COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mardi 17 mars 2015
- Présidence de Jean-Jacques Urvoas, président -La réunion est ouverte à 17 heures
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte pour les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 17 mars 2015.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Jacques Urvoas, député, président, et M. Philippe Bas, sénateur, vice-président, M. Philippe Doucet, député, étant désigné rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Bernard Saugey, sénateur, étant désigné rapporteur pour le Sénat.
La commission examine ensuite les dispositions restant en discussion.
M. Bernard Saugey, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le texte dont nous sommes saisis résulte d'une proposition de loi déposée au Sénat en novembre 2012 par nos collègues sénateurs Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur ici présents pour répondre à une préoccupation exprimée par les élus locaux dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale, organisés en octobre de la même année par le président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel.
Cette proposition de loi visait à harmoniser le régime indemnitaire des exécutifs locaux, à mieux protéger les élus salariés et à encourager la formation des élus locaux.
De son côté, l'Assemblée nationale a enrichi le texte avec les propositions formulées par la mission d'information sur le statut de l'élu créée par sa commission des Lois dans son rapport sous la plume de MM. Philippe Doucet et Philippe Gosselin.
À l'issue des deux lectures successives, les textes adoptés par les assemblées présentent beaucoup de points de convergence, et ne subsistent principalement que trois points de désaccord.
Le premier point, d'importance pour le Sénat, concerne la clarification du champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts. En première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté une définition différente de l'intérêt constitutif du délit, en s'appuyant sur les conclusions de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique présidée par M. Jean-Marc Sauvé. En deuxième lecture, à l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions inscrites à l'article 1er A.
Le deuxième point concerne, à l'article 4, les modalités de financement de l'allocation différentielle de fin de mandat. L'Assemblée nationale a prévu une cotisation prélevée sur les indemnités des élus, alors que le droit en vigueur prévoit qu'elle est financée par une cotisation obligatoire annuelle versée par les communes de plus de 1 000 habitants, les départements, les régions ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le Sénat a maintenu les modalités actuelles de financement du fonds, qui lui apparaissent plus conformes au regard de l'engagement de l'élu au service de sa collectivité.
Le dernier point concerne la création d'un droit individuel à la formation (DIF) des élus prévu par l'article 5 bis, introduit par le Sénat par amendement en première lecture. Sur proposition de sa commission des Lois, le Sénat avait, en deuxième lecture, restreint l'assiette de la cotisation aux seuls élus qui décideraient de constituer un tel DIF. En revanche, la délégation du Sénat aux collectivités territoriales prévoyait d'en mutualiser le financement entre les élus, comme l'Assemblée nationale l'a décidé en deuxième lecture en baissant d'autant le taux de cotisation. Le Sénat avait également reconnu aux élus siégeant à la fois au conseil municipal et à l'organe délibérant d'un EPCI à fiscalité propre la faculté de choisir le mandat au titre duquel ils cotiseraient pour la constitution de leur DIF. Cette disposition a été jugée redondante par l'Assemblée nationale qui l'a, en conséquence, supprimée.
Avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale, nous nous sommes rapprochés pour vous présenter des propositions communes, mises au point avec l'accord de Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur.
M. Philippe Doucet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les échanges menés au sein de la mission d'information de la commission des Lois, avec notamment MM. Philippe Gosselin et Yves Goasdoué, avec Mme Jacqueline Gourault et avec les représentants des associations d'élus ont en effet été fructueux. Avec le rapporteur pour le Sénat, nous avons cherché à trouver un chemin commun vers un consensus.
En ce qui concerne la définition de la prise illégale d'intérêts, les auditions de la mission d'information avaient montré que les sénateurs et les associations d'élus étaient attachés à une évolution sur ce point.
Cependant, paradoxalement, les éléments présentés par les représentants de la Chancellerie montraient que les décisions jurisprudentielles sans cesse rappelées et critiquées par les associations d'élus n'étaient plus à l'ordre du jour depuis l'adoption de la proposition de loi dite Fauchon. C'est pourquoi la commission des Lois de l'Assemblée nationale avait modifié la définition de ce délit en s'en tenant aux travaux de la commission Sauvé.
Cependant, ce point a conduit à un blocage avec l'exécutif sur l'avancement des travaux sur cette proposition de loi, le Gouvernement étant opposé à toute évolution de cette définition et de la jurisprudence applicable.
Par ailleurs, le traitement médiatique de ce sujet aurait pu donner l'illusion que, par cette mesure, les élus cherchaient à se protéger et à se dédouaner en mettant en place un statut pénal spécifique.
Aussi, afin de permettre une adoption des autres dispositions de cette proposition de loi, issues de la proposition de loi initiale du Sénat mais aussi des travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale, il nous a semblé plus sage, en deuxième lecture, de renoncer à modifier la définition de la prise illégale d'intérêts.
Ces dispositions permettront d'ouvrir de manière pratique l'exercice d'un mandat local à de nouvelles catégories de citoyens, notamment à tous ceux qui ont un emploi salarié, et de permettre à tous les élus de mieux exercer leurs responsabilités, en réglant un certain nombre de problèmes qui existent aussi bien dans les collectivités rurales que dans les collectivités plus urbaines.
Ce texte permettra ainsi l'expression d'un consensus républicain, aussi bien au sein de l'Assemblée nationale qu'entre les deux chambres.
M. Philippe Gosselin, député. - Je me réjouis que nous puissions aboutir à un texte de consensus aujourd'hui, qui soit la concrétisation aussi bien des travaux du Sénat que de ceux de la mission d'information de l'Assemblée nationale. Nos différences ont permis d'enrichir aussi bien son rapport que la proposition de loi qui en a résulté. Si le cheminement de ce texte a été un peu trop lent, ce texte sera une véritable avancée. Ce n'est pas la création d'un statut des élus locaux, maintes fois annoncé et pourtant nécessaire pour concilier mandat local et vie professionnelle, mais ce texte contient des éléments positifs pour les élus locaux et ce, sans donner l'impression de donner des avantages indus à ces élus.
Nous sommes face à un texte équilibré, qui favorisera la formation et la validation des acquis de l'expérience des élus locaux, leur permettant ainsi de rebondir, et de pouvoir accéder à des responsabilités locales, de les exercer et d'en sortir avec des perspectives professionnelles plus favorables, sans disposition exorbitante du droit commun.
Je me réjouis de l'esprit de consensus qui anime nos travaux pour trouver un texte commun.
M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Je me réjouis également du travail mené en commun. J'observe que les enrichissements successifs du code général des collectivités territoriales font qu'aujourd'hui il existe d'ores et déjà dans les faits un statut des élus locaux.
En outre, les éléments de jurisprudence rappelés ont été réglés par la loi Fauchon concernant la responsabilité pénale des décideurs locaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, président. -Ce texte étant plus communément appelé « loi Fauchon-Dosière » voire « Dosière-Fauchon » à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Le problème de l'incrimination de prise illégale d'intérêts est distinct : contrairement à ce que soutient la Chancellerie, s'il y a bien peu de condamnations, il y a beaucoup de poursuites, souvent encouragées par les médias, qui aboutissent à la stigmatisation de certains élus locaux. Ce problème n'a pas été réglé et la notion d'« intérêt quelconque » reste redoutable.
M. Pierre-Yves Collombat, sénateur. - Je souhaiterais exprimer mon opinion parfaitement discordante. Au sein de cette commission mixte paritaire, je ne suis que suppléant, mais je ne voterai pas le texte issu de ses travaux lorsqu'il sera présenté au Sénat.
Il ne constitue pas un statut de l'élu : cela n'a rien à voir avec ce qui avait été évoqué lors des états généraux de la démocratie territoriale.
Un certain nombre de dispositions que nous jugeons importantes, telle la modification de la définition de la prise illégale d'intérêts, que le Sénat a adoptée trois fois à l'unanimité, s'apprête à en être évacué.
La lecture de la charte de l'élu, lors de la première réunion des assemblées délibérantes, constituera un exercice de mortification que je juge humiliant. Ce n'est pas en apportant ainsi de l'eau au moulin des critiques que l'on rehaussera le statut des élus locaux, qui sont des braves gens et qui n'ont pas à courber l'échine. Il s'agit là d'une tartufferie.
M. Bernard Saugey, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je comprends d'autant plus la position de M. Collombat sur la question de la prise illégale d'intérêts que nous étions cosignataires de la même proposition de loi sur ce sujet. Mais plus que les exemples jurisprudentiels souvent évoqués, je cite souvent le cas du maire d'une commune, qui avait voté une subvention à une équipe de football locale, qui a été poursuivi au motif qu'un de ses neveux jouait dans cette équipe. Si ces poursuites n'ont évidemment pas prospéré, pendant un an les procédures et les auditions liées à cette affaire ont embêté cet élu. C'est pour éviter le caractère que l'on qualifiera de tatillon de certains magistrats que nous avions inséré cette disposition. Dont acte : il y a cependant dans cette proposition de loi beaucoup de points qui représentent des avancées notables.
La commission mixte paritaire supprime l'article 1er A.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat. - Vos deux rapporteurs proposent de retenir la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, mais de la simplifier en supprimant le quatrième alinéa de l'article. Nous conserverions par ailleurs la référence au principe de libre administration des collectivités territoriales au sein du premier alinéa de la charte de l'élu local en réécrivant sa première phrase.
La proposition de rédaction n° 1 des deux rapporteurs est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er B dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 1er
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 1er bis A
La proposition de rédaction n° 2 des deux rapporteurs, d'amélioration rédactionnelle, est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis A dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 2 ter
La commission mixte paritaire adopte l'article 2 ter dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 3 bis B
La commission mixte paritaire adopte les paragraphes 1° à 3° dans la rédaction de l'Assemblée nationale, moyennant une précision rédactionnelle, puis elle adopte le 3° bis dans la rédaction du Sénat, enfin elle adopte les paragraphes 4° à 7° dans la rédaction de l'Assemblée nationale avec la même précision rédactionnelle.
La commission mixte paritaire adopte l'article 3 bis B dans la rédaction issue de ses travaux.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat. - Nous proposons de modifier la rédaction de cet article en maintenant les modalités actuelles de financement du fonds pour l'allocation différentielle de fin de mandat, solution retenue par le Sénat.
La proposition de rédaction n° 3 des deux rapporteurs est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction issue de ses travaux.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat. - Nous pouvons retenir la rédaction de l'Assemblée nationale. Toutefois, il me semble nécessaire de préciser que le mandat électif auquel il est fait référence est un mandat local.
M. Guy Geoffroy, député. - C'est une bonne remarque. L'accord féminin de l'épithète « locale » présent au sein de cette phrase fait qu'il renvoie exclusivement à la fonction élective, non au mandat électif.
La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction de M. Bernard Saugey.
La commission mixte paritaire adopte l'article 5 dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 5 bis
La commission mixte paritaire adopte l'article 5 bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale, moyennant une rectification terminologique.
Article 6
La commission mixte paritaire rappelle l'article 6 pour coordination et adopte la proposition de rédaction n° 4 des deux rapporteurs remplaçant l'appellation de conseil général par celle de conseil départemental.
Puis elle adopte l'article 6 dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 7
La proposition de rédaction n° 5 des deux rapporteurs, apportant une amélioration rédactionnelle, est adoptée.
Puis la commission mixte paritaire adopte l'article 7 dans la rédaction issue de ses travaux.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 6 prévoit une coordination relative à l'application du présent texte à Mayotte.
La proposition de rédaction n° 6 des deux rapporteurs est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 8 dans la rédaction issue de ses travaux.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
La réunion est levée à 17 h 30