Mercredi 8 avril 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Contrat d'objectifs et de moyens de l'INA pour la période 2015-2019 - Audition de Mme Agnès Saal, présidente-directrice générale, et M. Jean-Marc Auvray, secrétaire général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA)

La commission entend Mme Agnès Saal, présidente-directrice générale, et M. Jean-Marc Auvray, secrétaire général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'INA pour la période 2015-2019.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - J'ai le plaisir de souhaiter en notre nom à tous la bienvenue à Mme Agnès Saal, présidente-directrice générale de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et à M. Jean-Marc Auvray, son secrétaire général, qui viennent nous présenter le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'INA pour la période 2015-2019.

Tels que déterminés par la loi du 30 septembre 1986, ces contrats ont des objectifs très larges puisqu'il leur revient de déterminer pour chaque société de l'audiovisuel concernée - je cite :

- « les axes prioritaires de son développement ;

- les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;

- les montants minimaux d'investissements de la société dans la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;

- les engagements permettant d'assurer l'adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés ;

- les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;

- le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;

- le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

- le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

- les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;

- les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;

- le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier ».

Je vais donc vous laisser la parole, madame la présidente, afin de nous présenter les grandes lignes de ce projet de contrat d'objectifs et de moyens. Compte tenu des difficultés rencontrées par les sociétés de l'audiovisuel, nous serons particulièrement attentifs à vos propositions permettant à la fois de favoriser l'innovation et la valorisation de vos contenus et de permettre une gestion la plus responsable possible des deniers publics.

À l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à notre rapporteur pour les crédits de l'audiovisuel, Jean-Pierre Leleux, puis à l'ensemble des sénateurs.

Mme Agnès Saal, présidente-directrice générale de l'INA. - L'élaboration de ce projet de contrat d'objectifs et de moyens a fait l'objet de la plus grande concertation possible. C'est un document qui a vocation à engager l'institution pour cinq ans. Il faut donc que les 1 000 collaborateurs de l'Institut soient impliqués autour des chantiers stratégiques. C'est pourquoi des ateliers ont été organisés avec eux. Le dialogue a été constructif avec les tutelles, qu'il s'agisse du ministère du budget ou du ministère de la culture.

À l'issue de ces neuf mois de travail, nous avons abouti à un document de 50 pages qui marque une ambition. Ce document a été transmis aux commissions compétentes des deux assemblées.

L'INA est arrivé au terme d'un cycle au cours duquel a prédominé sa mission de préservation de la mémoire de la radio et de la télévision. Il était nécessaire pour cette institution de se réinventer et de marquer sa différence avec les diffuseurs afin de mettre en valeur ses atouts. Nous avons souhaité, dans ce COM, retrouver l'esprit des fondateurs tel qu'il s'est matérialisé dans la loi de 1974 à travers une volonté d'expérimentation et d'innovation et un esprit de service public. Ce document a été élaboré autour de trois mots-clés : ouverture, innovation et modernisation.

Concernant l'archivage, tout d'abord, l'INA bénéficie de 40 ans d'expérience dans le domaine de la conservation et de la mise à disposition des archives. Il peut mettre en valeur cette expérience auprès de nouveaux acteurs et notamment des institutions culturelles qui ont constitué un patrimoine audiovisuel.

Nous avons pour projet d'ouvrir en juin prochain une plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) qui proposera près de 20 000 contenus. Cette plateforme sera accessible par abonnement. Elle proposera une offre enrichie qui pourrait être disponible sur les réseaux des grands opérateurs. Bouygues, Free et Orange ainsi que Canal+ nous ont déjà sollicités. L'objectif est de permettre la meilleure visibilité et l'accessibilité de ces contenus dont certains seront assez rares, notamment dans le domaine de l'animation.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur la notion de dépôt légal qui constitue une question fondamentale. L'INA possède un stock de 12 millions d'heures de programmes qui s'accroît chaque année d'un million d'heures correspondant à 120 chaînes de télévisions et à 13 000 sites Internet. La visibilité de ces archives est aujourd'hui limitée pour l'essentiel aux chercheurs, ce qui n'est pas satisfaisant.

L'INA a, par ailleurs, vocation à proposer des formations aux métiers de l'image, ce qui nous amène à réfléchir à la nature des stages à proposer et à trouver de nouveaux formats et de nouveaux supports comme les Mooc (Massive Open Online Courses). Il faut inscrire l'INA dans la prospective et la comparaison internationale et développer une volonté d'expérimentation et d'innovation. L'INA doit renouer avec l'esprit des inventeurs des Shadoks et favoriser le développement de nouveaux formats et de nouvelles écritures. Les professionnels de l'audiovisuel et du cinéma considèrent que notre démarche en ce sens est légitime.

L'innovation se décline également dans la relation que noue l'INA avec les partenaires que sont les collectivités territoriales et les entreprises hors médias, relations que j'espère à l'avenir beaucoup plus étroites. L'INA est un institut national qui a vocation à irriguer tous les territoires, et en conséquence a commencé à travailler avec différentes collectivités à l'instar des régions Nord-Pas-de-Calais et Basse-Normandie ou des villes de Lyon et de Paris. Il s'agit d'une activité à développer, de façon à ce que l'INA, dans un certain nombre de pôles d'excellence territoriaux, puisse décliner toute la richesse de son savoir-faire, en articulation avec le tissu économique, culturel et éducatif de nos territoires.

Le deuxième champ qui me semble intéressant de labourer pour l'INA est celui des entreprises privées hors médias, des entreprises qui ont souvent une histoire riche et qui possèdent des archives audiovisuelles. Je pense notamment à l'Oréal ou à la Française des jeux, avec lesquelles l'INA a commencé à travailler. L'INA peut les aider à identifier leurs ressources audiovisuelles et documentaires, pour les préserver durablement, les indexer et les valoriser. C'est un chantier passionnant dans lequel la légitimité et la compétence de l'INA ne font aucun doute.

En ce qui concerne les moyens prévus par le COM, nous sommes dans un schéma contraint et cette contrainte est pleinement intégrée dans la stratégie pour la période 2015-2019. Ces contraintes pèsent notamment sur la contribution à l'audiovisuel public (CAP), diminuée de 20 millions d'euros en 2014 et pleinement rétablie en 2015 à 89 millions d'euros. Les tutelles se sont engagées à maintenir cette recette à ce niveau au cours des cinq prochaines années. En contrepartie, nous avons pris l'engagement de consolider et de développer les ressources propres de l'INA, qui ont connu une diminution préoccupante au cours des cinq dernières années. Les partenariats avec les entreprises et à l'international constituent d'importants leviers de ressources propres. Il s'agit également de mieux gérer les moyens qui nous sont donnés, humains et financiers. Cela passe par une modernisation des achats, de l'informatique, des procédures budgétaires et comptables mais également par un projet immobilier réaliste et d'ailleurs intégralement autofinancé. Le plafonnement de la masse salariale sur la durée du COM fait peser une forte contrainte sur la gestion des personnels. Cette rigueur est acceptée et est intégrée comme faisant partie de la stratégie de développement de l'INA.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Je vous remercie de cet exposé synthétique. Vous connaissez l'attachement de la commission à l'INA ainsi que le mien puisque j'ai longtemps siégé à son conseil d'administration. Ma première question porte sur le principe même du COM et des obligations qui vous sont faites par votre tutelle. Notre présidente rappelait dans son introduction que la loi de 1986 fixait onze rubriques au COM ! Il existe aujourd'hui une réflexion au sein de l'agence des participations de l'État (APE) sur l'intérêt de réduire le nombre de ces obligations et de renforcer le rôle des conseils d'administration des sociétés publiques de l'audiovisuel. Comment vous positionnez-vous dans ce débat ?

Le rapport Schwartz sur l'avenir de la télévision publique à l'horizon 2020 soulignait un retard de coopération entre les différentes structures de l'audiovisuel public. Vous annoncez un projet ambitieux de lancement d'une plateforme SVOD. Pourquoi un tel projet ne concerne-t-il pas l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public ? Peut-on sérieusement envisager que chacune de ces sociétés lance son propre service de SVOD sans mutualisation aucune ? N'y a-t-il pas là une piste de collaboration entre les différentes entités de l'audiovisuel public ?

Concernant les finances, pouvez-vous nous préciser quelles sont les marges d'économie possibles au cours des cinq prochaines années ? Le plafonnement de la masse salariale à 67,5 millions d'euros par an pose la question de la gestion des ressources humaines et obligera à des efforts de maîtrise des salaires et des effectifs. Quelles en seront les conséquences sur l'évolution des effectifs d'ici 2019 ? De plus, compte tenu des contraintes sur la contribution à l'audiovisuel public, les ressources propres sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans le budget de l'INA. Quel est au final votre objectif concernant la part des ressources propres dans votre budget à l'horizon 2019 et comment comptez-vous y parvenir ? Enfin, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous apporter des précisions quant à votre stratégie en matière immobilière, qui constitue une question récurrente.

Mme Agnès Saal. - En ce qui concerne la lourdeur relative du COM, nous avons essayé, non pas d'alléger l'exercice lui-même, mais de rendre plus opérationnel le COM. Il s'agit d'en faire un véritable instrument de travail, qui sera décliné en interne en feuilles de route. L'allègement relatif tient à la diminution du nombre d'indicateurs, ramenés à dix-sept. Cet ensemble, composé d'un COM, de quelques indicateurs et d'une trajectoire budgétaire réaliste, me semble constituer un cadre clair, complet et efficace. Instruits par l'expérience, nous avons veillé à ne pas être enserrés par une contrainte liée à la juxtaposition sans cohérence réelle d'impératifs et d'indicateurs contraires. Je ne sens pas de lourdeur dans le COM mais plutôt une malléabilité et une adaptation aux objectifs de l'entreprise. Bien sûr, le conseil d'administration a vocation à jouer pleinement son rôle d'accompagnement, d'écoute et de suivi de la réalisation du COM.

En matière de coopération entre les structures de l'audiovisuel public, j'ai été étonnée de constater que, même dans le champ des opérateurs du ministère de la culture, ce dialogue n'existe pas de manière institutionnelle. Il a certes lieu, mais relève davantage de l'initiative des différents dirigeants et des relations personnelles qu'ils entretiennent. Il me semble sain qu'une obligation de réunion existe pour les responsables de l'audiovisuel public.

Pour ce qui est de l'offre SVOD mutualisée, un rapprochement a été entamé avec ARTE et France Télévisions. Je signale également qu'il existe une grande incohérence dans le champ de la formation continue. Comme vous le savez, le législateur a confié à l'INA la compétence de la formation continue des personnels de l'audiovisuel public. Or France Télévisions comme Radio France se sont dotés de compétences propres de formation continue, qui non seulement font doublon mais privent l'INA de ressources financières précieuses. Un meilleur dialogue, plus institutionnel et mieux organisé, entre les acteurs de l'audiovisuel public me paraît ainsi éminemment souhaitable.

S'agissant des ressources propres de l'INA, l'une des pistes qui me semble réaliste et raisonnable consiste à développer nos activités à l'international en matière de formation, de valorisation des archives audio et numériques et d'accompagnement des pays en développement dans ces domaines. Je ne me fais toutefois pas d'illusions excessives quant à la rapidité d'une telle évolution : il faudra du temps pour faire connaître le savoir-faire et l'expertise de l'INA dans ces domaines. J'ai malgré tout espoir que nous avancions dans cette voie : dans mes précédentes fonctions au Centre Pompidou, j'ai réussi à multiplier par trois les ressources propres grâce au développement des missions d'expertises internationales et à l'itinérance des expositions. Il existe, en effet, à l'étranger, une réelle appétence pour l'expertise française en matière culturelle. D'ores et déjà, contact a été pris avec le ministère des affaires étrangères, Ubifrance et l'Institut français afin qu'ils nous aident à exporter notre savoir-faire.

Concernant les ressources humaines, vous avez rappelé, monsieur Leleux, que notre tutelle nous avait imposé un plafonnement de la masse salariale à hauteur de 67,5 millions d'euros sur la durée du COM. Dans la mesure où l'accord d'entreprise signé entre la direction et les représentants du personnel en 2012 a un coût de 1,2 million d'euros par an, il nous faudra trouver des ressources pour respecter nos obligations. À cet effet, seront utilisés différents leviers : une diminution de l'emploi en contrat à durée indéterminée (environ 980 équivalents temps plein à ce jour) d'un maximum de cinq postes par an pendant la durée du COM, une limitation du recours aux contrats à durée déterminée dont l'usage, pour un employeur public, me semble aujourd'hui trop fréquent et se traduit par une dommageable précarité de nos équipes. S'ajouteront mécaniquement à ces efforts les économies tirées des départs à la retraite. Je ne nie pas qu'il existe une inquiétude de nos personnels liée à la disproportion observée entre l'ambition des objectifs et la rigueur budgétaire exigée. Il nous revient, afin d'apaiser le climat social, de prouver que nous savons hiérarchiser les priorités.

Enfin, des efforts financiers conséquents portent sur le programme immobilier : le projet a été redimensionné pour un coût d'environ 25 millions d'euros toutes dépenses confondues. Dans ce schéma, l'INA se réinstallerait à Bry-sur-Marne dans 4 000 m² de locaux modestes et à l'agencement rationnel. Les immeubles en location à Paris et à Bry-sur-Marne seraient libérés et les personnels réunis sur un seul et même site. L'INA ne conserverait qu'un bâtiment en location à Issy-les-Moulineaux destiné aux formations continues.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je reconnais dans vos propos l'esprit novateur et l'attachement au service public des fondateurs de l'INA. L'institution que vous dirigez est aujourd'hui confrontée à des défis d'importance : une nécessaire mutation informatique, des missions élargies, un projet immobilier à financer et un renouvellement des méthodes de travail. Je crois que la concertation avec les personnels est essentielle à la réussite des réformes que vous engagerez. Je suis heureuse que, dans ce cadre, vous affichiez votre volonté de préserver la stabilité de l'emploi et de limiter le recours aux contrats précaires. En 2013, un rapport a fait état de souffrances au travail au sein de l'INA. Quelles actions ont été mises en oeuvre pour remédier à ce constat ? À l'heure où de nouveaux bouleversements internes vont intervenir je m'inquiète du manque de moyens dont vous disposez pour y faire face. Quelle réforme allez-vous proposer en matière d'organisation interne du travail ? Des formations seront-elles mises en place pour aider les personnels à s'adapter aux évolutions de leurs missions ?

Mme Colette Mélot. - L'INA se trouve aujourd'hui à la fin d'un cycle : les chantiers de numérisation sont désormais achevés dans la majorité des lieux culturels et il vous faut aborder l'avenir en faisant évoluer votre institution. Pouvez-vous nous préciser les contours de votre projet de plateforme numérique culturelle ? Quid également de votre partenariat avec l'Agence France-Presse ? Enfin, j'aimerais connaître votre sentiment sur Google qui démarche systématiquement les acteurs culturels en vue de numériser gratuitement leurs fonds.

M. David Assouline. - Il est de notre devoir d'ouvrir un débat de fond et d'alerter les pouvoirs publics sur les enjeux afférents aux archives audiovisuelles. En effet, le fonds de l'INA qui rassemble les archives audiovisuelles antérieures à 1981, est clos. Ce fonds doit pourtant continuer à être alimenté sous peine de disparaître, sans oublier la question de la consultation des documents collectés. Cette question mérite que nous la considérions avec attention car la place prise par l'audiovisuel dans notre société fait de la conservation des images un enjeu majeur pour l'État. Par ailleurs, nous sommes scientifiquement et techniquement face à l'inconnu s'agissant de la conservation des archives numériques : les supports évoluent constamment. J'aimerais enfin vous interroger sur les objectifs que vous nous avez présentés. Les représentants du personnel ont regretté qu'indépendamment du COM les feuilles de route destinées à chaque direction ne soient pas encore rendues publiques et qu'aucune information ne soit encore disponible sur les choix qui seront opérés pour faire évoluer l'institution. Vos ambitions sont louables mais vous payez cher les contraintes budgétaires actuelles autant que les errements de la gestion passée. Les modifications de votre projet immobilier et la diminution drastique de l'enveloppe qui y était dédiée constituent une gageure financière pour l'INA. Dans ce contexte, la recherche de recettes complémentaires est réaliste. Mais elle ne doit pas masquer la nécessaire réflexion sur l'alimentation et la gestion de votre fonds. La vigilance doit également être de mise s'agissant du climat social. Déjà, les syndicats se sont exprimés défavorablement sur le COM. La crise actuelle de Radio France montre qu'un malaise général peut se répandre à partir d'un sujet initialement limité. Enfin, j'espère que votre projet immobilier, pour modeste qu'il soit, a prévu une protection des archives du feu. Souvenez-vous : ce n'était pas le cas du coûteux projet de votre prédécesseur !

Mme Corinne Bouchoux. - Vous avez évoqué l'expertise de l'INA en matière de formation professionnelle. Je note d'ailleurs que d'autres organismes créent des doublons inacceptables en mettant en oeuvre les mêmes programmes avec des fonds qui vous étaient destinés. Je souhaitais vous interroger sur la façon dont vous comptez rendre compatible vos projets de recrutement de diplômés avec la mise en oeuvre de programmes de formation interne tel que la certification de type ISO 9001 ?

M. Louis Duvernois. - Dans la mesure où vous nous avez fait part de votre souhait d'orienter l'INA vers l'international, je souhaiterais savoir si vous avez pris l'attache du Centre national d'enseignement à distance (CNED) qui procède actuellement à d'importantes réformes en lien avec votre activité.

Mme Maryvonne Blondin. - J'aimerais connaître les relations entretenues par l'INA avec les médiathèques et les cinémathèques en régions, qui détiennent, inventorient et exploitent des fonds de documents audiovisuels non négligeables.

Mme Dominique Gillot. - S'agissant du dialogue social, vous avez évoqué aussi bien la concertation et la collaboration participative, que la rigueur de gestion utilisée comme levier de modernisation. Quelle méthode comptez-vous employer pour mener à bien ce dialogue social ?

Je souhaitais aussi vous interroger sur les procédés de doublage ou d'audio-description, qui généralement valorisent et enrichissent un document audiovisuel, mais qui peuvent aussi parfois le parasiter ou même le dégrader.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Pouvez-vous nous donner des précisions sur vos objectifs de développement à l'international et en particulier sur les coopérations que vous envisagez ?

Mme Agnès Saal. - La question du caractère fini des fonds, évoquée notamment par M. Assouline, est pour moi une préoccupation essentielle et l'INA se consacre en permanence à l'enrichissement de ces fonds.

Notre premier outil est le dépôt légal, audiovisuel et webmedia, qui nous permet de tout capter. Et la difficulté qui se présente à nous est de trouver les moyens de mettre ce fonds à disposition du public dans des conditions techniques et juridiques sécurisées. Des réflexions se sont engagées quant à la modification éventuelle de la directive européenne et de la loi française. La fonction régalienne confiée à l'INA, de même que celle de la Bibliothèque nationale de France pour le livre ou du Centre national du cinéma et de l'image animée pour les films, risque d'être remise en question si l'on se contente de collecter en diffusant si peu.

Nous espérons aussi enrichir notre fonds en passant des accords avec des organismes privés, tels que des chaînes de radio, qui nous confiraient leurs propres fonds dans une perspective de valorisation.

Notre politique dite de mandats nous permet de mettre à disposition du public, sur notre plateforme INA MEDIAPRO des documents qui ne font pas partie de notre fonds d'origine.

L'autre axe fort de notre COM est la constitution de notre plateforme culturelle, sorte de clone du site INA.fr. L'Institut propose de prendre en charge, par conventions bilatérales, les archives culturelles des divers organismes des secteurs public et privé. Ces archives, qui peuvent être par exemple des captations de spectacles, de répétitions, d'expositions, performances diverses ou de témoignages d'artistes, constituent un patrimoine commun non répertorié et conservé dans des conditions précaires : il faut savoir qu'un support numérique doit être restauré par migration tous les trois ou quatre ans, faute de quoi les données peuvent se dégrader, voire disparaître.

L'INA peut faire valoir son expérience en matière d'indexation, de conservation, de libération des droits et de diffusion, gratuite ou payante le cas échéant, d'archives audiovisuelles.

Ce projet constitue pour nous un acte politique fort en faveur de la diffusion de la culture et de la création au bénéfice du plus grand nombre.

Concernant le climat social, l'inquiétude d'un certain nombre de collaborateurs et de partenaires sociaux est perceptible et j'y suis très sensible.

Dans ma carrière, j'ai toujours pratiqué le dialogue social. Je ne conçois pas un projet d'entreprise sans un dialogue permanent, parfois rugueux, avec les partenaires sociaux. C'est indispensable. Nous devons entraîner tout le personnel autour d'un projet. L'INA a une longue histoire et l'attachement profond des collaborateurs à la mission qui lui est confiée est perceptible. Mais il est parfois difficile d'adapter, de modifier des métiers et des techniques, nous arrivons à une fin de cycle, des départs sont programmés, certaines formes de management ont fait leur temps et sont à renouveler... Il existe certainement des poches de souffrance.

Je me suis emparée de ce sujet et je souhaite aller vers un management plus participatif et collaboratif.

Nous avons une responsabilité d'accompagnement des parcours individuels et collectifs. Les métiers exercés hier, n'ont plus rien à voir avec ceux d'aujourd'hui, ni de demain.

Je vous remercie pour le vote des vingt millions d'euros permettant de rétablir le montant de la CAP qui nous est affecté. Je reconnais que nous avons peu de nouveaux moyens et nos marges de manoeuvres internes sont faibles même si elles existent et nous devrons avoir une plus grande rigueur dans la gestion des dépenses publiques.

Je vais rencontrer tous les collaborateurs pour leur expliquer où nous en sommes dans l'élaboration de nos projets, nos contraintes et nos moyens. Nous ne pourrons pas tout faire en même temps, il faudra hiérarchiser nos objectifs et mettre les moyens financiers et humains en face, dans les cinq ans à venir.

Bien évidemment un contrat se signe à deux. Je prends des engagements forts et ambitieux et je sollicite votre aide pour que l'État tienne ses promesses.

Sur la question de l'enseignement, nous devons nous investir dans ce domaine de façon plus dynamique. L'INA a des ressources audiovisuelles que l'on peut mettre à disposition de l'éducation nationale. Nous avons également une compétence en matière de formation des enseignants et des éducateurs. L'éducation à l'image, l'éducation par l'image, l'éducation à l'usage des réseaux sociaux sont importantes. Or la communauté éducative est parfois démunie et les jeunes sont en perte de repères. Ils ne savent plus lire, ni interpréter l'image. Nous pouvons faire des propositions dans ce domaine. Le CNED est l'instrument pertinent pour la diffusion de nos ressources. C'est un axe d'action à développer.

Concernant les relations avec les médiathèques et les cinémathèques, ce sont des lieux magiques. Ce sont des partenaires inestimables pour la diffusion des ressources audiovisuelles de l'INA. C'est un réseau précieux auquel j'attache beaucoup de prix. Je souhaite que les adhérents à ces espaces culturels bénéficient d'un accès à l'offre SVOD de l'INA à des conditions préférentielles.

Vous m'avez également interrogé sur nos priorités géographiques à l'international, nous avons défini trois zones qui disposent de perspectives de développement et des capacités à suivre nos propositions : le Proche et Moyen-Orient, l'Amérique latine et centrale et l'Asie. L'INA a un savoir-faire qu'elle doit pouvoir transposer dans ces zones.

Sur la certification, le taux de 60 % d'insertion dans un emploi des jeunes étudiants s'apprécie par rapport à la formation initiale. La certification ISO 9001 est un outil intéressant de modernisation, d'innovation et de bonne adéquation entre la proposition que fait l'INA en matière de formation continue et les besoins des secteurs professionnels concernés. Nous offrons 560 stages. C'est peut-être trop et il faudrait identifier les stages les plus pertinents et couvrir de nouveaux domaines.

Je voudrais dire quelques mots sur l'AFP avec laquelle nous entretenons une importante collaboration. Nous lui avons confié la commercialisation, au niveau national, avant la fin de l'année, de 15 000 photos. En parallèle, nous allons signer avec l'agence Getty un accord pour la commercialisation du fonds photos de l'INA. J'essaie de préserver un équilibre entre dimension nationale et dimension internationale pour que l'INA rayonne le plus largement possible et que la richesse de ses collections soit mieux perçue. L'INA est insuffisamment comprise. On ne voit de son action que la mise en valeur et la mise à l'écran, avec son logo au bas, de quelques images en noir et blanc. Son action va bien au-delà. Très largement, nos interlocuteurs ne connaissent pas nos efforts pour mieux promouvoir notre richesse et notre expertise. Les accords passés avec l'AFP et d'autres partenaires permettront de contribuer à cet objectif.

Madame Mélot, pour ce qui est de Google, vous avez bien compris que mon ambition en matière de mise en valeur des fonds des institutions culturelles est de passer devant Google, qui n'a pas encore repéré cette richesse patrimoniale, de ramener vers nous le maximum de données, de les traiter au mieux et de les mettre à disposition dans les conditions que je vous ai exposées.

Nous réceptionnons des images déjà traitées par d'autres. C'est une question que nous évoquons, y compris avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Malheureusement, en interne, l'INA n'a pas les moyens de retraiter ce qui lui parvient de la part des diffuseurs, France Télévisions ou TF1, que ce soit par la voie du dépôt légal ou de la convention, et de procéder notamment à des opérations de doublage et de sous-titrage si cela n'a pas été fait en amont. C'est dans ce domaine, comme l'a suggéré M. Leleux, que la collaboration entre entreprises et audiovisuel public pourrait s'exercer. L'INA, seule, avec ses petits moyens, peut difficilement pallier les carences des diffuseurs.

Mme Dominique Gillot. - Mettre en évidence les disparités constitue un progrès en matière de qualité ajoutée à l'oeuvre.

Mme Agnès Saal. - Cela fait partie du programme de recherche de l'INA. Comment, dans le traitement d'une très importante quantité de données très bien indexées, faire parler l'image de la manière la plus pertinente possible ? Il y a là une matière extrêmement riche qui s'ouvre à l'industrie.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci d'avoir répondu à cette variété de questions qui vont nous permettre d'apprécier un peu mieux le COM de l'INA. Nous avons la possibilité d'émettre un avis sous six semaines.

Questions diverses

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, avant de nous séparer, je vous rappelle que la semaine prochaine, nous nous réunirons mercredi 15 avril à 9 heures 30, pour entendre MM. Nicolas de Tavernost, président du groupe M6, Nonce Paolini, président du groupe TF1 et Bertrand Méheut, président du groupe Canal+ sur l'avenir de France Télévisions, puis, à 11 heures, pour entendre MM. Pascal Rogard, président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), et Olivier Brillanceau, directeur général de la Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF) dans la perspective de la refonte de la directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Enfin, à 17 heures 15, nous procèderons à l'audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, à propos du conflit à Radio France.

M. David Assouline. - Il serait souhaitable que la commission puisse ouvrir un débat à moyen terme sur certains sujets. Je pense notamment à la question de Radio France. N'aurions-nous pas pu réagir un peu plus tôt ? Mathieu Gallet et l'intersyndicale devraient être auditionnés.

L'autre question qui mériterait un suivi de notre part est la réforme des collèges. Nous aimerions qu'en dehors de l'examen du projet de loi de finances, la ministre de l'éducation nationale vienne nous exposer son projet.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Vous avez raison, monsieur Assouline, nous devons nous emparer de la réforme des collèges, tout en tenant compte de la suspension prochaine des travaux du Parlement pour deux semaines et du calendrier de la fin de session.

Pour ce qui est des auditions relatives à l'actualité de Radio France, je vous rassure, il est nécessaire d'entendre tous les acteurs. Il est bien prévu d'auditionner Mathieu Gallet ainsi que l'intersyndicale.

Je réunirai prochainement le bureau de notre commission pour évoquer notre programme de travail d'ici à la fin de la session. Il est essentiel que nous puissions partager nos points de vue sur le programme à venir, compte tenu des suggestions des uns et des autres.

La réunion est levée à 11 heures.