Mercredi 28 janvier 2015
- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -Examen du rapport d'information de MM. Rémy Pointereau et Philippe Mouiller sur les dispositions comportant des normes applicables aux collectivités territoriales du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte
M. Jean-Marie Bockel, Président. - En novembre dernier, le Bureau du Sénat a donné à notre délégation compétence pour examiner les dispositions des projets et des propositions de lois comportant des normes applicables aux collectivités. L'amorce de participation à l'activité législative que nous tirons de cette réforme est moins développée que ce que nous aurions pu espérer. Nous allons cependant lui donner tout son sens.
Il a également été prévu de désigner un vice-président de la délégation chargé de l'évaluation de la simplification des normes. Rémy Pointereau, qui exerce cette fonction depuis le 13 novembre 2014, a mis en place un groupe de travail sur la simplification. Ce groupe s'est réuni le 15 janvier dernier, j'ai participé à cette réunion au cours de laquelle il a été proposé d'établir un rapport d'information sur le projet de loi relatif à la transition énergétique.
Ce rapport, réalisé conjointement par Philippe Mouiller et Rémy Pointereau constitue la première occasion pour la délégation d'exprimer sa position sur un projet de loi en cours d'examen. Après avoir, pour la bonne règle, confirmé la proposition d'établir un rapport d'information sur ce texte, nous allons examiner le travail de nos deux rapporteurs, à qui je laisse la parole.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Je vous remercie, Monsieur le Président.
Il faut que nous travaillions à la fois sur le stock et sur le flux de normes. Les projets de loi qui vont arriver dans les prochains mois vont, sans nul doute, comporter des normes applicables aux collectivités territoriales. Il nous faudra examiner ces dispositions au fil de l'eau.
Notre groupe de travail s'est en effet réuni pour la première fois le 15 janvier dernier. Je souhaite m'associer à un co-rapporteur pour chaque texte, afin que chacun puisse s'investir dans ce vaste chantier.
Au cours de nos travaux, nous avons auditionné les représentants de l'Association des maires de France, qui nous ont présenté les attentes des élus locaux. En raison de faible délai dont nous dispositions, nous ne sommes pas allés plus avant dans les auditions.
J'attire votre attention sur le fait que le Conseil national d'évaluation des normes (CCEN), présidé par Alain Lambert, s'est ému de sa saisine en urgence par le Gouvernement et a émis un avis défavorable sur le projet de loi.
Nous souhaitons proposer des amendements de suppression, de modification ou d'appel à clarification, cosignés par les membres du groupe de travail, notamment. J'espère, mes chers collègues, que vous serez nombreux à cosigner les amendements que nous proposerons.
Avant la présentation par mon collègue Philippe Mouiller des propositions que nous formulons, je souhaiterais exposer quelques éléments introductifs.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique est, d'un certain point de vue, une occasion assez modeste d'inaugurer la nouvelle mission de simplification de la délégation. En effet, ce texte n'institue aucune de ces lourdes procédures qui parsèment le droit de l'urbanisme ou celui de l'environnement ; il ne soumet pas non plus les collectivités territoriales à des obligations inédites ou démesurément coûteuses, même si les dispositions du projet de loi - nous le verrons - risquent d'engendrer des coûts significatifs. Les collectivités y sont présentes d'un bout à l'autre, mais pas nécessairement de façon très visible. Le projet de loi, dans une certaine mesure, place les collectivités au centre de la transition énergétique. Pour autant, elles ne sont pas au centre du projet de loi, ce qui les invite à être exemplaires.
D'un autre point de vue pourtant, le projet de loi constitue une excellente entrée en matière. Conjuguant les énoncés de principes et les déclarations d'objectifs avec un semis de petites dispositions modificatrices dont il est difficile de mesurer l'impact, il ne bouleverse pas le droit en vigueur, mais vise à l'améliorer, souvent à la marge, en ajoutant à l'existant, non sans quelques redondances. Il représente ainsi le tout venant de la complexité, le désordre normatif à petit bruit.
Une seconde raison fait de ce projet de loi une bonne occasion d'inaugurer le travail de simplification des normes : c'est l'intérêt qu'il présente pour les collectivités territoriales. Un rapport de la délégation sur le thème « Mobiliser les sources d'énergies locales », publié en juin 2013, a mis en valeur le rôle permanent des collectivités territoriales dans le secteur de l'énergie ainsi que leur montée en puissance comme actrices d'une politique énergétique misant sur la proximité, sur le rôle des circuits courts et sur le développement des synergies entre les politiques publiques nationales et locales. Le projet de loi entérine ce rôle et l'ancrage territorial de la politique énergétique. C'est ce qui explique la présence disséminée des collectivités dans l'ensemble du texte. Cela justifie que la délégation lui accorde une attention particulière. À cet égard, on peut considérer que le projet de loi s'inscrit globalement dans une logique compatible avec celle du rapport de juin 2013.
En tout état de cause, l'objet du rapport d'information de la délégation n'est pas d'apprécier la pertinence au fond du projet de loi - c'est la tâche des commissions saisies au fond - mais, acte pris d'une orientation globalement compatible avec les orientations du rapport de juin 2013, de peser sa qualité normative, qui est un aspect essentiel de la « durabilité » de la politique de transition énergétique.
À cet égard, la lecture des dispositions applicables aux collectivités territoriales donne l'impression d'une complexité peu maîtrisée, d'une hausse significative du niveau des contraintes de tous ordres pesant sur les collectivités territoriales ou susceptibles de peser sur elles dans un avenir indéterminé.
Tentation de donner à l'idéal une expression juridique et recours massif à l'empilement normatif, telles sont les deux formes principales de la complication normative dans ce texte.
À partir de ce constat, il a été possible d'identifier six groupes de normes présentant un défaut susceptible de justifier l'élaboration de propositions de simplification.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Comme il vient d'être dit, il ne s'agit pas pour nous d'intervenir sur le fond du texte - c'est le rôle des commissions saisies au fond - mais, dans une volonté de simplification, de lancer un débat, sinon une alerte, sur les difficultés d'application de certaines dispositions excessivement normatives pour les collectivités territoriales. Cette précision est importante car, si nous préconisons plusieurs propositions de simplification, nous ne combattons pas pour autant les dispositions du projet de loi : nous nous interrogeons simplement sur leurs conditions d'application.
Les propositions sont classées en six grands domaines. Le premier domaine concerne les dispositions tendant à imposer aux collectivités des obligations irréalistes ou encadrant leur activité de façon disproportionnée, au regard de l'équilibre souhaitable entre l'objectif recherché et les moyens techniques et financiers dont elles disposent.
La première proposition se rapporte aux alinéas 1 à 19 de l'article 5, qui imposent aux collectivités territoriales de réaliser des travaux d'isolation ou des études à l'occasion de travaux de ravalement en façade, de réfection de toiture, d'aménagement de nouvelles pièces ou de travaux de rénovation importants. Nous estimons que la suppression de ces alinéas serait le positionnement le plus justifié du point de vue de la lutte contre la complexité normative.
Je constate qu'il n'y a pas d'objection sur ce point.
La seconde proposition concerne l'alinéa 7 de l'article 9, qui renforce l'obligation d'achat de 20% de véhicules propres au sein d'un parc de plus de 20 véhicules. Nous proposons d'insérer la mention « sous réserve des contraintes liées aux nécessités du service », afin d'introduire de la souplesse dans la mise en oeuvre de cette disposition potentiellement très coûteuse.
M. Jean-Pierre Vial. - J'abonde dans ce sens et j'irai même au-delà. Je voudrais évoquer l'exemple d'une collectivité souhaitant engager une démarche d'éco-mobilité en investissant dans le stockage d'hydrogène. Il s'agit là d'une opération extrêmement lourde, et il n'est pas possible pour cette collectivité de couvrir 20% de son parc automobile avec cette technique. Vous avez raison d'insérer une réserve mais celle-ci doit être très large. Les collectivités très audacieuses en matière d'éco-mobilité ne doivent pas se trouver pénalisées par cette obligation d'achat.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Je propose, si vous en êtes d'accord, de conserver cette proposition de simplification en l'état.
L'article 9 bis vise à permettre au Gouvernement d'identifier des territoires et des réseaux prioritaires pour le déploiement d'infrastructures d'alimentation en carburant de véhicules propres.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la stratégie proposée, mais notre inquiétude est que la stratégie ainsi définie par le Gouvernement n'impose aux collectivités territoriales de nouvelles et coûteuses obligations. La question de la répartition des compétences et des modalités de financement est posée. Il ne faudrait pas que cet objectif louable se transforme en une contrainte lourde, notamment financière.
Je constate qu'il n'y a pas de remarque sur cette proposition.
La quatrième proposition porte sur les alinéas 21 à 27 de l'article 18, qui visent à rendre compatibles les plans de déplacements urbains et les plans locaux d'urbanisme en tenant lieu avec les objectifs fixés par le plan de protection de l'atmosphère pour chaque polluant. Nous proposons la suppression, non de l'obligation générale de compatibilité, mais de la mention « pour chaque polluant ». Il ne faut pas créer une usine à gaz qui serait inapplicable pour les collectivités territoriales. Restons-en à une obligation générale de compatibilité, qui représentera déjà un effort important pour les collectivités territoriales.
Je constate qu'il n'y a pas d'objection sur ce point.
M. François Calvet. - La complexité de ce dispositif est telle qu'il sera difficilement applicable.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Les alinéas 2 à 10 de l'article 22 bis B obligent à appliquer la comptabilité analytique au service de prévention et de gestion des déchets, et réaffirment l'obligation de présenter un rapport sur le prix et la qualité de ce service. Il existe déjà un certain nombre d'obligations dans ce domaine pour les collectivités, et il nous semble superflu d'ajouter un élément supplémentaire de complexité.
M. Jean-Marie Bockel, président. - À partir du moment où rien n'est interdit, les collectivités territoriales souhaitant s'impliquer davantage peuvent tout à fait le faire. À titre d'exemple, dans la communauté d'agglomération que je préside, nous sommes très investis dans ce domaine et avons désigné un commissaire à la transition énergétique. En revanche, obliger des collectivités territoriales beaucoup plus modestes à respecter de nouvelles obligations dans des délais très contraints peut faire naître de véritables difficultés. Nous ne sommes pas là pour détricoter ou dénaturer le texte ; il ne s'agit pas de décourager l'audace, il s'agit de ne pas l'imposer indistinctement à tout le monde.
M. Louis Pinton. - Comme disait Paul Valéry, « Ce qui est simple est faux et ce qui est compliqué est inutilisable ». Il nous faut éviter ces deux écueils et accroître la liberté d'action des élus locaux, en gardant bien à l'esprit que la création des normes, le contrôle de l'application des normes et le contrôle des contrôleurs mobilisent des moyens humains pléthoriques.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Il nous faut conserver les incitations à la transition énergétique, mais ne pas oublier que l'enfer est pavé de bonnes intentions.
M. Louis Pinton. - Je souhaiterais formuler une remarque au sujet de la proposition des rapporteurs d'insérer la mention « sous réserve des contraintes liées aux nécessités du service » à l'alinéa 7 de l'article 9. Il sera nécessaire de définir ce que sont les « contraintes liées aux nécessités du service », ce qui pourrait donner lieu à des discussions byzantines.
Mme Nelly Tocqueville. - Je suis membre de la commission du Développement durable, où nous avons examiné une partie du texte. J'attire votre attention sur le fait que notre délégation doit veiller à ne pas détricoter le travail des commissions. En effet, le rapporteur pour la commission du Développement durable a fait un travail considérable, et le texte de la commission a été adopté de manière collégiale et consensuelle. Certes, nous avons également constaté une certaine complexité sur certains points, mais la délégation doit faire attention de ne pas heurter les commissions.
M. François Calvet. - En tant que premier vice-président de l'agglomération de Perpignan, je me rends compte que nous avons, dans tous nos domaines de compétences, une telle accumulation de normes que nous ne savons plus ce que nous devons faire. Car il faut bien être conscient que l'administration, dans l'application de la loi, impose sans cesse de nouvelles normes. L'intérêt des parlementaires, et a fortiori des sénateurs, est de mobiliser le vécu local et de lui permettre de peser sur l'élaboration de la loi. Nous avons une expérience du terrain et sommes conscients des difficultés.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - L'article 46 du projet de loi prévoit de donner au Gouvernement une habilitation pour modifier par ordonnance la périodicité de la mise à jour du bilan des émissions de gaz à effet de serre et pour instituer une procédure de sanction en cas d'absence de réalisation de ceux-ci. Or, d'une part, le contenu de la notion de sanction n'est pas défini et, d'autre part, il n'y a aucune précision sur le rythme de remise à plat par le Gouvernement des bilans carbone. Cela peut conduire à devoir sans cesse procéder à des modifications. C'est pourquoi nous proposons la modification de cet article.
Je constate qu'il n'y a pas d'opposition.
L'article 56 alinéa 40 instaure une compatibilité du plan climat-air-énergie territorial avec les objectifs fixés par le plan de prévention de l'atmosphère pour chaque polluant. Comme précédemment, il s'agit de supprimer le renvoi à chaque polluant.
Là encore, je ne vois pas d'opposition de la délégation.
Le deuxième grand thème de simplification vise à réagir à des dispositions tendant à imposer des obligations dans une formulation insuffisamment normative ou précise, susceptible de donner lieu à des contentieux ou à une réglementation d'application disproportionnée. Or, nous savons tous que les tribunaux sont débordés.
L'article 4 alinéa 3 vise à imposer une obligation d'exemplarité énergétique et environnementale des nouvelles constructions sous maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales. Tout cela reste très imprécis. C'est pourquoi nous proposons de remplacer les mots « font preuve » par « doivent rechercher » et donc de passer d'une obligation à une incitation.
L'article 5 quinquies met en place un renforcement du service public de la performance énergétique de l'habitat en l'appuyant sur des plateformes territoriales de la rénovation énergétique développées à l'échelle d'un ou de plusieurs EPCI à fiscalité propre. Il s'agit ici d'une disposition parlementaire ajoutée par amendement. Elle crée une contrainte supplémentaire, d'où notre proposition de suppression.
L'article 9 B alinéa 3 vise à mettre en place des objectifs de développement et de déploiement de transports en commun à faibles émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, et de développement de véhicules sobres et peu polluants, notamment par des facilités de circulation et de stationnement. Ce qui nous gêne ici, ce sont les problèmes de la mise en application de ces facilités de circulation et de stationnement. Sur quoi cela va-t-il déboucher concrètement ? C'est pourquoi nous proposons la suppression de cette notion. Néanmoins, nous ne sommes pas opposés à la mise en place des objectifs prévus par cet article.
Je constate qu'il n'y a pas d'opposition sur ces trois dernières propositions.
En ce qui concerne la disposition suivante, nous sommes encore hésitants. Il s'agit de l'article 10, qui vise notamment à inciter les collectivités territoriales à déployer des points de charge pour les véhicules électriques et hybrides, à développer et à diffuser l'usage du vélo et des mobilités non motorisées. Au début, nous avons envisagé de demander un rapport, mais cela semble peu efficace. Ce qui nous gêne dans cet article, c'est le flou autour de la définition des priorités, mais également la question du financement. Toutefois, en demandant la suppression de certains alinéas de cet article, nous remettons en cause l'incitation prévue, qui est pourtant très intéressante. Il s'agirait d'un amendement d'appel qui permettrait d'avoir une vue plus précise de ce qui se profile derrière cette disposition.
M. Jean-Marie Bockel, président. - On peut envisager de conserver la proposition, afin de lancer le débat.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Nous sommes donc d'accord sur le principe d'un amendement d'appel. Nous avons également envisagé un amendement sur les dispositions relatives au covoiturage mais, en définitive, vu son impact limité, l'idée est abandonnée.
Je constate que la délégation est d'accord sur ce point.
M. Jean-Pierre Vial. - Je souhaiterais faire une courte intervention au sujet du covoiturage. Depuis plusieurs années, avec de nombreuses collectivités de mon département, je croise le fer avec les sociétés d'autoroutes pour que des aires de covoiturage soient installées à proximité des embranchements. En effet, ils sont souvent situés à proximité des agglomérations. Mais les sociétés autoroutières y mettent de la mauvaise volonté, prétextant des problèmes de sécurité. C'est pourquoi j'entends déposer un amendement afin d'obliger à prendre en compte la mise en place d'aires de covoiturage. Bien évidemment, je serais très heureux que la délégation reprenne cet amendement.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Votre proposition est tout à fait intéressante, cependant elle ne relève pas de notre mission, qui est la simplification du projet de loi. Sur le fond, votre suggestion mérite d'être étudiée, et je cosignerai volontiers, à titre personnel, l'amendement que vous vous proposez de déposer.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - J'en viens maintenant à l'article 19 alinéa 13, portant sur « la promotion du tri à la source des déchets organiques et de la tarification incitative ». Cet alinéa tend à inscrire dans le code de l'environnement l'objectif de valorisation de 55 % des déchets en 2020, puis de 60 % en 2025. Pour atteindre cet objectif, les communes et les syndicats intercommunaux compétents en matière de prévention et de gestion des déchets doivent davantage recourir au tri à la source des déchets organiques, ainsi qu'à la tarification incitative d'ici à 2025. De plus, ils doivent éviter de créer de nouvelles installations de tri mécano-biologique.
Ces dispositions n'apportent qu'une faible plus-value au cadre juridique en vigueur, car le code de l'environnement définit déjà la valorisation comme un mode de traitement privilégié des déchets. De plus, l'étude d'impact précise qu'aujourd'hui seuls 20 % des déchets alimentaires sont valorisés par un tri à la source. La généralisation de ce tri d'ici à 2025 semble irréaliste, et les collectivités territoriales ne disposent d'ailleurs pas des moyens techniques et financiers nécessaires à l'application de ces dispositions, qui ont été introduites par voie d'amendement parlementaire, et donc sans étude d'impact. Je propose donc la suppression de cet alinéa.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Je suis en train de mettre en oeuvre dans ma communauté d'agglomération une mesure de ce type, et je n'ai donc pas attendu une incitation législative pour me mettre au travail.
D'autre part, nous savons combien les dates butoirs peuvent créer des situations difficiles, comme l'a récemment démontré le report de la date d'application de la loi sur l'accessibilité, qui devait entrer en vigueur en 2015.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Faut-il donc s'en tenir à la suppression des dates d'application ?
M. Jean-Marie Bockel, président. - Non, je suis favorable à la suppression de l'alinéa, dans la logique d'aiguillon simplificateur de notre délégation.
Mme Nelly Tocqueville. - En tant que membre de la commission du Développement durable, je ne peux pas m'engager en faveur des propositions présentées ici, notamment celles portant sur les parties du texte examinées par ma commission.
La proposition de suppression de l'alinéa est adoptée.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Je constate que la proposition de suppression de l'aliéna est adoptée.
L'article 19 septies prévoit l'harmonisation de l'organisation de la collecte des déchets recyclables sur l'ensemble du territoire d'ici à 2025. Il invite donc les collectivités territoriales à veiller à ce que la collecte séparée des déchets soit organisée selon des modalités harmonisées sur le plan national. Ces dispositions ont un faible contenu normatif, du fait de leur imprécision ; elles pourraient donc susciter des contentieux.
Par ailleurs, l'idée de confier à l'ADEME la responsabilité d'encadrer les pratiques locales est en soi contestable. Je propose donc la suppression de cet article.
M. Louis Pinton. - Je soutiens totalement ce point de vue : il faut laisser les collectivités territoriales s'organiser de manière pragmatique.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Je constate que la proposition de suppression est adoptée.
L'article 22 decies prévoit la mise en place d'une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective avant le 1er septembre 2016.
Je vous suggère de réécrire le texte de cet article dans le cadre d'un amendement d'appel proposant une campagne nationale d'information, et l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques, dans le but de lancer le débat sur la nécessité de lutter contre le gaspillage.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Il me semble que l'enjeu du développement durable tient moins à la réduction du gaspillage qu'à l'instauration de circuits courts d'approvisionnement, réduisant la durée des transports, permettant une meilleure traçabilité des aliments, et contribuant à la promotion des productions locales. Cette démarche s'inscrit dans un temps long, comme je le constate dans mon agglomération où un projet de ce type a été lancé : la conclusion des appels d'offres nécessite, en particulier, un travail approfondi. La loi n'apporte donc rien pour simplifier ces questions complexes, et le délai retenu est irréaliste.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - C'est la raison pour laquelle je propose un amendement d'appel.
M. Louis Pinton. - Il sera en effet intéressant d'entendre les explications du Gouvernement.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - J'en viens maintenant à l'alinéa 4 de l'article 38 ter A, qui prévoit la prise en compte de la performance environnementale des produits, en particulier leur caractère biosourcé, en matière de commande publique.
Je relève que la notion de produit « biosourcé » n'est pas précisément définie par cet article qui ne manquera pas de compliquer les commandes publiques des collectivités territoriales. De plus, l'insertion d'objectifs de performance environnementale dans la commande publique aura une répercussion sur les coûts de celle-ci, sans qu'il soit possible de l'évaluer a priori. Il me semble donc que cette disposition mériterait une concertation avec les collectivités intéressées avant que soit prise une initiative législative. De plus, une telle mesure devrait s'inscrire dans le code des marchés publics, et non dans celui de l'environnement.
Je souligne que les appels d'offres des collectivités territoriales sont, comme vous le savez tous, souvent difficiles à rédiger. Cet article les rendrait encore plus complexes.
Je vous propose donc la suppression de cet alinéa, avec un exposé des motifs invitant le Gouvernement à préciser la notion de produit biosourcé.
Mme Nelly Tocqueville. - En cas de réponse argumentée et convaincante, l'amendement serait donc retiré ?
M. Jean-Marie Bockel, président. - En effet, une explication précise me semble nécessaire ; si elle est fournie, l'amendement sera retiré.
M. Philippe Mouiller. - L'article 48 tend à la prise en compte de la stratégie bas carbone dans les documents de planification et de programmation des collectivités territoriales. Il s'agit clairement d'une contrainte supplémentaire que l'on vient ajouter, et c'est pourquoi nous en demandons la suppression.
J'en viens à présent aux dispositions du projet de loi qui tendent à créer ou compléter des procédures disproportionnées au regard de l'équilibre approprié entre l'objectif recherché et les moyens techniques et financiers dont dispose la collectivité territoriale. À cet égard, l'article 56 bis crée une obligation d'insérer dans le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme (PLU) des orientations générales des réseaux d'énergie. Nous ne sommes pas contre, mais nous souhaitons qu'un alinéa vienne compléter cette disposition en prévoyant que son entrée en vigueur ne se fasse qu'au moment de la révision des PLU existants afin de ne pas les casser en cours d'exécution.
Je constate qu'il n'y a pas d'opposition sur ce point.
J'en viens ensuite aux dispositions du projet de loi qui tendent à créer une compétence locale obligatoire dont les conditions de mise en oeuvre ne sont pas réunies au regard des moyens techniques, juridiques et financiers dont la collectivité dispose. Il s'agit d'abord de l'article 19 quater, qui prévoit de nouveaux pouvoirs du maire à l'égard des véhicules abandonnés stockés sur la voie publique, le domaine public ou les propriétés privées, avec obligation de recours à un expert automobile. C'est un article qui a été abondamment commenté par l'Association des maires de France, notamment s'agissant de la responsabilité des maires et de leur capacité réelle à appliquer cette disposition, compte tenu des moyens dont ils disposent. Nous vous en proposons la suppression.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Le rapporteur de la commission du Développement durable, M. Louis Nègre, doit justement proposer un nouvel alinéa afin de faciliter les choses sur ce point, parce qu'il est question de la sécurité juridique pour les maires qui souhaiteront, par exemple, aller sur un terrain privé.
M. Jean-Pierre Vial. - Il s'agit d'un point important et cela vaut la peine de bien travailler cet amendement afin de proposer une solution aux maires, souvent dos au mur dans ce domaine.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Dans l'état actuel, je vous propose donc la suppression de cet amendement, et nous ferons une analyse de la réécriture proposée dans un second temps.
J'en viens aux dispositions d'affichage tendant à diminuer les délais initialement prévus pour la mise en oeuvre de dispositions complexes ou coûteuses ou introduisant des éléments hétérogènes dans des dispositifs orientés vers d'autres objectifs. L'article 5 bis C prévoit la possibilité pour les conseils généraux de moduler la taxe de publicité foncière, les droits de mutation ou les droits immobiliers pour les immeubles satisfaisant à des critères de performance énergétique. Sur ce point, nous sommes davantage partisans d'une interrogation de la délégation que d'une suppression pure et simple. Nous sommes en effet partagés, car d'un côté cela laisse effectivement une liberté aux conseils généraux d'utiliser un levier, et de l'autre c'est un élément de modification et de complexification du droit existant. C'est pourquoi nous nous en remettons à la sagesse de la délégation. Quel est votre sentiment ?
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Cette possibilité, ouverte aux conseils généraux, de moduler la fiscalité locale existe déjà en réalité aujourd'hui. En l'espèce, cette disposition vient seulement préciser que cette modulation des taxes peut bénéficier à ceux qui font des efforts sur le plan énergétique, à l'image du dispositif de bonus sur les véhicules électriques, qui est piloté par l'État.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Nous gardons donc le dispositif et nous retirons notre proposition de suppression.
L'article 18 bis prévoit une application avancée au 31 décembre 2016 de l'interdiction d'utiliser des produits phytosanitaires dans les espaces verts publics. Évidemment nous sommes tous d'accord sur l'importance de cette disposition mais nous y sommes défavorables car les délais sont trop courts, en particulier pour les petites collectivités territoriales.
M. Jean-Marie Bockel, président. - La démarche des « libellules » décernées aux collectivités territoriales lorsqu'elles réduisent leur utilisation de produits phytosanitaires est beaucoup plus intelligente. C'est un dispositif de labélisation français qui se développe et qui est très incitatif.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - En région Poitou-Charentes, un système similaire de labellisation a été mis en place.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Les communes rurales sont également très concernées par ce sujet, ne l'oublions pas.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Nous vous proposons donc de supprimer cet article qui prévoit une mise en oeuvre anticipée de la disposition.
Mme Nelly Tocqueville. - Si je comprends bien, ce n'est pas la disposition elle-même que vous souhaitez supprimer, mais c'est la date d'entrée en application proposée qui vous paraît prématurée.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Effectivement : nous ne revenons absolument pas sur la loi votée le 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Je confirme que nous ne revenons pas sur le contenu de la disposition issue de la loi du 6 février 2014.
Nous proposons donc la suppression l'article 18 bis.
J'en viens à présent à l'article 21 bis, plus précisément les alinéas 4 à 6, qui prévoient l'insertion d'objectifs de performance en matière de réduction du gaspillage alimentaire dans le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux. De nouveau, il ne s'agit pas de remettre en cause le principe des incitations, mais plutôt les modalités potentiellement complexes du dispositif envisagé. C'est pourquoi nous vous en proposons la suppression.
L'article 22 bis prévoit la modulation de la dotation de solidarité rurale en fonction de l'éclairage nocturne du public des communes. Là encore, que l'on fasse de l'incitation, que l'on fasse un effort de pédagogie pour expliquer aux communes que cela coûte moins cher et que c'est positif pour l'environnement, nous sommes tous d'accord. Mais de là à toucher aux dotations qui sont déjà en diminution globale, il y a une marge que nous ne souhaitons pas franchir.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Sans parler de la complexité des calculs de modulation.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Par conséquent, nous proposons la suppression de cette disposition.
J'en viens enfin aux dispositions ayant pour effet de brouiller la compréhension des compétences des collectivités et l'articulation des schémas et documents de planification au moyen desquels elles organisent l'exercice de ces compétences.
L'article 22 bis prévoit l'élaboration d'un schéma régional de biomasse par le préfet de région et le président du conseil régional, dans les 18 mois à compter de la promulgation de la loi. Rien que l'intitulé de cet article vous donne une indication sur la nécessité de supprimer cette obligation d'élaborer un nouveau schéma.
L'article 56 définit la compétence des régions en matière d'efficacité énergétique. Aujourd'hui, les régions ont globalement la compétence dans ce domaine : elles mènent des politiques en matière environnementale, l'ADEME est adossée à la région, les contrats de plan financent des mesures, les fonds structurels européens pilotés par les régions interviennent dans le domaine des politiques environnementales. C'est pour ces raisons que nous nous interrogeons sur la suppression de cet article et, à titre personnel, j'aurais plutôt tendance à le conserver.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - À titre personnel, je ne vois pas quel est l'apport de l'article 19 alinéa 1, dans la mesure où les collectivités disposent déjà de cette compétence.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Le texte vise à introduire la notion d'efficacité.
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - Je ne suis pas sûr que cela modifie fondamentalement les choses.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Je suggère que l'on ne propose pas de modifier cet article.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Nous en prenons note. Toujours à propos de l'article 56, les alinéas 2 à 16 prévoient une compétence des régions en matière d'efficacité énergétique et l'élaboration d'un programme pour l'efficacité énergétique. L'idée est de dire que si les régions reçoivent une compétence en matière d'efficacité énergétique, il est évident qu'elles mettront en place un programme d'action. Il n'est donc pas nécessaire d'imposer par la loi cette obligation. C'est pourquoi nous proposons de supprimer ces alinéas.
Je constate qu'il n'y a pas d'objection sur ce point.
L'article 56 alinéa 56 vise à instaurer des objectifs d'actions des autorités organisatrices d'un réseau public de distribution d'électricité ou de gaz en matière d'économie d'énergie des consommateurs de gaz et d'électricité basse tension. Nous vous proposons d'effectuer une modification visant à supprimer les termes « dans de bonnes conditions économiques ». Nous considérons que les syndicats et les structures sont suffisamment intelligents pour faire les choses correctement et que dans les zones rurales parfois, au titre de la solidarité, les extensions d'électrification peuvent être réalisées, non pas avec un objectif purement économique mais bien de service rendu. Il s'agit ici de ne pas apporter une contrainte supplémentaire.
L'article 57 est relatif à la compétence des communes en matière de création et d'exploitation d'un réseau public de chaleur ou de froid. Ces dernières doivent élaborer un schéma directeur du réseau de chaleur ou de froid avant le 31 décembre 2018. Nous souhaitons déposer un amendement d'appel, d'une part pour obtenir une clarification en matière de compétences et, d'autre part, pour comprendre ce que le Gouvernement entend par « schéma directeur du réseau de chaleur ou de froid ».
M. Rémy Pointereau, co-rapporteur. - En outre, la loi MAPAM a donné spécifiquement la compétence des réseaux de chaleur aux communautés urbaines et aux métropoles. Or, certaines communes, et je pense notamment à Châteauroux, ont développé un réseau de chaleur. La situation mérite d'être tirée au clair.
M. Philippe Mouiller, co-rapporteur. - Voilà l'ensemble des propositions de simplification auxquelles nous avons pensé sur ce texte.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Mes chers collègues, je souhaite rendre hommage à votre travail, qui non seulement est extrêmement concret et pragmatique, mais a aussi été réalisé en peu de temps.
C'est par des rapports concrets, tel que celui-ci, que nous allons valoriser notre action et le travail de notre délégation afin d'obtenir la possibilité de participer au travail législatif dans des conditions plus complètes qu'actuellement. Bien évidemment, avec Rémy Pointereau, nous allons prendre contact avec un certain nombre de personnes, notamment les présidents des commissions, ainsi que le Président Larcher, afin d'expliquer notre démarche, qui ne vise en aucun cas à empiéter sur le travail des commissions saisies au fond.
M. Jean-Pierre Vial. - J'aimerais faire quelques observations. Tout d'abord, je rejoins les propos de notre président. Il est nécessaire de montrer la plus-value que peut apporter notre délégation en matière de simplification. En effet, il existe en France un véritable problème sur ce sujet. Je prendrais juste un exemple, celui du développement des énergies solaire et renouvelables.
Les délais administratifs entre la conception du projet et sa réalisation finale sont de trente mois. En termes de réactivité économique, cela pose une vraie question, car nous sommes dans un domaine très concurrentiel. Or, les délais au niveau européen ou mondial se situent entre trois et dix mois. Nous devons interpeller les ministères afin qu'ils simplifient les procédures. Dans le même domaine, il est certes important que le Gouvernement fixe des objectifs de capacité à atteindre pour le recours aux énergies solaire et éolienne. Cependant, afin de soutenir nos entreprises, il faut que ces appels d'offres soient lancés régulièrement et que les cahiers des charges ne changent pas en permanence.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Sur toutes ces questions, touchant à la fois les entreprises et les collectivités territoriales, je vais me rapprocher de la Présidente de la nouvelle délégation aux entreprises, afin de voir comment travailler intelligemment ensemble, sans doublon.
Le rapport est adopté.