients mais notre stratégie est claire et comprise.
M. Jacques Grosperrin. - La masse salariale représente les trois-quarts des charges d'exploitation. Quel est le dernier quart ?
L'article 2 de la loi du 10 janvier 1957 prévoit que l'AFP délivre une information exacte, impartiale et digne de confiance. Or l'année 2015 a été marquée par deux erreurs étonnantes : l'annonce du décès de Martin Bouygues en février et, le 9 août, l'annonce d'une noyade à Dubaï - la dépêche prétendait que le père avait laissé sa fille se noyer, alors qu'il s'agissait d'un fait ancien. Quelles leçons ont été tirées de ces erreurs ? Avez-vous mis en place un processus fiable de contrôle ? Plus généralement, l'accélération du rythme de l'information ne nuit-elle pas à sa qualité ?
M. Louis Duvernois. - Il fut un temps où la composition du conseil d'administration reflétait son immobilisme : ni les représentants de l'État ni les représentants des abonnés n'avaient intérêt à augmenter les cotisations pour financer le développement de l'Agence. La nouvelle gouvernance a permis de faire bouger les choses. Toutefois l'absence d'actionnaire, désireux de développer son entreprise, ne risque-t-elle pas de poser un problème à l'avenir ? L'Agence pourra-t-elle continuer à financer ses investissements uniquement par l'emprunt ? Comment voyez-vous l'avenir à moyen terme ?
Mme Colette Mélot. - Travaillez-vous avec l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ?
Mme Marie-Christine Blandin. - Ma question concerne la photographie. Le projet de charte comporte des éléments intéressants sur les droits d'auteur, l'utilisation modérée de Photoshop, la sécurité à travers le refus des photos de pigistes prises en zones dangereuses. Le COM fait état de la nécessité de consolider l'offre photo et de numériser le fonds. Pouvez-vous nous garantir que ce fonds photo restera inaliénable ? Quels sont les liens avec Getty Images ? Dans l'AFP forum vous évoquez 30 prestataires. Quelle est la nature de ces liens ? Ces agences privées ont parfois des pratiques beaucoup plus contestables. Quelle est la proportion des photos de pigistes ? J'ai reçu beaucoup de doléances de pigistes de Reims ou de Nice, qui se plaignent de rester pigistes alors que des pigistes franciliens ont été embauchés comme salariés. Comment gérez-vous les ressources humaines ?
M. Philippe Bonnecarrère. - Merci pour vos précisions sur votre stratégie qui semble cohérente. Excusez-moi cependant de vous pousser dans vos retranchements sur les résultats 2015. Quel est l'endettement de votre filiale AFP Blue ? Comment sont traitées ses opérations ? Lui payez-vous une prestation de service ou bien faut-il s'attendre à une nouvelle charge pesant sur le compte d'exploitation au cours des prochaines années ?
Je ne voulais pas donner le sentiment de m'exprimer à charge. Ce n'était pas le cas. Toutefois nous sommes inquiets, car vous n'avez pas droit à l'erreur. Il est important de connaître les mesures que vous comptez prendre si la situation se dégrade. Votre situation est atypique. Vous ne pouvez pas lever de capital sur les marchés, ni bénéficier d'aides de l'État, à cause du droit européen, ni bénéficier non plus de garanties financières publiques. Votre capacité d'endettement est limitée, ce qui vous a conduit à déconsolider l'endettement à travers des filiales. L'AFP a épuisé les marges de manoeuvre financières à sa disposition. Un crédit-bail a déjà été contracté sur le siège et vous êtes considérés comme une société de droit commun au regard des règles commerciales sur la solvabilité et la cessation de paiements. C'est pourquoi il est important que le Parlement ait une vision claire de la situation financière.
M. David Assouline. - Je suis content que cette réforme, finalement assez consensuelle, ait pu surmonter les conservatismes et aboutir pour vous permettre d'agir dans un univers très évolutif. Participez-vous au projet de chaîne d'information publique ? Les possibilités de synergies entre Radio France, France TV, l'INA, et l'AFP sont réelles. M. Leleux les avait soulignées dans son rapport sur le financement de l'audiovisuel public. Votre participation serait le gage d'une information continue vérifiée et de qualité.
M. Emmanuel Hoog. - La masse salariale représente 80 % des charges d'exploitation. Le COM prévoit une évolution globale de moins de 1 % par an, ce qui rend nécessaire de faire des choix, alors que nous devons continuer à recruter pour acquérir les compétences dont nous avons besoin, comme pour la vidéo par exemple. Il n'est pas question cependant de diminuer le nombre de journalistes : cela aurait un effet récessif car le volume d'informations est directement lié au nombre de journalistes. La sanction du marché serait immédiate. L'État a joué un rôle de quasi-actionnaire dans les années 1980 pour mettre en place l'activité photographique. Vu les règles européennes, nous avons dû développer la vidéo par redéploiements internes. L'AFP comptait 117 accords sociaux parfois contradictoires, parfois obsolètes. Il fallait les revoir. J'ai réuni les partenaires sociaux : les négociations sont en cours pour parvenir à une harmonisation. Un calendrier et des thématiques ont été définies. Nous revisitons des accords parfois vieux de 30 ou 40 ans...
M. Jean-Louis Carrère. - Et vous n'avez pas l'article 49-3 !
M. Emmanuel Hoog. - Mais l'esprit de dialogue est là. L'échéance est fixée à la fin de l'année.
Quand j'étais président de l'INA, j'avais noué un accord avec l'AFP pour récupérer certaines vidéos. Inversement, à l'AFP, j'ai conclu un accord avec l'INA car nous avons besoin d'images d'archives pour compléter nos flux d'actualité, en cas de disparitions de personnes célèbres par exemple. Nous avons aussi noué un partenariat portant sur la photographie, qui procure des revenus supplémentaires à l'INA. La photographie et le photojournalisme sont une source de fierté à l'AFP et notre savoir-faire est reconnu. Nos collaborateurs collectionnent les prix : Pulitzer, World Press, dans le cadre de Visa pour l'image, etc. Cela devient presque gênant... Nous assemblons aussi des offres extérieures que nous proposons à nos clients. Nos fournisseurs sont sélectionnés avec soin. Il s'agit très souvent d'agences de presse. Nous étendons ainsi notre couverture géographique là où notre production interne est insuffisante. Getty est ainsi notre vendeur d'images aux États-Unis. Grâce à ce partenariat, nous y réalisons un chiffre d'affaires important, que nous ne pourrions réaliser en comptant uniquement sur nos trois commerciaux à Washington.
Notre fiabilité est reconnue. Nous n'avons enregistré aucun désabonnement. Nos clients nous ont au contraire félicités pour notre réaction immédiate à la suite des incidents que vous évoquez. Les procédures n'ont pas été suivies. C'est d'ailleurs parce que notre fiabilité est reconnue que ces incidents ont eu cet écho. Les taux d'incidents chez nos concurrents sont beaucoup plus élevés. Nous avons immédiatement reconnu nos erreurs, sans chercher d'excuses. Des mesures ont été prises pour rappeler nos procédures. Ceux qui ne les avaient pas respectées ont été sanctionnés. Cette histoire a été vécue comme un traumatisme en interne. Mais rien ne justifie de céder à l'AFP bashing.
S'agissant d'AFP Blue, la compensation a été actée, conformément à ce qui a été décidé...
M. Philippe Bonnecarrère. - Elle est inscrite dans vos comptes ?
M. Emmanuel Hoog. - Oui. Tout est conforme au plan défini. N'oubliez pas que nous sommes contrôlés.
Vous décrivez une situation terrible : baisse des recettes, impossibilité de se financer, etc. Mais je n'ai pas rédigé le statut de l'AFP et je ne suis pas magicien...
M. Philippe Bonnecarrère. - Vous résultats sont-ils négatifs ? Si oui, que ferez-vous ?
M. Emmanuel Hoog. - Je vous ai indiqué la marge brute...
M. Philippe Bonnecarrère. - Parlez-nous des résultats !
M. Emmanuel Hoog. - Vous connaîtrez nos résultats en avril, comme tous les ans.
Un mot sur la chaîne d'information. Il semblerait curieux, alors que l'ensemble des chaînes d'informations dans le monde sont abonnées au flux de l'AFP, que la future chaîne d'information publique française ne le soit pas. C'est la remarque que j'ai faite aux responsables du projet et j'espère avoir été entendu.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Que pensez-vous de la proposition de loi adoptée hier à l'Assemblée nationale sur l'indépendance des médias ?
Mme Michèle Léridon, directrice de l'information de l'AFP. - L'indépendance des journalistes est naturelle à l'AFP. Nous en sommes les garants. Mais elle est avant tout garantie par l'ensemble des 1 500 journalistes de l'Agence. Toute pression extérieure est malvenue, sinon contre-productive. Notre statut protège notre indépendance. L'absence d'actionnaire nous protège à cet égard, tout comme l'absence d'annonceur publicitaire. Suite au traumatisme de l'année dernière, nous avons fait un examen de conscience, un debriefing, pour comprendre l'incompréhensible. Des fautes de jugement personnelles sont apparues, une erreur de jugement manifeste de la part de l'auteur de la dépêche et de la personne de permanence à la rédaction en chef qui l'a validée en l'état. Nous ne nous sommes pas arrêtés là et avons retracé toute la chaîne de transmission et avons identifiés des petites négligences cumulées. Bien sûr nous avions appelé la communication de Bouygues, mais c'était un samedi à l'heure du déjeuner... Il aurait fallu insister, l'arroser de SMS... Nous avons resserré les boulons. Le soir même j'ai envoyé une note rappelant que la fiabilité primait sur tout, y compris la rapidité. Que les décès de personnalités devaient faire l'objet d'une attention particulière, ne serait-ce que pour des raisons humaines. Il s'agissait aussi de rappeler qu'une dépêche est une oeuvre collective. En cas de doute, il faut demander l'avis de ses collègues, de ses supérieurs hiérarchiques. Nos processus ont été rappelés dans des notes aux rédactions. Nous avons aussi approfondi la formation de nos managers : la personne de permanence à la rédaction venait d'être nommée et a eu peur de demander conseil. Nous avons aussi lancé la rédaction d'une charte déontologique. Le premier texte rappelle en dix points les fondements de l'Agence, au premier rang desquels la fourniture d'une information exacte, équilibrée et impartiale. Vient ensuite un texte plus long, sur les pratiques éditoriales et déontologiques. Nous y abordons toutes les situations, dans une perspective très pratique : un journaliste doit-il accepter une invitation ? Comment corriger et reconnaître ses erreurs ? Contrairement à certains médias qui masquent leurs erreurs sur leurs sites Internet en supprimant les informations erronées, nous sommes attachés à être transparents, à afficher les rectificatifs et les points d'erreur. Enfin un troisième document concerne le traitement des sources. Cette charte a été élaborée par toute la rédaction. Ces textes seront validés à la fin du mois et publiés sur notre site.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie. Monsieur Carrère, Mme Duranton a été nommée par notre commission lors de sa réunion du 22 juillet 2015. Cette nomination devait aussi tenir compte de la parité prévue par la loi.
M. Jean-Louis Carrère. - Je l'ignorais. Personne n'avait été capable de me répondre ! Avant de conclure je formulerai une suggestion. Ma messagerie est submergée de mels de lobbies. Notre commission, en charge de la communication, ne pourrait-elle prendre une initiative à cet égard pour les limiter ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous y réfléchirons.
La réunion est levée à 11 h 55.