Mardi 2 février 2015
- Présidence de M. Philippe Bas, président -Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
La commission entend M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, dans le cadre du suivi de l'état d'urgence.
M. Philippe Bas, président. - Le ministre de l'intérieur a accepté de se présenter devant nous dans la perspective de l'adoption, par le conseil des ministres de demain, du projet de loi de prorogation de l'état d'urgence sur lequel notre commission délibérera demain, à la suspension de la séance du soir. Le temps nous sera compté. Heureusement, de nombreuses auditions ont déjà été menées par notre rapporteur spécial, Michel Mercier, qui conduit les travaux du comité de suivi de l'état d'urgence.
Nos collègues s'interrogent, monsieur le ministre, sur l'opportunité d'une prorogation de l'état d'urgence ; vous allez nous expliquer comment, à vos yeux, il se justifie et en quoi les mesures prises dans ce cadre sont utiles à la lutte contre le terrorisme.
Avant de vous céder la parole, je salue la présence de deux membres de l'assemblée de la Polynésie française, Mme Vaiata Perry-Friedman et Mme Chantal Flores-Tahiata, accompagnées de Mme Anthinéa Grand-Pittman, dans le cadre de la convention de partenariat signée le 20 janvier entre le Sénat et cette assemblée.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Le 13 novembre dernier, la France était frappée par l'acte de terrorisme le plus meurtrier de son histoire. Avec responsabilité, sans faiblir, le Président de la République, sur proposition du Premier ministre, a aussitôt décrété l'état d'urgence. Je dois dire que depuis lors, le Parlement, par-delà les divergences politiques, a hissé très haut les valeurs républicaines. Ce fut le cas au Congrès, lorsque la nation, incarnée par ses représentants, a fait bloc le 16 novembre dernier ; ce fut le cas également lorsque vous avez eu à connaître dans des délais très restreints de la loi prorogeant l'état d'urgence et réformant les dispositions de la loi du 3 avril 1955 ; ce fut le cas encore, lorsque vous avez pris le parti de contrôler la mise en oeuvre de l'état d'urgence avec une vigilance républicaine qui vous honore. Ici, à la commission des lois, vous êtes en première ligne sur ces questions.
Nous avons beaucoup échangé à Matignon et à Beauvau, dans les réunions hebdomadaires que nous organisions avec le Premier ministre et avec des parlementaires. J'aimerais rendre un hommage appuyé aux contributions de MM. Alain Richard, Jacques Mézard et Michel Mercier.
Demain, sous l'autorité du Président de la République, le conseil des ministres adoptera un projet de loi prorogeant une nouvelle fois l'état d'urgence. Le Sénat en sera saisi en tout premier lieu, vous contraignant à statuer dans un délai très restreint. En réalité, grâce au travail conduit par le comité de suivi, vous disposez d'ores et déjà d'éléments très précieux. Les contacts entre les collaborateurs de M. Mercier et les miens se sont encore accrus ces derniers jours. J'ai formulé des instructions très précises et très fermes à mes services, pour que tous les éléments vous soient transmis. Ce contrôle au jour le jour du Parlement est une démarche inédite.
J'ai, par ailleurs, pris connaissance de la proposition de loi déposée par le président Bas et le rapporteur Mercier, et tout en me gardant bien de toute ingérence dans vos débats, je tenais à vous signifier combien elle témoigne, une nouvelle fois, de votre connaissance précise et méticuleuse de ces questions.
Je voudrais d'abord dresser un bilan des mesures mises en place dans le cadre de l'état d'urgence. Depuis le 13 novembre, 3 284 perquisitions administratives ont été réalisées. Elles ont notamment permis la saisie de 560 armes, dont 208 armes longues, 163 armes de poing, 42 armes de guerre et 147 autres armes qui sont pour la plupart très dangereuses ; 392 interpellations ont eu lieu, soit près de 12% des perquisitions, entraînant 341 gardes à vue.
Au lendemain des attentats du 13 novembre, l'autorité publique a fait le choix de créer un effet de surprise - et même, dirais-je, de sidération -, d'éviter des répliques et de déstabiliser les filières. Nous y sommes manifestement parvenus.
Concernant l'usage qui a été fait des perquisitions, Michel Mercier et Jean-Jacques Urvoas m'ont interrogé sur chacun des cas ayant fait l'objet de commentaires dans la presse ; ils ont pu constater avec quel souci de précision les cibles avaient été identifiées. Néanmoins, j'ai pu constater que quelques opérations n'avaient pas été menées avec le discernement nécessaire : ainsi, une perquisition dans une ferme bio du Périgord le 24 novembre, parfaitement injustifiée, et une autre, le 17 novembre, dans une mosquée à Aubervilliers, dans des conditions qui ne me semblaient pas suffisamment respectueuses de ce lieu de culte. J'ai dit mon sentiment aux responsables concernés et donné des instructions extrêmement fermes pour que les objectifs soient toujours parfaitement pertinents et le déroulement, irréprochable. Je l'ai fait par écrit, par un télégramme daté du 25 novembre que j'ai transmis à Michel Mercier et que je tiens à votre disposition. J'ai également demandé aux directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale de relayer ces consignes sur le terrain ; si bien que cette déontologie et ce professionnalisme, auxquels je tiens particulièrement, ont été éprouvés, constatés et appliqués durant ces trois mois d'état d'urgence.
Depuis plus d'un mois, nous avons affiné les objectifs. Est-ce à dire pour autant que nous n'utilisons plus les mesures de l'état d'urgence ? En aucun cas. À titre d'exemple, dans la nuit du 19 au 20 janvier dernier, 38 armes ont été recueillies et, durant la semaine dernière, 64 perquisitions administratives ont eu lieu. Ce n'est pas parce que le rythme a baissé que nous n'utilisons plus les moyens de l'état d'urgence. La fréquence d'emploi de ces mesures répond à une stratégie minutieuse : nous ne ferons pas du chiffre pour du chiffre. Nous cherchons à appliquer avec discernement les mesures de police administrative avec une seule préoccupation : celle de leur efficacité.
Au-delà des saisies, l'enjeu réside dans l'exploitation des éléments recueillis lors des perquisitions administratives. À la date du 28 janvier, 563 procédures avaient été ouvertes correspondant à 17,3 % des perquisitions.
Sur les 341 gardes à vue, 65 condamnations ont d'ores et déjà été prononcées et 54 décisions d'incarcération ont été prises, ce qui correspond respectivement à 19 % et 15,8 % des gardes à vue. Parce que vous connaissez bien ces matières, vous savez que ces taux sont absolument considérables. L'objectif principal a été de cibler les personnes en lien avec l'islam radical. Hors périmètre de la préfecture de police de Paris, 61 % des perquisitions administratives ont ciblé des personnes d'ores et déjà fichées à ce titre.
Nos opérations désorganisent les réseaux qui arment et financent le terrorisme, en particulier à travers les trafics d'armes et de stupéfiants. Les saisies d'espèces, qui s'élèvent à plus d'un million d'euros, déclenchent l'ouverture d'enquêtes administratives par les services du ministère de l'économie et des finances sur la provenance de ces avoirs. Il ne fait pas de doute que les données numériques saisies, en cours d'exploitation, déboucheront également sur de nouvelles incriminations.
Ces éléments sont encore très loin d'être exhaustifs : les données numériques ne sont pas encore toutes exploitées, les renseignements sont en cours de recoupement ; des rebonds sont à prévoir dans des procédures existantes.
Parce que nous souhaitons inscrire notre action dans le cadre scrupuleux du droit, et préserver tant les garanties dues aux personnes mises en cause que la sécurité juridique des procédures, nous avons donné des directives très précises dès le lendemain des attentats afin d'associer pleinement l'autorité judiciaire, à travers les procureurs de la République, aux opérations de perquisition administrative, et ce en parfait accord avec le ministère de la justice. Michel Mercier, qui a pu décortiquer les dispositifs mis en oeuvre par les services du ministère de l'intérieur, vous dira lui-même en quoi cette coopération a pu renforcer l'efficacité des services de l'État durant cette période.
Les assignations à résidence doivent être abordées sous le prisme du contrôle juridictionnel qu'elles ont engendré. Dans le cadre de l'état d'urgence, ce contrôle est exercé à titre principal par le juge administratif. Certains n'ont pas manqué de s'étonner de l'absence du juge judiciaire, y voyant une mise à l'écart. C'est faire litière des principes généraux du droit, qui veulent que le juge administratif soit compétent pour contrôler la légalité des mesures de police administrative - au demeurant, il a eu l'occasion, historiquement, de démontrer qu'il n'était pas moins indépendant que le juge judiciaire. Les plus prompts à dénoncer l'absence de ce dernier ont été les plus prompts à se féliciter de l'annulation de certaines assignations à résidence par le juge administratif : c'est donc qu'il y a un juge !
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'assignation à résidence, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 22 décembre 2015, déclaré les dispositions relatives à l'assignation à résidence résultant de la loi du 20 novembre 2015 conformes à la Constitution, et a réaffirmé la compétence du juge administratif, l'assignation à résidence n'étant pas constitutive d'une privation de liberté au sens de l'article 66 de la Constitution. Le contrôle exercé par le juge administratif est donc considéré comme substantiel. L'intervention du juge administratif, sa capacité à remettre en cause des décisions de l'autorité administrative, la décision du Conseil constitutionnel constituent donc autant d'éléments objectifs qui ne sont pas le résultat de la réflexion du Gouvernement mais qui témoignent de la rigueur du raisonnement qui a été le sien quant au recours juridictionnel dans le cadre de la mise en oeuvre de mesures de l'état d'urgence. Ils témoignent également de la parfaite constitutionnalité de ce que le Parlement a voté sur proposition du Gouvernement.
Ainsi, 392 assignations ont été prononcées depuis le début de l'état d'urgence. 27 de ces assignations à résidence, qui concernaient des personnes susceptibles de constituer une menace pour l'ordre et la sécurité publics durant la Conférence internationale sur le climat, ont été levées à l'issue de la COP 21, c'est-à-dire le 12 décembre. L'administration a elle-même abrogé 26 assignations lorsque le doute sur la dangerosité des intéressés a été levé : elle ne fait pas preuve de rigidité dans la gestion des mesures qu'elle prend.
Enfin, 118 référés liberté ont été soumis à la juridiction administrative et 10 suspensions ont été prononcées, traduisant tout à la fois le sérieux des procédures engagées par le ministère de l'intérieur et l'absence de faiblesse de la part de la juridiction administrative. Par ailleurs, 83 recours en plein contentieux ont été introduits, une seule annulation a été prononcée. Les suspensions et cette annulation ne concernent pas des personnes assignées dans le cadre de la COP 21, qui n'étaient pas des militants écologistes mais des individus violents ; il a ainsi été jugé que ces assignations ne méconnaissaient pas le principe de proportionnalité, puisqu'elles ciblaient des individus présentant un risque pour l'ordre public dans le contexte qui prévalait.
Aujourd'hui, 331 assignations à résidence sont toujours en vigueur, dont 83 % s'appliquent à des individus déjà fichés au titre de l'islam radical. À la suspension de l'état d'urgence, leur assignation tombera, même si à terme, des suites judiciaires et administratives dans le droit commun pourraient être envisagées. Le Gouvernement assume parfaitement ces mesures.
De même, les interdictions de manifester décidées par les préfets jusqu'au 12 décembre 2015 étaient pleinement justifiées par l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le Gouvernement de garantir le maintien de l'ordre public, alors que nos forces étaient tout entières mobilisées pour garantir la sécurité des Français et le bon déroulement de la COP 21, sur la voie publique, dans les transports en commun, devant les lieux sensibles et à nos frontières.
Les mouvements sociaux qu'a connus le pays ces dernières semaines, qu'ils émanent des chauffeurs de taxi ou du monde agricole, témoignent que le droit de manifester dans le cadre de l'état d'urgence demeure la règle, quand bien même des débordements sont à craindre. L'interdiction demeure l'exception. On m'a demandé pourquoi je n'interdisais pas ces manifestations : tout simplement parce que nous sommes dans un État de droit. Si l'on veut que l'état d'urgence protège contre le terrorisme, nous devons nous montrer irréprochables dans son application, sur le respect des libertés publiques.
J'ajoute que 45 mosquées, certaines clandestines, et lieux de culte ont fait l'objet d'une perquisition administrative ; 10 ont été fermées. Dans ces lieux, des prêches qui n'avaient rien à voir avec le culte musulman propageaient une vision de l'islam incompatible avec les valeurs de la République, encourageant ou légitimant des actes constitutifs d'une menace sérieuse pour l'ordre et la sécurité publics.
Je voudrais illustrer ce propos par deux exemples : la mosquée de l'Arbresle dans le Rhône et celle de Lagny en Seine-et-Marne. La seconde a fait l'objet d'une dissolution, la toute première, par l'adoption de trois décrets en conseil des ministres prononçant la dissolution des associations qui constituaient les personnes morales sur lesquelles reposait la mosquée. Plutôt que d'utiliser l'article 6-1 de la loi du 3 avril 1955 pour procéder à cette dissolution, nous nous en sommes tenus à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, dans le cadre d'une procédure contradictoire. Mes consignes sont très claires : le recours aux mesures de l'état d'urgence doit être une nécessité et certainement pas un confort ; lorsque nous pouvons opter pour le droit commun plutôt que pour les mesures de l'état d'urgence, nous l'utilisons. Vous noterez qu'à l'occasion des perquisitions réalisées dans cette mosquée, et lorsque nous avons commencé à envisager cette dissolution, de nombreux commentaires avaient été faits, y compris d'élus locaux. Depuis que cette dissolution, accompagnée des éléments de justification, est intervenue, les protestations se sont tues. On constate ainsi qu'il y a autour des mesures de l'état d'urgence un certain « bruit » organisé par des individus qui réalisent que l'état d'urgence fait obstacle à la poursuite de leur oeuvre sectaire d'endoctrinement.
Je veux indiquer que nous continuons à bloquer des sites internet qui se livrent à l'apologie ou à la provocation au terrorisme sans avoir recours à la loi du 20 novembre 2015 qui nous autorise pourtant à le faire, mais en application de la loi du 13 novembre 2014 ; en effet, nous estimons que l'efficacité et les garanties du droit commun sont suffisantes.
Le renseignement est la clé de cette nouvelle phase de l'état d'urgence, où la coopération entre le renseignement territorial et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) se déploie avec force. Depuis le 13 novembre, 1 492 nouveaux signalements ont été inscrits aux fichiers gérés par les services de renseignement. Plus de 10 000 mises à jour de ces fichiers ont eu lieu, dont 1 020 actualisations la semaine passée, ce qui est considérable. C'est la preuve que nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Les mesures que nous avons mises en oeuvre n'ont pas encore révélé toute leur vérité ; c'est à l'aune de cet intérêt stratégique qu'il faut examiner la question de la prorogation de l'état d'urgence.
Au-delà de la stratégie très fine de renseignement, de déstabilisation, de judiciarisation que nous mettons en oeuvre, l'état d'urgence s'apprécie, conformément au texte qui le fonde, à l'aune d'un « péril imminent ». Plusieurs mois après les actes terroristes du 13 novembre, ce péril qui menace la France ne s'est pas estompé, bien au contraire, il s'est amplifié.
Depuis le 13 novembre, des attentats, même de moindre ampleur, se sont répétés, en France et à l'étranger, visant nos intérêts et nos ressortissants ainsi que des alliés directs de la France, au nom d'organisations terroristes telles que Daesh ou Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
À la fin de l'année 2015, plusieurs attentats ont été déjoués en Belgique et en Allemagne. De même, au mois de décembre, deux projets terroristes en gestation sur le territoire national ont été déjoués, le premier émanant d'un individu résidant à Tours et le second, de deux personnes de la région orléanaise qui cherchaient à se procurer des armes avec le projet d'attaquer des représentants de la force publique.
Le 24 décembre 2015, un couple demeurant à Montpellier a été mis en examen des chefs d'association de malfaiteurs en vue de la commission d'actes de terrorisme et financement du terrorisme, et écroué. De la documentation djihadiste et un faux ventre de femme enceinte qui aurait pu servir à dissimuler des objets, recouvert d'une couche d'aluminium, ont notamment été saisis à leur domicile. Le 7 janvier 2016, un individu apparemment porteur d'un engin explosif, qui s'est avéré factice, et d'un document de revendication au nom de l'organisation terroriste Daesh a été abattu par des policiers en faction devant le commissariat du XVIIIe arrondissement de Paris alors qu'il les menaçait avec une arme blanche. Le 11 janvier, à Marseille, un mineur a blessé à l'arme blanche un professeur de confession juive devant l'Institut franco-hébraïque de la Source, avant de revendiquer son action au nom de l'organisation Daesh.
Ces dernières semaines, les organisations terroristes ont démontré leur capacité à frapper partout dans le monde et à viser là où se trouvaient des ressortissants français et européens. Le 20 novembre 2015, deux terroristes attaquaient l'hôtel Radisson Blu de Bamako, au Mali, essentiellement fréquenté par des occidentaux, et abattaient vingt otages avant d'être neutralisés. Le groupe djihadiste Al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar a revendiqué la prise d'otages.
Le 12 janvier 2016, un attentat suicide perpétré à Istanbul et visant des touristes allemands causait la mort de dix d'entre eux et blessait dix-sept autres personnes. Le 15 janvier, un triple attentat était perpétré à Ouagadougou, au Burkina Faso, visant un hôtel et des établissements connus pour être fréquentés par des expatriés, causant la mort de trente personnes, dont trois ressortissants français.
La menace terroriste demeure donc à un niveau très élevé, portée soit par des individus isolés et radicalisés, sensibles aux messages d'incitation au passage à l'acte qui leur sont adressés, soit par des organisations terroristes dont la force de frappe, en France ou à l'étranger contre les intérêts ou ressortissants français, est indiscutable.
Ainsi, début 2016, environ six cents Français étaient présents en zone irako-syrienne, susceptibles de revenir sur le territoire national pour y perpétrer des actions violentes commanditées par Daesh. Pour la seule année 2015, 329 nouvelles arrivées sur zone en provenance de notre territoire ont été enregistrées. Le nombre de personnes n'ayant pas encore mis leur projet à exécution est passé de 295 fin 2014 à 723 fin 2015. De même, de nombreux candidats à la lutte armée, empêchés de quitter le territoire national pour des raisons administratives ou matérielles, sont susceptibles de passer à l'acte, de manière isolée ou pilotée depuis la Syrie.
C'est pourquoi le fait qu'aucun nouvel acte grave d'une ampleur comparable à celle des attentats commis le 13 novembre 2015 ne soit survenu depuis cette date ne saurait laisser penser que le péril imminent a cessé. Au contraire, dans sa propagande diffusée sur internet après les attentats de Paris, l'organisation terroriste Daesh a réitéré ses appels à l'action terroriste violente et meurtrière contre la France, en ciblant divers services publics, en plus de tous les objectifs potentiels déjà cités dans ses communications précédentes.
En raison de notre détermination à éradiquer le terrorisme, en raison de notre engagement dans des opérations militaires extérieures de grande envergure visant à frapper les bases des groupements terroristes, en raison de notre volonté de porter haut et fièrement les valeurs qui sont les nôtres, nous sommes devenus une cible privilégiée aux yeux des organisations criminelles opérant au Proche-Orient, au Sahel, et à présent en Libye. Dans ce combat - que nous remporterons - nous ne pouvons nous permettre la moindre approximation. Si la guerre est totale, elle doit être menée à chaque instant.
Pour toutes ces raisons, le Président de la République a pris la décision de vous soumettre une nouvelle loi de prolongation de l'état d'urgence.
Le contrôle parlementaire, inscrit dans son principe dans la loi du 3 avril 1955, n'a jamais été aussi rigoureux. J'ai immédiatement signifié à Michel Mercier, ainsi qu'à Jean-Jacques Urvoas pour l'Assemblée nationale, ma détermination à tout mettre en oeuvre pour garantir un contrôle inédit allant même au-delà de celui qu'exerce une commission d'enquête parlementaire. Mon ministère sera toujours à votre disposition pour vous transmettre l'ensemble des éléments pertinents. L'état d'urgence ne signifie pas davantage de pouvoirs et davantage d'opacité, mais davantage de transparence pour plus d'efficacité ; voilà ma conception de l'État de droit, et si vous nous renouvelez votre confiance pour prolonger l'état d'urgence, compte tenu du danger qui nous menace, c'est dans cet esprit que les services placés sous ma responsabilité exerceront leur mission.
M. Philippe Bas, président. - Merci de cet exposé complet et intéressant, qui me donne l'occasion de saluer le dialogue de qualité qui s'est noué entre les services du Gouvernement et notre commission.
D'une certaine façon, nous pourrions avoir une préférence pour un système, sous le contrôle du Parlement, d'état d'urgence temporaire, par rapport à une législation permanente qui restreindrait les libertés publiques durablement, pour faciliter la lutte contre le terrorisme. Vous n'avez pas à nous convaincre que le péril qui avait justifié la déclaration d'état d'urgence est toujours là ; mais quand pouvons-nous espérer qu'il ne le sera plus ? Il ne suffit pas que le péril demeure pour reconduire indéfiniment l'état d'urgence : il faut aussi démontrer que les mesures administratives prises dans ce cadre sont réellement utiles à la lutte contre le terrorisme. Or si ces mesures étaient principalement ciblées sur des personnes fichées au titre de l'islamisme radical, les poursuites judiciaires ont surtout concerné des délinquants ordinaires. Je comprends que ces faits de délinquance peuvent être reliés à la préparation d'actions terroristes. Mais c'est une question que nous nous posons : le filet qui a été jeté n'a-t-il permis d'attraper que des faits de délinquance ordinaire ? Il est très important pour nous de bien comprendre en quoi la lutte contre le terrorisme a réellement progressé avec la mise en oeuvre de l'état d'urgence. Le filet mis en place n'a-t-il permis de remonter que du menu fretin ?
Vous avez également dit que la mise en oeuvre de l'état d'urgence ne posait aucune difficulté constitutionnelle, en particulier les assignations à résidence. Ce point n'est pas anodin au moment où le Parlement est saisi d'un projet de révision constitutionnelle qui, certes, ne porte pas exclusivement sur l'état d'urgence. J'aimerais cependant comprendre ce qui vous manque dans la Constitution pour sécuriser les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence ?
Enfin, notre souci est de relier l'ensemble des mesures prises à l'efficacité de la lutte contre le terrorisme, qui est un impératif majeur. Nous nous devons, en tant que représentants de la Nation, de démontrer à nos concitoyens l'utilité de l'état d'urgence. En suivant la mise en oeuvre des mesures dans leur continuité, le Parlement apporte la garantie qu'aucun abus ne sera commis dans ce cadre.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial du comité de suivi de l'état d'urgence. - Je vous donne acte de la parfaite collaboration entre nos services et les vôtres, ainsi que de votre disponibilité. Notre comité a entendu le préfet de police de Paris, le préfet de Seine-Saint-Denis, les directeurs des services de renseignement et de la police. Tous nous ont expliqué clairement ce qu'ils étaient en mesure de faire dans le cadre de l'état d'urgence.
Mais nous ne pouvons rester indéfiniment sous ce régime : les terroristes auraient alors gagné. Le président de la République et le Gouvernement s'apprêtent à nous demander de proroger une nouvelle fois l'état d'urgence, mais il faudra revenir un jour au droit commun. Tel est l'objet de la proposition de loi que nous allons examiner cet après-midi en séance publique : faciliter le retour aux procédures de droit commun en armant le juge judiciaire pour la lutte anti-terroriste.
Pouvez-vous définir la notion de péril imminent ? Le Conseil d'État a développé une jurisprudence, mais sans apporter de définition claire ; or c'est indispensable.
Il est vrai que le juge administratif, comme vous le dites, a efficacement contrôlé les mesures prises dans ce cadre ; reste qu'il intervient seulement a posteriori. Là est la principale différence avec un régime de droit commun : le juge judiciaire ordonne, le juge administratif contrôle. Oui, le juge administratif a exercé son contrôle, en particulier sur les assignations à résidence ; la décision, la semaine dernière, du juge des référés du Conseil d'État de suspendre une assignation en témoigne. Le juge administratif est, lui aussi, un juge des libertés publiques.
À l'occasion de la mise en oeuvre de l'état d'urgence, le juge administratif a fait apparaître un nouveau concept, expliquant que la condition d'urgence est toujours présumée pour les atteintes graves à la liberté individuelle que sont les assignations à résidence : il a parlé, à cette occasion, de droit à l'audience. Le Gouvernement compte-t-il l'inscrire dans la loi ? Dans le cas contraire, des parlementaires pourraient le faire.
Je voudrais enfin aborder la question du contrôle des perquisitions administratives : les procédures d'urgence en matière de perquisitions sont inopérantes car, par définition, quand le juge est saisi, la perquisition est achevée et il n'y a plus lieu de suspendre la mesure. La perquisition ne peut donc être contrôlée que par la voie du plein contentieux, ce qui met en jeu la responsabilité de l'État, notamment en matière d'exécution de la perquisition. Je pense qu'il y a là un problème.
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous avez évoqué l'effet de surprise engendré par l'état d'urgence au bénéfice des forces de l'ordre ; mais jusqu'à quand jouera-t-il ? Vous avez également utilisé l'expression de « guerre totale » ; c'est bien le cas, mais alors elle ne sera pas menée par des moyens exclusivement policiers, voire militaires. C'est aussi un combat idéologique. De ce point de vue, les basculements violents, souvent inattendus, de certains jeunes gens répondent à un vide. Depuis janvier 2015, nous sommes confrontés à la réalité du terrorisme. Qu'a fait le Gouvernement dans le domaine du combat des valeurs ?
M. Jacques Mézard. - Nous ne mettons pas en cause l'action personnelle que vous menez ; mais vous n'avez évoqué que l'un des deux piliers de l'état d'urgence. Le premier est de rassurer l'opinion publique ; mais dans ce cas peut-on rester durablement sous ce régime ? Le second est l'efficacité ; et dans ce domaine, quelles sont les mesures techniques indispensables aux services chargés de notre sécurité ? Nous ne pouvons rester dans l'urgence de manière durable - comme l'a dit Michel Mercier, ce serait une victoire des terroristes. Malgré tout le bien que vous dites du contrôle administratif, il s'exerce a posteriori. On ne peut éluder les réactions qu'ont exprimées des juges judiciaires récemment, comme lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation.
Pour sortir de l'état d'urgence, nous dit-on, il faut légiférer pour renforcer l'action de nos services de police. Mais il est à craindre que nous ayons les deux simultanément ! La majorité sénatoriale a déposé un texte, le Gouvernement un autre... Serait-il envisageable, sur un sujet pareil, d'avoir une politique concertée ? Sinon ce sera une course à la mer, dangereuse pour les libertés individuelles.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien. Je suis d'accord !
Mme Catherine Tasca. - Monsieur le ministre, certaines mesures ont été prises, avez-vous dit, sur le fondement du droit commun et non du régime de l'état d'urgence. À quel moment peut-on dire, dès lors, que celui-ci s'impose car celui-là ne suffit plus ?
Avez-vous des informations relatives aux menaces dont les établissements d'enseignement ont fait l'objet ? Leur origine est-elle connue ?
M. René Vandierendonck. - Je veux saluer votre engagement avec la plus grande sincérité, monsieur le ministre, ainsi que vos qualités humaines et pédagogiques.
Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe radical à l'Assemblée nationale, a rappelé le temps qu'avait duré jadis l'application de l'état d'urgence... Le rôle de l'autorité judiciaire gardienne des libertés individuelles est fréquemment rappelé, mais n'oublions pas que le juge administratif - je pense bien sûr à l'arrêt Canal du Conseil d'État - peut aussi s'affranchir de toute dépendance à l'égard des pouvoirs publics, président de la République inclus, pour faire triompher le droit.
La vraie question est celle des justifications de l'état d'urgence ; l'ancien président de la commission des lois de l'Assemblée nationale Jean-Jacques Urvoas a avancé dans la presse l'hypothèse d'un essoufflement... Si ce n'est pas le cas, Michel Mercier a raison, il faut proroger l'état d'urgence, mais en recentrant les mesures prises sur la lutte contre le terrorisme et en précisant le contrôle du juge.
Sur la saisine du juge a priori ou a posteriori, voyez la jungle de Calais : aucun juge judiciaire n'a jamais réussi à améliorer l'accueil des réfugiés ; il a fallu que le juge administratif enjoigne à l'Etat de prendre les mesures qui s'imposaient.
Autre problème : l'absence de terme fixé à l'état d'urgence, qui a sans doute contribué à l'emballement médiatique.
M. Philippe Bas, président. - Avez-vous vraiment besoin de tout l'arsenal offert par l'état d'urgence ? Toutes les mesures ne sont pas utilisées, ni même, certainement, nécessaires.
M. René Vandierendonck. - D'où l'intérêt de le constitutionnaliser. À défaut, tout législateur réunissant une majorité de fortune pourrait en faire ce qu'il veut...
M. Christian Favier. - Nous ne sous-estimons pas la menace et nous n'avons pas d'états d'âme à soutenir la lutte implacable contre les réseaux terroristes. Mais l'effet de surprise qui rendait les premières mesures efficaces ne s'est-il pas dissipé ? Il n'est en outre pas démontré que les actes individuels - certes à caractère terroriste - que vous avez cités soient liés à des réseaux terroristes ; ils peuvent aussi bien s'inscrire dans un climat général amené à perdurer. On y sera toujours confronté : faudra-t-il donc toujours proroger l'état d'urgence.
Que pensez-vous des préconisations du Défenseur des droits Jacques Toubon relatives aux perquisitions menées dans les foyers, sous les yeux des enfants ?
Les moyens déployés pour la sécurisation des lieux publics pourront-ils être maintenus ? Les collectivités territoriales ont été fortement sollicitées à cette fin ; mon département a ainsi dépensé 500 000 euros en 2015, et déjà 120 000 euros en janvier 2016. Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, nous ne pourrons continuer très longtemps à dépenser 30 000 euros par semaine... L'État envisage-t-il d'en prendre une partie en charge ?
M. Alain Marc. - Des instructions ont-elles été données aux préfets pour décliner les mesures prises dans les départements - en matière de protection des écoles par exemple ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Veillons, sur ce sujet difficile, à éviter toute posture et à faire preuve de responsabilité collective. Que dirait-on, qu'entendrait-on si un attentat était perpétré deux jours après la décision de mettre fin de l'état d'urgence ? Ne dirait-on pas que cela aurait été une erreur d'y mettre un terme ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas un argument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Je ne reprends pas ce raisonnement à mon compte, mais la nature du débat public dans notre pays me laisse penser que la question serait posée de la sorte dans de telles circonstances, et que les Français s'interrogeraient sur la résilience de notre société face aux risques. En toute hypothèse, ce débat peut être ouvert - je le referme, pour l'heure, car ce n'est pas la raison qui nous conduit à demander la prorogation de l'état d'urgence.
Nous disposons d'éléments objectifs : en 2015, 18 filières de recrutement djihadiste ont été démantelées et 11 attentats déjoués, dont 8 au cours des derniers mois de l'année, et nombre de ces projets étaient commandités par les mêmes personnes que les attentats de novembre. Je rappelle que ni l'artificier, ni le coordinateur des attentats de Paris, ni Salah Abdeslam ni Mohamed Abrini n'ayant été arrêtés, ils peuvent frapper de nouveau. Nous arrêtons tous les jours des personnes, non sur de simples soupçons, mais sur la base d'éléments autorisant leur défèrement et leur incarcération après leur garde à vue. Bref nous avons encore besoin de pouvoir prendre des mesures prévenant la commission de nouveaux actes terroristes. Je suis surpris de constater qu'après les 130 morts de novembre, l'état d'urgence - que nous utilisons avec discernement et dont je souhaite comme vous un contrôle parlementaire accru - soit regardé comme un danger plus grand pour nos libertés que la menace terroriste elle-même... Sur la base de l'avis rendu par le Conseil d'État et des éléments objectifs que j'ai fournis, chacun prendra ses responsabilités.
Une révision constitutionnelle est-elle nécessaire ? D'abord, le Conseil d'État a approuvé le texte, sans disjoindre les dispositions relatives à l'état d'urgence. Ensuite, le Conseil constitutionnel n'a pas statué sur la totalité des mesures prises sur le fondement de l'état d'urgence, seulement sur une partie d'entre elles. Enfin, on ne saurait dénoncer le danger que constituerait l'état d'urgence pour les libertés publiques et refuser simultanément son encadrement par l'inscription dans la Constitution de principes incontestables.
Le Conseil d'État s'est donc prononcé en faveur de la nécessité d'une telle révision et le Gouvernement a décidé de suivre cet avis.
M. Mercier m'interroge sur le péril imminent. Je vous ai donnés des précisions sur les circonstances. J'ajoute que lorsque le Conseil d'État s'est prononcé sur la prorogation de l'état d'urgence, il a apprécié ce qu'était le contexte et par conséquent l'imminence du péril. Vous me demandez ensuite si je suis favorable à inscrire dans la loi le fait que la personne assignée à résidence puisse se rendre lui-même devant la juridiction administrative. Il y a déjà une pratique mise en place : les personnes assignées souhaitant assister à l'audience demandent, ce qui leur est généralement accordé, à bénéficier d'une « sauf-conduit » pour venir s'exprimer devant la juridiction administrative.
Dès lors, la consécration dans la loi d'une pratique ne me semble pas problématique. Plus on mobilise de mesures préventives, plus les garanties doivent être importantes.
Je comprends mal les termes du débat sur le contrôle juridictionnel a priori ou a posteriori. « Les services sont intervenus et n'ont rien trouvé », me dit-on souvent. C'est que la police administrative a précisément pour objet de prévenir la commission d'une infraction, de lever un doute, pour ainsi dire. Si la commission de l'infraction était certaine, si l'on savait à l'avance que des armes de poing, des armes lourdes ou des vidéos appelant au djihad se trouvaient dans l'appartement perquisitionné, c'est la justice qui serait saisie... De plus, dans la plupart des cas, le préfet agit en étroite collaboration avec le procureur de la République, parce que la protection de l'ordre public va également dans le sens de leur intérêt, et parce que cela facilite, le cas échéant, la judiciarisation des affaires. Certes, le contrôle juridictionnel est postérieur mais si le juge judiciaire contrôlait les actes de l'administration, le principe de séparation des pouvoirs serait méconnu. Je ne vois rien dans la pratique qui contrevienne à quelque principe général du droit que ce soit, contrairement à ce que l'on peut lire à longueur de colonnes...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial du comité de suivi de l'état d'urgence. - Ce n'est pas ce que je dis !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Je le sais que ce n'est pas ce que vous dites mais votre question me permet d'apporter une précision. Monsieur Collombat, nous avons en effet pris de nombreuses mesures dès le déclenchement de l'état d'urgence pour profiter de l'effet de surprise. Mais le passage du temps ne les rend pas inefficaces pour autant, car les informations obtenues suscitent de nouvelles perquisitions, et les services de renseignement prennent le relais. Les réseaux terroristes s'adaptent, à nous d'en faire autant.
Il est vrai que l'état d'urgence ne suffira pas pour remporter la guerre totale contre le terrorisme. C'est pourquoi le Gouvernement a renforcé les effectifs et les moyens budgétaires du renseignement territorial, du renseignement intérieur et de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris ; nous avons en outre complété notre arsenal juridique par la loi du 13 novembre 2014 et par celle du 24 juillet 2015, dont la majorité des textes d'application ont été pris, rendant les nouvelles techniques mobilisables ; créé une plateforme de signalement des personnes radicalisées et un dispositif de prise en charge de ces personnes au moyen d'une circulaire cosignée en avril 2014 avec la garde des sceaux ; déployé grâce au centre interministériel de prévention de la délinquance des équipes mobiles de formation des fonctionnaires - 4 000 en ont bénéficié à ce jour. C'est aussi pourquoi je me bats au niveau européen, comme lors de la dernière réunion des ministres de l'intérieur européen à Amsterdam, pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures, systématiser le recours au système d'information Schengen (SIS), homogénéiser son alimentation par les divers pays, le connecter aux fichiers criminels des personnes recherchées, utiliser la banque de données Eurodac à des fins de sécurité, mettre en place une plateforme de lutte contre les faux documents, etc.
Je partage l'approche de Jacques Mézard sur le rôle protecteur des libertés individuelles dévolu au juge judiciaire. Je voudrais vous convaincre que ce n'est pas parce que l'on exerce la fonction de ministre de l'intérieur que l'on n'est pas soucieux des libertés. Les décrets et circulaires que j'ai pris, que j'ai transmis au rapporteur, sont venus encadrer les modalités de mise en oeuvre de ces mesures de police administrative, et je souhaite que le contrôle parlementaire que vous exercerez les améliore.
Les établissements d'enseignement sont clairement ciblés par Daesh. Pour assurer une protection en garde statique des 80 000 établissements que compte notre territoire, 320 000 policiers seraient nécessaires, soit davantage que les effectifs totaux de mon ministère... Nos forces de sécurité assurent par conséquent des gardes dynamiques dans le cadre du plan Sentinelle, et nous formons les chefs d'établissement aux mesures de précaution et de confinement - j'ai constaté leur efficacité lors d'un déplacement en Dordogne. Des alertes sont venues des États-Unis, nous procédons à des investigations, mais l'utilisation d'adresses « IP écrans » rend l'identification difficile.
Monsieur Vandierendonck, dans l'affaire de la « jungle » de Calais, les mesures que le juge des référés a enjoint à l'administration de prendre sont celles que je venais de présenter aux associations, lesquelles ont tout de même formé un recours. C'est agaçant, mais cela fait partie de la vie...
Monsieur Favier, si vous avez connaissance d'une manifestation à caractère social qui a été interdite, dites-moi laquelle ! Même après les débordements observés en marge de la COP 21, et malgré les critiques qui m'ont été adressées, j'ai refusé d'interdire une manifestation organisée par des ONG, qui s'est heureusement bien déroulée. Les polémiques naissent plus souvent de mon refus de faire obstacle à de tels rassemblements. Je n'ai pas interdit la manifestation des migrants de Calais, décision que le juge aurait de toute façon annulée, car l'autorité de l'État tient aussi à la qualité juridique de ses décisions. Un député de Paris m'a jugé incompétent au motif que j'ai refusé d'interdire la manifestation des chauffeurs de taxi à Paris ; j'aurais pourtant, là aussi, été désavoué par le juge administratif. Je décèle pour ma part derrière les reproches contradictoires qui me sont adressés la preuve du discernement qui caractérise notre action.
J'ai donné des instructions aux préfets pour qu'ils réunissent les maires une fois par mois, et demandé la communication des comptes rendus de ces réunions. Je veillerai à ce qu'elles aient lieu ; si ce n'est pas le cas dans votre département, faites-le moi savoir.
M. Philippe Bas, président. - Chacun aura apprécié la finesse de votre dialectique juridique, monsieur le ministre. La question que vous avez soulevée en introduction se posera seulement le jour où l'état d'urgence sera levé... Vous avez par conséquent bien fait de de refermer tout de suite ce débat.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - La lutte antiterroriste montrant à mesure que le temps passe son extrême complexité, et appelant à toujours plus de vérité et de rigueur, j'ai bon espoir que les vaines polémiques cessent.
M. Philippe Bas, président. - Polémiques que nous avons évitées ce matin. Monsieur le ministre, merci.
Mercredi 3 février 2016
- Présidence de M. Philippe Bas, président -Communication
La commission entend une communication de M. Michel Mercier sur le suivi de l'état d'urgence.
M. Philippe Bas, président. - Nous serons saisis, sans doute en fin de matinée, à l'issue du Conseil des ministres, du texte du gouvernement relatif à la prorogation de l'état d'urgence, que nous examinerons ce soir en commission et le mardi 9 février en séance publique. Il est toutefois de bonne méthode de commencer à y réfléchir dès à présent, à partir des nombreuses auditions et des riches travaux menés par le comité de suivi de l'état d'urgence, dont le rapporteur spécial est Michel Mercier.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial du comité de suivi de l'état d'urgence. - Le comité de suivi a en effet beaucoup travaillé, et je remercie ses membres de leur implication. Nous avons utilisé les informations transmises par le ministère de l'intérieur et, dans une moindre mesure, par le ministère de la justice, dont les services nous ont quotidiennement alimentés en statistiques. Nous avons complété ces éléments quantitatifs par de nombreuses auditions : d'autorités administratives responsables de la mise en oeuvre de l'état d'urgence - le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, le préfet de police de Paris, le préfet de Seine-Saint-Denis, les directeurs des services de police et du renseignement intérieur -, mais aussi d'acteurs qui en contestent l'application : avocats, associations de défense des droits de l'homme, etc. L'audition de la Quadrature du Net, association spécialisée dans la défense des libertés publiques sur Internet, a bien montré combien le champ de l'action publique s'était déplacé : le temps où l'on pouvait voir les pilotes de la machine administrative est révolu ; désormais, des machines nous en séparent ! C'est une novation profonde de nos sociétés.
Les mesures prises sur le fondement de l'état d'urgence, bien plus nombreuses que pendant la guerre d'Algérie, qu'en 1985 ou en 2005, et applicables sur tout le territoire, outre-mer compris, ont permis au juge administratif d'établir une jurisprudence nouvelle. Première catégorie : les assignations à résidence, très attentatoires aux libertés individuelles, le plus souvent prononcées dans la commune de résidence de la personne visée. Sur les 392 décisions d'assignation signées par le ministre de l'intérieur, seul compétent, 307 ont été prises entre le 15 et le 30 novembre 2015, 70 en décembre et une quinzaine en janvier 2016. Quant aux 27 assignations à résidence prononcées en marge de la COP 21, elles ont concerné des personnes susceptibles de se livrer à des actes violents, comme à l'occasion des précédentes conférences climat à l'étranger, et non les militants écologistes en tant que tels. Sur les 392 assignations, 339 demeurent en vigueur.
Deuxième catégorie de mesure prise sur le fondement de l'état d'urgence : les perquisitions administratives qui, pouvant être effectuées de jour comme de nuit, bien qu'en présence d'un officier de police judiciaire, sont une atteinte grave au principe d'inviolabilité du domicile la nuit gravé dans notre tradition juridique depuis la Constitution du 22 frimaire an VIII. Depuis le 14 novembre 2015, 3 299 perquisitions ont été effectuées, dont les trois quarts avant le 8 décembre. Bien que l'effet de surprise se soit depuis dissipé, le ministre de l'intérieur nous a indiqué hier que des perquisitions plus ciblées continuent. Ces mesures ont donné lieu à 338 gardes à vue et à la saisie d'armes de toutes catégories. Sur 2 827 perquisitions, 563 ont donné lieu à des suites judiciaires : 209 pour infraction à la législation sur la détention d'armes, 199 pour infraction à la législation sur les stupéfiants, 155 pour d'autres infractions ; seules cinq enquêtes ont été confiées au parquet antiterroriste de Paris.
D'autres mesures ont été prises sur le fondement de la loi de 1955 : la remise d'armes, l'interdiction de manifester sur la voie publique ou encore l'interdiction de circuler autour de sites sensibles - la préfète du Nord-Pas-de-Calais a ainsi interdit la rocade portuaire de Calais à la présence de piétons. Quant à la possibilité de bloquer les sites Internet et réseaux faisant l'apologie du terrorisme, introduite par la loi du 20 novembre 2015, aucune mesure n'a été prise sur son fondement, le Gouvernement préférant utiliser l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui autorise l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) à demander aux fournisseurs d'accès le retrait des contenus en cause. Preuve que nous n'étions pas totalement dépourvus de moyens juridiques...
Un mot sur le rôle du juge administratif - que j'ai toujours considéré comme un défenseur des libertés au même titre que le juge judiciaire. Depuis l'arrêt Heyriès du Conseil d'État du 28 juin 1918, sa jurisprudence a évolué vers un contrôle désormais plein et entier des mesures prises lors de circonstances exceptionnelles. Sous le régime de l'état d'urgence, l'administration républicaine peut certes agir de façon dérogatoire au droit commun, mais elle est désormais soumise à un véritable contrôle du juge, qui définit le cadre dans lequel elle doit inscrire son action. Peu de recours ont été intentés au fond. Le Conseil d'État a principalement statué en référé, et en particulier en référé-liberté.
La recevabilité d'un recours en référé-liberté est soumise à une double condition : l'urgence et l'atteinte grave à une liberté fondamentale. Le Conseil d'État a jugé qu'en restreignant la liberté d'aller et venir, l'assignation à résidence remplissait ces deux conditions, et a posé le principe d'un droit à l'audience de la personne assignée à résidence. Sans doute devrions-nous réfléchir à inscrire explicitement ce droit dans la loi.
Second apport majeur de la jurisprudence du Conseil d'État : la plénitude de son contrôle sur les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence. Le juge vérifie en effet la nécessité de la mesure prise et sa proportionnalité à l'objectif recherché. La semaine dernière, le propriétaire d'un restaurant a pu se rendre devant les juges du Palais-Royal - tel le Huron de Jean Rivero - pour se défendre ; les éléments fondant la décision de fermeture de son établissement ayant été jugés insuffisants, celle-ci a été annulée. D'aucuns regretteront que le contrôle ne s'exerce qu'a posteriori. C'est exact, mais il demeure que le juge fixe des règles que l'administration sera tenue de respecter. C'est ce qui fonde la différence - considérable - entre le régime républicain et le régime d'exception.
La Ligue des droits de l'homme avait également saisi le Conseil d'État dans l'espoir qu'il enjoindrait au président de la République de mettre fin à l'état d'urgence. Il est d'abord remarquable que le Conseil d'État ait jugé le recours recevable.
M. Alain Richard. - Il n'a pas considéré que ce fût un acte de gouvernement...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. - Exact, l'acte de gouvernement est en voie de disparition dans notre droit public. Le Conseil d'État, analysant si les conditions de recours à l'état d'urgence étaient encore réunies, a estimé que la France faisait toujours face à un péril imminent, caractérisé par la commission d'autres attentats en France et dans d'autres pays depuis le 13 novembre et au regard des informations à la disposition des services de police et de renseignement. Les progrès du contrôle juridictionnel enregistrés ces deux derniers mois sont indéniables. L'on peut regretter l'absence de pouvoirs plus large du juge administratif, mais le Conseil d'État agit en cela comme le Conseil constitutionnel, qui refuse de se reconnaître un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement.
À l'heure où je m'exprime, le Conseil des ministres a sans doute examiné le projet de loi prorogeant l'état d'urgence, qui nous sera transmis incessamment. Mais la situation a un peu changé : le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui jugeait dans une interview récente que l'utilité pratique de l'état d'urgence s'amenuisait - j'ai pour ma part toujours refusé de m'exprimer sur nos travaux, estimant parfois utile de savoir se taire... - est devenu garde des sceaux. Nous devrons réfléchir aux dispositions de la loi de 1955 qu'il conviendrait de conserver ; toutes ne le méritent peut-être pas.
Le Conseil d'État, en garantissant le droit à l'audience des personnes assignées à résidence et en faisant usage de la plénitude de son pouvoir de contrôle, a fait preuve d'une grande subtilité. Il s'est aussi refusé à reconnaître qu'un lien direct dût unir la situation à laquelle une mesure entend remédier et la menace terroriste - raisonnement qui a conduit à l'annulation de la fête des Lumières à Lyon. Le ministre de l'intérieur a manqué, lui, à sa subtilité coutumière en disant : imaginez qu'un attentat soit perpétré alors que vous venez de voter la fin de l'état d'urgence ! Cela peut aussi arriver le lendemain de la décision de le proroger : ce serait à lui alors de rendre des comptes !
Nous sommes dans une nasse. Nous ne sortirons de l'état d'urgence que lorsque nous aurons rendu efficaces nos procédures de droit commun. C'est l'objet de la proposition de loi de Philippe Bas que nous avons votée hier, et qui arme le juge judiciaire de moyens d'action modernes. Il faut préparer activement la sortie de l'état d'urgence.
M. Philippe Bas, président. - Merci pour ce bilan et cette analyse des conditions qui pourraient justifier la prolongation de l'état d'urgence.
Il est aisé de démontrer que la France fait toujours face à un péril imminent. Sa persistance sera le centre de gravité du débat que nous aurons avec le Gouvernement, car une chose est de déclarer l'état d'urgence, une autre est d'en sortir...
Nous y parviendrons lorsque nous aurons rendu plus efficaces nos dispositifs de droit commun, avez-vous dit. Il ne s'agit pas de les durcir, de restreindre les libertés. Mais nous sommes sur le fil du rasoir. J'ai souvent dit que je préférais l'état d'urgence à des dispositions législatives nouvelles parce qu'il permet un contrôle parlementaire et que les mesures mises en oeuvre ne sont que temporaires.
Le terrorisme brouille la distinction entre police administrative et police judiciaire. La création en 1986 du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, puis en 2014 du délit d'entreprise individuelle terroriste, ont confié au procureur des moyens d'action préventive, effaçant la distinction entre prévention et répression. À cet égard, la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, dont je suis l'auteur, réaffirme le rôle du parquet et précise les responsabilités nouvelles du juge judiciaire.
Devons-nous proroger l'état d'urgence avec tous les pouvoirs qu'autorise la loi de 1955 modifiée, ou n'en retenir que certains ? Ce n'est pas parce que les assignations à résidence semblent moins efficaces aujourd'hui qu'elles ne le redeviendront pas demain...
M. Mathieu Darnaud. - Je remercie Michel Mercier pour son exposé. Certains événements d'envergure vont se dérouler dans un contexte tendu - je pense notamment à l'Euro 2016. Quelle sera la déclinaison de l'état d'urgence sur le territoire ? Certains maires s'inquiètent des menaces qui pèsent sur les manifestations d'ampleur, d'autant que cette problématique risque de s'installer dans le temps. Comment distinguer les événements qui nécessitent une mobilisation particulière des forces de police et de sécurité ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Je remercie Michel Mercier et les membres du comité de suivi pour leur travail. La question est pragmatique : y a-t-il péril imminent ou non ? Il n'y a pas de réponse incontestable, tout dépend des éléments fournis par le ministère de l'Intérieur. Je suis en désaccord avec le ministre quand il brandit le risque d'un « attentat, demain matin » pour justifier le maintien de l'état d'urgence - on serait amené à le prolonger ad vitam aeternam ! Même chose lorsque le Premier ministre fixe la borne à quand Daech sera définitivement vaincu... L'état d'urgence doit rester exceptionnel. Quant aux mesures législatives, elles doivent donner davantage de moyens à l'autorité judiciaire, comme le préconise le procureur Molins, sans que cela se traduise par une inscription permanente de l'état d'urgence dans la loi. Le jugement doit rester pragmatique et les décisions se prendre en fonction de l'imminence du péril.
M. René Vandierendonck. - Le contrepied politique auquel vous vous livrez est dans la tradition du Sénat. C'est bien joué. Encore faut-il éviter le pas de trop, c'est-à-dire le régime intermédiaire, à la « Canada Dry ». Il est indispensable de réaffirmer notre confiance aux juges. Inscrivons l'indépendance des magistrats dans la Constitution, c'est autrement plus important que la déchéance de nationalité pour les binationaux !
M. François Bonhomme. - Je rappelle que l'association la Quadrature du Net siège dans le comité juridique de la Ligue des Droits de l'Homme, qui continue à communiquer sur la dérive sécuritaire, sur les dangers qui pèsent sur les libertés fondamentales... La décision de sortir de l'état d'urgence est intrinsèquement liée à la nature du péril qui nous menace. Nous avons entendu François Molins ; si nous avions besoin d'évidences, il nous en a donné.
Mme Éliane Assassi. - Je remercie Michel Mercier et nos collègues du comité de suivi. Les auditions ont montré un grand sens des responsabilités de part et d'autre. C'est tout à l'honneur du Sénat. Je ne répondrai pas à la provocation de M. Bonhomme. La Ligue des Droits de l'Homme existe depuis des décennies, elle a été utile à tous les gouvernements en jouant un rôle d'aiguillon. Je suis fière d'avoir participé à la manifestation de samedi dernier pour dire non à la prolongation de l'état d'urgence et à la déchéance de nationalité. La menace terroriste va durer. La force de l'état d'urgence décrété le 13 novembre au soir, était dans l'effet de surprise. Il est passé. En attendant le débat de fond sur la révision constitutionnelle, notre groupe ne votera pas la prolongation de l'état d'urgence.
M. Alain Richard. - Je suis convaincu par cette présentation positive du juge administratif. Selon la Constitution, l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Les libertés publiques constituent un espace de protection autre. Michel Debré était un fervent admirateur de la conception anglaise des droits de la personne et de l'Habeas Corpus - qui comprend le secret des correspondances, y compris électroniques. Manque, parmi les prérogatives du juge administratif, un contrôle sur les perquisitions, du fait de leur caractère immédiat. Il y aura sans doute des contentieux indirects, mais on aimerait pouvoir confirmer que les 3 200 perquisitions opérées étaient bien justifiées.
Initialement, il me paraissait évident que lorsque nous aurions renforcé les pouvoirs du juge judiciaire, l'état d'urgence ne se justifierait plus. Plus les jours passent, moins j'en suis certain. La menace terroriste, organisée, stimulée de l'extérieur, va durer des années et ses manifestations s'imposeront à nous à des dates que nous ne pourrons prévoir. Je préfère éviter les paroles définitives.
M. Philippe Bas, président. - Pourrions-nous faire une proposition concernant le maintien des perquisitions ?
M. Alain Richard. - Ce serait compliqué...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. - Faut-il maintenir l'état d'urgence sur tout le territoire ? Dans mon petit village, nous disposons d'un bureau qui délivre les passeports. Un individu s'y est présenté, dont les papiers montraient qu'il avait séjourné à plusieurs reprises en Syrie. En tant que maire, j'ai averti qui de droit. Il figure parmi les six djihadistes arrêtés, hier, dans le Rhône et dans la Loire.
La menace est partout, certains s'auto-radicalisent sur Internet. Il faut pourvoir intervenir partout. L'état d'urgence n'empêche pas de faire preuve d'intelligence ! Aucun match de foot n'a été interdit, un seul a été reporté, malgré l'attentat au stade de Saint-Denis. Nous ne pouvons pas arrêter de vivre, ce serait la victoire du terrorisme. Les services de renseignement nous aident à apprécier le risque réel. Théoriquement, il est envisageable de réduire le nombre des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence ; pratiquement, c'est difficile. La sortie de l'état d'urgence doit se préparer. L'état d'urgence ne nous protège pas des attentats. Nous devons apprendre à vivre avec ce danger en nous donnant les moyens de nous protéger contre le terrorisme.
Mme Catherine Tasca. - C'est moins la justification des perquisitions qui pose problème que les conditions dans lesquelles elles se déroulent, eu égard notamment aux enfants et aux familles. L'attention portée aux enfants est insuffisante. Soyons exigeants sur la manière dont les perquisitions se déroulent.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. - Je suis sensible à cette question. Néanmoins, si les forces de sécurité enfoncent les portes plutôt que de sonner, c'est pour éviter que les terroristes ne sortent leur kalachnikov ou ne déclenchent leur ceinture d'explosifs. Quant aux enfants qui vivent avec des parents qui manient des armes et regardent des sites d'apologie du terrorisme, c'est en amont qu'il faut les protéger ! C'est le rôle des conseils départementaux.
M. Yves Détraigne. - On manque de place...
M. René Vandierendonck. - Je rappelle que Gouvernement a débloqué 9,5 millions d'euros pour le fonds dédié aux mineurs étrangers isolés, cher à Jean Arthuis.
M. Philippe Bas, président. - Nous pouvons considérer, si vous en êtes d'accord, que ces échanges ont tenu lieu de discussion générale sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence, dont nous délibérerons ce soir.