- Mardi 21 octobre 2014
- Loi de finances pour 2015 - Désignation des rapporteurs spéciaux
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
- Désignation d'un rapporteur
- Simplification de la vie des entreprises - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2015 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial
- Mercredi 22 octobre 2014
- Loi de finances pour 2015 - Mission « Santé » - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2015 - Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (et articles 45 et 46) - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2015 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » (et article 61) - Examen du rapport spécial
- Perspectives d'évolution de la dotation globale de fonctionnement - Communication
- Audition de Mme Stéphane Pallez, candidate aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux
- Vote sur la nomination de Mme Stéphane Pallez, candidate aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux
- Loi de finances pour 2015 - Mission « Conseil et contrôle de l'Etat » - Examen du rapport spécial
Mardi 21 octobre 2014
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -La réunion est ouverte à 15 h 30.
Loi de finances pour 2015 - Désignation des rapporteurs spéciaux
La commission procède tout d'abord à la nomination de ses rapporteurs spéciaux.
Mme Michèle André, présidente. - Notre ordre du jour appelle la désignation des rapporteurs spéciaux.
Trois nouveautés cette année : la politique de la ville figure désormais au sein de la mission « Politique des territoires » mais, si vous l'acceptez, pourrait être suivie par un rapporteur « dédié » ; faute de candidatures, le rapporteur général et moi exerceront les fonctions de rapporteur spécial - la mission « Conseil et contrôle de l'État » pour le rapporteur général et la mission « Pouvoir publics » pour ce qui me concerne ; enfin, deux comptes d'affectation spéciale feront l'objet d'un rapport autonome : celui des « Participations financières de l'État », qui retrace la politique de l'État actionnaire, et le Facé, le « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
Comme à l'accoutumée, pour les binômes, il appartient aux co-rapporteurs des missions pour lesquelles le partage entre programmes n'est pas formalisé de se mettre d'accord sur les périmètres de l'un et de l'autre.
Acceptez-vous ces candidatures ?
Mme Michèle André, présidente. - Le bureau de la commission s'est réuni le 9 octobre et a considéré qu'il convenait d'autoriser la poursuite des travaux en cours, même si le sénateur en charge du dossier n'est plus titulaire du rapport spécial correspondant.
Nous entendrons aussi, demain, une communication de François Marc sur la dotation globale de fonctionnement, issue de travaux qu'il avait conduits en tant que rapporteur général. De même, Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier poursuivront-ils leurs travaux sur l'administration fiscale face au développement de la vente en ligne. Ils assureront également jusqu'au bout le suivi de l'enquête demandée à la Cour des comptes sur le recours par l'État à des consultants extérieurs.
Puisque nous entrons dans la discussion budgétaire, je vous rappelle que, le 5 février dernier, notre commission a décidé la procédure suivante : la veille de l'examen en commission de chaque mission, l'ensemble des commissaires recevront par courrier électronique la note de présentation établie par le rapporteur spécial, ainsi qu'un lien vers les documents budgétaires s'y rapportant, à charge pour chaque sénateur d'imprimer les documents qui lui semblent utiles ; lors de la séance de commission, seule la note établie par le rapporteur spécial est mise sur table. Nous contribuons ainsi à la politique de réduction du nombre de documents imprimés par le ministère des finances. Bien entendu, quelques exemplaires papier des « bleus » budgétaires restent disponible en cas de besoin.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, et nomme M. Francis Delattre, rapporteur pour avis.
Désignation d'un rapporteur
La commission nomme M. Jean-François Husson, rapporteur sur la proposition de loi n° 802 (2013-2014) relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.
Simplification de la vie des entreprises - Examen du rapport pour avis
Puis, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Dominati sur le projet de loi n° 771 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises.
Mme Michèle André, présidente. - Nous examinons le rapport pour avis de M. Philippe Dominati sur le projet de loi n° 771 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises.
La commission des lois, saisie au fond, nous a donné délégation au fond pour l'examen des articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 30, 33 et 35. Par ailleurs, nous examinerons, pour avis « simple », les articles 2 bis, 19, 25 et 26.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Ce projet de loi de simplification de la vie des entreprises s'inscrit dans la lignée des textes que nous avons adoptés depuis une dizaine d'années avec l'ambition de simplifier la vie des entreprises, des citoyens et des administrations. Ce sont des objets juridiques au contenu hétéroclite auquel nous sommes maintenant habitués ; sous la précédente législature, notre collègue député Jean-Luc Warsmann avait initié plusieurs de ces textes et c'est déjà le troisième depuis 2012 ; si le vocable de « simplification » est préféré à la locution pourtant plus conforme à la réalité, de « projet de loi portant diverses dispositions », la conséquence pratique est la même : quasiment toutes les commissions permanentes du Sénat sont saisies : André Reichardt est rapporteur au fond pour la commission des lois, mais se sont saisies pour avis la commission des affaires sociales, la commission du développement durable, la commission des affaires économiques et, bien sûr, la commission des finances.
La commission des lois examinera ce texte mercredi prochain, en vue de la séance publique du 4 novembre ; nos collègues ont procédé à des « délégations au fond » sur certains articles relevant des compétences des commissions saisies pour avis ; c'est pourquoi, nous nous réunirons à nouveau le 4 novembre pour examiner les amendements extérieurs déposés sur les articles pour lesquels nous disposons de cette délégation au fond.
À la lecture de ce texte, j'ai trouvé très exagérée l'expression de « simplification de la vie des entreprises » : sur les quatorze articles pour lesquels je vous proposerai un avis, six concernent les entreprises et huit l'administration - autant dire qu'il s'agit de faciliter le travail de l'administration au moins autant, sinon plus, que le quotidien des entreprises. Non pas que le Gouvernement reste inactif, le Conseil de la simplification de la vie des entreprises produit des idées, qui, pour beaucoup, sont mises en oeuvre par voie réglementaire ; mais, si ces textes de simplification sont décevants, c'est parce qu'ils ne s'intéressent qu'à des sujets mineurs et qu'ils passent à côté des véritables enjeux.
La simplification que les entrepreneurs attendent, c'est celle du code du travail ou bien du lourd corpus de règles en matière sociale, par exemple la mise en place du compte pénibilité. Avec plus de trois millions de chômeurs, c'est le plus urgent.
Il conviendrait surtout de ne pas inventer de nouvelles obligations de toute sorte. Je pense en particulier aux récentes dispositions de la loi sur l'économie sociale et solidaire qui obligent les dirigeants de PME à informer leurs salariés au préalable avant toute cession.
On ne peut, d'un côté, prôner une politique active de simplification et, de l'autre, voter des lois qui vont dans un sens opposé ! Ce manque de cohérence nuit gravement à la crédibilité de l'action publique et à la confiance en l'État que peuvent avoir les entrepreneurs, en particulier les plus petits.
Ceci étant dit, on ne saurait être contre la « simplification », et, même si ce texte me paraît en-deçà des ambitions affichées, j'y suis favorable globalement et vous présenterai plusieurs amendements aux articles dont nous sommes saisis.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article crée une incitation au recrutement d'un apprenti, d'un montant de 1 000 euros, versée par les régions aux entreprises de moins de 50 salariés, avec un coût total pour l'État d'environ 50 millions d'euros.
Le Gouvernement m'a toutefois indiqué qu'il souhaitait proposer un dispositif plus favorable dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2015.
Cet article illustre bien mes remarques sur le manque de crédibilité de l'État : en un mois et demi, le Gouvernement a déjà proposé deux versions très différentes sur l'aide à l'apprentissage ! Ces hésitations compromettent la confiance, d'autant que sur ce sujet aussi important que l'apprentissage, le Gouvernement évite tout débat sérieux.
Dans ces conditions, je vous propose de supprimer cet article et d'y revenir plus en détail en examinant le projet de loi de finances.
M. François Patriat. - Le dispositif initialement prévu attribuait une aide de 1 000 euros par nouvel apprenti dans les entreprises de moins de onze salariés ; lors des Assises de l'apprentissage, le Président de la République a annoncé une aide supplémentaire de 1 000 euros pour les entreprises jusqu'à 250 salariés, soit une aide de 2 000 euros pour les entreprises de moins de onze salariés : ce dispositif a donc été renforcé. Supprimer cet article aujourd'hui, n'est-ce pas prendre le risque de repousser le délai de cette aide bien utile ?
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Non, parce qu'elle doit, de toutes façons, être validée par la loi de finances. Il ne s'agit ici que de communication gouvernementale...
M. Daniel Raoul. - Mais la communication dont il s'agit va bien au-delà, le but est bien de mobiliser les entreprises, de les inciter à recruter des apprentis, c'est une urgence : lançons le signal sans attendre, quitte à ajuster le dispositif en loi de finances !
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - La suppression de cet article ne repousserait pas l'entrée en vigueur de cette aide, puisque c'est la loi de finances qui, de toute façon, en décidera.
Mme Michèle André, présidente. - Il ne faudrait pas, effectivement, que le délai en soit changé, ni que le Sénat apparaisse comme ayant voulu repousser cette aide si utile au recrutement des apprentis : c'est un point difficile dans la suppression de cet article.
M. Vincent Eblé. - Je ne partage pas cette idée que nous ne ferions ici que nous prononcer pour ou contre la communication du Gouvernement : lorsque nous votons une loi, nous marquons notre engagement, notre volonté politique, celle du Parlement ; supprimer cet article aujourd'hui, c'est nécessairement s'y opposer, c'est dans ce sens que ce sera interprété : je suis pour le maintien de cet article, même si nous devons modifier le dispositif en loi de finances.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Puisque le débat s'élargit, on peut ajouter, contre cet article, qu'il est un peu cavalier de traiter d'un sujet aussi important au détour d'un article sur un texte portant diverses dispositions, quand l'apprentissage mériterait qu'on lui consacre un texte ! La loi de finances vaut mieux que ce texte hétéroclite... et, encore une fois, la suppression de cet article ne change rien à la réalité, au délai dans lequel cette aide interviendra.
M. Daniel Raoul. - Vous évoquez un texte sur la formation professionnelle, les partenaires sociaux y travaillent dans le cadre de négociations, nous aurons à légiférer ; mais ce dont on parle ici, c'est d'une mesure d'urgence pour aider les entreprises à recruter des apprentis, il faut le faire au plus tôt, pour que les entreprises sachent qu'elles seront soutenues et qu'elles engagent leurs démarches : tout report, en particulier la suppression de cet article, fera reculer cette mobilisation, pour laquelle nous sommes tous d'accord ! Je ne comprends pas cette suppression...
M. Francis Delattre. - Le vrai, c'est que la majorité gouvernementale a supprimé des moyens à l'apprentissage : vous dites qu'il y a urgence, mais vous avez largement contribué à la pénurie actuelle !
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Encore une fois, la suppression de cet article ne changera rien au délai d'application...
M. Daniel Raoul. - Si ! La communication a toute son importance...
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
La commission émet un avis favorable sur l'article 2 bis.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article prévoit de simplifier, par ordonnance, les obligations déclaratives des entreprises en matière fiscale. Enjeu important de simplification et de compétitivité, mais que le Gouvernement engage sans guère de précision. Il faudra être vigilant à ce qu'il épuise le champ large de l'habilitation et ne se contente pas de « mesurettes » pour quelques déclarations spécifiques.
Le ministre s'est notamment engagé à revoir en profondeur la déclaration dite DAS 2 sur les honoraires. Mais le Conseil de simplification a identifié d'autres déclarations comme celles sur les frais généraux ou la déclaration 1330 sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui sont également chronophages.
Sous la réserve de ces observations, je vous propose d'être favorable à l'adoption de cet article.
La commission émet un avis favorable sur l'article 13.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article autorise le Gouvernement à simplifier, par voie d'ordonnance, les obligations déclaratives des entreprises actives dans le domaine des jeux et des paris, au titre des nombreux prélèvements spécifiques auxquelles elles sont soumises. Son adoption n'aurait aucune conséquence en termes de trésorerie, ni pour les opérateurs, ni pour les organismes publics bénéficiaires des prélèvements. Une relative complexité de rédaction peut justifier le recours à une ordonnance pour traduire cette mesure de bon sens. C'est pourquoi je vous propose un avis favorable.
La commission émet un avis favorable sur l'article 14.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article habilite le Gouvernement à prendre toute mesure de nature législative visant à tirer les conséquences de la suppression de la déclaration n° 2483 de participation des employeurs à la formation professionnelle aux entreprises de plus de dix salariés à compter du 1er janvier 2015, opérée par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
Or, le Gouvernement m'a indiqué n'envisager qu'une seule mesure sur le fondement de cette habilitation.
Dans ces conditions, je vous propose, par l'amendement n° 2, d'inscrire directement dans la loi le dispositif envisagé par le Gouvernement.
La commission adopte l'amendement n° 2 puis elle émet un avis favorable sur l'article 15 ainsi modifié.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article maintient les autorisations de prélèvement existantes en matière de télé-règlement lors de la migration de celui-ci vers la nouvelle norme dite « SEPA interentreprises » d'ici le 1er février 2016.
Actuellement, les entreprises qui payent leurs impôts ou leurs cotisations sociales par télé-règlement ont signé un accord écrit de prélèvement. Le ministère des finances estime que, lors du basculement vers la norme SEPA, ces autorisations de prélèvement pourraient devenir caduques.
Afin d'éviter de solliciter les entreprises pour établir plusieurs millions de nouvelles autorisations, cet article habilite le Gouvernement à maintenir par ordonnance la validité des autorisations antérieures.
Comme pour l'article 15, j'estime possible d'écrire directement cette disposition dans la loi plutôt que de passer par ordonnance : c'est le sens de mon amendement n° 3.
La commission adopte l'amendement n° 3 puis elle émet un avis favorable sur l'article 16 ainsi modifié.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article vise à mettre en conformité avec le droit communautaire le dispositif français de la livraison à soi-même (LASM) en matière de TVA.
Le régime actuel a été contesté par la Commission européenne qui l'estime contraire au texte de la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2006.
Cette mesure se traduira en outre par une simplification des formalités des entreprises : je propose un avis favorable.
La commission émet un avis favorable sur l'article 17.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article concerne également les entreprises assujetties à la TVA, qui sont tenues de conserver pendant une durée de six ans certains documents au titre de leurs obligations fiscales.
Actuellement, une distinction est opérée selon la nature des documents : ceux émis ou reçus sous format papier doivent être conservés pendant six ans sous cette forme, tandis que les documents émis ou reçus sous forme numérique doivent être conservés pendant trois ans sous leur forme originale puis pendant les trois années restantes sous l'une ou l'autre forme au choix de l'entreprise.
Dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, qui est allée plus loin que le Gouvernement, les entreprises auront la possibilité de conserver ces documents pendant six ans sous la forme de leur choix quel que soit leur format original.
Autrement dit, cet article offre la possibilité aux entreprises de numériser l'ensemble des documents qu'elles doivent conserver : c'est une véritable simplification en matière d'archivage, avis favorable.
La commission émet un avis favorable sur l'article 18.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article dispense de signature certains actes de l'administration fiscale et sociale. Chaque année, des dizaines de millions d'actes standardisés, tels que des lettres de relance, des mises en demeure ou des avis à tiers détenteur, sont adressés sous forme papier du fait de cette obligation. Il en résulte de considérables lourdeurs administratives, une perte de temps pour les agents et des coûts de gestion incompressibles - plus de 200 millions d'euros en frais d'affranchissement notamment. En supprimant l'obligation de signature pour certains actes et toutes les décisions préparatoires, cet article ouvre la voie à un développement des téléservices et donc à plus d'efficacité, de simplicité et de réactivité. Bien sûr, le nom du fonctionnaire et le service en charge du dossier demeurent obligatoires.
Pour ma part, je crains que le développement de certaines procédures par courriel offre moins de garanties ou bien puisse développer certaines fraudes, qui, en réalité, existent déjà.
Après réflexion, j'estime néanmoins que le rapport coûts/avantages est favorable et va dans le « sens de l'histoire ». Le caractère massif de certaines procédures doit conduire à privilégier la dématérialisation. Je propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
La commission émet un avis favorable sur l'article 19.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à corriger et à compléter les dispositions issues de la loi « Métropoles » du 27 janvier 2014, relatives à la décentralisation et la dépénalisation du stationnement.
Vous vous en souvenez, il s'agissait d'une initiative sénatoriale portée par notre collègue Jean-Jacques Filleul qui répondait aux souhaits de nombreux élus locaux depuis plusieurs années.
J'ai entendu hier le délégué interministériel chargé d'encadrer la décentralisation et la dépénalisation du stationnement et j'ai pu constater que l'administration, longtemps réticente, s'est mise en ordre de marche pour la mettre en oeuvre. Les mesures prévues par l'ordonnance concernent essentiellement les mesures de recouvrement forcées en cas d'impayés de stationnement. A priori, une modification demandée par le Gouvernement en séance publique permettra d'élargir le champ de l'habilitation afin de couvrir les conséquences de la dépénalisation sur l'organisation des juridictions administratives et pénales.
Il appartiendra aux parlementaires, notamment plusieurs de nos collègues sénateurs très investis sur ce sujet, de veiller à ce que le texte de l'ordonnance soit conforme à l'intention initiale du législateur, ce que semblent confirmer les travaux préparatoires de l'ordonnance qui m'ont été transmis.
Sous la réserve de ces observations, je propose donc d'émettre un avis favorable.
La commission émet un avis favorable sur l'article 21.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article dispose que les prélèvements bancaires opérés par l'administration fiscale n'entraînent aucun frais pour la personne débitée. On inscrit dans la loi ce qui se pratique déjà : avis favorable.
La commission émet un avis favorable sur l'article 22.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article concerne les conventions de mandat en matière de maniement des fonds publics, c'est-à-dire le fait de confier par contrat, à un acteur extérieur à l'administration, le recouvrement de recettes ou le décaissement de dépenses. Par exemple, certains musées, comme le Louvre ou le musée d'Orsay peuvent confier la vente de billets sur Internet à des acteurs privés, comme la Fnac.
Un tel contrat contrevient au principe d'exclusivité du comptable public, qui est censé être le seul à détenir la capacité de manier des fonds publics. Ce principe d'exclusivité se fonde sur la nécessité de sécuriser les procédures comptables ainsi que l'utilisation des deniers publics.
À ce jour, il existe de nombreuses conventions de mandat dont la base légale n'est pas assurée. En conséquence, cet article crée cette base légale en autorisant les conventions de mandat pour l'État et les collectivités territoriales, pour certaines catégories de recettes et de dépenses.
Pour le passé, il prévoit la validation législative des conventions en cours alors même que les risques contentieux sont faibles.
Outre un amendement rédactionnel n° 4, je vous propose un amendement n° 5 tendant à supprimer la validation législative, qui ne me paraît pas répondre aux exigences du Conseil constitutionnel.
M. Claude Raynal. - Je ne comprends pas bien pourquoi on supprimerait cette validation législative : elle est sécurisante pour les contrats passés et sans risque puisque ce texte ne sera pas soumis au Conseil constitutionnel.
M. Michel Bouvard. - Je me réjouis que notre rapporteur propose de supprimer cette validation législative, parce qu'elle mettrait en cause des contrôles en cours et serait inconstitutionnelle selon toute vraisemblance : ce serait un très mauvais signal juridique...
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Les risques liés à des contentieux apparaissent peu importants puisque si la justice venait à casser des contrats en cours, ils pourront être reformulés selon les modalités prévues par la loi. Le juge pourrait d'ailleurs laisser un délai aux opérateurs pour s'y conformer.
M. Maurice Vincent. - Je trouve ennuyeux, même si cela démontre la complexité des sujets que nous traitons, que sur une question de constitutionnalité, le Sénat prenne une position inverse à celle de l'Assemblée nationale... Ensuite, dès lors qu'une saisine du Conseil constitutionnel est aussi peu probable, pourquoi s'auto-censurer ? Cette question est complexe, il y a matière à interprétation.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Le rapporteur de la commission saisie au fond à l'Assemblée nationale s'est interrogé, dans son rapport, sur la constitutionnalité de cette validation, rappelant les règles posées par le Conseil constitutionnel, mais les députés ont finalement estimé que l'intérêt général la justifiait : il y a donc bien un débat, je vous propose de supprimer cette validation législative.
La commission adopte l'amendement n° 4 et l'amendement n° 5, puis elle émet un avis favorable à l'article 25 ainsi modifié.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article simplifie la nomination des commissaires aux comptes dans les établissements publics de l'État : ils seraient nommés non plus par arrêté du ministre du Budget, mais pas les établissements publics eux-mêmes. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'article 26.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article habilite le Gouvernement à élargir par ordonnance le nombre d'opérateurs qui renseignent - et qui peuvent consulter - le Fichier bancaire des entreprises (FIBEN), lequel recense l'ensemble des crédits bancaires accordés aux entreprises et informe sur la solvabilité d'un emprunteur. Cet élargissement tient compte du fait qu'il existe de plus en plus de canaux de financement des entreprises en dehors du circuit bancaire traditionnel.
Je suis cependant sceptique sur cet article. Mon expérience sur le fichier positif des crédits à la consommation m'a rendu prudent sur la mise en oeuvre de mégafichiers. Ensuite, je ne sais pas si cet article a pour véritable objet de faciliter le financement des entreprises ou bien de faciliter le travail statistique de la Banque de France et de l'administration.
Je constate qu'il se traduira par de nouvelles obligations déclaratives pour les acteurs du financement qui, à ce jour, ne sont pas dans le champ du FIBEN. J'attends encore des réponses de l'administration et de la Banque de France.
Je vous propose donc d'émettre un avis favorable, à titre conservatoire, mais je me réserve la possibilité de déposer un amendement de suppression en vue de la séance publique.
La commission émet, à titre conservatoire, un avis favorable à l'article 30.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article procède à plusieurs corrections, simplifications et coordinations au sein du code général des impôts. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'article 33.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article corrige une erreur rédactionnelle dans le code monétaire et financier. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'article 35.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Cet article fixe les délais dans lesquels les ordonnances doivent être prises ; je vous propose, avec l'amendement n° 7, de tenir compte des modifications que nous avons apportées aux articles 15 et 16.
La commission adopte l'amendement n° 7, puis elle émet un avis favorable à l'article 36 ainsi modifié.
La commission émet un avis favorable aux articles dont elle s'est saisie, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Puis elle autorise son rapporteur pour avis à donner la position de la commission devant la commission des lois lorsque celle-ci établira son texte. Enfin, elle autorise son rapporteur pour avis à déposer en séance publique les amendements qu'elle a adoptés mais qui n'auraient pas été repris par la commission des lois.
- Présidence de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, vice-présidente -
Loi de finances pour 2015 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial
Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Pouvoirs publics ».
Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - En vertu du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, qui découle du principe de séparation des pouvoirs, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels, c'est-à-dire la Présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat - ainsi que des chaînes parlementaires -, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.
Les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics » s'astreignent à participer pleinement à l'effort de redressement des comptes publics. Les montants de crédits demandés par ces dernières dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 mettent en évidence cette démarche.
En effet, pour l'exercice 2015, les crédits demandés au titre de la mission « Pouvoirs publics » s'élèvent à près de 988 millions d'euros, ce qui représente un recul de près de 2 millions d'euros par rapport à 2014.
Cette évolution recouvre, comme nous allons le voir, une stabilisation des dotations de l'État aux assemblées parlementaires et une diminution des crédits de la Présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.
S'agissant de la Présidence de la République, tout d'abord, conformément aux engagements du chef de l'État, la dotation demandée recule à 100 millions d'euros. Ainsi, cette dotation diminue de 1,6 % par rapport à 2014. Elle revient à un niveau inférieur à celui prévu par la loi de finances pour 2008, alors même que, depuis lors, de nombreuses dépenses auparavant supportées par le ministère de la défense, comme le montant des pensions des gendarmes affectés au Palais de l'Élysée, ont été transférées à la Présidence de la République. Au total, en 2015, les crédits de la Présidence auront été réduits de 17,8 millions d'euros depuis 2012.
Cette baisse de la dotation a été permise par les efforts réalisés sur les dépenses de la Présidence de la République, dont les charges de personnel ou encore de déplacements sont en nette diminution.
Les dotations versées à l'Assemblée nationale et au Sénat sont de nouveau « gelées » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Ainsi, les crédits dédiés aux assemblées s'élèveront à environ 841,5 millions d'euros. La stabilisation en euros courants des dotations des deux Chambres est associée à la réalisation d'efforts en dépenses, notamment afin d'absorber la hausse tendancielle de leurs charges.
Si la dotation de l'État à l'Assemblée
nationale demeure à son niveau de 2014, soit 517,9 millions d'euros, ses
dépenses reculeraient de 0,16 %. Cette évolution
résulterait, en particulier, d'une nette diminution des dépenses
d'investissement, de près de 7 %. Par ailleurs, il convient de souligner
les efforts consentis sur la masse salariale de l'Assemblée
- les
crédits dédiés à la rémunération de
base des personnels statutaires devant reculer de 1,12 % -, ainsi que sur
les achats de biens et de fournitures, en diminution de 4,75 %. En outre, les
charges parlementaires, qui comprennent les indemnités parlementaires ou
encore les frais de secrétariat, seraient en diminution de 0,37 %.
Enfin, il convient de relever que l'équilibre du budget de l'Assemblée nationale en 2015 serait permis par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d'un montant de près de 15 millions d'euros, comme en 2014.
La dotation de l'État au Sénat au titre de l'exercice 2015 demeure également à son niveau de 2014, soit à 323,6 millions d'euros. Le Sénat poursuit donc les efforts engagés depuis 2008.
Au total, si la dotation de l'État sera stable entre 2014 et 2015, les dépenses du Sénat connaîtraient une baisse substantielle entre ces deux années, marquant un recul de 3,46 %.
Cette baisse est plus prononcée encore si l'on considère isolément les dépenses inhérentes à la mission institutionnelle du Sénat, puisque celles-ci diminueraient de près de 13 millions d'euros. Cette évolution résulte de l'achèvement, en 2015, d'importantes opérations d'investissement engagées en 2012, portant sur la transformation en bureaux ou en salles de réunion des immeubles situés rue Bonaparte et boulevard Saint-Michel, mais aussi des efforts de gestion réalisés par le Sénat. En particulier, il apparaît que les crédits relatifs aux indemnités versées aux sénateurs sont stabilisés et que les dépenses de traitement des personnels sont en diminution de 0,27 %.
Les dépenses liées au Jardin du Luxembourg, quant à elles, augmentent de 745 200 euros, en raison de deux opérations d'investissement : la rénovation du chauffage des serres et la restauration de la fontaine Médicis.
Les dépenses prévisionnelles du Musée du Luxembourg, enfin, s'élèvent à 153 000 euros en 2015. Pour autant, ce poste demeure profitable pour le Sénat, dès lors qu'il serait associé à des produits d'un montant de 249 000 euros.
Comme l'Assemblée nationale, le Sénat équilibrerait son budget 2015 par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d'un montant de 11,6 millions d'euros.
Pour ce qui est de la chaîne parlementaire, le projet de budget pour 2015 de LCP-Assemblée nationale prévoit une dotation d'environ 16,6 millions d'euros, identique à celle de 2014. La dotation demandée par Public-Sénat au titre de l'exercice 2015, elle, s'élève à près de 18,8 millions d'euros, en hausse de 1,5 % par rapport à 2014, conformément au contrat d'objectif et de moyen pour 2013-2015 signé en décembre 2012.
Pour la sixième année consécutive, la dotation demandée par le Conseil constitutionnel est en baisse. Elle recule de 5,4 % par rapport à 2014, soit de 586 000 euros, pour atteindre 10,2 millions d'euros. En six ans, le budget du Conseil constitutionnel aura reculé de 18,2 %, et ce alors même que la réforme constitutionnelle de 2008, avec l'institution de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a conduit à une forte hausse de l'activité de la juridiction.
J'en viens, pour finir, à la Cour de justice de la République. À titre de rappel, conformément à l'article 68-1 de la Constitution, la Cour est compétente pour juger les membres du Gouvernement au titre des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Le budget prévisionnel de la Cour de justice de la République s'élève à 861 500 euros, en baisse de 0,6 % par rapport à 2014, notamment grâce à la réduction prévisionnelle du loyer annuel de l'institution.
En conclusion, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
M. Michel Bouvard. - Mon interrogation porte sur le seul poste de la mission qui ne diminue pas, c'est-à-dire les crédits dédiés aux chaînes parlementaires. L'on constate, en effet, une légère hausse de ces derniers. Ceci me conduit à me demander si toutes les synergies pouvant exister entre les deux chaînes ont bien été explorées. Dès lors que nous sommes en début de mandature pour le Sénat, peut-être y aurait-il lieu à approfondir cette question, sans pour autant remettre en cause l'indépendance éditoriale de chacune des deux chaînes. C'est un sujet qui focalise les attentions depuis de nombreuses années. Près de 35 millions d'euros sont consacrés à la retransmission des travaux du Parlement ; si cette dépense ne saurait être qualifiée d'exagérée, elle n'en demeure pas moins conséquente et devrait, de ce fait, faire l'objet d'un examen attentif.
M. Vincent Delahaye. - La diminution des crédits de la mission en 2015, de 0,2 %, doit être soulignée. Pour autant, cette diminution est modeste, notamment lorsqu'on la compare à la diminution des dotations imposée aux collectivités territoriales qui, pour certaines, connaissent des diminutions de ressources de près de 10 %. Une réduction de 0,2 % des crédits constitue, selon moi, un « petit effort ». Par ailleurs, je note la part non négligeable du Conseil constitutionnel dans cet effort en dépenses ; si tous les budgets des services de l'État avaient évolué comme celui de la juridiction au cours des dernières années, nos finances publiques seraient en meilleure santé. Quels sont les secrets du Conseil constitutionnel ? Il faudrait qu'il les partage. Je note que le Sénat parvient à baisser ses dépenses, mais qu'il maintient le niveau de sa dotation ; celui-ci aurait pu demander une baisse de sa dotation, ne serait-ce que pour montrer l'exemple, d'autant que je sais, en tant que membre de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne, que les réserves demeurent conséquentes.
M. Jean-Claude Requier. - Je souhaiterais savoir si les indemnités versées aux membres du Conseil constitutionnel sont imposables à l'impôt sur le revenu.
M. Marc Laménie. - Je considère également que la baisse des dotations inscrites dans la mission est minime. En outre, je constate que certains programmes ne sont plus dotés de crédits ; quelle en est la raison ?
Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Mes réponses ne seront pas aussi documentées que je l'aurais souhaité, en raison des délais contraints dans lesquels j'ai eu à me saisir de ce dossier. En particulier, je n'ai pu m'entretenir avec les représentants des différentes institutions dont les crédits figurent dans la présente mission. Il est vrai que souhaiterais examiner de très près la question du financement des chaînes parlementaires. Je constate qu'il s'agit d'un sujet qui intéresse également notre collègue Michel Bouvard, qui a dû l'étudier avec soin lorsqu'il était élu à l'Assemblée nationale. S'agissant de la chaîne Public-Sénat, je rappelle, néanmoins, que le passage à la télévision numérique terrestre (TNT) a été à l'origine de coûts importants, notamment en raison de la nécessité de disposer d'une couverture de l'ensemble du territoire. En outre, cette chaîne ne se limite pas à la retransmission des débats en séance publique et produit des émissions de grande qualité, présentant une forte dimension pédagogique. Il n'en demeure pas moins que je reviendrai vers vous avec des éléments d'analyse complémentaires sur ce point.
Concernant une possible diminution de la dotation du Sénat, j'avoue ne pas avoir disposé du temps nécessaire pour apprécier, dans le détail, cette éventualité. Pour ce qui du régime fiscal des indemnités des membres du Conseil constitutionnel, je ne le connais pas. Mais j'irai me renseigner ! Enfin, pour répondre à la question de Marc Laménie, la persistance de deux programmes non dotés s'explique par des raisons inhérentes à la nomenclature budgétaire.
M. Daniel Raoul. - Quelle est l'origine de la prévision d'inflation de 1,5 % utilisée pour revaloriser la dotation de Public-Sénat ? Il me semble pourtant que l'inflation est aujourd'hui quasi-nulle !
Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Il s'agissait de la prévision pour 2015...
M. Daniel Raoul. - Il conviendrait de regarder avec attention le contrat d'objectifs et de moyens (COM) signé avec la chaîne Public-Sénat. L'estimation de l'inflation est-elle révisable ?
Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Il s'agit là du point qui a le plus attiré mon attention lors de l'examen de la mission « Pouvoirs publics ».
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je vous propose maintenant de vous prononcer sur les crédits de cette mission. La rapporteure spéciale propose-t-elle leur adoption ?
Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - En effet.
M. Vincent Delahaye. - Je m'abstiens !
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des dotations de la mission « Pouvoirs publics ».
Mercredi 22 octobre 2014
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -La réunion est ouverte à 9 h 32
Loi de finances pour 2015 - Mission « Santé » - Examen du rapport spécial
Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur la mission « Santé ».
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - La mission « Santé » est une petite mission qui représente environ 1,2 milliard d'euros du budget de l'État. Elle suit une approche binaire, avec un premier volet consacré au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui regroupe les subventions de l'État aux agences sanitaires et les crédits destinés à la politique de prévention des agences régionales de santé (ARS), et un second volet constitué par le programme 183 « Protection maladie », dédié au financement de l'aide médicale d'État (AME). Si le programme 204 était majoritaire il y a quelques années, l'AME y tient désormais une place prépondérante. Sans tenir compte des modifications de périmètre, les crédits de la mission diminuent de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cependant, un certain nombre de transferts vers l'assurance maladie sont prévus en 2015 - en particulier concernant le financement de la formation médicale des internes effectuée en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) - ce qui affecte le périmètre de la mission. Les raisons de ces transferts sont peu expliquées ; seul l'argument de la clarification du financement est avancé. Si l'on neutralise ces mesures de périmètre, l'enveloppe de la mission progresse de 3,3 % en 2015. De même, sur le triennal 2015-2017, les crédits progresseraient de 2,2 %. La programmation proposée aboutit à une augmentation en valeur du montant des crédits, alors que l'État s'impose pour l'ensemble de ses dépenses, hors charge de la dette et pensions, une évolution « zéro valeur ». Prise dans son ensemble, la mission ne contribue pas au plan d'économies annoncé par le Gouvernement.
En analysant plus en détail le contenu de la mission, on constate que des efforts de maîtrise de la dépense sont prévus dans le champ des opérateurs sanitaires. Le montant global des subventions pour charges de service public des huit opérateurs financés par la mission diminue de 4,4 % en 2015 et de près de 13 % à l'horizon 2017, par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2014. Le plafond d'autorisation d'emplois des opérateurs diminue de 2 % en 2015 et les années suivantes du triennal, ce qui est conforme aux objectifs fixés par la lettre de cadrage du Premier ministre. Un certain flou demeure quant aux effets de la création du nouvel Institut national de prévention, de veille et d'intervention publique, issu de la fusion de trois agences sanitaires relevant de la mission : l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a confirmé son souhait de solliciter l'habilitation du Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à la santé pour fusionner ces trois agences par ordonnance.
Au vu de l'évolution à la baisse des crédits du programme 204 (- 5,8 % à périmètre constant), la hausse des crédits de la mission « Santé » pour 2015 provient uniquement de la progression des dépenses d'AME. Ce dispositif assure l'accès gratuit aux soins des étrangers en situation irrégulière ; il ne faut pas le confondre avec le dispositif en vigueur pour les demandeurs d'asile, qui ont droit à la couverture maladie universelle (CMU). Depuis sa création en 2001, les dépenses d'AME ont augmenté de 90 %. En 2002, 140 000 personnes étaient concernées, contre plus de 280 000 en 2013. La situation est particulièrement tendue dans les grands hôpitaux de la région parisienne.
En 2013, les dépenses totales d'AME ont atteint 846 millions d'euros - État et assurance maladie confondus - soit une hausse de 20 % par rapport à 2012, pour environ 282 000 bénéficiaires. Le projet de loi de finances pour 2015 propose une augmentation de 12 % des crédits de l'AME par rapport aux crédits programmés pour 2014. Cette prévision se fonde sur des hypothèses optimistes concernant le nombre de bénéficiaires, prévoyant notamment un impact de la réforme du droit d'asile sur les effectifs. Le Gouvernement a donc fait le choix de sanctuariser les dépenses de l'AME tandis que des efforts de plus en plus importants seront demandés aux familles en 2015. Certaines de ces familles n'arrivent plus à payer d'assurance maladie complémentaire ou de mutuelle, alors même qu'elles travaillent et payent leurs cotisations. À l'inverse, des personnes qui ne cotisent pas bénéficient d'une couverture santé gratuite. Que faire pour remédier à cette situation ?
Certaines missions de l'AME ne peuvent pas être remises en cause, comme celle qui touche à la prise en charge des soins urgents, lorsque le pronostic vital est engagé, mais aussi celle qui traite des mesures de prophylaxie. En revanche, il faudrait réétudier les conditions de prise en charge par l'AME des malades chroniques, qui peut s'étendre sur plusieurs années. Le problème est à la fois politique, économique et social. Si les conditions d'accès à l'AME ne sont pas révisées, le budget qui y est consacré atteindra certainement le milliard d'euros d'ici dix-huit mois. Nous ne pouvons pas laisser courir ces dépenses à l'infini. C'est pourquoi, je vous propose de réserver la position de la commission des finances sur l'ensemble des crédits de la mission.
Mme Michèle André, présidente. - Votre demande est faite suffisamment tôt pour que nous puissions prendre position ultérieurement. Il nous arrive souvent, l'année d'un renouvellement, de réserver notre avis en début de session.
M. Roger Karoutchi. - Je tiens à dire combien je suis sensible au rapport spécial qui vient de nous être présenté. J'ai souvenir d'avoir posé le problème de l'AME en termes clairs, ici-même, en juin dernier, lors de l'audition de la ministre Marisol Touraine, et d'avoir obtenu des réponses dilatoires. Il est clair qu'en exécution pour 2015 le budget de l'AME risque d'avoisiner le milliard d'euros, alors qu'il était de 80 millions d'euros, en 2001, lors de sa création. Il a été multiplié par douze ! Il est urgent de corriger la situation. Beaucoup d'étrangers en situation irrégulière sont venus en France pour bénéficier de soins hospitaliers. Il n'y a qu'à entendre les directeurs d'hôpitaux, notamment ceux d'Île-de-France, protester : « nous sommes saturés ! ». À l'étranger, des réseaux font savoir que pour être soignés, il suffit d'aller en France ! La situation n'est pas tenable. Le Gouvernement a envoyé un signal terrible en supprimant le droit de timbre. Certes, il rapportait peu, 5 à 10 millions d'euros, mais c'était un signal disant qu'il n'était pas possible d'avoir tout gratuitement. Les autres pays européens ont révisé leurs dispositifs de soins à l'égard des étrangers en situation irrégulière. L'Espagne ou le Royaume-Uni notamment, ont imposé un droit d'accès plus contraignant. Si la France reste le seul pays attractif, les dépenses exploseront. J'espère beaucoup des deux textes à venir sur le droit d'asile et la politique migratoire. Le Gouvernement devra y prendre acte du besoin de contrôle. Les citoyens qui voient leurs dépenses de santé augmenter n'accepteront pas que les cotisations servent de plus en plus à financer l'AME.
M. Alain Houpert. - Monsieur le rapporteur, je vous félicite pour votre exposé exhaustif. Naguère, un maréchal qui portait votre nom avait pour devise « ne pas subir ». Nous sommes en train de subir. Je le dis en tant que parlementaire, citoyen et professionnel de santé. Nous craignions la mise en place d'une médecine à deux vitesses. Nous y sommes, mais sous une forme que nous n'imaginions pas : d'un côté, ceux qui arrivent sur notre territoire et bénéficient de notre vertu, de l'autre, les classes moyennes, dont la couverture médicale se restreint. La dernière campagne sénatoriale a montré que notre vertu pouvait devenir une faiblesse. La candeur fait le terreau des extrêmes et donne des arguments au Front national. On soigne ces étrangers et en même temps on les ostracise, on les transforme en boucs émissaires. En tant que professionnel de santé, j'ai été confronté au trafic des cartes vitales distribuées à tout-va et à la surcharge des hôpitaux. Par vertu, on a voulu aligner l'AME sur la CMU : ce fut une erreur. La CMU est réservée aux résidents qui ont de faibles moyens, je trouve cela normal. Mais à cause de l'AME, la France devient un pays attractif pour les candidats à l'exil. Un Premier ministre disait que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde. Actuellement, la France est attractive pour toute la misère du monde, aux dépens de la population. Comme humaniste, je dirai que c'est bien de soigner toutes les personnes qui en ont besoin, mais il faut fixer des limites : l'AME est une bombe à retardement budgétaire et sociale. La France doit rester un pays d'ouverture, mais nous devons nous garder de tout angélisme et nous inspirer de l'exemple des pays voisins.
M. Vincent Delahaye. - Je partage les remarques de bon sens de mes deux collègues. Voilà deux ans que nous relevons le dérapage des dépenses et le laxisme du Gouvernement. Quelles mesures ont été prises et quel impact ont-elles eu ? Visiblement, aucun. Je ne comprends pas qu'on laisse filer l'argent public sans réagir. Est-ce un problème de principe, un problème de fond ? S'agissant des chiffres, je ne comprends pas la différence entre les 744 millions d'euros dépenses en 2013 sur le programme 183 « Protection maladie » et les 715 millions d'euros consommés pour l'AME.
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Les 715 millions d'euros auxquels vous faites référence correspondent aux dépenses effectives d'AME de droit commun constatées en 2013 (dont 13 millions d'euros de dette de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie), tandis que les 744 millions d'euros correspondent aux trois types d'aide médicale d'État financés par l'État en 2013 (702 millions d'euros pour l'AME de droit commun, 40 millions d'euros de subvention à l'assurance maladie pour l'AME soins urgents et environ 2 millions d'euros pour l'AME humanitaire).
M. Vincent Delahaye. - Le Gouvernement prévoit qu'en 2015 les dépenses seront inférieures à celles de 2013.
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - J'ai dit mon scepticisme.
M. Vincent Delahaye. - Comment approuver des crédits lorsque l'évaluation n'est pas sincère ? Par ailleurs, cette année, 10 millions d'euros sont inscrits dans le programme 183 « Protection maladie » pour les victimes de l'amiante. À quoi ces crédits correspondent-ils ?
M. Michel Bouvard. - Effectivement, l'AME pose problème. La Cour des comptes a rappelé qu'en exécution pour 2013, la prévision avait été trop imprudente par rapport à l'évolution du nombre des bénéficiaires. L'exécution 2013 porte le poids d'une opération de cavalerie, à savoir le report d'un certain nombre de mois de facturation hospitalière de 2012 sur 2013. Pour cela, des crédits complémentaires ont été dégagés pour l'exercice 2013 qui se sont révélés insuffisants, tout comme en 2014. À la fin 2012, l'État enregistrait une dette de 38,7 millions vis-à-vis de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), cette dette montant à 51,7 millions en décembre 2013. Comment évoluera-t-elle en 2014 ? L'existence de cette dette montre que le programme est impossible à exécuter dans les conditions présentées. Même si nous stabilisons le nombre de bénéficiaires de l'AME, il restera à apurer la dette de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie. Non seulement le budget n'est pas soutenable, mais il doit encore porter les irrégularités du passé, car la loi de finances initiale pour 2014 n'avait pas prévu de couvrir cette dette.
Lors de sa venue au Sénat, Marisol Touraine a constaté de fortes disparités régionales pour l'ouverture des droits à l'AME. Si ces différences ne sont pas justifiées d'un point de vue géographique ou démographique, l'ouverture des droits serait mieux gérée dans certains territoires que dans d'autres. Cela signifie que de bonnes pratiques existeraient, qui demandent à être développées. Enfin, la disparition du droit de timbre a effectivement pu constituer un signal négatif.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Effectivement, les crédits sont sous-évalués. Je remercie le rapporteur pour sa comparaison avec les autres pays européens : une harmonisation européenne est indispensable. Nous pouvons conserver les prestations médicales de base et les interventions médicales urgentes, mais les prestations ne sont pas sans limite. Voilà des années - six ans maintenant ! - que j'entends la même chose sur ce dossier. Il est temps d'agir, surtout quand on constate que les crédits sont sous-évalués.
Mme Marie-France Beaufils. - Chaque année, le sujet est traité de la même manière. Les chiffres figurant dans votre note montrent que le tourisme médical n'est pas si marquant. En revanche, l'AME de droit commun est en forte hausse, sans doute à cause du transfert des dépenses d'une année sur l'autre. Il y a un ou deux ans, un débat avait montré l'importance de traiter les populations étrangères arrivant en France dans un état de santé dégradé : les soigner permet notamment d'éviter la recrudescence des maladies pulmonaires. Enfin, je lis, dans votre note de présentation, que les fraudes en matière d'AME sont surtout liées aux conditions de ressources. Pourriez-vous être plus précis ?
M. Marc Laménie. - Tout en saluant le travail du rapporteur, je souhaiterais l'interroger sur la réorganisation des agences sanitaires dont il est fait état dans sa note. Des remarques pertinentes sont faites sur le coût de ces agences, qui représentent plus de 2 500 emplois. Comment imaginer leur avenir ? Elles ont leur utilité tout en menant parfois une action inadaptée. L'INPES, par exemple, a envoyé des affiches de prévention contre la canicule dans les petites communes d'un département où le risque est très réduit. Le coût de ces agences m'interpelle. On est en droit de s'interroger sur leur efficacité sur le terrain.
M. François Patriat. - Dans une commission spéciale du Sénat, nous travaillons actuellement sur la carte territoriale. Je m'interroge souvent sur le manque de courage des élus en matière de cartographie hospitalière.
M. Roger Karoutchi. - C'est vrai.
M. François Patriat. - Souvent, un CHU qui fonctionne bien est mis en péril par l'ouverture de nouvelles unités dans un établissement voisin, et cela avec des coûts supplémentaires. De même, on installe certains appareils de manière irresponsable. À quoi peuvent servir deux appareils d'imagerie par résonance magnétique (IRM) dans un rayon de quarante kilomètres, s'il n'y a pas de radiologue pour les faire fonctionner ? La multiplication des transports héliportés n'est pas non plus souhaitable, si l'on considère leur efficacité relative en termes de conditions climatiques et de géographie, et surtout leur coût. Enfin, le rapporteur nous demande de surseoir momentanément à notre vote sur les crédits de la mission. A-t-il lui-même des solutions à nous proposer ?
Mme Fabienne Keller. - Je voudrais revenir sur la réorganisation des agences sanitaires. Le projet de loi de finances pour 2015 est sous forte pression budgétaire. Pourtant, la restructuration annoncée n'est toujours pas en place. Notre commission peut-elle vraiment contribuer à l'efficacité de la gestion budgétaire ? Le sujet des épidémies est transversal et nécessite la mobilisation de tous. Or, il est traité de façon médiocre. L'INPES, pour des raisons budgétaires a décidé d'interrompre le financement alloué à un réseau médical traitant le H1N1. Il y a Ebola, la tuberculose et le Chikungunya, très présent dans les îles françaises. Les contraintes budgétaires font en général disparaître tout ce qui est transversal... Les agences sanitaires sont éclatées, trop éloignées de la direction générale de la santé (DGS), ce qui nuit à leur efficacité.
M. Philippe Dallier. - Tous les départements ne sont pas concernés au même titre par l'AME ! La Seine-Saint-Denis, par exemple, est particulièrement touchée. Beaucoup de ses hôpitaux ont été mis en difficulté par le délai de remboursement des dépenses de l'AME par l'État. Existe-t-il des indicateurs sur la situation des hôpitaux et les délais de paiement ?
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Monsieur Bouvard, le rapporteur se doit d'être modéré. Pourtant, je l'ai dit, les prévisions du projet de loi de finances pour 2015 sont irréalistes. Elles ne correspondent pas à la réalité des besoins. Il est possible, effectivement, qu'il y ait un problème de sincérité.
Les fraudes existent, Madame Beaufils. Certains prétendent avoir moins de 700 euros de ressources alors que ce n'est pas vrai. La fraude est aussi variable selon les régions ; la région parisienne et la Guyane, qui concentrent un grand nombre de bénéficiaires, semblent également concentrer les cas de fraude.
Monsieur Patriat, j'ai dit que nous ne pouvions pas transiger sur deux points : les soins urgents et la prévention des épidémies. Mais il y a tout le reste... Pour encadrer le système de prestations, il faudrait se mettre d'accord sur une catégorie de soins à couvrir et surtout sur la durée de leur couverture. L'AME devrait être ponctuelle ; elle dure parfois des années. La France est le seul pays à être aussi généreux. L'Espagne et le Royaume-Uni ont réduit la voilure : nous devrions nous inspirer de ce que ces pays ont fait. Plutôt que de nous opposer simplement au vote des crédits de la mission, nous devrions obliger le Gouvernement à prendre des engagements débouchant sur des résultats.
Quant à la fusion des agences sanitaires, la ministre s'est engagée à poursuivre le processus. Les agences pullulent. Il faut rationaliser leur fonctionnement pour que celles qui sont en charge des épidémies s'en occupent plus efficacement.
Mme Fabienne Keller. - Pour cela, il faut qu'elles agissent ensemble.
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Bien sûr. La solution ne se trouvera pas en trois jours. Mais le processus de rapprochement semble engagé.
À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Santé ».
Loi de finances pour 2015 - Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (et articles 45 et 46) - Examen du rapport spécial
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Hervé Marseille, rapporteur spécial, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (et articles 45 et 46).
M. Hervé Marseille, rapporteur spécial. - La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend le programme 307 « Administration territoriale », qui a pour objet les moyens alloués aux préfectures, aux hauts commissariats et aux sous-préfectures, pour la métropole et l'outre-mer. Elle comporte également le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », composé principalement des crédits relatifs au financement de la vie politique. Enfin, elle comprend aussi le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » qui correspond aux moyens logistiques de plusieurs missions pilotées par le ministère de l'intérieur. Dans son ensemble, la mission bénéficie d'une enveloppe de 2,78 milliards d'euros de crédits de paiement, en diminution de 1,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014, sous l'effet principalement d'une réduction des dépenses de personnel.
S'agissant du programme 307, il est proposé de supprimer 180 postes en 2015, compte tenu des changements mis en oeuvre dans le cadre de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (Réate). Plusieurs remarques s'imposent. Les baisses d'effectifs ne sauraient conduire à des déserts sous-préfectoraux ; la distinction accrue du grade et de la fonction devrait permettre de pourvoir davantage de postes de sous-préfets territoriaux par les administrateurs civils, qu'ils relèvent ou non du ministère de l'intérieur, ou qu'il s'agisse de hauts fonctionnaires de police ou de gendarmerie. Dans le cadre du recueil des données personnelles relatives au permis de conduire, il est prévu une saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) par les photographes, alors qu'elle pourrait être effectuée par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) en tant qu'opérateur de l'État ayant pour mission de développer et d'assurer la production de titres. Enfin, le montant de la dotation versée aux mairies pour l'enregistrement des demandes de passeport et la remise de ce titre n'a été réévalué que de 30 euros (soit 0,6 %) en cinq ans, ce qui est très inférieur à l'inflation (8 % sur la période 2009-2014) et ne correspond donc qu'à la compensation partielle d'un transfert de charges important pour les collectivités territoriales.
Le programme 322 enregistre une baisse de 3,1 % de ses crédits de paiement qui s'établissent à 303,1 millions d'euros en 2015, sous l'effet d'une baisse de plus de 10 millions d'euros des crédits de financement public des partis qui soulève des interrogations, au regard des nécessités du bon exercice de la vie démocratique. C'est ce programme qui porte les crédits des élections prévues en 2015 - principalement les élections départementales et régionales.
Le programme 216 est doté, hors fonds de concours, de 718,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 18,5 %. Cette diminution traduit le cycle d'investissements du ministère, alors que l'année 2014 avait été marquée par la rationalisation du pôle judiciaire à Nanterre et la poursuite du regroupement des directions transversales et des services de soutien du ministère. Les crédits de paiement du programme s'établissent à 758,5 millions d'euros, en baisse de 2,9 % du fait d'une réduction des dépenses de personnel traduisant l'effet de mesures de transfert et de périmètre et la suppression de 85 postes. On relève, une nouvelle fois, la sous-dotation des frais de contentieux (stables par rapport à 2014), ce qui pose un problème de sincérité budgétaire. Certes, des économies sont attendues pour les dépenses prévues au titre des refus de concours de la force publique, mais elles ne suffisent pas à expliquer la différence de 24 millions d'euros entre les niveaux constatés en exécution en 2013 et en 2014 et la prévision de dépenses inscrite dans le projet de loi de finances pour 2015.
Deux articles sont rattachés à cette mission. L'article 45 opère un prélèvement de 14 millions d'euros sur les ressources disponibles sur le fonds de roulement de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) au profit de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). L'ANTAI contribue à la lutte contre l'insécurité routière, en procédant à la gestion du message d'infraction. L'ANTS, quant à elle, développe et assure la production de titres tels que le passeport, la carte nationale d'identité et le permis de conduire. L'ANTS a un besoin de financement de 46 millions d'euros au titre du nouveau permis de conduire au format européen. Il s'agit de dépenses informatiques et surtout du coût de production et de fabrication par l'Imprimerie nationale, ainsi que d'acheminement par voie postale, des nouveaux passeports.
De son côté, le fonds de roulement de l'ANTAI va augmenter, en raison de moindres dépenses au titre du procès-verbal électronique (PVE), un certain nombre de communes ne s'étant pas dotées des matériels nécessaires, dont l'acquisition est facultative, à l'établissement des PVE.
Le transfert de 14 millions d'euros du fonds de roulement de l'ANTAI vers l'ANTS est donc financièrement supportable pour l'ANTAI et nécessaire pour l'ANTS. Mais cette solution de court terme exige de définir un nouvel équilibre des ressources de l'ANTS, comme l'avait déjà observé notre collègue Michèle André, alors rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014. Comme elle, je pense qu'il convient de faire mieux coïncider le coût réel d'établissement des titres et les droits à la charge des usagers.
L'article 46 supprime l'envoi à domicile de la propagande électorale sous format papier pour les élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique qui seront organisées au cours de l'année 2015. Comme pour un dispositif d'inspiration analogue, visant à la dématérialisation partielle de la propagande électorale pour les élections européennes, déjà rejeté par l'Assemblée nationale et le Sénat l'an passé, je vous propose de supprimer cet article car la réception de la propagande électorale constitue la principale, et parfois, la seule information des électeurs sur l'organisation d'un scrutin. La supprimer risque d'encourager l'abstention. En outre, nos concitoyens n'ont pas tous Internet, et les zones blanches affectant la couverture d'une partie du territoire accroissent encore les inégalités d'accès à l'information électorale qui résulteraient de ce dispositif, notamment pour les personnes âgées et celles qui maîtrisent mal le français. L'exercice de la démocratie a un coût qu'il convient d'accepter. Le seul motif budgétaire ne saurait justifier la création d'inégalités entre les citoyens dans la participation à la vie politique. J'ajoute que le mode de scrutin des élections départementales sera modifié.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », ainsi que l'article 45 rattaché et de supprimer l'article 46 rattaché.
M. Roger Karoutchi. - J'allais moi aussi demander la suppression de l'article 46. Nous nous plaignons tous de l'abstentionnisme lors des élections locales et comme les élections départementales et régionales n'auront pas lieu le même jour, la mobilisation sera d'autant plus difficile. Enfin, je crains que les électeurs n'aient pas compris les subtilités du scrutin pour les départementales avec l'élection d'un binôme dans chaque canton élargi. Face à ces changements, le Gouvernement veut supprimer la propagande papier : est-ce pour proposer, lorsque plus personne ne votera, la suppression des départements et des régions ? Pour gagner quelques dizaines de millions d'euros, nous risquons de remettre en cause les élections elles-mêmes. C'est inacceptable.
Mme Michèle André, présidente. - L'année dernière, j'ai proposé le même amendement alors qu'était envisagée la suppression de l'envoi à domicile de la propagande électorale pour les élections européennes. La position de la commission des finances est constante : les électeurs doivent être informés, quelles que soient les élections.
M. Marc Laménie. - Des sous-préfectures du Bas-Rhin et de Moselle seront supprimées. A-t-on une idée des autres sous-préfectures menacées ? De telles disparitions se font au détriment de la nécessaire proximité de l'État avec les habitants mais aussi avec les élus.
Le maintien des documents électoraux est nécessaire pour que vive La Poste : le virtuel a pris trop d'importance, ce qui se fait au détriment des services publics de proximité.
M. Vincent Capo-Canellas. - Comme Roger Karoutchi, j'estime impossible de mener cette réforme à l'heure actuelle. Cela dit, nous devrons proposer des solutions à moyen terme afin d'adapter notre démocratie aux évolutions de la technologie. Certains électeurs le demandent, d'ailleurs. Entre le tout papier et le zéro papier, il y a peut-être des voies moyennes à explorer.
M. Éric Bocquet. - Lors des élections sénatoriales, l'inquiétude des territoires ruraux a été manifeste devant la cure d'amaigrissement prévue par le Gouvernement. La semaine prochaine, le Premier ministre viendra nous présenter la réforme territoriale qui se caractérise, aujourd'hui, par son flou. Disposons-nous d'indications concernant l'avenir des sous-préfectures et des départements ruraux ?
On ne peut pas opposer des arguments comptables à l'expression de la démocratie. Ou alors, on fera bientôt comme à la télévision, en votant de chez soi et en appuyant sur les touches 1 ou 2.
L'activité courrier de La Poste diminue d'année en année : il ne faut pas en rajouter en supprimant la propagande électorale.
M. Richard Yung. - J'exprimerai un point de vue différent : l'envoi papier ne résout pas tous les problèmes et ce n'est pas parce que l'électeur reçoit des professions de foi qu'il va voter. D'ailleurs, pour les élections des représentants des Français de l'étranger, les envois papier ont été supprimés et la propagande électorale a été adressée par Internet. Nous n'avons pas encore pu tirer le bilan de ces élections, mais je suis persuadé que c'est l'avenir.
Mme Michèle André, présidente. - Nous attendons avec impatience ce bilan.
M. Vincent Delahaye. - Il est bien trop tôt pour cette réforme et il serait malvenu de priver aujourd'hui les électeurs des documents papier.
Le permis de conduire européen doit entrer en vigueur, mais il en coûtera 46 millions d'euros : est-ce vraiment une priorité ?
M. Philippe Dallier. - Dans certaines régions, l'État a essayé de faire des économies en faisant sous-traiter les mises sous pli lors des dernières élections : les résultats ont été catastrophiques. Pourquoi ne pas continuer à faire travailler les employés municipaux ? Cela leur permet de gagner un petit peu d'argent et les résultats sont corrects.
Il faut, comme le dit Richard Yung, envisager des évolutions, mais pas à l'occasion des élections départementales : ce serait le pire moment.
J'ai entendu dire que l'enveloppe consacrée au remboursement des dépenses électorales n'était pas suffisante, ce qui explique l'avalanche de questions anodines posées par les préfectures, afin de faire basculer les remboursements sur l'année prochaine. Des crédits suffisants sont-ils prévus pour l'année des élections ?
Mme Michèle André, présidente. - Ce décalage n'est pas nouveau.
M. Jean-Claude Requier. - La prolongation de la durée de validité de la carte d'identité a été annoncée, mais allez expliquer à un douanier grec que votre carte est périmée mais qu'elle est encore valable ! Résultat, de plus en plus de nos concitoyens déclarent le vol de leur carte d'identité pour en obtenir une nouvelle, si bien que les économies escomptées ne sont pas au rendez-vous.
M. Michel Bouvard. - Le Sénat avait demandé en son temps à l'ANTS d'améliorer son modèle économique afin de diminuer le coût du passeport biométrique. Qu'en est-il ?
Mme Michèle André, présidente. - J'avais demandé à la Cour des comptes de se pencher sur le coût des passeports biométriques. Si j'ai bonne mémoire, le droit de timbre s'élève à 89 euros pour un adulte, mais le coût réel est de l'ordre de 50 euros. Le vrai problème, c'est que le passeport est payant, mais pas les autres titres que l'ANTS produit, notamment la carte d'identité.
M. Philippe Dominati. - L'an dernier, j'ai fait voter un amendement par le Sénat pour réduire le droit de timbre sur les passeports, mais comme l'examen du budget n'a pas été mené à son terme, il n'a pas eu de suite et le problème demeure.
M. André Gattolin. - J'avais soutenu cet amendement, car le coût des passeports en France est plus élevé que dans les autres pays de l'Union, mais l'ANTS est obligée de se rattraper puisque les autres documents sont gratuits. Aujourd'hui, les enfants mineurs ne peuvent plus être inscrits sur les passeports de leurs parents et même s'ils sont facturés moitié moins, ils ne sont valables que cinq ans. De nombreuses préfectures sont engorgées si bien qu'à Paris, par exemple, vous devez attendre cinq semaines avant de déposer votre dossier puis encore cinq semaines pour obtenir votre passeport. C'est inadmissible.
M. Claude Raynal. - Ce matin, nous avons eu un vif débat sur les quelques millions d'euros consacrés à l'aide médicale d'État (AME) ; maintenant, nous sommes prêts à annuler une économie de 131,5 millions d'euros.
Pourquoi ne proposerions-nous pas une date pour passer de la propagande papier à la mise à disposition sur Internet ? Dans beaucoup de villes, les journaux municipaux sont diffusés sur Internet ; le tirage papier, envoyé notamment aux retraités, est devenu marginal : les économies réalisées sont considérables. Nous ne pouvons en rester à un simple rejet de l'article 46.
M. Hervé Marseille, rapporteur spécial. - Nous sommes quasi-unanimes pour dire que le moment n'est pas venu de supprimer la propagande électorale sous forme papier. Pourquoi ne pas expérimenter à l'occasion de certaines élections, comme pour la présidentielle, ce qui nous permettrait de réaliser des économies ? À l'évidence, nos concitoyens sont informés à l'occasion de cette élection, ce qui n'est pas toujours le cas pour les élections locales.
En outre, le haut débit est présent dans les zones urbaines, mais moins à la campagne. Pas de problèmes à Lyon, à Marseille, à Lille ou à Paris. En revanche, les choses sont plus compliquées à Saint-Flour, dans le Cantal ou le Larzac.
Le cas des Français de l'étranger évoqué par Richard Yung ? Mais la participation est de l'ordre de 23 % pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger ! L'Association des maires de France (AMF) et toutes les grandes associations d'élus sont opposées à ce que ce changement intervienne aujourd'hui.
Pour ce qui est des suppressions des sous-préfectures, j'indique que le Gouvernement a procédé à des expérimentations et le ministre estime que « l'objectif est de définir une méthodologie de rénovation de la carte des sous-préfectures qui pourrait être mise en oeuvre progressivement ». En clair, la réforme va avoir lieu, mais nous ne savons pas à quel rythme ni où. Reste que 75 préfets sont hors cadre et qu'il est indispensable que l'État soit représenté a minima dans certains territoires. Nous questionnerons le ministre.
Le coût du permis de conduire européen, qui doit éviter la falsification et les fraudes, est élevé, mais nous ne pouvons pas nous affranchir de sa mise en oeuvre puisqu'il s'agit de la mise en oeuvre d'une directive européenne.
En attendant la mise en place de la carte nationale d'identité électronique, il a été décidé de prolonger la durée de vie de l'actuelle carte d'identité. Il appartenant au Quai d'Orsay de signer des conventions avec les pays concernés, ce qui n'a pas été encore le cas, notamment avec la Turquie, si bien que des touristes ont été refoulés cet été.
Pour ce qui est de la fabrication des passeports, le droit de timbre doit correspondre au coût d'établissement du document et abonder à due concurrence le budget de l'ANTS.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et de l'article 45 du projet de loi de finances pour 2015.
La commission adopte l'amendement de suppression de l'article 46 proposé par M. Hervé Marseille, rapporteur spécial.
Loi de finances pour 2015 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » (et article 61) - Examen du rapport spécial
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Claude Raynal, rapporteur spécial, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (et article 61).
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - La mission « Sport, jeunesse et vie associative » devrait suivre une trajectoire budgétaire atypique d'ici à 2017. C'est une petite mission car les crédits demandés pour 2015 ne s'élèvent qu'à 422,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 434,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits ne reflètent d'ailleurs que de façon très partielle les moyens réellement consacrés par l'État à ces politiques publiques. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2015 à 2019 en fait néanmoins une priorité pour les années à venir, en prévoyant une augmentation des crédits de 77 millions d'euros d'ici à 2017 du fait de la poursuite de la montée en puissance du service civique, qui devrait disposer d'un surcroît de ressources de 100 millions d'euros en 2017 par rapport à 2014. Encore faudra-t-il que ces intentions se traduisent dans les prochains budgets. En effet, malgré cette hausse attendue de 15 %, la programmation 2017 reste inférieure à ce qu'aurait dû être l'annuité 2014 de la mission selon la loi de programmation en vigueur, adoptée il y a deux ans.
La mission ne rémunère pas de personnel : les crédits correspondants, soit 400 millions d'euros, sont inscrits dans un programme de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Pour ce qui concerne le programme « Sport », les crédits sont relativement stables, soit 228,3 millions d'euros en CP. De fait, l'essentiel a été préservé. On note ainsi le maintien intégral des crédits et des emplois des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS), malgré l'effort demandé à la plupart des opérateurs de l'État, dans la perspective de leur probable transfert aux régions au 1er janvier 2016. On note aussi la poursuite à un rythme adéquat des investissements sur le site de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) afin que les travaux soient quasiment terminés lors de la prochaine olympiade, le maintien au niveau de 2014 des crédits de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et la quasi stabilité des aides aux fédérations sportives, petites et grandes. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement à ce sujet.
Le budget du principal opérateur du programme, le Centre national pour le développement du sport (CNDS), s'élève à 270 millions d'euros, et il provient presque exclusivement de taxes affectées. Plusieurs mesures significatives de ce projet de loi de finances concernent cet établissement public. D'un côté, l'article 61, rattaché à la mission, propose d'allonger de deux ans le prélèvement supplémentaire exceptionnel sur les mises de la Française des jeux (FdJ) afin de compenser, à l'euro près, l'aide de l'État, supporté par le CNDS, aux travaux de construction ou de rénovation des stades devant accueillir l'Euro 2016 de football. De l'autre, l'article 15 tend à diminuer de 2,2 millions d'euros le montant des taxes affectées au CNDS dans le cadre du financement de ses actions ordinaires. Celui-ci passerait ainsi de 272,2 à 270 millions d'euros. Mais l'effort réel demandé au CNDS est bien supérieur puisque ce chiffre net intègre la prise en compte, pour 10,8 millions d'euros, des frais d'assiette et de recouvrement des taxes prélevés par l'État, frais qui, jusqu'à présent, n'étaient pas appliqués. La véritable diminution des moyens du CNDS atteindra donc 13 millions d'euros. En somme, le CNDS porte l'essentiel de l'effort demandé au monde sportif dans le cadre du redressement des comptes publics. Sur trois ans, cet effort devrait s'élever à 33 millions d'euros. D'après les informations dont je dispose, et sous réserve de la décision du conseil d'administration, l'enveloppe du soutien aux projets d'investissements des collectivités territoriales dans les infrastructures sportives subira l'intégralité de cette coupe. Nous en reparlerons lors de la présentation de mon amendement, mais je vois là un vrai danger pour les investissements locaux en matière d'équipements sportifs, contraire aux demandes réitérées des parlementaires visant à soutenir l'investissement local.
Pour l'autre programme de la mission, « Jeunesse et vie associative », les crédits de l'année sont presque stables à périmètre constant (+ 0,3 %, à 205,9 millions d'euros en AE et en CP). De nombreuses dépenses fiscales sont rattachées au programme, et représentent un montant cumulé estimé à 2,6 milliards d'euros : il s'agit, pour l'essentiel, de réductions d'impôts au titre des dons aux associations. En outre, l'ensemble des crédits d'État consacrés à la jeunesse dans toutes les missions, notamment « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur », atteint 84,8 milliards d'euros.
Sur le programme, les crédits considérés comme les plus structurants (emplois associatifs au travers du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP), office d'échanges internationaux de jeunes) seront préservés en 2015. L'effort budgétaire du programme portera essentiellement sur les aides directes aux associations, en diminution d'un million d'euros à périmètre constant. Quant au service civique, qui représente plus de 60 % des crédits, sa faible augmentation optique en 2015 (+ 2,4 %, à 125 millions d'euros) n'empêchera pas la poursuite de la montée en puissance du dispositif grâce à l'octroi de fonds communautaires à hauteur de 18 millions d'euros. Le nombre de volontaires devrait ainsi passer de 35 000 à 40 000. Bien entendu, la gestion de l'objectif de 100 000 volontaires effectuant un service civique en 2017, fixé par le Président de la République, est la clé de la soutenabilité financière de ce programme. L'accroissement programmé de 100 millions d'euros d'ici à 2017 de l'enveloppe consacrée au service civique y contribuera, mais ne suffira pas à elle seule.
Je vous invite à approuver les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption d'un amendement que je vais maintenant vous présenter et qui a pour objet d'éviter de trop pénaliser l'investissement des collectivités territoriales dans des structures sportives, que soutiennent les aides du CNDS à des projets locaux. À cette fin, je vous propose de diminuer de 2,2 millions les crédits du programme « Sport » à l'action n° 2 « Développement du sport de haut niveau ». Cette diminution s'appliquera aux subventions versées aux fédérations les plus riches, qui disposent d'importantes recettes propres et pour lesquelles le financement de l'État ne constitue qu'une part minime du budget, généralement moins de 1 %. Cette moindre dépense permettra de réduire la baisse des aides du CNDS aux collectivités.
Je proposerai, en parallèle, un amendement à l'article 15 du projet de loi de finances pour 2015 pour éviter le rabotage de 2,2 millions d'euros des taxes affectées au CNDS et les maintenir au niveau de 2014, soit 272,2 millions d'euros. Si cet amendement n'est pas adopté en séance publique, nous pourrions demander la réduction de 2,2 millions d'euros du fonds de concours du CNDS au programme « Sport ».
Mme Michèle André, présidente. - Merci pour cet exposé précis. Je vais maintenant passer la parole à Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur cette mission.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Ce petit budget subit la contrainte du plan de redressement du CNDS qui a failli disparaître en 2011, du fait de programmations délirantes. Son plan de redressement a été mis en place en 2012.
Avec cette mission, les priorités demeurent : le sport pour tous, la réduction des difficultés d'accès au sport, le financement de l'AFLD - la commission de la culture y est très attachée - et la préparation de l'Euro 2016. Le Premier ministre réunit d'ailleurs demain son comité de pilotage. Je m'inquiète de constater qu'une quinzaine de fédérations sportives sont en difficulté financière. En outre, le CNDS dispose, depuis quatre ans, de crédits extrabudgétaires supérieurs aux crédits ministériels.
Enfin, la réforme territoriale aura un impact important sur le sport, notamment avec le transfert des CREPS aux régions. Il faudra veiller à ce que les dirigeants associatifs conservent quelques interlocuteurs locaux, ce qui milite en faveur du maintien de l'échelon départemental.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Sur le programme 163, 60 % des crédits sont absorbés par le service civique qui devra toucher 100 000 jeunes en 2017 ; cette augmentation du nombre de bénéficiaires implique une augmentation considérable des crédits à mobiliser. Il ne faudrait pas que cette montée en charge se fasse au détriment des autres secteurs de la vie associative.
La réforme territoriale va avoir un impact certain sur les associations, puisque les communes risquent d'être bientôt les seules à les financer. La commission de la culture crée d'ailleurs un groupe de travail pour voir comment les choses vont se passer.
M. Roger Karoutchi. - Faut-il encore un grand ministère de la jeunesse et des sports ? La question est loin d'être théorique, car cette politique a été massivement transférée aux collectivités territoriales : l'État se désengage mais il veut continuer à contrôler. Ainsi, Paris et l'Île-de-France sont candidats à l'organisation des Jeux olympiques de 2024. L'État regarde, soutient, mais ne finance pas.
La fédération française de rugby demande un très grand stade dans l'Essonne : elle apporte une partie du budget, demande des soutiens financiers privés et souhaite que les infrastructures desservant ce grand stade soient payées par la région. L'État encourage, mais refuse de participer. Pour le Stade de France, dont le budget n'est pas à l'équilibre, la région est sommée de participer à des opérations de promotion ! Si l'État se désengage du sport, les collectivités n'ont pas à subir l'incitation, le contrôle, voire la décision de l'État. Les payeurs doivent être les décideurs !
M. Maurice Vincent. - Je voterai l'amendement du rapporteur spécial, car il est normal de réduire les subventions des grandes fédérations qui n'en ont pas besoin, mais il faudra en discuter avec elles.
Pour l'Euro 2016, les collectivités territoriales vont débourser 1,7 milliard d'euros et l'État 150 millions d'euros. À l'article 61, faisons en sorte que l'engagement de l'État soit tenu pour ne pas mettre les plans de financement des collectivités en difficulté. Les négociations n'ont pas encore abouti entre l'UEFA, l'État et les dix villes concernées par l'Euro 2016. Il serait souhaitable que des retombées plus importantes qu'initialement prévues pour les villes et pour l'État puissent être négociées. Ce sera néanmoins difficile au vu des engagements et accords passés par l'État pour obtenir l'organisation de l'épreuve.
M. Francis Delattre. - La subvention d'équilibre du Stade de France existe-t-elle toujours ? C'est une histoire absurde....
Est-il bien normal que les CREPS soient transférées aux régions alors qu'il s'agit de former des professeurs d'éducation physique ? Les régions entretiendront-elles les locaux ?
L'athlétisme coûte cher aux collectivités locales et ne rapporte rien en termes publicitaires, alors que lors de chaque grand évènement sportif, les noms d'Areva ou d'EDF sont omniprésents. Est-ce bien normal ?
M. Daniel Raoul. - Je suis très favorable à l'amendement du rapporteur spécial. Les fédérations les plus riches nous imposent sans cesse des normes nouvelles. J'ai inauguré une salle omnisports de 3 000 places et, dans le mois qui a suivi, les normes de la fédération de handball ont changé.
En ce qui concerne le CNDS, j'ai souvenir de son prédécesseur, le Fonds national pour le développement du sport (FNDS), alias « feu nos deniers sportifs ». Souvenez-vous comment il a été ponctionné pour les Jeux olympiques d'Albertville : il ne restait rien aux collectivités territoriales ni aux clubs. Néanmoins, s'agissant de l'amendement proposé, comment être sûr que la baisse de 2,2 millions d'euros concernera bien les grosses fédérations qui bénéficient d'importantes ressources complémentaires ?
Mme Fabienne Keller. - Le budget de ce ministère se réduit désormais à quelques missions.
Sur le terrain, les derniers personnels en charge de la jeunesse et des sports font beaucoup de réglementaire, souvent en télescopage avec les caisses d'allocations familiales (CAF) comme pour l'agrément des centre des loisirs sans hébergement (CLSH). Or, les règles d'agrément ne sont pas les mêmes, ce qui plonge les communes dans la difficulté.
On évoque la réorganisation de l'État. Ce ministère, qui risque de perdre encore plusieurs missions avec la délégation des CREPS aux régions. Ne gagnerait-il pas à être rapproché d'un autre ministère, comme la santé ou l'éducation, afin de lui permettre d'assurer ses missions ?
M. Éric Bocquet. - Les coupes de 13 millions d'euros dans les crédits du CNDS porteront uniquement sur l'aide aux investissements des collectivités territoriales déjà frappées par la baisse des dotations. En outre, l'effort budgétaire du programme portera essentiellement sur les aides directes aux associations. Les victimes seront les associations sportives qui participent au dynamisme des territoires, à la formation des jeunes. Certains maires ont déjà réduit leurs subventions. Des clubs seront en difficulté. Ces décisions mettent en danger la vie locale.
M. Vincent Delahaye. - Serait-il possible d'obtenir un tableau récapitulant l'évolution des crédits depuis 2013, afin de disposer d'un éclairage rétrospectif et d'apprécier dans quelle mesure cette mission est sollicitée pour participer à l'effort financier de l'État ?
Augmenter les crédits du service civique c'est bien, mais je regrette la suppression du service militaire, grave erreur que la création du service civique n'a pas compensé.
Je n'étais pas favorable à ce que nous dépensions autant pour l'Euro 2016. Pour les collectivités territoriales concernées le retour sur investissement n'est pas évident. Enfin, on ampute le CNDS de 13 millions d'euros sur les sommes destinées à soutenir les collectivités territoriales. Ces 13 millions s'ajoutent à la baisse de 3,7 milliards d'euros des dotations de l'État. Ne pourrait-on revenir dessus dans le cadre des arbitrages internes du CNDS ? Pourquoi l'amendement du rapporteur se limite-t-il à 2,2 millions d'euros ?
M. François Patriat. - J'ai suffisamment dénoncé sous d'autres gouvernements les transferts aux collectivités territoriales sans compensation pour ne pas regretter aujourd'hui le transfert des CREPS aux régions. Alors que l'État demande à la région Bourgogne des économies de fonctionnement de douze à treize millions par an pendant trois ans, le transfert du CREPS de Dijon représente un coût de de deux millions par an ! C'est inacceptable.
Le budget des sports se réduit comme peau de chagrin : les collectivités territoriales devront prendre le relai. En même temps on nous demande de nous recentrer sur nos compétences obligatoires. « Faites ce pour quoi vous avez été élus ! », disait Monsieur Copé. Or ni le sport, ni la culture ne sont des compétences obligatoires des régions. Cette année, j'ai baissé les crédits de fonctionnement de ma région de treize millions d'euros pour préserver l'investissement. Or la baisse des crédits du CNDS concerne l'investissement. Il est possible d'économiser sur le fonctionnement et ne pas diminuer l'investissement, mais cela devient de plus en plus difficile.
M. Jean-Claude Requier. - Vous dites dans votre note de présentation que le montant des crédits votés en 2014 intègre l'effet de la réserve parlementaire. S'agit-il de la somme des crédits que chaque parlementaire affecte au sport, ou existe-t-il une enveloppe spécifique ?
M. Gérard Longuet. - Le transfert des CREPS est inacceptable. Cette mesure modifie le partage des compétences entre l'État et la région, alors que nous devons examiner bientôt un texte sur cette question.
Vous présentez un tableau qui dresse un bilan des dépenses fiscales. Autant je suis favorable à la franchise en base pour les activités lucratives accessoires des associations sans but lucratif lorsque les recettes correspondantes n'excèdent pas 60 000 euros - concrètement, c'est la buvette -, autant la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons, la réduction d'impôt sur les sociétés pour les dons faits par les entreprises et les exonérations d'impôt de solidarité sur la fortune, qui représentent 2,3 milliards d'euros de dépenses fiscales, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs effets. Beaucoup d'activités, y compris le service civique, supposent l'existence d'associations qui vivent de dons. Il serait intéressant d'établir le lien entre ces dépenses fiscales et les dépenses budgétaires. En fait, cette mission n'est modeste qu'en apparence, puisqu'elle repose sur des dépenses fiscales spectaculaires.
Le Président de la République a annoncé son intention de porter à 100 000 le nombre de volontaires du service civique. Mais avec 3 000 euros en crédits budgétaires pour chaque volontaire, le compte n'y est pas. Espérons que le marché de l'emploi se sera redressé...
Enfin, je dirai amicalement à Vincent Delahaye que l'armée est faite pour combattre, non pour éduquer. La conscription implique d'envoyer des appelés combattre à l'étranger dans les opérations extérieures. L'opinion ne l'acceptait plus : c'est pourquoi il a fallu renoncer au service militaire, mesure sur laquelle, à mon avis, nul gouvernement ne reviendra.
Mme Marie-France Beaufils. - Je suis inquiète du poids du financement de cette mission par le recours aux dépenses fiscales rattachées. Il s'agit d'une forme d'externalisation du financement de l'activité. Comment sont réparties les sommes collectées grâce aux dépenses fiscales ? Quel est le nombre des foyers fiscaux concernés ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - En premier lieu, je dirai à Roger Karoutchi qu'il ne m'appartient pas de décider s'il convient de conserver un ministère de la jeunesse et des sports.
L'augmentation des crédits du service civique ne se fait pas au détriment de l'aide à la vie associative. Les aides directes aux associations baissent d'un million d'euros, pour s'élever encore tout de même à 18,9 millions d'euros, mais il faudra être vigilant pour les années à venir.
S'agissant du service civique, je rencontrerai le directeur de l'Agence du service civique pour examiner les pistes permettant de diminuer les coûts du dispositif et le reste à charge de l'État.
Le projet de grand stade de rugby à Évry ne peut recevoir d'aides de l'État car, lors de la construction du Stade de France, l'État s'est engagé, dans le contrat qui le lie au consortium d'exploitation, à ne verser aucune aide à une structure concurrente. Par ailleurs, ce consortium ne perçoit plus désormais l'ancienne pénalité pour absence de club résident au moins jusqu'en 2017, à la suite d'un accord conclu l'année dernière avec l'État.
Mon amendement est clair. Le CNDS ne doit pas reporter la réduction de ses crédits sur l'investissement sportif. Nous devons soutenir l'investissement local. De plus, l'aide du CNDS, souvent de l'ordre de 15 % du coût du projet, a un effet de levier. En nous privant de cette aide, nous nous priverions aussi des subventions des autres acteurs, comme les conseils généraux ou régionaux. Quant au montant choisi, je note que le projet de loi de finances prévoit une baisse de 2,2 millions d'euros du montant nominal des taxes affectées au CNDS. Mon amendement le rétablit.
M. Vincent Delahaye. - La baisse n'est-elle pas de treize millions ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - La baisse de treize millions concerne les dépenses. Les 2,2 millions concernent les recettes. Nous proposons de maintenir à 272,2 millions d'euros le montant des recettes affectées au CNDS. Certes, dorénavant, l'État percevra des frais, de 10,8 millions d'euros, liés à la collecte de ces taxes. Lors du débat en séance publique, nous préciserons que cette diminution de 2,2 millions d'euros des crédits du programme « Sport » devra s'appliquer sur les fédérations les plus importantes ; c'est le bon sens car beaucoup de petites fédérations sont très fragiles. Le ministère objecte que le lien financier entre l'État et les grandes fédérations est nécessaire. Mais ces dotations ne représentent qu'un pour cent du budget des grosses fédérations. L'État conserve une faculté de contrôle et il continue à leur verser encore une aide de plusieurs millions d'euros. En outre, notre débat a aussi pour objet d'orienter la décision du conseil d'administration du CNDS pour qu'il entende la voix des élus et des territoires.
Monsieur Vincent, je rencontrerai le préfet Lambert au sujet des retombées de l'Euro 2016 sur les collectivités territoriales.
Je précise par ailleurs que le projet de loi de finances ne procède pas au transfert des CREPS aux régions. Ce débat aura lieu dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Il se contente de prévoir le maintien des ressources des CREPS, afin que, si un transfert vers les régions était décidé, il s'accompagne du transfert des ressources correspondantes.
Dans le passé nos collègues ont essayé, sans succès, d'obtenir une analyse des dons et de l'efficacité des dépenses fiscales associées. Mais je remettrai cette question sur le tapis. La réduction d'impôt sur le revenu grâce aux dons concerne 5,6 millions de ménages ; 32 000 foyers bénéficient d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune. L'essentiel des montants a une finalité caritative. Je demanderai à Bercy de me préciser leur répartition.
Enfin, pour répondre à Vincent Delahaye, l'évolution des crédits depuis 2013 est retracée dans la note de présentation.
La commission adopte l'amendement proposé par M. Claude Raynal, rapporteur spécial, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi modifiés.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 61 du projet de loi de finances pour 2015.
Perspectives d'évolution de la dotation globale de fonctionnement - Communication
Puis la commission entend une communication de M. François Marc, sénateur, sur les perspectives d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Mme Michèle André, présidente. - L'an dernier notre commission avait lancé la réflexion sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). François Marc, rapporteur général, avait organisé une série d'auditions d'experts, ouverte à tous les commissaires. Il nous présente un compte rendu de ces auditions.
M. François Marc. - La DGF représente une part importante des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales : 40 milliards d'euros en 2014 sur environ 100 milliards d'euros. La question de sa juste répartition est au coeur de tous les questionnements portant sur les moyens financiers consentis aux collectivités.
Son mode de distribution apparaît à beaucoup décalé voire injuste. Il résulte de sédimentations de l'histoire qui ont conduit à cristalliser des situations acquises dont il est parfois très malaisé d'expliquer les fondements.
Ce sujet avait été débattu au Sénat l'an passé lors de la discussion de la proposition de loi de notre ancien collègue Gérard Le Cam qui visait à modifier les modalités de répartition de la dotation de base aux communes. Le débat avait montré qu'il était opportun de se pencher au plus vite sur les perspectives de réforme de cette dotation dont la complexité n'échappe à personne.
Le gel puis la baisse de l'enveloppe, à partir de 2014, rend encore plus légitime cette réforme. En période de disette budgétaire, les inégalités risquent en effet d'être encore plus douloureusement ressenties... sans compter que le dispositif lui-même révèle des limites arithmétiques surprenantes : ainsi en 2014, une commune et quatre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se sont vus octroyer une DGF « négative » ; l'État a prélevé une partie de leurs ressources.
Dans le souci d'alimenter le débat de notre commission sur ce sujet sensible, j'avais, en tant que rapporteur général, initié une réflexion sur ce sujet début 2014. Nous avons entendu quinze experts : hauts fonctionnaires, universitaires spécialisés en finances locales, géographes, économistes...
Le Gouvernement a récemment annoncé sa volonté de mettre en chantier en 2015 une réforme de la DGF pour une traduction législative dans le projet de loi de finances pour 2016. La commission des finances du Sénat aura à apporter son utile contribution dans le déroulement de ce chantier, ambitieux mais très difficile.
Je souhaite à ce stade vous présenter un compte-rendu des auditions réalisées depuis début 2014. Il ne s'agit pas de débattre ici du projet de loi de finances pour 2015. Nous aurons tout le loisir de le faire le moment venu !
Le constat est partagé : il est presque impossible de fournir une justification scientifique et objective des critères de répartition de la DGF. Les auditions menées ont tout d'abord été l'occasion de dresser un tableau du « paysage territorial » et d'aborder la question des inégalités entre territoires. Celles-ci n'ont cessé de diminuer au cours des cinquante dernières années, si l'on se place au niveau des aires urbaines, des départements ou des régions. À l'inverse, à un niveau plus fin, elles ont en moyenne plutôt augmenté, par exemple entre deux communes de la même intercommunalité. Les comparaisons entre grandes régions ne doivent pas nous faire oublier la situation de ces collectivités, dont la prise en compte est fondamentale et pose la question du maillage du territoire.
En outre, nos interlocuteurs nous ont fait part de la nécessité de dépasser le clivage entre urbains et ruraux. Il n'y a pas d'opposition entre les deux : leur destin est lié et l'on n'observe jamais une périphérie prospère si le centre ne l'est pas. Sur ce sujet de la ruralité, c'est donc à nouveau la question du maillage du territoire qui est posée.
On manque, en France, de travaux scientifiques sur la décentralisation en général et sur les finances locales en particulier. Ce manque est criant pour la mesure des charges des collectivités territoriales, qui se révèle particulièrement complexe : pour assurer une mesure objective, il faut pouvoir distinguer ce qui relève des charges d'une collectivité et ce qui relève de ses choix en matière de services publics, et donc de neutraliser les « choix politiques ». Or, pour y parvenir, il est nécessaire de manier une quantité très importante d'informations. Ce constat est également vrai quand il s'agit de mesurer les effets de la péréquation, qu'elle soit verticale ou horizontale, ou l'évolution des inégalités territoriales.
Ce « vide universitaire » résulte en grande partie de l'impossibilité pour les chercheurs d'accéder à des données brutes. Si la direction générale des finances publiques (DGFiP) a récemment annoncé qu'elle ouvrirait très largement les données dont elle dispose en matière de fiscalité, la direction générale des collectivités locales (DGCL) montre en revanche une certaine frilosité pour rendre accessibles ses données sur la DGF et sur la péréquation. À ce propos, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à la loi de programmation des finances publiques, qui prévoit qu'une annexe jointe à la loi de finances détaillera les attributions individuelles versées aux collectivités territoriales au titre de l'année précédente. Ces données seront également rendues publiques.
De plus, les informations relatives aux dépenses des collectivités territoriales ne sont pas exploitables par les chercheurs. Les travaux de référence sur le sujet, d'Alain Guengant et Guy Gilbert, commencent à dater : ils sont basés sur des données de 1993 à 2004 et ne prennent notamment pas en compte le développement de l'intercommunalité.
En raison de cette quasi-absence de travaux scientifiques, le Parlement ne peut pas toujours mesurer le bien-fondé des décisions qu'il prend. Ainsi le montant de dotation de base par habitant varie dans un rapport de un à deux selon la taille de la commune, au nom de la prise en compte des « charges de centralité ». Ce choix, critiqué par les communes rurales, repose sur une étude qui a maintenant plus de dix ans. Est-il toujours justifié ? Aucun travail objectif récent ne permet de trancher. C'est pourquoi il serait opportun, pour alimenter notre réflexion, que la commission des finances sollicite des chercheurs sur ces sujets.
La répartition de la DGF doit reposer sur une juste évaluation des charges et des richesses des collectivités territoriales. Mais, en l'absence de travaux de recherche incontestables et récents, la mesure des charges des collectivités est très difficile et constitue le point le plus polémique actuellement. Nous connaissons bien les débats qui peuvent surgir sur ce sujet... Chaque collectivité est dans une « situation spécifique » qui nécessiterait la prise en compte de tel ou tel critère particulièrement favorable... Néanmoins, un certain consensus est apparu parmi les personnes entendues pour utiliser le revenu par habitant comme critère de charges, en tant que moyen de mesurer la « vulnérabilité » d'un territoire. Ceci peut sembler contre-intuitif, puisque le revenu par habitant n'est pas, par définition, un critère de charges. Mais l'on observe, statistiquement, qu'un territoire dont le revenu des habitants est faible aura plus de besoins en termes de services publics. Dès lors, ce critère peut être utilisé comme un indicateur de charges, simple à manier et accessible - ce qui rend acceptables les dispositifs qui y feraient référence.
Mais, comme l'a souligné une des personnes entendues, il ne faut pas que ce critère soit utilisé seul, car « ce n'est pas un critère universel ». Par exemple, le niveau de dépenses des communes est corrélé à la démographie - plus la population augmente et plus le coût de production des services augmente - ou à la part des logements sociaux. Les dépenses des départements seraient fortement corrélées au revenu par habitant, notamment pour des territoires au potentiel fiscal élevé mais au revenu faible, comme la Seine-Saint- Denis.
Deux universitaires nous ont néanmoins indiqué qu'ils n'étaient pas favorables à la prise en compte du revenu par habitant comme critère de charges, car cela revient à introduire le point de vue des ménages dans une réflexion relative aux collectivités locales.
Deux idées méritent d'être mentionnées, bien qu'elles restent à expertiser. D'une part, le niveau de dépenses d'une collectivité pourrait être apprécié par rapport au niveau moyen de sa strate, afin d'essayer d'identifier de façon simple celles qui auraient fait le « choix » d'un niveau de dépenses « supérieur au nécessaire ». D'autre part, pour chaque type de collectivité, pourrait être créé un « référentiel des services minimums » ; à chaque service serait associé un coût sur la base duquel seraient ensuite répartis les concours financiers de l'État.
La mesure de la richesse d'un territoire est en principe plus aisée : le potentiel fiscal a été considéré par nos différents interlocuteurs comme un bon outil conceptuel. Mais ils ne se sont pas privés d'en critiquer l'évolution récente.
Plusieurs des personnes entendues ont considéré que le potentiel fiscal était biaisé, depuis qu'y ont été intégrés des produits et non plus seulement des potentiels : la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle en 2004, puis le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Ainsi, les taux se sont retrouvés en quelque sorte intégrés au potentiel fiscal, alors que cet outil devrait être totalement neutre vis-à-vis des choix en matière de taux. En effet, il s'agit de mesurer la richesse d'un territoire et non sa politique fiscale. Dès lors, le potentiel fiscal a perdu son caractère de « potentiel », au détriment des collectivités qui avaient des bases faibles mais un taux élevé.
En ce qui concerne le bloc communal, se pose également le problème de « l'imbrication luciférienne des entités du bloc communal », selon l'expression de Yann Le Meur. L'existence de multiples transferts financiers entre communes et EPCI rend le calcul d'un potentiel communal extrêmement complexe et peu significatif.
Un certain consensus est apparu sur la nécessité de prendre en compte un nombre réduit d'indicateurs. Il s'agit de simplifier le système et d'éviter que les critères ne s'annulent entre eux. Un de nos interlocuteurs nous disait ainsi qu'à force de multiplier les critères contradictoires, on aboutissait à la même répartition de la DGF que si on l'avait répartie en fonction de la population...
Nous avons également abordé la question du « maillage territorial ». Le nombre important de communes rend difficile les comparaisons : appliquer les mêmes critères à une commune de 200 habitants et à une ville de 100 000 habitants pose des problèmes.
Les experts entendus nous ont indiqué que raisonner au niveau des intercommunalités rendrait les comparaisons plus pertinentes, à condition sans doute d'augmenter leur taille minimale. Cela garantirait également une répartition plus juste de la richesse au niveau du territoire, en créant une solidarité communautaire de fait. Les innombrables et complexes fonds de péréquation seraient moins indispensables. La plupart des intervenants ont ainsi plaidé en faveur d'une DGF intercommunale.
Certes, la question de la répartition d'une telle dotation au sein de l'EPCI serait extrêmement sensible. Néanmoins, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) a préparé cette évolution en créant des outils - notamment le potentiel financier agrégé (PFIA) - et en habituant à raisonner au niveau intercommunal.
Cette perspective de globalisation des dotations a suscité le débat parmi les sénateurs présents à ces auditions : la dimension « politique » du problème apparaît en effet clairement en arrière-plan car la question de la capacité d'action financière de la commune est posée. Nos experts ont reconnu que la mise en oeuvre d'une telle globalisation imposerait de recourir à des mécanismes de garantie, au moins les premières années, mais ils ont souligné qu'il ne faudrait pas qu'ils perdurent, au risque de rendre la réforme inopérante. En outre, le calendrier de la mise en place d'une DGF territoriale devrait s'articuler, le cas échéant, avec celui du déploiement de la nouvelle carte intercommunale, voire de la révision des valeurs locatives.
M. Vincent Capo-Canellas. - Merci pour cet exposé sur ce serpent de mer à hauts risques. La réforme de la DGF a partie liée avec la décentralisation, l'avenir de la commune, etc. Les élus ont besoin de clarté et de visibilité ; l'annonce d'une réforme de la DGF n'y contribue pas. Comme le temps est à la baisse des dotations, toute réforme incite à la prudence : il est à craindre que Bercy ait une logique baissière. Il est vrai que c'est au moment où les richesses sont comptées qu'il faut réformer. « Quand on coupe la queue du chien il faut le faire d'un coup sinon cela lui fait encore plus mal » dit le proverbe. Il faut fixer un cap et non raisonner par petits morceaux.
Vous avez évoqué, parmi les critères, les charges imposées aux collectivités et les choix politiques. Il faut aussi tenir compte de l'histoire des collectivités. Ma commune, Le Bourget, accueillait un établissement industriel important. Lorsqu'il a fermé, il y a vingt ans, les recettes de taxe professionnelle ont chuté de 35 %. Puis la part salaires a été supprimée... En dépit d'une certaine réindustrialisation, nous n'avons jamais retrouvé le même niveau de recettes. Comme la ville était riche, les services étaient importants et les dépenses sont rigides à la baisse.
La population a augmenté de 20 % en quatre ans et nous peinons à ouvrir les crèches ou les écoles nécessaires. Le Premier ministre a évoqué l'idée d'une prime aux villes qui bâtissent. Il faut y réfléchir.
Réfléchir par strates n'est pas suffisant. Il existe une grande disparité entre une collectivité de 15 000 habitants en Seine-Saint-Denis, qui doit par exemple, disposer d'une police municipale importante faute de quoi les gens s'en vont, et une ville de taille équivalente en province. Il faut appréhender la réalité des situations.
Enfin soyons prudents sur l'intercommunalité. Si tous les financements passent par les intercommunalités, c'est la mort des communes.
M. Philippe Dallier. - Le Gouvernement veut nommer deux parlementaires en mission qui devraient rendre leurs conclusions en février 2015 pour qu'une réforme de la DGF soit inscrite dans le prochain budget. Vu la complexité du sujet, ce délai est très court. Si l'on réforme la DGF, il faut revoir aussi l'ensemble des dotations de péréquation car tout est lié. La DGF territorialisée est depuis longtemps dans les têtes. Le risque est alors que l'on supprime la péréquation, à charge pour les territoires de l'assurer. Comment réaliser la péréquation en Seine-Saint-Denis si on la découpe en plusieurs morceaux ? Il faudrait aussi harmoniser les taux de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière. Sans compter que les dotations baissent... Il aurait fallu réformer il y a dix ans. Au lieu de cela, on a multiplié les dispositifs de péréquation pour aboutir à un système d'une complexité inouïe. Il est absurde qu'une commune d'Île-de-France puisse percevoir la dotation de solidarité urbaine (DSU), contribuer au FPIC, tout en ayant une contribution neutre au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF).
Il faut que notre commission se saisisse de cette question pour préparer le débat à venir. Ne laissons pas le Comité des finances locales (CFL) décider à notre place.
M. Marc Laménie. - Merci pour votre exposé très clair. La complexité de la DGF est assez inquiétante. Chaque année Bercy adresse aux communes une fiche technique et financière, constituée d'un tableau récapitulatif de deux pages qui détaille avec lisibilité et pédagogie les critères de calcul. C'est un outil précieux pour les élus.
M. Jean Germain. - La réforme de la DGF peut difficilement être menée indépendamment de la réflexion sur la répartition des compétences. Selon la place que l'on souhaite accorder aux communes, aux départements, aux régions ou aux intercommunalités, la solution optimale varie. Il n'est pas certain que nous puissions conserver un système uniforme sur tout le territoire. La région d'Île-de-France a une organisation très spécifique. La réforme sera longue. Elle ne sera sans doute pas terminée en février mais il faut lancer le mouvement. La DGF est devenue très opaque.
Le bilan de l'intercommunalité est mitigé. Son principal échec tient aux coûts de personnel. Les charges des communes en la matière n'ont pas été allégées. Les élus en sont responsables. Mais, attention, les dotations n'augmenteront plus avant longtemps !
Enfin comment définir la notion de « dépenses d'un niveau supérieur au nécessaire » ? Telle équipe municipale considérera une dépense comme nécessaire, une autre pas ! Bien malin qui peut trancher dans l'absolu...
M. Michel Bouvard. - Merci pour cette synthèse. Les propos de François Marc montrent que les politiques doivent rester décisionnaire. Méfions-nous de certains raccourcis. Peut-on considérer qu'il existe une corrélation entre le niveau des charges, la richesse de la commune et le revenu par habitant ? Pourtant, dans les territoires frontaliers, les revenus par habitant ont beau être très élevés, la voirie ne s'entretiendra pas toute seule ! Notre commission doit se saisir de ce sujet. Il importe de définir la réalité des charges en fonction d'une typologie de communes. Ensuite, il convient de trouver la méthode pour neutraliser ce qui relève des choix politiques et ce qui dépend de charges imposées. Ces critères sont essentiels pour ajuster la DGF. Il faut aussi répondre aux attentes des populations dans les territoires en forte croissance démographique. Enfin, le cas des collectivités touristiques, réputées riches, doit être traité. Elles fonctionnent parfois comme des entreprises et sont soumises à la concurrence, avec des emplois à la clef.
M. Charles Guené. - En cette période troublée, je souscris aux conseils de prudence. Mais il faut avancer. Il serait judicieux de développer notre expertise afin de ne pas être dépendants des informations glanées auprès des associations d'élus, du CFL, etc.
Pour modifier les choses, soit on prend en considération la réalité, soit on élabore des indices synthétiques. Ceux-ci resteront toujours perfectibles mais chacun a naturellement tendance à considérer qu'un critère qui le désavantage est imparfait...
La DGF ne peut être réformée sans vision globale du système, de la fiscalité et de l'évolution des ressources des collectivités. Je suis un partisan de la territorialisation, seul moyen de partager équitablement les ressources. Faut-il traiter à l'identique deux communes de 25 000 habitants et 50 communes de 1 000 habitants ? Les communes rurales n'ont pas nécessairement les mêmes charges en termes de sécurité mais elles supportent d'autres charges liées à la distance et à l'éloignement.
Enfin, la révision des valeurs locatives constitue une arlésienne mais est essentielle pour une juste répartition de la DGF. La sous-estimation des valeurs locatives conduit à une surestimation de l'effort fiscal. Difficile de faire une péréquation sur cette base.
Mme Marie-France Beaufils. - Comme Jean Germain, je suis dubitative à l'égard de la notion de dépenses « supérieures au nécessaire ». Comment distinguer des services dits « politiques » de services indispensables ? Quoi que l'on en dise, les élections locales ont un sens politique : les électeurs y expriment des choix.
Il ne faut pas faire fi de la situation des populations : en période de crise, les plus modestes ont encore plus besoin de la collectivité que les plus aisés. Nous n'avons pas non plus assez mesuré les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle dans les territoires très industrialisés. Les conséquences sont lourdes. Les collectivités ont à payer le prix de cette histoire tout en disposant de recettes amoindries. C'est pourquoi il importe d'intégrer l'héritage dans l'état des lieux.
Je suis perplexe à l'égard de la DGF territorialisée. Les intercommunalités sont très diverses et fonctionnent toutes très différemment. Les solidarités s'y expriment selon des canaux très variés. On risque de fragiliser certains territoires. Soyons attentifs à nous doter de tous les outils pour bien apprécier la situation des territoires. La révision des valeurs locatives est à ce titre fondamentale.
M. Michel Canevet. - Il faut que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, se saisisse de cette question. Je suis élu d'une zone rurale et j'ai le sentiment que nous sommes moins bien traités qu'en zone urbaine. Il faudrait en effet des données chiffrées précises et récentes pour nous faire un avis objectif. Quant à la DGF territoriale, je crois qu'il faut prendre en compte le fait que la montée en charge du FPIC n'est pas terminée, s'agissant de sa répartition. Il est très difficile d'obtenir l'unanimité des conseils communautaires, et pourtant, nous avons tout intérêt à développer l'intercommunalité. Une réforme de la DGF devra être examinée à l'aune des compétences confiées aux collectivités.
M. François Marc. - Mes collègues m'ont facilité la tâche en ouvrant des pistes pour le travail qu'il nous faut mener. Je crois savoir qu'un sénateur sera désigné par le Gouvernement pour participer à une mission sur ce thème, ainsi qu'un député. Nous sommes tous conscients que la réforme des finances locales est à traiter de façon globale et dans une perspective d'avenir prenant en compte les collectivités, leurs compétences, leurs élargissements et leurs fusions. Espérons que la situation se clarifiera d'ici quelques semaines. D'ici septembre 2015, nous devrions disposer de tous les points de repère nécessaires à l'élaboration d'un jugement pertinent.
Je fais écho à mes collègues Jean Germain et Marie-France Beaufils pour dire qu'il ne faut pas empiéter sur l'autonomie de décision des communes. Ce que souhaitaient dire nos interlocuteurs, c'est qu'au fond, il y a une forme de délégation de la République aux communes pour qu'elles exercent certaines missions. Cela nécessite d'identifier le coût de ces missions pour prévoir les sommes allouées. L'État doit se pencher sur ce qui est nécessaire et sur le coût associé ; les missions supplémentaires doivent être délibérées par les conseils municipaux et , dès lors, financées par la fiscalité locale.
M. Jean Germain. - Ce qui ferait de la DGF une ressource affectée.
M. François Marc. - Dans une certaine mesure. L'idée de traiter différemment les territoires nous entraîne sur un terrain encore plus glissant...
M. Jean Germain. - Ce serait provisoire.
M. François Marc. - C'est une bonne question. Je reconnais là le talent universitaire de Jean Germain. Dans cette période de disette budgétaire, les inégalités sont durement ressenties. Le Sénat a un rôle à jouer pour que « le chien n'ait mal qu'une fois » : nous devons trouver la bonne formule du premier coup.
Mme Michèle André, présidente. - C'est un travail que nous devrons poursuivre ; la commission des finances doit rester au coeur du dispositif.
La réunion est suspendue à 12 h 55.
La réunion est ouverte à 15 h 05.
Audition de Mme Stéphane Pallez, candidate aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux
Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède d'abord à l'audition de Mme Stéphane Pallez, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux, en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Mme Michèle André, présidente. - Nous entendons Stéphane Pallez, candidate au poste de présidente-directrice générale de la Française des jeux. À l'issue de cette audition, nous nous prononcerons sur sa nomination. Conformément à l'article 13, alinéa 5 de la Constitution, nous devrons consolider nos votes avec ceux des membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, devant lesquels Madame Pallez s'est exprimée ce matin.
Je vous laisse le soin de vous présenter. Vous nous direz ce qui, dans votre parcours professionnel vous qualifie pour prendre la tête de la Française des jeux. Je rappelle que vous êtes, jusqu'à présent, présidente-directrice générale de la Caisse centrale de réassurance (CCR) après un début de carrière à la direction générale du Trésor. Je souhaiterais également que vous nous donniez votre vision du développement de cette entreprise. Comment comptez-vous concilier exigence de développement et nécessité d'éviter les effets pervers liés aux jeux - notamment le risque d'addiction de certains joueurs ? Notre ancien collègue François Trucy a beaucoup oeuvré dans ce domaine.
Mme Stéphane Pallez, candidate aux fonctions de P-DG de la Française des jeux. - C'est un grand honneur pour moi de me présenter devant vous. La Française des jeux vous est familière, car elle compte pour les finances publiques françaises, et elle a une dimension également sociétale. Comment réguler un jeu pour en faire un divertissement populaire sans qu'il devienne le support de comportements addictifs ou le canal d'actes criminels comme le blanchiment d'argent ? Tel est le défi à relever.
Certains d'entre vous connaissent mon héritage familial - mon père était un grand serviteur de l'État. Mon parcours professionnel a été naturellement placé sous le sceau de l'intérêt général, avec comme majeures la compétence financière et l'entreprise. À ma sortie de l'école nationale d'administration (ENA), en 1984, j'ai choisi le ministère des finances et la direction générale du Trésor, alors dirigée par Michel Camdessus, auquel Daniel Lebègue allait succéder. Bercy et le Trésor sont parfois perçus comme des forteresses technocratiques. J'y ai appris beaucoup. Je m'y suis forgé une capacité d'analyse et j'y ai développé mon goût pour l'action publique. L'administration où je suis restée vingt ans a été un choix, non une obligation. L'image de technocrate de Bercy ne suffit cependant pas à me résumer... À la direction du Trésor, j'ai exercé trois métiers - régulateur dans le secteur financier, actionnaire d'entreprises publiques et négociateur international. Dans le secteur de la banque et des assurances, j'ai négocié de grands textes prudentiels - c'était l'époque de Bâle III pour les banques, des prémices de Solvabilité II pour les assurances.
J'ai oeuvré à plusieurs reprises comme actionnaire d'entreprises publiques. Entre 1998 et 2000, le portefeuille de participations qui m'était confié comptait des entreprises comme Bull, Thomson Multimédia, Gaz de France ou Cogema. J'ai également été en charge de l'ouverture partielle du capital d'Air France, dans le cadre stratégique et politique piloté par Dominique Strauss-Kahn et Jean-Claude Gayssot, sous l'égide de Lionel Jospin. Enfin, j'ai représenté la France à la Banque mondiale, participé à l'élaboration des positions françaises au Fonds monétaire international (FMI) et à l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), alors très active sur la question du blanchiment de capitaux. Entre 2000 et 2004, dirigeant le service des affaires internationales du Trésor, j'ai participé à de nombreuses réunions internationales - G7, G8, G20 - et préparé comme « sherpa » les sommets des chefs d'État en matière financière, sommet du G8 à Evian par exemple, en 2003, sous la présidence de Jacques Chirac, pour qui j'ai une pensée aujourd'hui. Ces années ont été intenses. J'ai eu la chance de travailler sous l'autorité de plusieurs directeurs du Trésor et plusieurs ministres : j'ai pu apprécier la tradition de loyauté et de neutralité de la fonction publique à la française. Je suis particulièrement fière d'avoir travaillé avec Pierre Bérégovoy qui a forgé en moi une très haute idée de la politique.
La deuxième partie de mon parcours s'est déroulée dans des entreprises où le service public et l'intérêt général tenaient une place importante. Entre 2004 et 2011, j'ai été directrice financière déléguée de France Télécom, durant une période de transformation profonde des conditions concurrentielles. L'entreprise se relevait à peine d'une crise de liquidités, fin 2002, en raison de son fort endettement et de l'évolution de la bulle des télécoms. Mes responsabilités couvraient un champ large - gestion des financements et de la trésorerie, contrôle fiscal, audit et contrôle interne, lutte contre la fraude. Comme responsable des relations avec les agences de notation et les investisseurs financiers, je portais l'image de l'entreprise sur les marchés. Je traitais la partie financière, y compris dans la problématique des réseaux de distribution et le développement de la vente en ligne. En 2011, Christine Lagarde, alors ministre des finances et de l'économie, m'a proposé de prendre la tête de la Caisse centrale de réassurance (CCR), en raison de mon double parcours dans l'administration et dans l'entreprise, et de ma connaissance du secteur des assurances. J'ai encore eu l'occasion, récemment, de la remercier pour sa confiance.
Depuis quatre ans, l'essentiel de ma mission se concentre donc sur la réassurance publique au service de l'intérêt général. Avec l'ensemble des salariés, auxquels je rends hommage, je me suis attachée à tenir les objectifs fixés par l'État actionnaire à 100 %. L'entreprise s'est recentrée sur la gestion du risque de catastrophe naturelle, en la modernisant. Elle a su s'ouvrir à des partenaires extérieurs importants pour améliorer la diffusion de l'information et stimuler la prévention. Au-delà de sa solidité financière et de ses bons résultats, la CCR est un partenaire crédible et légitime qui entretient des relations fortes avec beaucoup de parties prenantes, parlementaires et élus locaux notamment. Beaucoup reste à faire, mais je suis fière du parcours accompli en quatre ans.
La Française des jeux est une société anonyme dont le capital appartient pour 72 % à l'État, pour 20 % aux anciens émetteurs de billets de la loterie nationale, et pour 5 % aux salariés. Elle est le deuxième opérateur de loteries en Europe et le quatrième mondial. Elle développe un modèle de jeu expansif : beaucoup de joueurs misent de petites sommes. Elle touche un public large de 27 millions de joueurs, soit un Français sur deux en âge de jouer. En 2013, plus de 12 milliards d'euros ont été misés, redistribués à 95 %, dont 23 % pour les finances publiques. La Française des jeux, ce sont aussi des hommes et des femmes que je félicite pour le parcours remarquable de leur entreprise. Je voudrais tirer un coup de chapeau à Christophe Blanchard-Dignac qui, en quatorze ans, a considérablement transformé et développé cette entreprise, au bénéfice de tous et dans le respect de valeurs fortes.
Vous connaissez le cadre de la régulation, qui repose essentiellement sur le décret de novembre 1978 ; en 1985, l'entreprise s'est également vu attribuer les paris sportifs dans les points de vente puis en 2010, les offres de paris sportifs en ligne. Ses activités en monopole représentent 99 % des mises qu'elle reçoit. L'entreprise est contrôlée par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour ses activités concurrentielles. Entreprise nationale engagée au service de l'intérêt général, la Française des jeux a développé une politique de responsabilité sociétale. Elle est la loterie la mieux notée en la matière. La fondation de l'entreprise dispose d'un budget équivalent à 4 % du résultat net de l'entreprise, soit 18 millions d'euros sur cinq ans, pour intervenir dans les domaines du sport de haut niveau, du handicap et de la solidarité. Elle est très engagée auprès des fédérations sportives et du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), elle finance sa propre équipe cycliste sont défendues des valeurs d'intégrité et de performance collective. Elle mène également une action en matière de handicap, comme employeur, mécène et partenaire. La force de l'entreprise est dans sa capacité à mener à bien son développement économique dans un cadre acceptable d'un point de vue social.
Si votre vote valide ma candidature, je poursuivrai la mission que s'est donnée la Française des jeux, celle d'organiser dans des circonstances sûres et contrôlées la demande de jeu du grand public, en prévenant les excès et les dérives, dans le respect de l'ordre public. Christophe Blanchard-Dignac s'est engagé depuis 2006 dans une politique de jeu responsable. Un très haut niveau d'exigence en ce domaine contribue à faire de l'entreprise un leader des loteries européennes. La société civile participe à ce succès, notamment le réseau des distributeurs en contact avec les clients. À cela s'ajoute une structure financière solide et saine, construite sur la maîtrise de la trajectoire des mises. L'entreprise contribue ainsi aux recettes publiques. Il faudra investir pour rendre cette contribution pérenne. L'entreprise et ses clients changent, les pratiques se renouvellent. Nous devrons donc moderniser le réseau de distribution, rendre plus performants le système informatique et la plate-forme technologique, même si leur efficacité est déjà avérée. Je voudrais revenir sur l'importance du réseau de distribution. Les buralistes et les distributeurs de presse sont dans une situation économique difficile - pour des raisons extérieures à la Française des jeux. L'une de mes priorités sera de les rencontrer, car ils ont un rôle clef pour l'entreprise.
Je m'inscrirai pleinement dans la ligne stratégique définie dans le passé. Je travaillerai également à quelques chantiers d'avenir. Une réforme de la distribution est déjà engagée, pour remédier à l'attrition du réseau. C'est un enjeu économique pour la Française des jeux ; cela participe aussi de l'aménagement du territoire, car les points de vente sont des services de proximité qui contribuent à l'animation des territoires. La digitalisation est un autre défi majeur. Les clients sont multi-équipés en matière technologique. Les habitudes de consommation évoluent très rapidement. Comment combiner l'importance du réseau physique avec le développement de la vente en ligne, pour que l'entreprise continue à se développer avec les clients de demain ? Le développement à l'international ne fait plus débat. La Française des jeux dispose déjà d'atouts significatifs : son modèle de jeu est une référence, son savoir-faire aussi, qu'il s'agisse de l'outil informatique ou du marketing. La digitalisation lui offre une opportunité de se développer à l'international dans un cadre bien étudié, car l'essentiel de son activité est en monopole. Je continuerai à construire une vision partagée de la stratégie d'entreprise, dans un monde qui change très vite. Pour cela, j'appliquerai ma méthode et mon éthique : être au coeur de l'entreprise, dialoguer avec les collaborateurs, aller sur le terrain. Il serait présomptueux d'en dire plus aujourd'hui sur la stratégie que je veux appliquer dans une entreprise que je ne connais pas encore de l'intérieur.
Je terminerai en disant un mot du sujet qui agite la presse actuellement, l'éventualité d'une ouverture du capital. Cette ouverture ne peut être qu'une décision de l'actionnaire. À ce stade, l'État n'a arrêté aucune position. C'est une question complexe et débattue. Je peux seulement dire que si l'État me demandait d'étudier cette possibilité, je le ferais avec le souci de penser une telle opération comme un levier d'accomplissement de la stratégie de l'entreprise.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - À titre personnel, pensez-vous qu'il soit possible que l'État devienne l'actionnaire minoritaire d'une entreprise qui détiendrait un monopole sur certains jeux ? Ou bien le monopole implique-t-il que l'État reste majoritaire ? Par ailleurs, pour un développement de la Française des jeux à l'international, quels pays offriraient les meilleurs relais de croissance ?
Mme Stéphane Pallez. - Au-delà de mon opinion personnelle, je précise que l'État a évoqué une ouverture seulement partielle du capital : il resterait majoritaire. Quoi qu'il en soit, la question est complexe et demande réflexion. En 2009 déjà, une étude avait été menée sous l'égide de Christophe Blanchard-Dignac. Des juristes, des conseillers financiers, avaient été consultés. J'ignore quelles ont été leurs conclusions mais aucune opération n'est intervenue. J'ai été formée à ne parler que de ce que je connais à fond, c'est pourquoi je ne peux pas en dire plus à ce stade.
Quant au développement à l'international, la Française des jeux a déjà une activité à cette échelle. Le jeu Euromillions a été créé en partenariat avec d'autres loteries européennes. Un atout important de l'entreprise française est son offre de services techniques en matière de plateforme technologique. L'opportunité est déjà exploitée mais peut être développée. L'offre d'un back office technologique à d'autres entreprises européennes n'a pas suscité d'interrogations de la part de la Commission européenne. C'est un relais de croissance possible. La priorité reste de nouer des liens forts avec nos partenaires européens.
M. Michel Bouvard. - Je suis heureux que cette audition nous donne l'occasion de nous retrouver. Je connais vos qualités, votre compétence et vos règles d'éthique. Pour ce qui est de l'ouverture de la Française des jeux à l'international, pensez-vous que la plateforme technologique et le partenariat au niveau communautaire sont des relais de croissance solides ? Sont-ils suffisants ? Ne faudrait-il pas aussi développer des produits sous licence ? Serait-il envisageable pour la Française des jeux de prendre le contrôle d'autres opérateurs européens au vu de ses activités monopolitiques en France ?
Sur les arbitrages de performance, vous avez évoqué le fait que les gains sur les jeux contribuaient à l'équilibre d'exploitation des buralistes et distributeurs de presse, et au maintien de leurs points de vente sur le territoire. Peut-on considérer qu'un buraliste est un service public en tout point du territoire, parce qu'il vend du tabac, des timbres fiscaux, etc. ? L'existence d'un réseau de distribution physique se justifie-t-elle encore face à la vente en ligne et aux besoins nouveaux des clients ?
M. Richard Yung. - Le portefeuille d'activités de la Française des jeux a beaucoup évolué - paris sportifs, jeux en ligne. Lorsque ces derniers ont été lancés, l'idée était de rapatrier l'activité partie se loger dans les paradis fiscaux, à Malte ou à Gibraltar par exemple. Pourtant, les jeux en ligne n'ont pas eu le succès escompté. Croyez-vous qu'un rééquilibrage est encore possible ?
Certains d'entre nous sont assez réservés sur une éventuelle cession des titres de l'entreprise, car c'est une belle et bonne entreprise. N'y aurait-il pas des alternatives ? Un système de licence comme l'ont fait les Britanniques, par exemple. Il est de bon rapport et permet à l'État de conserver son portefeuille d'activités.
M. François Marc. - La Française des jeux est affaire de finances mais aussi de valeurs. La situation de monopole implique une responsabilité sociétale. La notation de l'entreprise en ce domaine est de très bonne qualité. Les médias ne cessent pourtant d'évoquer le problème de la protection des mineurs en matière de jeux. Une émission de télévision a montré comment les mineurs passent facilement au travers des mailles du filet et développent des comportements d'addiction. Nous avons largement traité le sujet, au Sénat, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux en ligne. Quel est votre sentiment ? Enfin, le modèle français est-il original du point de vue des valeurs par rapport aux modèles de jeux d'autres pays ?
M. Marc Laménie. - La fonction à laquelle vous vous portez candidate demande un engagement fort et de grandes compétences. Je viens d'un petit département, rural. Les buralistes font partie de la vie de nos villages. Comment envisagez-vous le volet économique et financier, en termes d'emplois ? Quel pourrait être votre engagement vis-à-vis des territoires ruraux ? Comment lutter efficacement contre les addictions ? Tout cela n'est pas simple.
M. Maurice Vincent. - Quelle est votre vision des relations que la Française des jeux doit entretenir avec le monde du sport ? Pour l'instant, elle fait du mécénat, elle est présente dans le cyclisme et, même si on ne lui a pas demandé son avis sur ce point, elle participe au financement du Centre national pour le développement du sport (CNDS).
M. André Gattolin. - Votre parcours professionnel est très intéressant. Vous avez oeuvré à une échelle internationale et travaillé sur des questions européennes. Ce qui est très utile à une époque où la règlementation européenne devient prégnante.
Comment établir une synergie entre les entreprises du service public en France, quand la ressource se fait rare ? La Française des jeux a passé au début de l'année un accord avec TF1, mettant fin à un long contrat avec France Télévisions - France 2, plus précisément. Les nombreux manquements à ce dernier contrat justifient sans doute le changement de prestataire. Est-ce une priorité pour vous que les entités de service public travaillent de concert ?
M. Daniel Raoul. - Je rebondis sur le sujet des valeurs et de l'éthique. Peut-on continuer à interdire aux mineurs l'accès à vos produits dans le réseau de distribution physique, quand il est si difficile de contrôler l'identité des joueurs en ligne ?
Mme Stéphane Pallez. - Je ne dirige pas encore la Française des jeux. Je devrai me forger une opinion avant de pouvoir m'exprimer sur plusieurs des sujets que vous avez évoqués.
Les relais de croissance ne se limitent pas à l'international. En matière de digitalisation, l'entreprise avait une ambition supérieure, puisqu'elle espérait 10 % des ventes en ligne, elle n'en a obtenu que 3 %. Le marché des jeux en ligne s'est moins développé que ce qu'on imaginait lors de l'ouverture à la concurrence. La Française des jeux a proposé un poker en ligne, par exemple, qui a eu des résultats décevants. De manière générale, dans ce secteur il y a eu un surinvestissement de la part de nombreux acteurs, puis un réajustement des ambitions et une consolidation. Relais de croissance à l'international ? J'ai besoin de connaître les tenants et les aboutissants de la question avant de pouvoir dire si l'opportunité est réelle ou pas. Le développement des produits sous licence est certainement une piste intéressante. La prise de contrôle d'opérateurs est plus délicate, l'opération envisagée sur un opérateur anglais bien connu a du reste été abandonnée. Si l'on a renoncé, c'est que la question devait être délicate. Je réserve mon jugement. La Française des jeux est majoritairement fondée sur son monopole. Remettre en cause ce monopole, ce serait scier la branche sur laquelle elle est assise. Il convient donc, en tout cas, de ne rien faire en ce sens.
Quant à l'arbitrage de performance, plusieurs d'entre vous y ont fait référence au sujet des buralistes. Le réseau connaît une attrition : c'est un problème pour la Française des jeux, qui tente en vain de la freiner. En 2014, encore 1 000 points de vente ont disparu. Il s'agit donc de trouver des relais complémentaires - 1 200 autres points de vente existent déjà - puisque le réseau physique reste incontestablement le meilleur instrument pour mettre en oeuvre sa politique de sécurité.
Je n'ai pas vu l'émission de télévision que vous mentionnez. Je sais cependant que, dans le cas évoqué, il n'y a pas eu un problème de vente à des mineurs mais de jeu à crédit, ce qui est également interdit : un détaillant a favorisé chez son client un comportement qu'il aurait dû refuser. Après enquête, la Française des jeux a retiré son agrément au détaillant fautif. Lequel a contesté cette décision devant les tribunaux. La justice a plutôt donné raison à la Française des jeux.
Si la vente en ligne est aujourd'hui peu développée, l'activité de l'entreprise n'en a pas souffert. Nous assistons néanmoins à présent à une accélération de la consommation en ligne dans tous les secteurs. Si l'entreprise veut maintenir sa relation avec les clients et ses perspectives de croissance, elle aura à développer une offre de ce type au-delà des 3 % actuels, sans que cela nuise à son réseau physique. Celui-ci sera équipé de terminaux de vente en ligne sur sites, tels qu'Orange, par exemple, les propose. L'utilisation alternée par les clients de ce dispositif et du réseau physique favorisera le suivi de leurs parcours, indispensable à l'application de la règlementation sur les mineurs et sur le blanchiment. Comment savoir qui se connecte en ligne, demandez-vous. La Française des jeux exerce déjà un contrôle très rigoureux, au point que certains usagers sont découragés par un parcours qui n'est pas très agréable pour les clients. Nous nous appuyons sur l'évolution de la technologie pour concilier le contrôle de l'identité des joueurs et l'analyse de leurs comportements (addictions, montants des enjeux...) avec une offre attractive. Ce modèle de jeu responsable est un atout. Christophe Blanchard-Dignac, avec qui j'en ai beaucoup parlé, m'a dit qu'il avait été le héraut européen sur ce sujet. Il partage avec ses homologues la conviction qu'un tel encadrement est bon pour le jeu. La Française des jeux reste l'acteur qui a poussé le plus loin la mise en pratique de cette conviction, afin d'empêcher que le jeu devienne le canal de trafics et de scandales. Souhaitons qu'elle soit imitée à l'étranger.
Vous m'interrogiez, Monsieur Yung, sur les paris sportifs. La Française des jeux les a développés avec succès, en laissant toutefois de côté les paris hippiques, déjà gérés par un autre opérateur.
Sur votre autre question, l'État ne m'a pas sollicitée au sujet de la cession de titres, mais votre interrogation est légitime ; bien d'autres possibilités peuvent être étudiées si l'État veut faire évoluer le modèle économique et financier de la Française des jeux. D'autres modèles, à l'étranger, pourraient être intéressants pour les finances publiques.
La combinatoire entre les objectifs financiers et les valeurs fait la spécificité de l'entreprise : celle-ci ne saurait croître sans demeurer identifiée à des valeurs fortes, qui comptent dans la relation qu'elle entretient avec ses clients. Son action en matière sportive contribue à son image positive. Une équipe cycliste qui se comporte bien dans le Tour de France, comme ce fut le cas de l'équipe de la Française l'été dernier, vaut toutes les campagnes de publicité.
La Française de jeux a développé un grand savoir-faire dans sa lutte contre l'addiction : détection des comportements addictifs, envoi de messages d'alerte, blocage de la capacité de jouer... Le réseau physique est en première ligne dans ce combat. La régulation des jeux y contribue également : le Rapido, jugé très addictif, a été retiré - bien qu'il ait connu un grand succès commercial. Connaissez-vous beaucoup d'entreprises prêtes à renoncer ainsi à du chiffre d'affaires ?
Le financement du CNDS a été voté par le Parlement ; à mes yeux, c'est cependant un point positif pour l'entreprise, même si, vous avez raison Monsieur Vincent, il ne s'agit pas d'un mécénat spontané.
Enfin, Monsieur Gattolin, je vous remercie d'avoir attiré mon attention sur le contrat avec TF1, sur lequel je n'ai pas eu l'occasion de me pencher...
Mme Michèle André, présidente. - Comment appréciez-vous l'action de l'ARJEL, et comment envisagez-vous vos relations avec elle ?
Mme Stéphane Pallez. - C'est une autorité indépendante, sur laquelle je me garderai de porter un jugement, d'autant plus que je n'ai jamais été en relation avec elle. J'ai en revanche pris connaissance des débats qui ont entouré son installation. La Française des jeux était déjà régulée, pour la partie monopolistique de son activité, par la direction du budget ; s'y est ajoutée l'ARJEL pour la partie concurrentielle. L'entreprise a su, après une période de rodage, nouer avec cette autorité une relation constructive. L'actuel président de l'ARJEL m'inspire d'ailleurs le plus grand respect professionnel ; j'espère pouvoir l'interroger sur sa perception de nos relations.
Vote sur la nomination de Mme Stéphane Pallez, candidate aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux
La commission procède ensuite au vote sur la proposition de nomination du président-directeur général de La Française des jeux et au dépouillement simultané du scrutin au sein des commissions des finances des deux assemblées.
MM. François Marc et Philippe Dallier, secrétaires, sont désignés en qualité de scrutateurs.
Mme Michèle André, présidente. - Mes chers collègues, voici le résultat du vote :
- Nombre de votants : 19
- Blancs : 2
- Suffrages exprimés : 17
- Pour : 17
- Contre : 0
Ce vote sera agrégé à celui de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
La commission émet un avis favorable à la nomination de Mme Stéphane Pallez en tant que président-directeur général de La Française des jeux.
Loi de finances pour 2015 - Mission « Conseil et contrôle de l'Etat » - Examen du rapport spécial
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, rapporteur spécial. - Nous avons déjà eu l'occasion, la semaine dernière, d'aborder le budget de la Cour des comptes et d'évoquer le Haut Conseil des finances publiques, dont nous avons entendu le président, Didier Migaud. Ces deux institutions entrent dans le champ de la présente mission, qui se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Cette mission, qui connaît une progression de 1 % de ses crédits par rapport à 2014, représente 637 millions d'euros de crédits de paiement, dont plus de 60 % reviennent aux juridictions administratives. Les juridictions financières représentent 34 % de la mission. Le CESE et le HCFP ne pèsent, respectivement, que 6 % et 0,1 % du total. En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire.
Les crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmentent de 2,2 %, avec 383,3 millions d'euros en crédits de paiement. En 2015, 35 équivalents temps plein supplémentaires sont prévus, dont 14 postes de magistrats administratifs, dans le cadre de la création des 635 emplois en faveur de la justice. Cet effort portera principalement sur les tribunaux administratifs et le traitement du contentieux de l'asile, afin de poursuivre la réduction des délais de jugements, objectif prioritaire de la stratégie de performance de ces juridictions.
Des délais moyens de dix mois sont ainsi envisagés pour 2015 dans les tribunaux administratifs comme dans les cours administratives d'appel. Cet objectif correspond à une stabilisation pour les premiers, à une diminution d'un mois pour les secondes. Cette ambition est d'autant plus remarquable qu'on observe une progression du nombre des affaires dans toutes les juridictions administratives : hausse de 15,6 % au premier semestre 2014 pour les tribunaux administratifs et de 6,5 % pour les cours administratives d'appel. L'analyse des délais moyens de jugement doit néanmoins être nuancée car des situations tendues persistent, notamment dans les tribunaux administratifs de Nantes ou de Basse-Terre. Les efforts de productivité accomplis ces dernières années dans les juridictions administratives méritent d'être salués.
Les renforts en effectifs accordés depuis 2010 à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) semblent porter leurs fruits. Le délai moyen de jugement y a été réduit de moitié par rapport à 2009, pour atteindre 6 mois et 10 jours en 2014. L'objectif pour 2015 est de descendre à 6 mois, délai quasi-incompressible. La qualité des jugements n'en a pas été affectée : leur taux d'annulation par le Conseil d'État est en constante diminution.
Le budget du CESE pour 2015 s'établit à 38,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,4 %. Les dépenses de personnel, qui constituent plus de 85 % des crédits du Conseil, diminuent de 0,1 % et ses autres crédits de 1,7 % (dont 1 % pour les crédits de fonctionnement, qui s'établissent à 4,8 millions d'euros).
Les dépenses d'investissement restent stables. Le financement du programme pluriannuel d'investissement immobilier du palais d'Iéna est assuré en partie par les recettes de valorisation du patrimoine immobilier, issues de la location du palais d'Iéna pour diverses manifestations, qui devraient atteindre 1,7 million d'euros en 2015. Un schéma vertueux s'instaure ainsi entre la valorisation du patrimoine du CESE et son programme d'investissement immobilier.
L'année 2015 verra le renouvellement des membres du Conseil, ce qui devrait affecter l'équilibre déjà précaire de sa caisse de retraites. Il a donc décidé de recourir à l'expertise de la Caisse des dépôts et consignations afin d'élaborer des propositions de réforme pour assurer le financement pérenne de son régime.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 214,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit un budget en légère diminution (0,9 %). Cette baisse s'observe principalement sur ses dépenses de personnel (86,7 % des crédits du programme, en diminution de 1,9 million d'euros pour s'établir à 186 millions), dont je précise, pour lever toute ambiguïté, qu'elles sont très largement dépendantes des variations du taux de contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Les dépenses de fonctionnement connaissent, elles aussi, un recul (- 9,6 %).
Le coût de la réforme des juridictions financières, et plus particulièrement du regroupement de sept chambres régionales des comptes (CRC), a été encore revu à la baisse : la Cour des comptes l'estime finalement à 6,8 millions d'euros au total (contre 12 millions d'euros en estimation initiale). Le coût supporté en 2015 est évalué à 270 000 euros, qui correspondent au reliquat des primes versées au personnel concerné par le regroupement. On attend près d'un million d'euros d'économies de fonctionnement, à redéployer au profit des dépenses d'investissement qui connaissent, en 2015, une augmentation importante en raison de la programmation de travaux de réhabilitation et de sécurisation des installations de la Cour des comptes. Celle-ci estime d'ailleurs que les coûts de la réforme, hors dépense de personnel (soit 3,5 millions d'euros), auront été compensés par les économies réalisées d'ici environ quatre ans. Nous ne manquerons pas alors de vérifier si c'est bien le cas.
Le dernier programme, consacré au Haut Conseil des finances publiques, est doté de 0,82 million d'euros, dont 370 000 euros concernent les dépenses de personnel et sont destinés à financer 3 ETPT - les autres postes correspondent à des fonctions non rémunérées. Parmi les dépenses de fonctionnement, 350 000 euros sont inscrits pour les frais d'études et d'expertise.
Je propose donc à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.
M. Roger Karoutchi. - Une question iconoclaste : que pensez-vous de l'efficacité du CESE et de l'impact de ses rapports ? Et, en particulier, est-il bien utile d'avoir un Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) dans chaque région ? Ils ne figurent pas dans ce programme, mais ils coûtent cher. Voilà vingt ans que je siège au conseil régional d'Ile de France, j'en préside la commission des finances, et sincèrement je n'ai pas été souvent ému par la portée des rapports du Conseil économique et social de la région... Ne pourrait-on pas envisager un regroupement de ces institutions ?
M. Marc Laménie. - Une question analogue au sujet de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes : leur rôle est sans doute important, mais les comptes des collectivités territoriales sont déjà sous le contrôle du préfet et du Trésor public. La mission d'élu de base, souvent difficile, est compliquée par cet empilement de structures et ce surcroît de procédures extrêmement rigoureuses. Le moindre emprunt nous vaut une mise en garde de la préfecture, si ce n'est une convocation. Et la surveillance de la chambre régionale des comptes vient encore s'y ajouter... N'est-ce pas disproportionné par rapport aux budgets de nos collectivités territoriales ?
M. Daniel Raoul. - Le contrôle par les chambres régionales des comptes a son intérêt, si l'on en juge par la situation d'un certain nombre de collectivités locales. En revanche, les chambres régionales des comptes ont parfois tendance à se livrer à un contrôle de l'opportunité des opérations. Or c'est bien au politique qu'il revient de choisir les projets.
M. Philippe Dallier. - Je partage l'interrogation de Roger Karoutchi sur les CESER. Quant aux juridictions financières, leur plafond d'emplois reste le même - 1840 - et l'on nous dit que les dépenses de personnel vont rester stables. Pourtant nous assistons à une requalification des emplois au profit des catégories A et A+, en supprimant des catégories B et C. J'ai du mal à croire que les dépenses de personnel n'augmentent pas en conséquence.
M. Claude Raynal. - La présentation des délais de jugement dans les juridictions administratives est tendancieuse. Je partage tout-à-fait ce qu'écrit le rapporteur général dans sa note, car dix mois, c'est en effet une moyenne entre des contentieux très disparates. Certaines ordonnances sont parfois rendues dans la journée ! D'autres contentieux en un mois. En revanche, les affaires ordinaires, et ce sont elles en réalité qui préoccupent les citoyens, comme le contentieux lié aux travaux publics et les permis de construire, sont traitées bien plus lentement que la moyenne affichée. Les projets sont parfois bloqués quatre ou cinq ans ! Il vaudrait la peine d'interroger le Conseil d'Etat sur cette question précise pour qu'il définisse et fasse apparaître un délai maximal de jugement des affaires ordinaires, qui sont celles sur lesquelles les citoyens sont en droit d'attendre une réelle efficacité du service public.
M. Michel Bouvard. - Pour répondre à nos collègues, les chambres régionales des comptes ne contrôlent pas uniquement les collectivités territoriales, mais aussi les sociétés d'économie mixtes et autres organismes. Elles sont en outre appelées, depuis la réforme des juridictions financières, que nous avons votée, à participer à des enquêtes transversales, ce qui est très important pour disposer d'analyses et d'évaluations plus fines. Cela a été le cas par exemple cette année avec l'enquête sur les Maisons départementales des personnes handicapées, qui a permis notamment d'évaluer l'efficacité de la dépense publique en faveur de ces dispositifs, dont on sait qu'ils suscitent des interrogations au sein de nos collectivités. Les CRC ne sont pas des « pères fouettards ». Leur regroupement répond d'ailleurs aux objections de nombreux élus sur le niveau d'expertise des contrôles locaux. Se posera ensuite la question de la certification des comptes des grandes collectivités. Si elle avait été en vigueur lorsque certaines ont contracté des emprunts toxiques, nous aurions sans doute évité beaucoup de déboires...
M. Thierry Carcenac. - L'article 37 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, texte qui sera prochainement examiné au Sénat, prévoit que, dans le cadre du transfert de compétences et de moyens, les commissions locales pour l'évaluation des charges et des ressources transférées, seront présidées par des présidents de CRC. Je m'interroge : Y aura-t-il assez de personnel pour cela, notamment dans le cas de fusion de régions et de transferts de compétences en provenance des départements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, rapporteur spécial. - Nombre de ces questions dépassent mes qualités de rapporteur spécial, et même de rapporteur général ! Celle de Roger Karoutchi sur le CESE, par exemple : avons-nous dans cette enceinte une majorité de trois cinquièmes pour réviser le titre XI de la Constitution ? Je partage en revanche, à titre personnel, son avis sur les CESER.
Michel Bouvard a déjà largement répondu à la question de Marc Laménie : les chambres régionales des comptes ne jugent pas seulement les comptes des collectivités. Reste la question de Daniel Raoul : doivent-elles juger en droit ou en opportunité ? Ce débat dépasse évidemment le cadre budgétaire. Je me contenterai de rappeler ce que nous disait le Premier président de la Cour des comptes : au regard de la dépense publique en France, nous consacrons des sommes très modestes au contrôle des comptes de nos collectivités, de l'État et des organismes parapublics, a fortiori si l'on compare notre pays avec ses voisins.
Philippe Dallier remarque avec raison que le plafond d'emplois des juridictions financières reste inchangé, mais il faut considérer avec prudence les effectifs théoriques des juridictions financières par rapport aux effectifs réels, puisqu'un tiers environ des magistrats financiers exercent en dehors du programme. Il faut souligner que globalement, les juridictions financières réalisent des économies de fonctionnement (950 000 euros en année pleine, dont 770 000 sur les loyers) grâce à la fusion des sept chambres régionales des comptes.
Je suis pleinement d'accord avec Claude Raynal : certains contentieux administratifs sont contraints par des délais très brefs, comme les référés ou le contentieux électoral, tandis que d'autres dérivent, alors qu'ils portent sur des questions très sensibles, comme l'urbanisme, ou encore les déclarations d'utilité publiques, qui intéressent tout le monde, sur le tracé des lignes à grandes vitesse par exemple... Ces projets sont systématiquement attaqués et peuvent être compromis par la lenteur des procédures alors même qu'ils représentent un enjeu majeur pour notre pays. Il convient donc de considérer cet indicateur de délai moyen avec beaucoup de recul.
Michel Bouvard a raison de remarquer que si la certification des comptes des collectivités avait existé à l'époque, les intéressées n'auraient peut-être pas souscrit toutes sortes d'emprunts risqués et il n'y aurait peut-être pas eu d'affaire Dexia. L'appui des juridictions financières leur sera plus que jamais nécessaire dans un contexte difficile de réduction de leurs dotations.
Reste la question des moyens dont disposeront les chambres régionales des comptes pour arbitrer les commissions locales pour l'évaluation des charges et des ressources... La discussion du projet de loi de réforme territoriale promet en tout état de cause de longs débats.
Je constate en tout cas que vous semblez d'accord pour accompagner l'effort de réduction des délais de jugement des juridictions administratives et adopter sans modification les crédits de la présente mission.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».
La réunion est levée à 16 h 55.