Mardi 10 juin 2014
- Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, président -Présentation du rapport annuel de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE2)
M. Bruno Sido, sénateur, président. - Créée par la loi du 28 juin 2006, la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs, dite CNE2, élabore chaque année un rapport d'évaluation des études et recherches menées sur la gestion des matières et des déchets radioactifs.
Chaque année, l'Office a la primeur de vos travaux, ce dont nous nous félicitons. Aujourd'hui vous venez nous présenter le huitième rapport de votre Commission sur ce thème, qui comprend des conclusions et des recommandations.
En outre, à la demande expresse de l'OPECST, le présent rapport inclut les réflexions de votre Commission sur la notion de réversibilité, notion difficile à cerner et qui doit pourtant servir de guide au projet de stockage géologique profond (Cigéo) piloté par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).
La loi de 2006 assigne deux domaines prioritaires à vos travaux, à savoir la séparation-transmutation des actinides et le stockage géologique de déchets nucléaires de haute et moyenne activités à vie longue dans le respect du principe de réversibilité.
Les membres de l'Office parlementaire seront donc particulièrement attentifs à votre analyse concernant l'évolution du programme Astrid relatif à la réalisation d'un démonstrateur industriel de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium (RNR-Na) de nouvelle génération intégrant tous les enseignements à tirer des évènements de Fukushima.
De même, le projet Cigéo dont l'objectif est la construction d'un lieu de stockage de déchets radioactifs de haute activité à vie longue (HAVL) et de moyenne activité à vie longue (MAVL) à l'emplacement du site de Meuse/Haute-Marne retient toute notre attention.
Des questions porteront sûrement sur les plus récentes propositions de l'ANDRA et sur les expériences mises en place dans le laboratoire souterrain de Bure.
Sans anticiper sur les conclusions que vous allez nous présenter, je vous indique, d'ores et déjà, avoir pris connaissance avec intérêt de votre rapport. J'ai, plus particulièrement, regardé les recommandations relatives aux orientations de recherche et au dimensionnement des crédits à leur affecter, ainsi que les divers problèmes signalés incluant à la fois des choix techniques à opérer et des évaluations budgétaires à établir.
Enfin, les membres de l'OPECST auront sans doute à coeur de s'interroger avec vous sur la définition proposée dans votre rapport pour la réversibilité du stockage profond. En effet, la définition de cette notion varie selon les pays, ce dont il possible de s'inspirer. Mais cela ne doit pas conduire à différer davantage l'élaboration d'une définition française. Elle doit être reconnue par tous et non équivoque, puisqu'elle influe forcément sur la récupérabilité, plus ou moins flexible, des colis de déchets nucléaires entreposés.
J'ai maintenant le plaisir, Monsieur le Président, de vous donner la parole pour entendre votre présentation qui sera, comme à l'accoutumée, suivie de questions.
M. Jean-Claude Duplessy, président de la CNE2. - Nous présentons notre huitième rapport annuel d'évaluation moins d'un an après la présentation du précédent, car nous avons souhaité revenir à la pratique consistant à remettre ce rapport à la fin de l'année scolaire. Au cours des années récentes, nous avions dû déplacer de quelques mois cette présentation devant l'Office parlementaire, pour des raisons indépendantes de notre volonté. Nous sommes revenus au calendrier originel, plus cohérent avec celui de l'activité des organismes, qui ralentit au cours de l'été.
Ce rapport est, par conséquent, un peu plus bref qu'à l'accoutumé. Il repose sur dix auditions, dont deux restreintes. Ses grandes orientations sont identiques à celles du précédent rapport. Nous l'avons établi à l'issue de deux séminaires. Un pré-séminaire de deux jours s'est tout d'abord tenu près de Flamanville, ce qui nous a permis d'examiner les difficultés du chantier du réacteur EPR actuellement en construction, ainsi que la façon dont EDF a établi des relations avec les populations locales. Un second séminaire, d'une durée de cinq jours, a permis l'élaboration finale du rapport, adopté à l'unanimité des participants.
Notre premier axe de réflexion a porté sur la notion de réversibilité, comme l'Office parlementaire nous l'avait demandé. La loi de 2006 dispose que le stockage profond doit être réalisé dans le respect de ce principe. Or, d'un pays à l'autre, la notion de réversibilité est très variable, entraînant des difficultés de compréhension au plan international. Une réflexion a été menée sous l'égide de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), définissant une hiérarchie des niveaux de réversibilité, à la suite de propositions de l'ANDRA. Celle-ci a joué un rôle actif dans ce travail.
Ces niveaux sont au nombre de cinq : le niveau 1 d'entreposage en surface, au niveau 2 les colis ont été déposés dans un alvéole, au niveau 3 l'alvéole est muni de son dispositif de fermeture final, au niveau 4 un quartier entier d'alvéoles est fermé, et, enfin, au niveau 5, le stockage étant complétement fermé, la sûreté est alors assurée de manière passive. Au fur et à mesure de la fermeture des alvéoles, la récupérabilité décroît pour devenir de plus en plus difficile et chère et la sûreté, résultante des dispositions actives de contrôle et de la sûreté passive, s'accroît.
Avant d'aller plus loin, il convient de définir la notion de réversibilité : notre Commission l'a définie comme un mode de gestion qui consiste à garantir aux générations futures la possibilité de décider, à toutes les étapes du processus planifié de stockage, de poursuivre, de marquer une pause ou de revenir éventuellement à l'étape antérieure.
Pour être effective, la réversibilité suppose, d'une part, la récupérabilité, c'est-à-dire la possibilité technique et organisationnelle de déplacer ou de remonter en surface les colis de déchets, et, d'autre part, une certaine flexibilité dans la réalisation des ouvrages de stockage qui permette de prendre en compte les avancées scientifiques et techniques et le retour d'expérience.
La possibilité de changer de niveau de réversibilité doit être laissée ouverte aux générations futures. La fermeture progressive du stockage nous paraît une option plus sûre que le maintien au niveau 2 de tout le stockage pendant cent ans, pour quatre raisons. D'abord, elle permet une sûreté passive à long terme, en diminuant les risques d'accidents propres à l'entreposage ou au report indéfini du scellement des ouvrages et de la fermeture du site. Ensuite, elle diminue l'aléa social, le risque associé à une mauvaise gestion sociale ultérieure étant beaucoup plus élevé que le risque d'accident lié à l'enfouissement, dont la connaissance est objectivement fondée sur des lois physiques de comportement bien connues. De plus, la fermeture progressive permet de ne pas infliger aux prochaines générations le fardeau d'une gestion de déchets qu'elles n'auront pas produits. Enfin, cette stratégie prend en compte le très peu probable intérêt d'une récupération des matières contenues dans les colis.
La fermeture du stockage doit être progressive et raisonnée. La Commission propose, en premier lieu, de ne pas la précipiter. Une phase de durée raisonnablement longue doit être utilisée pour préparer le passage progressif du niveau 2 au niveau 3 des premiers alvéoles remplis. Cette période initiale d'observation devra être proposée par l'opérateur. Elle pourrait durer d'une dizaine à une vingtaine d'années. Elle devra être mise à profit pour réaliser des essais sur des alvéoles expérimentaux, pour développer et valider des moyens de surveillance, c'est-à-dire faire en sorte de maîtriser complètement le fonctionnement du stockage.
La Commission propose, en second lieu, de ne pas imposer de contraintes aux générations futures. Elle n'estime pas souhaitable d'imposer à ces générations l'option de laisser l'intégralité du stockage au niveau 2, car cette option peut présenter des inconvénients majeurs, tant pour la sécurité en exploitation que pour la sûreté à long terme. En conséquence, après la période initiale d'observation, la décision de passage d'un alvéole du niveau 2 au niveau 3 devrait être prise si sa fermeture est jugée opportune, notamment du point de vue de la sûreté.
M. Emmanuel Ledoux, vice-président de la CNE2. - Concernant le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), les réflexions de la Commission se fondent sur les résultats d'une quinzaine d'années d'études sur le site de Meuse-Haute-Marne, qui a confirmé les excellentes qualités de confinement de la couche d'argilite du callovo-oxfordien, d'une épaisseur de 130 mètres, située à 500 mètres de profondeur. Cette couche présente une extension suffisante pour y implanter le stockage des déchets du programme industriel de gestion des déchets (PIGD).
Le projet Cigéo a récemment franchi un certain nombre d'étapes. En 2012, l'ANDRA, assistée de son maître d'oeuvre systèmes Gaiya, a proposé, en conclusion des études de phase d'esquisse, plusieurs solutions d'ensemble pour la conception de l'ouvrage. En novembre 2013, le projet Cigéo est entré en phase d'avant-projet sommaire (APS), sur la base du schéma d'esquisse considéré comme le plus favorable à la constitution du stockage. Un débat public sur le projet s'est déroulé du 15 mai au 15 décembre 2013, sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Les conclusions de ce débat public ont été publiées en février 2014. L'ANDRA n'a présenté que le 5 mai 2014, par l'intermédiaire de son conseil d'administration, les suites qu'elle entend donner à ce débat, selon un nouveau calendrier, en assez nette évolution par rapport à celui précédemment publié. Ce nouveau calendrier prévoit que l'avant-projet sommaire (APS) sera achevé en mai 2015, puis suivi de l'avant-projet détaillé (APD) qui devrait être finalisé en mai 2017 avec le dépôt de la demande d'autorisation de création (DAC). La Commission note un glissement de deux ans par rapport au calendrier initial.
Par ailleurs, la Commission a poursuivi ses réflexions sur les questions scientifiques posées par le stockage. Plusieurs de ces questions restent à étudier.
En premier lieu, il est nécessaire de mesurer les variations des paramètres physico-chimiques de comportement de l'environnement proche des déchets en fonction de la température, qui pourrait être un peu plus élevée qu'initialement envisagé (plus de 50°C).
En second lieu, il faut parvenir à préciser la géométrie des alvéoles de moyenne activité à vie longue, qui importe pour le dimensionnement du revêtement, et définir les jeux entre les colis et les parois des galeries ainsi que leur évolution au cours du temps, ce qui a une influence sur la récupérabilité.
En troisième lieu, la collaboration entre l'ANDRA et les producteurs doit être amplifiée, notamment en ce qui concerne les comportements de certains colis de déchets MAVL susceptibles de posséder des propriétés délicates, tels que les déchets pyrophoriques, que nous avions déjà signalés l'année dernière car ils peuvent s'enflammer spontanément au contact de l'atmosphère, ou les déchets salins et bitumineux. Nous avons étendu cette demande à l'étude des interactions entre les matières organiques, susceptibles de libérer des complexants capables de fixer les actinides et de les rendre plus mobiles dans l'environnement géochimique du stockage. L'objectif est de maîtriser complètement les questions de co-stockage, c'est-à-dire de coexistence, dans un voisinage proche, de colis de déchets dont l'évolution pourrait entraîner des phénomènes géochimiques contradictoires.
En quatrième lieu, il est urgent que l'ANDRA et les producteurs parviennent à une définition consensuelle des spécifications des colis en fonction du type d'alvéole, notamment pour les déchets MAVL, les colis HAVL étant plus homogènes.
En cinquième lieu, la Commission a repris ses recommandations précédentes sur l'étude du dégagement d'hydrogène et de son devenir dans la formation géologique du callovo-oxfordien.
Enfin, il est nécessaire d'évaluer la désaturation et la resaturation du massif rocheux, qui constitue un mécanisme important accompagnant la vie du stockage en fonction de l'état de fermeture des alvéoles. Si les alvéoles sont maintenus au niveau 2, ils doivent être ventilés alors qu'après leur obturation, l'atmosphère évoluera en fonction des propriétés locales du milieu.
La Commission formule plusieurs recommandations.
D'abord, elle demande que l'ANDRA précise, avant la fin de l'APS, prévue fin 2015, la liste des points qui doivent être traités de manière scientifique avant le dépôt de la DAC, en distinguant les éléments structurants de ceux qui relèvent d'une simple démarche d'optimisation.
Ensuite, la Commission juge que l'optimisation de la tranche 1 de Cigéo (construction des infrastructures et des premiers alvéoles, stockage dans les premiers alvéoles) doit être une préoccupation prioritaire de l'APS. Or des évolutions importantes, ne relevant pas d'un simple ajustement, sont encore en discussion. Cette tranche 1 doit être l'occasion d'une montée en puissance industrielle de Cigéo. Elle doit permettre des investigations scientifiques complémentaires approfondies, notamment pendant le creusement des galeries. La science doit être constamment présente au cours du processus.
De plus, la Commission rappelle la nécessité d'établir très rapidement le coût de la tranche 1 ainsi que les clefs de répartition des montants qui devront être assumés par les producteurs, concernant l'investissement initial, le coût du fonctionnement du stockage ainsi que la tarification de la prise en charge des déchets.
Enfin, une recommandation plus générale vise à faire bénéficier Cigéo du label « grand chantier », comme cela a été fait pour l'EPR, afin de maximiser les retombées bénéfiques pour la région accueillant le projet.
En conclusion sur Cigéo, il est urgent que l'ANDRA précise comment sera construit le centre de stockage et comment il fonctionnera, sur des bases scientifiques et pas seulement sur des bases réglementaires.
M. Jean-Claude Duplessy. - Vous serez peut-être surpris que nous ne vous en disions pas davantage sur les derniers documents que l'ANDRA nous a faits parvenir, mais ils nous ont été transmis après le 5 mai 2014, en sorte que nous n'avons pas encore pu les étudier en profondeur. Ces documents sont rédigés en termes tellement généraux que nous ne sommes pas capables, à ce jour, de rendre un avis scientifique sur la démarche proposée.
M. Maurice Leroy, vice-Président de la CNE2. - S'agissant de la séparation-transmutation, les réflexions de la Commission sont menées dans le cadre de la loi du 28 juin 2006, c'est-à-dire qu'elles concernent des études et recherches sur les matières et déchets radioactifs.
Ces recherches portent sur les nouvelles générations de réacteurs : réacteurs à neutrons rapides (RNR) et réacteurs nucléaires pilotés par un accélérateur de particules (ADS, ou Accelerator-driven system). Dans le cadre du programme Astrid de démonstrateur industriel de réacteur à neutrons rapides utilisant le sodium comme fluide caloporteur (RNR-Na), la sûreté doit être équivalente à celle de l'EPR et intégrer les enseignements tirés des événements de Fukushima.
Par rapport à nos observations de l'année dernière, la nouveauté réside dans le fait que les éléments innovants listés par la Commission sont considérés comme étant des points de référence. Les choix effectués intègrent ces éléments. Il s'agit, en premier lieu, du coeur à faible coefficient de vidange, permettant de bloquer les réactions intempestives en cas de défaut de refroidissement du circuit de sodium. En deuxième lieu, il s'agit du fait que le système de conversion d'énergie sodium-sodium-azote permet d'éviter le recours à l'eau. Il ne peut donc pas y avoir de contact eau-sodium. En troisième lieu, l'accessibilité et l'inspection en service doivent être prévues dès la conception. Sur ce point, des avancées remarquables ont été effectuées, donnant lieu à des dépôts de brevet. Ces avancées permettent d'assurer le suivi des réacteurs en service, à travers le sodium, ce qui n'était pas évident car les techniques utilisées dans les réacteurs à eau pressurisée (REP) permettaient de passer le filtre de l'eau mais pas celui du sodium. De nouvelles méthodes de suivi ont été trouvées. Enfin, un récupérateur interne de corium, assurant l'intégrité de la cuve en cas d'accident grave, doit être prévu, de même que les autres barrières existant sur l'EPR. L'appréciation de la Commission sur ces innovations est très positive.
Par ailleurs, la Commission souligne l'importance de l'effort de recherche à conduire. Tout d'abord, en chimie, il faut maintenir un niveau de compétence qui permette la gestion d'un parc nucléaire recyclant des combustibles usés. Quel que soit l'avenir de l'énergie nucléaire, il faudra gérer ce parc. Il est donc nécessaire d'assurer la formation d'experts capables de le faire. Ensuite, au plan technologique, des innovations majeures sont nécessaires : le choix des matériaux de structure du coeur et des gaines doit faire l'objet d'avancées considérables, sur le plan de la recherche mais aussi sur le plan de l'innovation et de l'industrie. Enfin, au plan industriel, il faut mobiliser des entreprises très spécialisées, aptes à produire ces matériaux. Pour être mobilisées de façon pérenne, celles-ci doivent avoir l'assurance que ce développement sera durable.
Par conséquent, la Commission recommande de veiller à ce que le programme Astrid puisse se développer dans toutes ses composantes, sans être compromis par une remise en cause de son financement. La continuité de ce travail pluridisciplinaire doit être garantie pour que les industriels s'engagent dans le processus.
Le CEA, Areva et EDF nous ont présenté conjointement différents scénarios permettant d'envisager l'introduction de RNR dans un parc électronucléaire. Contrairement à ceux qui nous avaient été précédemment exposés, ils tiennent compte de la situation de départ et de la nécessité d'introduire progressivement des EPR puis des RNR. La transmutation de l'américium n'est réalisable qu'avec des RNR ou des ADS. Or, dans ces nouveaux scénarios, cet aspect a été omis. La Commission demande donc que la transmutation de l'américium fasse l'objet d'une recherche active et soit prise en compte dans les scénarios industriels.
M. Jean-Claude Duplessy. - Maurice Leroy va maintenant vous présenter l'analyse de la Commission sur le programme de recherche pluridisciplinaire piloté par le CNRS, appelé défi NEEDS (nucléaire, énergie, environnement, déchets, société).
M. Maurice Leroy. - Le défi NEEDS est un programme piloté par le CNRS auquel participent les principaux organismes en charge de la recherche sur l'énergie nucléaire.
Les recherches amont doivent évidemment bénéficier d'une grande liberté d'approche puisque c'est leur rôle d'introduire des voies innovantes. Cependant, il faut qu'elles soient cohérentes et crédibles. La Commission recommande que les programmes propres des organismes s'attachent à étudier aussi la faisabilité des concepts qu'ils proposent. En effet, les installations de recherche dans le domaine nucléaire, telles qu'Atalante à Marcoule, sont rares en France. Par ailleurs, la recherche se développe dans le cadre du programme Astrid. D'autres projets nous ont été présentés, fondés sur le thorium ou sur les ADS, mais il ne s'agit que de projets sur papier. Il est nécessaire d'aller plus loin dans la comparaison avec la filière uranium-plutonium. Les forces de recherche que nous possédons en France doivent s'imbriquer davantage pour que les développements réalisés ne soient pas parcellaires mais de dimension nationale.
La Commission recommande enfin que les projets de NEEDS soient conçus pour que la communauté nationale se fédère autour d'objectifs majeurs de l'électronucléaire et que ces projets se fertilisent mutuellement.
M. Jean-Claude Duplessy. - Les ADS sont l'objet du programme européen MYRRHA, piloté par nos collègues belges, dont le prototype est en cours de développement. A l'inverse, un certain nombre de propositions du CNRS, concernant la filière thorium, ne reposent pas sur des études suffisamment abouties de leurs modalités de réalisation, s'agissant notamment des matériaux à mettre en oeuvre. Ce sont des bribes qui ne forment pas un tout cohérent.
Outre l'étude du stockage des déchets de haute et moyenne activité, la CNE2 a aussi pour mission d'étudier le stockage des déchets de faible activité à vie longue (FAVL). Ses enjeux vont vous être présentés par Robert Guillaumont.
M. Robert Guillaumont, membre de la CNE2. - La Commission a procédé à un état des lieux précis, décrivant tous les déchets FAVL réels ou potentiels, c'est-à-dire non encore déclarés. Elle a étudié les possibilités de stockage, soit sous couverture remaniée (SCR) à dix ou quinze mètres de profondeur, soit sous couverture intacte (SCI), soit, à la suite de traitements particuliers, au sein du centre de stockage Cigéo. L'ANDRA doit remettre un rapport à ce sujet en mai 2015.
Des incertitudes doivent être levées sur quatre points : l'inventaire, à ce jour encore assez flou, la qualification et la mise en place de procédés de reprise des déchets valorisables, la qualification et la mise en place de procédés de traitement des déchets permettant leur stockage sous couverture remaniée, et, enfin, l'inventaire des autres déchets FAVL nécessitant un stockage sous couverture intacte.
À ces questions vient s'ajouter, pour les producteurs de déchets, une incertitude sur les agréments. Les producteurs attendent des indications de l'ANDRA pour définir les modalités de conditionnement des déchets, tandis que l'ANDRA dit ne pouvoir avancer sur cette question que lorsqu'elle saura comment le stockage sera préparé. Il en résulte un blocage qui doit être levé.
Les déchets FAVL contiennent des radionucléides à vie longue. La Commission renouvelle sa recommandation tendant à ce que leur confinement soit maintenu durant toute la durée de leur nocivité, ce que doit démontrer une analyse de sûreté. Dans le cas d'un stockage sous couverture remaniée, par nature peu profond, le site doit être choisi en prenant en compte son érosion à très long terme. Des investigations géologiques ont commencé sur la communauté de communes de Soulaines pour étudier la possibilité d'y implanter un stockage à couverture remaniée (SCR). Le rapport fait état de la connaissance des argiles dans lesquelles pourrait être implanté le stockage.
La Commission recommande que l'ANDRA poursuive ses travaux de modélisation sur l'évolution des reliefs et de la topographie du secteur sur au cours des prochains 100 000 ans et porte une attention particulière à la conception de la couverture d'un stockage SCR.
M. Jean-Claude Duplessy. - Le problème des spécifications relatives aux colis se pose aussi pour les déchets MAVL. Il est urgent que les producteurs de déchets et l'ANDRA aboutissent à un consensus sur les modalités de fabrication des colis de déchets. Cela fait plusieurs années que nous attirons l'attention sur ce problème dont la résolution devient maintenant extrêmement urgente. Nous n'avons pas le sentiment d'être entendus par l'ANDRA sur ce point.
Frank Deconinck va maintenant vous présenter nos réflexions sur les aspects internationaux.
M. Frank Deconinck, membre de la CNE2. - La description du cadre international qui figure dans notre précédent rapport demeure valable. Le septième programme-cadre européen de recherche se termine, tandis que le huitième programme-cadre (Horizon 2020) démarre à peine. Peu d'éléments nouveaux sont apparus.
La Commission a donc centré son analyse internationale sur la question de la réversibilité. Des différences culturelles sont évidentes : la valeur donnée à ce concept n'est pas la même au Japon, aux États-Unis d'Amérique ou en Europe. On observe aussi des différences de cadre politique ainsi que des disparités de langage puisque les mots « réversibilité » ou « récupérabilité » n'existent pas dans toutes les langues, ou ne possèdent pas la même signification. Le travail précédemment évoqué, réalisé par l'OCDE, a visé à l'établissement d'un consensus.
Le choix d'un stockage dans le granite ou dans l'argile influence, par ailleurs, la conception que l'on se fait de la réversibilité. Ainsi, en Finlande et en Suède, il est prévu que les galeries de granite soient fermées dès que possible, pour des raisons techniques. Cela n'est pas nécessairement le cas pour des galeries creusées dans des argiles (France, Belgique, Suisse).
La Commission s'est par ailleurs intéressée à l'organisation et au financement de la gestion des déchets dans divers pays (Belgique, Finlande, France, Suède). Les taux d'actualisation retenus sont différents. En Finlande, ce taux pour les provisions est de 0 % ; dans d'autres pays, ce taux est de 4 % ou 4,5 %.
Ce panorama international est bref en raison de l'absence d'évolution des dossiers sur la courte période que couvre notre rapport.
M. Jean-Claude Duplessy. - Nous vous avons présenté l'essentiel des réflexions de la Commission au cours de ces huit derniers mois. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
M. Bruno Sido. - Je vous remercie pour ces explications approfondies.
M. Denis Baupin, député. - En préalable, je souhaiterais relever l'insuffisante diversité des personnes auditionnées par la CNE, ce qui limite son champ d'investigation aux seuls aspects scientifiques, alors que les impacts de ses préconisations sont également éthiques et démocratiques. Entendre également des interlocuteurs concernés par ces aspects enrichirait les travaux de la Commission.
Concernant la réversibilité-récupérabilité, pourriez-vous expliquer pourquoi le stockage serait plus sûr au niveau trois qu'au niveau deux ? Quels seraient les risques encourus si un alvéole restait ouvert jusqu'à la fermeture définitive du stockage ? Pouvez-vous justifier en quoi le souhait de ne rien imposer aux générations futures impliquerait de passer rapidement au niveau trois, alors qu'une telle décision conduit, au contraire, à leur imposer des coûts supplémentaires pour récupérer les déchets ?
M. Jean-Claude Duplessy. - Au niveau deux, les galeries et les alvéoles restent ouverts, ce qui oblige à mettre en oeuvre des systèmes supplémentaires pour assurer la sûreté du site. Ainsi, dans le centre américain de stockage des déchets radioactifs militaires et issus de la recherche, le Waste Isolation Pilot Plant (WIPP), situé au Nouveau-Mexique, un engin a récemment pris feu. Le conducteur n'a pu éteindre l'incendie et l'activation du système de ventilation pour évacuer les fumées a contribué à les disséminer, au lieu de les évacuer. De fait, l'exploitation de toute installation industrielle comporte des risques d'accidents significatifs. Dans ces conditions, il s'avère incontestablement plus sûr de fermer un alvéole. Celui-ci peut, le cas échéant, être rouvert simplement, en faisant sauter un bouchon constitué d'argile et de béton.
Qui plus est, l'analyse détaillée réalisée par Maurice Leroy sur les perspectives de réutilisation à des fins industrielles des déchets de moyenne activité à vie longue démontre qu'elles sont très limitées, en raison du volume réduit de ces déchets et de leur radioactivité, rédhibitoire en l'état actuel de la réglementation.
M. Emmanuel Ledoux. - Une autre partie de votre question portait sur les contraintes supplémentaires imposées par le passage au niveau trois, en regard de celles existant au niveau deux. Le niveau trois s'avère plus contraignant sur le plan des travaux à réaliser pour mettre en oeuvre la réversibilité. Néanmoins, il apparaît moins astreignant du point de vue du processus de décision et de l'exercice de la sûreté active. Dans l'exemple des déchets MAVL, si les alvéoles restent ouverts, il sera ainsi nécessaire de les ventiler, donc d'entretenir des dispositifs de ventilation, de surveillance, de filtration de l'air, etc.
M. Denis Baupin. - Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas favorables à la réversibilité.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président. - Je voudrais poser une question complémentaire sur ce sujet dont nous avons souvent eu à traiter au sein de l'Office. L'Autorité de sûreté nucléaire et la CNE2 ont clairement indiqué que la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, celle d'une dissémination des déchets radioactifs, est la plus dangereuse. L'accident de Fukushima l'a confirmé de façon très nette. Plus ces déchets seront éparpillés, moins la sécurité du public et des travailleurs sera facile à assurer. Un consensus scientifique existe sur ce point au plan international. Certes, à ce stade, un entreposage préalable décentralisé ne peut être évité, mais si aucune décision n'est prise, la situation actuelle perdurera au détriment de la sûreté.
Par ailleurs, je tiens à souligner que le choix des personnes auditionnées par la CNE2 correspond à sa vocation scientifique. La CNE2 nous donne l'état de la science ; c'est à nous qu'il revient de prendre en compte à la fois l'état de la science et celui de la société, par exemple en interrogeant les associations de défense de l'environnement.
Enfin, je partage l'avis de la CNE2 sur la nécessité de la réversibilité, même si la solution belge et française de stockage dans l'argile ne permettra pas, contrairement au stockage dans le granite pratiqué en Suède, de la préserver au-delà de cent ans. À votre avis, convient-il de préciser cette limite dans la loi à venir qui doit fixer une ligne et des objectifs à moyen terme ? Il me semble que ce serait nécessaire.
M. Christian Bataille, député, vice-président. - J'aurais, moi aussi, beaucoup de commentaires à faire, mais je veux me concentrer sur une seule question concernant Cigéo. Tout d'abord, je tiens à saluer le travail effectué, depuis plus de vingt ans, par les membres de la CNE2 et leurs prédécesseurs. La CNE a été créée par la loi de 1991 et renouvelée par celle de 2006. Tous les ans, vous nous présentez un rapport qui nous permet de disposer du recul nécessaire par rapport au sujet et de bénéficier d'une expertise sur les études réalisées par les scientifiques et techniciens.
Le stockage géologique profond, devenu depuis Cigéo, a été rigoureusement cadré par la loi de 2006. Aussi suis-je surpris que l'ANDRA s'autorise, sans revenir vers la représentation nationale, des facilités avec l'échéancier fixé par cette dernière. L'ANDRA n'a pas autorité pour fixer le calendrier de ses travaux. Il est heureux que la CNE2 puisse mettre ainsi en évidence les dérives d'un pouvoir technique qui, sinon, agirait sans frein et sans contrôle. Ici, nous exerçons justement le contrôle du Parlement, ce qui n'est pas courant en matière nucléaire.
M. Emmanuel Ledoux, vous avez été fort modéré dans votre intervention, à la fois à l'égard de l'ANDRA et de la Commission nationale du débat public, mais aussi de leur action. S'agissant de cette dernière, non seulement le débat public n'a pu se tenir normalement, mais il a dérivé vers une conférence de citoyens contraire à l'esprit de la loi.
Aujourd'hui, l'ANDRA s'éloigne du calendrier, en sous-entendant que ce serait pour des raisons politiques. Pourtant, je n'ai relevé aucune instruction politique particulière enjoignant à l'ANDRA de freiner son calendrier de travail. A contrario, je m'interroge sur la capacité de l'ANDRA à conduire ce projet à son terme. Alors que nous avons dépensé un milliard d'euros pour le laboratoire de Bure, l'ANDRA nous dit qu'il lui faut encore du temps. En tant que parlementaires, nous avons mission de contrôler l'utilisation des deniers publics. Un milliard d'euros doit suffire pour passer à la phase de réalisation. Je parle en connaissance de cause, puisque j'ai été désigné par l'Office au conseil d'administration de l'ANDRA. Vraiment, je m'interroge sur la gouvernance de l'ANDRA et sa capacité à conduire ce projet. L'ANDRA a décidé de sous-traiter à Technip une partie du suivi de ce projet. Je ne doute pas des capacités de Technip, mais en ce cas, à quoi sert l'ANDRA ? Quoi qu'il en soit, nous n'avançons pas à la cadence prévue par loi. Il est très facile pour un organisme comme l'ANDRA de se contenter d'exister au travers du laboratoire et de ses recherches, sans le stockage géologique profond. Tant que les recherches continuent, les départements bénéficient de subventions, ensuite ce sera un autre régime. Avez-vous l'impression que ce projet est conduit avec fermeté ? Pour ma part, j'ai le sentiment d'un cafouillage et d'un tâtonnement. Aussi, je vous demande de nous en dire un petit peu plus que vous ne l'avez fait au travers de vos propos très nuancés.
M. Bruno Sido. - Je partage ce sentiment et serais même un peu plus sévère. Si le projet de stockage est reporté de trois ans, l'essentiel des recherches étant achevé, il faut aussi fermer le laboratoire pour la même durée. Même en l'absence de travaux, il coûte de l'argent et c'est celui de l'État. Cette situation découle surtout d'un manque de courage politique. Les choses ne peuvent durer ainsi. Il faut aller de l'avant. Et je ne peux que demander au Gouvernement de prévoir, dans la loi sur la transition énergétique, un chapitre consacré à Cigéo, afin que ce projet puisse avancer.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Compte tenu de ce premier retard, pensez-vous que d'autres sont à craindre à l'avenir et, dans l'affirmative, de quelle ampleur ? Un autre sujet mis en avant par la Commission sur les coûts du nucléaire, dont Denis Baupin est le rapporteur, concerne la dérive de l'estimation du coût de ce projet, passé de 14 à 28 milliards d'euros. Puisque vous avez fait des comparaisons avec l'étranger, jugez-vous, en regard d'autres projets de stockage, cette somme très élevée ou au contraire dans la moyenne ?
M. Jean-Claude Duplessy. - Je voudrais d'abord revenir à la question de M. Denis Baupin sur la réversibilité pour confirmer que nous y sommes favorables. La réversibilité doit être prise en compte, ainsi que je l'explique fréquemment à nos collègues étrangers.
Concernant Cigéo, je partage une partie de votre analyse. Depuis 2011, ce projet n'avance plus au même rythme qu'avant. Malheureusement, ce ralentissement coïncide avec la présentation tardive par les producteurs de leur projet alternatif, dénommé STI. À l'époque, j'avais été obligé d'en appeler au président de l'Office parlementaire pour obtenir des précisions sur ce projet mirifique, discuté en secret - tout cela s'est produit dans des conditions assez obscures - et sur lequel la CNE2 n'avait aucune information.
Lorsque nous avons pu voir ce projet, il est apparu qu'il comportait un certain nombre de défauts majeurs, d'une part, parce qu'il n'essayait pas d'aller aussi loin que possible dans la qualité - conformément au célèbre principe ALARA (en anglais, As Low As Reasonably Achievable), d'autre part, parce qu'il comportait des options techniques incompatibles avec la sécurité des travailleurs. Les sapeurs-pompiers, au vu du schéma proposé, nous ont indiqué qu'ils refuseraient de descendre en cas d'incendie dans une telle installation. Je ne voudrais pas me faire l'avocat de l'ANDRA, mais force est de constater que, à partir du moment où ont commencé ces sempiternelles discussions avec les producteurs sur les économies à réaliser, nous nous sommes éloignés de la démarche cohérente qui avait prévalue dans les années 2005-2010.
S'agissant de la comparaison avec l'étranger, je vais laisser la parole à Emmanuel Ledoux. En termes de délais, notre collègue Claes Thegerström nous a précisé que les Suédois, eux aussi, ont pris quelques années de retard, sans que cela soit considéré comme dramatique.
M. Emmanuel Ledoux. - Les Suédois sont tout de même plus avancés que nous, du moins sur le plan administratif, puisqu'ils ont déposé leur demande d'autorisation de création. Nous n'avons toutefois pas eu l'occasion d'évaluer le contenu de cette dernière en termes de preuves scientifiques. S'agissant de Cigéo, nous restons en attente d'une description précise, permettant à la Commission de s'exprimer d'un point de vue scientifique. Jusqu'à présent, nous avons évalué, pour l'essentiel, une démarche de recherche scientifique. Il resterait à démontrer la faisabilité d'un stockage permettant d'assurer, dans un système réversible, la sécurité des travailleurs et la sûreté à long terme des populations.
Actuellement, nous ne disposons pas d'un descriptif de Cigéo faisant apparaître comment il sera creusé, exploité et de quelle façon la physico-chimie va évoluer sur le site. Par exemple, lors d'une de nos dernières auditions, l'ANDRA a présenté la partie du stockage destinée aux déchets MAVL. Nous nous attendions à ce que l'ANDRA nous communique des éléments sur le schéma du stockage, les modalités de creusement et l'échéancier. Au contraire, l'ANDRA nous a fait part de ses hésitations sur la façon de procéder, sur le cadencement des opérations de creusement de la boucle de distribution des alvéoles, sur l'utilisation d'un tunnelier, inadapté aux angles droits, ou d'une machine à attaque ponctuelle, tous choix hautement structurants. Au final, alors que nous en étions restés à l'idée d'un dépôt de la demande d'autorisation à la fin de l'année 2015, tel que prévu par la loi, l'ANDRA nous a informés que celui-ci n'interviendrait qu'en 2017, conformément aux recommandations du débat public. À l'heure actuelle, nous ne disposons toujours pas d'éléments tangibles sur lesquels fonder un avis.
M. Christian Bataille. - Je suis comblé par votre réponse.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Cela signifie-t-il, Monsieur le président, qu'au final c'est le projet défendu par les industriels d'un entreposage en sub-surface, dans des conditions mal définies, qui a retardé Cigéo ? Si ce projet a été retenu comme « plan B » dans le rapport évoqué, cela signifierait que la commission d'enquête a été instrumentalisée par les exploitants.
M. Denis Baupin. - La commission d'enquête n'a rendu son rapport que ce matin. Dans ses recommandations, elle préconise en effet le maintien d'une voie de recherche sur l'entreposage à long terme en sub-surface. Christian Bataille avait d'ailleurs indiqué, à l'occasion de cette présentation, qu'il aurait voté en faveur des seules recommandations. Ce plan ne nous a pas du tout été suggéré par les industriels, ainsi que chacun peut le vérifier en écoutant nos auditions, toutes rendues publiques. Au contraire, ils nous ont toujours expliqué que Cigéo leur convenait. Par contre, avec François Brottes, nous estimons qu'il n'est pas certain que nous parvenions à réaliser Cigéo, d'où la nécessité d'un « plan B ». Il s'agit du point de vue de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale que je me fais fort de défendre lors de l'examen du projet de loi. En caricaturant quelque peu, vous dites vous-mêmes que nous ne savons ni comment fonctionnera Cigéo, ni combien il coûtera. Qui plus est, lorsque j'ai demandé à Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'ANDRA, à l'occasion de son audition par la commission d'enquête, si le projet Cigéo était mûr, elle a répondu par la négative. C'est ce que dit l'ANDRA au jour d'aujourd'hui.
M. Bruno Sido. - Comme le disait tout à l'heure Christian Bataille, en l'absence de volonté politique, l'ANDRA ne sera jamais prête.
M. Christian Bataille. - Ce n'est pas le choix du stockage géologique qui est en cause, mais la capacité de l'ANDRA à avancer.
M. Denis Baupin. - Je n'étais pas parlementaire lorsque l'ANDRA a été créée, aussi je ne la défends pas, ni ne me sens responsable de cette prise de position. Je note que vous êtes bien plus sévère que moi à son égard.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Comme Christian Bataille, j'ai vécu toute l'histoire de la gestion des déchets radioactifs depuis vingt-cinq ans. À l'époque du gouvernement Rocard, j'ai demandé qu'un entreposage soit construit sur le site de Marcoule. Mme Elisabeth Guigou, ainsi qu'un certain nombre d'écologistes, s'y sont opposés, tirant prétexte de la proximité des vignes du Chusclan. Dire aujourd'hui, alors qu'une autre voie a été choisie, qu'il faut revenir à cette solution, cela revient à essayer de faire capoter le stockage et, ce faisant, de décrédibiliser la filière nucléaire.
M. Denis Baupin. - Si je comprends bien, ce n'est pas pour des raisons techniques mais politiques que le stockage serait abandonné. Pourtant, pour les déchets de faible activité à vie longue diffusant des radionucléides durant cent mille ans, vous proposez des modalités de gestion plus proches de l'entreposage en sub-surface que du stockage géologique. Dès lors, pourquoi faudrait-il s'astreindre à stocker les déchets de haute et moyenne activité à vie longue en grande profondeur ? Je conçois que le niveau de dangerosité n'est pas le même, néanmoins, à partir du moment où il faut absolument éviter que les radionucléides n'arrivent en surface, il faut un niveau de sécurité équivalent. De ce fait, il me semble qu'une contradiction existe dans ce que vous proposez.
M. Jean-Claude Duplessy. - Il existe une différence majeure entre les déchets FAVL et MAVL. Ce que nous disons, c'est que pour les déchets FAVL il faut une installation telle que la diffusion inéluctable des radionucléides conduise à des rejets à l'exutoire négligeables. Pour y parvenir, les précautions à prendre s'agissant des déchets de haute ou moyenne activité sont beaucoup plus importantes que pour ceux de faible activité.
M. Denis Baupin. - Il s'agit donc non d'un problème de risque social, comme vous l'aviez indiqué, mais au contraire d'un risque technologique.
M. Jean-Claude Duplessy. - Nous intégrons ce qui nous a été dit, par exemple lorsque nous rencontrons les Commissions locales d'information et de surveillance (CLIS). Mais ici nous regardons les problèmes au plan de la science et de la technologie.
M. Denis Baupin. - Vous avez pourtant évoqué l'aléa social.
M. Jean-Claude Duplessy. - Effectivement, nous ne pouvons toutefois nous satisfaire d'une solution qui ferait peut-être plaisir à certains groupes, mais aurait pour conséquence que nos enfants ou petits-enfants pourraient être soumis à des pollutions significatives.
M. Denis Baupin. - C'est vrai également pour les déchets FAVL.
M. Jean-Claude Duplessy. - C'est vrai pour tous les déchets. Néanmoins, les précautions à prendre pour les déchets FAVL ne sont pas du même niveau que pour les déchets MAVL. Par exemple, le coefficient de diffusion dans l'argile compacte du Callovo-oxfordien de Bure à 500 mètres de profondeur est mille fois plus petit que dans une argile en surface. Ce qui est acceptable pour des déchets FAVL ne l'est pas pour des MAVL.
M. Denis Baupin. - Vous avez quand même précisé que faute d'autre solution, il conviendrait de stocker les déchets FAVL dans Cigéo.
M. Jean-Claude Duplessy. - Notre recommandation est qu'il convient de réexaminer quels déchets pourraient être stockés, avec le niveau de sûreté requis, sous couverture remaniée. À partir des données communiquées à l'époque par EDF - lesquelles sont en cours de révision, notamment pour la concentration en chlore 36, nous avions estimé que ces déchets devaient être stockés, non sous couverture remaniée, mais sous couverture intacte d'une épaisseur d'au moins 50 mètres d'argile, afin de ralentir la diffusion des radionucléides. À présent, EDF affirme, d'une part, que ces données doivent être précisées et, d'autre part, que des processus de décontamination sont envisageables lorsque les concentrations en chlore 36 sont trop importantes. Nous examinerons ces nouveaux éléments lorsqu'ils nous seront communiqués. Si la radioactivité peut véritablement être concentrée dans quelques mètres cubes de résine, celle-ci deviendrait un déchet de moyenne activité, en théorie recevable dans Cigéo. Pour l'instant, nous ne pouvons nous prononcer, faute d'avoir vu le rapport qui doit nous être fourni en 2015.
Je voudrais ajouter un mot sur l'entreposage de longue durée. La première CNE avait évalué cette solution sur la base des études réalisées dans le cadre de la loi de 1991. Elle avait conclu qu'elle ne pouvait la recommander, en raison des nombreuses difficultés qu'elle poserait dans le futur. Si de nouvelles études sont menées sur ce sujet, nous les examinerons avec intérêt. Pour l'instant, compte tenu des études réalisées à la suite des lois de 1991 et 2006, l'entreposage apparaît dangereux, les déchets étant mis dans un contexte dans lequel la sûreté à long terme des déchets et le support opérationnel de la société ne peuvent être garantis.
M. Pierre Demeulenaere. - Pour revenir sur la notion de réversibilité, la Commission n'y est nullement hostile, bien au contraire elle essaye de préciser sa signification et de la traiter de manière opérationnelle. En réalité, la réversibilité est un processus de décision consistant à poursuivre dans une direction ou à revenir en arrière. Ce processus doit prendre en considération plusieurs facteurs : les objectifs sociaux qui sont principalement ceux de la sûreté, le comportement des déchets qui ont une évolution différente en surface et en sous-sol, mais aussi les coûts envisagés, etc. À chaque étape, les décideurs, notamment le législateur, prennent des décisions en fonction de ces différentes variables. L'idée du stockage en profondeur réversible, c'est de ne pas laisser aux générations futures la lourde responsabilité de gérer un entreposage en surface et, en même temps, de veiller à ne pas faire un stockage qui techniquement empêcherait la récupérabilité. À présent, vous nous expliquez que ce principe ne fonctionne pas, puisqu'en fermant les alvéoles, les coûts de retrait deviennent supérieurs à ce qu'ils auraient été en les laissant ouvertes. Mais dans votre raisonnement, vous présupposez que les colis devront être retirés. Or, la loi prévoit non que les colis devront être retirés, mais qu'il doit être possible de le faire en cas de problème.
M. Christian Bataille. - Le retrait pourrait aussi s'avérer souhaitable si des avancées scientifiques permettent un jour de retraiter ces déchets.
M. Pierre Demeulenaere. - Néanmoins, le retrait n'est pas impératif, sinon les déchets ne seraient pas enterrés. Par ailleurs, comme indiqué dans le rapport, nous n'anticipons pas que ces déchets puissent devenir intéressants à retirer en vue de leur réutilisation. Quant à l'aléa social, puisque le président a bien voulu me créditer de cette idée, il est réel. L'entreposage en surface ou le stockage au niveau deux exigent une maintenance sociale considérable, soumise à des risques substantiels, soit d'accidents simples, liés à l'interaction entre les hommes et les déchets, soit de problèmes plus généraux, dont j'espère qu'ils ne surviendront pas dans notre pays. Ces solutions présentent donc des risques réels, impossibles à écarter, alors que ceux associés au stockage géologique profond restent relativement limités.
M. Jean-Claude Duplessy. - Je voudrais ajouter quelques mots. Si la société décidait, pour une raison ou une autre, d'aller récupérer ces déchets, cela signifierait qu'elle dispose d'un potentiel industriel et technologique tel que l'ouverture d'un bouchon d'argile lui apparaîtrait trivial. Retirer un système de fermeture constitué d'un bouchon d'argile et d'un peu de béton ne pose, en effet, qu'une difficulté minime sur le plan technologique. Cette opération serait à la portée de n'importe quel industriel compétent et son coût serait négligeable, en regard de celui des mesures nécessaires pour manipuler les déchets, les remonter à la surface et, le cas échéant, les réutiliser. A l'inverse, en termes de responsabilité vis-à-vis des générations futures, si celles-ci ne disposent pas des compétences nécessaires pour retirer un bouchon d'argile et de béton, il est sans aucun doute préférable, en termes de sûreté et de sécurité, qu'elles ne puissent accéder au déchet.
M. Denis Baupin. - Tout cela me conforte dans l'idée que vous n'êtes pas partisans de la récupérabilité, même si vous en étudiez les conditions. J'ai deux autres questions à poser. Concernant les émissions d'hydrogène, j'ai bien compris qu'en phase industrielle les systèmes de ventilation permettaient d'évacuer ce gaz, mais une fois un alvéole ou l'ensemble du site fermés, que devient-il ? Par ailleurs, disposez-vous d'une évaluation du prix du kilowatt-heure pour les réacteurs de quatrième génération ?
M. Emmanuel Ledoux. - Pour l'hydrogène il existe bien deux questions distinctes, suivant le niveau de réversibilité atteint par le stockage. Les colis peuvent dégager de l'hydrogène par radiolyse ou corrosion anoxique. En période d'exploitation d'un alvéole ou du stockage, c'est la ventilation qui assure son évacuation, du moins pour les déchets MAVL. Les études réalisées par l'ANDRA sur ce sujet ont permis d'obtenir des preuves convaincantes de l'absence de danger de l'atmosphère dans différents cas de dysfonctionnements, par exemple un arrêt prolongé de la ventilation suite à une coupure de courant, etc. Une fois les alvéoles fermés, le dégagement d'hydrogène se poursuit. L'ANDRA a montré, dans le cadre du dossier 2005, que la roche du Callovo-oxfordien, dont les pores sont occupés par de l'air et de l'eau au moment de la fermeture des alvéoles, en raison de la dessiccation, est à même d'absorber cet hydrogène par dissolution dans l'eau de la formation rocheuse et par circulation dans l'espace poral. Néanmoins, nous avons à nouveau posé cette question dans notre rapport.
M. Denis Baupin. - Si la roche n'était pas capable d'absorber l'hydrogène au fur et à mesure de sa création, existe-t-il des risques d'explosion après un certain temps ?
M. Emmanuel Ledoux. - Dans ce cas de figure, l'explosion par mise en pression des alvéoles serait possible et fracturerait l'argile.
M. Jean-Claude Duplessy. - Pour autant, elle ne le fracturerait pas sur cent mètres. Mais nous avons justement demandé une étude plus précise à l'ANDRA, en dépit des assurances qu'elle nous a déjà données. Je connais le problème de l'hydrogène pour l'avoir manipulé. C'est un élément qui se diffuse à une vitesse dramatique. La réponse de l'ANDRA devrait nécessiter une année d'étude.
En ce qui concerne les questions sur les scénarios et le prix du kilowatt-heure, Maurice Leroy serait le mieux à même d'y répondre.
M. Maurice Leroy. - Je ne suis pas qualifié pour donner un prix. Je voudrais vous rappeler la raison pour laquelle les réacteurs à neutrons rapides sont développés. En 2030, nous disposerons de plutonium et de 450 000 tonnes d'uranium appauvri. La Commission s'est attachée à examiner dans quelle mesure les recherches et études réalisées permettront de déterminer si ces matières pourront être réutilisées. Nous n'avons pas de raison de croire a priori que ce ne sera pas possible, compte tenu des expériences réalisées en ce domaine, notamment sur les réacteurs russes actuellement en exploitation. Tout doit être mis en oeuvre pour permettre au Parlement de décider si cette machine pourra fonctionner de façon fiable ou, au contraire, constitue une utopie. À cette fin, il faut mener l'expérience à son terme. Quant au prix, il sera connu vers 2060-2070.
M. Denis Baupin. - Je m'étonne de votre réponse, M. Bernard Bigot m'ayant affirmé sous serment, en audition de la commission d'enquête, que ce coût serait de 10 % à 15 % supérieur à celui du kilowatt-heure pour les réacteurs de troisième génération.
M. Maurice Leroy. - Je pense que M. Bernard Bigot est plus qualifié que moi pour faire cette évaluation.
M. Denis Baupin. - En tout cas, il ne nous a pas expliqué les bases de son calcul.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Vous avez évoqué l'incendie survenu récemment au WIPP. Après cet incident, estimez-vous toujours qu'il convient d'envisager le stockage des déchets bitumés dans Cigéo ?
Concernant les réacteurs de quatrième génération, vous soulignez que le financement ne sera plus forcément disponible après 2016. Disposez-vous d'une estimation du financement qui serait nécessaire pour achever la construction de ce démonstrateur ? Afin de réduire ce coût, ne serait-il pas souhaitable de partager au niveau mondial ce développement, comme pour le projet MYRRHA en Belgique ? N'en va-t-il a fortiori de même pour les recherches relatives à la filière thorium ? Vous soulignez l'absence de prise en compte de la transmutation des actinides mineurs dans les scénarios de déploiement des réacteurs à neutrons rapides. Avez-vous le sentiment que pour le CEA, Areva et EDF, cet objectif est passé au second plan ? Comment expliquez-vous ce relatif désintérêt ? Au-delà de la réduction des émissions calorifiques qui permettrait une réduction de l'emprise du stockage, la transmutation des actinides permet-elle réellement de réduire la durée de vie de ces éléments, et si oui, de quel facteur ?
M. Jean-Claude Duplessy. - En ce qui concerne les bitumes, nous avons demandé au CEA de procéder à une expérimentation en grandeur réelle, afin de vérifier s'il serait possible de les enflammer à une température très élevée, dans le cas d'un incendie majeur survenant à proximité immédiate, par exemple un engin doté d'un moteur thermique prenant feu. Le CEA doit donner les résultats fin 2014 et, sur cette base, nous formulerons un avis fin 2015.
Je voudrais revenir sur Cigéo. L'une des variantes proposées par l'ANDRA comporte un circuit réduit pour les déchets MAVL. Nous avons indiqué que nous sommes rigoureusement opposés à cette suggestion, parce que, outre le fait qu'elle posera des problèmes plus tard, seul un grand circuit couvrant la totalité de la zone des déchets MAVL permettra de confirmer les résultats des reconnaissances géologiques réalisées par l'ANDRA.
M. Maurice Leroy. - Je vais, encore une fois, éluder la question du prix. Il revient au CEA d'y répondre. L'ADS, comme le confirmera Frank Deconinck, est un projet européen, piloté par la Belgique, auquel la France participe au travers du CNRS et du CEA. Un ADS n'étant pas un outil électrogène, il n'est pas comparable aux réacteurs à neutrons rapides. Quant à la répartition internationale de l'effort de développement, j'ai participé aux États-Unis d'Amérique à une réunion du forum Génération IV. À la fin de cette réunion, la responsabilité du développement de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium a été confiée à la France qui est l'un des chefs de file dans ce domaine. Récemment, un accord de coopération a été signé avec le Japon et d'autres avec les Russes pour certains développements d'Astrid. Mais les innovations engagées en France donnent lieu à des brevets et, plus tard, à une exportation de technologie. Cette technologie permet, d'une part l'utilisation des ressources existantes sur le sol national et, d'autre part, un éventuel déploiement à l'étranger. À travers les informations qui lui ont été récemment communiquées, la Commission estime que le développement d'Astrid se fait, autant que faire ce peu, dans un contexte international.
Pour les réacteurs à neutrons rapides à caloporteur gaz la situation n'est pas équivalente, le CEA participant à ces recherches sans s'y investir de façon majeure, dans la mesure où il doit déjà développer Astrid. Ensuite vous avez évoqué le fait que la transmutation ne doit pas complètement être mise de côté. Évidemment, EDF ne considère pas qu'il s'agit d'une priorité. Manier de l'américium et du curium est en effet extrêmement compliqué et demande de mettre beaucoup de choses en place du point de vue de la radioprotection. C'est néanmoins réalisable. J'ai ainsi travaillé trois ans à l'institut des transuraniens à Karlsruhe, où nous disposions d'un laboratoire permettant de manier 50 grammes d'américium. Par contre, EDF ou Areva, en tant qu'acteurs économiques, ont tendance à repousser cette possibilité. Ce que la Commission dit, c'est qu'il ne faudrait pas qu'elle soit complètement abandonnée, dans la mesure où, le jour où nous disposerons d'Astrid, il faudra être à même de réaliser les manipulations nécessaires, ce qui suppose de garder un certain nombre d'experts, en développant la recherche.
M. Bruno Sido. - Pourriez-vous nous indiquer - même si je connais la réponse - si la transmutation concerne les déchets produits par le parc actuel ?
M. Maurice Leroy. - Non, elle ne concerne absolument pas les déchets de haute activité à vie longue produits par le parc actuel. Il n'est pas question de revenir sur la vitrification qui les a transformés en déchets ultimes. Il était important de le préciser, en regard des remarques de M. Denis Baupin. Aujourd'hui, la vitrification est ce que nous savons faire de mieux en termes d'isolement et de neutralisation des déchets.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Le programme NEEDS que vous avez mentionné induit-il un risque de dispersion de moyens de recherche déjà relativement limités, compte tenu du rôle dévolu au CEA dans le domaine de la recherche sur l'énergie atomique ? Lorsque nous avons posé cette question à l'occasion d'un dîner avec les directeurs du CNRS, nous avons constaté que ce dernier se positionnait également sur ce champ, au moment même où des alliances sont constituées pour coordonner les recherches entre différents organismes.
M. Maurice Leroy. - Je suis un peu gêné pour vous répondre. J'ai fait une partie de ma carrière en tant que professeur à l'université de Strasbourg et j'ai dirigé un laboratoire du CNRS pendant vingt ans. Par la suite, j'ai travaillé au CEA, au cabinet du Haut-commissaire. La Commission est attachée à ce que le CNRS ne se trouve pas complètement bridé dans sa créativité. Il existe incontestablement un risque de dispersion. Néanmoins, à la différence de la direction des Activités nucléaire du CEA, l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) n'a pas vocation à fabriquer des objets, mais à trouver des voies alternatives, sans se restreindre à ce qui n'entre pas dans les grandes orientations nationales. Ainsi que le président l'a rappelé, s'intéresser aux matériaux permet de coopérer, les réacteurs à sels fondus et ceux refroidis au sodium ayant tous des exigences extrêmement élevées dans ce domaine. Nous pensons également que ces chercheurs devraient discuter des problématiques susceptibles d'être mises en commun, ce qui ne semble pas avoir été fait jusqu'à présent.
M. Robert Guillaumont. - Je tenais à souligner que les difficultés de financement rencontrées par le CEA ne portent pas sur la construction du futur réacteur, mais sur l'achèvement des études sur l'avant-projet, entre 2016 et 2019. C'est à cette dernière date qu'une décision devra être prise sur la construction d'Astrid.
M. Bruno Sido. - Je vous remercie de cette présentation que nous avons écoutée avec beaucoup d'attention. Il est clair que le projet de stockage n'avance plus au même rythme depuis quelques années, aussi convient-il de lui donner une nouvelle impulsion au travers de la loi.