Mercredi 28 janvier 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 10 h 10.
Désignation d'un vice-président de la commission
M. Jacques-Bernard Magner est élu vice-président de la commission, en remplacement de M. Jean-Marc Todeschini.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je salue l'arrivée parmi nous de M. Alain Vasselle, que beaucoup d'entre nous connaissent bien, et qui succède à M. Philippe Marini, démissionnaire.
Modernisation du secteur de la presse - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. Philippe Bonnecarrère et élabore le texte de la commission sur la proposition de loi n° 202 (2014-2015), adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le texte que nous sommes appelés à examiner porte sur la gouvernance de l'AFP, son nouveau statut juridique d'entreprise citoyenne de presse d'information et améliore le système de distribution de la presse papier. Je passe tout de suite la parole à notre rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Le 17 décembre dernier, alors que l'Assemblée nationale examinait en première lecture cette proposition de loi, notre commission a bien voulu me faire l'honneur de me nommer rapporteur de ce texte. J'ai essayé de travailler dans la logique constructive voulue par le président du Sénat, et avec le souci d'approfondir le travail de l'Assemblée nationale. Au début du mois de janvier, nous apprenions que le groupe socialiste demandait son inscription à l'ordre du jour lors de sa séance réservée du 5 février et que le Gouvernement avait demandé à engager la procédure accélérée.
Votre rapporteur n'aura donc eu que trois semaines pour examiner un texte qui se propose de réformer la régulation du système coopératif de distribution de la presse écrite mis en place par la loi de 2011 - laquelle est, par ailleurs, un succès - et de moderniser la gouvernance de l'Agence France-Presse.
Si j'évoque le court délai qui m'a été imparti et, plus généralement, l'atmosphère d'urgence qui entoure l'examen de ce texte, ce n'est pas pour en nourrir quelque amertume. Cela fait longtemps que le Parlement a pris l'habitude d'être soumis à de telles accélérations, qui ne nous ont pas empêché de conduire de nombreuses auditions. Si j'attire votre attention sur la brièveté des délais, c'est d'abord pour vous rappeler les circonstances qui ont présidé à la gestation de ce texte et qui trouvent notamment leur origine dans la situation compliquée dans laquelle se trouve l'Agence France-Presse.
L'AFP est une de nos fiertés nationales. Figurant parmi les trois agences mondiales que compte le secteur, elle produit de l'information en six langues sur tous les continents et concourt au développement d'une vision culturellement spécifique du monde, d'inspiration francophone, différente de celle des grandes agences anglo-saxonnes comme Associated Press et Reuters, dont le modèle est exclusivement économique et, désormais, de Chine Nouvelle. Cette agence est pourtant parvenue à un tournant qui appelle des choix clairs, pour assurer stabilité et continuité dans son mode de gestion. Entreprise sui generis dépourvue de capital, l'AFP ne peut compter, sachant ce qu'est la situation de l'État, que sur ses propres forces et un plan d'investissement d'ampleur limité pour assurer son développement dans un contexte concurrentiel exacerbé par la révolution numérique qui appelle le développement parallèle d'une offre d'information en vidéo.
Autant dire que le modèle de l'AFP, s'il a permis le succès mondial de l'entreprise, a aussi ses fragilités, notamment depuis qu'une agence de presse allemande a porté plainte contre elle en 2010 auprès de la Commission européenne pour concurrence déloyale au motif que l'agence recevait des aides de l'État français lui permettant de pratiquer des prix plus bas pour certains de ses services.
Cette plainte a été examinée par la Commission européenne qui a adressé le 27 mars 2014 une notification au Gouvernement français l'enjoignant de mettre en conformité, dans le délai d'un an, le statut de l'AFP avec le droit européen. D'où l'urgence. Après avoir lu la note très complète de la Commission européenne, que je tiens à votre disposition, je puis vous dire que celle-ci a porté un jugement très équilibré sur l'AFP et a fait preuve d'une grande mansuétude au regard des règles de la concurrence et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, telle que définie, en particulier, par l'arrêt Altmark de 2003. Elle ne demande que des aménagements comptables et organisationnels qui ne remettent pas en cause les missions d'intérêt général de l'agence, ni la nécessité des aides de l'État français pour les accomplir pour autant qu'il n'y ait pas de surcompensation ni de financements croisés. Le Gouvernement a apporté une réponse pertinente à ces observations et je vous proposerai de lui en donner acte dans ce rapport.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est donc directement liée aux engagements pris par le Gouvernement français de mettre en conformité le statut de l'AFP avec le droit européen avant le 27 mars 2015.
Les autres dispositions de la proposition de loi ont été ajoutées afin de profiter de la fenêtre législative ainsi ouverte. Elles sont alimentées par un rapport au Premier ministre du député Michel Françaix mais aussi, pour beaucoup d'entre elles, reprises d'une proposition de loi déposée par notre collègue Jacques Legendre en mai 2011, qui n'avait pas pu être inscrite à l'ordre du jour. Je dois également à la loyauté de préciser que ce travail avait été mené en commun avec notre collègue David Assouline, qui retrouvera, dans les propositions que je vous présenterai tout à l'heure, quelques éléments dont il reconnaîtra l'inspiration. J'entends aussi montrer, par ce rappel du travail préalable de notre commission, que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui comprend des mesures qui sont devenues assez consensuelles. Ainsi de l'idée de réduire le nombre des représentants des médias français, actuellement au nombre de huit, au sein du conseil d'administration de l'AFP afin de pouvoir accueillir cinq personnalités qualifiées qui pourront représenter la réalité de ce qu'est devenue l'AFP, c'est-à-dire une entreprise mondiale tant par son champ d'intervention que parce qu'elle réalise plus de la moitié de son chiffre d'affaires en dehors de notre pays.
Mes propositions porteront sur deux points. Le premier concerne le profil de ces personnalités dont je souhaite qu'au moins trois puissent justifier d'une véritable expérience au niveau européen ou international, qu'elles soient de nationalité étrangère ou française. Si je ne suis pas allé jusqu'à cinq comme je l'aurais initialement souhaité, c'est dans un souci d'équilibre, car il est également souhaitable que le conseil d'administration compte des personnalités dont les compétences sont centrées sur le management.
Le second point est plus fondamental, puisqu'il vise à doter l'AFP d'une vraie gouvernance moderne. Dans le monde de l'entreprise privée, aux côtés du directoire, qui assure l'opérationnel, on trouve un conseil de surveillance qui contrôle la stratégie et en vérifie les résultats ; il en va de même dans le secteur public - je pense notamment aux conseils de surveillance des centres hospitaliers et des centres hospitaliers universitaires (CHU) ou à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Or, à l'heure actuelle, l'AFP ne peut compter que sur un conseil d'administration extrêmement faible et, en fait de conseil de surveillance, sur une simple commission financière dont les missions restent très circonscrites.
La faiblesse de ces instances de direction est frappante : le conseil d'administration ne se réunit pas plus de deux fois par an et peine, de l'avis même de ses membres, à intervenir sur le fonctionnement de l'entreprise ; quant au conseil supérieur, il se réunit une fois par an et considère que son rôle se limite à l'examen déontologique des plaintes déposées par les seuls abonnés - ce qui signifie que les simples lecteurs ne peuvent le saisir. Bref, l'entreprise manque de contre-pouvoirs en son sein, à l'heure même où elle doit mettre en place une stratégie, aborder une phase d'investissement synonyme, hélas, d'endettement supplémentaire. Je vous proposerai donc, par voie d'amendement, de répondre à cette difficulté.
L'entreprise doit, de fait, investir, pour aller vers l'information vidéo et vers le numérique. Elle a choisi, pour cela, un mode opératoire qui ne serait permis à aucune commune, aussi petite soit-elle. L'AFP ne pouvant emprunter, compte tenu de sa situation financière, a été autorisée à constituer une filiale de moyens, dont elle est le seul actionnaire, et qui sera chargée d'emprunter 26 millions d'euros. Inutile de vous dire qu'il s'agit là d'une déconsolidation pure et simple de la dette. Sachant que cette filiale ne pourra compter que sur une redevance de l'AFP, il est clair que c'est l'entreprise mère qui aura à faire face aux échéances de prêts, au prix de frais de TVA supplémentaires. Voilà un choix techniquement audacieux - et c'est un euphémisme.
Il est d'autant plus essentiel que les choix d'investissement fassent l'objet d'un examen contradictoire au sein de la société. D'où l'importance d'un vrai conseil de surveillance. Le président de la commission financière de l'AFP, que j'ai reçu la semaine dernière, souligne que la situation de l'AFP n'est pas bonne et son résultat devrait être négatif en 2014. Si l'on veut que l'entreprise demeure un fleuron, il faut la doter d'une gouvernance forte. J'ajoute que les personnels de l'AFP, très attachés à leur entreprise, sont conscients de la nécessité de garantir l'indépendance de l'agence et, à travers elle, celle des journalistes, exigence qui est loin d'être neutre dans le contexte que nous connaissons.
Voilà pourquoi je propose de fusionner le conseil supérieur et la commission financière de l'AFP afin de créer une véritable commission de surveillance de l'AFP qui, outre qu'elle reprendra les missions relatives à la déontologie et au contrôle financier des deux structures fusionnées, sera chargé d'examiner la stratégie du conseil d'administration. Le président du conseil supérieur, M. le conseiller d'État Thierry le Fort, comme celui de la commission financière, le conseiller maître à la Cour des comptes Daniel Houri, m'ont donné leur plein accord. J'ajoute que la position du Syndicat national des journalistes (SNJ) est très proche et que la Société des journalistes (SDJ), qui représente la majorité des journalistes de la société, soutient également cette proposition.
Concernant les dispositions relatives à la distribution de la presse papier, l'état des lieux n'est guère plus réjouissant. Nous devons être vigilants afin de préserver l'indépendance de la presse et des journalistes, qui passe également par une modernisation de sa distribution - à laquelle nous allons ici nous atteler - et par une migration réussie vers le numérique, qui nécessitera du temps et des moyens, sur laquelle nous devons nous pencher sans tarder.
La diffusion de la presse papier est en chute libre depuis une dizaine d'années et il faudra longtemps avant que la presse numérique, encore marquée par l'esprit de gratuité propre au monde de l'internet, ne représente une source de revenus pérenne pour les éditeurs. Dans ces conditions, la situation économique de Presstalis et des Messageries lyonnaises de presse, même si elle s'est considérablement améliorée grâce aux efforts importants de l'une et l'autre entreprises, demeure extrêmement précaire. Sans les aides publiques, aucune ne serait en mesure de poursuivre son activité comme me l'a rappelé Alexandre Jevakhoff, inspecteur général des finances, auteur d'un rapport aussi explosif que confidentiel sur l'avenir du système coopératif de distribution de la presse, lors de son audition.
L'ensemble de la filière est fragilisé : les kiosquiers, dont le revenu annuel moyen ne dépasse pas 11 000 euros bruts, en viennent à disparaître progressivement ; les dépositaires de niveau II peinent à se restructurer pour atteindre une taille critique. Pourtant, la proposition de loi ne répond pas aux enjeux de l'évolution du modèle économique de la distribution. Notre assemblée sera certainement amenée à revenir sur ces questions à moyen terme. Le sujet reste très sensible comme en témoigne le refus du Gouvernement de publier le rapport Jevakhoff, qui, partant d'un constat alarmant sur la situation économique des acteurs, propose une remise à plat radicale du système, dont j'avoue ne pas partager pleinement les éléments : fusion des messageries - vieux débat ! - en une entité exclusivement commerciale, sous-traitance des flux logistiques à l'opérateur postal s'agissant des magazines et au réseau de la presse régionale pour les quotidiens dit de presse nationale - nous y reviendrons tout à l'heure -, revalorisation massive de la rémunération des diffuseurs - sujet que nous ne saurions aborder dans cette proposition de loi.
Bref, une réforme de grande ampleur s'imposera prochainement si nous souhaitons que survive le système coopératif de distribution de la presse, auquel, pour ma part, je suis attaché - y compris dans sa dimension concurrentielle.
À défaut de « grand soir », ce texte n'en propose pas moins des évolutions utiles du modèle de régulation des messageries de presse. Il procède d'abord à un renforcement des pouvoirs conférés à l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), tout en conservant le système bicéphale cher au législateur de 2011 : désormais autorité administrative indépendante financée par le budget de l'État, celle-ci comptera un quatrième membre désigné par le président de l'Autorité de la concurrence pour son expertise économique et industrielle. Il est également proposé, ce qui me semble de bon aloi pour renforcer en l'expertise, que l'Autorité soit renouvelée par moitié tous les deux ans et que le mandat de ses membres devienne renouvelable une fois, afin d'éviter une déperdition brutale des compétences. L'ARDP se voit, en outre, reconnaître un pouvoir de réformation des décisions du Conseil supérieur des messageries de presse.
L'équilibre économique de la filière n'est pas oublié : l'article 1er donne sa traduction législative à un principe auquel les éditeurs de presse sont très attachés, le principe de péréquation, qui veut, en vertu d'accords passés au sein de la profession, que les éditeurs de magazines participent au financement de la distribution, par nature déficitaire, des quotidiens d'information générale. Il prévoit surtout une procédure d'homologation, sous la responsabilité du Conseil supérieur, des barèmes appliqués par les messageries, dont l'opacité et l'inadéquation avec les coûts réels de la distribution font l'objet de critiques récurrentes.
Enfin, la proposition de loi avance timidement sur la question de la mutualisation des réseaux de distribution. L'article 7 donne un fondement juridique aux expérimentations en cours par lesquelles la presse quotidienne régionale, qui a développé un système de portage, distribue les quotidiens nationaux. Parce que la presse quotidienne nationale a des accords d'exclusivité avec Presstalis, il faut passer par la voie législative pour dégager le terrain, sachant que la volonté d'aller dans le sens d'une mutualisation est partagée par les éditeurs de la presse régionale et nationale.
Passé le sentiment de déception que peut susciter la lecture des modestes mesures proposées, j'ai considéré que les avancées envisagées n'en étaient pas moins utiles, dans un secteur où tout changement trop brutal peut conduire à des situations de blocage, comme la profession en a souvent connu dans son histoire. J'ai donc simplement cherché à améliorer les dispositifs proposés, lorsque cela m'a paru nécessaire, par les amendements que je vous présenterai dans un instant, conscient, malgré tout, que nous ne pourrons faire l'économie, dans les années à venir, d'une réforme ambitieuse et courageuse du système de distribution de la presse. Ne soyez pas trop sévères, pour l'heure, à mon endroit. Si vous ne trouvez pas, dans mes propositions, d'amendements relatifs aux détaillants, ou au basculement vers le numérique, c'est que l'on ne saurait, en l'espace de trois semaines, réformer tout le système.
Vous aurez compris que ma démarche, loin de toute polémique, vise à améliorer cette proposition de loi plutôt qu'à en contester le bien-fondé, en m'inspirant du travail réalisé par MM. Legendre et Assouline. J'espère vous démontrer, au travers de mes amendements, que le Sénat peut apporter une forte valeur ajoutée.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie de cet exposé complet et du travail approfondi que vous avez mené dans un temps limité.
Mme Colette Mélot. - Je félicite à mon tour notre rapporteur pour son exposé complet et argumenté. Je n'en regrette pas moins ce nouveau recours à la procédure accélérée, qui prive le Parlement de ses pouvoirs.
Sur le fond, j'estime que cette proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale manque d'ambition. Le rapporteur nous laisse entrevoir, heureusement, des améliorations possibles. Plusieurs rapports parus l'an dernier convergent pour constater les difficultés que rencontre la presse et appeler à une réforme en profondeur. Il y a là-dessus consensus parmi nous.
Ce texte engage cependant plusieurs évolutions pragmatiques. Dans la lignée de précédents travaux, il oeuvre, en premier lieu, à améliorer la régulation dans la distribution. Je pense au Livre vert issu des États généraux de la presse écrite, en 2009, à la suite duquel une première réforme de la « loi Bichet » avait été entreprise en vue d'une régulation plus efficace du système coopératif de distribution, à l'initiative de notre collègue Jacques Legendre. D'autres travaux ont débouché sur un plan de relance triennal : les dotations à la presse ont progressé de plus de 50 % - plus de 1,3 milliard sur trois ans. Il entreprend, en deuxième lieu, de mettre en conformité la gouvernance de l'AFP avec les exigences de la Commission européenne. Il crée, enfin, un statut pour les entreprises de presse réinvestissant une partie de leurs gains dans leur activité, avec incitation fiscale à la clé.
Nous nous interrogeons sur la pertinence de l'article 15, qui prévoit que les parlementaires, lors de leurs visites de certains lieux privatifs de liberté, pourront se faire accompagner de journalistes : il ne nous semble pas relever d'un texte relatif à la modernisation de la presse.
M. Patrick Abate. - Je salue le travail du rapporteur, qui n'a disposé que de délais très courts en raison d'une procédure accélérée qui fâche toujours un peu - mais nous savons qu'il s'agit de répondre à une injonction de la Commission européenne.
Certaines réponses apportées par ce texte nous semblent intéressantes, d'autres pourraient, nous semble-t-il, s'affirmer avec plus de détermination, d'autres enfin nous paraissent plus contestables. Parmi les dispositions intéressantes, mentionnons le statut d'entreprise solidaire, ainsi que le droit reconnu aux journalistes d'accompagner les parlementaires dans les prisons et centres de détention qui, même si elle ne relève pas directement, ainsi que le relève Mme Mélot, de la modernisation de la presse, y participe, en ce qu'elle développe les droits des journalistes et les pouvoirs de la presse. L'injonction de la Commission européenne ouvre une fenêtre, autant en profiter.
En ce qui concerne la gouvernance du système coopératif de distribution, il est clair qu'un texte examiné en procédure accélérée ne saurait augurer d'un grand soir, et nous n'en ferons pas reproche au rapporteur. Il n'en était pas moins possible de pointer certaines orientations. Tout ce qui concerne la mutualisation va dans le bon sens, mais on pourrait également songer - et nous le ferons - à une fusion des messageries, qui éclaircirait les choses.
Oui, l'AFP est une fierté nationale, et je vous remercie, monsieur le rapporteur de l'avoir souligné. Vous avez cependant poursuivi en observant que la Commission européenne était plutôt généreuse et n'exigeait que des améliorations comptables ne remettant pas en cause, à votre sens, le statut de l'AFP. Nous sommes plus circonspects. Si, par la voie de normes comptables, on en venait à devoir sortir de l'AFP les missions qui ne seraient pas d'intérêt général, on court le risque d'aller vers une filialisation. Sans compter qu'il n'est pas aisé de trancher entre ce qui est d'intérêt général et ce qui ne l'est pas. J'ajoute qu'au regard du droit des faillites et du traitement de la dette de l'AFP, on tend vers un statut privé de droit commun pour l'entreprise. Nous estimons que l'on pourrait répondre autrement à la Commission européenne, et renforcer le caractère d'entreprise publique oeuvrant en faveur de l'intérêt général de l'AFP, afin qu'elle ne soit pas soumise aux contraintes des règles européennes de la concurrence.
Nous proposerons des amendements, en reprenant, tout d'abord, les dispositions de la proposition de loi n° 214 (2014-2015), déposée par notre groupe début janvier, visant à soutenir les publications d'information politique et générale indépendantes pour le maintien du pluralisme dans la presse, à renforcer, ensuite, la protection du secret des sources des journalistes et à recentrer, enfin, les aides de l'État, en donnant priorité aux journaux d'information générale et politique, selon une définition allant au-delà des seuls quotidiens.
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous approuvons ce toilettage, qui nous met en conformité avec les exigences européennes compatibles avec un soutien public financier à l'AFP. Reste que nous nous trouvons dans une situation ambiguë. Nous disposons d'un outil historique de service public, qui se fonde sur le principe de liberté de la presse et de respect de la diversité des opinions en même temps que sur un système de distribution fondé sur la mutualisation et voilà que les instances dirigeantes de cette institution se mettent à vanter la compétitivité, la filialisation, la santé financière... Je leur donne rendez-vous demain : quid, dans la perspective d'une filialisation, de la situation des personnels ? Et je pose, dès à présent, la question des pratiques de l'AFP dans ses accords internationaux. Je pense, en particulier, à son alliance stratégique avec Getty Images, dont les pratiques sont contraires à l'éthique. Je donne enfin rendez-vous aux parlementaires lors de l'établissement du contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence, qui sera déterminant pour tracer la frontière entre recherche effrénée de compétitivité et maintien d'une mission de service public.
M. David Assouline. - Alors que la liberté d'expression vient d'être attaquée dans son pilier fondamental, qui est la liberté de la presse, il est particulièrement bienvenu de nous pencher sur ce texte. Certes, au regard de cet enjeu, que l'actualité vient de placer sur le devant de la scène, il peut sembler partiel et peu ambitieux. Mais n'oublions pas qu'il avait été déposé pour répondre en urgence à une injonction de la Commission européenne. Chacun sait ici, en dépit de protestations convenues contre la procédure accélérée, que toute majorité aurait fait de même.
J'observe, en revanche, que cette proposition de loi, venue du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, a été inscrite à l'ordre du jour à la demande du groupe socialiste dans le cadre de l'ordre du jour réservé. Pourtant, le rapporteur nommé sur ce texte appartient à l'opposition. Ce n'est pas dans notre tradition, je le dis pour l'avenir. Vous avez déploré, monsieur le rapporteur, le peu de temps dont vous avez disposé. Mais nous avions longtemps travaillé sur ce sujet, et avions fait bouger les lignes, ainsi que vous l'avez rappelé. Un rapporteur choisi parmi les sénateurs ayant déjà oeuvré sur le sujet de la presse n'aurait pas eu à fournir un tel travail d'acculturation.
Cela étant, je veux souligner ici le sérieux de votre travail, la courtoisie que vous avez eue en me contactant il y a quelques jours pour me tenir informé de vos réflexions. Vous avez entrepris d'améliorer, de conforter le dispositif imaginé par l'Assemblée nationale, auquel les travaux du Sénat, en particulier sur l'AFP et la distribution, avaient largement ouvert la voie. Quand nous avons entrepris, avec M. Legendre, de modifier la loi Bichet, nous savions que c'était toucher à quelque chose de sacré. Il a fallu vaincre des résistances inouïes et j'ai vu, pour la première fois, mon nom fustigé dans des manifestations de rue. Depuis, la situation a bien changé, ce qui permet d'aller plus loin. Mme Mélot reproche à ce texte son manque d'ambition ? Mais c'est oublier qu'on en vient même à pouvoir prononcer le mot fusion, alors qu'à l'époque, c'était la guerre totale entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Tout était porté devant les tribunaux ! Si l'on peut aujourd'hui évoquer une fusion, c'est que, grâce au législateur d'alors, les lignes ont bougé et continuent à évoluer. Mais n'oublions pas que nous touchons à un secteur où il est essentiel de travailler avec les acteurs, et non contre eux. Ils sont aujourd'hui prêts à accepter ce que nous proposons, quand ce n'était pas le cas il y a quelques semaines encore. On peut à présent envisager de clarifier les compétences de l'ARDP et du CSMP, de mettre en place une procédure d'homologation des barèmes, sans soulever de contentieux. C'était absolument nécessaire. Il faudra, au-delà, arriver à la fusion au sein du système coopératif de distribution, mais je rappelle qu'il y a peu encore, il était inenvisageable de proposer que la presse quotidienne nationale puisse être distribuée par un système de portage de la presse quotidienne régionale.
J'en viens à l'AFP. Ses statuts posaient un vrai problème de gouvernance : les participants majoritaires à son conseil d'administration étaient ses clients. A-t-on jamais vu une entreprise dont les prix sont fixés par les clients ? Il fallait, également, renforcer ses ventes internationales, qui plafonnent à 50 %. Enfin, s'il est vrai que la compétition ne saurait être le seul critère, elle n'en est pas moins un critère. La presse doit être indépendante de l'État - l'AFP n'est pas l'agence Tass. Ce qui veut dire qu'elle est en concurrence sur le plan international. L'AFP est la seule agence européenne de dimension internationale. C'est notre fierté, il faut la préserver. Si, sous prétexte de pureté, on lui interdit d'entrer en concurrence avec les agences américaines, elle disparaîtra. Retenir un mix est donc bienvenu, pour autant qu'il soit bien dosé. Il faudra regarder de près la filiale, et je rejoins Mme Blandin qui nous invite à être attentifs sur le contrat d'objectifs et de moyens.
Enfin, dès lors qu'une proposition de loi relative à la presse vient à l'ordre du jour, il est inévitable de voir apparaître des cavaliers, parce que chacun est anxieux de résoudre les problèmes. D'accord pour profiter de cette fenêtre législative pour avancer sur les donations privées, mais j'estime, en revanche, que l'on ne saurait régler la question de la protection des sources des journalistes au détour d'un amendement, sachant que la rédaction de telles dispositions sera déterminante pour la liberté de la presse. Ne travaillons pas à la hussarde, au risque d'un retour de bâton. D'autant que le contexte pèse. Quand le terrorisme vient sur le devant de la scène, on court le risque, au lieu d'avancer, de provoquer des retours en arrière.
M. Loïc Hervé. - Je félicite à mon tour le rapporteur. Cette proposition de loi aurait pu porter une ambition plus vaste, comme son titre actuel pourrait nous le laisser croire, dans ce chantier gigantesque qui est celui de modernisation du secteur de la presse. La liberté de la presse, si importante pour la vie démocratique, aurait mérité que l'on s'y attarde bien davantage, alors que le secteur connaît une crise chronique et doit faire face à la mutation numérique.
Pour autant, le texte propose des évolutions nécessaires, au regard de nos obligations européennes notamment, qui vont dans le bon sens et semblent relativement consensuelles au sein de notre commission. Je pense à l'évolution de la gouvernance de l'AFP, ainsi qu'à celle de la distribution de la presse. Le groupe UDI-UC votera le texte et soutiendra avec bienveillance les propositions constructives proposées par le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Je partage vos réticences, madame Mélot, sur la procédure accélérée et entends votre invitation à plus d'ambition. Vous avez, en même temps, salué certaines évolutions ici envisagées. Il n'est pas facile, ainsi qu'il a été dit tout à l'heure, de toucher à ces textes sacrés que représentent la loi Bichet et, pour l'AFP, la loi de 1957. Mais on mesure aujourd'hui l'évolution des esprits : les acteurs du monde de la presse comprennent la nécessité d'évoluer.
Je souscris à vos observations sur les difficultés posées par l'article 15 : nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
Vous émettez à juste titre, monsieur Abate, un jugement balancé sur ce texte, qui a ses forces et ses faiblesses et ne mérite excès ni d'indignité ni d'éloge. Le temps imparti ne pouvait nous mener au grand soir, mais je n'en ai pas moins estimé que l'on pouvait améliorer ce texte sur certains points, sans attendre demain, pour ne pas avoir à déplorer des occasions manquées.
Vous appelez de vos voeux une fusion entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse. Je ne partage pas votre sentiment, tant pour préserver la concurrence que parce qu'elle ne me semble pas nécessaire, notamment eu égard au changement de gouvernance des MLP, qui a désamorcé le conflit historique qui opposait les deux entités. Comme pour les communes, sujet que nous connaissons bien, la solution ne réside pas nécessairement dans la fusion mais peut aussi passer par la coopération. On peut concevoir des spécialisations géographiques qui composeront, demain, un ensemble de briques associant Presstalis, les MLP, la presse quotidienne régionale, La Poste, etc...
Si l'on peut voir un risque dans la filialisation, il n'est pas tant déontologique que financier. L'AFP est endettée, elle a emprunté auprès de la CDC pour financer sa plate-forme Iris. Elle conservera cet endettement au bilan. Et c'est Iris, transformée en une filiale de moyens, qui sera chargée d'emprunter 26 millions d'euros pour financer un plan d'investissement de 30 millions d'euros. Or nous savons tous, en bons praticiens de la vie publique, que déconsolider une part de la dette est un exercice à proscrire. L'AFP a déjà fait une telle expérience, puisque son siège a fait l'objet d'un crédit-bail.
On justifie la création de cette filiale par des raisons techniques, en précisant qu'elle n'interviendra pas sur les contenus. Sans engager de polémique, j'observe que le programme d'investissement de 30 millions concerne aussi les contenus. Bref, le montage proposé me paraît faible, pour ne pas dire inacceptable. D'autant qu'il conduira, pour l'AFP, à une majoration des dépenses liées à la TVA, via la redevance servie à la filiale. Il faudra assurer un contrôle très serré de toutes ces opérations.
Vous vous inquiétez du risque de voir normaliser, sous la pression de l'injonction de la Commission européenne, la situation de l'AFP au regard du droit des faillites. Mais il est clair que l'État ne peut garantir la totalité de la dette, ce qui serait considéré comme une aide directe. J'ajoute qu'à mon sens, la viabilité de l'AFP passe par sa capacité à remplir son rôle d'agence mondiale dans des conditions économiques normales, ce que je crois tout à fait possible.
Je reviendrai, lors de l'examen des amendements, sur votre proposition relative au mécénat, proche de celle de M. Commeinhes, ainsi que sur la question de la protection des sources des journalistes.
Après avoir approuvé le toilettage auquel procède cette proposition de loi, vous avez, madame Blandin, dit vos inquiétudes quant aux évolutions que pourrait entraîner l'entrée dans le domaine de la concurrence. Mais alors que l'État n'est plus en mesure, ni financièrement, ni juridiquement, d'apporter de capitaux, l'AFP n'a d'autre choix que d'entrer dans le champ du droit commercial classique pour améliorer sa situation financière.
Vous avez également évoqué le contrat d'objectifs et de moyens. Je rappelle que le contenu de ce COM n'est toujours pas connu, alors qu'il aurait dû entrer en vigueur depuis le 1er janvier 2014. C'est dire la nécessité d'une gouvernance forte, propre à résoudre les problèmes stratégiques de l'entreprise.
Que cette proposition de loi soit le fruit d'une initiative socialiste et ait été inscrite à l'ordre du jour réservé du groupe socialiste n'interdit pas, monsieur Assouline, de préserver une approche pluraliste. J'ajoute que cela est l'occasion de voir reconnue par un représentant de la majorité sénatoriale toute la valeur de votre contribution. Je vous donne acte que les lignes ont bougé. Et vous avez raison de dire qu'il est essentiel de prendre en compte les acteurs. Nous avons essayé de nous tenir aussi près d'eux que possible. Je vous rejoins également sur la nécessité d'aller plus loin, dans un second temps.
Merci enfin à M. Hervé d'avoir rappelé les enjeux attachés à l'indépendance de la presse et approuvé mes propositions.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous passons à la discussion des articles.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 1 vise à préciser que la gestion « démocratique et désintéressée » des moyens mis en commun que l'article entend voir retenue pour assurer, conformément au principe de péréquation et de solidarité, l'égalité entre les éditeurs face au système de distribution, doit aussi répondre à un objectif d'efficience dont plusieurs rapports ont souligné la nécessité. C'est aussi le moyen d'aller vers une distribution la plus vertueuse possible.
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous aurions aimé pouvoir prendre connaissance des amendements plus tôt.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Ils étaient en ligne hier, à 17 heures.
M. Jean-Louis Carrère. - Cela n'en reste pas moins un peu court...
M. Patrick Abate. - L'efficacité se définit par la capacité à atteindre le résultat fixé. Elle se distingue de l'efficience, qui exige d'aboutir avec le minimum de moyens. Accoler cet épithète à celui de démocratique ne me paraît guère de bon augure. Nous nous prononcerons contre cet amendement.
M. David Assouline. - Nous voyons mal, en effet, ce qu'apporte ce terme, sinon une vision restrictive des moyens. Nous nous abstiendrons.
Mme Françoise Laborde. - Le groupe RDSE aussi...
Mme Marie-Christine Blandin. - Tout comme le groupe Ecolo.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Le système de péréquation est le fruit d'un accord entre les éditeurs. Mon amendement n° 2 vise à l'inscrire dans la loi et à conforter, par là même, le cadre posé par la loi Bichet. En second lieu, sachant qu'au terme d'accords négociés en 2011, les surcoûts historiques supportés par Presstalis, tenant aux dispositions sociales à la préservation desquelles le syndicat du livre attache la plus grande vigilance, sont pris en charge par l'État, il retient une rédaction qui permet d'éviter de déplacer ces surcoûts sociaux sur les éditeurs.
M. David Assouline. - Nous sommes opposés à l'introduction de cette précision, qui a clairement fait l'objet d'un accord, dans la loi. J'attire votre attention sur le fait que cet amendement pourrait être perçu comme émanant des éditeurs et susciter des blocages.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 3 trouve son origine dans les règles de la concurrence et la position exprimée par M. Assouline qui, dans son rapport de 2011, souhaitait voir confiée à l'ARDP la faculté de se prononcer sur les barèmes des messageries.
L'Assemblée nationale a entendu confier cette faculté, élargie à une véritable homologation, au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). Je comprends une partie de son raisonnement : compte tenu des blocages qui avaient coutume de se produire dans les coopératives de presse pour la fixation des barèmes et des nombreux reproches d'opacité que soulevait cette procédure, un consensus s'est dégagé pour faire évoluer le dispositif. Reste à savoir qui doit décider de ces barèmes. Il me semble que la solution retenue par l'Assemblée nationale n'est pas pertinente. Le CSMP comprend des représentants des deux messageries : la présence de ces deux opérateurs pourrait faire des débats visant à fixer les barèmes de l'un et de l'autre un exercice intellectuellement curieux et clairement contraire aux règles de la concurrence. Sans compter qu'ils auront lieu, de surcroît, en présence des diffuseurs de presse, dont le souci est un peu différent, puisqu'il porte sur le taux de commission. À quoi il convient d'ajouter la présence des représentants du personnel. Connaît-on une entreprise dans laquelle les prix de vente sont fixés avec les représentants du personnel ?
D'où notre proposition, qui rejoint le raisonnement qui était celui de M. Assouline en 2011. Dès lors qu'une autorité de régulation était alors créée par le législateur, lui confier le soin d'apprécier les barèmes ne serait pas anormal. C'est le moyen d'éviter opacité, distorsions, surenchères.
Sachant que l'ARDP est composée de hauts magistrats du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, qui, n'étant pas spécialistes de ces questions, peuvent souhaiter s'appuyer sur un avis technique, nous proposons, enfin, que le président du CSMP soit chargé de le leur transmettre. Au sein du CSMP, ce sont, en pratique, le directeur général et le commissaire aux comptes qui forment la commission économique, sous la supervision du président. C'est devant elle que seront présentés les barèmes proposés par les deux parties. C'est là le moyen d'éviter toute atteinte à la concurrence. C'est ainsi l'ARDP, autorité administrative indépendante, qui prendra la décision - ce qui évitera les situations de blocage que l'on a connues - en s'appuyant sur un avis technique solide pris dans le respect des règles de confidentialité.
L'Assemblée nationale, qui avait bien identifié le problème que soulevait sa solution, a pensé s'en sortir en précisant que le CSMP prendrait sa décision dans le respect du secret des affaires. Mais dès lors que les deux opérateurs sont présents au Conseil, il n'y a pas de secret possible.
M. David Assouline. - Quid des délais ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Vous faites allusion aux pouvoirs de réformation de l'ARDP. Nous allons y venir.
M. David Assouline. - Je crois savoir que vous avez eu un échange avec M. Françaix sur cet amendement. Quelle est sa position ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Il reste assez ferme sur ses positions. Je n'en persiste pas moins à penser qu'il devrait les faire évoluer, car elles sont totalement contraires aux règles de la concurrence.
M. David Assouline. - Il est vrai que j'évoquais, dans mon rapport de 2011, la nécessité d'aller vers une solution du type de celle que vous préconisez. Mais si l'on ne l'a pas fait, c'est qu'il s'agit, ainsi que vous l'avez souligné, d'une évolution lourde. Il peut être périlleux de s'y engager dans une procédure accélérée. En tout état de cause, n'ayant eu connaissance de votre amendement qu'hier au soir, nous ne prendrons pas part au vote et nous déterminerons en séance.
M. Patrick Abate. - Nous de même. Il nous faut y regarder de près.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 2 est adopté sans modification, ainsi que les articles 3, 4 et 4 bis.
Article 5
L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 5 tire les conséquences de l'article 3, qui définit l'ARDP comme une autorité administrative indépendante. Lui sont donc appliquées les règles de contrôle financier ad hoc.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'amendement de coordination n° 6 est adopté.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 7 vise à intégrer à l'article 6 la précision introduite par l'Assemblée dans un article 6 bis, et qui tire les conséquences du nouveau statut comptable de l'ARDP.
L'amendement n° 7 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6 bis (nouveau)
L'amendement de cohérence n° 8 est adopté et l'article 6 bis est ainsi supprimé.
L'article 7 est adopté sans modification, ainsi que l'article 8.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 9 affine la rédaction retenue par l'Assemblée nationale en retenant que l'Autorité peut, non pas « suspendre » le délai initial de six semaines mais le « proroger », dans la limite d'un mois, pour prendre toute mesure utile à la réformation de ses décisions - au lieu des deux mois prévus par l'Assemblée nationale. Certains opérateurs, estimant qu'un délai de trois mois et demi, dans le monde industriel, est trop long, souhaitaient que l'on s'en tienne à six semaines. On peut cependant comprendre que lorsqu'une décision est prise fin juin, l'ARDP soit agacée d'avoir à prendre sa décision fin août au plus tard. D'où ma proposition, à laquelle M. Françaix semble plutôt favorable.
L'amendement, enfin, unifie le contentieux de toutes les décisions devant la Cour d'appel de Paris, afin d'éviter les questions de recevabilité.
M. David Assouline. - Je vous avais dit souhaiter qu'un compromis soit trouvé. C'est chose faite. Nous voterons l'amendement.
L'amendement n° 9 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 10 est adopté sans modification.
Article additionnel avant l'article 11
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous en venons aux dispositions relatives à l'AFP. Je l'ai dit, son conseil d'administration est diaphane, et son conseil supérieur plus encore. D'où mon amendement n° 10, qui vise à créer une commission de surveillance cumulant les compétences en matière de déontologie du conseil supérieur et celles de la commission financière. Nous y ajoutons un rôle de surveillance stratégique, en en faisant la garante de la pérennité de l'AFP, rédaction qui devrait susciter le consensus.
M. David Assouline. - J'aimerais savoir ce que pense la gouvernance actuelle de l'AFP de votre proposition, sachant que son président a pris des positions fortes. J'aimerais également connaître celui des initiateurs de la loi.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Le président de l'AFP n'a pu s'exprimer sur cette proposition, que je n'ai élaborée qu'après son audition. Je l'ai en revanche soumise à son directeur général, qui n'y fait pas obstacle. Quant à la position des acteurs, elle est favorable. La société des journalistes de l'AFP...
M. David Assouline. - N'oubliez pas que huit syndicats sont concernés.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Le syndicat national des journalistes est plutôt favorable. Dans une feuille à l'adresse de ses adhérents, il relève que l'AFP ne s'adresse plus, comme en 1957, à la seule presse papier et que ses informations sont diffusées partout dans le monde sur les sites web, les mobiles et de plus en plus en vidéo, ajoutant que doter le conseil de surveillance d'une compétence en ces domaines est une nécessité absolue. Les syndicats Sud et FO, que j'ai reçus, restent neutres : ils perçoivent bien la nécessité d'un contrôle mais auraient souhaité un réexamen de la situation d'ici trois ou quatre ans, qu'il me paraît difficile d'introduire dans la loi. La société des journalistes de l'AFP, enfin, qui représente 63 % d'entre eux, demande la suppression de la commission financière et une réforme du conseil supérieur, rebaptisé en conseil de surveillance aux prérogatives étendues et renforcées. Le conseil supérieur de l'AFP, qui reconnaît que son rôle est limité, est également favorable à cette disposition.
M. David Assouline. - Dans ces conditions, nous soutiendrons l'amendement.
M. Patrick Abate. - Nous ne prendrons pas part au vote : l'examen de cet amendement mérite approfondissement.
Mme Marie-Christine Blandin. - Le groupe Ecolo s'abstiendra.
Mme Françoise Laborde. - Le groupe RDSE également.
L'amendement n° 10 est adopté et devient article additionnel.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 11, concerne la composition de la commission de surveillance de l'AFP. Outre quelques modifications de détail, comme l'élection de son président, il prévoit de mobiliser les compétences de la Cour des comptes. Je me propose de le rectifier, pour prévoir la présence non pas de trois mais de deux magistrats de la Cour des comptes, dont l'un devra être un magistrat en exercice, faculté étant laissée à la Cour de désigner, sur l'autre poste, un jeune retraité, afin de ne pas prélever à l'excès sur ses personnels en exercice. Ceci pour répondre à la préoccupation du Premier Président de la Cour, M. Migaud, qui m'a fait valoir que les compétences de l'institution étaient très sollicitées. J'ai conscience qu'il faudra affiner la rédaction que je vous propose aujourd'hui, afin de ne pas créer de discordance entre ce qui est prévu pour les magistrats de la Cour des comptes et ceux du Conseil d'État et de la Cour de cassation, qui ne peuvent désigner des conseillers honoraires.
M. Patrick Abate. - Pour les mêmes raisons que précédemment, nous ne prendrons pas part au vote.
L'amendement n° 11 rectifié est adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 12 est de coordination. Attribuant les compétences de la commission financière à la commission de surveillance, il répond strictement à l'engagement du Gouvernement de répondre à la demande de la Commission européenne, qui souhaitait que l'organe indépendant chargé du contrôle financier « s'assure annuellement que la compensation versée par l'État n'excède pas les coûts nets générés par l'accomplissement des missions d'intérêt général ».
L'amendement n° 12 est adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 13 est adopté sans modification, ainsi que l'article 14 et l'article 14 bis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - À l'article 15, l'Assemblée nationale a étendu aux centres éducatifs fermés le droit de visite reconnu aux parlementaires dans les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires. Je rejoins les propos de Mme Mélot : cette disposition ne me paraît pas ici opportune. J'ajoute que c'est s'aventurer dans le champ de la politique pénale, sur une question que l'on ne saurait traiter subrepticement. Aussi vous proposerais-je, par mon amendement n° 16, de supprimer cette mention.
M. David Assouline. - Si j'ai bien compris, cet ajout, proposé par une députée, a été adopté contre l'avis du Gouvernement et de l'auteur de la proposition - sans doute dans un moment d'inattention.
La suite de l'article, qui prévoit que les parlementaires exerçant le droit de visite qui leur est reconnu par les dispositions de l'article 719 du code de procédure pénale pourront se faire accompagner de journalistes nous ramenant à l'objet du texte, éclaire peut-être l'intention de cette députée. Cela étant, je suis contre cet ajout, qui reviendrait à nous aventurer dans un champ qui relève de la commission des lois.
Mme Colette Mélot. - Nous voterons cet amendement, car il nous paraît aventureux d'admettre les journalistes dans les centres éducatifs fermés. Cela étant, ce vote ne préjuge en rien de notre vote sur l'ensemble de l'article, auquel nous sommes opposés.
M. Claude Kern. - Il en va de même pour le groupe UDI-UC.
L'amendement n° 16 est adopté.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Mon amendement n° 17 aborde un sujet sensible. L'Assemblée nationale a entendu permettre aux sénateurs, députés et représentants élus de la France au Parlement européen d'accéder aux lieux privatifs de liberté mentionnés à l'article 719 du code de procédure pénale accompagnés d'un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte professionnelle, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
Si nous comprenons le souci de promouvoir la transparence et de réaffirmer l'exigence de liberté de la presse, en particulier dans le contexte que nous connaissons, il n'en faut pas moins raison garder. Si demain, des centres, à l'intérieur de nos maisons d'arrêt, ont vocation à accueillir des personnes ayant commis des actes terroristes, ainsi que le laissent penser les déclarations de M. Valls, ce serait prendre une lourde responsabilité que de faciliter les contacts des personnes ainsi détenues avec la presse. À titre personnel, j'y suis clairement défavorable. Cela étant, sachant que sur un sujet si sensible, les points de vue peuvent être différents, j'ai été guidé par un souci de conciliation. La rédaction que je propose ne ferme pas la faculté ouverte par le vote de l'Assemblée nationale - intervenu, je le rappelle, avant les événements du 7 janvier dernier, dont il n'est pas exclu qu'ils aient modifié son appréciation - mais y ajoute un filtre déontologique, en la soumettant à l'accord de la commission compétente de l'assemblée dont le parlementaire est membre - soit les commissions des lois de nos assemblées respectives.
Mme Samia Ghali. - Nous sommes au coeur de l'actualité. Sachez, monsieur le rapporteur, que les prisons sont aujourd'hui filmées de l'intérieur par les prisonniers eux-mêmes. Je préfèrerais de loin que ce soit la presse qui, accompagnant les parlementaires, rende compte de ce qui fait problème.
Introduire un système d'autorisation n'est qu'une façon de dire non. Si visiter une prison accompagné d'un journaliste doit être un parcours du combattant, on découragera vite les initiatives. J'ajoute qu'il peut parfois y avoir intérêt à agir sans délai.
M. David Assouline. - Ce débat n'est pas nouveau. Cette idée figurait parmi les progrès dont beaucoup reconnaissaient qu'ils méritaient d'être accomplis. Ce n'est trop souvent que par effraction que l'on découvre avec effroi ce qu'il se passe dans nos prisons. Et cela vaut dans tous les domaines de la vie démocratique : le regard des journalistes oblige les pouvoirs publics et l'administration à tenir leur rôle. Quand l'information passe par des fuites, on n'est pas à l'abri de distorsions. Tandis que les journalistes sont tenus par une déontologie. Je crois à la presse. Plus on la responsabilisera, mieux on s'en portera. Le rapporteur a évoqué le contexte de la lutte anti-terroriste mais je lui rappelle que ce droit de visite des parlementaires est encadré. Il ne s'agit pas, comme les avocats, d'aller rencontrer tel ou tel prisonnier. Je visite régulièrement le centre de rétention de Vincennes. Lorsque j'y arrive, les journalistes sont là ; ils restent à la porte quand j'y entre et lorsque je les retrouve à la sortie, je m'exprime devant eux. C'est parfaitement hypocrite, j'aimerais mieux qu'ils m'accompagnent.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'administration pénitentiaire ne vous y a donc jamais autorisé ? Cela est pourtant arrivé à certains de nos collègues.
M. David Assouline. - Je parle d'un centre de rétention administrative, c'est autre chose.
Mme Ghali a raison de dire que le manque de clarté ouvre la voie à la rumeur. Pour m'être souvent rendu dans les centres de rétention à la suite d'incidents, je puis vous dire qu'une visite aide à faire la part de la réalité. Il serait bon que les professionnels du journalisme puissent la faire.
J'ajoute que cette rédaction proposée par M. Françaix et validée par la commission des lois de l'Assemblée nationale est le fruit d'une réflexion sérieuse. Par ailleurs, cette disposition renforce, non pas tant les droits des journalistes que ceux des parlementaires, et je regrette quelque peu que la seule proposition de notre rapporteur consiste à soumettre le droit d'un parlementaire à l'approbation d'un président de commission.
M. Jean-Louis Carrère. - Et est-ce bien constitutionnel ?
M. David Assouline. - Car cela signifie qu'au gré des majorités, il pourrait être interdit à un parlementaire d'exercer ce qui relève de son droit individuel. Je vous demande d'en rester à la rédaction actuelle. Le débat aura lieu en séance et je demanderai à la commission des lois d'exprimer sa position.
Mme Colette Mélot. - Il ne s'agit pas d'interdire à quiconque d'exercer son droit de visite, mais de s'interroger sur la pertinence d'un tel article dans ce texte, relatif à la modernisation de la presse. C'est pourquoi, estimant qu'il mériterait peut-être d'être examiné dans un autre texte, relevant de la commission des lois, j'irai jusqu'à demander sa suppression.
M. Patrick Abate. - Il y a un certain bon sens dans votre propos, mais nous entendons mettre cette fenêtre à profit pour adopter sans tarder des dispositions qui ne sont pas compliquées à mettre en oeuvre.
Sur le fond, nous estimons, comme notre collègue Assouline, que ces dispositions renforcent les droits des parlementaires. Quant à l'amendement proposé par notre rapporteur, nous nous demandons, nous aussi, s'il est bien constitutionnel, dès lors qu'il subordonne le droit individuel du parlementaire à l'avis d'un président de commission.
Alors que la liberté d'expression est soumises à des assauts, c'est par plus de transparence et plus de liberté - y compris dans les quartiers de haute sécurité - qu'il convient de répondre. C'est le meilleur moyen de combattre l'obscurantisme.
Nous voterons contre l'amendement.
M. Jean-Claude Carle. - On en arrive, à mon sens, à un certain mélange des genres. La démocratie s'appuie sur un principe simple, la séparation des pouvoirs. Il y a un pouvoir : celui qui est issu des urnes, le pouvoir législatif, qui détermine le pouvoir exécutif. Vient, ensuite, un pilier qui concourt au bon fonctionnement de la démocratie - c'est l'autorité judiciaire, que l'on appelle à tort pouvoir judiciaire. Puis il y a les médias, qui devraient être un contre-pouvoir naturel. Or, on veut leur faire jouer ici un rôle qui n'est pas le leur. Chacun sait que lorsque les médias sont là, on n'est pas aussi naturel qu'on devrait l'être.
Mme Samia Ghali. - D'accord sur le principe. Mais quand ce sont les prisonniers qui livrent des images, comme cela a été le cas aux Baumettes, que se passe-t-il ? Dans le cas que je viens de citer, les médias ont récupéré ces images pour en faire leur Une. Je préfèrerais que les parlementaires associent les journalistes, pour produire un travail de fond. Ce sont des gens responsables, ils ne vont pas ameuter les médias pour faire tout et n'importe quoi ! J'ajoute que s'en remettre à une commission comme le veut le rapporteur, c'est lui laisser indirectement la faculté de déterminer quels médias seront ou non autorisés.
M. Jean-Louis Carrère. - On n'épuisera pas ici le débat, mais j'estime pour le moins que les parlementaires que nous sommes ne devraient pas mettre eux-mêmes un frein à l'exercice de leur droit. S'en remettre à la commission des lois de chaque assemblée ne serait pas conforme aux règles constitutionnelles.
Je préfère réfléchir à cette possibilité ouverte aux parlementaires de se faire accompagner par des journalistes que voir publiés des articles qui ne sont pas conformes à la réalité.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Je précise que j'ai pris l'attache, en rédigeant mon amendement de M. Lecerf rapporteur de la commission des lois, mais j'estime, au vu des débats, qu'il est préférable de le retirer, pour mener la discussion en séance. Ce qui suppose que l'article 15 ne soit pas adopté en l'état.
L'amendement n° 17 est retiré.
L'article 15 n'est pas adopté.
Articles additionnels après l'article 15
M. François Commeinhes. - Accompagner le financement d'urgence de la presse, soutenir le pluralisme de l'information, aider au développement de l'action numérique, autant d'impératifs qu'il est opportun d'envisager, comme la loi le permet, avec la création d'un fonds de soutien spécifique. Plus largement, les fonds de soutien pourraient être une solution vertueuse au problème de sous-financement de la presse. Ce dispositif, né en 2008 de la volonté du gouvernement précédent de créer un outil souple pour favoriser l'arrivée de fonds privés dans des activités d'intérêt général, a donné naissance à plus de 1 500 fonds de dotation, qui présentent des avantages quasiment identiques à ceux des fondations, soit des exonérations fiscales pour le fonds, comme pour les donateurs. Mais à la différence de la fondation, le fonds de soutien est très facile à constituer et n'exige pas la présence, au sein de son conseil d'administration, d'un représentant de l'État, ce qui est un gage de liberté. Tel est l'objet de l'amendement n° 18.
M. Patrick Abate. - Notre amendement n° 13 procède de la même logique. Il vise à inscrire clairement dans la loi, à l'article 200 du code général des impôts, ce qui est acquis en pratique.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Ces deux amendements visent à élargir les possibilités de dons des particuliers en faveur de la presse. L'amendement n° 13 du groupe CRC, élargissant le champ des organismes pouvant bénéficier du régime fiscal prévu à l'article 200 du code général des impôts. Ce régime, qui bénéficie aux fondations et organismes reconnus d'utilité publique, ainsi qu'aux établissements dits d'intérêt général et aux établissements d'enseignement, serait élargi aux associations exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse par la prise de participations minoritaires, l'octroi de subventions ou de prêts bonifiés.
L'amendement n° 18 de M. Commeinhes répond à une préoccupation identique, mais en empruntant le canal des fonds de dotation, personnes morales de droit privé à but non lucratif qui reçoivent et gèrent des biens en les capitalisant, et utilisent les revenus de la capitalisation pour mener des actions à but non lucratif. Ces fonds de dotation connaissent un certain succès et, d'un fonctionnement plus simple que les fondations, permettent de mobiliser des mécènes en faveur de la culture.
Ces deux amendements poursuivent un objectif louable, auquel je suis sensible, mais l'un et l'autre soulèvent des difficultés. L'amendement n° 13, outre qu'il ouvre très largement le champ de l'article 200 du CGI, puisqu'il ne se réfère pas aux seules associations reconnues d'utilité publique, introduit la notion trop vague d'« actions concrètes ». J'ajoute que c'est aller un peu loin que d'ouvrir la possibilité aux associations financées par des dons défiscalisés de prendre des participations minoritaires. La vocation du mécénat consiste à financer des actions, non à apporter des fonds propres.
L'amendement n° 18 est plus restreint dans son champ, mais il élargit beaucoup la définition des actions d'intérêt général : les entreprises de presse dans leur majorité ont tout de même vocation à faire des bénéfices - même si elles n'y parviennent pas toujours ! Cela se traduit, de surcroît, par une liste beaucoup trop lourde des entreprises susceptibles de bénéficier du dispositif.
Moyennant quoi, je vous proposerai de ne pas adopter ces amendements, au profit d'un autre amendement (qui porte le n° 19), qui reprend l'objectif qui est le leur de mobiliser la générosité publique au profit du développement de la presse. Mon amendement, qui vise à compléter l'article 140 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, précise que les fonds de dotation peuvent également concourir à des actions de développement numérique dans des conditions déterminées par décret. Vous voyez que j'ai tenu compte des intentions de chacun.
M. David Assouline. - Tout cela me semble très confus. L'amendement n° 13 du groupe communiste a le mérite de la clarté. Il reprend la proposition qu'avait émise feu le directeur de Charlie Hebdo, Charb, de permettre la défiscalisation des dons personnels. C'était une façon de soutenir la presse à petit tirage. Cet amendement lui rend un bel hommage.
Quant aux autres, ils entreprennent ni plus ni moins de refaire le droit de la presse. On sait ce que sont les missions d'intérêt général de la presse. Elles sont inscrites dans la loi. Le rapporteur reconnaît lui-même qu'il n'y a pas lieu d'y revenir, puisqu'il vous appelle à rejeter l'amendement n° 18. En revanche, entreprendre de limiter, comme il le fait dans son amendement, les actions de soutien à la modernisation de la presse au développement numérique et technologique ne me semble pas bienvenu. Il y a eu un plan de modernisation en ce sens, qui a donné lieu à bien des détournements. Il convient certes d'assurer la transparence des aides à la presse, très contestées, mais n'allons pas en circonscrire si étroitement le champ, car elle a d'autres besoins.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Je reconnais que mon amendement mérite un travail de réécriture, qui pourra être fait d'ici à la séance.
L'amendement n° 19 est adopté, et les amendements n° 18 et n° 13 deviennent sans objet.
M. Patrick Abate. - Notre amendement n° 14, relatif à la protection des sources des journalistes, est un amendement d'appel. Il faut avancer sur le sujet.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Je n'y suis pas favorable. Il élargit à l'excès le droit à la protection du secret des sources à toutes les personnes qui exercent des fonctions de direction ou de rédaction, ainsi que leurs collaborateurs, ainsi qu'aux hébergeurs informatiques, dont on a généralement plutôt tendance à rechercher la responsabilité. J'ajoute que le Président de la République a annoncé le prochain dépôt d'un projet de loi relatif à la protection des sources des journalistes. Laissons le Gouvernement faire son travail.
M. David Assouline. - Nous ne prendrons pas part au vote.
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
M. Patrick Abate. - Notre amendement n° 15 vise, de même, à ouvrir le débat sur les aides de l'État, qu'il serait bon de recentrer, à notre sens, sur la presse politique et d'information générale.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Outre qu'il est difficile de s'engager sur une revalorisation, le Gouvernement a annoncé qu'il réfléchissait à une réforme des aides à la presse. Laissons-le travailler.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée.
M. Patrick Abate. - Nous nous abstiendrons sur l'ensemble du texte.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés en commission est retracé dans le tableau suivant :
Organisation des travaux de la commission
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous nous réunirons, la semaine prochaine, mercredi 4 février, matin et après-midi, ainsi que le jeudi 5 février au matin, dans le cadre de nos travaux sur l'avenir de France Télévisions.
Mercredi 4 février, notre séance commencera dès 9 h 30 en salle Médicis par une table ronde réunissant divers acteurs du monde de l'audiovisuel. L'après-midi, après avoir procédé à l'examen des amendements au texte sur la modernisation de la presse, nous entendrons M. Rémy Pflimlin, président de France Télévisions. Nous sommes ensuite conviés, à 16 h 30, à l'audition de M. Sébastien Soriano, président de l'ARCEP, par nos collègues de la commission des affaires économiques. Je me suis rapprochée du président Jean-Claude Lenoir et pense qu'il est important de mener de concert nos travaux sur la bande des 700 MHz.
Jeudi 5 février, nous nous réunirons le matin, en salle Clemenceau, pour entendre M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le transfert de la bande des 700 MHz et sur l'avenir de France Télévisions. Nous entendrons ensuite M. Jean-Paul Philippot, administrateur de la Radio télévision Belge francophone (RTBF), qui nous livrera un regard extérieur sur l'avenir de la télévision publique en Europe.
La réunion est levée à 12 h 35.