Jeudi 5 mars 2015
- Présidence de M. Charles Revet, président d'âge -La réunion est ouverte à 9heures.
Réunion constitutive
M. Charles Revet, président d'âge. - Donnant suite à la proposition de résolution de Mme Leïla Aïchi et de plusieurs membres du groupe écologiste, dans le cadre du droit de tirage de ce groupe, cette commission d'enquête créée par le Sénat le 11 février est consacrée au coût économique et financier de la pollution de l'air. Compte tenu de l'enjeu, nous nous félicitons de cette initiative, même si la tâche ne sera pas facile. M. Jean-François Husson est candidat à la présidence.
M. Jean-François Husson est élu président de la commission d'enquête.
- Présidence de M. Jean-François Husson, président -
M. Jean-François Husson, président. - Je vous remercie. Il est logique que le rapporteur soit issu du groupe ayant demandé la création de la commission d'enquête. Mme Aïchi est toute indiquée.
Mme Leïla Aïchi est élue rapporteure de la commission d'enquête.
M. Jean-François Husson, président. - Il nous reste à désigner six vice-présidents à la proportionnelle des groupes. MM. Martial Bourquin et Jacques Chiron sont candidats pour le groupe socialiste, Mme Fabienne Keller pour le groupe UMP, M. Loïc Hervé pour le groupe UDI-UC, M. François Fortassin pour le groupe RDSE et Mme Evelyne Didier pour le groupe CRC.
MM. Martial Bourquin et Jacques Chiron, Mme Fabienne Keller, MM. Loïc Hervé, François Fortassin et Mme Evelyne Didier sont élus vice-présidents.
M. Jean-François Husson, président. - La commission d'enquête n'est pas une structure comme les autres. Elle dispose de pouvoirs particuliers : convoquer toute personne, tenue par l'ordonnance du 17 novembre 1958 de déférer à cette convocation sous peine de deux ans d'emprisonnement, d'une amende de 7 500 euros, et de la privation des droits civiques. Cela ne concerne que les personnes de nationalité française, ce qui ne nous empêchera pas, si c'est nécessaire, de faire venir des témoins étrangers. Les personnes entendues par une commission d'enquête doivent prêter serment, s'exposant en cas de témoignage mensonger à 5 à 7 ans d'emprisonnement et 75 000 à 100 000 euros d'amende.
Le rapporteur dispose de pouvoirs propres : effectuer des contrôles sur pièces et sur place, se faire communiquer tout document de service non secret ou concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.
Les auditions sont en principe publiques. Elles peuvent toutefois se faire à huis clos si la personne entendue le demande. Nous déterminerons la publicité de nos travaux : publication de comptes rendus, ouverture au public, ouverture seulement à la presse, enregistrement audiovisuel... Les travaux non publics sont soumis à la règle du secret. J'appelle donc chacun d'entre nous à la plus grande discrétion notamment sur la délibération sur les orientations du rapport. La sanction de la divulgation ou de la publication d'une information couverte par le secret est d'un an d'emprisonnement et de 15 245 euros.
Les réunions de commission devant se tenir en dehors des moments où le Sénat est en séance, je vous propose que nos auditions se tiennent le jeudi matin, à compléter le cas échéant par le mercredi après-midi. Une commission d'enquête doit remettre son rapport au plus tard six mois à compter de la décision de sa création ; dans le cas d'espèce le 11 août 2015. Un délai de six jours est par ailleurs nécessaire entre l'annonce du dépôt du rapport en séance et la publication proprement dite du rapport, dans l'éventualité de la demande de constitution du Sénat en comité secret. Cela ne doit pas nous empêcher d'adapter notre calendrier, par exemple en avançant à la mi-juillet la publication du rapport.
Mme Leila Aïchi, rapporteure. - Je vous remercie. J'ai proposé la création de cette commission d'enquête en raison de mon engagement personnel ancien sur ce thème en tant qu'avocate et de l'inquiétude du public sur ce sujet. M. le président et moi avons la même volonté : faire un constat objectif, sans accuser personne, ni laisser de côté des aspects du problème ; faire un travail pédagogique permettant de diffuser l'information loin de toute écologie punitive, pour des solutions acceptables par tous. Terminer à la mi-juillet - donc finir les auditions à la mi-juin - me convient. Nous commencerons nos travaux dans une quinzaine de jours, le temps de mettre au point le programme d'auditions.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Sous quelle forme comptez-vous procéder aux auditions ? Ferez-vous des comparaisons avec d'autres pays ? Examinerons-nous les conséquences des vents sur la pollution atmosphérique ?
Mme Leila Aïchi, rapporteure. - Sans préjuger de nos conclusions, je souhaite que nous soyons le plus exhaustif possible. Si le coût en termes sanitaires est évident, il faudra aussi prendre en compte celui de la rénovation des façades ou de l'impact de la pollution de l'air sur la qualité des sols et de l'eau dans les régions agricoles. Aline Archimbaud et moi sommes d'accord pour ne pas revenir sur l'aspect purement sanitaire : il s'agit ici de mesurer l'impact économique et au-delà des coûts, les opportunités que ces enjeux présentent pour notre économie. J'insiste sur ce point, parce que la société a souvent une perception fausse des écologistes de ce point de vue.
Nous pourrions ensuite éventuellement faire des propositions, qui rompent, comme me l'a fait remarquer M. le président, avec l'image parfois négative du Sénat dans le public.
M. Yves Pozzo di Borgo. - A l'Assemblée nationale, plutôt !
M. Charles Revet. - Nous devons, à partir d'un constat, déterminer ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation. Nous devrons d'abord analyser les causes, y compris sanitaires. Le débat sur la transition énergétique nous a permis de voir certains enjeux.
M. Martial Bourquin. - Il est essentiel de se donner tous les moyens d'investigation nécessaires. Je suis curieux de connaitre l'impact de la mise en place d'un tram ou d'un bus à haut niveau de service en centre-ville. Il faudra se pencher sur des solutions choisies localement. J'étais dernièrement à Strasbourg : la situation s'est améliorée progressivement depuis la mise en place du tram, et les habitudes ont changé.
La pollution de l'air a été longtemps vue comme le prix à payer du développement ; or le développement est possible sans elle ! J'ai été surpris par son impact sur la pollution des rivières ; une étude universitaire a mis en évidence ce phénomène inquiétant pour la Loue, le Doubs et le Dessoubre.
M. Yves Pozzo di Borgo. - A Paris, où la pollution atmosphérique est due à 50 % aux bâtiments et pour le reste à la circulation et à l'industrie, nous avons fait beaucoup d'efforts pour limiter la circulation automobile ; mais les voitures ont été remplacées par les motos qui polluent elles aussi. Mme Archimbaud a-t-elle des éléments sur ce point ?
M. François Fortassin. - Si vous le souhaitez, je peux vous inviter au Pic du Midi de Bigorre, caractérisé par un air pollué jusqu'à 800 mètres d'altitude, puis par un air très pur, car il est en avant de chaîne.
Mme Aline Archimbaud. - Malgré sa gravité, l'impact sanitaire n'est pas l'objet de cette commission d'enquête. De multiples études en France et à l'étranger sont accablantes. Je n'ai pas eu le temps d'étudier le rôle de chaque catégorie de véhicule, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'études sur le sujet. Le Commissariat général au développement durable parle d'un coût sanitaire de 20 à 30 milliards d'euros ; il faudra sans doute recevoir ses représentants. Cette commission devra trouver des pistes y compris industrielles ; c'est cela qui la rendra audible.
M. Jacques Chiron. - Les techniques d'études ont évolué ; à Grenoble par exemple, cela donne l'impression qu'il n'y a pas de gain, car nous prenons conscience de pollutions nouvelles et mesurons des particules de plus en plus fines, alors qu'il y a des améliorations sur certaines pollutions et qu'il y a de moins en moins de voitures, grâce aux cinq lignes de tram. Il faut dire que la ville est dans une cuvette. Nous devrons aussi mesurer le coût économique et financier du point de vue des collectivités.
Mme Leila Aïchi, rapporteure. - Bien sûr !
M. Jacques Chiron. - Nous sommes face à un débat entre ceux qui ne veulent que des vélos et ceux qui acceptent quelques véhicules, électriques par exemple. Tout le monde ne peut pas se déplacer à vélo !
M. Martial Bourquin. - Nous devrons faire des études comparatives. Je vis non loin de l'Allemagne et de la Suisse : il y a des facteurs culturels. Devant l'université de Fribourg, avec un climat parfois plus pluvieux que le nôtre, il y a toujours 800 à 1 000 vélos.
M. Jean-François Husson, président. - Nous souhaitons un diagnostic objectif partagé. En tant qu'élus locaux, nous regardons d'abord les territoires. Mais nous devons aussi faire le lien avec la réalité vécue par les entreprises : traitement des fumées, traitement des déchets, cimenteries. Souvent perçu comme une contrainte, les normes européennes dans ce domaine peuvent devenir une opportunité. Je suis tenté de faire le parallèle avec l'amiante ; aujourd'hui, nous ne pouvons pas taire ceux de la pollution atmosphérique. Nous auditionnerons aussi les quatre ministres concernés.
Mme Leila Aïchi, rapporteure. - Non seulement, nos techniques sont meilleures pour mesurer la pollution, mais celle-ci est devenue plus insidieuse, plus high tech, si j'ose dire, avec des particules tellement fines qu'elles pénètrent par la peau. Les particules produites par le diesel devaient autrefois être inhalées pour être nocives ; plus maintenant. Il est important de débattre de ces sujets : c'est une demande de nos concitoyens.
M. Jean-François Husson, président. - Nous devrons aussi être imaginatifs sur la communication à l'issue de nos travaux. Pourquoi ne pas nous faire accompagner par des étudiants en fin de cycle, qui apporteraient non seulement un regard jeune, mais aussi une familiarité avec les moyens modernes de communication ? Pourquoi ne pas envisager une application de smartphone, par exemple ? Nos travaux restent trop souvent confidentiels, alors qu'ils vont plus au fond des choses que bien des études davantage centrées sur la communication.
Vous le constatez, nous avons de grandes ambitions, mais nos moyens restent modestes : à nous de retrousser nos manches !
La réunion est levée à 9 h 40.