- Mardi 9 juin 2015
- Mercredi 10 juin 2015
- Réforme du collège - Table ronde avec les représentants des syndicats de direction et d'inspection
- Transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur - Examen, en nouvelle lecture, de l'amendement au texte de la commission
- Communications diverses
Mardi 9 juin 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 17 h 35.
Dialogue social et emploi - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de M. Alain Dufaut sur le projet de loi n° 476 (2014-2015) relatif au dialogue social et à l'emploi.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous allons entendre le rapport de M. Alain Dufaut sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi. Il a travaillé sur un sujet qui nous tient à coeur, les intermittents du spectacle.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis. - Ce sujet complexe constitue à lui seul le titre II du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale : « Conforter le régime d'assurance chômage de l'intermittence ». Notre commission y travaille continûment depuis la grande crise de 2003 où de nombreux festivals avaient été annulés, y compris celui d'Avignon, ville dont je suis élu. J'ai en mémoire le drame économique que cela a représenté. Le comité de suivi né à l'instigation de Jack Ralite et d'Etienne Pinte a fait mieux connaître la situation des intermittents, la précarité de certains, les pratiques peu scrupuleuses d'employeurs du secteur et l'existence de poches d'injustice dans l'application du droit social, par exemple pour les matermittentes.
Notre commission s'est saisie de tous ces sujets, nous avons auditionné, organisé des tables rondes, remis des rapports d'information - le dernier de nos groupes de travail, auquel j'ai participé, a été conduit en 2013 par Mme Maryvonne Blondin. Il proposait de réformer le régime des intermittents pour le pérenniser, en énonçant douze recommandations.
La condition des intermittents est éloignée de ce qu'en disent les médias. Nous avons été convaincus que des règles spécifiques d'indemnisation du chômage étaient légitimes dans le secteur du spectacle et vertueuses pour notre économie - la culture représente plus de 3 % du PIB et près de 700 000 emplois, dont environ 100 000 intermittents en 2014 ; qu'il fallait réformer l'assurance chômage des intermittents pour la pérenniser, parce que le déséquilibre entre recettes et dépenses, d'un milliard d'euros en 2014, commençait à décourager la solidarité interprofessionnelle ; que la réforme de 2003 devrait être ajustée, parce qu'elle était contestée et que des objectifs chiffrés lui avaient été assignés : autant de raisons pour que nous suivions de près son application.
Il s'agit d'assurer la couverture du risque chômage des professionnels du spectacle au sein de notre matrice sociale qu'est la solidarité interprofessionnelle - risque chômage particulier puisque l'emploi y est intermittent, l'activité fonctionnant par projet.
Une première dérogation dans la couverture du risque avait été lancée sous le Front populaire, à la demande des employeurs qui avaient besoin de très bons professionnels pour des périodes intermittentes. Les annexes VIII et X, créées dans les années 1960, ont bien fonctionné pendant deux décennies, tout en s'élargissant. Cependant, ce mouvement progressif, avec le développement de l'audiovisuel et, surtout, des politiques publiques culturelles, dû au doublement du budget de la culture de l'État et à la participation des collectivités territoriales, a provoqué un changement d'échelle. L'activité culturelle s'est développée - une très bonne chose - mais le secteur s'est considérablement émietté au gré de l'hyper-flexibilité du marché du travail, et les règles d'indemnisation du chômage sont devenues un « statut » des intermittents, même si ce mot n'est guère apprécié de certains syndicats. Ce statut a joué le rôle de stabilisateur et l'Unédic est devenu le premier mécène culturel à l'échelon national.
Depuis le début des années 1980, tous les deux ans, lorsque les partenaires sociaux renégocient la convention d'assurance chômage, ils constatent un déséquilibre toujours plus important entre les recettes et les dépenses chômage des intermittents, si considérable, quand l'ensemble du risque chômage est déséquilibré, que certaines confédérations en viennent à contester le principe même de solidarité interprofessionnelle.
Or ceux qui s'assoient autour de la table de négociation ne connaissent pas l'environnement économique et social du spectacle ; les artistes, les techniciens et surtout leurs employeurs ne sont pas suffisamment intégrés à l'interprofession pour s'y faire entendre et comprendre. Les ajustements ne sont pas décidés en concertation avec eux, paraissent sortis du chapeau en toute fin de négociation, et tout à fait décalés de la réalité. Résultat, une crise tous les deux ans et un séisme tous les dix ans...
L'enjeu est très important. Rappelons nos positions, maintes fois réitérées : nous tenons à ce que le risque chômage soit assuré dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle et non dans une caisse autonome. L'exception française du régime des intermittents tient à cette solidarité interprofessionnelle, loin des caisses spécifiques prévalant dans d'autres pays, qui seraient inadaptées à nos politiques culturelles, en particulier locales.
Nous pensons aussi qu'il faut associer les professionnels du spectacle à la négociation interprofessionnelle, en particulier les employeurs, dont on doit inciter les fédérations à s'affilier aux confédérations patronales.
Il faut une expertise en continu sur ces sujets, non seulement parce que les enjeux sociaux et économiques dépassent la seule question des intermittents, mais parce que nous n'avons plus les moyens de cette régulation par la crise, à coup de festivals annulés, de spectacles interrompus, de contrevérités sur les privilèges des intermittents ou, à l'inverse, l'injustice du système.
Enfin, l'ensemble de la profession doit participer aux efforts budgétaires auxquels s'astreint l'interprofession : les artistes, les techniciens et leurs employeurs accepteront d'autant mieux ces efforts qu'ils auront été associés au paramétrage du système.
L'article 20 est directement issu des travaux de la mission Gille-Archambault-Combrexelle, concertation qui a eu le grand mérite d'éviter un conflit majeur l'an passé. Il comprend cinq points, dont le cinquième a été ajouté par les députés.
La reconnaissance légale des règles spécifiques d'indemnisation des intermittents du spectacle, les fameuses annexes VIII et X, est le point le plus symbolique de ce texte. On parle de « sanctuarisation », mais il s'agit seulement de reconnaître l'existence de règles adaptées que les partenaires sociaux négocient, pas de dire quelles sont ces règles.
Deuxièmement, l'article 20 instaure une négociation subsidiaire de ces règles dérogatoires par les intermittents et leurs employeurs. L'échelon interprofessionnel définit une trajectoire financière et un délai pour cette négociation et reprend la main en cas d'échec ou si l'accord n'est pas conforme à la lettre de cadrage. Ce point est le plus fragile, juridiquement et politiquement.
Troisièmement, il instaure un comité d'expertise, calqué sur celui de la mission Gille-Archambault-Combrexelle, comprenant des techniciens de l'Unédic, de Pôle emploi et des personnalités désignées par l'État, pour évaluer les propositions faites en cours de négociation et l'accord, quand il y en a un. Cette expertise est essentielle parce que le débat est pollué depuis des décennies par des contrevérités relayées trop facilement par les médias - au point que les intermittents et leurs syndicats en sont venus à douter des statistiques de Pôle emploi et de l'Unédic - et que les propositions alternatives ne sont pas examinées.
Quatrièmement, une nouvelle liste d'emplois ouvrant droit à des contrats de travail à durée déterminée d'usage (CDDU) doit être établie par les organisations de l'échelon professionnel avant le 31 janvier 2016. À défaut d'accord, les ministres de la culture et du travail pourront le faire par arrêté. Les députés, à l'initiative de Jacqueline Fraysse, ont ajouté que ces mêmes organisations professionnelles négocient la politique contractuelle, notamment les conditions de recours au CCDU, avant le 30 juin 2016. Ce point technique est déterminant, je vous proposerai de l'améliorer.
Cinquièmement, les députés ont prévu une meilleure prise en compte des « mattermittentes », et un rapport au Parlement sur les intermittentes avant la prochaine convention d'assurance-chômage. Ici encore, les députés ont pu s'inspirer de nos travaux puisque Maryvonne Blondin avait fait adopter un amendement en ce sens au projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, disposition ensuite supprimée par l'Assemblée nationale.
Je vous proposerai d'adopter une position constructive sur l'article 20, au nom de la concertation sociale, dans l'intérêt de l'activité culturelle et du développement de nos territoires. Les négociations vont reprendre en vue de la nouvelle convention d'assurance chômage, qui doit être signée fin 2016, les festivals commenceront début juillet.
Cet article inscrit dans la loi le principe de règles spécifiques pour les intermittents, adaptées à la nature de leur activité, et institue une nouvelle méthode pour négocier ces règles, avec un outil d'expertise dédié : nous devons saisir cette occasion, en faisant confiance au sens des responsabilités des uns et des autres. L'heure n'est pas à sa suppression, quelles que soient les incertitudes et les faiblesses juridiques qu'il présente. Ce serait interprété comme une défiance et nous y perdrions collectivement.
Le rôle du législateur n'est pas d'intervenir sur le contenu des règles spécifiques applicables aux intermittents, qui est du ressort des partenaires sociaux, mais de fixer le cadre de leur négociation, d'en énoncer le fonctionnement, en particulier pour la représentativité, la validité, l'étendue des accords et d'outiller la négociation par de l'expertise. Nous n'avons pas à définir les paramètres de l'allocation ni son mode de calcul ; par exemple, nous n'avons pas à nous prononcer sur la demande des intermittents de revenir à la date anniversaire et à la période de référence d'une année. Sinon, l'État prendrait la main et devrait payer la note, dans une caisse autonome, à rebours du principe de solidarité interprofessionnelle.
La concertation ouverte il y a tout juste un an avec la mission Gille-Archambault-Combrexelle a identifié des pistes importantes, certaines novatrices, que le comité d'expertise devra explorer. Nous n'avons pas à interférer dans cette négociation, mais à pérenniser son cadre novateur, comme le propose cet article.
Je vous propose des aménagements sur chacun des cinq points de cet article 20.
En premier lieu, la reconnaissance légale de règles spécifiques pour l'indemnisation des intermittents est utile à l'apaisement social et inscrit clairement l'indemnisation des intermittents dans la solidarité interprofessionnelle. Le risque d'ouvrir une brèche dans laquelle s'engouffreraient d'autres catégories professionnelles me parait limité, les situations étant très différentes pour les autres annexes. Je ne vous propose donc pas d'amendement sur ces premiers paragraphes de l'article.
Ensuite, le mécanisme de négociation déléguée de ces règles spécifiques à l'échelon professionnel est juridiquement et politiquement fragile et représentera un nid à contentieux. Quelle est la validité d'un accord signé par des organisations non représentatives au sens du droit social ? Le risque me semble disproportionné par rapport à la demande des professionnels d'une concertation approfondie pour une meilleure prise en compte de leur situation, et de règles d'indemnisation ne précarisant pas les intermittents qui peinent à joindre les deux bouts.
Il ressort de nos auditions communes avec la rapporteure de la commission des affaires sociales, Catherine Procaccia, qu'il serait préférable d'instaurer un mécanisme de concertation approfondie, avec un outil d'expertise, plutôt que cette mécanique fragile de négociation et d'accords délégués dont la représentativité et la portée pratique sont incertaines. Le rapport Gille-Archambault-Combrexelle dit bien que la négociation doit rester dans les mains de l'échelon interprofessionnel. Le glissement opéré lors de la rédaction de cet article ne va pas dans le bon sens. L'élaboration d'un dispositif alternatif de concertation, cependant, relève du droit social et nous avons convenu, avec Catherine Procaccia, que ce serait plutôt à la commission des affaires sociales de s'en saisir. C'est pourquoi je vous proposerai de ne pas modifier ce mécanisme à ce stade.
En troisième lieu, nos collègues députés, à l'initiative de Jean-Patrick Gille, ont clairement positionné le comité d'expertise en cellule de soutien technique à l'échelon professionnel. Mme Archambault, M. Gille et M. Combrexelle nous ont dit en audition que la concertation de l'automne avait innové en ce que les propositions alternatives portées par les intermittents avaient été pour partie évaluées. L'Unédic a joué le jeu, des pistes nouvelles sont explorées. Continuons en ce sens, tout le monde y gagnera.
Le comité d'expertise n'est donc pas une commission représentative mais réunit des techniciens des organismes sociaux (Pôle emploi, Unédic) et des personnalités désignées par l'État pour leur capacité à faire avancer les recherches ; il évalue toutes les demandes de l'échelon professionnel - mais pas toutes celles de l'échelon interprofessionnel, qui dispose déjà d'un accès direct et continu à l'information statistique - ainsi que l'accord auquel les professionnels seront éventuellement parvenus. Je proposerai d'étendre le rôle du comité d'expertise pour qu'il puisse être saisi en continu, et qu'il le soit également des conditions d'application des règles spécifiques aux intermittents.
En quatrième lieu, il faut aller au-delà du simple réexamen de la liste d'emploi des CDDU. D'abord, parce que la Cour de cassation a dit, en 2008, que le critère d'inscription sur une liste ne suffisait pas et qu'il fallait que le recours au CDDU soit justifié par des éléments concrets de l'activité. Ensuite, parce qu'on observe que l'absence de règles fermes entraîne des dérives peu contrôlables, entachant la réputation de l'ensemble du régime des intermittents. M. Gille dénonce à juste titre les passagers clandestins du régime. Luttons contre la permittence ! Les députés ont prévu que les organisations professionnelles négocient la politique contractuelle et notamment les conditions de recours au CDDU avant le 30 juin 2016. Je vous proposerai une formulation plus cadrée allant dans ce sens.
Enfin, je vous proposerai d'adopter conformes les paragraphes nouveaux que les députés ont ajoutés pour prendre en compte la situation des matermittentes : les partenaires sociaux devront examiner l'évolution de la prise en compte des périodes de maladie et de maternité des intermittentes avant le 31 janvier prochain, et le gouvernement devra nous remettre un rapport sur la situation des intermittentes. Cela va dans le sens que nous souhaitions avec Maryvonne Blondin dans notre rapport d'information de 2013.
Je suis favorable à l'adoption de cet article, avec de légères modifications, car je crois utiles la reconnaissance de règles spécifiques et l'institution d'une nouvelle méthode de concertation, assorties d'un meilleur partage de l'expertise et d'une approche plus raisonnable du recours à l'emploi hyper-flexible des CDDU : cela va dans le sens de l'apaisement et du maintien d'un risque chômage des intermittents assuré par la solidarité interprofessionnelle, au bénéfice de l'activité culturelle et du développement de nos territoires.
En séance publique, l'Assemblée nationale a complété ce chapitre par trois articles : l'article 20 bis met fin à un régime dérogatoire de cumul emploi-retraite des artistes-interprètes en contrat à durée indéterminée (CDI) ; l'article 20 ter affirme la compétence exclusive d'un seul organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) pour percevoir les contributions de formation professionnelle continue des entreprises employant des intermittents du spectacle, des artistes-auteurs et des pigistes ; l'article 20 quater ouvre la possibilité, sous certaines conditions, de déroger conventionnellement à la durée minimale de repos hebdomadaire pour les mineurs scolarisés de moins de seize ans et employés par des entreprises du secteur du spectacle. Sur ces trois articles, je ne vous présenterai pas d'amendement.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Il était important de rappeler l'historique de nos travaux et de resituer l'article 20 du projet de loi dans le contexte de la crise de l'intermittence qui dure depuis 2003.
Mme Maryvonne Blondin. - Je remercie le rapporteur de ce rappel qui offre une meilleure appréhension de cet article, surtout pour nos nouveaux collègues. Je regrette toutefois que cette présentation de rapport ait lieu un mardi après-midi alors que nous avions défini un schéma de travail et que beaucoup de nos collègues sont en mission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Il y a la théorie, mais aussi la pratique, et les contraintes de notre calendrier...
Mme Maryvonne Blondin. - Le projet de loi vient en séance non la semaine prochaine, mais la suivante.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La commission des affaires sociales se réunit demain, il nous fallait avoir adopté notre avis en amont. Rassurez-vous, cela restera exceptionnel !
Mme Maryvonne Blondin. - Le rapporteur a évoqué des avancées, dont plusieurs correspondent aux préconisations de notre rapport. Cet article marque une étape essentielle pour les intermittents en stabilisant et en sécurisant leurs droits sociaux. Sans intermittents, nous aurions du mal à assurer le spectacle vivant dans notre pays.
L'Assemblée nationale a rajouté au texte un point concernant les matermittentes - reprenant un amendement que nous avions fait adopter lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. Je revendique la paternité de ces mesures pour les matermittentes !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Absolument.
Mme Maryvonne Blondin. - Les députés les avaient balayées malgré notre important travail, et voilà qu'ils s'en prévalent. Nous étions allés plus loin qu'eux en demandant une harmonisation des droits aux différents types de congés, qu'ils soient parentaux ou pour maladie, en indemnisation et en portabilité.
Je salue le travail du trio Gille-Archambault-Combrexelle, que nous avons entendu, et qui a abouti à un apaisement social. Continuer dans cette direction en y apportant des aménagements est de bon sens. Il sera possible d'y travailler encore.
Le groupe socialiste sera attentif à vos amendements mais ne prendra pas part au vote - même si à titre personnel, j'aurais volontiers soutenu le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle. - À mon tour de remercier le rapporteur. Je ne rouvrirai pas le débat sur l'intermittence...
Mme Françoise Férat. - Ce n'est pas le moment !
M. Jean-Claude Carle. - ... mais cet article 20 m'interpelle. En sanctuarisant un régime dont les partenaires sociaux devraient seuls se préoccuper, on remet en cause le caractère interprofessionnel de l'assurance chômage. Je crains qu'on n'ouvre des précédents, pour les sportifs de haut niveau, par exemple. On risque aussi d'accroître la précarité des intermittents en sanctuarisant le régime de CDDU.
L'article 20 ne propose rien pour réduire le déficit structurel du régime, comme y invite pourtant la Cour des comptes. L'Unédic a versé 1,27 milliard d'euros en 2011 pour 246 millions d'euros de cotisations des intermittents. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que l'Unédic était le premier mécène de la culture. Ce n'est pas son rôle mais celui du ministère. Il faudra en finir avec la politique de l'autruche. Je regrette l'absence d'étude d'impact, de perspectives chiffrées sur l'avenir de ce régime. Enfin, je souscris aux propositions du rapporteur qui mettent en avant le sens des responsabilités, rappellent les spécificités de l'intermittence, et proposent de s'appuyer davantage sur un comité d'expertise.
Mme Corinne Bouchoux. - Nous retenons la bonne volonté du rapporteur qui va dans le sens de notre analyse. Je ne prendrai pas position aujourd'hui mais je ne doute pas que nous le rejoindrons en séance sur de nombreux points.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis. -J'ai bien noté vos positions. Nous sommes en effet dans la lignée du rapport Blondin et de la mission Gille-Archambault-Combrexelle. Monsieur Carle, « sanctuarisation » n'est pas le mot qui convient. L'article 20 dispose que l'intermittence fait l'objet de règles spécifiques d'indemnisation, sans aller plus loin. Ces règles peuvent évoluer.
La lettre de cadrage définit des priorités de nature à réduire le déficit. Si aucun accord n'est trouvé, on revient à la situation actuelle.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - M. Carle dit redouter une précarisation des intermittents, mais c'est surtout la baisse des financements publics et des dotations aux collectivités territoriales qui fragilise l'emploi artistique. Avec moins d'argent, les collectivités qui gèrent des lieux de spectacle vivant ont moins de moyens pour des commandes artistiques, d'où moins de créations. La fragilisation certaine du secteur nous renvoie à la façon dont nous gérons ces structures. Les collectivités territoriales ont aussi recours à l'intermittence. Imaginez s'il fallait créer les emplois publics correspondants ! Il faut une réflexion plus large sur le financement du spectacle vivant, c'est un vrai chantier qui ne se limite pas à l'intermittence.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 vise à ce que le comité d'expertise puisse être saisi en dehors des périodes de négociation. La composition du comité est de nature à ce que cette saisine n'aggrave pas les charges publiques.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 2 vise à ce que le comité d'expertise puisse être saisi de la mise en oeuvre des règles spécifiques mentionnées aux annexes VIII et X.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 3 est le plus important. Si le CDDU est légitime dans la production de spectacle, son utilisation donne lieu à des abus. Faute de délai de carence, les contrats de quelques heures s'enchaînent et des salariés ajustent leur temps de travail afin d'entrer dans l'intermittence.
Il faut avancer avec les partenaires sociaux. Le problème est bien connu et depuis 2005, de l'ordre a été mis. L'accord du 24 juin 2008 relatif à la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé dispose par exemple que l'employeur doit proposer un CDI à temps complet à partir d'un certain volume de travail. Les règles de l'intermittence doivent être réservées à ceux qui subissent la perte d'emploi.
La Cour de cassation a clairement dit, en 2008, que l'inscription sur la liste des professions ne suffisait pas pour justifier un CDDU et qu'il fallait des raisons objectives et des éléments concrets établissant le caractère temporaire de l'emploi.
Nous devons encourager les partenaires sociaux à aller le plus loin possible dans la négociation pour mettre à mal les abus. Aussi, je vous propose que les organisations de l'échelon professionnel commencent par dresser un bilan transmis à l'échelon interprofessionnel avant de négocier les conditions de recours au CDDU.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Comme c'est l'usage, je vous propose d'autoriser notre rapporteur à procéder aux éventuels ajustements nécessaires lors de la réunion de la commission des affaires sociales, saisie au fond du projet de loi, et à redéposer les amendements qu'elle ne retiendrait pas.
Le rapport pour avis est adopté.
La réunion est levée à 18 h 20.
Mercredi 10 juin 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente, puis de M. Jean-Claude Carle, vice-président -Réforme du collège - Table ronde avec les représentants des syndicats de direction et d'inspection
La réunion est ouverte à 9 h 30.
La commission organise une table ronde sur la réforme du collège avec les représentants des syndicats de direction et d'inspection. Sont entendus :
- M. Didier Laffeach, secrétaire général adjoint du Syndicat Indépendance et direction - Force ouvrière (ID - FO) ;
- Mme Claudie Paillette, secrétaire nationale du Syndicat général de l'éducation nationale - Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) ;
- M. Michel Richard, secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale - Union nationale des syndicats autonomes (SNPDEN-UNSA) ;
- M. Paul Devin, secrétaire général du Syndicat national des personnels d'inspection - Fédération syndicale unitaire (SNPI-FSU) ;
- M. Claude Desfray, co-secrétaire général du Syndicat des inspecteurs d'académie (SIA) ;
- M. Patrick Roumagnac, secrétaire général du Syndicat de l'inspection de l'éducation nationale - Union nationale des syndicats autonomes (SI.EN-UNSA).
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre commission poursuit ses travaux sur la réforme du collège, en accueillant ce matin les représentants des principales organisations syndicales des personnels de direction et d'inspection de l'éducation nationale. Le Syndicat national des inspecteurs d'académie - inspecteurs pédagogiques régionaux (SNIA-IPR-UNSA) n'a pas été en mesure de se faire représenter aujourd'hui.
Les principes et modalités de la réforme du collège ont été fixés par un décret et un arrêté publiés le 20 mai dernier - au lendemain d'un mouvement de grève des enseignants du second degré. Elle s'accompagne d'une refonte des programmes de la scolarité obligatoire, dont les projets élaborés par le Conseil supérieur des programmes (CSP) font aujourd'hui l'objet d'une consultation.
Cette réforme demeure contestée, notamment au sein du corps enseignant. Un groupe de travail réunissant le ministère et l'intersyndicale des enseignants du second degré se tiendra aujourd'hui, à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation dans les collèges.
Notre commission a déjà reçu les syndicats d'enseignants et les représentants de parents d'élèves. Elle a entendu la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, la semaine dernière et nous souhaitions absolument vous rencontrer.
Je vous propose de vous exprimer chacun à votre tour, pour une durée de cinq minutes environ. À l'issue de vos interventions, je donnerai la parole à notre rapporteur pour les crédits de l'enseignement scolaire, M. Jean-Claude Carle, puis à l'ensemble des sénateurs.
M. Michel Richard, secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN-UNSA). - Le SNPDEN a donné un avis favorable à la réforme du collège lors de la réunion du Conseil supérieur de l'éducation qui l'a largement adoptée.
Cette réforme parachève les précédentes plutôt qu'elle ne bouleverse l'organisation du collège. Nous approuvons cette révision du collège qui, dans sa situation actuelle, ne satisfait ni les enseignants ni les parents, puisque les élèves soit y rencontrent des difficultés, soit n'arrivent pas à obtenir les résultats auxquels ils aspirent.
La possibilité de laisser une part d'autonomie à l'établissement - et j'insiste sur les mots « à l'établissement » - représente un point intéressant et fondamental de cette réforme, à laquelle il a été reproché de donner un « chèque en blanc » au chef d'établissement. La marge horaire de trois heures va permettre à chaque établissement d'adapter l'offre de formation selon ses besoins, compte tenu de l'énorme diversité existant entre les 8 000 établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), dont plus de 5 000 collèges.
La fongibilité horaire entre les disciplines au cours des quatre années du collège constitue également une marge d'autonomie laissée aux établissements. Nous pensions qu'avant de définir les horaires, il était préférable de préciser les curriculums et les acquis des élèves à l'issue du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Une démarche différente a été choisie.
Le temps de travail du collégien, réparti entre temps de présence dans l'établissement et travail personnel, est un creuset d'inégalités entre les élèves de milieux favorisés, qui bénéficient de l'aide de leurs parents dans leurs études, et ceux qui se trouvent livrés à eux-mêmes, n'ayant pas la chance d'être accompagnés par leurs parents : il est nécessaire de se pencher sur ce problème dans la nouvelle définition du fonctionnement des collèges.
Le dernier point concerne la réforme profonde des modalités d'évaluation des élèves. Nous militons depuis de longues années pour l'abandon de l'école du tri. Dans le cycle de l'école obligatoire, le socle commun du cours préparatoire (CP) à la 3e doit être le même pour tous. Il est inconcevable de sélectionner les élèves dès le plus jeune âge alors que la maîtrise du socle commun est indispensable pour former de futurs citoyens.
M. Didier Laffeach, secrétaire général adjoint du Syndicat Indépendance et direction (ID-FO). - La réforme du collège agite les esprits, nourrit les conversations et occupe les médias depuis de longs mois ; les interrogations des personnels de terrain et notamment des personnels de direction ne s'apaisent pas.
Indépendance et direction considère comme légitime l'évolution du collège, a fortiori quand le niveau qui le suit comme celui qui le précède ont été réformés.
Pourtant, nous réfutons l'idée du « maillon faible du système éducatif » car nous estimons que, s'il est loin d'être parfait, le collège n'a pourtant pas failli à l'ensemble de ses missions et notamment dans celle de la massification. Notons à ce sujet que l'Observatoire sur les inégalités en France affirme dans un rapport publié au début de ce mois « que l'école n'aggrave pas les inégalités » même si « elle ne réussit pas à les réduire ».
Sans doute, l'évolution de la société, des techniques, de l'environnement comme de la pédagogie rendent la mutation du collège nécessaire et nous sommes tout prêts à participer à cette démarche. Dans nos sociétés, l'école est un enjeu sur lequel chaque enfant, chaque citoyen, chaque responsable, chaque élu a un point de vue, tant il est vrai que chaque âge de la vie a un lien avec l'école.
Nous nous interrogeons cependant sur la situation actuelle qui, à travers les études internationales, tend à faire prévaloir un modèle plutôt anglo-saxon, qui ne coïncide pas toujours avec le mythe national de l'école laïque et républicaine de la Troisième République. Et d'ailleurs, qui, objectivement, souhaite réellement voir proposer à nos enfants une école de type sud-coréen pourtant bonne élève des comparatifs ?
Un autre écueil doit être évité : attendre de l'école qu'elle réforme la société. L'école a un rôle, une responsabilité dans la construction du citoyen et de la société qu'elle partage avec tant d'autres, de la famille aux médias et aux autres institutions. Mais elle demeure aussi le fruit de cette société et de ses attentes. Il est normal que la société interroge l'école, mais la société doit aussi s'interroger quand elle constate que trop d'élèves peinent à comprendre le sens de l'école, la chance qu'on a d'apprendre, parce que l'effort n'est plus considéré comme une valeur positive.
Toute société doit avoir confiance dans son école, la valoriser et valoriser ses acteurs, c'est une condition de sa réussite et de son efficacité.
À ID-FO, nous nous affirmons comme des acteurs de terrain, responsables et soucieux de la qualité du service public offert aux élèves, à tous les élèves et nous avons le sentiment que, faute d'avoir clairement et précisément défini les préalables et les attendus, la réforme du collège ne permettra pas, en l'état, à la société de retrouver la fierté dans son école.
Nous estimons que la mise en place d'une réforme dont les objectifs sont louables, qui s'appuie sur la définition d'un nouveau socle et des programmes, constituait une bonne base de départ. Il était également intéressant de réfléchir en parallèle sur les méthodes pédagogiques et les supports numériques. Mais le tempo adopté vient ruiner cet édifice, car la réforme doit être mise en oeuvre sans avoir permis aux acteurs de s'approprier ces éléments. La rédaction des programmes n'est pas achevée et la déclinaison en items du nouveau socle n'est pas réalisée.
Nous nous inquiétons de certaines propositions de cette réforme. Si nous sommes favorables à la possibilité d'adaptations pédagogiques pour répondre aux besoins différenciés des élèves, nous considérons que cette autonomie des établissements doit porter essentiellement sur les rythmes, les méthodes, les démarches pédagogiques individualisées et non sur les contenus qui doivent rester nationaux, gage de la formation équitable de tous les citoyens, quelle que soit leur origine géographique ou sociale. Nous sommes ainsi favorables à une autonomie exercée dans un cadre national identique pour tous.
Nous n'hésitons pas à affirmer que la France a besoin d'une élite et qu'il appartient à l'école de la République d'accompagner et de guider chaque élève, selon la devise « citius, altius, fortius » chère à Coubertin. Le devoir de l'école n'est pas de reproduire les élites mais de permettre à chacun d'y accéder : les classes bilangues ou européennes sont précisément des chemins de réussite et d'excellence pour les collégiens qui ne sont pas des « héritiers ». C'est pourquoi nous sommes attachés à la mixité sociale dans les établissements, associée au retour en grâce de l'exigence car on n'exige que de ceux en qui l'on croit. Les formations d'excellence, pour peu que tous puissent effectivement être accompagnés pour y accéder et y réussir dans les meilleures conditions ne sont pas la vraie cause des disparités constatées entre élèves à l'issue de la scolarité obligatoire. Nous redoutons même que certaines familles ne quittent nos établissements pour les retrouver dans d'autres réseaux, aggravant encore la situation.
Sur le plan pratique, nous relevons une contradiction entre l'affirmation de la nécessaire acquisition de compétences tout au long du cycle 4, validées par le palier 3 du socle, et le maintien en parallèle du diplôme national du brevet (DNB) sur les bases actuelles.
Je m'attarderai brièvement sur un axe de la réforme dont nous avons le sentiment qu'il est la généralisation d'expériences tentées sur de petits nombres : les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), dont les modalités de mise en oeuvre restent bien floues. Relevons au préalable que les six domaines à sélectionner, valider et auxquels les enseignants devront donner du contenu seront des sources d'inégalités tant en fonction des équipes que des conditions locales, géographiques et budgétaires. L'absence de temps de concertation institutionnalisé pèsera sur leur mise en oeuvre. La manière dont les équipes s'approprieront ces EPI ne manquera pas de différer d'un point à l'autre du territoire, tant sur les contenus choisis que sur la ventilation des domaines au long du cursus. Les premiers concernés seront les élèves amenés à changer d'établissement, pour lesquels il sera fort compliqué et même quasi impossible de repérer les points qui n'auront pas été étudiés. Cette évolution aggravera les disparités entre établissements en termes d'exigence comme de contenus au détriment des élèves les plus fragiles. Sans horaire dédié et sans cadre, dépendante des choix des équipes, l'histoire des arts est un bon exemple de ces écueils.
Sur le plan organisationnel, les établissements à fort effectif seront confrontés aux problèmes de nombre et d'espace, tandis que les autres devront compter avec les multiples postes partagés, qui sont autant d'éléments d'inégalité. À cela s'ajouteront les problèmes de postes qui, immanquablement, viendront interférer dans la réflexion pédagogique, particulièrement en période de baisse démographique comme en connaissent de nombreux collèges. Ces paramètres ne manqueront pas d'inciter les équipes à privilégier tel ou tel domaine pour éviter la fermeture d'un poste ou la création d'un complément de service dans l'établissement voisin. Est-on bien certain que l'élève sortira gagnant de ces arbitrages ?
En outre, il ne suffit pas de dire que les chefs d'établissement seront les garants de l'opération. Leur rôle est loin d'être clairement défini, il n'est que de constater le peu de place qui leur est accordé dans les textes publiés, voire dans les projets à paraître. En termes d'organisation du temps scolaire, notons encore que la prise en compte et la combinaison des EPI à rythme annuel, semestriel ou trimestriel, ajoutée aux « semaines interdisciplinaires », aux enseignements complémentaires, risque de se traduire par des emplois du temps particulièrement pesants pour les élèves. Et je ne mentionnerai que pour mémoire le travail supplémentaire induit pour les personnels de direction qui se fera forcément au détriment d'autres missions.
La rapidité avec laquelle la réforme doit se mettre en place, en une seule étape, risque de représenter un autre handicap. Avec des équipes enseignantes perplexes, réticentes, si ce n'est hostiles, qui devront toute l'année à venir et sans réelle formation préalable, se projeter et se montrer créatives, le climat a peu de chances de se révéler propice. D'autant que les délais impartis devront permettre les allocations de moyens début 2016 - autant dire demain.
En conclusion, ID-FO reste avant tout attaché à une éducation effectivement nationale, de qualité et qui se préoccupe de tous les élèves. Nous regrettons le flou qui préside à la mise en place d'une réforme essentiellement structurelle qui reposera in fine sur les personnels de direction, pourtant fort entendus dans cette démarche.
Mme Claudie Paillette, secrétaire nationale du Syndicat général de l'éducation nationale. - Le SGEN-CFDT a exprimé un avis favorable à la réforme du collège. Ses orientations correspondent à l'évolution du projet social et sociétal de la CFDT, notamment par rapport au constat du collège unique, qui, certes, a réussi la massification mais pas la démocratisation. Le collège n'est peut-être pas le « maillon faible » mais il est le « maillon souffrant », tant pour le personnel enseignant que pour les nombreux élèves qui échouent. En tant que principal de collège, j'ai souffert de voir des élèves arriver en 6e et décrocher très rapidement en raison de la manière dont sont organisés les enseignements.
La loi de refondation de l'école a défini clairement les objectifs de l'école obligatoire dans l'acquisition du socle commun de compétences, de connaissances et de culture, dans la définition des programmes et dans les critères d'évaluation.
La réforme du collège reprend certaines de nos propositions, telle la possibilité pour les établissements d'avoir la main sur une partie de l'élaboration de leurs parcours de formation. Les enseignements doivent être en partie communs et nationaux. Mais il est également intéressant de travailler en fonction des ressources locales, des compétences professionnelles des enseignants et de pouvoir tenir compte de la réalité des élèves. Nous sommes très attachés aux possibilités de modularité dans le cycle. L'évaluation systématique des acquis, de façon définitive, au niveau des classes de 5e, 4e et 3e freine incontestablement les élèves en difficulté dans leur réussite, par manque de temps pour apprendre.
Cette réforme attribue aux personnels enseignants un rôle d'expert plutôt que d'exécutant, la plupart d'entre eux ayant intégré le fait que tout est défini par le haut. Elle contribue ainsi à leur rendre le pouvoir d'agir sur l'organisation pédagogique, avec une marge de manoeuvre allouée aux conseils pédagogiques. Depuis longtemps, nous prônons la notion de collectif d'enseignants, véritable « outil de réflexion » au sein d'une équipe pédagogique dans laquelle, par ailleurs, le rôle d'accompagnement des cadres de l'éducation nationale nous semble prédominant. La réflexion sur les EPI ou les marges horaires, par exemple, devrait permettre de développer, au coeur de l'apprentissage, des projets collectifs, qui se situent aujourd'hui souvent à la périphérie de l'organisation pédagogique.
Notre syndicat s'inquiète des moyens qui seront mis en oeuvre l'année prochaine pour la formation des équipes et du temps qui leur sera réservé pour la concertation.
J'ajouterai pour conclure que l'école n'est qu'un élément de notre cohésion sociale, la réforme du collège ne dédouane ni l'État ni les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de la mixité sociale dans les établissements.
M. Patrick Roumagnac, secrétaire général du Syndicat de l'inspection de l'éducation nationale (SI.EN-UNSA). - Les faits sont têtus : malgré les multiples réformes, malgré les nouvelles connaissances dans les champs didactiques ou pédagogiques et malgré les outils numériques, notre école reste obstinément plus efficace à garantir la reproduction sociale qu'à aider les plus fragiles à réussir. Le rôle d'ascenseur social qu'elle aurait joué dans le passé est une image d'Épinal ; il a toujours été réservé aux élites.
C'est dans ce contexte que nous est proposée une réforme qui puise sa légitimité dans son aspiration à modifier en profondeur le fonctionnement du système éducatif et qui s'inscrit dans une approche systémique. Elle se situe dans le droit-fil de l'ambition affichée dans la loi de refondation de l'école et mérite mieux que les quolibets insensés que nous entendons depuis des semaines. Nous avons aujourd'hui besoin d'un véritable débat éducatif. Il s'agit de choisir entre le maintien d'une structure qui a prouvé son inefficacité - notre pitoyable « exception française » - en construisant patiemment l'échec scolaire et l'exclusion sociale, ou bien oser bousculer nos habitudes, nous orienter vers des solutions plus audacieuses et qui ont fait leurs preuves, qui nous permettront de faire société.
En 1975 déjà, nous avions la possibilité de mettre en oeuvre l'école fondamentale, héritière de la réflexion de Wallon et Langevin. Nous avons retenu le modèle du « petit lycée » pour un collège qui n'a jamais pu devenir unique. Puissions-nous ne pas réitérer cette erreur : errare humanum est, perseverare diabolicum. Je rappelle que cette orientation prend ses sources dans la pensée de Condorcet, synthétisée par Danièle Cosson-Schéré quand elle déclare que l'éducation a pour objectif que « le plus grand des savants et le plus modeste des individus, ayant reçu l'instruction élémentaire, ne soient plus séparés que par une différence de degrés ». Voilà qui est bien loin de l'idée de viatique culturel minimaliste !
Le SI.EN-UNSA affirme et assume résolument son soutien à une réforme indispensable pour tourner le dos aux dérives mortifères de notre système éducatif. Cette réforme est le seul espoir de redonner confiance à ceux qui feront la société de demain. Des valeurs aujourd'hui dépassées comme la solidarité seront peut-être demain la seule voie possible pour conserver l'espoir. Les inspecteurs du SI.EN-UNSA affirment leur soutien à une réforme qui ne va peut-être pas assez loin, mais qui prend le bon chemin.
M. Claude Desfray, co-secrétaire général du Syndicat des inspecteurs d'académie (SIA). - Fort de la connaissance des réalités des classes et de l'expertise pédagogique des inspecteurs d'académie - inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR), le SIA a adressé le 19 mai dernier une analyse et des propositions à la ministre. En cohérence avec la loi de refondation de l'école, la réforme prévoit la mise en place de trois types d'enseignement : l'enseignement disciplinaire, l'enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) et l'accompagnement personnalisé (AP). Nous ne pouvons que nous réjouir de la diversification de l'offre et des démarches pédagogiques, qui pourront garantir l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture par tous.
Pour autant, malgré la richesse de sa diversité pédagogique, la réforme tend à fragiliser cette ambition.
Le renforcement de l'autonomie des établissements, qui est la marque de cette réforme, s'accompagne d'un accroissement sensible du nombre de décisions devant être prises en matière d'organisation : sept contre une à deux aujourd'hui. Il s'agira de se prononcer, par exemple, sur la répartition des horaires entre les disciplines pour chaque niveau du cycle, l'organisation des EPI sur le cycle 4 ou encore l'organisation des enseignements artistiques sur l'ensemble du cursus. À défaut d'une solide formation en ingénierie pédagogique et de temps de concertation dédié, cette pléthore de concertation risque de détourner les enseignants du coeur de leur métier ainsi que d'induire des tensions.
Quant à l'interdisciplinarité qui aura lieu dans le cadre des EPI, les programmes proposés à consultation par le CSP ne déclinent pas de façon généralisée les huit thématiques prévues. Quelles problématiques peuvent-elles recouvrir ? Quels savoirs disciplinaires pourront y être convoqués ? Nous souhaitons des propositions concrètes, afin de se prémunir de la mise en oeuvre de projets aboutissant à des réalisations sans de solides apprentissages. Ainsi, l'augmentation du travail épistémologique des enseignants se fera aux dépens de leurs réflexions didactiques et pédagogiques.
En ce qui concerne la pluridisciplinarité, qui est au coeur de l'accompagnement personnalisé (AP) mis en oeuvre au lycée et en classe de sixième, nous considérons que le choix d'affecter cet horaire aux disciplines, plutôt que d'en faire un enseignement distinct, constitue un frein aux collaborations entre enseignants. Il risque également de faire perdre de vue la spécificité pédagogique de cet enseignement, qui deviendrait un simple complément disciplinaire.
En conclusion, le SIA demande la reprise des discussions sur la réforme du collège, en vue d'aboutir aux adaptations nécessaires.
M. Paul Devin, secrétaire général du Syndicat national des personnels d'inspection (SNPI-FSU). - Le collège, tel qu'il existe aujourd'hui, ne saurait être résumé à l'ennui des élèves, à un carcan de disciplines ou au désintérêt des professeurs à y traiter les difficultés des apprentissages. Ce serait trahir les efforts déployés au quotidien par les équipes enseignantes.
Que le collège ne parvienne pas à conduire tous ses élèves à la réussite ne peut suffire à le désigner comme le maillon faible du système éducatif. Ce serait ignorer qu'il est confronté à des problèmes spécifiques : ceux de l'adolescence et de ses comportements, de la disparité des acquis, mais également de la réduction progressive des moyens et des taux d'encadrement - déjà moins favorables que la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, le collège marque la réussite d'une volonté politique essentielle, celle de scolariser ensemble toute une génération d'adolescents et de développer pour eux les mêmes ambitions.
Nous ne considérons pas que la réforme actuelle puisse contribuer à lutter efficacement contre les inégalités, qui constituent le problème majeur du système éducatif. Cette position ne résulte en rien d'un conservatisme qui refuserait tout changement ; les raisons qui guident les opposants à cette réforme ne sont pas les mêmes, ne les agrégeons pas trop vite.
La première nécessité de réforme pour le collège est de permettre une mixité sociale réelle sur l'ensemble du territoire, et non seulement en supprimant quelques sections ou options, d'autant que celles-ci constituent souvent un vecteur de lutte contre l'évitement scolaire. Cette mixité exige une politique déterminée, volontaire et courageuse.
La seconde nécessité est de donner au collège des moyens à la hauteur de l'ambition que nous portons pour tous ses élèves. Lorsque l'on nourrit une telle volonté, il faut en assumer les coûts. Or la rationalisation budgétaire a été portée par un discours de relativisation des moyens, qui prétend que la qualité n'aurait aucune relation avec les moyens consacrés à l'action. Mais peut-on décréter l'aide personnalisée quand les moyens ne permettent pas le dédoublement des classes ? Il en va de même pour les effectifs des classes, la formation continue, ou encore le recrutement des enseignants, qui connaissent une baisse de leur pouvoir d'achat et la dégradation de leurs conditions de travail.
Les aménagements de la réforme ne relèvent en rien d'une révolution pédagogique. S'il est souhaitable de développer la concertation au sein des équipes et l'interdisciplinarité, cela nécessite d'identifier des problématiques dont la résolution fait appel à des concepts issus de plusieurs champs disciplinaires ; il s'agit d'un exercice complexe qui exige une formation adaptée des enseignants.
Faute de volonté de consacrer à l'éducation les moyens nécessaires, la réforme s'appuie sur des volontés d'évolution institutionnelle qui n'apporteront aucune amélioration. La première est l'autonomie des établissements, dont certains affirment dogmatiquement qu'elle contribuera à la réussite des élèves, refusant de tirer parti des bilans désastreux des expériences suédoises et britanniques. Ne procédant pas de la seule réflexion des équipes enseignantes, les organisations nouvelles mises en oeuvre - AP et EPI - vont devoir se conformer à des dotations horaires disciplinaires qui parfois s'avéreront incohérentes avec ces projets. Il faudra trancher et parfois sans ménagement. En résultera-t-il réellement une meilleure coopération des enseignants ?
Nous voulons réformer le collège et ainsi rompre les liens qui unissent inégalités sociales et inégalités scolaires. Mais nous savons que cela nécessite une politique qui ne peut se contenter d'affirmer des valeurs mais qui doit conduire les choix budgétaires nécessaires. À défaut, nous continuerons l'empilement des réformes et nous constaterons l'accentuation des fractures sociales. La pédagogie comme la qualité professionnelle des enseignants sont déterminants ; en revanche, il y a un point critique où elles risquent de n'être plus que cautère sur jambe de bois. Il est notre devoir de le dire à la représentation nationale.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire. - Personne ne nie la nécessité d'une réforme du collège. Toutefois est-ce cette réforme qui va permettre de régler le problème de la liaison entre les inégalités sociales et les inégalités scolaires dans un pays où le déterminisme social est fort ? La vraie réforme à mener ne se trouve-t-elle pas au niveau de l'acquisition des fondamentaux lors du premier cycle ?
J'ajouterai que chacun reconnaît la nécessité des enseignements interdisciplinaires. Toutefois, le fait que le temps d'enseignement de ces EPI soit pris sur les enseignements disciplinaires ne pose-t-il pas problème ?
En matière d'autonomie des établissements, cette réforme va dans le bon sens, quoique pas suffisamment loin. En 2011, j'avais proposé de substituer à l'évaluation individuelle des enseignants par les inspecteurs une évaluation collective des établissements. Les enseignants auraient été en partie évalués par le chef d'établissement. Qu'en pensez-vous ? Ne faudrait-il pas confier la présidence des établissements à une personne extérieure, comme dans l'enseignement agricole ?
Concernant la remise en cause des filières d'excellence. Pourquoi supprimer des dispositifs qui fonctionnent ? Je pense aux classes bilangues, au latin et au grec ainsi qu'à d'autres disciplines. Cela ne va-t-il pas au contraire accroître les inégalités ?
Je terminerai par la question de l'orientation. Comment pourrions-nous mettre en place une réelle individualisation des parcours afin de passer d'une orientation aujourd'hui subie à une orientation plus positive ?
M. Jacques-Bernard Magner. - On entend parfois certaines formations politiques réclamer que les chefs d'établissements recrutent eux-mêmes les professeurs. Qu'en pensez-vous ? En outre, que pensez-vous de la liaison mise en place au sein du cycle trois entre les cours moyens et la classe de sixième ?
Mme Colette Mélot. - Je partage l'avis selon lequel la réforme est nécessaire. À ce stade, je voudrais insister sur la pertinence des classes bilangues et des classes européennes. L'efficacité de ces voies n'est plus à démontrer. Je voudrais également mettre l'accent sur l'importance de l'enseignement de l'allemand. Je rappelle que la France et l'Allemagne se sont engagées, lors du cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée, à favoriser l'enseignement de la langue du partenaire européen. C'est pourquoi il me semble qu'une réflexion devrait être menée autour de cet engagement, afin de présenter l'Allemagne et sa langue à tous les élèves, comme il est question de présenter la culture latine et grecque puisqu'il s'agit des origines de notre culture.
Mme Marie-Christine Blandin. - Les écologistes retiennent des temps forts comme les demandes de formation continue, les demandes de temps pour les équipes pédagogiques et un plus grand rôle dévolu aux conseils pédagogiques. Dans cet esprit, les chefs d'établissement vont-ils prévoir un temps de lecture commune, en vue d'une appropriation de la réforme par tous les enseignants pour la rentrée ? Et vont-ils, dans l'élaboration de leurs emplois du temps, pouvoir laisser une place plus grande à l'identification des équipes pédagogiques, qui auront un rôle accru en particulier pour les EPI ? Quelles sont vos aspirations quant au calendrier de mise en oeuvre de cette réforme ? Enfin, les corps d'inspection prévoient-ils des évolutions de leurs pratiques afin de faciliter l'accompagnement des enseignements dans la mutation prévue par la loi, les programmes et par la réforme ?
Mme Françoise Laborde. - Mon propos rejoint quelque peu celui de ma collègue. La formation des enseignements pour la rentrée 2016 est le point qui m'inquiète particulièrement. Qu'en pensez-vous ? Enfin, ne pensez-vous pas que cette réforme est l'occasion de réformer voire de supprimer le brevet des collèges ?
M. Patrick Abate. - Le temps accordé aux élèves et le nombre d'élèves par classe me semblent être des points primordiaux. Ma question sera très concrète. Dans une situation à moyens équivalents ou supplémentaires, est-il possible d'imaginer que dans un collège, du fait de l'autonomie, de la pluridisciplinarité, de l'aide personnalisé, il puisse y avoir des classes d'une dizaine d'enfants lorsque cela est nécessaire, afin de leur donner du temps et des classes à l'effectif bien plus important pour les enfants ayant plus de facilités ? De la même manière, peut-on imaginer, dans un même bassin d'emploi, dans une même région mêlant des collèges défavorisés et des collèges plus favorisés, qu'il y ait dans certains collèges des classes à faibles effectifs et dans d'autres des classes à effectifs importants ? Ou est-ce plus simple d'avoir uniquement des classes d'une trentaine d'élèves ?
M. Claude Desfray. - Concernant la formation des enseignants, nos recteurs nous ont réunis et un calendrier a été établi. Il est prévu que la formation ait lieu par districts et en deux temps. Tout d'abord, les professeurs représentants les conseils pédagogiques seront formés en janvier-février 2016 sur les nouveaux programmes, puis l'ensemble des professeurs recevront une formation au dernier trimestre de l'année scolaire 2015-2016.
Mme Claudie Paillette. - Nous sommes favorables à une évolution très forte concernant les modalités d'évaluation des personnels. Le ministère doit ouvrir ce chantier. Les chefs d'établissement n'ont pas, selon nous, la compétence pédagogique qui leur permettrait d'évaluer les personnels. Nous pensons également que le chef d'établissement ne doit plus être le président des conseils d'administration car il représente l'État, ce qui a tendance à transformer les conseils en chambre d'enregistrement. Toutefois, la présidence du conseil d'administration ne devrait pas pour autant être confiée à une personnalité extérieure.
M. Michel Richard. - Nous sommes favorables à une réforme du brevet des collèges car cet examen n'a cessé de se complexifier et ne correspond plus à la logique de validation du socle commun.
Il faut travailler à la préparation de la rentrée 2016 dès que possible. Pour notre part, nous considérons que les enseignants doivent être valorisés en tant que cadres et donc associés à la conception et à la mise en oeuvre de la réforme.
Nous avons une position différente concernant la présidence des conseils d'administration. Pour nous il est indispensable que les chefs d'établissements président les conseils, car c'est un principe général d'organisation des établissements publics et le système fonctionne.
Nous estimons que l'excellence est une nécessité pour le service public. Mais la priorité doit être de concilier la bienveillance avec la recherche de l'exigence.
M. Didier Laffeach. - Le débat existe au sein de notre organisation, concernant la présidence des conseils d'administration. Mais nous sommes majoritairement favorables au maintien de la présidence par le chef d'établissement. La référence aux établissements agricoles ne nous semble pas complètement pertinente car le représentant extérieur qui préside leur conseil est toujours un membre actif au sein du monde agricole. Pour les collèges, il reste encore à trouver le profil qui pourrait correspondre.
Nous sommes résolument hostiles au recrutement des professeurs par les chefs d'établissement car cela créerait une concurrence entre les établissements pour attirer les meilleurs profils et amènerait les enseignants à arrêter leurs choix d'affectation en termes de carrière et d'intérêt personnel, fragilisant d'autant les zones les plus difficiles.
À propos de la formation des enseignants, le phasage proposé par le ministère est délicat car la préparation d'une rentrée se fait en janvier et non au mois de juin. La vie des établissements va ainsi être rendue difficile.
Mme Claudie Paillette. - Nous ne sommes pas favorables au maintien du brevet, car le collège doit être consacré à la validation du socle commun.
Concernant la gestion du corps professoral, nous proposons que les critères retenus pour les mutations professionnelles tiennent compte à la fois des aspects géographiques et des projets d'établissement. Il serait cohérent de développer les programmes par cycles et de permettre aux enseignants de conduire jusqu'à leur terme les projets, conçus le plus souvent sur trois ans, avant de changer d'établissement. Concernant la réforme, il nous semble indispensable de développer la formation dès que possible dans les établissements pour préparer la rentrée 2016.
M. Paul Devin. - Tout à l'heure, j'entendais dire que le collège unique avait vécu. Pour ma part, je ne le souhaite pas ! Le collège, comme lieu unique dispensant la même formation à chaque élève, doit demeurer le fondement de notre politique scolaire et de toute réforme qui s'y attacherait.
S'agissant du recrutement des personnels enseignants par les chefs d'établissement, pour avoir longtemps travaillé en Seine-Saint-Denis, je vous affirme qu'il conduirait à ce que, dans ce département, l'enseignement ne soit plus dispensé que par des contractuels ou par des professeurs inexpérimentés. Le mécanisme naturel de déplacement des enseignants, couplé à une liberté des chefs d'établissement en matière de recrutement conduirait à un déclassement des territoires les plus fragiles, contraire à la démocratisation du système scolaire comme à l'objectif de réussite de tous les élèves.
Je partage, par ailleurs, la position défendue par M. Richard concernant la présidence du conseil d'administration des établissements : elle doit demeurer au chef d'établissement, représentant de l'État, au risque de fragiliser l'ensemble du système.
Je terminerai par la question de la formation des enseignants, qui rejoint, selon moi, celle des moyens qui y sont alloués. La réforme, et notamment la mise en oeuvre de la liaison prévue entre la classe de CM2 et le collège, demande une formation et un accompagnement accrus des professeurs. Or, les moyens consacrés à la formation continue n'ont cessé de diminuer, au point qu'elle a quasiment disparu dans certains territoires.
M. Patrick Roumagnac. - Je m'avoue impressionné par le consensus qui se dégage autour de la nécessité d'une réforme. Mais celle-ci sera-t-elle suffisante pour pallier les maux dont souffre le collège ? Tant de réformes ont déjà été tentées ! D'ailleurs, que convient-il réellement de réformer ? Depuis quarante ans, les études en sciences sociales montrent que nombre d'apprentissages sont extérieurs à l'école. À mon sens, une réforme efficace doit d'abord apprendre aux élèves à s'approprier et à comprendre les informations reçues par l'ensemble des canaux d'apprentissage, notamment les images, parfois dangereuses, véhiculées par la télévision et par l'Internet. La réforme de l'école ne doit pas être le seul fait des spécialistes mais l'affaire de tous les citoyens : nous sommes tous responsables de l'échec comme de la réussite des élèves. Ainsi, il me semble utile d'associer les élus dans la construction d'une politique éducative à l'échelle des territoires. Cette proposition n'est pas une utopie ; de tels partenariats existent déjà. Il est temps d'en dresser le bilan et de s'inspirer des réussites qui auront été observées. Cessons le dogmatisme autour de l'idée que l'école peut et doit tout faire et associons-nous pour la réforme ! La réforme me semble également devoir englober l'ensemble des niveaux jusqu'aux études supérieures. Le lien entre le collège et le lycée doit à cet égard être approfondi. De même, dans la mesure où peu d'élèves cessent leurs études au baccalauréat, un travail approfondi doit être mené pour faciliter le passage entre le lycée et les études supérieures. Vous l'aurez compris, je suis favorable au développement des synergies et souhaite que cesse enfin l'isolation dans laquelle s'est trop longtemps complu l'éducation nationale.
Mme Vivette Lopez. - Je rejoins les propos tenus par MM. Devin, Roumagnac et Carle. Pour remédier à ce constat, il est indispensable que les élèves maîtrisent les fondamentaux à l'issue de l'école primaire. À cet égard, la suppression du redoublement, décision démagogique pour les élèves comme pour les parents dont on ne souhaite pas blesser l'ego, me semble constituer une grave erreur. Le redoublement n'était pas une punition mais une seconde chance donnée aux enfants pour lesquels l'apprentissage nécessitait un temps plus long. Sa suppression va conduire un nombre encore plus grand d'élèves à entrer en sixième sans maîtriser les savoirs fondamentaux ; ils ne pourront dès lors qu'échouer au collège. À l'inverse, pour les enfants qui s'ennuient à l'école en raison de leur maîtrise précoce des connaissances, le saut d'une classe est souhaitable.
S'agissant enfin de l'apprentissage des langues, je rappelle que celles-ci sont parfaitement maîtrisées, et ce dès le plus jeune âge, par les enfants des familles bilingues comme par les enfants habitant dans des zones frontalières, et dont l'école primaire propose un enseignement en langue étrangère un à deux jours par semaine. Cette expérience pourrait être généralisée dès la maternelle sur l'ensemble du territoire national afin d'assurer le bilinguisme de tous les élèves.
M. Jacques Grosperrin. - Votre discours unanime de défense du collège unique est certainement le fait des fonctions que vous occupez. Pourtant, au vu de ses résultats et du nombre d'élèves qui le quitte sans maîtriser le socle commun, il me semble que ce modèle a vécu, même s'il demeure un symbole et sa suppression un tabou. N'est-il pas temps de sortir de nos postures antagonistes et d'envisager un collège unique plus souple ?
Vous demandez, monsieur Devin, à ce que des moyens supplémentaires soient consacrés à la formation des enseignants. Supprimons le diplôme national du brevet (DNB) et nous pourrons y allouer les 4,5 millions d'euros ainsi épargnés.
Je m'étonne également qu'aucun d'entre vous n'ait fait mention du décret pris à la va-vite, au lendemain d'une manifestation, pour mettre en place une réforme pour le moins contestée. Outre la méthode, cette réforme, qui supprime les options synonymes d'excellence et à propos de laquelle on envisagea un temps de la disparition de la notation, me semble par trop empreinte d'idéologie. La bienveillance, dont vous avez fait état, monsieur Richard, a ici dépassé les limites du raisonnable, tant et si bien que les meilleurs élèves, les plus travailleurs et les plus ambitieux, n'iront plus dans les collèges dits « difficiles » qui les attiraient encore en raison des options qu'ils proposaient. La concurrence avec les établissements privés, qui continueront à dispenser ces enseignements d'excellence, ne fera que croître au détriment du service public, je le crains.
Je suis enfin surpris de votre refus unanime de voir les chefs d'établissement noter leurs enseignants. Pourtant, qui d'autre qu'eux serait mieux placé, notamment s'agissant de l'évaluation de l'implication de chaque professeur dans la vie scolaire ? Plus globalement, de quelle manière pourrait, selon vous, être amendée, pour plus d'efficacité, la réforme du collège ?
M. David Assouline. - Cette audition souligne la confusion entre deux types de débat : d'un côté, le débat sociétal et idéologique sur l'école tel qu'il est présenté par M. Grosperrin, et sur lequel nous ne pourrons jamais nous entendre ; de l'autre, le débat concret sur la mise en oeuvre de cette réforme. À cet égard, je tiens à souligner l'influence des chefs d'établissement et de l'équipe enseignante sur l'attractivité de leur collège. Vous aurez donc un rôle fondamental dans l'application concrète de la réforme et la mise à plat des inévitables difficultés. Une expérience similaire a déjà été faite lors de la réforme des rythmes scolaires. Il y avait un consensus sur la nécessité de dégager du temps pour l'apprentissage, mais lorsqu'il a fallu mettre en oeuvre la réforme, le changement a été plus difficile qu'attendu. J'en viens donc à ma question : maintenant que la réforme du collège est lancée à travers la publication des textes d'application, pensez-vous disposer d'assez de temps pour la rendre opérationnelle d'ici la rentrée 2016 ?
Mme Marie-Annick Duchêne. - Je ne vois pas qui est le représentant de l'État dans un conseil d'établissement. Ce sont les collectivités territoriales qui sont représentées : les régions dans les lycées, les départements dans les collèges et les communes dans les écoles. Cette précision faite, je rejoins la question de M. Patrick Abate : dans le cadre de l'autonomie accordée aux établissements, sera-t-il possible de créer des petits groupes pendant les trois heures d'enseignement interdisciplinaire ? Par ailleurs, comment s'effectuera désormais la liaison, au sein du cycle 3, entre l'école élémentaire et le collège ?
Mme Françoise Cartron. - Cette réforme du collège est une réforme de société. Elle a pour ambition de ne plus accepter ce qu'on accepte depuis des années, à savoir que 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification puis soient lâchés ainsi dans la jungle du monde professionnel sans aucun atout. Il ne s'agit pas de porter atteinte à l'excellence ou à l'élite. Je dirais d'ailleurs de manière un peu provocante que les excellents élèves n'ont pas besoin de l'école, car comme il a déjà été fait remarquer auparavant, on apprend également en dehors de l'école. Toutefois, on apprend également avec ses pairs. Face aux inégalités sociales qui existent d'un collège à l'autre, est-ce que la vraie réforme ne serait pas de s'attaquer aux politiques d'affectation dans les établissements scolaires, qui, facilitées par l'assouplissement de la carte scolaire, aboutissent à des ghettos dans les deux sens ? Le rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO) sur la mixité sociale à l'école rappelle qu'en France, des élèves issus d'un milieu très défavorisé ne rencontrent que 5 % d'enfants en provenance de classes moyennes. Il nous faut donc repenser la sectorisation, mais également lutter contre les pratiques qui conduisent à des ségrégations entre les classes. Nous devons nous attaquer à cette tâche très difficile qui consiste à introduire une véritable mixité, une véritable hétérogénéité dans les collèges.
Mme Maryvonne Blondin. - Je reviens sur l'importance de la stabilité des équipes afin que la mise en place de pratiques nouvelles porte ses fruits. Malheureusement, la gestion des ressources humaines au niveau du ministère de l'éducation nationale est compliquée et susceptible d'amélioration. Ma première question porte sur le conseil pédagogique : certains enseignants craignent que l'influence décisive du chef d'établissement sur le choix des EPI se fasse au détriment des langues régionales. Ces préoccupations sont renforcées par le fait que les enseignants de langues régionales sont parfois détachés sur plusieurs collèges, ce qui réduit leur poids dans le conseil pédagogique. Par ailleurs, j'attire l'attention des inspections académiques chargées d'établir la nouvelle carte des langues vivantes d'ici la fin de l'année sur la nécessité de prendre en compte les langues régionales, défendues par le Président de la République à travers sa proposition de ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires.
M. Michel Savin. - Je suis surpris que les représentants de chefs d'établissement présents aujourd'hui n'aient pas abordé le problème de la discipline et de la sécurité. Pour assurer des enseignements de qualité, il faut pouvoir garantir la sécurité des élèves et des enseignants. Se pose donc le problème des élèves en situation de rupture, qui sont exclus successivement des différents collèges jusqu'à la fin de leur scolarité obligatoire. En tant que maires, nous sommes sollicités par les chefs d'établissement qui rencontrent des difficultés à la fois à l'intérieur du collège, mais également à l'extérieur.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaiterais tout d'abord préciser à M. Michel Richard qui a comparé le président du conseil d'administration d'un collège à un maire, qu'un maire est élu par les citoyens et par le conseil municipal. Sinon, je soutiens le principe prôné par M. Paul Devin selon lequel il faut avoir la même ambition pour tous les élèves au collège. Je rappelle qu'avant la création du collège unique, les élèves étaient enfermés dans des filières alors même que leurs performances pouvaient évoluer au cours de la scolarité. Il est également très important de tenir compte du niveau, des compétences et des capacités des élèves pour adapter la pédagogie aux spécificités de chacun. Cela signifie, bien entendu, aider ceux qui sont en difficulté pour éviter qu'ils sortent sans diplôme ou qualification. J'ai été heureuse d'entendre parler de la réduction des effectifs par un intervenant : elle ne permettra pas de résoudre tous les problèmes mais il est évident que ce sont les enfants les plus en difficulté qui souffrent le plus des classes surchargées.
Ma question porte sur le brevet : à titre personnel je suis favorable au maintien du brevet car cela entraîne les élèves à passer des examens. Il faut donc le considérer dans son rôle d'entraînement au baccalauréat, pour lequel l'enjeu en matière d'orientation est beaucoup plus important. Certes, il existe la validation du socle commun de compétences, mais le brevet permet de tester le niveau de l'élève en situation d'examen.
Mme Mireille Jouve. - Je partage le point de vue de M. Roumagnac sur le fait que l'éducation ne se fait pas seulement au collège. Par contre, je pense qu'il est nécessaire de prendre en compte la vie des collégiens dans leur globalité : les conditions d'accueil, la vie scolaire, les transports, la restauration, la sécurité ...
Ma question porte sur les professeurs documentalistes dont le rôle est important dans la mise en place des EPI. Une réflexion a-t-elle été engagée sur la place des centres de documentation et d'information (CDI) au sein des collèges ? Ces derniers ont un rôle à jouer dans la formation à l'Internet et aux médias.
M. Michel Richard. - Nous sommes opposés au redoublement. Il ne peut se faire que dans le cadre d'une modification profonde des méthodes pédagogiques pour être efficace. L'élève qui a échoué une première année sera confronté au même dispositif et aboutira au même échec.
Quelle évolution pour la réforme ? Elle doit permettre une mise en oeuvre rapide pour répondre aux besoins de notre société. Nous formons les citoyens de demain et nous avons tous une responsabilité à partager.
Sur les effectifs, nous pensons que ce sont plutôt les méthodes pédagogiques qui ont de l'importance, plutôt que les seuls effectifs. Nous pensons que l'individualisation est préférable. En ne jouant que sur les effectifs, nous serions confrontés à des problèmes matériels de dimension des établissements.
En ce qui concerne la sécurité et la discipline, nous savons, depuis les travaux menés par Éric Debarbieux, qu'il est important de travailler sur le climat de l'établissement. Il est toujours préférable d'être dans une démarche où l'on doit convaincre plutôt que contraindre, sans oublier de sanctionner quand la démarche de conviction n'a pas fonctionné.
Enfin, nous pensons que le brevet n'a plus de raison d'être. Cet examen s'est terriblement complexifié et son organisation est très lourde pour les établissements. Nous pensons qu'il est préférable pour les élèves de bénéficier d'heures d'enseignement que de se disperser pour un diplôme qui ne débouche sur rien !
M. Guy-Dominique Kennel. -. Vous faites partie de la hiérarchie de l'éducation nationale. Vous en êtes les courroies de transmission. Or, selon un sondage récent, environ 74 % des enseignants sont opposés à cette réforme. A-t-elle été mal expliquée ?
Je ne vous ai pas entendu parler d'orientation : si le module « initiation à la vie économique » n'est pas choisi, qu'en sera-t-il ?
Mme Claudie Paillette. - Il me semble difficile que les personnels de direction expliquent une réforme alors que les textes sont en cours de publication et que la désinformation par la vague médiatique a pu inquiéter.
D'où l'importance pour les établissements de disposer d'un temps d'appropriation de la réforme en cette fin d'année. Il nous faut organiser et impulser le travail collectif.
Nous partageons le point de vue de M. Richard sur le redoublement. Refaire la même chose dans les mêmes conditions ne sert à rien. Nous sommes, par contre, partisans d'une progression par cycle dans laquelle l'évaluation de l'élève arriverait en fin de chaque cycle. Se tromper permet de se construire. À niveau égal, l'élève qui est resté dans sa classe d'âge fait plus de progrès que celui qui a redoublé.
Sur les effectifs, les marges horaires qui sont données par la réforme aux établissements permettront d'organiser des apprentissages en groupes restreints ou de faire intervenir deux professeurs pour un même groupe d'élèves. D'expérience, je sais que regrouper les enfants qui ont des difficultés ne crée pas une dynamique propice à l'apprentissage.
Il nous semble important et urgent, dans le cadre de la carte scolaire et du recrutement, de travailler sur la mixité sociale. Mais ce n'est pas le sujet de la réforme du collège !
Les élèves apprennent aussi beaucoup en dehors de l'école. Et ceux sont les plus favorisés qui apprennent le plus en dehors de l'école. Aussi, nous pensons qu'il faut utiliser les moyens de l'école pour ceux qui en ont le plus besoin.
D'autre part, le travail entre pairs est nécessaire, y compris pour les bons élèves. La solidarité et la coopération sont essentielles au sein d'un établissement scolaire. Il faut éviter l'esprit de compétition et de concurrence, nuisible au climat scolaire. Il faut redonner espoir et confiance aux élèves. L'évaluation des élèves doit se faire sur leurs progrès plutôt que sur leurs manques.
M. Didier Laffeach. - Je rejoindrais la position de mes collègues sur le redoublement. Sauf cas extrêmement particulier, le redoublement reste un échec et n'est en aucun cas un remède. En revanche, nous sommes favorables à l'individualisation et à l'analyse des difficultés de chaque élève. Une des difficultés de notre école, c'est le manque de temps.
S'agissant de l'apprentissage des langues, je voudrais vous alerter sur l'extrême pauvreté de la formation continue des professeurs de langues. Les enseignants en langues ont une formation jusqu'à l'université après laquelle tout dépend de leur choix personnel d'aller à l'étranger ou non. Les formations proposées par les académies sont techniques et la formation sur la langue parlée est insuffisante. Si l'on veut développer l'apprentissage des langues, l'État doit se demander comment former en continu ces enseignants, en leur donnant la possibilité de retourner étudier dans le pays dont ils enseignent la langue. Dans le primaire, les situations sont très hétérogènes et les enseignants nous disent bien que cela n'est pas leur discipline essentielle, ni leur quotidien. Nous sommes loin du « bain de langage » que vous évoquiez !
Concernant les effectifs, plus l'hétérogénéité est grande, plus la possibilité de prendre en charge des élèves en nombre restreint, est un moyen de faire progresser les élèves.
Sur la sécurité et la discipline, il faut relativiser les choses : dans la plupart des établissements, on travaille et les élèves aussi.
Je pense que nous avons, aujourd'hui, un vrai problème de société. Le modèle présenté aux adolescents n'est pas celui de l'élève qui réussit grâce à l'école. Selon le parcours personnel des parents, ceux-ci ne tiennent pas le même discours à leurs enfants sur l'importance de la réussite scolaire. Pour beaucoup d'enfants, l'école signifie l'échec. Or, je pense que toute société doit valoriser la réussite scolaire. Apprendre est une richesse.
Enfin, le terme de courroie de transmission me paraît un peu désobligeant. De toute façon, nous sommes tous les courroies de transmission de quelqu'un. Nous avons à la fois un rôle d'animateur et un rôle de représentant de l'État. Nous n'avons pas encore « digéré » la réforme du collège, comment voulez-vous qu'on la « régurgite » à nos collaborateurs ?
M. Patrick Roumagnac. - Personnellement, je comparerais ma fonction à celle d'une interface plutôt qu'à celle d'une courroie de transmission.
Nous représentons ici trois corps d'encadrement qui n'ont que peu de contact entre eux, ce qui pose problème. Jusqu'à présent, les différentes réformes ont eu pour effet d'ajouter, à chaque fois, un peu plus de complexité de notre organisation. Or cette complexité est mal vécue par les élèves les plus fragiles et par leurs parents. Nous devrions avoir le courage de procéder au choc de simplification nécessaire à notre système éducatif.
Par ailleurs, la formation des enseignants est calquée sur le modèle de la formation des élèves ; il s'agit d'une formation strictement descendante où l'expert apporte son savoir à celui qui ne sait pas. Les enseignants sont des cadres de catégorie A ; ils doivent être acteurs de leur formation et s'approprier la réforme. Toute autre façon de procéder ne peut conduire qu'à un échec : quelqu'un a-t-il vu mis en oeuvre les cycles d'enseignement, pourtant prévus par la loi d'orientation de 1989 ?
M. Paul Devin. - Méfions-nous des fausses bonnes idées : créer des classes de quinze élèves en difficulté d'une part et des classes de quarante bons élèves d'autre part, dans une démarche de discrimination positive, ne satisfait pas les exigences de mixité sociale. Or, la mixité sociale constitue aujourd'hui un enjeu majeur pour la réussite de tous.
De même, alors que le redoublement paraît être fondé sur un principe de bon sens, nous avons des armoires pleines de rapports indiquant qu'il n'est pas bénéfique aux élèves. L'école est un système complexe : la bonne idée n'existe pas en matière d'éducation.
Les représentants syndicaux que nous nous sommes avons à coeur d'assurer loyalement notre mission de fonctionnaires de l'État, mais nous nous devons de réagir lorsqu'une réforme ne semble pas prendre en compte suffisamment la complexité des choses. Nous regrettons que nos remarques aient été présentées comme des objections superficielles nées d'un simple manque d'explication de la hiérarchie, ou d'une insuffisante compréhension des personnels, dont le refus quasi-généralisé de la réforme devrait être mieux pris en compte.
M. Claude Desfray. - Je ne réfute pas les termes de courroie de transmission dans la mesure où nous devons veiller à ce que soient maintenue à la fois une certaine souplesse et une certaine tension pour que la mécanique du système éducatif fonctionne.
Il est maintenant admis que l'instruction ne relève pas de l'école seule et que l'éducation n'est pas de la responsabilité des seuls parents. S'agissant des valeurs de la République, si la liberté et l'égalité sont assez souvent évoquées dans les établissements, le concept de fraternité l'est moins.
Peu de chefs d'établissements revendiquent la possibilité de recruter et d'évaluer leurs enseignants, tant il est vrai qu'ils ignorent ce qui se passe dans les classes : un professeur ponctuel distribuant des bonnes notes dans une classe calme et silencieuse peut avoir des insuffisances professionnelles que seul un inspecteur est en mesure de détecter et d'évaluer. La note administrative et la note pédagogique procèdent de deux logiques différentes et nous avons observé à ce sujet un certain nombre d'échecs dans des pays qui souhaiteraient désormais se doter d'un corps d'inspecteurs disciplinaires comparable au nôtre.
M. Jean-Claude Carle, président. - En conclusion, je souhaitais rappeler les propos de M. Roumagnac indiquant que « la réforme ne doit pas être une réforme de spécialiste, mais qu'elle doit être l'affaire de tous les citoyens » et, sur la méthode, à ceux de M. Richard préconisant de « convaincre plutôt que de contraindre ».
Transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur - Examen, en nouvelle lecture, de l'amendement au texte de la commission
La commission examine, en nouvelle lecture, l'amendement sur le texte de la commission n° 478 (2014-2015) portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur, dont le rapporteur est M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Le Gouvernement a déposé un amendement visant à revenir sur le fameux « ticket » que nous avons proposé et qui permet de lier l'élection du président de l'université et celle des deux vice-présidents de pôle universitaire régional afin de donner cohérence et solidité à la gouvernance de l'université. L'initiative du Gouvernement nous semble totalement contraire à l'intérêt de l'université des Antilles, de ses étudiants et de ses professeurs. Avis défavorable.
Mme Dominique Gillot. - Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur ce sujet à de nombreuses reprises. Cet amendement gouvernemental est un mauvais service rendu à l'université des Antilles, alors que nous souhaitons tous oeuvrer pour l'unité, la croissance et la valorisation de cet établissement. Il me semble toutefois inutile d'engager une querelle stérile qui risque de retarder l'adoption de statuts définitifs pour l'université. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Jean-Claude Carle, président. - Nous examinerons donc ce texte en séance cet après-midi à 17 heures 40.
Communications diverses
M. Jean-Claude Carle, président. - Je vous signale qu'en raison de changements intervenus dans l'ordre du jour du Sénat, l'examen du rapport pour avis de Mme Françoise Férat sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, initialement prévu mercredi prochain, est reporté au mercredi 1er juillet. Mercredi 17 juin, le bureau de la commission se réunira à 8 heures 30. Puis, notre réunion du matin sera consacrée à l'audition de M. Loïc Depecker, récemment nommé délégué général à la langue française et chargé de préfigurer la future Agence de la langue française. Ce même jour, Mme la présidente recevra à 15 heures M. Jean-Marie Cavada, député européen. Consacrée à l'harmonisation du droit d'auteur en Europe, cette rencontre est ouverte à l'ensemble des membres de la commission.
La réunion est levée à midi.