Jeudi 4 juin 2015

- Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi - Audition de Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

La délégation auditionne Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - En attendant l'arrivée imminente de Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), nous allons engager la discussion avec Marie Becker, cheffe de projet au CSEP, qui va nous aider à y voir plus clair sur les incidences, en matière d'égalité entre femmes et hommes, du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi que l'Assemblée nationale a modifié en première lecture le 2 juin dernier. Mme Becker nous parlera plus précisément des dispositions relatives au sexisme en entreprise avant que Mme Grésy n'aborde le sujet des négociations sur l'égalité professionnelle.

Une disposition précise a suscité une opposition très médiatisée : il s'agit de l'article 14 qui, dans la version initiale du projet, supprimait des dispositions qui avaient été ajoutées à l'article L. 2242-2 du code du travail par la loi du 4 août 2014 pour permettre une analyse de situation comparée dans l'entreprise.

Je voudrais néanmoins mentionner que certaines dispositions de ce texte semblent favorables aux femmes, comme par exemple la prime d'activité, destinée à remplacer la prime pour l'emploi et la composante activité du RSA.

Cette mesure pourrait être favorable aux actifs ayant des revenus modestes, dont une importante proportion - on le sait bien - sont des femmes, et aux familles monoparentales, elles aussi en majorité féminines.

À cet égard, la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale a préconisé d'exclure les pensions alimentaires des ressources prises en compte pour déterminer l'égibilité à la prime d'activité. Cette mesure semble de bon sens.

Nous savons que le CSEP n'a pas rendu d'avis sur ce point précis et que celui-ci n'est pas à notre ordre du jour mais il me semblait important d'évoquer aussi ce matin cette disposition du projet de loi.

Pour le reste, nous attendons de vous que vous nous fournissiez des éclaircissements sur les modifications introduites à l'Assemblée nationale.

Pensez-vous que le projet de loi, tel qu'il nous est transmis par les députés, soit de nature à apaiser toutes les inquiétudes qu'il a suscitées ?

Mme Marie Becker, cheffe de projet au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP). - Le CSEP a été saisi sur certains articles du projet de loi, à savoir l'article 5 relatif à la parité, l'article 13 relatif à la base de données uniques (BDU) et la consultation du comité d'entreprise en matière d'égalité professionnelle et l'article 14 relatif à la négociation sur ce sujet, sur lesquels nous avons émis un avis.

Par ailleurs, sur la question du sexisme en particulier, le CSEP a rendu, le 6 mars dernier, à la ministre en charge du droit des femmes, un rapport sur le sexisme dans le monde du travail, qui a été l'occasion de formuler 35 recommandations.

Parmi celles-ci, la codification, dans le code du travail, des agissements sexistes, nous tient particulièrement à coeur.

La loi du 27 mai 2008 a transposé en droit français deux directives européennes de 2002 et 2006, selon lesquelles la discrimination inclut également tout comportement subi par une personne en raison de son sexe ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité et de dégrader son environnement de travail.

Depuis, cette définition fait partie intégrante du droit français. Auparavant, aucun texte interne ne définissait la discrimination directe ou indirecte. La loi de 2008 permet donc de saisir des comportements de « sexisme ordinaire », puisqu'au-delà de la qualification de « harcèlement », elle permet de sanctionner des « comportements » sexistes.

Nous vous proposons aujourd'hui de rendre visible cette disposition législative en l'intégrant dans le code du travail sous la dénomination d'« agissement fondé sur le sexe ». Cette codification est d'autant plus légitime que le code du travail français comporte déjà des dispositions spécifiques aux relations individuelles entre hommes et femmes, notamment aux articles L. 1142-1, L. 1142-2 et L. 1144-1, relatifs à l'interdiction de toute discrimination.

L'objectif est de permettre aux femmes qui subissent de telles situations de se référer à un article précis du code.

Cette mesure a fait l'objet d'un amendement lors de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social à l'Assemblée nationale, mais il a été retiré à la demande du Gouvernement, afin d'être abordé à la suite du groupe de travail sur les discriminations, dont est notamment issue la proposition des curriculum-vitae anonymes.

Cette méthode n'est, selon nous, pas souhaitable car ce groupe de travail, à notre avis, ne fait pas une place suffisante aux associations représentant les droits des femmes.

Le second point que je souhaite aborder est relatif au règlement intérieur des entreprises. À l'heure actuelle, si le code du travail prévoit que le règlement intérieur ne doit pas comporter de dispositions discriminatoires, il n'engage ni n'oblige les partenaires sociaux à faire figurer les dispositions légales relatives aux discriminations dans le règlement intérieur.

Il n'en va pas de même des dispositions relatives au harcèlement sexuel : celles-ci doivent obligatoirement être reprises dans le règlement intérieur. Force est de constater, à la lecture de plusieurs règlements intérieurs qui nous ont été transmis, que ce n'est pas ou que partiellement le cas : beaucoup ne sont pas mis à jour !

C'est la raison pour laquelle nous proposons que l'intégralité des dispositions relatives tant aux discriminations qu'au harcèlement figure de manière obligatoire dans le règlement intérieur des entreprises.

Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP). - Madame la Présidente, je vous remercie pour votre invitation.

Pour commencer, je vais vous présenter le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP). Par décret du 30 avril 2013, le Premier ministre m'a nommée secrétaire générale et nous a confié trois missions : consultation sur tous les projets de lois ou de décrets en matière d'égalité professionnelle, évaluation des politiques publiques et proposition d'actions sur la base d'études et de recherches lancées à notre initiative.

Nous avons rédigé un rapport sur les accords « Égalité » sur lesquels nous avons fait un certain nombre de propositions, ainsi qu'un rapport sur le sexisme qui nous a conduits à formuler des propositions, dont deux ont été précédemment exposées à votre délégation.

C'est dans le cadre de notre première mission que nous avons été saisis, le 7 avril 2015, sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi. Notre avis a été remis aux ministres le 13 avril et a été rendu public le 11 mai 2015.

C'est sur la suppression du rapport de situation comparée (RSC) que s'est focalisée l'attention de l'opinion publique. Les amendements portés par vos collègues de l'Assemblée nationale sont tout à fait remarquables et ont permis de clarifier les liens entre les quatre étapes de la négociation sur l'égalité professionnelle : la constitution d'une base de données unique (BDU), la consultation du comité d'entreprise, la négociation devant aboutir à un accord ou, à défaut, à un plan d'action unilatéral de l'employeur et, enfin, la sanction.

Il apparaît toutefois que certaines clarifications pourraient encore être apportées de façon que chacune des étapes contribue, sur les mêmes bases, à l'objectif final d'un accord.

Nous avons obtenu les derniers chiffres des accords « Égalité » de la direction générale du travail (DGT) : 1 662 mises en demeure et 56 pénalités (77 % des mises en demeure concernent une absence d'accord ou de plan d'action, 23 % sont liées à une non-conformité de l'accord aux textes) depuis le 1er avril 2013. Parmi les entreprises assujetties, c'est-à-dire celles disposant d'un délégué syndical, 36,6 % sont couvertes par un accord d'entreprise ou par un plan d'action, avec de très grandes différences puisque cela correspond à 78,7 % des entreprises de plus de mille salariés, 64 % des entreprises de 301 à mille salariés et 31,7 % des Petites et moyennes entreprises (PME) de 50 à 299 salariés. Les pénalités touchent avant tout les PME (plus de la moitié des pénalités) : ce sont évidemment les entreprises qui n'ont pas beaucoup de services pour les assister qui sont pénalisées.

On peut donc dire aujourd'hui que le système mis en place avec la sanction, et tout le système mis en place avec les lois de 1983 et de 2001, fonctionne.

Le rapport situation comparée (RSC) n'existe pas seulement dans le code du travail, mais également dans la fonction publique. Il est donc entré dans les moeurs.

Je souhaitais clarifier les choses en vous proposant plusieurs propositions de modification du texte qui vous a été transmis par l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale, dans un souci de rendre visibles les données consacrées à l'égalité professionnelle, a inséré un 1°bis à l'article L. 2323-7-2 du code du travail (qui devient l'article L. 2323-8) relatif à la base de données unique (BDU) et qui permet de préciser les neuf domaines sur lesquels doivent porter les indicateurs du RSC en y ajoutant les nouveaux domaines instaurés par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, c'est-à-dire la sécurité et la santé au travail et les écarts de rémunération et de déroulement de carrière en fonction de la qualification, de l'âge et de l'ancienneté.

Cependant, nous estimons que des améliorations pourraient être apportées à la rédaction du 1°bis de l'article L. 2323-8, car rien n'est précisé sur la façon dont ces informations doivent être recueillies. Il importe donc d'enrichir le 1°bis de cet article en rajoutant la notion d'indicateurs chiffrés et en renvoyant à un décret pour préciser la liste des indicateurs chiffrés retenus, d'autant que ces indicateurs doivent varier selon la taille de l'entreprise.

Il faut faire la différence entre les entreprises de plus ou de moins de 300 salariés. Auparavant, nous avions l'article L. 2323-57 pour le RSC des entreprises de plus de 300 salariés et l'article L. 2323-47 pour les entreprises de moins de 300 salariés. Pour les entreprises de moins de 300 salariés, le rapport s'intitulait « Rapport sur la situation économique des entreprises » (RSE). Aucun indicateur ne figurait dans ce RSE : ce n'était pas obligatoire. Nous ne disposions que de quelques données sur le temps partiel, le salaire moyen, et des éléments ad libitum pour les négociateurs qui prenaient dans le RSE les éléments qu'ils souhaitaient.

Le décret parle de diagnostic, j'aurais pour ma part proposé « Analyse de la situation respective des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles dans les neuf domaines » : cette analyse repose sur des indicateurs chiffrés fournis par décret qui peuvent varier selon que l'entreprise comporte plus ou moins de 300 salariés.

Le CSEP a été missionné par la ministre en charge des droits des femmes pour construire des indicateurs chiffrés sur le domaine nouveau de la santé et de la sécurité au travail. L'avis que nous avons rendu construit des indicateurs sur la base du coefficient hiérarchique en fonction de l'âge, de l'ancienneté sur la notion de déroulement de carrière. Nous allons vous fournir les deux avis du CSEP donnant des éléments sur ce que pourraient être des indicateurs chiffrés pour les nouveaux domaines institués par la loi du 4 août 2014.

J'en viens maintenant à la procédure de consultation devant le comité d'entreprise (CE), l'article L. 2323-17 du code du travail. Il me semble qu'il faut y réintégrer la notion de RSC ; il s'agit d'une simple réintégration d'une appellation, sans aucune contrainte supplémentaire pour les entreprises.

Comme l'ancien RSC qui comportait deux parties bien distinctes, l'une relative au diagnostic chiffré et à son analyse, l'autre relative au plan d'action destiné à assurer l'égalité, il convient de rajouter cette idée de plan d'action qui précède la négociation, dans les mêmes termes que ceux de l'ancien RSC, au lieu de la formulation assez imprécise retenue dans l'actuel article L. 2323-17 du code du travail.

Nous proposons de reprendre les dispositions des articles L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail : « Un rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes en matière d'égalité professionnelle au sein de l'entreprise, comportant les informations et les indicateurs chiffrés mentionnés au 1°bis de l'article L. 2323-8, ainsi qu'un plan d'action qui évalue les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée, détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et en évalue leur coût », c'est-à-dire le libellé exact du RSC.

Devant le CE, on consulte ainsi sur le RSC qui comprend deux parties : les indicateurs chiffrés de la BDU (article L. 2323-8) et un plan d'action qui fait le bilan des actions passées, la programmation des mesures à venir, les actions qualitatives et quantitatives.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - On revient donc à la situation antérieure ?

Mme Brigitte Grésy. - Non, pas tout à fait, car la première partie du RSC a été intégrée dans la BDU qui est essentielle, car elle collecte toutes les données qui seront nécessaires aux employeurs.

Sans doute faudrait-il préciser que les obligations peuvent être modulées en fonction de la taille de l'entreprise.

L'article L. 2242-9 du code du travail, qui est l'ancien article L. 2222-5-1, dispose : « Les entreprises d'au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité ou, à défaut d'accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d'action défini dans les rapports, etc. ». Je pense qu'il faut engager les entreprises, notamment les PME, sur ce qui sera le coeur de leur négociation future.

Il faudrait mentionner à mon avis, à l'article L. 2323-17, que le plan d'action doit porter sur un nombre minimum de domaines tel que prévu dans le décret mentionné à l'article L. 2242-9.

L'article L. 2323-19 précise que le contenu des informations de la BDU est prévu par décret qui comporte également « les modalités de mise à disposition des salariés et de toute personne qui demande ces informations d'une synthèse du plan d'action mentionné au 2° de l'article L. 2323-17. ».

Il me semble qu'il faudrait que l'article L. 2323-8 relatif à la BDU précise que les informations doivent être définies par décret. Par ailleurs, la synthèse du plan d'action est déjà mentionnée à l'article L. 2242-8 qui dispose qu'« une synthèse du plan d'action, comprenant un minimum des indicateurs et des objectifs de progression définis par décret est portée à la connaissance des salariés... ».

Je pense aussi que la suppression de l'article L. 2323-19 doit être envisagée.

L'article L. 2242-8 du code du travail précise le contenu de la négociation collective sur l'égalité professionnelle et doit renvoyer à mon avis non pas à « la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail porte », mais à « la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle et sur la qualité de vie au travail».

En ce qui concerne le contenu de la négociation collective, je suis d'avis qu'il faut réintroduire le domaine de l'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle du salarié. Les inégalités au travail entre les femmes et les hommes trouvent leur origine essentiellement dans l'inégal partage des responsabilités familiales et domestiques. Ce thème figurait dans l'ancien article L. 2242-5 relatif à la négociation et doit donc également figurer dans l'article L. 2242-8 et préciser que la négociation s'appuie sur le RSC.

Les négociateurs et les employeurs confondent le plan d'action du RSC conçu ex-ante, lors de la construction des indicateurs, avec le plan d'action unilatéral établi par l'employeur à défaut d'accord ; c'est notamment le point de vue de la direction générale du travail, ce qu'elle justifie par son interprétation des textes actuels, assez imprécis.

Le CSEP considère que si le plan d'action du RSC est soumis au comité d'entreprise pour négociation, l'employeur doit proposer, à défaut d'accord, un nouveau plan d'action sur la base du plan d'action du RSC, au regard de ce qui a été dit dans la négociation. Aussi, dans un souci de clarification, le CSEP propose-t-il que l'article L. 2323-17 précise que le RSC comporte un programme d'action soumis à négociation auquel est substitué, à défaut d'accord, un plan d'action unilatéral de l'employeur.

Cela permettrait de résoudre la contradiction entre la formulation des articles L. 2242-8 et L. 2242-9, l'article L. 2242-8 indiquant que le plan d'action est celui annexé au RSC alors que l'article L. 2242-9 précise que le plan d'action est établi sur la base des mesures de la BDU.

L'article L. 2242-8 précise : « une synthèse de plan d'action, comprenant un minimum des indicateurs et des objectifs de progression définis par décret est portée à la connaissance des salariés... » ; le CSEP propose de le compléter par l'indication que la synthèse de l'accord est aussi portée à la connaissance des salariés.

Actuellement, la négociation sur l'égalité professionnelle ne peut être portée à trois ans que si la négociation a abouti à un accord collectif. Lorsque l'employeur a établi un plan d'action unilatéral, la négociation demeure annuelle. De ce fait, l'employeur a intérêt à négocier pour éviter de relancer une négociation chaque année.

Tel qu'il est rédigé, l'article L. 2242-20 permet, par accord d'entreprise, de porter la périodicité des deux négociations annuelles à trois ans et de la négociation triennale à cinq ans, et donc d'alléger le calendrier des négociations, lorsqu'il existe un accord sur l'égalité professionnelle ou, à défaut, un plan d'action unilatéral de l'employeur.

Si cette mesure est incitative pour les entreprises qui ne sont pas encore couvertes par un accord ou par un plan d'action unilatéral de l'employeur, elle l'est beaucoup moins pour les entreprises déjà couvertes et pourrait même avoir des conséquences négatives sur l'activité conventionnelle.

En conséquence, il est proposé de rédiger ainsi l'article L. 2242-20 : «  Dans les entreprises satisfaisant à l'obligation d'accords ou, à défaut de plan d'action, relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, un accord d'entreprise [....], peut modifier la périodicité de chacune des négociations prévues à l'article L.  2242-1 pour tout ou partie des thèmes, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale ».

Il est proposé, afin de calmer les inquiétudes qui sont apparues dans la société civile et de disposer d'un cadre de référence commun, de réintégrer la notion de RSC, notion familière, que les négociateurs se sont appropriée et qui permet dès lors de clarifier les différentes étapes de la négociation. Il s'agit d'une simple réintégration d'une appellation, sans aucune contrainte supplémentaire pour les entreprises.

Comme l'ancien RSC qui comportait deux parties bien distinctes, l'une relative au diagnostic chiffré et à son analyse, l'autre relative au plan d'action destiné à assurer l'égalité, il convient de rajouter cette idée de plan d'action qui précède la négociation.

Mme Catherine Génisson. - Il faudrait que le règlement intérieur affirme l'interdiction des discriminations dans leur globalité.

Mme Brigitte Grésy. - Je suis totalement en accord avec vous. Il serait utile également de mettre en place une forme d'accompagnement des PME, qui serait mise en oeuvre par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou par la délégation régionale aux droits des femmes afin de les aider dans la conduite des consultations et des négociations dans les meilleures conditions possibles.

La négociation sur le fondement du RSC est délicate car il faut déterminer des indicateurs qui mettent en évidence l'égalité entre les hommes et les femmes, tant à un instant donné que lors de du suivi de leur évolution dans le temps.

Mme Annick Billon. - Je vous remercie de votre présentation ; celle-ci est extrêmement technique pour ceux et celles qui ne maîtrisent pas parfaitement le code du travail. En France, nous avons un code du travail très dense, qui suscite l'objet de maintes critiques récurrentes de la part des entreprises, obligées de consulter des spécialistes pour l'analyser afin de ne pas s'exposer à des poursuites judiciaires.

S'il est essentiel de lutter contre les discriminations, il faut néanmoins veiller à ne pas aggraver la complexité du code du travail et les contraintes administratives qu'il impose aux entreprises, notamment celles qui accompagnent le dépassement d'un des seuils du nombre de salariés de l'entreprise.

Mme Brigitte Grésy. - Nos propositions sont guidées par un souci de simplification des termes du code du travail, dont je ne méconnais pas la complexité.

Mme Maryvonne Blondin. - J'admire votre connaissance parfaite du code du travail et je souligne la technicité considérable de ce texte. J'abonde sur la nécessité d'accompagner les entreprises dans la rédaction des documents administratifs qui leur sont demandés.

Par ailleurs, l'article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi est une reconnaissance du régime des intermittents. Avez-vous étudié cette question ainsi que la situation spécifique des « matermittentes », ces femmes intermittentes dont j'avais exposé la précarité lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes ? Qu'en est-il aussi de la proportion des femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises ?

Mme Michelle Meunier. - Pourriez-vous nous faire une synthèse des apports de ce projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi et des modifications que vous proposez, compte tenu notamment des avancées déjà significatives de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ?

Mme Brigitte Grésy. - Le CSEP travaille à déterminer des indicateurs aisés à mettre oeuvre par les entreprises ; le ministère des affaires sociales met à leur disposition un site dénommé EGA-PRO ( www.ega-pro.femmes.gouv.fr) malheureusement encore trop peu connu bien qu'il vienne d'être entièrement remis à jour. Son actualisation est régulière et il comporte des informations à destination des PME, notamment un guide « pas à pas » pour les aider à construire un accord portant sur l'égalité professionnelle. Les entreprises peuvent aussi se faire aider par un expert pour définir un tel accord.

Si la structuration du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi en cinq sections (finances, ressources humaines,..) rassemblant les éléments issus de 17 consultations et 12 négociations en simplifie la compréhension, la complexité du texte demeure, j'en conviens.

C'est pourquoi le CSEP propose des modifications qui simplifient sa mise en oeuvre par les entreprises, notamment par les PME ; en résumé, l'employeur est guidé par un cadre dont les étapes sont les suivantes :

- création d'une base de données unique (BDU) ;

- confection d'indicateurs chiffrés qui diffèrent en fonction du nombre de salariés de l'entreprise ;

- consultation du comité d'entreprise ;

- rédaction d'un rapport de situation comparée en deux parties : indicateurs de la BDU et plan d'action ;

- négociation sur la base du plan d'action proposé dans le RSC (différent selon qu'il s'agit de PME ou d'entreprises de plus de 300 salariés) ;

- à défaut d'accord, l'employeur établit un plan d'action unilatéral ;

- dépôt auprès de l'autorité administrative, laquelle peut sanctionner l'entreprise si le plan d'action ne comporte pas au moins trois ou quatre domaines ; c'est notamment à cette étape que les négociateurs peuvent utilement conseiller l'entreprise.

Je rappelle les grandes étapes législatives et réglementaires depuis le début des années 1980 qui concernent notamment le dialogue social :

- 1983 : la « loi Roudy » institue la négociation spécifique non obligatoire ;

- 2001 : la « loi Génisson » institue la négociation spécifique sur l'égalité obligatoire avec le RSC ;

- 2006 : la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes introduit la négociation sur les salaires dans la négociation annuelle obligatoire dans un objectif d'égalité professionnelle ;

- 2010 : la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites institue la sanction, mais le décret d'application n'a pas été pris ;

le décret n° 2012-1408 du 18 décembre 2012 renforce les obligations des entreprises de plus de 50 salariés et prévoit des sanctions financières. Si l'entreprise ne se conforme pas à la loi, la sanction peut atteindre 1 % de la masse salariale, laquelle s'applique, soit en l'absence d'accord et de plan, soit pour non-conformité de l'accord. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, un accord est reconnu conforme au sens du décret d'application si au moins quatre des neuf domaines, dont celui de la rémunération, sont négociés. Pour celles de moins de 300 salariés, l'accord est conforme si au moins trois domaines, dont celui de la rémunération, sont négociés ;

- la loi du 4 août 2014 a ajouté deux points essentiels. D'une part, les risques psychosociaux, dans ses dispositions relatives à la sécurité et la santé au travail - la question de la santé des femmes au travail, rappelons-le, demeure sous-appréhendée. D'autre part, cette loi précise que la négociation sur les salaires réintègre la négociation générale sur l'égalité professionnelle, mais que la discussion de ce point particulier se fera toujours dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. La loi du 4 août 2014 a aussi ajouté la mixité aux grands thèmes de la négociation.

J'en reviens au 2° de l'article L. 2323-17 du code du travail. Une formulation plus compréhensible consisterait à réintégrer le concept de RSC dans cette disposition, qui renvoie, conformément à la pratique française en matière de codification, au 1° bis de l'article L. 2323-8, ce qui n'est pas clair.

Par ailleurs, le 2° de l'article L. 2323-17 dispose : « le plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative », mais n'indique rien quant à la nécessité du dépôt de l'accord, disposition qui relève de l'article D. 2231-4. Il serait utile de préciser ce point, à mon avis.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je vous remercie de votre exposé.