COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mardi 2 février 2016
- Présidence de M. Alain Milon, président -La réunion est ouverte à 18 h.
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 2 février 2016.
Elle procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :
- Mme Catherine Lemorton, députée, présidente ;
- M. Alain Milon, sénateur, vice-président ;
- M. Laurent Grandguillaume, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;
- Mme Anne Emery-Dumas, sénatrice, rapporteure pour le Sénat.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions du texte restant en discussion.
Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Nous nous réunissons en cette fin d'après-midi en commission mixte paritaire sur la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
Ce texte, à l'origine duquel se trouve notre collègue Laurent Grandguillaume dont je tiens à souligner le très fort investissement, a été voté par l'Assemblée nationale le 9 décembre dernier et modifié par le Sénat le 13 janvier.
Il fait l'objet d'une procédure accélérée, ce qui explique la réunion de cette CMP après une seule lecture dans chacune de nos chambres.
Préparé en lien étroit avec le monde associatif, et notamment ATD - Quart-monde, ce texte a fait l'objet d'un accueil bienveillant dans nos deux assemblées.
Après les travaux du Sénat, 7 articles restent en discussion : les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 7 et 7 bis. Le 7 ter a été voté conforme par le Sénat et les articles 6 et 8 ont fait l'objet d'une suppression conforme.
Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d'essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées. En l'occurrence cet objectif, sous réserve de ce que vont dire nos rapporteurs, me paraît à notre portée.
Je vais maintenant successivement donner la parole au président Milon et à Mme Emery-Dumas, afin qu'ils nous présentent la situation après le débat au Sénat, puis M. Grandguillaume nous dira quelle est sa position.
M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - Le Sénat a instruit ce texte dans des délais très brefs : cinq semaines, dont trois d'interruption des travaux parlementaires. Pour autant, notre rapporteure a réalisé un travail approfondi, et le texte a été adopté à la quasi-unanimité des sénateurs. La collaboration des rapporteurs des deux chambres, intense ces derniers jours, devrait permettre à notre CMP d'aboutir.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. Le Sénat a adopté le 13 janvier dernier, à la quasi-unanimité, cette proposition de loi enrichie de nombreux amendements qui n'ont pour autant ni altéré sa philosophie initiale ni remis en cause ses grands équilibres.
Avant de vous en présenter les principales modifications, je voudrais à mon tour saluer l'action d'ATD - Quart-Monde et plus généralement des associations qui luttent chaque jour sur le terrain contre le chômage, ainsi que l'implication de notre collègue rapporteur Laurent Grandguillaume, dont le rôle a été essentiel lors de l'élaboration du texte et de son examen à l'Assemblée nationale.
Comme vous le savez, le texte autorise des entreprises relevant de l'économie sociale et solidaire, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en contrat à durée indéterminée des demandeurs d'emploi de longue durée, rémunérés au moins au SMIC, pour réaliser des activités pérennes répondant à des besoins sociaux locaux non satisfaits, avec pour objectif de les rendre solvables grâce à une réallocation, totale ou partielle, des dépenses publiques d'indemnisation ou de solidarité dont auraient bénéficié les personnes ainsi recrutées.
Tout d'abord, le Sénat a souhaité ne pas limiter l'expérimentation aux seules personnes privées involontairement d'emploi, mais l'ouvrir aux personnes qui ont démissionné de leur emploi et à celles qui ont conclu une rupture conventionnelle.
Ensuite, nous avons prévu que le comité local déterminera les modalités d'accompagnement de tous les salariés de l'entreprise conventionnée, en lien étroit avec les acteurs du service public de l'emploi.
Notre assemblée a en outre accordé un siège à l'association Alliance Villes emploi au sein du conseil d'administration du fonds afin d'assurer la représentation des maisons de l'emploi.
Le Sénat a également prévu que le contrat de travail d'un salarié de l'entreprise conventionnée pourrait être suspendu, à sa demande, pour lui permettre d'accomplir une période d'essai pour un poste en CDI ou en contrat à durée déterminée de plus de six mois, ou pour effectuer un CDD de moins de six mois.
Nous avons par ailleurs clarifié les règles de prise en charge de l'indemnité de licenciement en cas d'arrêt prématuré de l'expérimentation décidé par le fonds.
Par ailleurs, le Sénat a veillé à distinguer le bilan de l'expérimentation, réalisé par le fonds, et son évaluation, qui devra être menée par un comité scientifique indépendant, à l'instar de ce qui est prévu pour la garantie jeunes. Cette distinction est essentielle, car c'est à l'aune de cette évaluation, incontestable car impartiale, qui portera notamment sur la formation des salariés, que l'expérimentation débouchera ou non sur un dispositif pérenne.
Enfin, le Sénat a modifié à la marge l'intitulé de la proposition de loi, afin de le mettre en conformité avec les dispositions de son article premier qui évoque l'objectif de résorption du chômage de longue durée.
J'ai bon espoir que notre commission mixte paritaire parvienne aujourd'hui à trouver un accord sur ce texte afin de ne pas retarder les initiatives déjà lancées dans de nombreux territoires et répondre ainsi aux attentes de nos concitoyens. Je sais ce point de vue partagé ici par tous, et en particulier par Laurent Grandguillaume, avec qui cette CMP a été préparée en parfaite entente. C'est pourquoi nous vous soumettrons uniquement six propositions de rédaction communes visant à apporter des améliorations rédactionnelles ou de cohérence au texte, afin qu'il réponde aux besoins des associations, sans le dénaturer ni en bouleverser l'équilibre.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires ayant participé à ce débat, qui aura été fructueux et nous permet de parvenir à un texte commun.
Ce texte est, à plusieurs égards, symbolique de notre capacité à dépasser les clivages politiques traditionnels. Il prévoit une expérimentation législative locale, possibilité introduite dans notre Constitution en 2003, sous la présidence de Jacques Chirac. La proposition de loi qui en est à l'origine a été soumise à l'examen préalable du Conseil d'État, ce qui est permis depuis la révision constitutionnelle de 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ce texte fait enfin écho à d'autres textes soutenus par l'actuel Président de la République, notamment la loi sur l'économie sociale et solidaire et la loi sur les nouveaux indicateurs de richesse, dont notre collègue Eva Sas est à l'origine.
J'ai retenu qu'à Mauléon, un projet d'expérimentation lancé par le maire sous la mandature précédente a été poursuivi par son successeur après sa défaite, par-delà les clivages partisans.
Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Je me félicite de l'extension du dispositif, par le Sénat, aux demandeurs d'emploi qui ont démissionné de leur emploi et aux personnes qui ont conclu une rupture conventionnelle. Cela correspond mieux à la réalité du marché du travail.
M. Jean-Pierre Door, député. - Notre groupe a voté cette proposition de loi en séance, après s'être abstenu en commission ; nous espérons donc le succès de la CMP. Je tiens, au nom de notre groupe, à saluer les initiatives des associations, et j'appelle à faire confiance aux acteurs locaux pour le succès des expérimentations. Il est important que celles-ci se déroulent à budget constant : nous avons salué l'engagement de la ministre d'amorcer le dispositif avec une dotation de dix millions d'euros et nous tenons au principe de dégressivité de l'aide apportée aux entreprises concernées, qui doivent devenir solvables, et la neutralité du coût.
Cette expérimentation doit rester légère : Nous saluons également, à ce titre, la suppression de la fonction de directeur général du fonds, et le principe du bénévolat des membres de son conseil d'administration.
Un point d'attention toutefois : il faut veiller à ce que les procédures ne soient pas alourdies par ce texte, notamment s'agissant du pilotage en coordination avec les acteurs du service public de l'emploi.
Nous avions par ailleurs regretté la suppression de l'obligation de recherche active d'emploi.
Et enfin, si nous comprenons l'élargissement par le Sénat du public potentiellement concerné, nous souhaitons redire que le dispositif doit bénéficier prioritairement aux personnes les plus éloignées de l'emploi.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Je souhaite à mon tour saluer l'initiative du monde associatif, car il est indispensable d'agir contre le chômage de longue durée. Je regrette que nous ne puissions aller plus vite ; cinq ans, c'est un délai assez long. J'aurais également souhaité que le dispositif soit élargi aux entreprises de la sphère marchande, ce qui recueillait d'ailleurs le soutien des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Enfin, le nombre de collectivités dans lesquelles l'expérimentation pourra avoir lieu - dix - est finalement assez faible.
Mme Annie David, sénatrice. - Je me joins au concert de remerciements, à l'égard des associations comme des parlementaires. La rapporteure du Sénat a su rassurer mon groupe, notamment en proposant l'élargissement du public concerné. Nous souhaitions également que le bilan de l'expérimentation accorde une place particulière à la question de la formation, essentielle à nos yeux.
Il ne faudrait cependant pas laisser croire que le texte permettra plus que ce qu'il prévoit, car l'expérimentation est restreinte à dix territoires, et ne concerne pas tout le pays ; nous avons par ailleurs des inquiétudes sur le financement et le pilotage. Pour autant, laissons vivre ce dispositif pour en apprécier l'évolution.
M. Philippe Mouiller, sénateur. - Lors de l'examen de cette proposition de loi au Sénat, le groupe Les Républicains s'est interrogé sur la pérennité du financement de l'État. Il ne faudrait pas que ce dernier se désengage et laisse les collectivités territoriales financer seules le dispositif. Beaucoup d'entre elles n'en ont pas les moyens. Par ailleurs, cette proposition de loi a été présentée au départ comme un texte permettant à lui seul de mettre fin au chômage de longue durée. Il convient de rappeler qu'il s'agit d'un outil à tester parmi d'autres.
M. Christophe Sirugue, député. - Certaines interrogations, notamment sur les questions de formation et de financement, ont pu être précisées au cours de l'examen du texte. Celui-ci peut faire naître des espoirs importants et porte certes une belle ambition, mais il ne concerne que des territoires et une période d'expérimentation limités.
Le Premier Ministre m'a confié la rédaction d'un rapport sur l'évolution des minima sociaux dans notre pays. À cette occasion, j'ai été amené à constater les carences des politiques d'insertion. Celles-ci ont besoin d'initiatives nouvelles. Ce texte en est une, et je souhaite rappeler l'importance de la notion de parcours : à partir du moment où ce dispositif repose sur des contrats à durée indéterminée, il y a un risque que, dans un environnement économique difficile, certains bénéficiaires puissent considérer que leur situation est satisfaisante, plutôt que d'en chercher une nouvelle. Les députés socialistes voteront en faveur des dispositions qui vont nous être présentées.
M. Éric Jeansannetas, sénateur. - Ce texte repose sur une démarche originale : il s'appuie sur une expérience vécue sur le terrain. L'intervention du législateur permet de donner aujourd'hui à ATD - Quart-monde et aux associations de l'économie sociale et solidaire une arme supplémentaire pour s'investir de manière plus opérationnelle sur le terrain. Dans le cadre de cette démarche expérimentale, il faudra veiller à la formation et à l'évaluation. La durée de l'expérimentation, de cinq ans, est satisfaisante : elle permet aux différents acteurs de se mettre en mouvement. Les sénateurs socialistes voteront ce texte avec les modifications apportées.
M. Dominique Potier, député. - Face à la possibilité d'une croissance sans emploi, il faut explorer des voies nouvelles. Les dispositifs conçus dans les années 1980, autour de Bertrand Schwartz et d'un certain nombre d'opérateurs publics, sont en panne. Cette expérimentation permet un renouveau de ces dispositifs. Aux côtés d'ATD - Quart-monde depuis de nombreuses années et venant du monde de l'entreprise, je tiens néanmoins à rappeler que les difficultés restent devant nous, dans un contexte particulièrement difficile.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 1 vise à substituer aux mots : « l'entrée en vigueur », les mots : « la promulgation ». Cette rédaction est plus cohérente, l'entrée en vigueur du texte étant déterminée par décret et au plus tard le 1er juillet 2016 par l'article 7 ter, et non à la date de promulgation de la loi.
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le Sénat ayant adopté un amendement afin de distinguer le rapport d'évaluation économique, sociale et financière du rapport du conseil d'administration du fonds, la proposition de rédaction n° 2 vise à préciser que les deux rapports seront rendus publics. Il doit permettre la tenue d'un débat public au Parlement sur les résultats de l'expérimentation.
M. Xavier Breton, député. - La mise en oeuvre d'une évaluation ne doit pas être trop complexe, tout en étant bien formalisée. Le dispositif proposé remplit ces critères et devrait permettre un retour d'expérience intéressant.
La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
CHAPITRE IER
Public visé,
fonds d'expérimentation territoriale
contre le chômage de
longue durée et entreprises conventionnées
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 3 vise à permettre aux entreprises de l'économie sociale et solidaire qui participeront au dispositif de recruter des personnes autres que les bénéficiaires prévues par ce dernier.
La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 4 tend à préciser que les demandeurs d'emploi pouvant bénéficier du dispositif sont ceux qui sont au chômage depuis plus d'un an du fait d'un licenciement, mais aussi ceux dont le contrat de travail à durée déterminée ou temporaire a pris fin ou qui sont sortis d'un autre dispositif.
La proposition de rédaction n° 4 est adoptée.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 5 tend à préciser le mode de désignation du représentant des missions locales au sein du conseil d'administration du fonds.
La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 6 vise à prendre en compte la question de la dégressivité de l'aide en fonction des résultats économiques de l'entreprise. L'expérimentation doit pouvoir être menée sans alourdir la charge des collectivités territoriales.
La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
CHAPITRE II
Financement du fonds d'expérimentation
territoriale
contre le chômage de longue durée
Article 5
L'article 5 est adopté dans la rédaction du Sénat.
CHAPITRE III
Dispositions transitoires et
finales
Article 7
L'article 7 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 7 bis
L'article 7 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Titre
Le titre de la proposition de loi est adopté dans la rédaction du Sénat.
L'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.