Mercredi 2 décembre 2015
- Présidence de M. Philippe bas, président -Mission de suivi et de contrôle de l'application des dernières lois de réforme des collectivités territoriales - Audition de Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification
La commission entend Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification, dans le cadre de la mission de suivi et de contrôle de l'application des dernières lois de réforme des collectivités territoriales.
M. Philippe Bas, président. - Merci, madame la ministre, de nous exposer les différentes mesures que le Gouvernement a prises et a l'intention de prendre pour réorganiser son administration déconcentrée, dans le cadre des dernières réformes territoriales, en particulier la nouvelle carte régionale.
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification. - Merci, monsieur le président, de me permettre de vous présenter la nouvelle organisation territoriale de l'État.
Je ne reprendrai pas dans le détail toutes les mesures d'organisation déjà contenues dans la communication que le Premier ministre a faite en conseil des ministres le 31 juillet dernier, considérant celles-ci comme acquises, au profit d'une présentation de notre conception de l'organisation territoriale de l'État, et des principaux points d'impact.
En préambule, je partage, avec le ministre de l'intérieur, la question de l'administration territoriale de l'État, Maryse Lebranchu étant, quant à elle, en charge des aspects relatifs à la décentralisation et aux collectivités territoriales.
La réforme territoriale - la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la loi sur la délimitation des régions - contribue à la « nouvelle France des territoires ». Cette nouvelle carte des collectivités est à l'origine de profonds bouleversements mais porte surtout une nouvelle dynamique des territoires, qu'il s'agisse du développement porté par les intercommunalités ou, plus récemment, par les régions en charge du développement économique et de l'aménagement du territoire.
Dans ce contexte, les services de l'État doivent adapter leur organisation territoriale à cette nouvelle carte des collectivités. Ceci donnera lieu, à compter du 1er janvier 2016, à une réforme de grande ampleur qui, pour les services de l'État dans les territoires, peut se comparer aux bouleversements de 1964 ou ceux, plus récents, de 1982.
Le dispositif que l'État a mis en place sera prêt au 1er janvier 2016. Tous les textes réglementaires qui ne sont pas encore pris le seront d'ici cette date. Les nominations des préfets, des directeurs des services régionaux, et toutes celles qui sont nécessaires seront effectuées d'ici là.
Élément relativement nouveau, la nouvelle carte des services de l'État sera homogène, en se calant sur celle des nouvelles régions, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. L'objectif du Gouvernement est de mettre l'État et ses services en situation d'exercer leurs missions dans les territoires.
Les missions de l'État sont historiques et républicaines ; le rôle de l'État, dans les territoires, est d'être garant des libertés, de la sécurité, de l'application de la loi, de la cohésion sociale, de la cohésion territoriale et d'être porteur, plus globalement, d'une stratégie collective afin de répondre aux défis auxquels le pays est confronté.
Cela étant dit, l'État, dans les régions, a aussi pour mission de mener les politiques publiques définies par le Gouvernement et de jouer pleinement son rôle à l'égard des acteurs locaux, des collectivités, des entreprises et des forces vives du territoire.
Le Premier ministre, lors de sa communication du 31 juillet dernier, a annoncé un échelon régional doté d'un préfet de région, de directeurs régionaux, et d'un recteur d'académie ; cet échelon de pilotage et de mise en oeuvre de la politique publique s'attellera aux éléments structurants du territoire.
Le département sera un échelon de proximité avec les élus locaux, les acteurs économiques et les forces vives des territoires.
Les processus en cours, pilotés par le ministre de l'intérieur, M. Bernard Cazeneuve, ou par la ministre de l'égalité des territoires et de la ruralité, Mme Sylvia Pinel, vont se développer à l'échelon départemental et infradépartemental : réforme des préfectures « nouvelle génération », carte des sous-préfectures, maisons de l'État, maisons de services au public.
Ces différentes évolutions marqueront la présence de l'État dans les territoires, et formeront un réseau d'ingénierie qui appuiera les grands projets des collectivités, des forces vives et des entreprises, mais aussi les projets économiques.
La charte de la déconcentration qui a fait l'objet d'un décret du 7 mai dernier permettra à ce dispositif de fonctionner. Il ne vous a pas échappé que la précédente charte de la déconcentration de 1992 n'a jamais été appliquée. Le Gouvernement se fait fort de mettre cette charte en oeuvre.
Le Premier ministre a signé une circulaire à l'intention des membres du Gouvernement, des préfets et des directeurs des administrations centrales pour demander que cette mise en oeuvre soit engagée dès cette année. Des mesures seront prises en 2016 pour permettre aux échelons territoriaux de l'État de travailler dans les meilleures conditions avec leurs interlocuteurs sur le territoire.
Les effectifs des services départementaux de l'État seront renforcés afin de les rééquilibrer face à l'échelon régional.
Un processus de modernisation tiendra compte de la nouvelle organisation des services régionaux et de la volonté d'équilibre des territoires qui a présidé à la localisation de ces différents services. Un travail est en cours afin de réfléchir à une nouvelle gouvernance et à faciliter les échanges entre les différents échelons territoriaux, en les faisant bénéficier des technologies les plus modernes.
M. Mathieu Darnaud. - Je voudrais revenir sur la question de la proximité et du maillage territorial des services déconcentrés de l'État.
On imagine aisément que cet aspect peut paraître assez anxiogène, tant pour les élus locaux que pour les populations des régions fusionnées qui, pour certaines, dépasseront les 70 000 kilomètres carrés, comme Auvergne-Rhône-Alpes, Languedoc-Midi-Pyrénées-Roussillon, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente, et d'autres.
Pourriez-vous revenir sur les méthodes de travail que les services déconcentrés de l'État mettront en oeuvre pour favoriser une certaine proximité, autant auprès des élus locaux que des citoyens ?
Dans la droite ligne de cette question, pouvez-vous éclairer la commission sur les premières réponses apportées par les préfets de région à l'instruction du Premier ministre du 5 novembre 2015 concernant l'implantation des services territoriaux de l'État pour garantir la prise en compte des territoires situés aux franges des départements et des régions ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Cette discussion arrive au bon moment. Je vous avoue que je suis resté quelque peu sur ma faim lors du débat budgétaire sur l'administration générale de l'État dans les territoires dont je suis le rapporteur pour avis. J'en profite pour dire que trois minutes pour rapporter sur un tel sujet, c'est une mauvaise plaisanterie. J'espère qu'il en sera tenu compte l'année prochaine...
Madame la secrétaire d'État, vous nous annoncez une amélioration, notamment sur le plan de l'ingénierie et des moyens des départements. C'est une bonne nouvelle mais, jusqu'à présent, année après année, gouvernement après gouvernement, nous constatons une perte de substance progressive des services déconcentrés en hommes et en moyens.
Par parenthèse, j'observe que dans les territoires, durant des siècles, l'État, c'était d'abord les routes. L'État républicain, l'État unitaire est là pour aider. Vous nous dites que l'on y revient : Alléluia ! Permettez-moi cependant d'en douter...
En second lieu, vous dites qu'il existera désormais une adéquation entre l'organisation territoriale de l'État et les collectivités territoriales. Je constate que, du fait de la réforme régionale, l'État a réorganisé ses services sans savoir ce que les régions allaient exercer comme compétence. Vous ne pouvez faire autrement, mais il n'empêche que c'est ainsi. Sauf à croire à l'harmonie préétablie, surtout à un an et demi d'une élection présidentielle, on peut douter que cela passe partout.
En outre, j'aimerais que vous nous expliquiez en quoi consiste cette simplification qui disperse un tiers des directions sur de multiples sites d'anciennes régions en leur attribuant des spécialités. Les échanges entre les différents pôles risquent d'être assez sportifs !
On dit qu'il va y avoir une révolution technologique. J'aimerais que vous en disiez un peu plus sur ce point. Il ressort de mes déplacements que tout cela demeure extrêmement flou quant au fait de savoir comment cela va véritablement fonctionner.
M. Jacques Mézard - J'aime que les discours soient en concordance avec les actes.
Vous nous avez indiqué que vous alliez adapter les services territoriaux de l'État à la nouvelle carte régionale. Nous n'en doutions pas, mais c'est précisément ce qui nous inquiète.
Vous avez refait de Lyon la capitale de la Gaule, mais mon département en est à onze heures aller-retour par le train, et à neuf heures aller-retour par la route. Vous n'avez laissé à Clermont-Ferrand, déjà très loin pour nous, qu'une seule direction, celle de l'agriculture. Tout le reste a été rapatrié sur Lyon. Le préfet préfigurateur a indiqué que tout ceci permettait à l'État de faire 10 % d'économies !
Je sais que l'immense qualité de notre administration permet de faire plus avec moins. Je souhaite savoir, pour nos petits territoires à la densité de population très faible, ce qu'on va faire de ce qui reste ! Allez-vous maintenir quelques services ? Le Gouvernement, durant le débat qui a eu lieu ici même, au Sénat, a assuré qu'il allait renforcer les services de l'État dans les départements.
Nous ne pouvons qu'y souscrire ! Or, depuis ces excellents discours, nous avons eu des informations selon lesquelles on supprimait totalement les trois derniers agents des douanes de notre département. Plus de services des douanes, donc ! Cela peut être inquiétant si on tient compte d'un certain nombre d'agitateurs. Une gendarmerie a également été supprimée et trois ou quatre autres sont actuellement en débat. Pouvez-vous me dire si vous comptez continuer ou non dans cette voie-là ? Allez-vous également supprimer les trésoreries ? Quant aux deux sous-préfectures de mon département, quid de leur avenir ?
Vous prétendez renforcer les effectifs des services déconcentrés, mais les préfets nous font part de diminutions prévues dans les services de la préfecture du département pour 2015. Allez-vous continuer également dans cette voie-là ? Toutes ces questions sont concrètes ! Les messages et les éléments de langage ne m'intéressent plus.
Comment allez-vous faire pour nous permettre de continuer à fonctionner lorsqu'on est en bout de ligne ? Jusqu'à présent, je n'ai reçu aucune réponse aux questions que j'ai posées.
Mme Catherine Tasca. - Ma question rejoint celle qui a été posée par Pierre-Yves Collombat en ce qui concerne la fonction d'ingénierie, qui deviendrait un rôle majeur de l'État par rapport aux projets qui se développent sur nos territoires.
On entend partout les collectivités, lorsqu'elles essaient de mettre en oeuvre un projet, se plaindre d'être très démunies en matière d'études techniques. Certaines se sont résignées à faire appel à des bureaux d'étude, ce qui présente un coût et n'assure pas une homogénéité du traitement des dossiers.
Que mettez-vous donc concrètement derrière ce terme d'ingénierie ? Comment la nouvelle cartographie des services de l'État permettra-t-elle d'assurer cette fonction ?
M. André Reichardt - Madame la secrétaire d'État, j'ai eu l'occasion, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois sur le programme de développement des entreprises, dans le cadre du projet de loi de finances, de m'interroger sur le rôle d'accompagnement des services déconcentrés de l'État en matière de développement des entreprises. La commission a d'ailleurs bien voulu rejoindre mes conclusions.
Je ne reviendrai pas sur le paysage institutionnel : d'un côté, des régions en charge d'une mission forte en la matière ; de l'autre, des services déconcentrés, comme les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), qui voient leurs effectifs s'éroder d'année en année, avec des crédits d'intervention qui diminuent considérablement. C'est tout juste s'il reste quelque chose dans le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) ou pour le financement des pôles de compétitivité.
Dans ces conditions, comment voyez-vous le véritable rôle des services déconcentrés de l'État en matière d'accompagnement des entreprises, tout particulièrement les petites entreprises, qui se plaignent amèrement de ne pas être assez aidées ?
M. Alain Marc. - Il y a loin des intentions à la réalité. En tant que premier vice-président d'un conseil départemental, je puis vous assurer que cela fait quelques années qu'on a perdu l'ingénierie de l'État. Je ne vois pas comment vous allez la rétablir. C'est impossible. Comme d'autres départements, nous avons créé notre propre agence d'ingénierie, pour mettre nos services à la disposition des communes et des communautés de communes, afin de leur éviter, lorsqu'elles ont des projets, de faire appel à des cabinets d'études coûteux.
Je ne vois donc vraiment pas comment vous allez faire pour rétablir une ingénierie de l'État. Pour moi, il s'agit d'un leurre !
En second lieu, s'agissant de la proximité, on ne dispose pas encore de la future carte des sous-préfectures. Celles-ci peuvent continuer à exister : mais si on ne leur donne pas de prérogatives, elles ne pourront rien faire ! Les sous-préfectures sont utiles.
Je ne crois pas à une augmentation des effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures dans les deux prochaines années. Je suis même prêt à parier le contraire !
S'agissant des trésoreries, je n'étais pas partisan de leur disparition. Je me suis toutefois aperçu que leur présence n'était peut-être pas utile partout, hormis en matière de conseil aux élus, la dématérialisation compensant l'absence de proximité physique.
On continue par ailleurs à supprimer des gendarmeries rurales. Certes, au départ, l'État était censé s'occuper en priorité des routes, mais il en allait également ainsi des gendarmeries en milieu rural.
La qualité du renseignement français, dans une période difficile, a été louée par les pays étrangers, en grande partie grâce à son réseau de gendarmeries. Il est donc contradictoire de continuer à les fermer. Je n'accepte pas que nous continuions à le faire au motif que ce sera plus efficace en matière de restructuration interne. Ce n'est certes pas le sujet pour lequel vous êtes devant nous aujourd'hui, mais c'est un point important. Je souhaite connaître votre point de vue et avoir, à échéance de trois ou quatre ans, une carte permettant de voir ce qui va se passer.
Je comprends que vous attendiez les élections régionales pour la publier. C'est une question de « politique politicienne », mais c'est extrêmement important en milieu rural que de connaître la carte des services publics pour savoir comment ils vont évoluer.
M. Alain Richard. - Le Gouvernement estime-t-il nécessaire de modifier les décrets de 2004 relatifs aux pouvoirs des préfets et à l'organisation territoriale de l'État ?
M. François Grosdidier. - Comme beaucoup de mes collègues, je n'attends plus de l'État qu'il assure l'assistance technique des communes et des collectivités en général.
Cela fait plusieurs années maintenant que nous avons pallié ces carences, soit en recourant au secteur privé, soit en développant certains outils, grâce aux départements, et en les mettant à la disposition des collectivités intéressées.
On peut cependant craindre que la baisse des dotations budgétaires de l'État et l'augmentation des dépenses sociales obligatoires rendent très difficile le financement de ces outils ou, plus globalement, le soutien technique ou financier aux collectivités locales. Votre collègue Marylise Lebranchu a d'ailleurs recommandé aux départements d'absorber la baisse de leur dotation en se concentrant sur leurs compétences, et en intervenant moins dans l'aide aux communes et aux intercommunalités.
L'inquiétude porte plus sur ce point que sur le fait de savoir ce que l'État fera demain en matière d'assistance technique, d'autant que l'ingénierie qui était mise à notre disposition s'imposait parfois de façon impérialiste aux collectivités y ayant recours.
Cependant, les collectivités de base ne peuvent se passer de l'État régalien, plus indispensable que jamais dans un contexte d'insécurité grandissante, en particulier en matière juridique.
C'est à ce sujet qu'on éprouve quelques inquiétudes, car l'État se restructure d'abord dans les grandes régions, conférant finalement, contrairement à ce qui était annoncé initialement, un rôle accru à l'échelon départemental, par exemple en lui maintenant ses compétences en matière de routes et de collèges, les régions étant trop grandes pour s'en occuper.
De fait, lorsque l'État maintient son niveau d'organisation, c'est généralement au détriment des arrondissements. Dans les départements de l'Est, certains ont disparu à titre expérimental, d'autres devant subir le même sort dans le reste de la « France de l'intérieur ».
Même les arrondissements qui ont été maintenus n'ont pas nécessairement de sous-préfets, ou bien disposent d'équipes très réduites.
On a besoin d'un État régalien dans les territoires, non de techniciens qui orientent les choix qui relèvent de la compétence des élus locaux. On a besoin de fonctionnaires généralistes ayant une vision politique au sens noble du terme, en phase avec les élus locaux et capables d'assurer la cohérence de l'État sur un territoire - ce qui n'est jamais acquis avec les services techniques de l'État.
Je ne sais si l'on compte de plus en plus de membres du corps préfectoral, mais j'aimerais savoir combien les arrondissements comptent de sous-préfets, et combien de membres de ce corps se trouvent dans les administrations préfectorales des départements, ou dans les administrations centrales.
On a le sentiment, à en juger par la production de textes, de normes, et de prescriptions de l'État au sein même des compétences décentralisées, que l'administration centrale est toujours plus nombreuse et bien trop productive, entravant l'action locale, alors qu'il existe peu de fonctionnaires de l'État dans les territoires pour assurer la coordination entre l'État et les collectivités.
Comment les effectifs du corps préfectoral évoluent-ils ? Comment se répartissent-ils entre ces trois niveaux ? On a besoin d'État et de sous-préfets dans les territoires !
M. Jean-Pierre Vial. - Nous ne pouvons que vous encourager dans votre volonté de rééquilibrage des échelons régional et départemental. Il existe en effet en la matière un déséquilibre qui pose aujourd'hui problème.
Certains de nos collègues ont évoqué la disparition de l'ingénierie. Je ne pense pas qu'il soit bon d'envisager de rouvrir un dossier clos autour duquel les collectivités se sont réorganisées.
En second lieu, certains ont émis des doutes concernant le fait que des effectifs plus nombreux soient attribués aux départements. Je pense que ce n'est pas non plus dans cette voie qu'il faut imaginer quelque chose.
En revanche, ce dont on a besoin, c'est d'un rééquilibrage, l'échelon départemental posant aujourd'hui question.
Très souvent, lors de l'instruction des dossiers, nous avons tendance à passer directement à l'échelon régional, car on se demande si cela vaut la peine d'engager une discussion avec le niveau départemental, qui va être immédiatement relayé par le niveau régional - pour ne pas dire pris en tutelle.
Comment voyez-vous donc les choses entre les niveaux régional et départemental ? Les sous-préfectures ont-elles encore leur place ? S'il existe des intentions très précises, quelles sont-elles ?
Par ailleurs, vous êtes secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification. La simplification, le Sénat y travaille beaucoup, notamment dans le domaine des normes. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a ouvert un chantier important à ce niveau pour simplifier les choses. Bien évidemment, le chantier des normes en est un exemple frappant.
Or, que constate-t-on sur le terrain ? Alors que nous essayons de trouver les voies et moyens pour simplifier et diminuer les normes qui constituent un vrai carcan pour notre pays, notre administration, culturellement, tente d'en rajouter.
Je prendrais ici deux exemples. Lors de la dernière réunion de la délégation aux collectivités territoriales, on a cherché à voir dans quelle mesure on pouvait éviter de superposer aux normes les préconisations des directives, notre pays éprouvant toujours un malin plaisir à ajouter des contraintes supplémentaires.
Quand nous sommes sur certains dossiers compliqués, par exemple en matière d'urbanisme, l'administration de l'État demande de prendre en compte des mesures qui ne sont ni encore prévues dans la loi ni dans les directives, mais qu'elle pense bon de respecter.
Il y a donc dans ce domaine une révolution culturelle à accomplir. Si les fonctionnaires de l'État ne s'imprègnent pas de cette volonté, le travail du législateur risque d'être réduit à néant.
Mme Jacqueline Gourault. - Je suis surprise de l'idée du retour de l'État sur les territoires alors que, depuis plusieurs années, tout le monde s'est organisé, les départements, bien sûr, mais aussi les intercommunalités, qui se sont dotées, quand elles avaient une surface suffisante, de moyens techniques. Les communautés plus rurales, par exemple, ont dû compenser la disparition des services de l'État en matière d'instruction des permis de construire.
On est en train de refaire la carte de l'intercommunalité, qui va s'agrandir d'une manière générale : je suis donc surprise de ce retour.
En second lieu, M. Richard l'a dit de façon très sobre et concise : nous avons besoin de précisions sur les relations entre les préfets de département et les préfets de région.
J'entends bien ce qui est dit sur la nécessité des sous-préfectures, mais dans mon département, s'il y a encore bien des sous-préfectures et des sous-préfets, ils n'ont plus de personnels. Il faut donc, à un certain moment, se poser réellement la question de l'organisation territoriale sur le territoire.
M. Jean-Pierre Sueur. - M. Vial a dit que les normes prolifèrent. Je tenais à faire observer qu'un Conseil national d'évaluation des normes a été mis en place sous une nouvelle forme, à la suite d'une proposition de loi que nous avions faite avec Mme Gourault.
Cette commission, présidée par M. Alain Lambert, travaille beaucoup et a un effet très concret : tout texte qui se propose d'accroître les normes applicables aux collectivités locales vient en effet devant cette commission, qui formule un avis et peut en demander une nouvelle rédaction. Ceci produit un certain effet, y compris par rapport aux services de l'État, qui se disent qu'il va falloir repasser devant cette commission. Ce dispositif a donc un rôle bénéfique.
Peut-être serait-il utile de dresser le bilan de ce qu'a fait cette commission durant les deux dernières années, afin de savoir comment elle travaille. Je sais qu'elle est parfois engorgée par le nombre de dossiers qu'elle traite ; il est également souvent difficile à ses membres, qui sont élus locaux, de venir chaque semaine à Paris, mais il serait intéressant de faire le point sur les effets qu'a un outil de régulation que nous avons nous-mêmes instauré.
M. Philippe Bas, président. - Avant de vous laisser répondre, madame la secrétaire d'État, j'aimerais vous poser deux questions ayant trait à l'organisation des services extérieurs de l'État.
Je constate - et je ne suis malheureusement pas le seul - que les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) font preuve d'une très grande rigidité dans l'application des réglementations dont elles ont la charge, au point que cela constitue souvent une entrave à des projets économiques nécessaires au développement de nos territoires. À chaque fois que nous intervenons auprès des préfets, et notamment auprès des préfets de région, nous constatons le plus souvent une forme d'impuissance de leur part à faire prévaloir le bon sens. Le Gouvernement a-t-il pris conscience de cette difficulté ? Quels sont les remèdes qu'il entend mettre en place pour les surmonter ?
Par ailleurs, j'ai constaté avec surprise que le ministère de l'éducation nationale avait réussi à s'affranchir très largement des réorganisations imposées aux préfets de région, puisque les académies recouvrent en fait le périmètre des anciennes régions. Pourquoi une telle différence entre des services de l'État aussi importants que ceux de l'éducation nationale et l'organisation générale des services publics sur nos territoires ? Croyez-vous cette solution durable ?
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État. - Merci pour toutes ces interventions très riches et très complètes, qui comptent beaucoup de questions. Je vais essayer de n'en oublier aucune. Je compte sur vous, si tel était le cas, pour bien vouloir me le rappeler.
Je n'ai pas abordé la question des administrations centrales, ni celle de la répartition des effectifs entre les différentes échelons territoriaux, si ce n'est sous l'angle de la charte de la déconcentration. En 1992, le Gouvernement de l'époque a voulu tirer les leçons de la décentralisation dont la première étape avait été réalisée, en souhaitant donner aux échelons territoriaux de l'État la possibilité de détenir des pouvoirs de décisions et d'être les interlocuteurs privilégiés des élus locaux.
L'intention du Gouvernement est bien de faire appliquer cette charte qui ne l'a jamais été. C'est la volonté du Premier ministre. Cette décision a un impact sur le fonctionnement des administrations centrales. J'ai quelques difficultés à le mesurer, mais je pense qu'on est effectivement retourné en arrière.
Dans une échelle de temps assez significative, les administrations centrales se sont décentralisées, avec un double effet : les élus n'ont pas cessé de solliciter les ministres, dans un mouvement entretenu des deux côtés - je ne mets personne en cause. Le ministre - ou l'administration centrale - reste l'interlocuteur privilégié des élus locaux. Dont acte.
En second lieu, l'interministérialité s'est, me semble-t-il, affaiblie et on a également assisté à un retour en parallèle de la verticalité. Celle-ci a conduit les administrations centrales et les ministres successifs, plutôt que de faire le choix de l'interministérialité, à privilégier l'échelon régional au travers des différentes réformes territoriales, ministres et directeurs d'administrations centrales considérant qu'il était plus simple de piloter une vingtaine de régions qu'une centaine de départements.
Cette situation a eu les conséquences qu'on a pu observer sur l'évolution des effectifs : un renforcement au-delà du raisonnable des échelons régionaux, qui sont des échelons plus stratégiques de pilotage ou d'animation par rapport à l'échelon départemental de proximité.
C'est à cela que le Gouvernement entend répondre, à la fois avec la charte de la déconcentration et en renforçant l'échelon de proximité qu'est le niveau départemental.
S'agissant des sous-préfets et de l'administration centrale et sur le plan de la culture administrative, même si je n'ai pas d'instruments de mesure pour l'affirmer, j'ai le sentiment très fort que les administrations centrales, les ministères, les cabinets, disposent de moins en moins de fonctionnaires qui connaissent le terrain. Cela ne date pas d'aujourd'hui, mais il s'agit d'un véritable recul.
Je vais certainement en décevoir quelques-uns, mais j'ai demandé au Premier ministre de retrouver ce qu'on avait connu à une certaine époque, où les carrières des fonctionnaires permettaient de concilier des responsabilités à l'échelon central et des responsabilités territoriales.
En effet - et c'est extrêmement désagréable - les administrations centrales ont repris le pouvoir sur les territoires sans savoir ce qui s'y passe, sans parler des territoires ruraux. C'est pour moi une préoccupation très forte et je pense qu'il est temps de mettre fin à ce recul.
Quant aux circulaires, n'en parlons pas : je passe mon temps à les compter et à faire des observations sur leur quantité et leur nombre de pages.
Vous avez par ailleurs soulevé la question des échelons territoriaux et celle de l'ingénierie. Quelques mots d'explications...
Le ministre de l'intérieur a engagé un processus de transformation appelé « préfectures de nouvelle génération » consistant à utiliser les nouvelles technologies et à adapter tous les services qui délivrent des titres, ceux-ci représentant jusque-là des effectifs significatifs dans les territoires et recourant à beaucoup de personnels de catégorie C et à de l'encadrement. La sécurisation des titres, leur modernisation, la constitution de plates-formes concentrant ces tâches vont libérer les préfectures et les sous-préfectures de l'exercice de ces missions.
C'est sur ces bases que le ministre de l'intérieur entend dégager des effectifs afin de les affecter progressivement, après pyramidage et formation, au service des missions d'ingénierie territoriale, qui vont au-delà des missions techniques de l'État en matière d'appui, de développement territorial et d'animation.
Une opération de redéploiement va donc avoir lieu au sein des effectifs du ministère de l'intérieur. C'est un élément important.
Au cours des dernières années, la répartition qui s'est opérée entre échelon départemental et échelon régional a parfois conduit à des situations absurdes. Les ministères ont en effet piloté ces processus mais, dans certains corps, la majorité des personnels a plus de cinquante ans. Les ministères vont donc devoir engager des modifications profondes concernant certains corps techniques.
J'en profite pour répondre au président Bas au sujet des DREAL, mais peut-être aussi des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), voire des directions départementales des territoires (DDT). Je partage son avis concernant la difficulté des relations avec les élus. On peut en effet déplorer une certaine dégradation. L'accueil ne se fait plus comme par le passé et on est vite renvoyé à ses dossiers. C'est une véritable préoccupation. Nous en avons conscience.
Le rôle des services de l'État, qui sont avant tout là pour exercer le service public et être à la disposition des acteurs du territoire va devoir se renforcer dans les régions et les départements.
Vous demandiez, Monsieur le président, pourquoi l'éducation nationale bénéficiait d'une organisation spécifique. Malheureusement, aujourd'hui, chaque administration se considère comme spécifique.
Le Premier ministre et le Gouvernement considèrent, tant au niveau central que dans les territoires, que les équipes de l'État sont les équipes de l'État. Un mouvement avait été amorcé lors des réformes précédentes avec les directions départementales interministérielles qui employaient des qualifications différentes. Il est clair que chacun va devoir de plus en plus apporter sa propre compétence sur les dossiers.
S'agissant de l'infradépartemental et des sous-préfectures, leur rôle s'est considérablement atténué ces dernières années en termes de missions, notamment en matière de guichet. Cette fonction va encore se réduire.
Pour autant, les territoires ont besoin de cadres A et A +, de généralistes - le terme a été utilisé par plusieurs d'entre vous - pour répondre aux préoccupations de terrain.
Pour ce qui est de la carte des sous-préfectures, le ministre de l'intérieur entend aller au bout de l'exercice, selon le calendrier qui sera finalisé au 1er janvier 2017. Il ne souhaite pas une carte de suppression, mais une carte d'adaptation. Des modulations interviendront.
La carte des sous-préfectures sera complétée par une présence accrue des services publics dans nos territoires, notamment ruraux, grâce au développement des maisons de l'État, aux structures d'accueil publiques, dans le cadre du programme lancé avec La Poste pour la mise en place de maisons d'accès aux services publics dans les territoires. Plusieurs centaines sont déjà en projet. Le plan actuel en compte mille et les choses ont avancé très vite ces derniers mois. Je vous encourage à pousser la création de telles structures qui, localement, dans les territoires les plus ruraux, permettent de répondre aux besoins de proximité et de contact.
Comment tout cela va-t-il fonctionner ? Il faut distinguer la question de la gouvernance et celle des outils. Si vous êtes, mesdames et messieurs les sénateurs, partisans du papier, je ne peux qu'être de votre avis et je crois qu'il sera compliqué de faire signer des documents à plusieurs signataires à l'intérieur des grandes régions. Nous avons cependant dépassé ce stade et sommes à présent dans la culture du numérique.
Si on ne fonctionne pas avec la réactivité du monde économique et de la société, les services seront balayés et dépassés.
M. Alain Vasselle. - À condition d'avoir le haut débit partout !
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État. - Je crois que la réforme territoriale est l'occasion de réfléchir à un projet de modernisation du fonctionnement de l'administration territoriale, en y injectant les technologies les plus modernes. Un travail est en cours à ce sujet, et j'ai le secret espoir que les services territoriaux de l'État, puisque ce sont eux qui vont commencer, seront plus modernes que les administrations centrales, qui finiront peut-être par comprendre qu'il leur faut se réformer !
M. Alain Vasselle. - Les propos de Mme la secrétaire d'État m'amène à aborder deux points.
Vous évoquez la dématérialisation : je suis d'accord, à condition que nous disposions des équipements et des réseaux qui le permettent.
Je suis maire d'une commune rurale de 230 habitants : je n'ai pas Internet, ou seulement par le biais d'une parabole, avec des coupures permanentes et des dysfonctionnements continuels qui ne permettent pas de fonctionner correctement.
Il faudrait donc que l'État et les départements investissent lourdement, dans des délais brefs, pour que les collectivités soient correctement desservies !
Par ailleurs, le développement du réseau des maisons de service public est une excellente chose pour permettre une desserte du milieu rural et rapprocher les services de nos concitoyens, à condition que le financement et le fonctionnement de ces maisons de service public soient assurés à 100 % par l'État ! On ne va pas créer un transfert de charges en direction de nos collectivités territoriales pour leur demander d'assurer le fonctionnement des services de l'État, alors qu'elles ont elles-mêmes du mal à faire face à leurs propres dépenses et au financement de leurs propres compétences, du fait de la diminution des dotations budgétaires de l'État !
J'ai créé une maison de services publics sur mon territoire en tant que président d'une communauté de communes il y a environ dix ans : j'ai dû mettre la main à la poche pour permettre aux services de l'État d'être présents sur le territoire. De tels discours sont inacceptables ! Le Gouvernement est-il prêt à assurer le financement intégral de ces maisons de service public ?
M. Hugues Portelli. - Madame la secrétaire d'État, il y a belle lurette que je ne crois plus à ce qu'on nous dit. Je ne parlerai pas ici des communes rurales, mais des communes de banlieue, qui existent aussi et qui concernent pas mal de monde.
Quelques exemples de la vie quotidienne d'une commune de banlieue dans mon département du Val-d'Oise. Cela fait quinze ans que je n'ai personnellement plus de sous-préfet ! Il est en effet en même temps secrétaire général de la préfecture et n'a pas une seconde à accorder aux communes de son arrondissement ! De surcroît, nous venons d'être rattachés, dans le cadre des redécoupages intercommunaux, à un nouveau sous-préfet, dont je ne sais comment il va travailler, puisqu'il s'agit du sous-préfet d'Argenteuil, qui vient d'être rattachée à la métropole ! Ce sera un sous-préfet deux fois hors sol !
Je dispose par ailleurs d'une maison de justice et du droit. Ce sont les collectivités qui payent intégralement la secrétaire du juge, la voiture du juge, les ordinateurs du juge ! De toute façon, ce n'est pas grave, parce qu'il n'est jamais là !
Vous citez l'exemple de La Poste. Chez moi, toutes les postes de quartier sont fermées du matin au soir. On a essayé de faire un système dans lequel les bureaux de poste sont ouverts le matin dans un quartier et l'après-midi dans un autre. Résultat : ils ne le sont dans aucun des deux ! Les agents ne voulant pas fonctionner de la sorte, ils sont tous en congé maladie en permanence !
Seule La Poste centrale est ouverte. Cela fait deux ans que je n'ai pas vu les bureaux de poste des quartiers ouverts un seul jour.
Les services d'État de proximité n'existent donc que sur le papier.
M. Jacques Mézard. - Je n'ai obtenu aucune réponse aux questions que j'ai posées.
Prétendre que l'on règle tout par les maisons de service public, c'est se moquer de nos territoires ! Il faut être conscient que nos questions, madame la secrétaire d'État, relèvent du concret.
Allez-vous continuer à diminuer le nombre de fonctionnaires dans les préfectures des départements ruraux, à supprimer des gendarmeries, des trésoreries ? Comment entendez-vous concrètement renforcer les services de l'État ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce qui me frappe, c'est l'écart entre le discours et la réalité. Bien évidemment, il faut moderniser l'administration pour tout ce qui concerne notamment la délivrance de titres, etc., mais on ne reconvertit pas les agents, on les supprime !
En matière d'ingénierie, certaines choses ont certes été réalisées, comme l'instruction des titres, mais dans des domaines aussi essentiels que la prévention des catastrophes, notamment des inondations ou des feux de forêt, les services préfectoraux n'ont plus personne. Le rigorisme des directions départementales s'explique par le fait qu'elles ne sortent pas de leur bureau, ne savent pas comment les choses fonctionnent sur le terrain. Moins elles ont de moyens pour intervenir, plus elles sont rigoureuses - d'ailleurs souvent pour faire des bêtises.
En matière de réorganisation régionale, j'aimerais bien que l'on m'explique en quoi l'éclatement de directions sur l'ensemble du territoire, leur spécialisation, même avec des circuits numérisés, constitue une simplification ! En quoi cela va-t-il dynamiser les services ? J'aimerais bien qu'on me l'explique !
M. Mathieu Darnaud. - J'étais inquiet en posant ma question sur la notion de proximité et de maillage du territoire : je suis à présent très inquiet !
La réalité, c'est celle qu'a dépeinte le président Mézard à l'instant. On assiste chaque jour à un désengagement de l'État dans les territoires.
Au-delà du discours que vous avez tenu, madame la secrétaire d'État, qui reste intéressant mais assez généraliste et conceptuel, on assiste à une perte de moyens sur nos territoires. On ne voit pas comment la fusion des grandes régions va répondre à ces questions et à ce désengagement. Preuve en est : les brigades de gendarmerie continuent à fermer, ainsi que les trésoreries. Notre inquiétude est d'autant plus grande qu'avec la fusion des territoires et des régions, on risque, notamment sur des territoires comme le Cantal ou l'Ardèche, situés à la frange, de connaître une accélération du processus.
Je rejoins ce que disait M. Vasselle : on a plutôt le sentiment que l'État se défausse un peu plus chaque jour sur les collectivités. On a évoqué les maisons de services publics, mais le président Bas a rappelé la problématique des DREAL, à laquelle vous ajoutez vous-mêmes celle des DDT.
La transmission des compétences de l'application du droit des sols (ADS) aux intercommunalités de plus de dix mille habitants a été réalisée en sens unique. Aujourd'hui, la charge financière incombe aux intercommunalités. L'État s'est désengagé !
Je ne vois pas, au-delà de la question des moyens, comment on va pouvoir rapprocher les services de l'État et la DDT, notamment dans les communes les moins peuplées, qui ont pourtant besoin de cette ingénierie.
J'ai malheureusement le sentiment qu'on a de quoi être inquiet.
J'aurais aimé vous entendre au sujet de la question des moyens affectés à nos différents territoires. Je désirerais à ce sujet que vous puissiez évoquer la question des maisons de l'État pour savoir comment les rendre plus efficaces, sans connaître une diminution constante des moyens qui, malheureusement, sont l'exemple le plus criant du désengagement de l'État.
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État. - La question concernant les équipements numériques du territoire et des réseaux est pertinente. Je veux bien que l'on renvoie la balle à l'État, mais j'avais compris que l'équipement du territoire en très haut débit se déployait en partenariat entre l'État, les régions et les départements opérateurs, qui font plutôt bien leur travail, me semble-t-il.
Là aussi, les plans de déploiement se gèrent dans les territoires, même si l'on peut regretter que cela n'aille pas plus vite. C'est aussi une question de moyens financiers - car les sommes en jeu sont importantes.
Pour ce qui est des sous-préfectures, Monsieur Portelli, vous avez raison de dire qu'une sous-préfecture et les services de l'État en banlieue et dans les territoires ruraux n'ont pas le même rôle. Il faut aujourd'hui réfléchir. - et c'est ce que fait le ministre de l'intérieur - à ce qu'est une sous-préfecture, une fois réduite la fonction guichet-titres, qui était une mission fondamentale il y a encore quelques années, et la redéployer vers des profils répondant aux attentes des territoires.
Ce sont des questions qui relèvent plutôt du ministre de l'intérieur, mais je pense qu'il faut en effet mener une réflexion sur les profils, les recrutements et sur la fonction de sous-préfet. En tout état de cause, celle-ci est maintenue. Elle est indispensable dans les territoires. Comme l'a dit l'un d'entre vous, il faut des cadres A + pour répondre aux préoccupations et traiter des dossiers de plus en plus complexes. Il y en aura !
Je n'ai pas répondu à une question sur les effectifs du corps préfectoral et des sous-préfets à l'échelon départemental et à l'échelon central. Je ne connais pas les effectifs ; je ne peux donc vous les communiquer. Je transmettrai votre question au ministre de l'intérieur, qui assure la gestion de ce corps, et qui ne manquera pas de vous répondre.
J'en profite pour préciser à Alain Richard et à Catherine Tasca, s'agissant de la question relative à la réforme du décret de 2004, qu'elle ne me semble pas encore à l'ordre du jour. Je vais vérifier. Je vous apporterai la réponse, monsieur le président. Toutes les suggestions d'Alain Richard et de Catherine Tasca à ce sujet seront utiles.
M. Alain Richard. - Il faut transmettre la question au Secrétariat général du Gouvernement.
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État. - Ce sera fait, monsieur le sénateur.
S'agissant des moyens des territoires, je sais que vous avez un débat sur les trésoreries et les perceptions. Certains d'entre vous estiment que l'évolution des technologies et la dématérialisation conduisent à passer à d'autres modes de fonctionnement.
De ce point de vue, l'évolution des rapports entre les services des finances publiques et les contribuables est selon moi extrêmement positive. Des plates-formes ont commencé à se déployer dans le cadre interdépartemental, afin de répondre individuellement, soit téléphoniquement, soit par messagerie électronique. Cela fonctionne en région Centre-Val de Loire.
On doit donc se poser la question de l'adaptation des perceptions de deux ou trois personnes aux besoins des élus et des intercommunalités.
La gendarmerie n'est pas de mon ressort, mais de celui du ministre de l'intérieur. Des débats importants ont eu lieu ces dernières années sur l'organisation et l'adaptation de la gendarmerie aux territoires. On sait combien son rôle est important.
Aucune réforme de la carte des gendarmeries n'est menée actuellement, même s'il existe, ici et là, des évolutions dans la façon de l'organiser.
La préoccupation est aussi d'ordre opérationnel. Les petites brigades ont du mal à assurer une présence sur le terrain 24 heures sur 24. S'organiser à l'échelle d'un territoire plus large, avec un effectif plus nombreux, permet une présence opérationnelle plus efficace.
Je transmettrai vos remarques au ministre de l'intérieur, qui vous apportera une réponse plus précise. En termes d'efficacité opérationnelle, je pense que c'est ainsi qu'il faut voir les choses.
Quant à la simplification, M. Collombat m'a demandé si celle-ci ne présentait pas une contradiction avec les conditions d'organisation de la réforme. Si on avait voulu faire simple, on aurait tout concentré dans les chefs-lieux de région...
M. Pierre-Yves Collombat. - On n'aurait pas modifié les régions !
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État. - Je ne pense pas que vous souhaitiez ce déménagement et la concentration de l'ensemble des services de l'État en trois points du territoire, mesdames et messieurs les sénateurs. Un certain nombre de nos anciennes capitales régionales auraient été dépouillées...
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est fait !
Mme Clothilde Valter, secrétaire d'État. - On a recherché un équilibre et voulu préserver les services de l'ancienne carte. Il existe 144 implantations. On peut considérer que c'est beaucoup et que cela crée du désordre. Je vous laisse libre de votre interprétation. Le choix du Gouvernement était de préserver l'équilibre des territoires. Je rappelle que l'État en est le garant, ainsi que de la cohérence territoriale. J'y suis attachée, et je ne suis pas la seule.
Nous devons à présent réorganiser la gouvernance et intégrer les technologies modernes pour permettre à ces services de fonctionner. Je crois qu'ils en sont capables, et que la modernisation va permettre un meilleur fonctionnement, une meilleure gouvernance, et de rendre un meilleur service aux acteurs du territoire. Je suis prête à revenir vous en parler à nouveau pour entrer davantage dans les détails.
M. Philippe Bas, président. - Nous vous remercions pour ces éléments.