- Mardi 15 décembre 2015
- Audition de M. Pascal Brice, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
- Vote et dépouillement sur la proposition de nomination par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
- Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires - Audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
- Mercredi 16 décembre 2015
- Nomination de rapporteurs
- Compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales - Examen du rapport et du texte de la commission
- Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires - Examen du rapport et du texte de la commission
- Suivi de l'état d'urgence - Communication
Mardi 15 décembre 2015
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 14 h 35
Audition de M. Pascal Brice, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
La commission entend tout d'abord M. Pascal Brice, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
M. Philippe Bas, président. - Nous avions eu l'occasion d'auditionner M. Pascal Brice, il y a trois ans, au début de son mandat. Sur proposition du Président de la République, le Gouvernement envisage de le renouveler dans ses fonctions de directeur général de l'OFPRA. Selon la procédure habituelle, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition du candidat devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont les membres seront ensuite appelés à voter. Cette audition est publique et ouverte à la presse. Le vote se déroulera à bulletins secrets simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. Le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Monsieur Brice, comment avez-vous vécu les trois années de votre mandat, et que vous reste-t-il à faire dans les trois ans à venir ? Comment inscrirez-vous votre action dans le contexte d'intensification des mouvements migratoires, qui a incité la commission des lois à organiser le suivi du dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés de Syrie et d'Irak, en Europe ?
M. Pascal Brice, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'OFPRA. - C'est un honneur de revenir devant vous, à l'issue de ce mandat, pour rendre compte de l'activité de l'OFPRA et pour vous présenter ce qui pourra nourrir son action dans les trois ans à venir. Je suis conscient de la responsabilité qui m'incombe. La politique de l'asile est une grande tradition de notre République. Le Parlement l'a faite évoluer en votant la loi sur l'asile alors que l'Europe est marquée par le drame de ceux qui fuient le conflit syrien.
L'Allemagne est particulièrement engagée dans l'accueil des migrants, avec 800 000 à un million de demandeurs d'asile cette année contre 80 000 en France. Cette différence de situation résulte pour une grande part d'un effet d'optique et nous devons aller au bout de la réforme du droit d'asile voulue par le Gouvernement, en mettant en oeuvre la loi que vous avez votée en juillet dernier. Trois défis sont devant nous.
Un premier défi pour l'OFPRA sera de réduire le délai d'instruction à trois mois en moyenne pour une procédure de neuf mois au total. Dans le même temps, l'Office devra gagner en réactivité pour répondre aux situations d'urgence, comme à Calais, par exemple, où l'on a enregistré plus de 2 000 demandes d'asile depuis un an, ou bien en régions, à Lyon, Metz, Bordeaux, Lille, Grenoble ou Cayenne, où des équipes de l'OFPRA se déploient pour instruire des demandes d'asile. Enfin, troisième défi à relever, l'arrivée des personnes dans le cadre de la relocalisation au titre des dispositifs européens qui se mettent en place aux frontières extérieures de l'Union. L'Office a plus que jamais un rôle à tenir pour installer dans notre pays une politique d'accueil des réfugiés organisée, maîtrisée et qui comporte toutes les précautions nécessaires.
Durant les trois dernières années, les progrès que l'on a pu constater dans l'action de l'OFPRA sont dus à la mobilisation de ses agents, dont j'ai maintes fois pu admirer l'expertise et l'engagement, mais aussi aux moyens supplémentaires que le Parlement et le Gouvernement ont bien voulu nous donner. L'Office a vu ses effectifs augmenter de 40 %, avec le budget afférent, ce qui est remarquable en période de maîtrise des déficits publics. L'Office a également bénéficié de la collaboration de l'ensemble des acteurs en s'inscrivant dans une chaîne d'actions, d'interventions, qui sont le fait de l'administration, mais aussi d'associations et de citoyens.
Premier point satisfait du contrat d'objectifs et de performance que nous avions signé avec le ministre de l'intérieur et celui du budget : l'OFPRA a progressé dans sa mission première, en offrant une protection toujours plus efficace, bienveillante et rigoureuse à ceux qui relèvent du droit d'asile. Alors qu'il y a trois ans, les statuts de protection étaient surtout reconnus par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), l'Office en reconnaît désormais les trois-quarts, avec un taux de protection global qui a augmenté de 24 % à 31 %, et de 9 % à 22 % à l'Office. Grâce à sa réforme interne et en se montrant capable d'intégrer la jurisprudence de la Cour, l'Office s'est donné les moyens d'identifier un besoin de protection dès sa première instance. Il exploite pour cela toute une série de travaux conduits par des agents référents sur des besoins de protection aussi difficiles à déterminer que ceux des femmes victimes de violence, des personnes victimes de la torture, des mineurs isolés, des victimes de la traite des êtres humains, ou bien encore de ceux qui sont persécutés dans leur pays d'origine en raison de leur orientation sexuelle.
Deuxième point qui devrait vous satisfaire : en trois ans, l'Office a réduit de 36 % le nombre de demandes d'asile en attente d'instruction depuis plus de trois mois, le « stock » en jargon technique. Bien sûr, nous avons bénéficié d'une stabilisation du nombre des demandes d'asile depuis l'été. Mais, c'est surtout aux efforts de l'OFPRA et de ses agents que l'on doit cette réussite, puisque l'activité de l'Office a augmenté de 27 %. En plus des effectifs supplémentaires, les réformes dans l'organisation du travail ont porté leurs fruits, de sorte que nous avons atteint l'objectif de gain d'efficacité sur lequel je m'étais engagé.
Quant à l'amélioration des conditions de travail des agents de l'Office, elle est évidente, puisque le taux de rotation des officiers de protection à l'instruction a diminué de 16 % à 9 % en trois ans. Une politique des ressources humaines très active, le recrutement de titulaires, le renforcement du dialogue social avec les organisations syndicales ont été autant de facteurs positifs.
L'Office a encore du chemin à parcourir pour assurer pleinement sa mission de protection et pour s'adapter à un contexte très évolutif. Les premières propositions que j'ai adressées au ministre de l'intérieur et à celui du budget pour l'élaboration du contrat d'objectifs et de performance des années 2016 à 2018 tiennent compte de ces changements, ainsi que de la nécessité de mettre en oeuvre la loi que vous avez votée.
L'Office doit tout d'abord poursuivre sans relâche ses efforts pour mieux protéger. Nous devrons par conséquent amplifier les réformes de l'expertise de l'instruction, en tenant compte des dispositions de la nouvelle loi. La création d'une charte de l'interprétariat est un chantier sur lequel il sera essentiel d'avancer.
L'Office doit également réaliser l'objectif moyen de trois mois fixé pour le délai d'instruction des dossiers. Il faudra poursuivre la réforme de l'organisation du travail, systématiser les missions foraines, réussir la relocalisation à travers des missions d'instruction, de manière à atteindre cet objectif à la fin de l'année 2016.
Un troisième objectif consiste à améliorer les services aux usagers. L'Office doit pouvoir délivrer des actes d'état-civil à ceux qu'il protège, dans des délais raisonnables. Les effectifs supplémentaires qui ont déjà été mis à notre disposition au titre du plan « Migrants » voulu par Bernard Cazeneuve, ou qui le seront dans le cadre de la loi de finances pour 2016, devraient y contribuer.
Quatrième objectif : je souhaite que l'OFPRA effectue un saut numérique, pour que chaque demandeur d'asile ait accès à un compte personnalisé qui rende compte de l'état de la procédure dont il fait l'objet.
Enfin, je souhaiterais poursuivre l'amélioration des conditions de travail des agents de l'Office, qui passe par une évolution de leurs statuts, comme l'ont acté le ministre de l'intérieur et celui de la fonction publique. Si les statuts propres dont les agents bénéficient depuis 1993 ont l'avantage de préserver leur indépendance, ils sont un frein à la mobilité. Les officiers de protection devraient pouvoir évoluer dans une dynamique interministérielle, préservant l'indépendance de l'institution qui continuera à les gérer, sur le modèle de ce qui se fait à l'ONF ou à la Caisse des dépôts et consignations. La mise en oeuvre du télétravail et la modernisation du management sont deux autres chantiers sur lesquels il faudra travailler. De manière générale, il conviendra d'adapter le fonctionnement de l'Office à son changement de dimension, car on est passé de 455 agents à 620 agents en trois ans, soit une augmentation des effectifs de 40 %. C'est à cette condition que l'OFPRA pourra exercer sa mission pleinement et de manière impartiale.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la mission de suivi du dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés. - Durant les six premiers mois de l'année 2015, les chiffres montrent une stabilisation du nombre des demandes d'asile. Qu'en est-il en fin d'année ? Pourriez-vous nous en dire plus sur le programme des missions foraines de l'OFPRA en régions ? Enfin, je souhaiterais que vous nous présentiez l'action de l'OFPRA dans le cadre des procédures de relocalisation décidées par l'Union européenne, et plus particulièrement pour la mise en place des hot spots.
Mme Catherine Tasca. - Lors de notre visite à l'OFPRA, nous avions été frappés par la qualité des officiers de protection chargés de l'instruction qui jouent un rôle fondamental dans le dispositif d'accueil des demandeurs d'asile. Comment évolue le recrutement au sein de l'Office ? Rencontrez-vous des difficultés particulières ? Comment se déroule la formation du personnel ? Vous avez centré votre intervention sur l'évolution de l'Office, sans vous attarder sur ses relations avec la CNDA. On sait qu'elles sont problématiques. Ont-elles évolué ? Enfin, je salue votre opiniâtreté à faire évoluer le statut de vos salariés pour favoriser la mobilité. C'est un point positif.
M. Pierre-Yves Collombat. - Comment expliquez-vous la différence d'attractivité entre la France et l'Allemagne, aux yeux des demandeurs d'asile ? Quand un réfugié a obtenu son statut, que devient-il ?
M. René Vandierendonck. - On a recensé plus de 2 000 demandeurs d'asile à Calais. Peut-on en savoir plus sur leur situation et sur le délai prévu pour l'instruction de leurs dossiers ? Disposez-vous d'informations spécifiques sur les mineurs et les jeunes majeurs étrangers isolés ?
M. Jean-Yves Leconte. - Je salue l'action que vous avez menée pendant trois ans et les bons résultats auxquels elle a donné lieu. La première solution au problème de Calais, c'est de montrer aux migrants qu'ils peuvent demander l'asile en France. Nous ne doutons pas de votre capacité à mettre en oeuvre la loi que nous avons votée. Cependant, reste-t-il des sujets d'inquiétude en amont ou en aval, notamment en ce qui concerne les temps d'enregistrement sur les plateformes d'accueil ou le fonctionnement de la CNDA ? La relocalisation décidée par l'Union européenne impose une convergence des politiques des différents États en matière d'accueil des migrants. Comment y parvenir ? Enfin, la France n'a pas attendu la convention de Genève pour mettre en place une politique du droit d'asile. Comment promouvoir l'attractivité de notre pays auprès des nombreux demandeurs d'asile qui se pressent aux portes de l'Europe ?
Mme Esther Benbassa. - Le travail de l'OFPRA est particulièrement utile en cette période de crise. Je rends hommage à tous ceux qui s'engagent dans cette mission presque impossible. Je souhaiterais revenir sur une question que j'avais posée au Ministre et qui avait été également soulevée par Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Lors de ma visite au centre de rétention administrative de Vincennes, j'ai constaté qu'on y enfermait des demandeurs d'asile, arrêtés à Calais ou bien à la gare de l'Est ou encore à la gare du Nord. Depuis le 29 octobre, 154 personnes ont ainsi été placées au centre de rétention administrative de Vincennes, en sept convois, dont le dernier, le 1er décembre. Les conditions de rétention sont très peu humaines : fontaines d'eau en panne, pas de cartes de téléphone pour appeler leur famille à Calais... Bien qu'ils aient fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ces personnes sont enfermées et on les libère arbitrairement. Pourquoi ne leur donne-t-on pas de récépissé ? Pourquoi ces gens-là ont-ils à subir un enfermement digne de délinquants, alors qu'ils ont déjà subi Calais ?
M. Pascal Brice. - Monsieur Buffet, dans notre pays, le nombre des demandes d'asile connaît une évolution depuis cet été. Il avait doublé entre 2007 et 2013, ce qui a conduit à des temps d'instruction longs. Il s'était stabilisé et avait même légèrement baissé en 2014. Cette stabilisation s'est maintenue jusqu'à l'été 2015, où les demandes ont repris en hausse de 15 % par rapport à la même période en 2014. Cette hausse devrait atteindre 17 % sur l'ensemble de l'année 2015, soit 75 000 à 80 000 demandes d'asile contre 65 000 en 2014. Cette hausse intègre les 2 150 demandes d'asile formulées à Calais depuis novembre 2014. Elle rend également compte de la mise en place des guichets uniques qui a réduit le temps d'enregistrement en préfecture de plusieurs mois à trois jours, provoquant une hausse conjoncturelle du nombre des demandes d'asile. S'y ajoutent les 3 000 personnes des campements parisiens que l'OFPRA, le préfet de région et la maire de Paris ont mis à l'abri depuis l'été. Enfin, le contexte européen explique également cette augmentation, même si notre situation n'a rien de comparable avec celle de l'Allemagne.
Les missions foraines constituent un outil essentiel pour renforcer l'efficacité de nos interventions auprès des demandeurs d'asile. Nous collaborons avec les préfectures et le monde associatif, et nous diminuons le temps d'instruction des dossiers. Il faudra continuer à développer ces missions, très utiles pour traiter le problème de l'hébergement, comme on l'a vu récemment à Lyon ou à Metz. L'Office devrait prochainement intervenir à Cayenne où il y a une augmentation importante de la demande d'asile en provenance d'Haïti.
L'OFPRA se prépare à accueillir dans les deux ans à venir 30 000 demandeurs d'asile syriens, érythréens et irakiens, en besoin manifeste de protection, conformément aux décisions européennes. L'Office participe au dispositif de relocalisation, en mettant six de ses agents à disposition du Bureau européen d'appui à l'asile. Ils interviennent dans les hot spots pour informer les migrants sur le dispositif. In fine, le rôle essentiel de l'OFPRA restera d'instruire la demande d'asile, comme dans la procédure de droit commun. Il y a quelques semaines, dix-neuf personnes sont arrivées en Loire-Atlantique dans le cadre du dispositif de relocalisation. Une mission foraine est allée les rencontrer, et l'une de nos équipes a instruit leur demande d'asile. Cela implique de confirmer le besoin de protection des demandeurs et d'identifier les profils à risque, grâce à l'expertise de nos agents et aux outils nouveaux que nous donne la loi sur l'asile.
Madame Tasca, nous n'avons pas eu de difficulté à recruter 180 nouveaux agents depuis l'été. Une annonce dans Le Monde a suffi pour susciter l'engouement. Les profils sont féminins à 70 %, jeunes (moins de quarante ans), de formation juridique ou Sciences Po, avec une expérience internationale. Nous les formons en interne pendant six mois. Compte tenu du coût que cela représente en termes d'efficacité globale de l'Office, nous avons apprécié de pouvoir recruter des titulaires, et nous vous en remercions. Si les contractuels qui représentent 25 % de nos agents font un travail d'une qualité incontestable, ils alimentent le turnover. Mieux vaudrait continuer à recruter des titulaires, d'autant que 45 % de nos officiers d'instruction restent encore des contractuels.
Quant à nos relations avec la CNDA, il sied au justiciable que je suis de s'exprimer avec mesure à propos de son juge, surtout devant la commission des lois. Nous entretenons d'excellentes relations avec la Cour et je souhaite que nous poursuivions notre travail dans un respect mutuel. MM. Leconte et Frassa nous ont encouragés dans leur rapport de 2012 à mieux intégrer la jurisprudence de la Cour et à partager nos analyses sur la situation dans les pays d'origine pour mieux identifier le besoin de protection.
Monsieur Collombat, je me suis exprimé sur la différence d'appétence que les migrants ont pour la France et pour l'Allemagne, au retour de la mission que le Président de la République m'avait confiée en septembre, à Munich. Il s'agit d'un effet d'optique. Ma conviction est que l'Allemagne attire, sans que cela signifie pour autant que la France n'attire pas. Si les migrants se rendent en Allemagne, c'est pour rejoindre les communautés de compatriotes qui s'y trouvent parfois depuis longtemps : celle des kurdes syriens, par exemple, depuis les années soixante-dix, dans l'industrie automobile. La situation du travail et de l'emploi joue également, ainsi que les délais d'instruction. En France, ces délais découragent ceux qui ont un besoin de protection et encouragent ceux qui ne relèvent pas du droit d'asile. Nous devons travailler à mettre en place une politique d'accueil des réfugiés digne, maîtrisée et organisée.
Que devient un réfugié qui a obtenu ses papiers, Monsieur Collombat ? C'est une bonne question qui a commencé à se poser lors de mon premier mandat. Auparavant, nous considérions qu'un demandeur d'asile qui obtenait le statut de réfugié tombait dans le droit commun et pouvait vivre sa vie comme il l'entendait. Or, à Calais et dans les campements parisiens, nous avons rencontré des gens qui étaient protégés par l'Office mais qui avaient un problème d'accès au logement. D'où le plan « Migrants » porté par Bernard Cazeneuve au printemps. Notre pays est riche de structures, d'associations, d'initiatives diverses facilitant l'accueil des réfugiés. Une volonté politique est à l'oeuvre pour les rendre efficaces, sous l'égide de Mme Pinel et de M. Cazeneuve. Nous y prendrons notre part.
Monsieur Leconte, je suis comptable de ce que l'Office fait ou ne fait pas. La réforme de l'asile et des délais d'instruction doit intervenir à tous les niveaux, que ce soit à l'OFPRA, dans les préfectures ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). C'est un défi permanent. Je n'ai pas d'inquiétude, car je suis témoin des moyens accordés par le ministre de l'intérieur et des réformes engagées par les préfectures et par l'OFII. La réussite de la réforme du premier accueil est une nécessité absolue. Lorsqu'un demandeur d'asile vient à l'OFPRA, la manière dont la procédure d'accueil est engagée et dont il est accompagné au sein de sa structure d'hébergement influe profondément sur notre capacité à lui assurer ensuite la protection dont il a besoin. Quant à la CNDA, je ne doute pas qu'elle mettra en oeuvre la réforme du juge unique dans de bonnes conditions. Nous avons d'excellentes relations, nous faisons en sorte de partager nos informations utiles et sa jurisprudence.
Fervent européen, je ne peux que souhaiter la convergence européenne. Le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel l'ont appelée de leurs voeux à plusieurs reprises. Nous devons continuer à progresser sur le partage d'analyses de la situation des pays d'origine. Telle est la vocation du Bureau européen d'appui à l'asile. Dès lors que les directives européennes harmonisent les procédures, il convient de rapprocher les modalités d'instruction en cours dans les différents pays. La relocalisation nous donne l'occasion de progresser en la matière, avec en perspective finale, de mon point de vue personnel, la constitution d'un OFPRA européen. Encore faudrait-il que les différents pays européens harmonisent le statut des autorités de détermination. Bien entendu, en ce cas, je serais heureux que le modèle français puisse prévaloir, qui repose sur l'indépendance de l'Office.
Madame Benbassa, il revient au ministre de l'intérieur de décider des conditions dans lesquelles les personnes sont placées en rétention ou non. L'OFPRA dispose néanmoins d'une responsabilité fondamentale : veiller au bon exercice du droit à l'asile, y compris en rétention. Conformément à la loi que vous avez votée, les personnes ont un délai de cinq jours pour demander l'asile. À la suite de l'arrêt Cimade du Conseil d'État, le ministre de l'intérieur a rappelé dans une circulaire que seul l'OFPRA était juge de la validité de ce délai. Nous avons quatre jours pour statuer, et nous faisons plein usage de notre faculté de sortir une demande d'asile de la procédure accélérée lorsque cette demande concerne une personne en rétention. En accord avec les services de la police aux frontières, nous avons tenu à renforcer la confidentialité des décisions de l'Office, afin que seul le demandeur d'asile placé en rétention en ait connaissance. Je peux vous assurer de mon extrême vigilance à cet égard. Le rôle de l'Office n'est pas d'apprécier telle ou telle décision du ministre de l'intérieur ou des préfets, mais de s'assurer que le droit d'asile est respecté en rétention.
Monsieur Vandierendonck, la situation à Calais nous mobilise pleinement. L'Office s'est donné pour objectif de faire vivre le droit d'asile là où il n'existait pas. Le ministre de l'intérieur a rendu la sous-préfecture de Calais compétente et renforcé les moyens de l'OFII. L'OFPRA s'est mobilisé depuis plus d'un an pour inciter les migrants de Calais à demander l'asile. Nous avons mis en place un dispositif grâce auquel le délai d'instruction des dossiers est inférieur à trois mois, et cela dans un contexte contraint. Grâce à la mobilisation de tous, le droit d'asile a désormais droit de cité à Calais. Depuis un an, 2 150 personnes ont demandé l'asile. En ce qui concerne les mineurs, nous travaillons en collaboration étroite avec l'association France terre d'asile, à Saint Omer.
M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie d'avoir répondu de manière très précise à nos questions. Nous nous retrouverons à 17 h 50 pour voter simultanément avec nos collègues de l'Assemblée nationale.
La réunion est suspendue à 15 h 30
La réunion est reprise à 17 h 50
Vote et dépouillement sur la proposition de nomination par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède au vote sur la proposition de nomination par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
M. Philippe Bas, président. - Nous avons procédé tout à l'heure à l'audition de M. Pascal Brice, dont la nomination par M. le Président de la République est envisagée pour renouveler ses fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Nous allons à présent procéder au vote, qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. Je vous rappelle qu'en application de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote. Nous procéderons ensuite au dépouillement pour lequel je vous rappelle que nous sommes en contact avec la commission des lois de l'Assemblée nationale afin de procéder de manière simultanée.
Je vous rappelle également que l'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins 3/5èmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Mme Cécile Cukierman et M. Christophe-André Frassa sont désignés en qualité de scrutateurs.
M. Philippe Bas, président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants : 24.
Abstentions : 1.
Nombre de suffrages exprimés : 23.
Pour 23.
À l'Assemblée nationale, il y a eu 19 votants, 18 suffrages exprimés et 18 pour.
Le cumul de nos deux commissions des lois donne le résultat suivant :
Nombre de votants : 43
Nul : 2
Suffrages exprimés : 41
Pour : 41
Contre : 0
Le seuil des trois cinquième des votants étant de 25, les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat ne font pas d'objection au renouvellement de M. Pascal Brice pour exercer les fonctions de directeur général de l'OFPRA.
La réunion est suspendue à 18 heures
La réunion est reprise à 18 h 05
Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires - Audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
M. Philippe Bas, président. - Bienvenue, madame la ministre. Vous allez nous présenter le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires, dont le rapporteur est M. Alain Vasselle.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. - Ce texte, initialement déposé en juillet 2013, a vu son examen longtemps repoussé faute de place dans l'agenda parlementaire. Le 17 juin 2015, par lettre rectificative, le projet de loi est passé de 59 à 25 articles, certains articles étant renvoyés à des ordonnances. Nous voulions un texte plus court, mais dans le même esprit. Lors de son examen à l'Assemblée nationale, les députés ont réintégré certaines des dispositions initiales et limité le champ des habilitations à légiférer par ordonnances.
Le Gouvernement souhaite faire évoluer le statut de la fonction publique en y ajoutant explicitement certains principes comme l'impartialité et la laïcité. Les tragiques événements récents nous y obligent d'autant plus, le phénomène de la radicalisation ayant parfois touché notre fonction publique. Nous avons voulu un projet de loi aussi court et clair que possible pour dire une nouvelle fois à tous les fonctionnaires que le salariat et la fonction publique ne peuvent être comparés. Plus de trente ans après la loi Le Pors, la réaffirmation de ces valeurs qui guident l'action publique s'avère indispensable.
Ce texte est composé de trois titres : le premier traite de la place des valeurs de la fonction publique et de la déontologie ; le deuxième, des obligations et des garanties fondamentales accordées aux agents ; le troisième, des employeurs publics.
Parmi les principes fondamentaux qui s'imposent aux agents publics figurent le devoir d'intégrité, d'impartialité et de probité, auxquels nous avons ajouté le devoir de dignité. Les syndicats étaient réticents sur ce dernier, craignant qu'il implique que certains comportements soient, en creux, jugés indignes. Pour moi, mais aussi pour nos concitoyens, la dignité est un devoir pour le fonctionnaire, non seulement dans l'exercice de ses fonctions, mais aussi en dehors des heures de travail. À force de discussions, nous avons réussi à convaincre les organisations syndicales et les employeurs publics.
L'introduction du principe de laïcité n'a pas été simple, car il fallait interdire toute manifestation d'opinion religieuse des agents publics, définir les signes ostentatoires, mais aussi respecter la liberté de conscience et la dignité de l'usager de la fonction publique.
Nous voulons développer la culture de la déontologie et de la prévention des conflits d'intérêt dans le service public, y compris pour les magistrats des juridictions administratives et financières. Les articles 2 et 4 renforcent ainsi les contrôles avant les nominations ; un décret en Conseil d'État établira la liste des emplois publics concernés. Les déclarations d'intérêt et de situation patrimoniale seront contrôlées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il ne s'agit pas d'instaurer des règles identiques à celles imposées aux élus mais de demander une déclaration d'intérêt préalable avant de traiter de marchés publics, par exemple. Ces dispositions éviteront des déports tardifs qui suscitent la suspicion de nos concitoyens. La déclaration de situation patrimoniale permettra de couper court à toute rumeur, à tout conflit, et pourra être vérifiée de façon indépendante.
Nous proposons que le patrimoine de certains fonctionnaires des ministères économiques et financiers mais aussi de certains agents territoriaux exerçant des responsabilités importantes dans le domaine économique et financier soit géré par un tiers, pour éviter tout soupçon.
Nos concitoyens veulent des contrôles accrus de la commission de déontologie de la fonction publique en cas de départ vers le privé. Nous proposons donc de renforcer le pouvoir de contrôle et de sanction de la commission, pour éviter que la République ne s'interroge sur ceux qui portent ses valeurs.
Enfin, nous renforçons la protection des lanceurs d'alerte, d'où la création de référents déontologues, que les fonctionnaires pourront saisir. N'oublions pas que les lanceurs d'alerte peuvent se tromper...
M. Philippe Bas, président. - Ou être de mauvaise foi !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - D'où la nécessité de faire une distinction.
Des élus locaux mais aussi des fonctionnaires nous ont demandé de mieux encadrer le cumul d'un emploi public avec une activité privée lucrative - par exemple une activité d'auto-entrepreneur. Sur ce point, les députés ont amendé notre texte, que j'estimais équilibré.
La protection fonctionnelle est étendue à tous les agents et à leur famille. Nous limitons à trois ans le délai de prescription de l'action disciplinaire, nous modernisons les garanties disciplinaires et nous prévoyons le reclassement provisoire des agents placés sous contrôle judiciaire.
L'exemplarité des employeurs publics passe par l'amélioration et la clarification des droits des agents contractuels. Aussi, nous clarifions les règles de calcul de l'ancienneté, nous améliorons les modalités de recrutement, nous transformons des CDD en CDI pour des agents qui occupent des emplois permanents sur des qualifications spécifiques pour lesquelles il n'existe aucun corps de fonctionnaire. La plupart des droits et obligations des fonctionnaires s'appliqueront aux contractuels qui sont, eux aussi, les représentants de l'action publique. Dans la continuité de la loi « Sauvadet » du 12 mars 2012, nous continuons de résorber le stock de contractuels en permettant leur intégration dans la fonction publique.
Les recrutements directs des agents de catégorie C essuient de nombreuses critiques : un regard extérieur par l'instauration de comités de sélection sera bienvenu.
Nous présenterons quelques amendements pour revenir en partie au texte initial, notamment sur les sanctions pénales en cas de divulgation d'informations relatives aux déclarations d'intérêts, sur la saisine et les compétences de la commission de déontologie. Nous voulons interdire à un fonctionnaire ayant exercé comme cadre dans le privé de percevoir une indemnité de cessation d'activité alors qu'il est réintégré dans la fonction publique.
D'autres amendements prévoient la création, sous six mois, d'un collège commun des employeurs publics ainsi que la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des organisations syndicales.
Nous vous proposons enfin la transposition des dispositifs de déontologie, de sanction disciplinaire et de protection fonctionnelle aux militaires. Compte tenu de l'évolution des activités militaires qui ne sont pas forcément des opérations extérieures (Opex) mais aussi des activités d'encadrement dans des pays difficiles, le ministère de la défense nous a demandé de les faire bénéficier de garanties identiques à celles des autres fonctionnaires.
M. Philippe Bas, président. - Merci pour votre concision.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Vous avez fait référence au décret qui précisera quels fonctionnaires devront établir des déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale. Combien d'agents seront concernés ?
Le texte issu de l'Assemblée laisse perdurer deux instances, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la commission de déontologie. Pourquoi ce choix, qui obère la lisibilité du dispositif ?
Pouvez-vous préciser le rôle des futurs référents déontologues ? Comment vont-ils se répartir au sein de l'administration ?
L'harmonisation des sanctions disciplinaires fait couler beaucoup d'encre. L'exclusion temporaire de trois jours n'existe aujourd'hui que dans la territoriale mais l'Assemblée a souhaité qu'elle soit étendue aux deux autres fonctions publiques. Quel est votre sentiment ?
Enfin, le Gouvernement nous a présenté hier sept amendements relatifs au statut des militaires, qui font suite à la concertation que vous avez conduite avec les instances représentatives correspondantes. Ils évoquent des sujets sensibles comme la transposition des règles déontologiques aux militaires et des sujets divers comme l'extension des droits des militaires en Opex, les règles relatives à la procédure disciplinaire... Sujets importants, sur lesquels nous souhaiterions entendre le ministère de la défense. Ne pourriez-vous pas retirer ces amendements pour les représenter en séance publique, ce qui nous laisserait le temps d'entendre en audition les personnes concernées ?
Mme Catherine Troendlé. - Vous m'aviez reçue, madame la ministre, pour que je vous expose les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses collectivités, notamment celles qui gèrent des crèches. Des personnes sont embauchées sous un statut de contractuels même si elles sont diplômées d'État - infirmières, puéricultrices - et doivent passer un concours dans les deux ans. À défaut, leur contrat n'est pas renouvelé.
Comme vous me l'aviez proposé, j'ai rencontré les représentants des centres de gestion et nous avons convenu qu'il fallait généraliser les concours sur titres dans les professions règlementées, notamment pour les métiers de santé. J'ai pris l'attache des syndicats, qui ne sont pas hostiles à cette solution. Je dois les rencontrer en janvier. Ce texte me paraît constituer un véhicule législatif approprié. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
M. René Vandierendonck. - Ce texte est d'autant plus important que la réforme territoriale se met en place et que la mutualisation entre communes et intercommunalités est encouragée. Pour ce faire, il faut motiver les agents, en levant la prohibition du cumul de rémunérations, quitte à plafonner les rémunérations cumulées. Nous en reparlerons.
De mon temps, lorsqu'on enseignait les principes de la fonction publique, le premier d'entre eux était l'obligation de réserve. Il en est très peu fait mention dans ce texte, même si cette obligation est évolutive et s'adapte en fonction de la jurisprudence. Pourquoi ne pas l'inscrire à l'article 1er ?
Comme M. Vasselle, je pense que nous devrions simplifier les dispositifs relatifs aux déclarations d'intérêts et de patrimoine, afin de renforcer la transparence. Je pourrais citer des exemples concrets...
La rapporteure de l'Assemblée nationale a eu raison de ne plus confier en première instance la présidence des conseils de discipline aux magistrats des tribunaux administratifs, qui sont déjà surchargés de travail. En revanche, si je comprends la suspension temporaire avec maintien de la rémunération, l'exclusion temporaire de trois jours maximum sans salaire, ne me paraît pas acceptable car elle est prononcée sans saisine du conseil de discipline.
M. Pierre-Yves Collombat. - L'article 8 du projet de loi, qui traite du pantouflage dans la bureaucratie céleste, ne va pas assez loin. Cela me parait pourtant autrement plus important que d'hypothétiques conflits d'intérêts... La commission de déontologie, qui se montre bien timorée, se prononcera : la belle affaire ! On ne peut plus accepter ces passages incessants entre la haute fonction publique et la banque, au nom de l'ouverture sur le monde et des savoirs nouveaux ! Quel cheminement vous a poussée à retenir cette rédaction ?
M. André Reichardt. - Vous souhaitez supprimer le recours à l'intérim, en arguant du faible nombre de personnes concernées. Ne serait-il pas préférable de mieux l'encadrer tout en permettant aux collectivités territoriales, notamment les plus petites, d'y avoir recours de temps en temps ? Comment déneiger, par exemple, quand votre seul agent d'entretien est absent ? L'intérim est une façon de résoudre ce type de problèmes. Je plaide pour un peu plus de souplesse, notamment dans la fonction publique territoriale.
Mme Catherine Di Folco. - Les centres de gestion ont mis en place des services d'intérim pour un important éventail de métiers et notamment pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) et les personnels d'entretien. C'est une façon d'être au plus près des besoins des collectivités. Quand la collectivité est contente d'un intérimaire, elle redemande à bénéficier de ses services et finit bien souvent par le recruter.
M. René Vandierendonck. - Notamment dans la propreté et la petite enfance.
Mme Catherine Di Folco. - Tout à fait. En tant que présidente d'un centre de gestion, je cultive des viviers géographiques afin d'envoyer les intérimaires sur des postes situés à proximité de leur domicile. Les collectivités ont besoin de ce système performant.
M. Christian Favier. - Je le confirme : ce qui est vrai pour des petites communes l'est tout autant pour de grandes collectivités. Dans mon département, nous gérons 76 crèches et 1 800 personnes. Nous devons remplacer immédiatement les malades et le volant d'agents dont nous disposons ne suffit pas toujours ; si nous ne pouvons faire appel à des intérimaires, nous sommes contraints de fermer des structures, ce qui pénalise les familles.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il semblerait que le Gouvernement souhaite ajouter, par amendement, une dérogation pour que les fonctionnaires qui interviennent sur les « intérêts fondamentaux de la Nation » puissent rester en fonction jusqu'à 68 ans au lieu de 67 ans. Qui cela concerne-t-il ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Les déclarations d'intérêts porteront sur quelques milliers d'agents, et principalement ceux responsables des marchés publics et des aides directes aux entreprises. L'avantage de cette déclaration est de mettre fin à la suspicion en coupant court aux mauvais procès. On m'a reproché la paperasserie que cette déclaration va entraîner, mais le jeu en vaut la chandelle.
Les déclarations de situation patrimoniale concerneront quelques centaines de fonctionnaires, notamment à la direction du Trésor, à la direction des participations de l'État et dans certains services amenés à négocier avec de grands groupes. Il s'agit d'éviter les recours intentés par des citoyens ou par des concurrents qui suspectent des pratiques illégales. Avec ces déclarations, la vérification sera immédiate.
Revenir sur la dualité entre la commission de déontologie et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ? Nous avons longuement discuté pour parvenir à cet équilibre : comme la Haute autorité ne pourra pas tout faire, elle traitera des conflits d'intérêts. Les départs dans le privé et les créations d'entreprise par des agents publics resteront du ressort de la commission de déontologie.
M. Collombat a évoqué le pantouflage des très hauts fonctionnaires : le plus souvent, les cas qui défraient la chronique concernent des nominations à la discrétion du Gouvernement. Depuis que le Parlement est davantage consulté, ces nominations sont beaucoup plus ouvertes et transparentes.
On me demande de favoriser les allers-retours entre la fonction publique et le privé, je ne vais donc pas les interdire. En revanche, je ne souhaite pas que les fonctionnaires qui reviennent du privé perçoivent des indemnités de départ, alors qu'ils sont simultanément payés à temps plein par l'État ! Mieux vaut des règles bien assises, qui évoluent avec la jurisprudence, plutôt que d'interdire des aller-retours au demeurant peu nombreux.
L'ancienne garde des sceaux que je suis estime que l'exclusion temporaire de trois jours maximum est une sanction lourde. Avec la SNCF, nous avons fait une étude sur l'impact de ces sanctions sur les personnes concernées. Je puis vous assurer que cet impact est très important. Je comprends mal qu'on l'élargisse sans autre forme de consultation du conseil de discipline.
M. René Vandierendonck. - Vous ne serez donc pas fâchée si nous revenons sur le vote de l'Assemblée ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Non, je sais que votre travail sera précis.
Sur les amendements relatifs aux militaires, nous avons terminé nos travaux avec le ministère de la défense la semaine dernière : il a mené un gros travail de concertation. M. le Premier ministre m'ayant demandé de présenter ces amendements, je ne vais pas les retirer, mais vous aurez le temps de procéder à des auditions d'ici la séance publique. Nous devons protéger les militaires, et rappeler qu'être au service de la Défense comporte des droits et des obligations particulières.
Les référents déontologues seront formés mais cette formation se fera sur la base du volontariat. Des crédits spécifiques seront prévus pour aider les employeurs.
J'ai entendu vos remarques sur l'intérim, notamment en ce qui concerne les personnels qui doivent être remplacés immédiatement en cas de maladie. Les organisations syndicales ne voulaient plus d'intérim, mais après de dures négociations, ils l'ont accepté pour les services hospitaliers. Nous parviendrons sans doute à un dispositif équilibré si nous encadrons l'intérim dans les collectivités territoriales en le limitant aux situations d'urgence. Les partenaires sociaux s'inquiètent aussi de la rupture d'égalité entre les intérimaires et les apprentis qui pourraient bénéficier d'une embauche et les personnes passant les concours de la fonction publique. In fine, c'est le jury qui doit décider.
Mme Catherine Troendlé. - Les agents de catégorie C ne passent pas de concours.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Mais il y a souvent un comité de sélection. Nous devons lever toute suspicion de favoritisme à l'égard de nos modes de recrutement.
À l'heure actuelle, les infirmiers diplômés d'État sont obligés de passer un concours pour travailler en crèche, ou dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous voulons y mettre fin : pour les titulaires d'un diplôme d'État, les recrutements se feraient sur titres. Peut-être pourrons-nous régler cette question par voie règlementaire.
Mme Catherine Troendlé. - Ce serait plus rapide...
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Oui.
Il faut également alléger le travail des magistrats administratifs en les dispensant de présider les conseils de discipline.
M. René Vandierendonck. - Mille fois d'accord !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Il faut mieux contrôler le départ d'un fonctionnaire vers le privé : la saisine de la commission de déontologie sera obligatoire et son pouvoir d'instruction accru. Les cas les plus difficiles seront scrupuleusement examinés. Je reverrai la Haute autorité pour la transparence de la vie publique avant l'examen de ce texte en séance afin de préciser certains points.
Un certain nombre de hauts fonctionnaires compétents, qui ont des charges de famille, n'ont pas envie de partir car leur retraite est calculée sur le traitement et non sur le régime indemnitaire. Compte tenu de mon âge, j'ai certainement été particulièrement sensible à ces arguments : je me trouve très jeune, et travaillerais volontiers un an de plus !
M. Philippe Bas, président. - Nous transmettrons.
Merci d'avoir pris le temps de nous répondre et d'avoir fait preuve d'esprit d'ouverture. Nous sommes prêts à vous prendre au mot. L'intérim, c'est de l'emploi : dans la situation actuelle, il ne faut rien négliger. Il est difficile de faire évoluer les textes sur la fonction publique si l'on veut systématiquement l'accord des syndicats.
La réunion est levée à 18 h 55
Mercredi 16 décembre 2015
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 9 h 30
Nomination de rapporteurs
M. François Bonhomme est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 3109 rectifié (A.N. XIVème lég.) relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs.
M. André Reichardt est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 222 (2015-2016) ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
M. Jacques Mézard est nommé rapporteur sur la proposition de loi organique n° 226 (2015-2016), présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean Léonce Dupont et Jacques Mézard relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et sur la proposition de loi n° 225 (2015-2016), présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
Compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine tout d'abord le rapport de M. Jean-Pierre Vial et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi constitutionnelle n° 197 (2015-2016), présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - La proposition de loi constitutionnelle s'inscrit dans le contexte d'une inflation normative, à la fois législative et réglementaire, qui s'est étendue à des domaines périphériques où des organismes de droit privé interviennent de plus en plus. Cette inflation s'exerce de surcroît dans des domaines législatifs sensibles comme l'environnement, l'urbanisme et la transition énergétique.
Dès 1991, le Conseil d'État s'était alarmé de ce phénomène ; un rapport de Mme Chandernagor avait décrit l'insécurité juridique résultant de la surproduction normative. Plus récemment, en 2011, notre collègue Éric Doligé a présenté un rapport au Président de la République sur ce thème puis a déposé une proposition de loi pour simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales. Notre commission a été saisie de sept lois de simplification depuis 2007 pour réduire le nombre de normes appliquées par les acteurs publics et privés, évalué à 400 000 par l'Association des maires de France.
Un premier moratoire a été introduit en 2010. Son bilan est mitigé puisque, d'après Jacqueline Gourault, il n'a pas donné lieu à une diminution sensible : son rapport sur la proposition de loi de M. Doligé en 2012 soulignait même que le nombre de projets réglementaires était en augmentation.
Une circulaire du Premier ministre du 17 février 2012, confirmée par une circulaire plus récente du 12 octobre 2015, prévoit l'établissement d'une évaluation préalable pour tout projet de texte réglementaire. Une autre circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013, entrée en vigueur dès le 1er septembre suivant, met en oeuvre le principe : « une norme créée, une norme supprimée ».
Enfin, la Commission consultative d'évaluation des normes créée en 2008 et dont les avis étaient consultatifs, a été remplacée en 2014 par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). D'après le Gouvernement, l'action de celui-ci aurait dégagé plus d'un milliard d'euros d'économies et 912 millions de recettes, mais ces chiffres appellent quelques réserves, exprimées par notre ancien collègue Alain Lambert et la Cour des comptes. Il est en réalité difficile d'en mesurer l'impact à peine un an après son installation. Sur plus de 370 avis rendus par le CNEN, huit ont été négatifs.
La proposition de loi constitutionnelle qui vous est soumise est issue du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il conviendra de l'harmoniser avec un texte très voisin, dont notre commission sera également saisie, fruit de la réflexion de la délégation aux entreprises.
L'article 1er propose de compléter l'article 39 de la Constitution par un mécanisme de gage s'appliquant aux projets et propositions de loi ainsi qu'à l'ensemble des amendements qui portent création d'une « contrainte ou d'une charge complémentaire ». Ne seraient discutés que ceux qui prévoiraient simultanément la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente.
L'article 2 introduit un nouvel article 88-8 de la Constitution interdisant au législateur de « surtransposer » les directives européennes, à travers une distinction entre les projets ou propositions de lois visant à transposer strictement une directive européenne, et les textes d'accompagnement comprenant des mesures d'adaptation du droit existant aux dispositions européennes.
L'article 1er pose plusieurs difficultés. D'abord, une contrainte s'apprécie beaucoup moins aisément qu'une charge ; or certaines mesures normatives s'expriment en termes de délais ou d'obligations, ce qui rend difficile leur compensation par des mesures normatives équivalentes. Plus globalement, il faut des outils d'évaluation du coût, et d'appréciation de la sincérité de cette évaluation.
Plus important, l'article 40 de la Constitution rend toute initiative parlementaire irrecevable si elle crée ou aggrave une charge publique, que celle-ci soit compensée ou non. Or en vertu de l'article 1er du texte, une initiative parlementaire introduisant une charge ou une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales serait recevable dès lors qu'elle serait gagée par la suppression d'une charge ou d'une contrainte équivalente. En revanche, les initiatives applicables à d'autres personnes publiques seraient déclarées irrecevables au regard de l'article 40. Outre un problème évident de cohérence et d'égalité de traitement, cette règle serait moins protectrice des finances locales que l'article 40 puisqu'elle autoriserait l'introduction compensée de nouvelles dépenses locales. En outre, certaines normes ayant une incidence financière sur les collectivités territoriales ne les visent pas exclusivement. Non seulement il est difficile en pratique d'apprécier l'équivalence d'une charge, a fortiori si elle ne présente aucune incidence financière, mais encore ce texte reviendrait à figer les compétences des collectivités locales, sauf à effectuer un travail préalable de gage. Ces difficultés m'amèneront à vous soumettre un amendement.
Tous ceux que nous avons entendus, en particulier Alain Lambert, ont insisté, au-delà du travail du CNEN, sur la nécessité d'une démarche plus volontaire sur le plan législatif et institutionnel.
Il y a des normes ne relevant pas seulement du domaine réglementaire. Dans le domaine sportif, les fédérations sportives imposent parfois des contraintes très fortes aux collectivités. Autre exemple, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose, dans son article 4, le principe de l'accessibilité universelle qui va au-delà des dispositions adoptées par l'ONU ou la Commission européenne. Deux ans avant le délai de mise en oeuvre, le Gouvernement, voyant que l'échéance ne serait pas respectée, a engagé une concertation avec les associations représentant les personnes handicapées pour mettre en oeuvre des dispositions adaptées. Celles-ci ont été prises par ordonnance grâce à une loi d'habilitation, sans que le Parlement se prononce sur le fond de la question.
Alors que l'article 39 de la Constitution impose au Gouvernement d'assortir tout projet de loi d'une étude d'impact - le Conseil constitutionnel ayant livré de cette obligation une analyse très formelle -, les initiatives parlementaires relèvent de l'article 40. Il conviendrait d'harmoniser le traitement des textes d'origine gouvernementale et parlementaire en faveur du dispositif prévu à l'article 39.
La « surtransposition » des directives européennes, contre laquelle l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle a été rédigé, est une pratique courante. Dans le domaine aéronautique par exemple, une mauvaise traduction peut transformer une incitation en exigence. En matière d'énergie, nos voisins européens ont souvent recours à des transpositions allégées. Ainsi en Allemagne, la structure fédérale ménage une possibilité de souplesse dans l'application du droit européen au niveau des Länder. Chez nous, la transposition au seul niveau national est facteur de rigidité.
Notre marge de manoeuvre en la matière est limitée, puisqu'il est impossible de « sous-transposer ». Conscientes du problème, les autorités européennes envisagent elles-mêmes d'harmoniser la transposition dans les différents pays ; à l'encontre de cette tendance, une récente résolution européenne du Sénat déposée par Jean Bizet et Simon Sutour appelle à ne pas priver le Parlement de sa capacité d'appréciation dans ce domaine.
M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie pour ce travail juridiquement approfondi. Ce texte résulte d'un mécontentement croissant des responsables des collectivités territoriales à l'égard des normes qui ont souvent des incidences financières. Le travail d'écriture mené par Rémy Pointereau et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été difficile : on mesure à quel point les modifications proposées interfèrent avec des dispositions relatives au droit d'amendement ou à la recevabilité financière.
La question de l'étude d'impact a été mal réglée par la loi organique ; le Conseil constitutionnel en a donné une lecture extrêmement restrictive. La modification proposée à l'article 39 de la Constitution occasionnera sans nul doute de nombreux débats.
M. Hugues Portelli. - J'admire l'abnégation de notre rapporteur dans son analyse d'un texte qui, pour ma part, me laisse perplexe. D'abord, il traite de deux sujets qui n'ont rien à voir ; ensuite, il est mal écrit du point de vue juridique.
On ne peut pas balayer la transposition des directives européennes d'un revers de main. D'après la jurisprudence des tribunaux, une partie d'entre elles sont directement applicables, ce qui appelle une analyse au cas par cas. La transposition présente également une dimension linguistique : le droit européen est un mélange de droits, et la traduction en droit français de textes issus d'une autre culture juridique se heurte à la différence des concepts. Il y a un an, nous avons examiné un texte sur le harcèlement qui mentionnait l'environnement au sens du cadre de travail, traduction de l'anglais environment ; eh bien certains de nos collègues ont imaginé qu'il s'agissait de la nature ! Quant à la transposition proprement dite, elle est généralement le fait du Gouvernement à travers des ordonnances ; quand elle est présentée au Parlement, elle est déjà opérationnelle.
Pourquoi introduire les dispositions proposées par l'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle dans l'article 39 de la Constitution, et non à l'article 72-2 ? C'est sans doute pour que cette disposition soit insérée avant l'article 40 - lors de la révision de 2008, nous avions manqué de courage, en renvoyant la question des ressources propres à la loi organique, qui n'a rien réglé. Le Conseil constitutionnel a beau jeu de nous dire qu'il ne pouvait le faire à notre place !
La compensation peut être interprétée à volonté. Une taxe locale est remplacée par une dotation financière fixée ne varietur qui, avec l'inflation, diminue inexorablement en termes réels. Nous sommes tombés dans notre propre piège ! Quoi qu'il en soit, ce texte ne changera rien, puisqu'il ne sera pas voté par les députés.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je partage votre scepticisme ; de plus, je suis réservé quant à la multiplication des modifications constitutionnelles, pour des résultats douteux. Néanmoins, le caractère provocateur de cette proposition de loi constitutionnelle me plaît assez. Le choix est à mes yeux le suivant : soit nous ne la votons pas, soit nous l'adoptons telle qu'elle est. Cette dernière option s'inscrit dans notre pratique traditionnelle qui consiste à reporter en séance publique les débats sur les propositions de loi. De plus, les modifications proposées aggravent les défauts du texte. Adoptons-le en l'état ; ainsi il sera discuté... et probablement rejeté par l'Assemblée nationale. Ce sera au moins une pierre dans le jardin du Gouvernement...
M. Alain Vasselle. - Quelles sont les chances que l'Assemblée nationale le vote ?
Qu'apporte l'article 39-1 de la Constitution que vous proposez d'ajouter ? Hugues Portelli a rappelé l'interprétation restrictive que le Conseil constitutionnel avait faite de l'étude d'impact. En quoi sera-t-il amené à se référer davantage, désormais, aux conséquences économiques et financières ?
Le dispositif de l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle introduit une incohérence entre les dispositions s'appliquant aux collectivités territoriales et les autres ; dans ces conditions, pourquoi ne pas l'élargir à toutes les personnes publiques ?
Enfin, étendre aux textes parlementaires l'obligation d'une évaluation préalable pourrait avoir pour conséquence de brider toute initiative ; à tout le moins, cela nécessitera des moyens humains supplémentaires pour les conduire.
M. René Vandierendonck. - Le travail de notre rapporteur illustre une fois de plus ses qualités de diplomate. Les représentants de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont dû faire valoir l'importance de ce texte pour limiter les empiètements du Gouvernement sur les compétences des collectivités ; en réalité, ils exprimaient surtout une aspiration à une plus grande transversalité entre leur délégation et les commissions thématiques.
Je partage la perplexité exprimée par mes collègues. La proposition va à l'encontre de la prudence d'un Tocqueville que vous recommandiez récemment en séance, monsieur le Président, vis-à-vis du pouvoir constituant dérivé. On s'affaiblit à discuter de tels textes. Le prochain conseil des ministres doit encore se prononcer sur un projet de révision. Convenez que cela fait beaucoup !
M. Philippe Bas, président. - Merci. Je crois comprendre que vous êtes défavorable au texte...
M. René Vandierendonck. - J'ai beaucoup de réticences.
M. François Grosdidier. - Je suis l'un des cosignataires du texte dont les deux volets traitent respectivement de la compensation des charges nouvelles pour les collectivités et de la « surtransposition » des directives européennes, qui est l'une des causes de la surréglementation dont souffrent les collectivités territoriales et les agents économiques.
Sur le premier point, il faut aller plus loin et adopter le texte. Quoique constitutionnalisé, le principe de compensation n'est pas respecté. Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sort qu'avait réservé le Conseil constitutionnel à l'étude d'impact, au moment de se prononcer sur la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Il importe de préciser la Constitution. Alors même qu'elles voient leurs recettes baisser, les collectivités territoriales sont écrasées par des transferts de charges. Il n'est que de considérer l'évolution des dépenses liées au RSA.
Je suis plus réservé sur l'interdiction de la « surtransposition » des directives européennes. C'est à nous de nous montrer sages et de ne pas imposer des normes qui n'existent pas dans les autres pays, surtout dans les secteurs exposés à la concurrence internationale. La « surtransposition » dans le domaine réglementaire autonome relève de la seule responsabilité du Gouvernement. Je m'en remets aux juristes : dès lors que le législateur ordinaire ne peut intervenir, l'article 2 limitera-t-il la propension de l'administration à « surtransposer » les directives ?
Mme Catherine Troendlé. - Ce texte plus qu'indispensable marque l'aboutissement de la réflexion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et plus particulièrement du groupe de travail constitué autour de Rémy Pointereau. De nombreuses auditions ont été conduites, et la consultation menée à l'occasion du congrès des maires de France en 2014 bien analysée. La demande exprimée par les élus locaux est forte. Mandaté par le Président de la République pour compiler l'ensemble des normes inutiles, Éric Doligé avait, en son temps, présenté une proposition de loi posant, dans son article 1er, le principe de l'adaptabilité des normes par les élus, lequel n'a malheureusement pas été adopté, le Président de la République considérant que l'on ne pouvait accorder cette confiance aux élus locaux. Ce texte n'est pas à mes yeux, une réponse idéale : mais adoptons-le et avançons, à petits pas.
M.
François Bonhomme. - On ne peut qu'être attentif
à l'argumentation d'Hugues Portelli, pourtant, on ne peut que
constater l'exaspération des élus. La proposition de loi
constitutionnelle n'est pas seulement de circonstance ; elle applique le
principe
- élémentaire mais incompris de l'administration
- de « qui décide paye ».
Écartons l'argument selon lequel le texte ne sera pas adopté par l'Assemblée nationale : c'est placer d'emblée le Sénat en position d'infériorité. Le texte a une fonction d'appel ; il signifie que la situation ne peut plus durer.
M. Christian Favier. - Voilà une mauvaise réponse à une bonne question. Les élus ne refusent pas toujours des responsabilités supplémentaires ; encore faut-il avoir des moyens pour les assumer. Ainsi, le transfert de la gestion du RSA au niveau départemental ne s'est pas accompagné d'une compensation intégrale par l'État dans la durée. Inscrivons dans la loi un mécanisme imposant, pour chaque responsabilité nouvelle, un transfert financier durablement équivalent. Il est peu réaliste de compenser une nouvelle contrainte ou charge par des suppressions, toute charge étant par nature évolutive. Le texte ne répond pas vraiment à un problème pourtant réel.
M. Philippe Bas, président. - Merci de votre intervention marquée du sceau de l'expérience.
M. Yves Détraigne. - En tant qu'élus locaux, nous pestons contre les nouvelles charges imposées par les textes ; en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas répondre à ce mécontentement par un constat résigné, sous prétexte que la Constitution nous empêche d'agir ! Nous représentons les collectivités territoriales de la République ; essayons de réduire les contraintes, sous peine de nous retrouver dans une contradiction permanente.
Voyez la réforme des rythmes scolaires qui a imposé, en toute impunité, des coûts exorbitants aux collectivités. Il y a une incompréhension entre le niveau central et le niveau local. Ce texte, dont je suis co-signataire, a le mérite de soulever une question à laquelle nous devons répondre. C'est un excellent sujet de discussion pour notre commission.
M. André Reichardt. - Comme le rappelait Catherine Troendlé, cette proposition de loi constitutionnelle résulte du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation : remarquez l'intérêt des élus pour régler un problème universellement reconnu.
Les amendements du rapporteur, auquel je rends hommage, ne correspondent pas à l'objectif fixé par le travail de Rémy Pointereau. Une postulation relative à la simplification ou à la clarification du droit ne règlera pas le problème, non plus que l'évaluation préalable des mesures nouvelles ou de l'aggravation des mesures.
Quant à l'article 2, il revient au législateur de décider ce qu'il veut ou non de transposer. Le brider par une mesure constitutionnelle va à l'encontre du pouvoir législatif.
M. François Pillet. - Cosignataire lucide du texte, je comprends ces hésitations, au demeurant mesurées. Elles ne traduisent pas une opposition forte au texte. La proposition de loi constitutionnelle nous invite à sortir des incantations : depuis plusieurs années, on n'a rien fait pour limiter les normes touchant les collectivités locales et les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles. Évitons de nous saouler de mots : ils peuvent, au lendemain des élections, donner autant la migraine que d'autres formes d'ivresse !
M. Philippe Bas, président. - Nous constatons une irritation généralisée contre l'accumulation de normes et les transferts de charges. Nous disposons de deux instruments d'évaluation : d'une part, l'article 72-2 de la Constitution prévoit la compensation de tout transfert de charges aux collectivités, mais les compensations ne suivent pas la dynamique des dépenses transférées, comme les prestations aux personnes âgées, aux personnes handicapées, à la protection de l'enfance, le RSA ; d'autre part, l'évaluation, mais le Conseil constitutionnel n'a pas souhaité donner une substance réelle à l'étude d'impact. Progresser sur ces deux points serait utile. Le texte répond-il réellement à ce cahier des charges ? Le rapporteur l'a recherché, en évitant d'inscrire dans la Constitution des proclamations incantatoires. Le texte évite-t-il, en l'état, la surtransposition des directives ? Ce n'est pas sûr.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - J'ai bien compris vos observations, formulées avec diplomatie. « Une mauvaise réponse à une bonne question » a dit M. Favier. Il faut sortir de l'incantation et faire le lien entre la réalité du terrain et le travail en commission, avez-vous ajouté. Malgré tout le travail réalisé, comme le constatait la Direction générale des collectivités locales (DGCL), réduire le flux et le stock de normes est difficile. Trouvons des moyens plus efficaces, dont certains relèvent davantage d'aspects culturels. La délégation aux entreprises, après avoir rappelé la nécessité de simplifier, voulait d'abord créer une commission supplémentaire sur le problème de l'attribution du crédit impôt-recherche : nous sommes atteints de la même maladie !
Nous apprécions les textes comme s'ils étaient tous soumis à une procédure assurant les garanties nécessaires. La loi NOTRe comptait 36 articles à l'origine, elle en comporte 136 aujourd'hui : bien des dispositions introduites n'ont pas fait l'objet d'étude d'impact. L'on ne peut pas dire que le Conseil constitutionnel nous ait apporté la réponse attendue. Voilà notre chantier : veiller à décrire précisément ce que doit être une étude d'impact pour que le Parlement dispose de cet outil nécessaire.
Hugues Portelli proposait d'utiliser l'article 72-2 de la Constitution plutôt que l'article 39. Nous traitons différemment les projets de loi d'origine gouvernementale relevant de l'article 39, devant faire l'objet d'une étude d'impact, et les propositions d'origine parlementaire, qui relèvent de l'article 40. J'ai suggéré une harmonisation pour que tout texte soit soumis à la même exigence d'évaluation, sur le modèle de l'article 39. Évitons de complexifier le système législatif et réglementaire et simplifions. L'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle comprend deux alinéas. L'alinéa 2 renvoie à une loi organique et à la nécessité de préciser le contenu d'une évaluation préalable. Le préciser dans l'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle serait plus acceptable que la première rédaction de la proposition, difficile à intégrer à la Constitution. Le premier alinéa pourrait être retravaillé, en lien avec les propositions de la délégation aux entreprises.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - L'amendement COM-1 n'est pas contradictoire avec notre débat. Nous pourrions en revanche revoir la rédaction du premier alinéa pour la séance publique pour la rendre plus conforme à vos observations.
M. Philippe Bas, président. - Peut-on considérer que le deuxième alinéa donne une portée constitutionnelle à l'étude d'impact - prévue seulement par une loi organique - en tant que celle-ci porterait sur « toute mesure nouvelle ou toute aggravation d'une mesure portant sur les compétences ou obligations incombant aux collectivités territoriales » ? Nous pouvons ainsi espérer préciser l'exigence en matière d'étude d'impact et que le Conseil constitutionnel vérifie plus sévèrement que cette exigence est satisfaite par les projets de loi.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Tout à fait.
M. Pierre-Yves Collombat. - L'article ainsi rédigé n'aboutit pas à l'objectif de la proposition de loi constitutionnelle et alourdit inutilement la Constitution. Soit on en reste au texte initial, soit on émet un avis négatif. Cette rédaction est pire.
M. Jacques Bigot. - Lors de l'examen d'une proposition de loi sur les entreprises, le rapporteur, totalement défavorable au texte, avait proposé sa suppression pure et simple, article par article. Je comprends la diplomatie du rapporteur sur une proposition de loi constitutionnelle dont il est lui-même cosignataire, mais la nouvelle rédaction est extrêmement dangereuse : on fait comme si les normes nouvelles ne créaient des charges qu'aux collectivités locales, or elles s'appliquent aussi aux entreprises - la délégation aux entreprises y travaille - et aux particuliers. Comment peut-on mentionner cela dans la Constitution ? La prudence appellerait le Gouvernement et le législateur à la raison. Les rythmes scolaires ne sont pas issus d'un texte de loi mais relèvent d'une simple disposition réglementaire avec des conséquences pour les collectivités. L'article 1er et votre amendement n'auraient rien changé à l'impact de cette réforme. Nous nous posons de vraies questions sans trouver de véritables solutions. C'est au fur et à mesure de l'examen des textes et du suivi de l'action gouvernementale, quelle que soit la majorité politique, qu'elles seront trouvées. Les régions, lorsqu'elles établiront les schémas régionaux de développement économique ou d'aménagement du territoire, se poseront les mêmes questions.
M. Alain Vasselle. - La rédaction de cet amendement reste incantatoire. L'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle de M. Rémy Pointereau affiche la nécessité d'une compensation, à l'inverse de votre amendement. Je doute de l'efficience de ce deuxième alinéa, le travail d'évaluation et d'appréciation de la qualité du contenu de l'étude d'impact par le Conseil constitutionnel. Comme le proposent le président et Hugues Portelli, il faudrait s'intéresser à l'utilisation de l'article 72-2 de la Constitution sur la compensation.
M. Hugues Portelli. - J'ai auditionné récemment l'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, qui m'a tranquillement avoué que le Conseil constitutionnel n'avait pas eu le temps de définir une jurisprudence précise lors de sa saisine sur le projet de loi relatif à une nouvelle délimitation des régions. Il était débordé, comme le Gouvernement ! Sur le fond, la version d'origine de l'article 1er accole deux concepts sans rapport, les contraintes et les charges, qui sont un concept financier.
M. René Vandierendonck. - Oui !
M. François Grosdidier. - Le principe de compensation des transferts de charges de l'État aux collectivités, normal et légitime, a été constitutionnalisé. Comme il n'est pas mis en oeuvre, il tourne dans le vide. Donnons-lui de l'efficacité, au lieu de rester passifs et faisons en sorte que la compensation ne concerne pas seulement le moment du transfert, surtout lorsqu'il s'effectue dans un cadre législatif ou réglementaire sans aucune marge de manoeuvre. Ainsi, alors que certains conseils départementaux ou régionaux avaient choisi de dépenser deux à trois fois plus pour les collèges ou les lycées que ne le faisait l'État, les conseils départementaux exécutent sur les dépenses sociales des politiques décidées par l'État, sans compensation, alors que leurs dépenses croissent du fait de l'application de nouvelles normes, comme l'accessibilité ; le Parlement a refusé d'adopter un principe d'adaptation ou de proportionnalité imaginé dans la proposition de loi d'Éric Doligé. Pour l'anecdote, la direction générale de l'armement impose le respect de la norme d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR) pour les simulateurs de vol sur Rafale, dans l'hypothèse où un agent d'entretien PMR y travaillerait. Envoie-t-on réellement ces agents en opérations extérieures ?
L'amendement COM-1 est adopté.
Article 2
L'amendement COM-2 est adopté.
Intitulé de la proposition de loi constitutionnelle
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Par cohérence avec les propositions, je propose la formulation : « Proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales », si tant est qu'on y arrive.
M. Jacques Bigot. - Les amendements doivent être cohérents avec le titre : vous avez un article sur la simplification du droit des collectivités territoriales et un sur la transposition des directives européennes ; les deux termes devraient être mentionnés.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Tout à fait d'accord. Ajoutons « et à encadrer la transposition des directives européennes ».
L'amendement COM-3 rectifié est adopté.
La proposition de loi constitutionnelle est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission examine le rapport de M. Alain Vasselle et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 41 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - La fonction publique comprend 5,4 millions d'agents dont 44 % dans le versant de l'État, 35 % dans la territoriale et 21 % dans l'hospitalier ; 70 % d'entre eux sont fonctionnaires. Les agents de la fonction publique sont régis par un statut général constitué de quatre lois adoptées entre 1983 et 1986, et modifié par 212 lois depuis 1983.
Ce texte comprend une partie sur la déontologie des fonctionnaires, des magistrats des juridictions administratives et financières, et une partie sur le dialogue social engagé par le Gouvernement avec les partenaires sociaux.
Mes propositions sur la déontologie s'inspirent du travail de M. François Pillet pour les magistrats de l'ordre judiciaire. J'ai harmonisé les textes en tenant compte des spécificités des fonctionnaires et des ordres de juridiction.
Je propose d'écarter l'insertion de la déclaration d'intérêts dans le dossier du fonctionnaire et circonscrire plus précisément le périmètre des fonctionnaires tenus de confier à des tiers la gestion de leurs instruments financiers. La déclaration de situation patrimoniale serait effectuée après la nomination du fonctionnaire et non avant, de manière à contrôler l'évolution du patrimoine pendant l'exercice des fonctions publiques.
Je souhaite renforcer le rôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en allant plus loin que l'Assemblée nationale. Rattachée à la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), la commission de déontologie pourrait devenir une section de la Haute Autorité. Cette commission traite des cumuls d'activité et du pantouflage, dont se saisit parfois la Haute Autorité, avec des navettes entre les deux institutions. Ce rattachement entraînerait davantage de lisibilité, de transparence et d'efficience. Certes, la DGAFP voit d'un mauvais oeil un tel rapprochement qui donnerait une charge supplémentaire à la Haute Autorité. Cette charge apparaît toutefois supportable dans la mesure où les personnels de la commission de déontologie seraient transférés à la Haute Autorité.
J'ai veillé à l'harmonisation des dispositions relatives aux magistrats des juridictions administratives et financières avec le projet de loi organique relatif à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats examiné le mois dernier par le Sénat. L'entretien déontologique des magistrats ferait l'objet d'un compte-rendu écrit et leur déclaration d'intérêts, rédigée après la nomination, serait transmise au collège de déontologie uniquement en cas de doute du supérieur, pour éviter tout encombrement du collège.
Sur la garantie des droits des agents publics, je propose d'assouplir le régime du cumul d'activités pour ne pas supprimer la capacité entrepreneuriale des fonctionnaires ; je suggère la prolongation du plan de titularisation « Sauvadet » jusqu'en 2020 pour résorber la précarité dans la fonction publique, objectif partagé par le Gouvernement, ainsi qu'un aménagement de l'exclusion temporaire de trois jours maximum - cela fait davantage débat. Répondant aux préoccupations des partenaires sociaux, je donne la possibilité aux agents publics de saisir le conseil de discipline lorsque cette mesure est prise par l'autorité territoriale, étatique ou hospitalière. Je propose d'ailleurs de rétablir la présidence des conseils de discipline de la territoriale par un magistrat administratif et de maintenir la possibilité de recourir à l'intérim. Je souhaite également une modulation de la part de la prime d'intéressement collectif perçue par les fonctionnaires en fonction de leur engagement professionnel et leur manière de servir. À l'inverse, je ne veux pas alourdir la procédure de recrutement sans concours des agents de catégorie C.
Certaines dispositions reprennent la proposition de loi sur les centres de gestion que j'ai déposée avec plusieurs collègues en septembre dernier.
M. Philippe Bas, président. - Merci de votre précision et de votre concision. Ce projet de loi protéiforme relève plutôt de diverses dispositions relatives à la fonction publique et concernent la déontologie, la discipline, l'intérim...
M. François Pillet. - Vos travaux renforcent l'efficacité de notre réflexion, et vos amendements positifs donnent une cohérence à la déontologie et à la transparence dans les fonctions publiques, des collectivités territoriales aux magistrats. Accordons un satisfecit total à notre rapporteur. Les aménagements qu'il a cités ne rendent pas la transparence translucide.
Je soutiens un amendement déposé par le groupe socialiste pour rappeler l'obligation de réserve du fonctionnaire, qui correspond à une jurisprudence constante. Il est bon de signaler des obligations déjà parfaitement comprises, quasiment culturelles. Faisons preuve de souplesse - le pragmatisme sénatorial - mais ne cédons pas sur l'embauche d'intérimaires sur certains postes. En tant que maire ou président de collectivité territoriale, on est parfois obligé, pour répondre à des besoins d'intérêt général que les centres de gestion ne peuvent pas satisfaire, de recourir à un intérimaire.
M. Hugues Portelli. - J'approuve totalement le rapporteur, hormis sur un point : dans une vie antérieure, j'ai travaillé sur la commission de déontologie, composée de gens remarquables, et qui fait un très bon travail. Je suis totalement hostile à ce rapprochement avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dont les chevilles commencent à enfler - nous l'avons vu lors de notre commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes.
M. Pierre-Yves Collombat. - Oui, elles explosent !
M. Hugues Portelli. - Il n'est pas nécessaire de renforcer ses compétences. Soyons fidèles à l'esprit de la loi des 16 et 24 août 1790 : la fonction publique doit rester la fonction publique. Ceux qui s'occupent de la déontologie de la vie publique doivent s'en occuper exclusivement.
M. Philippe Bas, président. - Je partage votre dévotion à la loi des 16 et 24 août 1790, quelles que soient les conséquences qu'on en tire.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis moins enthousiaste concernant la qualité du contrôle de la commission de déontologie sur le pantouflage de haut niveau. Ayons conscience de ce que nous sommes en train de fabriquer : la Haute Autorité, temple de ce nouveau culte de la transparence, traitera de dizaines de milliers de dossiers ! Son président est investi d'une mission quasi divine ! Il est incroyable que les décisions de la Haute Autorité ne puissent pas faire l'objet d'appel ! Il faudrait prévoir quelque chose. Il n'existe aucun recours, alors que c'est un principe fondateur de la démocratie.
M. René Vandierendonck. - Hier, lors de l'audition de Mme Lebranchu, nous avons constaté des convergences. Je suis attaché au sort de mes 5,4 millions de concitoyens fonctionnaires - 5,7 millions en y ajoutant les emplois aidés. Sur ce texte important, le rapporteur a raison, on est aussi rapporteur par les mots qu'on refuse d'ajouter. Je salue ce travail. Revenons aux fondamentaux, et notamment à la continuité du service public. Les dispositions projetées dans ce texte sur l'intérim sont très dangereuses pour la continuité des services publics.
M. André Reichardt. - Je m'associe aux observations de M. Portelli sur la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Il n'est pas acceptable de supprimer d'un trait de plume la possibilité de recourir à l'intérim : un encadrement suffirait à limiter quelques abus. Hier, Mme Lebranchu a accepté de discuter autour de la notion d'urgence pour recourir à l'intérim. Je remercie le rapporteur d'avoir insisté sur ce point.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - En réponse à M. Pillet, j'envisage de donner un avis favorable à un amendement extérieur sur le droit de réserve.
Comme MM. Reichardt et Pillet, je souhaite maintenir le recours à l'intérim. Les centres de gestion sont un passage obligé pour toutes les collectivités affiliées pour trouver un remplaçant avant de recourir à des intérimaires pour des missions temporaires. Ce recours à l'intérim reste exceptionnel, de même pour l'État, à la différence de la fonction publique hospitalière où le maintien de l'intérim est plus fréquent pour assurer le fonctionnement des hôpitaux.
Sur la remarque de M. Hugues Portelli, exprimée avec clarté, force, détermination et conviction, ma proposition sur l'intégration de la commission de déontologie dans la Haute Autorité ne vise pas une application immédiate mais entrerait en vigueur en 2019. Il serait paradoxal de soumettre les directeurs d'administration centrale à la Haute Autorité, comme le prévoit la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique, et les autres fonctionnaires uniquement à la commission de déontologie. En outre, les responsables politiques seraient soumis à des règles plus strictes que les hauts fonctionnaires. Pire, la commission et la Haute Autorité pourront traiter simultanément des mêmes situations individuelles ! Enfin, l'intégration est une solution de rationalisation et d'égalité de traitement entre les déclarants élus et fonctionnaires. Chacun ne pourra pas juste travailler de son côté et de manière cloisonnée dans la limite de ses compétences. Des évolutions législatives seront peut-être nécessaires. La création de la Haute Autorité a provoqué quelques réactions épidermiques dont certains souffrent encore. Clarifions les compétences et relativisons : seuls 3000 à 4 000 agents sur 5,4 millions de fonctionnaires seraient soumis aux déclarations de situation patrimoniale directement contrôlées par la Haute Autorité. Enfin, la possibilité de recours contre certaines décisions de cette dernière n'existe pas mais nous pourrons y réfléchir d'ici la séance.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Mon amendement COM-56 reprend, dès l'article 1er, les règles que le projet de loi propose d'instaurer à l'article 9. Il précise le rôle du chef de service, responsable de l'application des principes déontologiques au sein de son service.
L'amendement COM-56 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-9. La notion de « principes déontologiques inhérents à l'exercice d'une fonction publique » fait référence soit aux principes énoncés par l'article 1er du projet de loi, ce qui est redondant, soit à d'autres principes comme celui de discrétion professionnelle, ce qui est alors source de confusion. La commission a supprimé une disposition comparable dans le texte relatif à la justice du XXIème siècle à l'initiative de notre collègue François Pillet.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-26 consacre le devoir de réserve au niveau législatif. Avis favorable.
L'amendement COM-26 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-10 est satisfait par mon amendement COM-58 qui supprime une phrase redondante et imprécise au sein de l'article 2.
L'amendement COM-10 est retiré.
L'amendement COM-58 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-59 explicite la faculté du chef de service de demander au fonctionnaire concerné par un conflit d'intérêts de se décharger du dossier.
L'amendement COM-59 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-57 renvoie à un décret pour les modalités d'application du présent article 2.
M. Philippe Bas, président. - Cela s'impose.
L'amendement COM-57 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Mon amendement COM-60 vise à mieux coordonner les dispositions relatives aux lanceurs d'alerte.
L'amendement COM-60 est adopté ; l'amendement COM-11 tombe.
Article 4
L'amendement rédactionnel COM-62 est adopté.
M. Philippe Bas, président. - Votre amendement COM-63 précise que la déclaration d'intérêts n'est ni versée au dossier du fonctionnaire, ni communicable aux tiers, ce qui constitue une garantie de protection vis-à-vis de l'employeur des données personnelles y figurant.
L'amendement COM-63 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-64 supprime une mention superfétatoire qui rappelle que le fonctionnaire peut librement détenir des parts sociales et gérer librement son patrimoine.
M. Philippe Bas, président. - Cela va de soi, il n'est pas un sous-citoyen !
L'amendement COM-64 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-65 précise le périmètre des fonctionnaires qui pourraient être appelés à justifier qu'ils ont confié la gestion de leurs instruments financiers à des tiers.
L'amendement COM-65 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-12.
L'amendement COM-12 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Par souci d'harmonisation avec les autres obligations déclaratives, l'amendement COM-176 prévoit des sanctions pénales en cas d'absence de justification auprès de la Haute Autorité pour la transparence des mesures de gestion des instruments financiers par des tiers. Il supprime par cohérence la sanction de nullité des nominations qui n'existe pas pour les manquements aux autres obligations déclaratives.
L'amendement COM-176 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Le texte transmis au Sénat dispose que la déclaration de situation patrimoniale des fonctionnaires est adressée préalablement à leur nomination, comme pour les déclarations d'intérêts. Or, contrairement à cette dernière, elle n'est ni transmise, ni connue de l'autorité de nomination. La finalité du contrôle de la déclaration de situation patrimoniale repose sur la vérification ex post de l'absence d'enrichissement anormal du fonctionnaire durant l'exercice de ses fonctions publiques. Il n'est donc pas utile de la transmettre avant la nomination.
L'amendement COM-66 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-67 supprime le délai d'examen de la déclaration de situation patrimoniale par la Haute Autorité ; il n'est prévu aucune sanction en cas de dépassement du délai.
L'amendement COM-67 est adopté, ainsi que l'amendement COM-68.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-37, qui sera satisfait par mon amendement COM-70.
L'amendement COM-37 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-61, reprenant une disposition de la loi du 11 octobre 2013, punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de divulguer tout ou partie des déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale des fonctionnaires.
L'amendement COM-61 est adopté.
L'amendement COM-38 est satisfait.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-69 allonge à six mois le délai pour le premier dépôt des déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale des fonctionnaires.
L'amendement COM-69 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avec l'amendement COM-70, la déclaration d'intérêts serait directement adressée à l'autorité hiérarchique et non à l'autorité de nomination pour les fonctionnaires déjà en fonction. Il satisfait l'amendement COM-13.
L'amendement COM-70 est adopté.
L'amendement COM-13 est satisfait.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - S'il paraît logique d'interdire le cumul de deux emplois publics à temps complet, pourquoi empêcher un fonctionnaire de compléter les 35 heures de son emploi à temps complet par un emploi à temps incomplet d'une durée moindre ? En outre, l'interdiction n'étant prévue que pour la fonction publique d'État, cela n'irait pas dans le sens d'une harmonisation du droit applicable aux trois fonctions publiques. Mon amendement COM-72 corrige cela.
M. René Vandierendonck. - M. Alain Richard le remarquait lors de nos débats sur l'intercommunalité : pour favoriser la mutualisation, il faudra bien motiver les agents des collectivités territoriales. Il serait en effet contre-productif d'interdire tout cumul d'activités, même partiel.
L'amendement COM-72 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-71.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-73 revient au droit en vigueur pour que les fonctionnaires puissent créer ou reprendre une entreprise en dehors de leurs heures de services, même lorsqu'ils occupent un emploi à temps complet. Comme le rappelait Hugues Portelli en 2007, il convient de permettre à l'agent public créateur d'entreprise d'organiser son temps comme il le souhaite. De nombreux garde-fous existent pour éviter les abus : autorisation de l'autorité hiérarchique, saisine de la commission de déontologie, limitation de ce cumul d'activités à trois ans, etc.
M. Philippe Bas. - D'autres garanties préviennent, en outre, les éventuels conflits d'intérêts.
L'amendement COM-73 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-74 supprime une disposition inutile.
L'amendement COM-74 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - En l'état du droit, la commission de déontologie est saisie pour toute création ou reprise d'entreprise, mais pas pour les activités dites « accessoires ». Dans son rapport d'activité, elle constate toutefois une incompréhension des textes relatifs au cumul d'activités, les employeurs publics la saisissant dans ce dernier cas : 14,25 % des avis de la commission sont ainsi des avis d'incompétence. Les employeurs publics n'obtiennent donc pas de réponse à leurs interrogations même s'il arrive à la commission d'appeler l'attention de l'administration sur un éventuel risque déontologique. Pour répondre à cette difficulté, l'amendement COM-75 crée la faculté pour l'autorité hiérarchique de saisir la commission de déontologie en cas de doute sur l'application des dispositifs de cumul d'activités.
L'amendement COM-75 est adopté.
L'amendement COM-14 est satisfait.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-76 rappelle que les sanctions disciplinaires applicables en cas de non-respect des règles relatives au cumul d'activités peuvent être complétées par une condamnation pour prise illégale d'intérêts prévue à l'article 432-12 du code pénal.
M. Alain Richard. - Le code pénal est applicable ; il n'est pas nécessaire de le redire.
M. Philippe Bas, président. - Disons que c'est par pédagogie.
M. Jean-Pierre Sueur. - La rigueur devrait nous empêcher de mettre ainsi des morceaux du code pénal un peu partout.
M. Alain Richard. - La loi ne doit pas être le mode d'emploi de la loi.
L'amendement COM-76 est retiré.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-77 supprime une précision peu utile relative au décret d'application du présent article.
L'amendement COM-77 est adopté.
Article 7
L'amendement de coordination COM-78 est adopté,
Article 8
L'amendement de coordination COM-79 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avec mon amendement COM-80, le président de la commission de déontologie pourrait rendre des avis de compatibilité avec réserves sans avoir à convoquer le collège. Avec l'amendement COM-40 du Gouvernement, il pourrait rendre aussi des avis d'incompatibilité. Je préfère maintenir une décision collégiale de la commission pour ces derniers car cela constitue une garantie forte pour les agents publics concernés. Avis défavorable.
L'amendement COM-80 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-81 supprime le principe d'un rapport annuel d'activité de la commission de déontologie, adressé au Premier ministre, cette mesure relevant manifestement du domaine règlementaire.
L'amendement COM-81 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-82.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-39 du Gouvernement restreint la possibilité de saisir la commission de déontologie, en cas de reconversion professionnelle, à la seule administration, privant ainsi l'agent public de cette possibilité. Cette saisine étant obligatoire et la commission de déontologie pouvant recueillir auprès de l'agent toute information utile, le Gouvernement estime que la responsabilité de la saisine doit incomber à l'administration et non à l'agent. Je ne m'y oppose pas par principe. Restera toutefois à envisager le cas où l'administration s'abstiendrait volontairement de saisir la commission pour faire obstacle au départ d'un agent public et il semble plus sage de retravailler l'amendement sur ce point.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela semble en effet plus sage.
L'amendement COM-39 n'est pas adopté.
L'amendement COM-16 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-25 qui prévoit la possibilité pour un fonctionnaire de saisir la commission de déontologie pour une seconde délibération.
L'amendement COM-25 est retiré.
Article additionnel après l'article 8
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-83 - qui a provoqué la réaction d'Hugues Portelli - intègre la commission de déontologie de la fonction publique au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à partir du 1er janvier 2019, ce délai favorisant une mise en place sereine de ce dispositif.
Cela mettrait fin à la cohabitation de deux instances qui exercent des missions comparables mais sur des personnes de catégories différentes : le pantouflage incombe ainsi à la commission pour les fonctionnaires et à la Haute Autorité pour les membres du Gouvernement et les élus locaux, au risque de divergences d'appréciation. La mutualisation des effectifs des deux instances constituerait une rationalisation bienvenue.
Une commission spécialisée au sein de la Haute Autorité exercerait ses fonctions par délégation. Composée à majorité de membres du collège de la Haute Autorité pour assurer l'unité de l'institution, elle conserverait une composition intégrant des représentants des employeurs publics, spécificité actuelle de la commission de déontologie qui permet une appréciation concrète des situations des fonctionnaires concernés. Un tel système fonctionne très bien à la Haute Autorité de santé. Nous nous laissons quatre ans pour mettre en oeuvre cette intégration.
M. René Vandierendonck. - Le groupe socialiste votera contre.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai peur que dans un but de simplification, nous ne fassions de cette Haute Autorité un organisme tentaculaire qui ne prenne pas en compte les spécificités des fonctionnaires.
Mme Catherine Tasca. - Compte tenu des doutes de chacun - le rapporteur parlant lui-même d'un délai de quatre ans - il n'est sans doute pas nécessaire d'inscrire cette fusion dès maintenant dans la loi. Il sera bien temps de le faire après un bilan de l'activité de la Haute Autorité.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le problème essentiel est le pantouflage. La solution du collège particulier inspirée de la Haute Autorité de santé est séduisante, mais ne règle pas la question du fonctionnement de cette énorme machine qu'est la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de l'absence de recours.
M. Yves Détraigne. - Donnons-nous un peu de temps, avant de créer ce super-contrôleur, cette super-administration au-dessus des administrations.
M. Hugues Portelli. - Après la surtransposition des directives, voici la surtransposition de la Haute Autorité ! Vous nous proposez de déterminer ce qui arrivera dans quatre ans, en nous laissant le droit de le réviser... Dans quatre ans, je ne serai plus sénateur ; je vote donc contre dès aujourd'hui.
M. Alain Richard. - L'argument de la fonctionnalité est convaincant. Mais il serait pittoresque d'augmenter ainsi les pouvoir d'une autorité administrative indépendante alors que notre commission d'enquête sur le sujet, très critique, aboutira bientôt à une proposition de loi qui réduira leur nombre et leurs compétences. Je suis de ceux qui défendent les autorités administratives indépendantes ; mais il y faut des limites. Elles ne sont justifiées que si elles prennent des décisions qui doivent être séparées de l'exécutif. Or la commission de déontologie ne donne que des avis, bien loin de peser aussi lourd que ceux de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), cas particulier.
M. Michel Mercier. - L'argument du rapporteur sur le risque de positions diverses des deux institutions sur des sujets identiques est juste. Mais les décisions de la Haute Autorité sont insusceptibles de recours. Priver de recours les fonctionnaires serait une nouveauté assez importante.
M. Alain Richard. - Il ne s'agirait que d'un avis.
M. Michel Mercier. - La Haute Autorité est faite pour prendre des décisions. Dans ce cas, il faudrait prévoir un recours en cassation.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Je fais cette proposition pour améliorer la cohérence et la lisibilité du dispositif. L'alinéa 23 de l'article 8 dispose que les avis rendus par la commission de déontologie lient l'administration et s'imposent à l'agent public. La commission compte 5 agents, contre 30 pour la Haute Autorité. Le nombre de déclarations que la Haute Autorité recevrait avec les fonctionnaires ne représenterait qu'un tiers des déclarations qu'elle reçoit déjà au titre de la loi du 11 octobre 2013. Nous ne créons pas un « machin » mais un dispositif cohérent. Je suis néanmoins prêt à examiner l'introduction d'une voie de recours contre les décisions de la Haute Autorité.
L'amendement COM-83 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-84 précise que l'institution d'un référent déontologue est laissée à la libre appréciation des employeurs publics afin de tenir compte de la diversité de ceux-ci.
L'amendement COM-84 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-85 énonce le rôle que le référent déontologue doit jouer à l'égard des fonctionnaires et lui reconnaît la possibilité de solliciter un avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
L'amendement COM-85 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination COM-86 et l'amendement rédactionnel COM-87.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-41 du Gouvernement qui vise à interdire un fonctionnaire réintégrant l'administration de percevoir des indemnités liées à la cessation de ses fonctions dans une entreprise publique ou un organisme privé bénéficiant de soutiens financiers publics.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi cet avis défavorable ? Mme Lebranchu a pourtant été convaincante lors de son audition d'hier. Pour une fois que je suis d'accord avec elle ! C'est une disposition de moralité publique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il est juste que les fonctionnaires en situation de détachement qui réintègrent leur administration d'origine ne touchent pas d'indemnité de licenciement. Mais lorsque des fonctionnaires mis en disponibilité sont licenciés par leur employeur privé, leur réintégration n'est pas automatique. Leur départ est un préjudice qui mérite dédommagement. Une différence de traitement entre salariés serait au demeurant risquée sur le plan constitutionnel.
M. Alain Richard. - Tout le monde a raison. Le fonctionnaire prend un risque lorsqu'il demande une mise en disponibilité : son droit à réintégration s'exerce sous réserve de vacance de poste. L'introduction d'un délai de carence pourrait régler la question : en cas de réintégration dans les six mois, l'indemnité ne serait pas justifiée.
M. Philippe Bas, président. - Pour aucun salarié l'indemnité de licenciement n'est liée au fait de retrouver ou non un travail. C'est un salaire différé, ayant trait au contrat de travail qui s'achève, et non à ce qui se passe après.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est la version pour enfant que vous nous donnez là !
M. Philippe Bas, président. - Il n'y a aucune raison de traiter différemment les salariés, selon qu'ils sont fonctionnaires en disponibilité ou non. Je sais bien que cette disposition vise uniquement les cadres dirigeants ; mais l'argument de droit est très sérieux.
Mme Catherine Troendlé. - Le fonctionnaire en disponibilité peut être réintégré ; le cadre salarié n'a pas cette sécurité de l'emploi.
M. Philippe Bas, président. - Il peut retrouver un emploi. L'indemnité de licencement est le produit de son contrat de travail avec son employeur privé. Cela n'a rien à voir avec le statut de la fonction publique.
M. René Vandierendonck. - Je suis d'accord avec vous.
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous avez peut-être raison en droit, mais pas en travers ! Nous devons cesser de voir ces aller-retours entre le privé et le public, où l'on voit un inspecteur des finances recruté par une banque privée et bientôt diriger la Banque de France... Il serait satisfaisant que ce ne soit pas toujours les mêmes qui gagnent.
M. Philippe Bas, président. - Sans doute pour les cadres dirigeants ; mais il n'y a pas lieu de pénaliser les autres fonctionnaires alors qu'on les encourage à apprendre dans le privé les réalités économiques.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Cet amendement est trop imprécis : il ne fait pas la différence entre détachement et mise en disponibilité. Demandons au Gouvernement d'en déposer un nouveau en séance en prenant en compte nos remarques.
M. Michel Delebarre. - Très bien
M. René Vandierendonck. - C'est plus sage.
L'amendement COM-41 n'est pas adopté.
Article 9 bis
L'amendement rédactionnel COM-88 est adopté, ainsi que l'amendement COM-89 et l'amendement COM-90.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Outre une clarification rédactionnelle, l'amendement COM-91 prévoit que la désignation par le Président de la République d'un membre du collège de déontologie de la juridiction administrative est faite sur proposition du vice-président du Conseil d'État, lequel désignerait en outre le président du collège ; une personnalité extérieure restera désignée alternativement au sein de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.
L'amendement COM-91 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination COM-92.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-93 harmonise les dispositions propres à la déontologie des membres du Conseil d'État avec celles adoptées par le Sénat pour les magistrats judiciaires. Comme pour les magistrats judiciaires, l'entretien déontologique avec le supérieur se déroulerait après la remise à ce dernier de la déclaration d'intérêts. La déclaration d'intérêts ne serait pas versée au dossier du membre du Conseil d'État. Le collège de déontologie de la juridiction administrative ne serait saisi que des seules déclarations d'intérêts suscitant un doute pour le supérieur.
M. Philippe Bas, président. - Qui est le supérieur d'un conseiller d'État ?
M. Michel Delebarre. - Dieu !
M. René Vandierendonck. - Qui d'autre ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Je pensais plus modestement au président de section.
M. Pierre-Yves Collombat. - Dans la bureaucratie céleste, ce serait l'empereur ou le ciel.
L'amendement COM-93 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-94 supprime les sanctions pénales prévues pour les membres du Conseil d'État en cas de manquement à l'obligation de déclarer ses intérêts, par cohérence avec les dispositions adoptées par le Sénat pour les magistrats judiciaires : le manquement résultant d'une obligation déontologique établie dans le cadre professionnel d'une juridiction, ce serait disproportionné.
L'amendement COM-94 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-95 supprime une disposition peu claire et critiquable, selon laquelle il est fait usage des règles de récusation en cas de doute lorsque le président d'une formation de jugement invite un de ses membres à s'abstenir de siéger sur une affaire pour un motif de conflit d'intérêts. La saisine du collège de déontologie serait une meilleure solution.
M. Alain Richard. - Cela ne va pas dans le sens de la rapidité de la justice. Le problème a toujours été réglé à l'amiable. La conscience professionnelle l'exige.
L'amendement COM-95 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-96 harmonise les dispositions propres à la déontologie des membres du Conseil d'État avec celles adoptées par le Sénat pour les magistrats judiciaires. Il supprime la sanction de nullité de la nomination au bénéfice des sanctions pénales de droit commun dans l'hypothèse où le vice-président et les présidents de section n'établiraient pas leur déclaration de situation patrimoniale.
L'amendement COM-96 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Par cohérence avec les règles applicables aux magistrats judiciaires, l'amendement COM-97 dispose que les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel prêteront serment avant leur entrée en fonctions.
L'amendement COM-97 est adopté, ainsi que les amendements de conséquence COM-98 à COM-102.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-103 étend de deux à douze mois le délai de transmission des déclarations d'intérêts et crée un délai identique pour l'organisation de l'entretien déontologique des membres du Conseil d'État et des magistrats administratifs en fonctions. Il allonge de deux à six mois le délai de transmission des déclarations de situation patrimoniale pour les membres et magistrats en fonctions.
L'amendement COM-103 est adopté.
L'amendement COM-27 est retiré.
Article 9 quinquies
L'amendement rédactionnel COM-104, ainsi que les amendements COM-105 et COM-106.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-107 prévoit que la désignation par le Président de la République d'un membre du collège de déontologie des juridictions financières est faite sur proposition du premier président de la Cour des comptes par parallélisme avec un de mes amendements sur le Conseil d'État.
L'amendement COM-107 est adopté, ainsi que les amendements de conséquence COM-108 à COM-111.
Article 9 sexies
L'amendement de cohérence COM-112 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-113, les amendements de conséquence COM-114 et COM-115, l'amendement de coordination COM-116 et l'amendement de conséquence COM-117.
Article 9 septies
L'amendement de coordination COM-118 est adopté.
Article 9 octies
L'amendement de coordination COM-119 est adopté.
Article 9 nonies
L'amendement de conséquence COM-120 est adopté.
L'amendement COM-28 est satisfait.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je souhaiterais poser une question concernant la déontologie. Un préfet en retraite revient dans son département après avoir été embauché par une entreprise d'intelligence économique, et fait le tour de ses anciennes connaissances pour vendre ses services. Peut-il être sanctionné ? J'ai l'impression que non.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il est en conflit d'intérêts.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il est retraité.
M. René Vandierendonck. - Il n'y a donc pas de sanctions prévues.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est pourtant choquant.
M. Alain Richard. - S'il était devenu avocat, cela choquerait-il autant ?
M. Michel Delebarre. - Ce n'est pas interdit.
Article 10
L'amendement de précision COM-121 est adopté.
L'amendement COM-21 est déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.
Article 10 ter
L'amendement rédactionnel COM-177 rectifié est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-17 supprime l'article introduisant l'anonymat des membres des forces spéciales et des membres des unités d'intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme (GIGN, RAID) au cours d'une procédure judiciaire, considérant qu'il est satisfait par le droit en vigueur. Les services qui nous intéressent ne sont pourtant pas listés dans le décret auquel les auteurs se réfèrent.
L'amendement COM-17 est retiré.
Article 10 quater
L'amendement rédactionnel COM-122 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-22 instaure une procédure contradictoire préalable à la suspension d'un fonctionnaire. Or cette mesure provisoire est prise en urgence et à titre conservatoire uniquement en cas de faute grave, pour écarter immédiatement l'agent du service. L'autorité disciplinaire doit saisir sans délai le conseil de discipline dans le cas d'une suspension ; le débat contradictoire a lieu dans le cadre de cette procédure disciplinaire parallèle. Avis défavorable.
L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-23 propose un réexamen contradictoire tous les six mois de la suspension d'un agent pour faute grave. Or une suspension ne peut excéder quatre mois qu'à condition que des poursuites pénales soient engagées. L'autorité disciplinaire n'est en outre pas tenue d'attendre la décision du juge pénal pour statuer en matière disciplinaire.
L'article 11 du projet de loi inverse la logique actuelle en privilégiant désormais le maintien dans l'emploi de l'agent dès lors que le contrôle judiciaire ordonné par le juge ne s'y oppose pas. L'esprit de la loi invite donc l'autorité disciplinaire à tenir compte des éventuelles évolutions de ce contrôle judiciaire pour, le cas échéant, réexaminer la situation de l'agent concerné. En outre, il est toujours loisible à l'agent de saisir le juge administratif pour annuler la décision de suspension. Avis défavorable.
L'amendement COM-23 est retiré.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-24 oblige l'administration à rétablir dans ses fonctions l'agent qui a fait l'objet d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement et prévoit une information de l'assemblée délibérante et de l'ensemble des agents de la collectivité.
Sans doute l'assemblée délibérante doit-elle être informée, mais aller au-delà serait difficile et trop coûteux dans la fonction publique de l'État. Enfin, le rétablissement dans les fonctions est déjà la règle selon la jurisprudence du Conseil d'État. Avis défavorable.
L'amendement COM-24 n'est pas adopté.
L'amendement de précision COM-123 est adopté.
Article 11 bis A
Les amendements de cohérence rédactionnelle COM-124 et COM-125 sont adoptés.
M. Philippe Bas, président. - L'amendement COM-42 du gouvernement étend aux fonctionnaires ayant leurs intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie la priorité supplémentaire de mutation.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis d'autant favorable que cela rejoint un voeu de nos collègues Sophie Joissains, Jean-Pierre Sueur et Catherine Tasca.
L'amendement COM-42 est adopté.
Article 11 ter
Les amendements de coordination COM-126 et COM-127 sont adoptés.
Article 11 quater
L'amendement rédactionnel COM-128 est adopté.
Article 11 quinquies
L'amendement COM-43 est adopté.
Article 11 sexies
L'amendement d'harmonisation rédactionnelle COM-129 est adopté, ainsi que les amendements COM-130 à COM-133 et COM-44.
Articles additionnels après l'article 11 sexies
L'amendement COM-2 est déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. L'amendement COM-3 devient sans objet.
Mme Catherine Troendlé. - L'amendement COM-6 prolonge jusqu'à 2020 plutôt que 2016 le dispositif de mobilité des fonctionnaires de La Poste, déjà prorogé plusieurs fois.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'amendement COM-33 est satisfait.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-19 ramène de trois ans à un an le délai de prescription disciplinaire. Or la rupture qu'opère le projet de loi avec la traditionnelle imprescriptibilité en matière disciplinaire est déjà un grand pas. L'analogie avec le code du travail se heurte aux exigences plus larges attendues d'un fonctionnaire. Nous avons adopté une prescription de trois ans pour les magistrats de l'ordre judiciaire il y a quelques semaines.
M. François Pillet. - Exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement COM-19 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-134 revient au point de départ initialement prévu pour le délai de prescription de l'action disciplinaire. Le délai de prescription de trois ans créé par l'article 12 s'applique à l'engagement de la procédure disciplinaire et non au prononcé de la sanction. La solution retenue par l'Assemblée nationale allonge donc un délai déjà long en comparaison avec les deux mois que prévoit le code du travail. D'autre part, faire débuter le délai de prescription de l'action disciplinaire au moment où l'administration aura établi la matérialité des faits revient à conférer à cette même administration le pouvoir de déterminer elle-même le point de départ du délai. La notion de « connaissance des faits », jugée imprécise par l'Assemblée nationale, a enfin donné lieu à une jurisprudence abondante de la chambre sociale de la Cour de cassation, selon laquelle il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans le délai de prescription.
L'amendement COM-134 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-135 supprime la prorogation du délai de prescription de l'action disciplinaire dans la limite des délais de prescription de l'action publique lorsque les faits passibles de sanction constituent des crimes ou des délits. En application de l'article 40 du code de procédure pénale, si l'autorité disciplinaire a connaissance de crimes ou de délits, elle a l'obligation d'en informer immédiatement le procureur de la République. Le point de départ de la procédure pénale et celui du délai de la prescription en matière disciplinaire coïncident donc.
Dans la mesure où l'article 12 prévoit l'interruption du délai de prescription disciplinaire en cas de poursuites pénales, il n'apparaît pas nécessaire de proroger au-delà de trois ans le délai de prescription : l'autorité pénale aura déjà statué sur les mêmes faits. En cas de faute grave, l'autorité disciplinaire dispose déjà de la possibilité de suspendre le fonctionnaire avant de prononcer une sanction et peut même surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal.
L'amendement COM-135 est adopté, ainsi que l'amendement de précision COM-136.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-138 renforce les garanties pour le fonctionnaire, après que l'Assemblée nationale a réintroduit dans le premier groupe de l'échelle des sanctions l'exclusion temporaire pour une durée maximale de trois jours. Je propose que le fonctionnaire en cause ait la faculté de demander la réunion du conseil de discipline.
L'amendement COM-138 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-45.
L'amendement COM-45 n'est pas adopté.
L'amendement de précision COM-178 est adopté, ainsi que l'amendement COM-137.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-20, dans le but de parachever l'harmonisation des procédures disciplinaires entre les trois versants de la fonction publique, introduit dans le titre Ier du statut général le principe de l'appel devant la commission de recours pour les sanctions des deuxième à quatrième groupes. De telles commissions de recours existent dans les trois fonctions publiques mais ne disposent pas des mêmes pouvoirs. Si je partage son objectif, l'amendement n'inscrit pas dans la loi le principe de la compétence liée de l'autorité disciplinaire pour la fonction publique de l'État. Je demande donc le retrait pour que l'amendement soit éventuellement retravaillé pour la séance publique.
L'amendement COM-20 est retiré.
Article 13 bis
L'amendement de suppression COM-139 est adopté.
Article 14
L'amendement de coordination COM-140 est adopté.
Chapitre 1er (avant l'article 15)
L'amendement COM-141 est adopté.
Article additionnel après l'article 15
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-142 rapatrie les dispositions de l'article 18 quinquies qui prolongent la mise en oeuvre du plan de titularisation « Sauvadet » de deux ans, après l'article 15 ; il reporte le terme du plan du 12 mars 2018 au 12 mars 2020.
M. Philippe Bas, président. - Plutôt que de saisir le législateur tous les deux ans, donnons un délai plus long.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Enfin, cet amendement prévoit une disposition particulière pour les intercommunalités qui seront mises en place au 1er janvier 2017 dans le cadre de la mise en oeuvre des schémas révisés de la coopération intercommunale.
L'amendement COM-142 est adopté.
Article 15 bis
L'amendement COM-143 est adopté.
Chapitre II (avant l'article 16)
L'amendement COM-144 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-1 supprime l'article 16 du projet de loi prévoyant d'encadrer plus strictement les dérogations à l'emploi titulaire bénéficiant à certains établissements publics administratifs en raison du caractère particulier de leurs missions. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis défavorable au 1° et au 2° de l'amendement COM-46, mais favorable au 3°. En prétendant clarifier l'objet de l'article 16, cet amendement aboutit à brouiller le régime des dérogations à l'emploi titulaire accordées aux établissements publics pour ceux de leurs emplois permanents qui requièrent des qualifications professionnelles particulières, non dévolues à des corps de fonctionnaires.
Le 1° et le 2° de l'amendement COM-46 ne sont pas adoptés ; le 3° de l'amendement COM-46 est adopté.
Article 17
L'amendement rédactionnel COM-145 est adopté.
Article 18
L'amendement COM-146 est adopté.
Article 18 bis
L'amendement COM-147 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Retrait demandé sinon avis défavorable à l'amendement COM-29.
M. René Vandierendonck. - Pourquoi ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il est satisfait par mon amendement maintenant le recours au travail temporaire dans les trois fonctions publiques.
L'amendement COM-29 est satisfait.
Article 18 ter
L'amendement COM-148 est adopté.
Article 18 quater A
L'amendement COM-149 est adopté.
L'amendement COM-35 tombe.
Article additionnel avant l'article 18 quater
Les amendements identiques COM-4 et COM-5 sont adoptés.
Article 18 quater
L'amendement COM-36 est adopté.
Article 18 quinquies
L'amendement COM-150 est adopté.
Division additionnelle avant l'article 19
L'amendement COM-151 est adopté.
Article additionnel avant l'article 19
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-48.
L'amendement COM-48 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Par analogie avec ce que l'article 19 prévoit pour les employeurs territoriaux, l'amendement COM-152 maintient dans la loi le mode de désignation des représentants des employeurs publics hospitaliers au conseil commun de la fonction publique, conformément à ce qui figure dans le droit en vigueur.
L'amendement COM-152 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-47 sous réserve de ne conserver que le troisième alinéa.
Le 1° de l'amendement COM-47 n'est pas adopté ; le 2° de l'amendement COM-47 modifié est adopté.
Article additionnel après l'article 19
L'amendement COM-32 est adopté.
Article 19 bis
L'amendement COM-153 est adopté.
Article 19 quater
L'amendement COM-154 est adopté.
Article 20 quater
L'amendement rédactionnel COM-155 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-156.
Article 21
L'amendement rédactionnel COM-157 est adopté.
Article 22
L'amendement de suppression COM-158 est adopté.
Article 23
L'amendement COM-159 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avec l'amendement COM-160 identique à l'amendement COM-30 du Gouvernement, je vous propose de réintroduire les dispositions relatives aux conseillers d'État en service extraordinaire, supprimées à l'Assemblée à l'initiative du Gouvernement alors qu'elles font consensus.
Les amendements COM-160 et COM-30 sont adoptés.
L'amendement COM-31 n'est pas adopté.
L'amendement COM-161 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-162 précise que les cours administratives d'appel peuvent être saisies en premier et dernier ressort de certains litiges définis par décret en Conseil d'État.
L'amendement COM-162 est adopté.
Article 23 quater
L'amendement de précision COM-163 est adopté.
Article 24 A
L'amendement de coordination COM-164 est adopté.
Article additionnel après l'article 24 A
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-18.
L'amendement COM-18 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-165 revient au droit existant dans la fonction publique territoriale concernant les recrutements directs d'agents de catégorie C.
L'amendement COM-165 est adopté.
Article 24 C
L'amendement de cohérence COM-166 est adopté.
Article 24 D
L'amendement de coordination COM-167 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Cet article allonge de trois à quatre ans la validité des listes d'aptitude des lauréats des concours de la fonction publique territoriale. Dans les faits, les « reçus-collés » représentent à peine 10 % des lauréats : mieux vaut donc introduire une demande écrite et annuelle des lauréats pour être maintenus sur la liste - je l'ai proposé dans un amendement précédent que vous avez adopté et vous suggère, par l'amendement COM-168, de supprimer cet article.
M. Michel Mercier. - N'est-ce pas accroître les charges des collectivités territoriales, qui devront organiser de nouveaux concours, alors que l'allongement de la durée de la liste complémentaire évite un tel inconvénient ? Je pense en particulier aux sapeurs-pompiers professionnels.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Le stock de « reçus-collés » n'est pas celui que l'on croit et c'est pourquoi je propose, dans un autre amendement, que les intéressés se manifestent chaque année. Il ne s'agit nullement d'obliger les collectivités territoriales à organiser de nouveaux concours...
L'amendement COM-168 est adopté.
Article 24 M
L'amendement rédactionnel COM-169 est adopté.
Articles additionnels après l'article 24 N
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-170 conforte l'action des centres de gestion et renforce les efforts de mutualisation, dans le sens de la réforme engagée par la loi « Sauvadet » de mars 2012.
L'amendement COM-170 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Le Gouvernement a déposé sept amendements relatifs au statut autonome des militaires. En audition, nous avons demandé à la ministre de les retirer pour que nous puissions auditionner les services de la défense...
M. René Vandierendonck. - Elle l'a accepté !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - En tout état de cause, avis défavorable aux sept amendements.
L'amendement COM-49 n'est adopté, non plus que les amendements COM-50 à COM-55.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-171 supprime du champ de l'habilitation législative demandée par le Gouvernement le 2° visant à favoriser la mobilité entre les fonctions publiques, car des articles nouveaux introduits par l'Assemblée nationale y ont pourvu.
L'amendement COM-171 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-172 module la part de la prime d'intéressement collectif perçue par chaque fonctionnaire du service qui aurait atteint les objectifs fixés, en fonction de son engagement professionnel et de sa manière de servir.
L'amendement COM-172 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avec l'amendement COM-174, je vous invite à préciser le champ de l'habilitation visant les règles statutaires applicables aux membres des juridictions administratives.
L'amendement COM-174 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-173 clarifie l'habilitation à légiférer par ordonnance sur le statut des magistrats des juridictions financières.
L'amendement COM-173 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement COM-175 réduit de 18 à 12 mois le délai d'habilitation pour la création d'un code général de la fonction publique.
L'amendement COM-175 est adopté.
Article additionnel après l'article 26
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Le Gouvernement propose, avec l'amendement COM-34, de prolonger la faculté de maintenir dans leur emploi les fonctionnaires occupant certains emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision du Gouvernement : je me réjouis de le voir s'engager ainsi pour l'allongement de la durée de la vie active, la réforme des retraites est bien partie ! Cependant, je vous propose d'y porter une modification rédactionnelle, par un sous-amendement modifiant comme suit le second alinéa de l'amendement : « Pour les fonctionnaires occupant un des emplois supérieurs participant directement à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'État, la durée maximale... ».
Le sous-amendement COM-179 est adopté, ainsi que l'amendement COM-34 ainsi modifié.
L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Suivi de l'état d'urgence - Communication
Enfin, la commission entend une communication de M. Michel Mercier, rapporteurs spécial, sur le suivi de l'état d'urgence.
M. Philippe Bas, président. - L'ordre du jour appelle une communication de notre rapporteur spécial Michel Mercier sur le suivi de l'état d'urgence - après que le comité de suivi s'est réuni ce matin.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. - Dans notre contrôle de la mise en oeuvre de l'état d'urgence, nous n'avons pas, comme les juges administratifs doivent le faire, à traiter de cas individuels, mais à vérifier que les mesures de police administrative spéciale mises en oeuvre par l'exécutif sont proportionnées et ne donnent lieu à aucune dérive. Le comité de suivi devrait éclairer notre commission dans le cas où le Gouvernement demanderait au Parlement une deuxième prorogation de l'état d'urgence, ainsi que sur une évolution éventuelle de nos règles constitutionnelles.
Le Gouvernement joue parfaitement le jeu en nous communiquant, chaque jour, les statistiques des mesures administratives venant du ministère de l'intérieur : ainsi, 2 721 perquisitions administratives ont été effectuées et 361 assignations à résidence ont été prononcées. Au-delà de ces chiffres, les ministres répondent aussi à nos demandes qualitatives - j'ai écrit deux fois déjà au ministre de l'intérieur.
Le ministre m'a répondu que l'assignation à résidence consistait généralement à rester chez soi huit à dix heures par nuit et à se présenter deux à trois fois par jour au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie. Aucune assignation n'a été assortie d'une interdiction d'entrer en relation avec une personne déterminée, ni d'une remise de document d'identité ; personne non plus n'a été placé sous surveillance électronique mobile.
La garde des sceaux, hier soir, nous a informé que, sur 2 417 perquisitions administratives, 488 ont donné lieu à des procédures judiciaires, dont 187 pour infraction à la législation sur les armes, 167 pour infraction à celle sur les stupéfiants et 134 pour d'autres infractions. Bon nombre de ces perquisitions visent à fournir des renseignements, difficilement quantifiables. À ma connaissance, aucune information judiciaire, ensuite, n'a été ouverte pour terrorisme : c'est un point tout à fait important.
Dans ces conditions, les décisions du Conseil d'État intervenues vendredi dernier et celle à venir du Conseil constitutionnel, prennent un relief considérable. Le Conseil d'État, comme toujours avec subtilité et habileté, a élargi l'accès au référé-liberté tout en en restreignant le champ - une technique fréquente qu'il a inaugurée en 1872... Il a estimé, d'abord, que l'état d'urgence justifie à lui seul le référé-liberté : c'est en élargir l'accès car, jusqu'à présent, il fallait une double condition d'urgence et d'illégalité manifeste. Sur le fond, ensuite, le Conseil d'Etat a considéré qu'il n'était pas nécessaire qu'il y ait un lien entre les motifs justifiant la déclaration de l'état d'urgence et celui de l'assignation à résidence, qui n'a donc pas à relever directement de la lutte contre le terrorisme. Car tous les assignés à résidence ne l'ont pas été sur le motif de péril imminent et de menace terroriste, mais en raison des désordres publics qu'ils étaient susceptibles de provoquer, par exemple des écologistes radicaux assignés en marge de la COP 21, ces conférences internationales étant toujours l'occasion de débordements.
L'un des assignés à résidence a motivé sa saisine du Conseil d'Etat par le fait que le motif de son assignation n'était pas identique à celui qui avait justifié le recours à l'état d'urgence. C'est à cette question du lien entre les motifs de l'état d'urgence et de l'assignation que le Conseil d'Etat a répondu sur le fond, c'est le coeur du sujet - nous en reparlerons en débattant de la constitutionnalisation de l'état d'urgence.
Le même requérant a usé du même moyen dans une question prioritaire de constitutionnalité : l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 autorise-t-il l'assignation à résidence dans le seul cadre de la lutte contre le terrorisme, ou pour prévenir toutes les atteintes à l'ordre public ? Le ministère de l'intérieur et le secrétaire général du Gouvernement arguent que les forces de l'ordre sont toujours les mêmes, en effectifs limités. Est-ce bien raisonnable ? N'est-ce pas courir le risque d'étendre trop l'état d'urgence ? Le Conseil constitutionnel répondra le 22 décembre prochain, j'invite chacun de vous à y prêter la plus grande attention. Nous en reparlerons à la rentrée.
M. Michel Delebarre. - Remarquable compte rendu !
M. Philippe Bas, président. - Je salue également votre travail. Le Gouvernement joue le jeu en communiquant des informations quantitatives. Or, les questions posées par l'état d'urgence sont de nature plus qualitative ; quel est son champ d'application précis ? Si l'on comprend bien que les effectifs des forces de sécurité sont en nombre restreint, il faut que le lien soit suffisamment établi, et l'on raisonnera ici en proportionnalité. Les mesures prises, ensuite, permettent-elles de trouver des terroristes potentiels ou d'arrêter des personnes prêtes à passer à l'acte ? Car c'est bien la raison d'être de l'état d'urgence.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. - La question se pose également de l'efficacité des mesures de droit commun, car c'est bien ce qui justifie les pouvoirs spéciaux. Or, si ces mesures de droit commun sont inefficaces, mieux vaut les réformer plutôt que de rester sous l'empire de l'état l'urgence.
M. Philippe Bas, président. - Effectivement, nous aurons à réexaminer des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale, le procureur de Paris réclame des mesures législatives dans ce sens.
M. Jean-Pierre Sueur. - Michel Mercier a salué la subtilité du Conseil d'État, je lis ce matin dans la presse hebdomadaire des détails qui nous en donnent un éclairage bien particulier, nous devrons nous-mêmes avoir de la sagesse à la rentrée...
M. Philippe Bas, président. - Merci à tous.
La réunion est levée à 12 h 55