- Mercredi 2 avril 2014
- Audition de Mme Hélène Paris, secrétaire générale du Conseil d'analyse économique (CAE) et de M. Pierre Cahuc, économiste membre du CAE
- Audition de M. Mark Keese, chef de la division de l'analyse et des politiques de l'emploi, Mme Pia Rattenhuber, statisticienne à la division des politiques sociales, M. Hervé Boulhol, économiste de la division des politiques sociales et Mme Gwenn Parent, économiste sur les politiques sur les travailleurs licenciés à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
Mercredi 2 avril 2014
- Présidence de M. Charles Guené, président. -Audition de Mme Hélène Paris, secrétaire générale du Conseil d'analyse économique (CAE) et de M. Pierre Cahuc, économiste membre du CAE
La séance est ouverte à 15 h 30.
M. Charles Guené, président. - Nous avons choisi de débuter les travaux de notre mission commune d'information sur la réalité de l'impact sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, que nous devons à l'initiative du groupe CRC, par une introduction générale, et je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Le Conseil d'analyse économique, placé auprès du Premier ministre, et composé d'économistes, d'universitaires et de chercheurs, réalise des analyses économiques indépendantes, qui sont rendues publiques. M. Pierre Cahuc, spécialiste du marché du travail, est l'auteur de nombreux ouvrages sur le sujet qui nous occupe.
Sur quel raisonnement économique reposent les politiques d'allègement de cotisations sociales ? Nous aimerions vous voir rappeler ces fondements économiques, savoir sur quels outils et quels indicateurs se fondent vos analyses et quelle mesure ils donnent des effets sur l'emploi de ces politiques.
Avec l'annonce par le Président de la République du pacte de responsabilité, dont les contours devraient être prochainement précisés, il semble que la politique d'allègement est appelée à s'accentuer. De là un débat sur la question de son ciblage. Convient-il de concentrer ces allègements sur les bas salaires ou de mener une politique plus générale de renforcement de la compétitivité de nos entreprises, alliant action sur le coût du travail et politique fiscale.
Mme Hélène Paris, secrétaire générale du Conseil d'analyse économique. - Je rappellerai, dans une introduction générale, le raisonnement économique qui fonde les dispositifs d'exonération et d'allègement de cotisations sociales avant de laisser la parole à Pierre Cahuc.
Sur ce sujet, la réflexion a débuté au début des années 1990, sur le fondement d'un double constat. Celui, tout d'abord, d'une détérioration de la situation du marché du travail, pour les emplois les moins qualifiés en particulier, avec un chômage important et une situation chronique de sous-emploi. Celui, ensuite, d'une réduction de l'écart, en matière de coût du travail, entre le Smic et le salaire moyen, ainsi que le pointait le rapport Charpin de 1992, qui relevait que la France n'était pas tant handicapée, à l'époque, par le coût moyen du travail que par la réduction de cet écart, tandis que parallèlement, se développait un chômage des moins qualifiés sans rapport avec la courbe de leur productivité, d'où un vrai problème sur le marché du travail, d'autant que le développement technologique allait dans le sens d'une demande croissante d'emplois qualifiés. D'où la recherche de moyens pour alléger le coût du travail.
La première phase des politiques d'allègement, jusqu'en 1998, fut offensive, et ciblée autour du Smic, avec un seuil de sortie à 1,2 ou 1,3 Smic. Ce furent les exonérations Balladur puis Juppé. Vint ensuite une phase défensive, entre 1998 et 2002, qui vit le champ des allègements étendu aux entreprises qui réduisaient le temps de travail. Il s'agissait de compenser l'impact de cette réduction sur le coût du travail. Les exonérations Aubry relevaient donc le seuil de sortie à 1,6 ou 1,7 Smic. Puis vinrent, dans la période 2003-2005, les exonérations Fillon, qui poursuivaient cette phase défensive en tentant de neutraliser l'impact de la convergence vers le haut du Smic. Depuis 2007, la réduction a été de 26 points de cotisations sociales pour les entreprises de plus de vingt salariés, avec un seuil de sortie à 1,6 Smic, qui représente un engagement budgétaire important, de plus de 20 milliards d'euros, soit l'équivalent d'un point de PIB. En 2013 est venu s'y surajouter le crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice), avec un ciblage différent, le seuil de sortie étant porté à 2,5 Smic, pour un coût estimé à 20 milliards après montée en charge.
Quel est l'effet de ces allègements sur le rapport entre Smic et salaire médian ? Jusqu'au début des années 1990, la courbe du salaire net et celle du coût du travail coïncidaient. A partir des allègements de charge, le coût du travail évolue moins vite que le niveau du Smic. L'effet des allègements est donc indéniable. Leur objectif macroéconomique premier est d'enrichir la croissance en emplois, ce qui n'est possible que sous réserve qu'ils ne se traduisent pas par une hausse des salaires. Au niveau microéconomique, celui des entreprises, trois mécanismes sont à l'oeuvre. Un effet de substitution, tout d'abord, sachant que la baisse du coût d'un facteur de production par rapport à d'autres peut conduire les entreprises à se réorganiser et, au cas présent, à favoriser l'emploi moins qualifié. Un effet volume, ensuite, la baisse du coût du travail pouvant être utilisée par les entreprises pour baisser leurs prix de vente et stimuler leur production, avec un impact positif sur l'emploi en général. Un effet profitabilité, enfin, l'entreprise tirant profit de la baisse du coût du travail pour accroître ses marges sans modifier ses prix de vente, afin de restaurer une situation financière dégradée ou d'augmenter l'investissement.
Se pose, bien évidemment, le problème du ciblage des allègements, autour de trois grandes questions. Première question, l'effet sur la demande de travail. Les allègements agissent-ils de la même façon selon le type d'emploi ? Sur ce point, les études économiques convergent : tout dépend de l'élasticité de la demande de travail au salaire, variable selon le niveau de qualification, donc le niveau de salaire. De nombreux travaux ont mis en avant le fait que l'élasticité diminue à mesure que l'on monte dans l'échelle des salaires. Quant à l'élasticité de l'offre de travail au salaire, elle varie également selon le degré de qualification des emplois. La deuxième question porte sur l'effet d'assiette. A budget donné, l'efficacité de la mesure est d'autant plus importante que l'effet est calibré sur une population réduite. Si l'on couvre une population plus large, l'effet est nécessairement plus diffus. La troisième question, enfin, concerne l'effet de trappe à bas salaire, illustré par le rapport Malinvaud de 1998, rendu au nom du Conseil d'analyse économique, qui se penche sur les effets indésirables potentiels des allègements de cotisations employeur : développement des carrières bridé, effets négatifs sur la productivité, notamment. Robert Malinvaud préconisait ainsi de veiller, pour s'en prémunir, à ne pas retenir un seuil de sortie trop large.
Les travaux visant à mesurer les effets des allègements de cotisations sociales sur l'emploi sont difficiles à conduire, en l'absence de population témoin, qui ne bénéficierait pas d'allègements. Il faut donc mobiliser une boîte à outils assez complexe. Deuxième difficulté, pour ce qui concerne la vague d'allègements intervenue à partir de 1998, l'objectif n'était pas seulement d'enrichir la croissance en emplois mais aussi de répondre aux effets de la réduction du temps de travail et à la convergence des Smic. Il est, de ce fait, plus difficile d'isoler les effets à l'oeuvre.
La plupart des travaux concluent, pour la phase précédant 1998, à une fourchette de 200 000 à 400 000 emplois sauvegardés ou créés. Je vous renvoie au rapport du Conseil d'analyse économique de 1997, établi par Pierre Cahuc. Avec la deuxième vague, après 1998, l'ordre de grandeur passe à 800 000 emplois créés ou sauvegardés. La largeur de la fourchette témoigne de la difficulté de l'exercice. De même qu'il est difficile d'évaluer le bouclage budgétaire total, qui doit pourtant être pris en compte dans l'effet global.
Les derniers travaux du Conseil d'analyse économique portent sur la dynamique salariale en temps de crise. Dans une note d'avril dernier, le Conseil relève que l'écart se creuse entre évolution de la productivité du travail et évolution des salaires. Depuis 2008, l'évolution de la productivité est atone, alors que les salaires continuent de progresser - de 0,8 % par an pour le salaire réel net. Ce phénomène joue en défaveur de l'emploi, en particulier peu qualifié. Nos recommandations vont à décloisonner les négociations sur les rémunérations, l'emploi et les conditions de travail, sachant que dans la dynamique de l'évolution salariale, la fixation du salaire minimum n'est qu'un élément, les conventions de branche jouant aussi un large rôle. Ce qui peut aller en défaveur de l'emploi, en particulier en période d'évolution très lente de la productivité et de basse inflation. Autre recommandation, adosser le financement de la protection sociale à une base fiscale, ce qui revient à intégrer les allègements de cotisations sociales dans le barème, en en faisant des dispositifs non plus dérogatoires mais de droit commun.
M. Pierre Cahuc, économiste, membre du CAE. - Je tiens tout d'abord à signaler, sachant que ce débat porte sur des dizaines de milliards, que je ne suis sujet à aucun conflit d'intérêts. Je travaille depuis vingt-cinq ans sur ces questions et m'exprime ici comme expert.
Le sujet des allègements de charges, tiré par les problèmes d'emploi dans un contexte de chômage élevé, est essentiel tant les enjeux en termes d'emploi sont importants. J'entends ici vous convaincre qu'il est crucial de cibler les allègements de charges sur les bas salaires. Nous sommes nombreux, parmi les économistes, à nous retrouver clairement sur ce point. J'en veux pour preuve l'article récemment paru dans Le Monde, signé par trente-cinq économistes du travail, tous experts académiques exempts de conflits d'intérêts.
En France, le salaire minimum est élevé. Il est vrai qu'il ne l'est jamais assez en termes de pouvoir d'achat, mais le fait est qu'il représente 48 % du salaire moyen, 62 % du salaire médian, soit un des niveaux les plus élevés au sein des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il est aussi élevé si on le compare au coût du travail. La France se classe en troisième position, derrière l'Australie et le Luxembourg, à égalité avec les Pays-Bas, position pour une grande part imputable au salaire minimum, avec des taux de cotisation réduits, sachant que le taux de cotisation est chez nous de l'ordre de 45 % du salaire brut. De surcroît, à la différence de ces autres pays, le salaire minimum est, en France, très homogène, quand il varie, ailleurs, selon l'âge - il est ainsi plus bas pour les jeunes en Australie et aux Pays-Bas - ou les secteurs, ce qui fausse un peu la comparaison brute. En termes de parité de pouvoir d'achat, la France se classe en haut de l'échelle, avec une tendance à l'augmentation du salaire minimum en parité de pouvoir d'achat : le pouvoir d'achat du salaire minimum horaire a été multiplié par 2,5 en dollars constants 2011, bien qu'il augmente à un rythme moindre depuis 2007. Quant au pourcentage de personnes au salaire minimum, il est 2,5 fois plus important en France qu'en Australie ou aux Pays Bas, 3,5 fois plus qu'en Australie si l'on ne considère que les jeunes.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Il faudrait aussi parler des femmes...
M. Pierre Cahuc. - Les femmes, les jeunes, les entrants sur le marché du travail, dont les immigrés, sont, en effet, davantage concernés. En Allemagne, où n'existait pas, jusqu'à présent, de salaire minimum, 60 % des jeunes ayant un diplôme inférieur ou égal au bac et qui ont un emploi ont un salaire inférieur au salaire minimum français. Le salaire minimum a donc, en France, un impact important.
Les politiques publiques ont connu des évolutions, notamment via la mise en oeuvre d'exonérations patronales ciblées sur les bas salaires. Les exonérations Fillon représentent ainsi un point de PIB. Depuis janvier 2014, le Cice, avec la réduction de 6 % sur la masse salariale brute en dessous de 2,5 Smic, représente également un point de PIB. Et 10 milliards supplémentaires, soit un demi point de PIB, sont en discussion. On en est donc à 2,5 points de PIB pour ces exonérations. Dans la période récente cependant, le coût du travail a continué d'évoluer, y compris au niveau des bas salaires, puisque les cotisations sociales ont augmenté de quatre points depuis 2008.
Ces allègements de charges contribuent-ils à créer des emplois ? Dans une étude conduite avec Stéphane Carcillo et Thomas Lebarbanchon, qu'une note de l'Institut Montaigne met en perspective avec d'autres études, nous avons pu évaluer cet effet au niveau des bas salaires. Le 4 décembre 2008, Nicolas Sarkozy annonçait que toute embauche jusqu'à 1,6 Smic dans les entreprises de moins de 10 salariés serait exonérée, avec une date limite au 31 décembre 2009. C'est le dispositif dit « zéro charges », qui réduisait le coût de travail de 12 % au niveau du Smic, avec un effet décroissant, s'annulant à 1,6 Smic. Cette mesure, ciblée, pour des raisons budgétaires, sur les petites entreprises avec l'idée qu'elles emploient davantage de salariés peu qualifiés, nous offrait le fameux groupe témoin dont nous manquions jusqu'alors. Le seuil d'éligibilité, fixé à une moyenne de 10 équivalents temps plein (ETP) entre janvier et novembre 2008, ne permettait pas aux entreprises, l'annonce étant faite le 4 décembre, de manipulations sur leur taille. Nous avons établi une comparaison, sur la période 2005-2009, entre les entreprises de 6 à 10 salariés, et celles de 10 à 14 salariés, sur la base des déclarations annuelles de données sociales et d'un fichier de Pôle emploi qui nous permettait de savoir quelles entreprises avaient été touchées, et pour quelles embauches.
Stéphane Carcillo, qui, comme membre du cabinet de Christine Lagarde, avait participé à la mise en oeuvre de cette mesure, savait que son annonce avait été une véritable surprise, le Président de la République ayant souhaité que le projet en reste secret. Cet effet de surprise est confirmé par les requêtes sur Google, qui enflent à partir de décembre 2008. Les entreprises n'ont donc pu ajuster leurs effectifs en amont, en retardant des embauches pour bénéficier d'une mesure connue d'avance. C'était pour nous la garantie que l'effet mesuré ne serait pas surévalué.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Vous voulez dire qu'il n'y a pas eu d'effet d'aubaine ?
M. Pierre Cahuc. - Il y a certes des entreprises qui auraient de toute façon embauché, mais il n'y a pas de biais, comme en témoigne l'effet de surprise sur Google. Nous avons également vérifié qu'aucune autre mesure réglementaire n'avait été prise qui aurait pu affecter différemment les entreprises de plus ou de moins de dix salariés.
La proportion des entreprises ayant eu recours au dispositif « zéro charges » n'a été, au maximum, que de 33 %. Outre que 40 % des entreprises ont embauché au-dessus de 1,6 Smic, d'autres ont fait le calcul que le gain serait pour elles très faible. Mais il y a aussi des entreprises qui auraient eu intérêt à s'emparer de cette mesure et ne l'ont pourtant pas fait. Quant au taux d'attention, soit la proportion d'embauches éligibles qui ont effectivement eu lieu, il ne dépasse pas 50 %. La faiblesse de ces taux n'est pas une spécificité : c'est le fait de toutes les politiques publiques, et l'on constate le même phénomène pour le RSA, par exemple. Ici, on observe que le taux de recours chute pour les entreprises comptant 8 ou 9 salariés. Sans doute parce qu'il était compliqué de calculer en ETP, et que beaucoup d'entreprises ont pu penser être au-delà du seuil. On observe également que 3 % d'entreprises ont bénéficié de la mesure alors qu'elles ne l'auraient pas dû - peut-être dû à des déclarations annuelles de données sociales mal remplies.
Si l'on observe le taux de croissance moyen de l'emploi dans les entreprises de 6 à 10 salariés et celles de 10 à 14 salariés, on constate à partir de 2009, une rupture de tendance : les courbes ne sont plus parallèles. On peut ainsi mesurer l'impact du « zéro charges » et constater qu'une baisse de 1 % du coût du travail accroît l'emploi de 2 % à un an - de novembre à novembre. L'effet est donc relativement fort ; néanmoins, ce chiffre est un minorant de l'effet sur l'emploi. Les salaires ont pu augmenter, or, l'effet est plus important quand tel n'est pas le cas. Cependant, s'agissant de très bas salaires, très influencés par le Smic, on peut considérer qu'ils n'ont pas augmenté. Il faut tenir compte, également, du délai d'ajustement. Il est assez rapide, en France, où les embauches se font à 90 % en CDD ; mais la subvention était temporaire, ce qui peut minorer l'effet de la mesure. Si l'on élimine, enfin, la petite proportion d'entreprises de plus de 10 salariés qui n'auraient pas dû bénéficier de la mesure, on constate un effet deux fois supérieur : dans la comparaison entre entreprises de 5 à 8 salariés et entreprises de 12 à 15 salariés, il n'est plus de 2 % mais de 3,5 %. L'effet, enfin, a été prompt : à partir d'avril, l'emploi s'ajuste rapidement.
On peut considérer que la mesure a créé quelque 30 000 emplois. Son budget, pour 2009, ayant été de 360 millions, le coût par emploi créé est de 12 000 euros. On objectera que c'est assez cher, mais il s'agit d'un coût brut. Lorsque quelqu'un retrouve un emploi, cela a un effet, qu'il faut prendre en compte, sur les finances publiques : moins d'allocations chômage ou de revenu minimum, moins d'allocation logement - et des rentrées de cotisations sociales salariés. Bercy l'a estimé à 1 000 euros par mois, ce qui signifie que le coût net de la mesure est nul.
Sachant que l'effet que nous avons constaté, à deux points, est plus élevé que d'habitude, on peut se demander si ce résultat est crédible, et si l'entrée en récession n'a pas pu, à l'époque, avoir un impact différent selon la taille des entreprises. Nous avons donc comparé l'évolution de deux autres cohortes au moment de l'entrée en crise, les entreprises de 12 à 16 salariés et celles de 16 à 20 salariés, pour vérifier si l'on n'observait pas une même rupture de tendance en 2009. Or, tel n'est pas le cas : les courbes restent parallèles. Même chose si l'on compare les entreprises de 1 à 4 salariés à celles de 4 à 7 salariés.
Nous avons également étudié l'effet, au sein des entreprises de moins de 10 salariés, sur l'emploi subventionné et non subventionné : plus on est en dessous de 1,6 Smic, plus l'impact doit être fort. Or, c'est bien ce que l'on constate : un fort effet sur les plus bas salaires, et rien au-dessus de 1,6 Smic. Pour toutes ces raisons, nous pensons que l'entrée en récession et la taille des entreprises n'affecte pas nos résultats.
Doit-on considérer que ces entreprises ont créé de l'emploi au détriment des entreprises de plus de 10 salariés ? Si tel était le cas, les entreprises de plus de 10 salariés situées dans les bassins d'emploi où les entreprises de moins de 10 salariés sont nombreuses devraient être plus affectées. Nous avons observé ce qu'il en était sur les 348 zones d'emploi de l'Insee, et n'avons rien constaté de tel.
L'étude est donc convaincante, grâce à l'existence d'un groupe témoin bien identifié. Il existe d'autres études, comme celles de Bruno Crépon et Rozenn Desplatz, ou celle de Mathieu Bunel, Fabrice Gilles et Yannick L'Horty, qui concluent à des taux d'élasticité très inférieurs. Mais cela est logique, puisqu'en l'absence de groupe témoin, elles comparent des entreprises comptant une forte proportion de salariés avec allègement de charge à d'autres qui en comptent une moindre proportion, et que l'on ne peut exclure, de surcroît, à la différence de notre cas, les effets d'anticipation. Quant à l'étude de Francis Kramatz et Thomas Philippon, elle compare la probabilité de conserver leur emploi pour les personnes rattrapées par l'augmentation du Smic et celles qui sont juste au-dessus, et conclut que la probabilité de perdre leur emploi est plus élevée de 1,5 point pour celles qui sont rattrapées par le Smic. Mais on ne peut non plus exclure, dans ce cas, les effets d'anticipation.
Les baisses de charges sur les bas salaires, dans un contexte de chômage élevé, ont donc un effet potentiellement fort sur l'emploi. Nous sommes, en France, dans ce cas. Notre étude permet de penser que les baisses de charge actuelles, à hauteur de 20 milliards, permettraient, ainsi concentrées, de conserver non pas 400 000 à 800 000 emplois mais le double.
En revanche, avec des dispositifs plus étalés, l'effet est moindre. Une diminution des charges patronales revient à augmenter la productivité du travail et donne à l'entreprise une marge de manoeuvre pour augmenter les salaires. Dans un contexte de chômage faible, les entreprises se font concurrence pour attirer les salariés, et les baisses de charges se traduisent par des augmentations de salaires, ainsi que l'a montré Jonathan Gruber, professeur au MIT. La baisse des charges au Chili, liée à la privatisation de la sécurité sociale, a été de 20 % entre 1980 et 1986, avec des différences de taux pouvant aller jusqu'à 12 points selon les secteurs. Or, elles n'ont eu aucun effet sur l'emploi, mais seulement sur les salaires, parce que le chômage était faible, et le marché du travail tendu.
En France, 70 % des salariés sont en dessous de 2,5 Smic. Les 30 % qui sont au-dessus connaissent un taux de chômage très faible, autour de 4 % à 5 %, voire moins. Si l'on baisse les charges sur ces salaires, l'effet sera une augmentation des salaires qui compensera rapidement les baisses de charges. D'autant qu'en France, le système de la négociation collective, avec extension possible des accords, entraîne une rigidité des salaires à la baisse. Il n'y aura donc guère d'effet sur la compétitivité.
Certes, les partenaires sociaux sont plutôt favorables à des allègements étalés, mais les raisons en sont simples : côté entreprises, pour qu'un maximum d'entre elles en bénéficie, côté salariés, pour bénéficier d'augmentations de salaires. Pour nous, il est au contraire crucial de cibler les allègements sur les bas salaires. On m'objectera l'effet de trappe à bas salaires, mais il n'est pas évident à démontrer. La baisse des charges, encore une fois, a pour premier effet d'augmenter les salaires.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Vous voulez dire que la crainte à l'embauche fait que les entreprises préfèrent augmenter les salaires ?
M. Pierre Cahuc. - La crainte à l'embauche est une autre affaire. Elle peut être liée à d'autres questions, comme les modalités de rupture du contrat de travail. Toutes choses égales par ailleurs, plus on baisse le coût du travail, moins il y a de craintes à l'embauche.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Mais il y a une incertitude dans la durée, qui joue beaucoup.
M. Pierre Cahuc. - Le problème est plutôt lié aux modalités de rupture du contrat de travail. C'est pourquoi peu de CDD, en France, sont transformés en CDI.
Les baisses de charges donnent aux entreprises des marges de manoeuvre pour augmenter les salaires. En revanche, elles réduisent les progressions salariales, puisqu'elles sont maximales au niveau du Smic et décroissent au-delà. Une baisse des charges plus généreuse augmente la progressivité de la taxation. Plus on augmente les salaires, moins on bénéficie des allègements. Mais les études peinent à mettre en évidence cet effet de réduction de la progression salariale, même dans le cas où les allègements sont très ciblés, comme ce fut le cas avec les allègements Juppé, entre 1 et 1,3 Smic. Tout milite pour une baisse des charges sur les bas salaires. Un seuil de sortie à 1,6 Smic est déjà très large, il mériterait d'être plus concentré.
On entend souvent objecter que les réductions de charges sur les bas salaires poussent à une spécialisation sur les créneaux à faible valeur ajoutée. Mais dans un contexte où le taux de chômage sur l'emploi peu qualifié est énorme, et concerne beaucoup de jeunes, l'entrée dans l'emploi est le meilleur moyen de qualification. Toutes les études empiriques montrent que le meilleur moyen de qualifier les jeunes, c'est de les faire travailler. Cela vaut donc la peine de jouer sur ces segments.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Toutes ces études ont certes leur légitimité, mais j'ai le sentiment qu'elles ne correspondent pas à la réalité. La vôtre touche un segment très spécifique, celui des entreprises de moins de 10 salariés.
Des doutes s'expriment aujourd'hui quant à l'effet des allègements de cotisations sociales sur l'emploi. La Cour des comptes elle-même a largement exposé son scepticisme.
Je souhaitais vous poser plusieurs questions, même si vous avez partiellement répondu à certaines. Quels outils pour mesurer les effets sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales patronales ? Peut-on considérer que les exonérations de cotisations sociales existantes sont un instrument efficace de lutte contre le chômage, compte tenu de leur coût ?
Parmi les instruments de la lutte contre le chômage, le coût du travail vous semble-t-il être la question prioritaire ?
Dans cette hypothèse, quel ciblage privilégier : les bas salaires, les PME, les secteurs exposés à la concurrence internationale ?
Dans les débats actuels sur le pacte de responsabilité, la politique de compétitivité des entreprises est-elle une politique de l'emploi, sachant que la restauration des marges des entreprises ne conduit pas nécessairement à des embauches ?
Quelles contreparties, enfin, en termes de création d'emplois pourraient-elles être envisagées ?
M. Charles Guené, président. - J'ajouterai pour ma part deux questions. Où faut-il d'après vous situer le curseur, entre 1,6 et 2,5 Smic ? Vous avez dit que le « zéro charges » de Nicolas Sarkozy ne coûtait rien. Qu'en est-il pour les 20 milliards d'allègements existants ?
M. Pierre Cahuc. - Toute évaluation exige du temps et de l'indépendance, et doit reposer sur un contrôle factuel. Il ne faut pas hésiter à mettre en place des dispositifs expérimentaux, qui aident à comprendre les mécanismes à l'oeuvre. La culture de l'évaluation se développe en France, mais nous avons encore beaucoup à apprendre. Elle est essentielle pour éclairer le débat public, à l'aide de méthodes simples et transparentes.
La cible, je l'ai dit, doit être les bas salaires. L'article que j'ai évoqué, cosigné par de nombreux économistes, montre qu'il existe là-dessus un consensus. Un seuil de sortie à 1,6 Smic, où le taux de chômage est de l'ordre de 5 % à 7 %, me semble déjà élevé. On pourrait descendre à 1,4 Smic.
Les PME emploient plus de personnel peu qualifié que les grandes entreprises. La littérature économique nous apprend que l'emploi est plus sensible pour les travailleurs peu qualifiés, mais rien ne dit qu'il réagit différemment selon la taille des entreprises.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Mais les deux critères peuvent se combiner.
M. Pierre Cahuc. - Cibler selon la taille de l'entreprise ? Plus une mesure est simple, meilleure elle est. Plus on la complexifie, plus on réduit le taux de recours.
La compétitivité est un autre sujet - au reste, les entreprises qui exportent payent des salaires élevés. Il touche à la recherche, à la formation, à la réglementation, à la taxation des entreprises.
M. Charles Guené, président. - Comment concilier le Cice, qui va jusqu'à 2,5 Smic, et une mesure éventuelle telle que vous la préconisez ?
M. Pierre Cahuc. - Le Cice, assis sur la masse salariale, est trop étalé. Une partie des sommes qui lui sont consacrées pourrait aller à d'autres mesures, visant la compétitivité, mais dès lors que l'on entend agir sur les charges salariales, il est logique de viser les bas salaires, faute de quoi, encore une fois, on risque de ne susciter que des augmentations de salaire.
M. Jean Desessard. - Une question naïve. Le coût des allègements a été, en 2013, de 20,5 milliards. Vous avez évoqué un ordre de grandeur de 200 000 à 400 000 emplois créés...
M. Pierre Cahuc. - 800 000. Le chiffre que vous citez ne concerne que la première tranche.
M. Jean Desessard. - J'avais fait un petit calcul sur la base de 400 000 emplois. On arrive à un coût par emploi de 51 250 euros par an, soit 4 269 euros mensuels par emploi créé. A ce compte, cela signifie autant d'emplois à temps plein des emplois d'aides-soignants, d'aides à domicile, qu'il vaudrait peut-être mieux la peine de créer... A 800 000, on arrive à 2 830 euros par mois ; je conçois qu'il est plus difficile de tabler sur des temps pleins...
M. Philippe Dominati. - Dans vos calculs économiques, tenez-vous compte de la flexibilité du marché du travail ? Il me semble que tel n'est pas le cas. En comparaison internationale, il faut observer non seulement le coût théorique mais le coût réel du travail.
A partir de quel seuil voit-on se développer le travail au noir, qui réapparaît, comme l'ont souligné nombre d'articles de presse, au sud de l'Europe ? Quels seront, en France, les effets de la suppression des exonérations sur le travail à domicile ?
M. Yves Daudigny. - Merci de votre démonstration convaincante. Viser l'emploi est une chose, viser la compétitivité une autre, avez-vous dit. Cependant, la compétitivité a des effets à l'exportation, mais aussi à l'intérieur de nos frontières. Les deux objectifs ne se recouvrent-ils pas ? Le Cice est un dispositif qui vise la compétitivité, mais une étude menée sur 2013 montre que le coût du travail a été moins fort en France qu'en Allemagne, alors que les salaires ont augmenté dans l'un et l'autre pays. Ce serait donc bien un effet compétitivité du Cice.
M. Pierre Cahuc. - Le chiffre de 400 000 emplois créés a été calculé sur la base d'une élasticité à 0,5, chiffre moyen qu'utilisent beaucoup les macroéconomistes pour calibrer les modèles. Notre étude montre qu'elle est à 2 pour les emplois les moins qualifiés. Nous ne sommes donc pas à 800 000 emplois, mais au double.
Il est vrai que la décision d'embaucher anticipe tous les coûts. Dans le cadre du « zéro charges », il y avait tout de même deux tiers d'embauches en CDI. C'est que pour bénéficier du dispositif que nous avons étudié, il fallait embaucher sur des CDD de plus d'un mois. Or, 70 % des embauches en CDD portent sur moins d'un mois. Ce qui témoigne de la crainte des entreprises à embaucher sur des contrats longs. Il est certain que la rupture de CDI est un frein à l'emploi au niveau du salaire minimum.
Le travail au noir ? Il est possible qu'il augmente du fait de l'augmentation des prélèvements depuis 2008.
M. Philippe Dominati. - A-t-on identifié un seuil théorique ?
M. Pierre Cahuc. - Il n'y a pas eu, à ma connaissance, d'étude sur le sujet. Pour l'emploi à domicile, on est dans la même problématique. Le subventionner est coûteux pour les finances publiques mais bon pour les personnes...
Emploi et compétitivité sont deux objectifs différents. Dans quelle mesure peut-il y avoir convergence entre l'un et l'autre ? Pour moi, les mesures de ciblage sur les bas salaires sont favorables à la compétitivité, parce qu'elles n'entraînent pas d'augmentation de salaire. Elles réduisent donc les coûts intermédiaires pour les entreprises qui exportent. Le gain en compétitivité est peut-être même plus élevé que celui du dispositif retenu pour le Cice, avec un seuil de sortie à 2,5 Smic dont on sait qu'il se traduit, à 75 %, par des augmentations de salaire.
M. Charles Guené, président. - Il semble que le Président de la République vous ait déjà entendu...
M. Yves Daudigny. - Plus l'élasticité est grande en valeur absolue, plus cela est favorable : est-ce bien ainsi qu'il faut vous comprendre ?
M. Pierre Cahuc. - Si l'élasticité est de 2 en valeur absolue, cela signifie que l'emploi baisse de 2 % quand le coût du travail augmente de 1 %.
M. Jean Desessard. - Mais n'est-il rien qui fasse varier cette élasticité ?
M. Pierre Cahuc. - L'élasticité est plus faible quand le taux de chômage est faible. Mais au cas présent, c'est loin d'être le cas.
M. Charles Guené, président. - Il me reste à vous remercier pour ces analyses.
Audition de M. Mark Keese, chef de la division de l'analyse et des politiques de l'emploi, Mme Pia Rattenhuber, statisticienne à la division des politiques sociales, M. Hervé Boulhol, économiste de la division des politiques sociales et Mme Gwenn Parent, économiste sur les politiques sur les travailleurs licenciés à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
M. Charles Guené, président. - Je vous souhaite la bienvenue. C'est une journée introductive pour notre mission d'information et nous venons d'entendre les représentants du Conseil d'analyse économique. En vous invitant, nous avons également souhaité disposer d'éléments comparatifs sur les politiques de l'emploi pour mettre en perspective le cas de la France avec celui de nos principaux partenaires économiques.
M. Mark Keese, chef de la division de l'analyse et des politiques de l'emploi. - Merci pour votre invitation et votre accueil. Nous vous présenterons un exposé qui s'efforce d'apporter un regard international sur la situation de l'emploi en France, articulé en deux parties. La première fait le point des comparaisons internationales, d'abord sur le niveau des cotisations sociales et leur lien avec la compétitivité, ensuite sur les dispositifs d'exonération de cotisations sociales en Europe et enfin sur le salaire minimum, avec ses interactions sur les politiques d'exonération de cotisations sociales. Dans une deuxième partie, nous évoquerons les effets de ces exonérations sur l'emploi, en particulier pour les jeunes et les peu qualifiés qui sont les groupes les plus vulnérables.
Premier constat : le coût unitaire de main d'oeuvre est en constante augmentation en France de 2000 à 2013. On peut noter que l'écart entre la France et l'Allemagne a beaucoup augmenté. Au Portugal, en Italie et en Espagne, ce coût a également augmenté sur la longue période mais cette tendance s'est infléchie à partir des années 2009, avec l'apparition d'un chômage massif. Cette inflexion est particulièrement nette en Espagne ou au Portugal alors que les coûts salariaux ont maintenu leur progression en France.
Un des principaux facteurs explicatifs du niveau élevé du coût du travail en France réside dans le poids important des cotisations sociales : la France détient le record OCDE du pourcentage de cotisations sociales salariales et patronales par rapport aux coûts totaux de main d'oeuvre. Le poids élevé des charges patronales, qui atteint 30 % du coût total de main d'oeuvre (contre 10 % pour les cotisations salariales), est également une singularité française par rapport à la moyenne de ses partenaires de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Je signale qu'au Danemark, les cotisations sociales représentent seulement 4 % du salaire moyen, ce qui s'explique par un mode de financement de la protection sociale par le budget de l'Etat et des prélèvements sociaux par le biais de l'impôt sur le revenu.
Une autre manière de prendre la mesure de ce phénomène est de constater que les prélèvements pesant sur le travail atteignent 15,5 % du PIB en France, ce qui correspond au taux le plus élevé des pays de l'OCDE, avec, à l'autre extrémité, le Danemark où cette proportion se limite à 1 %.
S'agissant de l'utilisation de l'outil de politique économique que constituent les exonérations de cotisations sociales, on observe, tout d'abord, que dans les autres pays européens ces allègements n'ont pas comme objectif premier le renforcement de la compétitivité. Les réductions généralisées de cotisations sur les bas salaires sont ainsi assez rares, en dehors du cas français, avec la réduction dite « Fillon » de 20 milliards d'euros concernant les salaires jusqu'à 1.6 Smic. On peut tout de même citer l'exemple du « bonus social » en Belgique, d'une mesure temporaire d'exonération prise en Hongrie pendant la crise et d'une exemption de cotisation sociale en Irlande qui s'applique aux premiers 352 euros de salaire hebdomadaire, mais ces politiques d'exonération ne sont pas mises en oeuvre à la même échelle qu'en France.
En revanche, en Europe, les allègements de cotisation sont plus volontiers ciblés pour venir en aide à des groupes défavorisés : tel est le cas en Belgique, pour les jeunes peu qualifiés, et en Allemagne pour les chômeurs de longue durée.
L'impact négatif des prélèvements sur le travail est renforcé par les rigidités salariales. Ainsi, en France, le plancher que constitue le salaire minimum ne permet pas de donner des marges de manoeuvre aux employeurs pour moduler les salaires et faire face à la charge très importante que constituent les prélèvements sur le travail. Le salaire minimum représente, en France, 62 % du salaire médian en 2012, contre 47 % au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Le pourcentage français est le plus élevé de l'OCDE et il a augmenté de façon continue alors qu'il a diminué dans d'autres pays comme l'Australie ou les Pays-Bas. Ce niveau élevé soulève des difficultés surtout pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail et pour les peu qualifiés ; on a donc tenté, en France, de contrecarrer les effets de cette rigidité salariale par des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires. Comme en témoignent les données comparatives, si le ratio salaire minimum sur salaire médian est en France le plus élevé des pays de l'OCDE, ces exonérations de cotisations diminuent sensiblement le coût du salaire minimum par rapport au coût du travail médian le ramenant dans la moyenne supérieure européenne.
Cette première partie de notre exposé permet donc de constater que les allègements généraux de cotisation sur les salaires permettent, en France, de réduire les rigidités salariales en diminuant le coût du salaire minimum.
Quels sont, dans un second temps, les effets des allègements de cotisations sociales patronales sur l'emploi et les salaires ? Selon les études qui ont été réalisées, les allègements concentrés sur les salaires inférieurs à 1,6 du Smic ont permis de créer entre 200 000 et 550 000 emplois. L'impact semble donc avoir été important. Toutefois, le risque de blocage des progressions salariales pour ceux qui perçoivent jusqu'à 1,6 fois le Smic semble bien réel, les employeurs s'efforçant de maintenir les salariés dans un niveau de rémunération permettant de bénéficier des exonérations de cotisation. Celles-ci rendent en effet plus couteuse pour l'employeur l'augmentation de salaire avec les gains de productivité.
Cet effet pervers amène à se demander si la politique généralisée d'allègement des cotisations n'atteint pas ses limites en France. D'où l'idée d'agir plus directement sur le salaire minimum des jeunes français. Ces derniers ont été sévèrement affectés par la crise avec un taux de chômage élevé qui avoisine 25 %, ce qui est certes inférieur à celui que connaît, par exemple, l'Espagne, mais dont le niveau, en France, ne se réduit pas ou très peu, contrairement à ce que l'on observe dans d'autres pays comme en Irlande ou au Royaume-Uni. Ce taux de chômage atteint plus de 40 % pour les jeunes français sans diplôme, soit presque le double de la moyenne et plus du quadruple du taux de chômage des diplômés de l'enseignement supérieur. Dans le même temps, on constate un tassement des salaires entre les jeunes qualifiés et non qualifiés : les salaires des jeunes qualifiés sortant de leur formation initiale a diminué depuis les années 1990, alors que ceux des jeunes sortants non qualifiés a continué de progresser en raison du plancher que constitue le salaire minimum.
Nous faisons observer que de nombreux pays de l'OCDE ont institué un salaire minimum modulé en fonction de l'âge comme par exemple aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. Il s'agit peut-être d'une piste à suivre en France car il semble difficile d'aller beaucoup plus loin en matière d'allègements généraux de cotisations.
En dehors des rigidités salariales, trois autres principaux facteurs expliquent les difficultés d'accès des jeunes français à l'emploi avec, tout d'abord, une dualité du marché du travail qui se traduit par le fait que 55 % des jeunes salariés de 15 à 24 ans sont en CDD, ensuite, les faiblesses de la formation professionnelle, et enfin la transition malaisée entre l'école et la vie professionnelle.
Ces difficultés appellent quatre séries de recommandations de la part de l'OCDE. La première est de renforcer les allocations pour les jeunes qui ne trouvent pas d'emploi tout en réduisant le salaire minimum : il conviendrait ainsi de généraliser la « Garantie Jeune », en cours d'expérimentation dans dix territoires, en envisageant une modulation du Smic en fonction de l'âge et en élargissant le RSA aux jeunes adultes ayant terminé leurs études, selon un barème progressif, également en fonction de l'âge. Notre seconde suggestion porte, pour autant que la conjoncture de l'emploi le permette, sur la réduction des contrats aidés dans le secteur non marchand car ces derniers s'accompagnent d'effets d'aubaines très importants. Il convient, en outre, de mieux coordonner l'accompagnement des jeunes par les différents acteurs et, enfin, d'accorder une priorité au développement de l'apprentissage, en s'inspirant de l'exemple allemand, mais aussi aux contrats en alternance pour les jeunes sans diplôme avec des aides ciblées, tout en généralisant les écoles de la deuxième chance pour les « décrocheurs scolaires » et en développant les programmes pour les jeunes sans qualification, comme en Autriche ou en Finlande.
Nous insistons sur la recommandation qui consiste, pour la France, à s'inspirer des facteurs de succès de l'apprentissage dans d'autres pays. Elle comporte les différents volets suivants : développer les programmes de pré-apprentissage permettant de mettre à niveau les jeunes en difficulté et de les préparer à leur entrée en apprentissage en entreprise comme en Allemagne ou au Royaume-Uni ; abolir les limites d'âge, en apprentissage, pour inclure tous les publics en difficulté ; compléter la formation initiale par des modules permettant de valider des diplômes similaires à ceux de l'enseignement général, comme en Allemagne ; rapprocher la voie de l'enseignement professionnel scolaire et celle de l'alternance, qui en France sont trop cloisonnées et souffrent de l'insuffisance de passerelles ; rendre l'apprentissage plus flexible en développant la certification basée sur l'acquisition des compétences et non sur une durée prédéfinie d'apprentissage ; encourager l'implication des représentants des employeurs, des syndicats et de l'Etat dans la révision périodique du contenu des formations afin de suivre l'évolution du progrès technique et organisationnel, comme en Allemagne, et enfin, compléter les aides financières accordées aux employeurs pour les formations axées sur les métiers en tension, sur les personnes très peu qualifiés (comme en Australie), ou sur certains métiers spécialisés (comme au Canada).
De façon générale, nous estimons que le système allemand de l'apprentissage qui repose sur une tradition historique spécifique est difficilement transposable en France ; c'est pourquoi il est sans doute plus pertinent de s'inspirer des récentes évolutions intervenues au Royaume-Uni ou en Australie qui ont reconstruit intégralement leur modèle d'enseignement professionnel, d'apprentissage et d'alternance.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Je rappelle que le Président de la République a annoncé le 14 janvier dernier la mise en place d'un « pacte de responsabilité » qui pourrait se traduire par une nouvelle baisse des charges des entreprises de 10 milliards d'euros. Ces exonérations viendraient s'ajouter aux 6 milliards d'euros d'exonérations ciblées, aux 20 milliards d'euros d'exonérations générales sur les bas salaires et aussi aux 20 milliards d'euros du Crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) qui sont déjà à la charge de l'Etat. Etant donné leur coût très élevé pour nos finances publiques, la question de la réalité de l'impact sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises est donc fondamentale.
Sur ces bases, je me limiterai à cinq questions, auxquelles vous avez d'ores et déjà apporté, pour certaines d'entre elles, des éléments de réponse. Comment améliorer l'emploi des travailleurs les moins qualifiés en France et dans les autres pays industrialisés, sans créer pour autant des travailleurs pauvres ? Quels sont les outils pertinents pour mesurer les effets sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales patronales ? Les exonérations de cotisations sociales existantes sont-elles un instrument efficace de lutte contre le chômage, compte tenu de leur coût ? Dans cette hypothèse, quel ciblage privilégier pour les exonérations de charges sociales : les bas salaires, les PME, les secteurs exposés à la concurrence internationale ? Existe-t-il dans les autres pays de l'OCDE des dispositifs analogues aux exonérations de cotisations sociales utilisées en France ? Quelle est leur efficacité ? Existe-t-il d'autres dispositifs plus performants ? Enfin, dans les débats actuels sur le « pacte de responsabilité », la politique de compétitivité des entreprises est-elle véritablement une politique de l'emploi, sachant que la restauration des marges des entreprises ne conduit pas nécessairement à des embauches ?
J'observe, en outre, s'agissant des jeunes, que vous avez distingué, dans votre exposé, les qualifiés et les non qualifiés. Or dans la réalité les jeunes diplômés occupent bien souvent des emplois non qualifiés. Je rappelle également que, dans les années 1960, les jeunes subissaient, jusqu'à 21 ans, un abattement salarial spécifique qui a été supprimé en 1968.
Je m'interroge sur l'opportunité de proposer aux jeunes un salaire moins élevé pour un emploi et une productivité similaires aux autres travailleurs, au moment du cycle de vie où le besoin d'investir atteint son apogée. Je crains donc qu'on ne retarde encore l'entrée des jeunes dans la vie active à part entière.
M. Charles Guené, président. - On a tendance à s'attacher aux modalités de réduction des charges sociales mais ne devrait-on pas aussi s'attaquer à la cause fondamentale qui résulte du fait que l'essentiel du financement de la protection sociale est assis sur le coût du travail.
M. Mark Keese. - Effectivement, les prélèvements sociaux pèsent, en France, excessivement sur les salaires, ce qui pénalise l'emploi. Il serait donc sans doute opportun d'élargir l'assiette de ces prélèvements, ce qui supposerait des augmentations d'impôt sur le revenu ou de TVA. Fondamentalement, nous estimons que les réductions de cotisations sociales ne constituent qu'un levier d'action parmi d'autres et nous insistons sur la priorité à accorder aux jeunes en différenciant le salaire minimum pour leur donner une chance d'accéder au marché du travail dont ils sont exclus. Cette question se pose en France plus que dans les autres pays où le salaire minimum est fixé à un niveau plus bas. Par ailleurs, les effets d'aubaine s'accroissent quand on prend des mesures généralisées et non pas ciblées d'allègement. Du côté de l'offre de travail, il convient de renforcer la formation des jeunes et d'ajuster leur qualification aux besoins des employeurs, sans quoi, comme vous le faites observer, leurs diplômes ne leur permettent pas d'accéder à des emplois qualifiés et bien rémunérés.
M. Hervé Boulhol, économiste de la division des politiques sociales. - Je reviens sur la question du ciblage des allègements de cotisation, le problème primordial étant, à notre sens, le niveau relativement élevé du salaire minimum en France. Avec 26 % d'allègements de cotisations, le ratio rapportant le coût du travail au niveau du salaire minimum au coût du travail au niveau du salaire médian passe, on l'a vu, d'environ 62 % à 50 % grâce aux allègements, ce qui situe encore la France dans une fourchette assez haute au sein des pays de l'OCDE.
Etant donné la forte élasticité de la demande de travail par rapport à son coût, les allègements de cotisations sont des mesures parmi les plus efficaces. Encore faut-il tenir compte des contraintes de la France en matière de finances publiques et c'est pourquoi nous avons exploré les alternatives à ces allègements en posant le problème de la modulation du salaire minimum en fonction de l'âge. L'objectif de cette modulation serait non pas de retarder l'entrée des jeunes sur le marché du travail mais de permettre à ceux qui en sont exclus d'y accéder.
M. Mark Kesse. - Nous pensons avant tout aux jeunes sans qualification qui aujourd'hui sont rémunérés au même taux que les jeunes qualifiés.
M. Hervé Boulhol. - Les jeunes peu qualifiés, qui sont en concurrence avec des jeunes diplômés, ont peu de chances d'accéder au marché du travail si le coût du travail est le même pour les uns et pour les autres.
M. Mark Keese. - Il s'agit également d'aménager une progression salariale pour ces jeunes alors qu'à l'heure actuelle, un certain nombre d'entre eux ont tendance à être bloqués au voisinage du salaire minimum.
M. Hervé Boulhol. - En France, les allègements de cotisation non ciblés peuvent avoir un effet temporaire, ce qui n'est pas négligeable. Il convient cependant de poser la question des conséquences à plus long terme de ce dispositif, qui peut apparaitre comme un palliatif des modalités normales de fixation des salaires et d'une éventuelle modération salariale. On peut, à ce sujet, s'interroger sur les raisons qui conduisent à choisir, en matière de Cice un seuil de 2,5 Smic en constatant qu'à l'heure actuelle, en France, on ne constate pas de tendance à la modération salariale, à la différence des inflexions observées dans d'autres pays.
Le niveau des prélèvements sociaux sur le travail constitue une question distincte. La structure des prélèvements n'est pas neutre, et les travaux de l'OCDE suggèrent de privilégier la fiscalité environnementale pour corriger les externalités négatives, la fiscalité sur la propriété qui est une base moins mobile et la suppression des niches fiscales et sociales peu efficaces.
J'ajoute qu'un certain nombre de gisements d'emplois demeurent inexploités en France en raison de la persistance d'un certain nombre d'obstacles à la concurrence, en particulier dans le domaine des services dont la réparation automobile constitue un exemple emblématique, et non pas seulement du niveau élevé des salaires.
Par ailleurs, les petites et moyennes entreprises (PME) sont pénalisées par un handicap fiscal par rapport aux grandes entreprises. En même temps, en matière de ciblage des exonérations de cotisations, il faut prendre soin de bien clarifier les raisons qui conduiraient à favoriser l'embauche dans les PME, ou dans tel ou tel secteur, sans quoi on risque de créer de nouvelles distorsions et de nouvelles complexités.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - On a tendance à se focaliser sur le coût du travail, alors que dans certains secteurs, il ne représente qu'une faible proportion du coût des produits.
M. Charles Guené, président. - Cela varie de 10 % à 60 %.
M. Hervé Boulhol. - En moyenne, dans l'industrie, les prix incorporent 33 % de coût du travail, 50 % pour les consommations intermédiaires (qui incorporent des salaires) et 17 % pour le coût du capital. Au total, en France la part des salaires représente environ 60 % à 65 % de la valeur ajoutée. La question principale est celle de l'élasticité de la demande de travail aux réductions de salaires ou de cotisations.
M. Mark Keese. - La problématique de la concurrence est essentielle et il convient de l'articuler avec celles de la productivité et de la compétitivité.
M. Hervé Boulhol. - Une étude ancienne de Thomas Piketty, mais qui garde toute sa pertinence, compare la France et les Etats-Unis dans un certain nombre de secteurs et met en évidence les gisements d'emplois de service qui ne sont pas exploités dans notre pays. Il ne faut pas négliger un certain nombre de barrières comportementales imposées par la grande distribution et qui ont été dénoncées par l'Autorité de la concurrence.
M. Jean Desessard. - En utilisant une simple calculette, je constate que si on crée 550 000 emplois avec 20 milliards de crédits, chaque emploi a un coût avoisinant 3 000 euros par mois. Il me semble que ces sommes pourraient être utilisées de façon plus ciblée pour venir directement en aide à des personnes en difficulté. Je suis, pour ma part, réservé sur le principe des allègements des cotisations et je constate que leur impact sur l'emploi fait l'objet d'estimations qui varient de manière considérable entre 200 000 et 550 000 emplois.
Mme Gwenn Parent, économiste sur les politiques sur les travaux de l'OCDE. - Les estimations les plus optimistes atteignent 1,1 million d'emplois...
M. Hervé Boulhol. - ... et le consensus se situe entre 600 000 et 800 000 créations d'emplois. Je précise également que, pour 800 000 emplois créés, le coût brut par salarié se chiffre à environ 2 000 euros par mois mais, ex post, ce coût est bien moins élevé - il faut tenir compte des rentrées fiscales sociales ainsi que des économies en termes de prestations sociales, soit au total à peu près 1 000 euros par mois - et, de toute évidence moins coûteux que d'autres encouragements à l'emploi comme les contrats aidés qui se traduisent par des effets positifs négligeables dans la durée.
M. Jean Desessard. - Par ailleurs, le coût du travail est souvent considéré, dans les études économiques, comme plus élevé en France qu'en Allemagne, mais il semblerait, dans la réalité, que les cadres français soient mieux payés que leurs homologues allemands, alors que les salaires modestes sont moins élevés en France qu'en Allemagne. Pouvez-vous éclaircir ce point qui me parait remettre en cause la pertinence de vos estimations fondées sur le salaire moyen ?
Mme Pia Rattenhuber, statisticienne à la division des politiques sociales. - Notre étude se fonde sur le salaire moyen. Par ailleurs, il faut préciser qu'en Allemagne, il existe des règles spécifiques de cotisations pour les salaires les plus élevés qui peuvent opter pour des assurances privées, lesquelles peuvent consentir des tarifs plus compétitifs à ceux qui représentent un risque faible.
M. Mark Keese. - Nous avons pris en compte, dans nos statistiques relatives au salaire minimum, le salaire médian, ce qui permet d'écarter l'influence des très hauts salaires.
Mme Gwenn Parent. - En France, le ratio entre salaire minimum et salaire médian a augmenté alors qu'il a diminué dans d'autres pays. Je précise que le Cice qui n'est pas un dispositif d'allègement de cotisations mais s'en rapproche dans l'esprit de réduction du coût du travail sur les bas salaires introduit une discontinuité à 2,5 Smic. Les comparaisons chiffrées montrent que les salaires des jeunes sont, en France, plus élevés, en moyenne, que dans les autres pays de l'OCDE. Enfin, si la récente réforme de la formation professionnelle comporte des avancées notables, elle reste perfectible sur des aspects comme l'implication des employeurs et l'amélioration de l'offre de formation.
M. Yves Daudigny. - Pouvez-vous préciser l'impact, en termes d'emplois, de l'insuffisance de concurrence dans notre économie ?
M. Hervé Boulhol. - La crise conjoncturelle française se rattache d'abord à une insuffisance de la demande mais aussi à des déséquilibres structurels. Dans ce schéma, la politique des contrats aidés répond à l'urgence mais n'apporte pas de solution durable pour améliorer l'offre.
En ce qui concerne la concurrence, un récent rapport de l'OCDE estime que si la France ajustait son niveau de réglementation sur celui des pays les plus performants, cela pourrait se traduire par une croissance de 5 % de son PIB dans les dix années à venir.
M. Dominique Watrin. - Je souhaiterais des précisions sur la réalité du phénomène de « trappe à bas salaires ».Vous avez évoqué une étude empirique selon laquelle les exonérations de cotisations n'ont pas d'effet tangible à cet égard, or les syndicalistes de terrain observent le contraire et c'est, pour nous, un enjeu essentiel.
En ce qui concerne l'idée d'un salaire minimum spécifique aux jeunes non qualifiés, je suis perplexe car cela aurait pour conséquence une baisse de la rémunération des jeunes qui entrent sur le marché du travail.
M. Mark Keese. - La France connaît, à l'heure actuelle, une situation très particulière qui se traduit par une exclusion des jeunes les moins qualifiés à l'entrée du marché du travail.
M. Hervé Boulhol. - La France doit faire face à un dilemme bien réel entre accepter des inégalités salariales plus accentuées et consentir un effort supplémentaire d'allègement de cotisations couteux pour les finances publiques.
A l'heure actuelle, on met en concurrence, à coût salarial identique, des jeunes qui n'ont pas les mêmes qualifications. Il faut également distinguer entre les inégalités de revenus et de salaires.
En ce qui concerne les trappes à bas salaire, c'est-à-dire la moindre progression salariale, aucun élément tangible ne démontre leur existence, mais le phénomène est vraisemblablement bien réel.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Sur le terrain, j'observe que les jeunes qui ne trouvent pas de travail de manière durable ont souvent, d'une part, un problème « d'inemployabilité » (je n'apprécie pas particulièrement ce terme tout en l'utilisant par commodité), et, d'autre part, sont marqués par leur lieu de résidence.
Ces jeunes finissent par trouver, la plupart du temps, un emploi, mais leur rémunération est alors très basse et je suis donc perplexe à l'idée de proposer d'abaisser encore le salaire minimum de ces personnes.
M. Mark Keese. - Il s'agit pour nous de vous présenter un ensemble cohérent de mesures permettant de favoriser l'accès des jeunes à l'emploi, dont la modulation salariale ne constitue qu'un volet.
Mme Gwenn Parent. - Je fais observer que le recours aux stages est parfois un moyen de contourner la rémunération des jeunes au salaire minimum.
Mme Michelle Demessine, rapporteure. - Il faudrait les supprimer !
M. Mark Keese. - Ils ont parfois une certaine utilité... et permettent aux jeunes d'acquérir de l'expérience.
M. Hervé Boulhol. - Le salaire minimum jeune n'est qu'une recommandation parmi beaucoup d'autres que nous faisons, et nous avons également beaucoup insisté dans notre présentation sur l'apprentissage, l'alternance et la formation professionnelle. On pourrait également explorer la régionalisation des salaires, tant il est vrai que les prix varient localement, mais cela soulève, en France, des difficultés juridiques et constitutionnelles.
M. Mark Keese. - Cela renvoie à la mise au point d'un nouveau pacte général entre une Nation et sa jeunesse.