Mardi 12 mai 2015
- Présidence de M. Gérard César, président d'âge -Constitution du bureau
La réunion est ouverte à 18 h 30.
M. Gérard César, président. - Cette mission commune d'information a été créée à l'initiative du groupe socialiste par la Conférence des Présidents du 8 avril ; la liste de ses membres a été approuvée par le Sénat lors de sa séance du 15 avril.
M. le président procède à l'appel nominatif des membres présents, puis à la recension des délégations de vote.
M. Gérard César, président. - J'ai été saisi de la candidature de M. Philippe Bonnecarrère pour le poste de président.
M. Philippe Bonnecarrère est élu à l'unanimité président de la mission commune d'information. (Applaudissements)
- Présidence de M. Philippe Bonnecarrère, président. -
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Je vous remercie de votre confiance. Nommons maintenant notre rapporteur. Je suis saisi de la candidature de M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin est élu à l'unanimité rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Il nous reste à nommer nos vice-présidents. L'usage veut que les deux groupes principaux soient représentés par deux membres du bureau et les autres groupes par un membre, étant entendu que le président et le rapporteur sont comptés dans ces chiffres.
M. Gérard César. - L'UMP propose Pascal Allizard et Eric Doligé.
M. Martial Bourquin, rapporteur. - Le groupe socialiste présente Marie-Françoise Pérol-Dumont.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Notre collègue Robert Navarro n'ayant pas formulé de demande, je propose que nous respections l'usage des dernières missions communes d'information (MCI) selon lequel on ne prévoit pas de représentant des non-inscrits au bureau.
Sont élus vice-présidents MM. Pascal Allizard et Eric Doligé, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Alain Bertrand et Joël Labbé, et Mme Marie-France Beaufils.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Évoquons maintenant le fonctionnement de cette MCI et le fond de ses travaux. L'objectif est d'aboutir à un accord sur un texte que nous puissions tous porter - c'est une affaire de crédibilité collective. Il semblerait cependant que deux des quatre dernières MCI aient débouché sur des échecs ; j'espère que ce ne sera pas le cas.
Nous disposons de peu de temps : environ quatre mois, puisque notre réunion d'examen du rapport pourrait avoir lieu fin septembre, conformément au nouvel usage qui réclame des MCI plus courtes. Nous devrons donc être raisonnables quant au nombre d'auditions. Si les dernières MCI ont organisé 30 à 50 auditions, et même au-delà, je propose que nous nous trouvions dans la partie basse de la fourchette. Nous ne pourrons pas donner la parole à tous les lobbys et groupes professionnels ; nous pourrons toutefois recueillir leur contribution écrite.
Je vous propose d'avoir une approche plus politique et économique que juridique - nous ne réécrirons pas le code des marchés publics : nous ne serions pas très audibles. Nous devrons être raisonnables en termes de dépenses : la captation audiovisuelle et l'ouverture à la presse de toutes nos réunions ne seront pas indispensables et nous pourrons préférer une médiatisation sur un travail fini de bonne qualité. Soyons raisonnables pour les voyages : Bruxelles et un ou deux autres déplacements devraient suffire. Nous devrions nous réunir le jeudi de 10 heures jusqu'à 12 h 30 ou 13 heures. Nous avons compté les « cases » libres d'ici au 23 juillet : il y aura dix fois trois « cases » d'une heure, soit 30 auditions. Des déjeuners de travail pourront être prévus si nous avons besoin de davantage.
M. Martial Bourquin, rapporteur. - Une mission comme celle-là est transversale et plurielle. La place des petites et moyennes entreprises (PME) dans la commande publique devrait nous rassembler. Bien qu'elles produisent 44 % de la valeur ajoutée, les PME ne comptent que pour 28 % dans les 80 milliards d'euros de marchés publics. Nous ne referons pas le code des marchés publics. Mais les deux directives européennes qui doivent être transcrites pourront changer les choses : il ne faudra plus, par exemple, réaliser un chiffre d'affaires double du marché auquel on postule.
Un même texte peut toutefois recevoir dans deux endroits différents une interprétation totalement différente. Aussi devons-nous examiner la culture de l'achat public. Nous sommes tous ou avons été des élus locaux. Nous pouvons apporter notre savoir-faire et notre expérience pour donner aux PME, qui sont les plus créatrices d'emploi, la place qui leur revient dans la commande publique.
Se poseront aussi les questions des appels d'offres et de l'empreinte carbone. À gauche comme à droite, nous parlons de l'économie de proximité. Notre mission pourra approfondir le sujet. Avec Alain Chatillon et quelques autres, nous avions travaillé en 2011 sur l'industrie dans le cadre de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires - j'espère que cette mission sera aussi passionnante et utile que celle-là et que nous pourrons faire avancer les choses. Nous pourrons à tout le moins nous réunir les jeudis où ont lieu des questions au gouvernement.
M. Jackie Pierre. - Cela divise leur nombre par deux.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous pouvons en effet décider d'avoir des auditions le jeudi et de nous réunir systématiquement ceux où ont lieu des séances de questions au gouvernement.
M. Gérard César. - La question des PME est très importante. Notre objectif ne peut-il pas être aussi de simplifier les procédures ? Plus cela va, et plus tout est compliqué, même si l'on parle sans cesse de simplification. Il faut bien définir les critères de l'appel d'offres - prix ou proximité - pour éviter les recours.
M. Jackie Pierre. - Il y a en effet de plus en plus de recours.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - La délégation aux collectivités territoriales, dont certains d'entre nous sont membres, se réunit aussi le jeudi. Ne pourrait-il pas y avoir un accord avec son président pour coordonner les horaires de nos réunions ?
Nous avons tous eu ou avons encore des responsabilités dans des exécutifs locaux, et à ce titre, avons parfois présidé des commissions d'appel d'offres Certains de nos services souffrent de scléroses internes que nous cautionnons. Plutôt que de réécrire le code des marchés publics, nous devrions chercher à établir une révolution culturelle dans les services.
M. Georges Labazée. - La délégation aux collectivités territoriales ne se réunit pas toutes les semaines. Il faudra trouver une articulation entre le calendrier de notre mission et le sien, qui est arrêté jusqu'à début juillet.
Mme Sylvie Robert. - Si nous procédons à des auditions toutes les semaines, à quelle fréquence nous réunirons-nous pour harmoniser notre réflexion ?
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Je crains qu'une réunion tous les quinze jours soit un rythme exigeant... Cependant, nous commençons nos travaux à un moment difficile. Saurons-nous transformer cette contrainte en chance ? Trois directives européennes de 2014 doivent en effet être transposées d'ici avril 2016 ; un projet d'ordonnance a été rédigé et est actuellement examiné par le Conseil d'État. Si nous voulons être efficaces, il nous faudra agir dans une fenêtre d'opportunités étroite, lorsque les ordonnances ont encore des chances d'être modifiées, ce qui implique que nous tenions rapidement des réunions.
La réforme territoriale dont nous serons bientôt saisis en deuxième lecture modifiera en partie le champ qui nous intéresse, notamment sur les groupements et la mutualisation entre collectivités de même niveau, mais aussi entre les hôpitaux publics et collectivités par exemple.
Enfin, la loi « Macron 2 », dans un temps plus lointain, pourrait accueillir des sujets qui n'auraient pas été traités.
Sur le fond, nous devons réfléchir au périmètre de la mission. Ne parlerons-nous que des marchés publics, ou également des délégations de service public (DSP) et de la kyrielle de partenariats ? Nous pencherons-nous sur les formes innovantes de l'achat public ? Quid du coût de l'achat public, question qui se pose lorsque Jean Tirole chiffre à 15 % la part de l'achat public dans l'économie européenne. Nos procédures ont un coût - celui de la démocratie appliquée à la commande publique. Si la Commission européenne parle d'environ 10 000 euros par marché, personne ne l'a véritablement objectivé. Serait-il possible de réunir différents travaux sur ce sujet ? Nous pourrions aussi chercher à savoir s'il y a des économies à faire pour les entreprises françaises.
Une approche sans doute trop large consisterait à comparer les coûts de l'achat public et privé. Je suis très réservé concernant les remarques systématiques des chambres régionales des comptes dès lors qu'une collectivité assure une mission en régie, ce qui, bien évidemment, augmente les effectifs publics par rapport aux DSP.
La question des PME est chère à notre rapporteur - je n'ai rien à ajouter sur ce point. Il ne serait pas absurde que notre MCI recherche tout ce qui pourrait simplifier le code des marchés publics ; je crois cependant qu'il est préférable de cibler les sujets plutôt que de nous lancer dans une lecture des ordonnances article après article pour établir un quasi-rapport législatif.
Le secteur public sait-il acheter ? Les exemples tels que Louvois amènent le doute, notamment pour les systèmes d'information. Une dernière question importante - sans doute à traiter à part - est la question de la nature législative ou réglementaire des différentes dispositions, le gouvernement considérant désormais que toutes ne sont pas réglementaires. Autre piste, l'empreinte carbone, l'environnement, auxquels nous pouvons ajouter les clauses sociales, au sujet desquelles Jean Tirole émet de nombreuses critiques. Nous pourrons nous poser à haute voix les questions que nous n'avons jamais eu le temps d'approfondir.
M. Georges Labazée. - Il ne faudra pas laisser de côté les achats sans mise en concurrence.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - En effet.
M. Pascal Allizard. - Si nous ne voulons pas passer à côté de la problématique des PME, nous devrons examiner les DSP, qui concentrent un petit nombre de grosses entreprises ; les PME, tout en faisant le travail au quotidien, se retrouvent au deuxième ou troisième rang de sous-traitance, avec des marges rognées, bien sûr.
Autre aspect : acheter est un métier. Dans les grands groupes, les directions des achats ont pris une importance stratégique. Nous devrons nous demander si la prise en compte de l'empreinte carbone aide à régionaliser les achats. Si à l'échelle nationale, la concurrence est là, ce n'est plus toujours vrai à l'échelle régionale.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - La question des PME me semble plus facile à traiter pour les marchés publics que pour les DSP à cause de leur durée : il semble moins aisé de donner une concession de 15 ans à une PME. L'empreinte carbone peut être un moyen d'aider les entreprises locales mais aussi de les évincer, les grandes sociétés étant plus outillées pour répondre à ces exigences.
M. François Bonhomme. - La question des PPP est importante : ils sont réservés à de grands opérateurs. La mise en oeuvre des principes de la commande publique ne représente pas qu'un coût ; il faudrait aussi mesurer ce qu'elle rapporte. A l'occasion d'alternances politiques, les renégociations de contrat peuvent permettre de substantielles économies.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Les grandes entreprises disposent de guides des achats. Les directives européennes vont dans le sens d'une convergence, puisqu'elles prévoient de donner plus de marge de manoeuvre aux acteurs publics dans la négociation, mais avec une traçabilité, comme dans le privé.
M. Martial Bourquin, rapporteur. - Il sera intéressant de voir ce que font nos voisins, comme les Allemands, chez qui les PME ont plus de place dans la commande publique. La simplification est également essentielle : notre rapport ne doit pas augmenter la complexité. Parmi les critères des appels d'offres, le prix et la performance sont importants, mais pas seulement. La culture de l'achat public est essentielle : transcrire les directives est une chose, mais elles peuvent être interprétées de manière très différente.
M. Jackie Pierre. - Y compris par les préfets...
M. Martial Bourquin, rapporteur. - A côté des économies possibles, il faut mesurer les conséquences sur le territoire, y compris en matière de garantie décennale par exemple. La dématérialisation des procédures de marchés publics change la donne : il ne faudra plus attendre un coup de tampon qui pouvait prendre des jours et des jours, occasionnant des retards de paiement considérables. Certaines PME ne concouraient pas à certains marchés, de peur que les retards de paiement les mettent en difficulté.
Près de chez moi, la construction d'un nouvel hôpital s'est faite pour 300 millions d'euros par deux grands groupes : si le premier, chargé du premier oeuvre, s'est bien comporté, en nouant un partenariat avec les PME locales, le second a été une catastrophe. Nous voyons maintenant jusqu'à quatre niveaux de sous-traitance ! Certaines entreprises, qui se résument à quelques personnes dans un bureau, cassent les prix en n'employant que des travailleurs détachés, ce qui pourrait représenter une concurrence déloyale. J'ai visité un chantier avec la CGPME : douze nationalités étaient représentées ! Nous devrons bien mettre la focale sur ce genre de problèmes.
Nous aurons encore à parler de la question européenne : le Small Business Act européen se fait toujours attendre. Nous gagnerions à rencontrer - comme nous l'avions fait sur l'industrie - le commissaire européen concerné.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Si nous voulons proposer une simplification des critères, nous devrons le faire pour le 15 juin : en juillet, le gouvernement aura publié son ordonnance.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Les PME me semblent être un bon fil rouge. Nous avons tous des histoires terribles à raconter. L'État est un mauvais payeur, mettant en danger certaines PME à cause des retards de paiement, et nous aurons à dégager des bonnes pratiques, par exemple pour les acomptes. Les collectivités s'organisent en groupements ; mais paradoxalement, big is not beautiful : certains fournisseurs n'ont pas la même attitude selon la taille de leur client, et n'hésitent pas à « charger » davantage les grosses structures.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Mutualiser peut faire espérer des gains de productivité, mais aussi éloigner les PME. Cela implique aussi une dissociation entre le décisionnaire et le bénéficiaire final de l'achat. La loi Macron compte une disposition sur les travailleurs détachés et la commande publique. L'État, ce mauvais payeur, paie des pénalités de retard très lourdes ; sans aller jusqu'à dire que cela constitue une rente de situation pour les entreprises, celles-ci peuvent en profiter, car les pénalités sont très au-dessus des taux d'intérêt pratiqués sur le marché.
M. Georges Labazée. - Il faudra aussi examiner les relations entre l'État et les collectivités territoriales au travers du code des marchés publics. La presse rapporte souvent que telle direction de l'État a passé une convention sur un code de bonne conduite avec des entreprises du BTP... Mais qu'advient-il après ?
Mme Sylvie Robert. - Le périmètre me semble très large : il faudra le circonscrire si nous voulons réussir dans le temps imparti.
La question du temps de l'investissement public pourra aussi être posée : autrefois, un équipement pouvait être construit en trois ou quatre ans, contre cinq ou six ans aujourd'hui. Je pourrais également citer les architectes, la maîtrise d'oeuvre, voire le 1 % artistique... Nous devons nous fixer des objectifs.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - L'objectif est de créer de la valeur ajoutée et de répondre aux préoccupations de la société, en améliorant la vie des PME et en rendant plus pertinente la gestion des collectivités et de l'État. Comme nous ne pourrons pas traiter tous les sujets, une hiérarchisation sera nécessaire.
Si les rapports produits par le Sénat sont toujours d'une très bonne qualité, peut-être faudra-t-il être moins technique et plus politique.
M. Martial Bourquin, rapporteur. - Nous réservons donc le créneau de 10 à 13 heures le jeudi. Certaines auditions peuvent durer vingt minutes et nous pouvons organiser des tables rondes, qui vont plus vite.
M. François Bonhomme. - La procédure écrite peut aussi être très utile.
La réunion est levée à 19 h 40.