Mercredi 19 février 2014

- Présidence de M. Jacques Legendre, puis de Mme Catherine Troendlé, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Audition de M. Patrice Weisheimer, secrétaire général du Syndicat de l'éducation populaire (SEP-UNSA), MM. Ahmed Hamadi et Bouziane Brini de l'Union des syndicats des personnels de l'animation, des organisations sociales, sportives et culturelles (USPAOC-Cgt) ; Mmes Catherine Sergent, secrétaire générale adjointe en charge de l'animation, et Béatrice Beth-Desmazieres, du Syndicat national des artistes et des professionnels de l'animation, du sport et de la culture (SNAPAC-Cfdt)

La mission commune d'information auditionne :

- M. Patrice Weisheimer, secrétaire général du Syndicat de l'éducation populaire (SEP-UNSA) ;

- MM. Ahmed Hamadi et Bouziane Brini de l'Union des syndicats des personnels de l'animation, des organisations sociales, sportives et culturelles (USPAOC-Cgt) ;

- Mmes Catherine Sergent, secrétaire générale adjointe en charge de l'animation, et Béatrice Beth-Desmazieres, du Syndicat national des artistes et des professionnels de l'animation, du sport et de la culture (SNAPAC-Cfdt).

M. Jacques Legendre, président. - Je supplée aujourd'hui la présidente empêchée. Je vous cède immédiatement la parole pour un propos liminaire avant que vous puissiez répondre aux questions de la rapporteure et de nos collègues.

M. Patrice Weisheimer, secrétaire général du Syndicat de l'éducation populaire. - Je vous remercie de nous accueillir pour évoquer la réforme des rythmes éducatifs. C'est cette expression que nous utilisons plutôt que celle de rythmes scolaires, afin de conjurer le risque du scolarocentrisme. La réforme engagée par le Gouvernement va dans le bon sens ; elle constitue une avancée réelle. Le projet éducatif de territoire (PEDT) ouvre enfin la voie à la coéducation. La création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) en forme le complément essentiel car elle permettra la formation de l'ensemble des acteurs du monde éducatif dans des lieux communs ouverts à l'éducation populaire. J'ai dit que pour la première fois, la coéducation était mise en place dans les territoires. Je n'oublie pas les initiatives précédentes, comme les contrats bleus par exemple, mais celles-ci étaient pilotées par le ministère de la jeunesse et des sports. C'est aujourd'hui la première fois que l'éducation nationale prend toute sa place dans ce mouvement collectif.

Il est encore difficile de dresser un bilan même partiel de la réforme des rythmes éducatifs. La préparation de la rentrée 2013 a été un peu compliquée ; l'ensemble des partenaires ont dû travailler en commun sous une certaine pression, ce qui a produit des résistances. L'essentiel est que le processus de collaboration soit désormais lancé. Ce n'est que dans le long terme qu'il se stabilisera et produira tous ses effets. Le vrai bilan ne pourra être fait que dans dix ans.

Je reviens sur quelques difficultés. Encore une fois, la réforme a été lancée dans la précipitation. Cela s'est vu, y compris dans la publication de circulaires d'application avant même que le Parlement ne se soit prononcé sur la loi de refondation de l'école de la République. Deuxième difficulté : la poursuite de la révision générale des politiques publiques (RGPP), sous le nouveau nom de « modernisation de l'action publique » (MAP), a significativement diminué la capacité des corps déconcentrés de l'État à accompagner la réforme. En particulier, le nombre des conseillers « jeunesse, sport et vie associative » en services déconcentrés a chuté de 1 500 à 500 en quelques années.

J'aimerais également revenir sur l'organisation de la semaine scolaire. Premièrement, il est regrettable au vu du consensus relatif entre les chronobiologistes que le mercredi matin ait été préféré au samedi matin dans la plupart des écoles. Parfois ce choix contredit le souhait exprimé par la majorité des enseignants ; c'est le cas, par exemple, à Strasbourg. En outre, la gestion de la pause méridienne cristallise les conflits entre les différents corps professionnels. Les enseignants se plaignent notamment de l'excitation des élèves en début d'après-midi lorsqu'ils ont été pris en charge par les animateurs. Il nous faut réfléchir au moyen de ménager des temps de relaxation suffisants pour les enfants. La formation des intervenants sera un levier essentiel pour professionnaliser l'accueil et déminer les tensions.

La gestion des infrastructures pose d'autres problèmes. Elles appartiennent aux collectivités territoriales qui théoriquement, peuvent les utiliser à leur gré en dehors du service. Mais les enseignants ont beaucoup de mal à quitter leur classe et à permettre aux intervenants de les utiliser. Si, par ailleurs, il est fait recours à d'autres locaux et équipements que ceux des écoles il faut décompter les temps de transport du temps global des activités périscolaires, ce qui en diminue l'efficacité tout en générant des problèmes logistiques supplémentaires. Il est indispensable que pour l'avenir nous repensions l'implantation et l'utilisation des infrastructures scolaires et périscolaires afin de les adapter aux différents publics et aux activités complémentaires qui doivent y être accueillies. Nous n'en sommes pas encore là.

Les intervenants dans les temps périscolaires sont particulièrement inquiets des dérogations de droit commun obtenues par l'association des maires de France. Je vise la diminution des taux d'encadrement dans le cadre d'une expérimentation sur trois ans et les dérogations aux exigences de diplôme qui, jusqu'à présent, ne portaient que sur la période des congés mais qui s'étendent désormais au-delà. Nous ne disposons pas de véritables perspectives sur le devenir de ces dérogations à l'expiration du délai de trois ans. Seront-elles pérennisées au risque d'une fragilisation du droit commun ? Nous ne pensons pas qu'il faille aller vers une généralisation du brevet d'aptitude aux fonctions de direction (BAFD), dont je rappelle qu'il constitue un diplôme de l'animation volontaire. Nous considérons au contraire qu'il faut développer les diplômes de professionnels au moins de niveau IV. Nous ne savons toujours pas ce que le Gouvernement et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) souhaitent faire dans trois ans. Nous pourrions accepter la montée en puissance du BAFD si, en échange, nous obtenions un effort significatif permettant de mettre sur pied un véritable plan de formations qui dynamisera les diplômes professionnels.

Il faut également favoriser les organisations des rythmes scolaires qui permettent des mutualisations d'emplois afin d'offrir des temps de travail et des rémunérations suffisants pour les animateurs.

Il est indéniable que sur le terrain les relations entre les différents acteurs sont marquées par la défiance ; les enseignants stigmatisent les animateurs qui le vivent très mal. En maternelle, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) sont trop souvent laissés de côté sans reconnaissance de leur mission éducative. Comment, dans ces conditions, créer une culture commune ? Il nous semble que les ÉSPÉ sont le lieu adéquat pour assurer des modules communs de formation initiale et continue. Mais il convient également de revoir le rôle du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). La plupart des intervenants relèvent en effet de la fonction publique territoriale. Nous nous réjouissons par ailleurs que le CNFPT ait approuvé la création de corps de catégorie A dans la filière d'animation.

Quelle place doit occuper le ministère de la jeunesse et des sports dans cette réforme ? C'est une grande inconnue, et pour l'instant ses services semblent laissés de côté. 100 postes devraient être créés pour permettre l'accompagnement de la réforme dans les territoires ruraux.

Enfin, j'en viens aux questions de financement et du coût induit pour les communes. Je crois qu'il faut prendre de la hauteur par rapport à la démagogie ambiante. Tout est question de choix politiques. Il faut savoir choisir entre le budget de vidéosurveillance et le budget éducatif. Je rappelle que Jules Ferry faisait de l'accès à la culture et de l'éducation populaire un des ciments de la démocratie et de la République.

M. Ahmed Hamadi, Union des syndicats des personnels de l'animation, des organisations sociales, sportives et culturelles (USPAOC-Cgt). - Notre organisation syndicale est présente à la fois dans les métiers de l'animation, du sport et des centres sociaux. Nous partageons l'idée de réorganiser les rythmes scolaires sur la semaine et sur l'année pour mieux faire réussir nos enfants. Force est de constater aujourd'hui que cette belle idée est gâchée. Nous sommes déçus du manque de concertation préalable. La réforme a été imposée comme un fait accompli aux communes, aux parents, aux caisses d'allocations familiales et aux services de la jeunesse et des sports. Nous sommes aussi déçus de l'insuffisance des moyens dégagés pour mettre en oeuvre la réforme. J'en veux pour preuve l'assouplissement des taux d'encadrement. Il n'est plus possible dans ces conditions de garantir la qualité et l'impact éducatif des activités périscolaires. Il nous est impossible d'accepter la constitution d'un système éducatif à deux vitesses, travaillé par des inégalités croissantes entre les communes pauvres et les communes riches.

Notre secteur d'emploi, l'économie sociale, pèse autant que l'éducation nationale. L'accueil d'enfants est à l'évidence un secteur d'avenir qui va connaître un développement rapide. Nous plaidons pour la reconnaissance de nos emplois comme de vrais métiers et nous souhaitons que le périscolaire soit raccroché au service public de l'éducation. C'est pourquoi nous sommes pour la professionnalisation des animateurs et contre tout ce qui pourrait précariser davantage leur situation. La réforme conduit à des signatures de contrat pour des interventions de 40 minutes ; c'est pour nous inacceptable. Elle va également conduire certaines associations employeur comme des écoles de musique ou des centres de loisirs à diminuer leur masse salariale parce qu'elles ne pourront pas conserver le même volant d'activités.

M. Bouziane Brini, Union des syndicats des personnels de l'animation, des organisations sociales, sportives et culturelles (USPAOC-Cgt). - Je complèterai les propos de mon camarade pour insister sur la faiblesse des moyens consacrés à la réforme et sur les inégalités territoriales.

Les acteurs de l'éducation populaire sont plongés dans l'inquiétude. Ils craignent de ne plus être en capacité, faute de moyens, de permettre aux enfants d'acquérir les valeurs essentielles qui sont au coeur du projet de l'école républicaine ; l'autonomie et la tolérance. Si la réforme se poursuit dans les mêmes conditions, l'école de la République ne sera bientôt plus capable de tenir sa promesse d'égalité pour tous les enfants de notre pays.

Mme Catherine Sergent, secrétaire générale adjointe en charge de l'animation, Syndicat national des artistes et des professionnels de l'animation, du sport et de la culture (SNAPAC-Cfdt). - Nous vous remercions de votre invitation. C'est une lourde charge de parler après mes collègues dans la mesure où beaucoup de choses font consensus entre nos organisations syndicales. Nous considérons que la réforme des rythmes scolaires était nécessaire pour remettre l'enfant au coeur des projets éducatifs et pour lutter contre l'échec scolaire précoce. Outre les temps d'enseignement il est essentiel de considérer le temps de l'enfant dans sa globalité. Une véritable réforme qui soit complète devrait s'attacher à réorganiser l'ensemble des temps de l'enfant, y compris les activités extra-scolaires et familiales.

Les premiers retours de terrain nous enseignent que les meilleurs projets ont été construits par la coopération de tous les acteurs de terrain. C'est le cas par exemple dans plusieurs communes de l'Essonne.

Nous regrettons que prédomine une logique de coût plutôt qu'une logique strictement éducative. C'est ce qui explique la baisse des taux d'encadrement qui constitue pour nous une conséquence négative de la réforme. Il aurait fallu au préalable s'interroger sur l'impact de cet assouplissement dans les zones d'éducation prioritaire où les conditions d'encadrement sont déjà très difficiles. De même, la faiblesse des exigences en termes de qualification des animateurs ne peut pas nous satisfaire. Les titulaires du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ne sont pas formés adéquatement pour encadrer des activités intégrées dans un projet éducatif ambitieux. Le BAFA est un titre professionnel mais il n'est pas inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et n'est pas du tout adapté à la prise en charge des temps d'activités périscolaires (TAP). Par ailleurs, nous nous opposons vigoureusement à l'arrêté du 12 décembre 2013 qui ouvre la voie à des encadrements au rabais. Cet arrêté prévoit que les titulaires de BAFD pourront exercer la direction de centres de loisirs pour une durée maximale d'un an. Il devrait au moins comporter des contreparties en termes de formation professionnalisante des salariés. Il faut au moins favoriser l'obtention de brevets professionnels de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS) ou de certificats de qualification professionnelle (CQP) de branches pour l'animation périscolaire. Je rappelle que les partenaires de l'organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) Uniformation ont validé le financement de ce type de CQP de branche. Si l'on souhaite offrir aux enfants des activités de qualité, il faut former les intervenants, au-delà même des activités réglementées comme la danse ou le cirque.

Les coûts logistique et de transport de la réforme sont très loin d'être négligeables. Dans certaines communes, certaines dépenses se révèlent néanmoins inutiles. À Paris, par exemple, des postes d'encadrant appelés responsables éducatifs de ville (REDV) ont été créés pour suivre les enfants et les emmener d'un lieu à un autre dans le cadre des TAP. Mais malheureusement ce système ne fonctionne pas.

Par ailleurs, le risque de vases communicants est bien réel. Nous craignons la destruction d'emplois d'intervenants sur le mercredi matin, ainsi que les dommages collatéraux dans les structures socio-culturelles tenant des cours en soirée.

Les propositions du SNAPAC-Cfdt sont les suivantes :

1) éviter l'accroissement des inégalités territoriales en définissant des TAP obligatoires ;

2) engager un processus de qualification des personnels en contrepartie de la baisse des taux d'encadrement ;

3) permettre aux animateurs de bénéficier de contrats de travail de droit commun et non de simples contrats d'engagement éducatif ;

4) porter une attention particulière aux situations individuelles en évitant de fabriquer davantage de travailleurs pauvres alors que notre secteur d'activité compte déjà beaucoup d'emplois à temps très partiel avec des employeurs multiples ;

5) demander aux politiques de prendre leurs responsabilités pour développer des activités périscolaires de qualité et les doter d'un financement adéquat.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je voudrais revenir sur quelques points transversaux qui ont été évoqué dans chacune de vos interventions. Vous avez pointé le manque de concertation préalable. N'avez-vous pas pourtant été invités à participer à la concertation sur la refondation de l'école menée à la Sorbonne sous l'égide du ministre de l'éducation nationale durant l'été 2012 ? À cette occasion, les ateliers consacrés aux rythmes scolaires s'étaient conclus par une demande unanime de réorganisation de la semaine scolaire. Par ailleurs, il me semble que certains de vos propos recèlent une certaine contradiction. D'un côté vous refusez l'imposition d'une norme unique partout sur le territoire et vous souhaitez une adaptation aux circonstances locales. De l'autre, vous déplorez les disparités entre les écoles que générerait la réforme des rythmes scolaires. Comment entendez-vous réconcilier ce désir d'adaptation locale et la lutte contre les inégalités ? Avez-vous le sentiment que l'école actuelle accorde à tous les mêmes chances de réussite ? Croyez-vous qu'elle propose partout la même offre éducative ?

La réforme des rythmes scolaires ne devrait-elle pas, au contraire, servir de moteur pour que les communes travaillent à un rattrapage accéléré dans les infrastructures scolaires et leur offre éducative en général ? Il existe déjà des activités périscolaires. Certaines communes proposent déjà des animations à la pause méridienne. Disposez-vous d'un état des lieux en ce domaine ? La réforme ne va-t-elle pas apporter de l'égalité là où règne subrepticement l'inégalité la moins républicaine ?

Il me semble que vous en restez à une vision très productiviste du périscolaire, comme s'il fallait faire toujours plus d'activités et toujours viser le plus haut niveau possible. Ne pensez-vous pas que les enfants sont suralimentés ? Faut-il vraiment, après l'école, continuer de les stimuler par un carrousel d'activités supplémentaires ? Ma conviction est que les inégalités d'accès à la culture et au sport doivent être réglées sur le temps scolaire, et non par des activités périscolaires dont ce n'est pas la fonction.

Enfin, une question spécifique pour Mme Sergent. J'aimerais qu'elle nous précise ce qu'elle entend par la notion d'heures obligatoires de TAP.

Mme Catherine Sergent. - Il faut qu'il y ait un minimum d'activités périscolaires obligatoires si nous voulons agir sur les inégalités sociales. Certaines communes ne font qu'empiler les activités les unes sur les autres en épuisant les enfants. La réforme n'a pas modifié le temps passé à l'école par les enfants.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Comment penser que l'éducation nationale pourrait régler cette question et modifier le temps social des familles ? Nous ne pouvons pas vivre en dehors des évolutions de la société et du monde du travail. La réforme des rythmes scolaires a pour ambition essentielle de réorganiser le temps scolaire pour accroître l'efficacité des apprentissages.

M. Ahmed Hamadi. - Nous sommes d'accord pour tenir compte de la chronobiologie et améliorer les apprentissages des enfants. Mais, pour cela, nous devons travailler sur la globalité du temps de l'enfant. On ne peut pas séparer d'une part le temps de l'éducation nationale, d'autre part tous les autres temps de l'enfant. Cela n'a pas de sens.

Bien sûr, nous désapprouverons la surconsommation d'activités. Nous constatons, comme vous, que certains enfants arrivent très tôt le matin à l'école pour en repartir très tard le soir. Mais la réforme des rythmes scolaires n'y change rien. Et elle a pour conséquence néfaste de renvoyer les femmes à la maison.

Bien sûr, il existait des inégalités entre les territoires avant la réforme. Mais elle les accentue ! Cette réforme met la pression sur les communes pauvres et laisse aux seules communes riches le développement d'une offre de qualité. Comment financer et mettre en place trois heures périscolaires de plus lorsqu'on est une collectivité surendettée ?

Je soutiens qu'il n'y a pas eu de concertation. Les caisses d'allocation familiales (CAF) ont été associées très tard. La preuve en est qu'elles n'avaient pas prévu initialement de financement et qu'aujourd'hui elles doivent prélever sur d'autres actions les fonds qu'elles consacrent à l'accompagnement de la réforme des rythmes scolaires. C'est préjudiciable à la politique d'action sociale.

Les PEDT nous imposent d'organiser plus d'activités éducatives mais sans les moyens adéquats. Dans ces conditions beaucoup de communes se contenteront d'une simple garderie.

Je termine mon propos pour dire que c'est l'animateur qui paiera les pots cassés, mais aussi les enfants dont la sécurité est en jeu. Nous demandons l'abrogation des textes réglementaires qui permettent de payer les animateurs au lance-pierre par dérogation au droit commun. C'est de l'esclavagisme moderne !

M. Jacques Legendre, président. - Je demanderai à l'assemble des intervenants de répondre de façon précise aux questions qui leurs sont posées, sans nourrir d'inutiles polémiques.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je ne peux pas laisser dire que la réforme renvoie les femmes à la maison. Bien au contraire. Il est avéré qu'un certain nombre de femmes qui travaillaient à temps partiel pour libérer leur mercredi ont repris depuis la rentrée une activité à temps complet. Non seulement le travail des femmes n'est pas affecté, mais en plus elles peuvent bénéficier d'une meilleure rémunération grâce au retour au temps complet.

M. Jacques Legendre, président. - Personne parmi nous n'a envie de renvoyer les femmes au foyer.

M. Patrice Weisheimer. - Notre organisation a bien été invitée à la Sorbonne ainsi qu'aux séances de travail au CNEPJ sur les taux d'encadrement. D'ailleurs, j'observe que la loi de refondation de l'école de la République n'a pas été examinée pour avis par le CNEPJ alors qu'elle entre pour partie dans le champ de ses compétences. Nous considérons qu'il y a eu passage en force pour l'arrêté de décembre dernier assouplissant l'encadrement. Nous constatons également des vices de forme. Il existe de vrais problèmes de coordination et de concertation au niveau du pôle ministériel éducatif au sens large.

Nous souhaitons la création d'un fonds de péréquation entre les communes pour lutter contre les inégalités. Il pourrait être financé par une hausse de la taxe sur les transactions financières.

Sur la question du « productivisme », ce n'est pas que nous voulons imposer toujours plus d'activités aux enfants. Absolument pas ! L'animateur est un professionnel de l'éducation qui travaille à partir d'un projet pédagogique construit et réfléchi. L'animateur est donc en capacité de savoir si l'enfant dont il a la charge a besoin de rêver ou de se détendre à tel ou tel moment de la journée.

Marcel Gauchet soutient qu'il faut à la fois instruire et éduquer en dépassant l'antagonisme artificiel entre ces deux notions. C'est une idée que nous partageons, alors que l'éducation nationale a déserté les enjeux de socialisation et de construction du citoyen. Ce n'est donc qu'en oeuvrant à l'émergence d'une véritable coéducation sur les territoires que nous pourrons enrichir l'action de l'éducation nationale et remplir ces missions fondamentales aujourd'hui négligées.

Les enseignants sont imposés à l'enfant alors que les animateurs sont choisis par l'enfant. Dans un contexte d'affaiblissement de l'autorité verticale, les activités périscolaires peuvent être un foyer de renouveau de la relation éducative.

Mme Catherine Sergent. - Dans certaines villes dotées de moyens suffisants, le maire pourra redistribuer les ressources entre les différentes structures sans supprimer d'emplois en faisant vivre l'animation socio-culturelle.

Nous reconnaissons l'existence d'inégalités ; nous ne souhaitons simplement pas que la réforme les accroisse encore.

Si les collectivités menaient une véritable concertation avec l'ensemble des structures éducatives, culturelles et sportives présentes sur leur territoire, l'emploi pourrait être préservé. C'est ce que nous appelons de nos voeux.

M. Jacques Legendre. - Cela se fait déjà !

M. Michel Le Scouarnec. - Je parlerai à partir de mon expérience d'élu et d'enseignant. Les collectivités territoriales ont fait dans leur ensemble de gros efforts pour l'éducation ces dernières années, notamment par des créations de postes dans leurs services chargés de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Rappelons-nous les années 1970 où il n'y avait même pas de garderie et où l'enseignant, avec ses élèves, devait s'occuper de chauffer la salle et de faire le ménage. C'est la pression sociale qui a abouti à la création des garderies pour permettre aux familles de travailler.

N'oublions pas non plus que certains enfants arrivent à 7h30, déjeunent à la cantine et ne repartent chez eux qu'à 18h30. Les journées d'école sont très longues et les fatiguent considérablement. Dans ce type de situation, les enfants sont peu en contact avec leurs parents, ce qui nécessite de compenser ce déficit par une action collective résolue si nous voulons lutter contre l'échec scolaire. Il n'est pas certain que les trois heures de TAP suffiront à cela.

J'étais favorable aux cours le samedi matin, mais il a fallu tenir compte de la situation des familles monoparentales. Par ailleurs les week-ends prolongés n'apparaissent pas favorables à l'apprentissage des enfants.

Enfin, la réforme se met en place dans un contexte budgétaire très difficile. Elle sera nécessairement contrainte par la super-austérité imposée aux collectivités à partir de 2015.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Je voudrais rebondir sur la notion de coéducation. Le PEDT peut permettre de construire une complémentarité entre les différents temps de l'enfant et d'exacerber leur curiosité dans tous les domaines. Quelles sont les relations entre enseignants et animateurs depuis la rentrée de septembre 2013 ?

M. Jean-Claude Carle. - Tout le monde s'accorde pour considérer que notre organisation des rythmes scolaires n'était pas adaptée. Pourtant, la réforme, loin d'être consensuelle, a provoqué des crispations, des inquiétudes et des blocages qui ne sont toujours pas résolus. N'y aurait-il pas un problème de méthode ? N'aurait-on pas déconnecté les rythmes biologiques des enfants et des enseignants des autres rythmes économiques, sociaux et sociétaux ?

Mme Catherine Sergent. - Le samedi matin était certainement le bon choix. Mais les maires résistent difficilement à la pression de leurs électeurs et cette solution a été très peu retenue. Dans ma ville, les parents se sont prononcés à 85 % pour le mercredi.

Les relations entre les enseignants et les animateurs sont malheureusement trop souvent mauvaises. La coéducation ne se passe pas bien. Et le concubinage entre l'éducation nationale et l'éducation populaire demeure très difficile. Les enseignants demeurent accrochés à leurs salles de classe et malmènent fréquemment les animateurs qui se sentent déconsidérés de la part de l'éducation nationale. Plus de co-construction des projets permettrait à chaque acteur de mieux se connaître mutuellement et de reconnaître tout le monde pour sa compétence et son professionnalisme.

La déconnection des rythmes scolaires, économiques et sociaux nous paraît en effet préjudiciable. Les journées des enfants sont largement contraintes par l'amplitude des journées de travail de leurs parents et par les temps de transport jusqu'au domicile. C'est pourquoi nous recommandons une approche globale des temps de l'enfant.

Les difficultés de pratique sont bien connues. La fatigue des enfants est réelle. L'accueil de tous les enfants le mercredi après-midi dans les centres de loisir pose de nombreux problèmes logistiques.

M. Patrice Weisheimer. - Nous regrettons, bien sûr, le manque de disponibilité des parents et la durée des journées des enfants, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut remettre en cause les activités périscolaires comme si elles constituaient une charge supplémentaire inutile. Si les intervenants sont formés comme nous le souhaitons, ils sauront prendre en compte la chronobiologie et ménager les enfants tout en accomplissant leurs missions éducatives. En matière de coéducation je ne partage pas complètement le point de vue de mes collègues. Là où les projets ont été ficelés brutalement en quelques mois comme à Paris, il est vrai que règne une défiance entre les différents acteurs. En revanche, là où existait historiquement une tradition de travail en commun, notamment au travers des contrats éducatifs locaux, comme en Alsace par exemple, les relations sont plus détendues et constructives.

Concernant l'articulation des différents rythmes scolaires, économiques et sociaux, force est de constater que chacun tente légitimement de faire valoir ses intérêts particuliers. Néanmoins, il faudra revoir la durée et le zonage des vacances scolaires et remettre sur la table la question du samedi matin. Les familles doivent aussi prendre conscience du temps passé par leurs enfants devant les écrans, ce qui peut les amener à se coucher très tard et à arriver à l'école fatigués le lendemain.

M. Bouziane Brini. - Les problèmes de logistique et d'infrastructure s'amplifient. De plus en plus de TAP sont organisés dans des salles de maternelle. Le mobilier y est inadapté, et les animateurs accumulent les problèmes de dos.

Si un lien est parvenu à se nouer entre les enseignants et les animateurs c'est grâce aux manifestations contre la réforme où ils ont pu exprimer ensemble leurs revendications. Enfin, j'attire l'attention sur le coût des activités qui risque de revenir aux familles et pénaliser les plus modestes d'entre elles.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Ma dernière question s'adresse à Mme Sergent. Vous ne voulez pas du mercredi matin. Il ne reste alors que deux possibilités. Soit revenir aux quatre jours, soit maîtriser la démarche participative et imposer le samedi matin. Comment sortir de ce dilemme ?

Mme Catherine Sergent. - Je n'ai pas de réponse toute faite. Je reconnais la difficulté de la tâche.

M. Jacques Legendre. - Dans mon département le souhait de certains conseils d'école de travailler le samedi matin n'a pas été respecté par le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN).

Je remercie les participants pour leurs interventions.

Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président, Daniel Lenoir, directeur général, et Frédéric Marinacce, directeur des politiques familiales et sociales de la CNAF

La commission procède ensuite à l'audition de de MM. Jean-Louis Deroussen, président, Daniel Lenoir, directeur général, et Frédéric Marinacce, directeur des politiques familiales et sociales de la CNAF.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous poursuivons nos auditions en recevant MM. Jean-Louis Deroussen, président, Daniel Lenoir, directeur général, et Frédéric Marinacce, directeur des politiques familiales et sociales de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF). Merci de revenir vers nous après votre première audition par la mission commune d'information en décembre dernier.

M. Jean-Louis Deroussen, président de la CNAF. - En décembre le congrès de l'Association des maires de France (AMF) venait de se terminer. Suite à l'interpellation du Premier ministre, notre conseil d'administration a repris ses travaux sur ce dossier en janvier. Un certain nombre de décisions ont pu être communiquées aux tutelles et à l'AMF.

D'une part, après un débat, il a été convenu que les communes qui s'étaient déjà engagées dans la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2013 bénéficieraient de conditions assouplies d'encadrement au titre des trois heures d'activités périscolaires issues de la réforme, et que ces modalités seraient étendues à l'ensemble des activités d'accueil de loisir sans hébergement (ALSH) qui existaient préalablement. En effet, l'existence de deux régimes distincts d'encadrement posait des problèmes d'adaptation.

D'autre part, il a été décidé qu'une réflexion serait menée sur les projets éducatifs de territoire (PEDT). Si un ALSH est aussi financé dans le cadre d'un contrat éducatif jeunesse (CEJ), le financement dans ce cadre se poursuit. Par ailleurs, si la mise en place d'une ASLH intervient entre la rentrée scolaire 2013 et la fin de l'année 2013, il a été décidé que le dispositif nouveau s'appliquerait.

Notre conseil d'administration a également décidé qu'il travaillerait au cours du premier semestre sur les modalités d'accompagnement par les CAF des communes qui ne sont pas encore passées aux nouveaux rythmes.

Enfin, le conseil d'administration a soulevé quelques points d'alerte sur la mise en oeuvre de la réforme. Il a souhaité que le premier semestre 2014 soit mis à profit pour se pencher sur son application dans les classes de maternelle et sur l'évaluation des trois heures d'activités périscolaires en termes d'apprentissage. Nous avons aussi travaillé à l'association des CAF à l'élaboration des PEDT le plus en amont possible, afin de répondre aux exigences des parents quant à la qualité des activités périscolaires. Enfin, il a posé la question du financement global de la réforme puisque, avant la réforme, les activités de loisir sans hébergement comportaient toujours une participation des familles, même modeste.

Concernant l'application de la réforme dans les communes ayant mis en place les nouveaux rythmes scolaires à la rentrée 2013, nous avons adressé un questionnaire aux élus pour nous signaler les difficultés de fonctionnement rencontrées et les bonnes idées qui mériteraient d'être partagées. Après les municipales, un deuxième questionnaire permettra de recueillir les attentes des collectivités territoriales sur les dispositions applicables à la rentrée prochaine.

M. Daniel Lenoir, directeur général de la CNAF. - La décision du conseil d'administration de la CNAF a été diffusée aux caisses dans le cadre d'une circulaire envoyée le 12 février qui, suivant l'usage et afin de tenir compte des observations éventuelles des CAF, sera publiée sur le site de la CNAF (www.caf.fr) la semaine prochaine.

Cette circulaire ouvre une période d'observation afin d'examiner les possibilités d'adaptation du dispositif pour la rentrée 2014. L'ensemble de nos administrateurs ont insisté sur la question de l'application de la réforme aux classes de maternelle et les éventuels restes à charge pour les parents. Nous nous sommes mis d'accord avec les services gouvernementaux, le projet étant piloté au niveau du Premier ministre. Nous souhaitons aussi une remontée d'informations sur l'efficacité du dispositif, dans le cadre d'un dialogue avec l'AMF qui, à l'origine, a parfois été vigoureux.

Vous nous avez interrogés sur la nécessité d'un PEDT et son statut. La CAF doit être signataire du PEDT afin d'apporter son financement aux activités bénéficiant d'un taux d'encadrement assoupli. Mais la signature ne vaut pas validation du PEDT, car ce n'est pas notre rôle. La responsabilité d'une dérogation aux normes d'encadrement ne relève pas de nous, mais des ministères de la jeunesse et des sports et de l'éducation nationale. Notre seule responsabilité porte sur le paiement des trois heures dérogatoires issues de la réforme des rythmes. Dans ce cadre, le PEDT est une nécessité car nous devons garantir le paiement sur la base d'une dérogation aux normes d'encadrement acceptées par les autorités de tutelle.

Un bilan sera effectué en fin d'année scolaire, afin de pouvoir faire le point au conseil d'administration du mois de juin en vue de la rentrée scolaire 2014. Nous maintiendrons le dispositif s'il fonctionne, mais nous sommes aujourd'hui dans une période transitoire. C'est en juillet que nous définirons les conditions de prise en charge pour l'avenir ; elles seront sans doute assez proches de celles actuelles, mais nous ne pouvons pas aujourd'hui nous projeter sur la rentrée 2014.

Les aspects financiers figurent parmi les facteurs à prendre en compte par la branche famille de la sécurité sociale. L'enveloppe de 913 millions d'euros sur cinq ans ne doit pas être dépassée. Selon les premières données dont nous disposons, l'enveloppe fixée dans la convention d'objectifs et de gestion pour la rentrée 2013 au titre du financement de la réforme par les CAF a été globalement respectée.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Merci pour ces premiers éléments d'information, qui appelleront sans doute d'autres questions auxquelles je vous demanderai de répondre le plus précisément possible.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Nous avons été interpellés à de nombreuses reprises par les maires sur la participation des CAF à la réforme. Je vous remettrai les lettres que nous avons reçues afin que vous puissiez leur répondre.

Tout d'abord, pouvez-vous nous confirmer qu'il faut un PEDT pour bénéficier d'une dérogation au taux d'encadrement dans le cadre des trois nouvelles heures d'activités périscolaires dégagées par la réforme, ce que j'appellerai les heures « Peillon » ?

M. Daniel Lenoir. - Les heures « Peillon » sont payées en tout état de cause.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Même sans PEDT ?

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Avec le taux d'encadrement assoupli, les heures « Peillon » sont-elles payées en l'absence de PEDT ? Qu'en est-il du paiement des heures « Peillon » entre la rentrée 2013 et le 1er janvier 2014 ?

M. Frédéric Marinacce, directeur des politiques familiales et sociales de la CNAF. - Les heures « Peillon » sont prises en charge par les CAF au titre de la prestation spécifique et nous n'exigeons pas de PEDT. Mais le PEDT est nécessaire pour le taux d'encadrement dérogatoire qu'appliquent les municipalités et les porteurs de projet.

Le conseil d'administration de la CNAF du mois de janvier a permis une grande avancée. Nous payons naturellement les heures « Peillon » à hauteur de 0,50 euros par heure et par enfant sur 36 semaines par an. Nous acceptons désormais de payer toutes les heures périscolaires assouplies, au-delà des seules heures « Peillon », dès lors qu'elles s'inscrivent dans un PEDT. Cette avancée est valable de façon transitoire pour six mois du 1er janvier au 30 juin 2014

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Le dispositif que vous décrivez ne s'applique donc pas rétroactivement à la fin de l'année 2013 ?

M. Frédéric Marinacce. - Non. Mais nous payons pour les nouveaux ALSH qui ont été créés après la rentrée scolaire et qui rentrent dans le cadre que nous venons d'évoquer. Il y en a environ 200.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Pour le financement des heures « Peillon », prenez-vous en compte le nombre d'enfants inscrits ou présents ?

M. Frédéric Marinacce. - Le nombre d'enfants présents, afin de coïncider avec le cadre de la réforme.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Des maires s'interrogent, puisque la présence des enfants inscrits fluctue. Utilisez-vous une déclaration du nombre d'enfants présents à la date du 1er janvier ou un point mensuel ?

M. Frédéric Marinacce. - Nous faisons un point mensuel.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous avez souligné l'importance de la gratuité. Faisiez-vous référence aux heures « Peillon » ?

M. Frédéric Marinacce. - Il s'agit de la gratuité au titre des trois heures « Peillon ».

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous avez évoqué une période d'observation de six mois au cours du premier semestre 2014. Qu'en est-il pour les communes qui appliqueront la réforme à compter de septembre 2014 ? Comment peuvent-elles se projeter dans l'avenir ?

M. Daniel Lenoir. - C'est l'une des difficultés. Elle est inhérente à tout processus d'adaptation. Pour ajuster notre dispositif, nous avons besoin d'estimations avant d'envisager la suite. Il existe une part d'incertitude sur les conditions de prise en charge à partir de septembre, qui seront sans doute ajustées en fonction de la période d'observation.

Il existe une incertitude sur la proportion d'enfants qui suivent les activités périscolaires dans le cadre des heures « Peillon » : plus d'enfants se sont inscrits et ont participé que dans nos prévisions, ce qui entraîne une augmentation des sommes consacrées à leur prise en charge. Après la phase d'observation, et à l'issue de nos travaux avec l'AMF, nous pourrions par exemple être amenés à revoir nos prévisions et augmenter les sommes consacrées à la réforme. Mais il existe parallèlement des facteurs possibles d'économies. Cela pourrait venir d'une remise en cause des activités périscolaires « Peillon » en maternelle qui suscitent des mécontentements Nous avons donc besoin d'une meilleure visibilité que celle dont nous disposons aujourd'hui sur les charges et les économies possibles. C'est tout l'intérêt de la période d'observation, après laquelle il y aura des ajustements.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Permettez-moi de prendre un exemple. Je dispose d'un dispositif périscolaire et mets en place des activités périscolaires dans le cadre de la réforme. J'obtiens une dérogation au taux d'encadrement au titre de ces trois heures « Peillon ». La proportion d'enfants suivant les activités périscolaires au cours de ces heures s'avère plus élevée (entre 40 et 50 %) que pour les autres activités périscolaires (pour lesquelles le taux est ordinairement compris entre 20 et 30 %). Jusqu'en juin 2014, je peux desserrer mon taux d'encadrement et bénéficier de garanties de financement. Mais à partir de septembre, je suis plongée dans l'incertitude : devrai-je monter en puissance pour compenser l'augmentation inévitable du nombre d'enfants pris en charge et embaucher davantage d'animateurs ? Sur le premier semestre 2014, la situation est tenable mais c'est l'ensemble des paramètres financiers qu'il me faudra revoir pour la rentrée prochaine.

M. Frédéric Marinacce. - Tout dépend du choix politique local du maire et des porteurs de projet. Souhaitez-vous conserver un encadrement classique ou déroger complètement aux normes d'encadrement prévues par le décret de 2013 sur les rythmes scolaires ? Différentes formules d'accueil sont possibles. Le dispositif mis en place pour accompagner la réforme fera l'objet d'un examen par le conseil d'administration de la CNAF en juin ou en juillet prochain pour ajuster le financement, au regard de l'expérience menée. Mais nous ne pouvons rien vous certifier dans la mesure où nous devons tenir les engagements de la convention d'objectifs et de gestion.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Les maires n'ont pas le choix ! Pendant les six prochains mois, il sera ainsi possible d'encadrer plus d'enfants avec le même nombre d'animateurs, mais en septembre vous allez nous dire qu'il faut davantage d'animateurs et que nous devons prendre nos responsabilités ! Les maires ne peuvent pas entendre un tel langage, qui ne peut être que source de crispations et de blocages.

M. Daniel Lenoir. - C'est le principe même d'une période d'expérimentation. La position initiale de la CNAF, à laquelle je n'étais pas partie prenante, était que les heures « Peillon » ne seraient financées que si le taux d'encadrement normal était appliqué. Suite à des échanges parfois difficiles avec l'AMF, nous avons accepté de mettre en place une période d'observation. Cette décision a suscité l'inquiétude de beaucoup d'administrateurs de la CNAF ; c'est une position qu'il faut aussi respecter. Notre responsabilité est d'assurer le paiement des heures « Peillon », dans un contexte d'incertitude. Nous devons envisager les différentes hypothèses et faire des simulations pour permettre aux maires de se positionner. Nous ne pouvons pas prendre avant l'été une décision formelle sur le maintien du régime dérogatoire ou sur le retour à la position initiale de la CNAF.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Sur quels critères allez-vous vous décider à la suite de la période d'observation ?

M. Daniel Lenoir. - Il s'agit d'abord de critères financiers. Nous devons vérifier que nous restons dans l'enveloppe fixée par la convention d'objectifs et de gestion (COG). Il faut également vérifier l'absence de problème de qualité et de sécurité. Nous devons ensuite nous adapter à la situation des familles : est-il utile d'avoir des activités périscolaires en maternelle ? Comment sont pris en charge les enfants en situation de handicap ? Quel est le reste à charge pour les familles ? Enfin, nous devons prendre en compte le taux de recours aux activités périscolaires, c'est-à-dire la présence effective des enfants. Nous ferons plusieurs propositions selon lesquelles un dialogue sera engagé avec les caisses pour gérer les différentes situations.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Si les normes d'encadrement sont moins strictes, il peut en résulter une augmentation de la proportion d'enfants suivant les activités périscolaires dans le cadre des heures « Peillon ». Le ministre souhaite d'ailleurs qu'un maximum d'enfants puisse bénéficier des activités périscolaires. Pour atteindre cet objectif partagé par tous, nous souhaitons que l'ensemble des partenaires fassent un effort, y compris les CAF.

M. Daniel Lenoir. - Les CAF ont déjà fait beaucoup d'efforts en acceptant des normes d'encadrement dérogatoires...

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Permettez-moi de revenir sur le taux de recours aux activités périscolaires de la réforme « Peillon ». Dans mon département, en Gironde, il nous a été dit que le taux de recours était plus faible que prévu, ce qui a ainsi laissé une marge financière pour permettre la prise en charge d'autres activités périscolaires. Or ce taux de recours plus faible s'expliquerait par la renonciation de nombreuses petites communes à déposer des dossiers auprès des CAF. Elles se plaignent de leur complexité...

M. Daniel Lenoir. - Et elles ont raison !

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Ce constat incite à davantage de souplesse et de dérogations. Les maires butent sur la question des qualifications requises. Par exemple, des enseignants d'écoles de musique pour des ateliers d'éveil musical, des comédiens professionnels qui proposent des activités théâtrales, des responsables en communication proposant la création d'un journal dans le cadre des heures « Peillon » ne sont pas considérés comme des encadrants disposant des qualifications requises, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et le brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD). Or ces ateliers, animés par des personnels considérés comme non qualifiés au regard du BAFA ou du BAFD, présentent une vraie pertinence afin d'ouvrir de nouvelles perspectives aux enfants.

M. Daniel Lenoir. - J'ai dit que les maires avaient raison de se plaindre de la complexité des dossiers. Dans le cadre de la COG, un chantier de simplification a été engagé en direction des allocataires et de l'ensemble des partenaires de l'action sociale. En effet, trop d'éléments sont demandés, ce qui décourage les bénéficiaires potentiels des aides des CAF. Mais ces chantiers de simplification sont également liés à des procédures qui relèvent du ministère de la jeunesse et des sports. Par ailleurs, au regard des observations des différentes CAF et des refus qu'elles peuvent opposer à certaines demandes, nous allons mettre en place un système de questions et de réponses pour pointer les situations anormales dans lesquelles des refus sont systématiquement exprimés pour des raisons administratives. Nous allons ainsi améliorer le site www.caf.fr pour mettre ces informations de base à la disposition du plus large public possible.

La simplification est un chantier d'autant plus complexe que les travaux en sciences des organisations ont montré que l'accumulation de règles nuisait à l'application de la règle. Pourtant, on ne cesse d'ajouter de nouvelles règles.

M. Frédéric Marinacce. - Nous avons conscience de la complexité des règles, mais la réforme a ajouté de la complexité à la complexité. Nous avons ainsi dû nous adapter parfois rapidement. Nous avons une ambition très forte de simplification. Pour faire simple, il existe trois types de prestations : la prestation de service ordinaire (PSO), la prestation de service spécifique (PSS) dans le cadre des heures « Peillon » et la prestation à destination de l'extrascolaire. Il faudrait encore en compter deux de plus en toute rigueur : le CEJ périscolaire et le CEJ extrascolaire.

Si l'on ajoute la PSO, la PSS et les CEJ, les CAF valorisent près du tiers des dépenses d'un ALSH, soit un peu plus de 1,50 euro par enfant et par heure sur un coût total estimé à 4,70 euros. Pour l'instant, ce sont les mêmes locaux, les mêmes enfants, les mêmes activités et nous ne payons pas la même chose selon le dispositif. Nous avons conscience de cette complexité et nous allons simplifier.

S'agissant des normes, les CAF n'exigent rien car elles n'ont aucun pouvoir de contrôle. Elles s'alignent sur le code du travail, sur le code de l'action sociale et des familles et les normes du ministère de la jeunesse et des sports. Ce cadre juridique impose un certain nombre d'exigences auxquelles nous sommes très attachés, notamment en ce qui concerne les qualifications des animateurs. Ces derniers doivent être titulaires d'un diplôme ou d'un certificat de qualification, agents de la fonction publique ou titulaires du BAFA. Pour notre part nous encourageons l'accès au BAFA, puisque nous finançons le BAFA pour52 % des 50 000 jeunes qui y accèdent chaque année. Nous nous alignons sur la réglementation, à charge pour les autorités de tutelle de la contrôler. Par ailleurs, je vous rappelle que les normes d'encadrement permettent la présence de 20 % d'animateurs non qualifiés.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Il y a une incompréhension des maires ! Comment expliquer qu'un professeur d'école de musique ne rentre pas dans la catégorie des personnels qualifiés pour pouvoir intervenir pendant les TAP, sous prétexte qu'il ne dispose pas du BAFA? Les maires se retournent vers les CAF parce qu'elles apportent un financement. Nous entendrons dans la foulée de votre audition le ministère de la jeunesse et des sports.

M. Frédéric Marinacce. - Nous avons réalisé un guide avec eux...

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - ... dont j'espère qu'il est le plus simple possible, car les maires ont besoin de réponses à leurs questions.

M. Daniel Lenoir. - Tout le monde a besoin de simplicité. Cela me rend malade de voir la complexité des dossiers demandés aux maires. En même temps, simplifier est très compliqué, car cela va à contre-courant des tendances naturelles de nos organisations. De surcroît, je le redis, nous avons ajouté de la complexité à la complexité avec cette distorsion entre les heures « Peillon » et les autres.

M. Dominique de Legge. - J'ai bien compris que vous auriez préféré éviter de mettre le doigt dans la réforme des rythmes scolaires. Vous avez évoqué des dépenses à hauteur de 10 millions d'euros en 2013. À quoi correspondent-elles ?

M. Daniel Lenoir. - Il s'agit de la dépense prévue pour l'année civile 2013, de septembre à décembre. Le fonds total, inclus dans le fonds national d'action sociale (FNAS) représente 913 millions d'euros sur l'ensemble de la durée de la COG, soit cinq ans. Pour mémoire, le FNAS représente un montant de 4,6 milliards d'euros aujourd'hui et se montera à 6,6 milliards d'euros à la fin de la COG. Lorsque la réforme sera appliquée en année pleine pour l'ensemble des communes, la dépense s'élèvera à 250 millions d'euros.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - En 2014 ?

M. Daniel Lenoir. - Non, car en 2014 la réforme ne sera généralisée qu'à la rentrée prochaine. La dépense prévue en 2014 s'élève à 153 millions d'euros, dont 62 millions d'euros au titre de la participation de la CAF au fonds d'amorçage et 91 millions d'euros dans le cadre de la PSO. En 2015, 2016 et 2017, la dépense annuelle s'élèvera à 250 millions d'euros, soit une dépense prévisionnelle totale de 861 millions d'euros sur l'ensemble de la durée de la COG.

M. Dominique de Legge. - Le coût de la réforme a été estimé à 900 millions environ, voire 1 milliard d'euros en année pleine pour l'ensemble des collectivités territoriales. La participation de la CAF à hauteur de 250 millions d'euros représenterait donc environ 25 % de la dépense totale.

M. Daniel Lenoir. - Oui, si l'estimation de 1 milliard d'euros s'avère exacte.

M. Jean-Claude Carle. - Tout cela est d'une simplicité enfantine... Pourriez-vous nous faire une note synthétique, à destination des maires, sur ce qui relève des activités traditionnelles et des heures « Peillon » ?

M. Daniel Lenoir. - Ce sera sur www.caf.fr, dans un dispositif de questions-réponses permettant de répondre aux interrogations des maires.

Je vous laisse également un exemplaire de la circulaire adressée aux CAF. En deux mots, elle indique comme les heures « Peillon » peuvent être financées tout en dérogeant au taux d'encadrement, dans les conditions du PEDT et du décret. La circulaire sera publiée sur www.caf.fr lundi prochain.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je vous remercie.

Audition de M. Mikaël Garnier-Lavalley, délégué interministériel à la jeunesse, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, M. Marc Engel, chef du bureau de la protection des mineurs en accueils collectifs et des formations, Mme Sylvie Martinez, chargée de mission à la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) et M. Vianney Sevaistre, sous-directeur de l'emploi et de la formation à la direction des sports du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Enfin, la mission procède à l'audition de M. Mikaël Garnier-Lavalley, délégué interministériel à la jeunesse, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, M. Marc Engel, chef du bureau de la protection des mineurs en accueils collectifs et des formations, Mme Sylvie Martinez, chargée de mission à la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) et M. Vianney Sevaistre, sous-directeur de l'emploi et de la formation à la direction des sports du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous poursuivons nos auditions avec les représentants du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, en recevant M. Mikaël Garnier-Lavalley, délégué interministériel à la jeunesse, M. Marc Engel et Mme Sylvie Martinez, de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) et M. Vianney Sevaistre, sous-directeur de l'emploi et de la formation à la direction des sports.

M. Mikaël Garnier-Lavalley, délégué interministériel à la jeunesse, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. - Le ministère de la jeunesse et des sports est chargé de la protection des mineurs scolarisés et accueillis dans les centres de loisirs et les séjours de vacances. Il doit également édicter et mettre en oeuvre les règles dans ce domaine. Cette compétence comprend les accueils de loisirs périscolaires et explique en partie notre intervention dans la réforme des rythmes. Par ailleurs, le ministère de la jeunesse a souhaité favoriser la mise en place de l'accueil des enfants avec les collectivités territoriales en mettant en avant la notion d'éducation partagée. Ce travail, de longue haleine, a été engagé dès le début des années 1980 et s'est concrétisé dès 1984 avec la circulaire Calmat-Chevènement intitulée « Temps scolaire dans le premier degré, développement des liaisons de l'école avec les partenaires éducatifs locaux ». Plusieurs circulaires ont suivi, dont la plus emblématique concerne les contrats éducatifs locaux (CEL), signée le 9 juillet 1998, et confirmée par une circulaire du 25 octobre 2000 des ministres chargés de l'éducation, de la jeunesse et des sports, de la ville et de la culture. Globalement, ces contrats ont touché environ 4 millions d'enfants du primaire et du secondaire au cours de l'année scolaire 2003-2004. Ce sujet n'est donc pas nouveau pour nous, tant en administration centrale que dans les services déconcentrés. Notre ministère a donc souhaité tout naturellement s'investir dans la réforme des rythmes scolaires, notamment pour la continuité des temps de l'enfant et la complémentarité entre éducation formelle et éducation non formelle, cette dernière étant dispensée notamment par les associations de jeunesse et d'éducation populaire et les associations sportives.

La réforme a été engagée à la suite de la publication du décret du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires. Elle permet de mieux répartir les temps d'enseignement sur la semaine, d'alléger la journée de classe et d'assumer une meilleure continuité entre temps scolaires et périscolaires, autour d'activités à caractère sportif, culturel, artistique, scientifique ou citoyen. Les activités proposées contribuent ainsi à multiplier et à diversifier les champs d'apprentissage indispensables à l'autonomie et l'épanouissement de l'enfant, en liaison avec les élus locaux, l'éducation nationale et les caisses d'allocations familiales (CAF).

La mise en place de la réforme constitue pour nous un levier important pour proposer des activités épanouissantes aux enfants, avec pour objectifs de faciliter les apprentissages et de réduire les inégalités d'accès aux loisirs de qualité. En s'appuyant sur des travaux de chronobiologistes, le Gouvernement a lancé cette réforme pour alléger la journée scolaire et franchir un cap dans l'accès à ces loisirs de qualité. Pour nous, la notion de réforme des rythmes éducatifs s'impose, en considérant que l'éducation n'est pas limitée au seul cadre scolaire et que la réforme doit permettre une meilleure articulation entre les temps scolaire et périscolaire, voire extrascolaire, dans la journée, la semaine et l'année, en tenant compte des autres activités durant les vacances, ou, en semaine, le mercredi. Ces activités ne sont pas nées avec la réforme des rythmes ; elles existent depuis longtemps, en lien avec les mouvements d'éducation populaire et les collectivités territoriales. Ce type d'activités existe sous différentes modalités, notamment les accueils de loisirs déclarés directement ou par l'intermédiaire d'associations. Ces accueils portent sur des effectifs compris entre 7 et 300 mineurs scolarisés sur le temps périscolaire. En 2011-2012, on comptait environ 15 500 accueils de loisirs déclarés regroupant plus de 860 000 places ouvertes. Si ces accueils sont privilégiés en raison de leur qualité éducative et des garanties d'encadrement et de sécurité qu'ils offrent, ils ne sont pas une obligation ; les communes peuvent décider de mettre en place une mono-activité, culturelle ou sportive, ou d'autres types d'accueil, comme des garderies. Dans ce cas, ces activités ne sont pas déclarées et ne bénéficient pas des aides de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), selon les règles qu'elle applique. Les nouvelles heures libérées ont été l'occasion d'associer l'ensemble des acteurs éducatifs, et la conclusion d'un projet éducatif territorial (PEDT) permet d'acter cette collaboration, en constituant une opportunité pour faire travailler ensemble les différents acteurs éducatifs.

Les communes qui ont été les premières à mettre en oeuvre la réforme étaient, pour la plupart, déjà engagées dans une démarche éducative et partenariale, dans le cadre des CEL, des contrats enfance jeunesse ou des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Parmi les conditions de réussite de la réforme, il convient ainsi de citer l'ancienneté des partenariats existants et le développement d'une politique organisée, notamment d'un projet éducatif local (PEL) qui prenait la suite de dispositifs antérieurs. L'ambition est de favoriser l'implication des familles, la mise en place d'une politique d'éducation et de prévention et l'accès à des activités socio-culturelles et de loisirs hors temps scolaire. Le cas spécifique des petites communes a fait l'objet d'une attention particulière : bénéficiant de faibles ressources humaines, elles ont pu disposer d'un accompagnement dédié à partir de questionnaires, permettant de préciser les besoins et les actions de formation en lien avec les CAF et les services de l'éducation nationale, ainsi que pour la diffusion d'outils. L'enquête de l'Association des maires de France (AMF) présentée en novembre 2013 précise d'ailleurs que, pour l'élaboration des PEDT, 54 % des communes se sont appuyées sur ce document existant, dont 23 % sur un PEL et 15 % sur un contrat enfance jeunesse, associant communes et CAF autour d'engagements réciproques.

Les difficultés apparues concernaient essentiellement la réglementation de la protection des mineurs et une mauvaise compréhension par ses acteurs de la réforme, et probablement des émetteurs de prescription que nous sommes. Si la règlementation a pu paraître contraignante, son objectif est double : la protection des mineurs accueillis et la qualité éducative. Elle offre donc une garantie pour tous, enfants, familles, animateurs et collectivités territoriales. Le code de l'action sociale et des familles définit un cadre règlementaire spécifique pour organiser ces accueils, en termes de taux d'encadrement, de qualification des personnels et d'existence d'un projet éducatif se déclinant en un projet pédagogique pour le directeur de l'accueil. Compte tenu des spécificités de ce type d'accueil, la règlementation avait déjà prévu un encadrement allégé par rapport aux accueils de loisirs extrascolaires, à raison d'un animateur pour 10 enfants de moins de 6 ans et d'un animateur pour 14 mineurs de plus de 6 ans, au lieu de un pour 8 et un pour 12 en extrascolaire. L'allègement de l'encadrement réglementaire s'est poursuivi à l'occasion de la réforme, pour accompagner l'augmentation prévisible de la fréquentation. Pendant les 3 heures libérées, à raison d'une fréquentation comprise entre 70 % et 80 %, le décret du 2 août 2013 a réduit le taux d'encadrement minimal de ces structures pour toutes les heures de l'accueil périscolaire de loisirs, le matin, le midi et le soir : un animateur pour 14 mineurs de moins de 6 ans, et un animateur pour 18 mineurs de plus de 6 ans. De même, l'arrêté du 12 décembre 2013 prévoit de déroger en cas de difficultés manifestes de recrutement pour une durée ne pouvant excéder douze mois à l'obligation de qualification professionnelle pour diriger un accueil de loisirs périscolaires. Une personne titulaire du brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) en accueil collectif de mineurs pourra ainsi exercer ses fonctions au sein de ces accueils. Au niveau local, ce sont les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) impliquées dans la réforme qui travaillent sur ces questions et accompagnent les communes par leurs conseils. S'agissant de la formation, un projet de circulaire est en cours de rédaction pour favoriser l'adéquation des formations aux besoins et préparer la rentrée prochaine.

Ces réformes n'ont pas toujours été expliquées ou comprises. Par exemple, le décret du 2 août 2013 permet d'assouplir les taux d'encadrement dans le cadre d'un PEDT signé sur l'ensemble des heures. Dans le même temps, compte tenu de ses contraintes financières, la CNAF a créé une prestation de service spécifique pour les 3 heures libérées, distincte de la prestation en vigueur pour les autres heures de l'accueil de loisirs. Cette situation a pu faire croire que les taux n'étaient pas assouplis pour l'ensemble des heures, ce qui n'est pas le cas, à condition toutefois d'avoir signé un PEDT, pour les prestations correspondant aux activités proposées jusqu'au mois de juin. Pour notre part, nous nous inscrivons dans une démarche expérimentale sur les trois prochaines années. Parallèlement, certains organisateurs d'accueil de loisirs, en fonction des heures libérées, souhaitent déclarer des accueils de 45 minutes par jour. Ce temps est inférieur à la durée minimale d'une heure pour pouvoir déclarer un accueil, cette durée d'une heure étant elle-même dérogatoire à celle initialement fixée à deux heures. La déclaration, que les organisateurs doivent remplir, doit comprendre toutes les heures d'accueil de la journée, et pas seulement les heures libérées, dans le cadre d'un système global. Il convient également de noter que les 45 minutes libérées ne constituent pas une norme, et ne permettent pas de toute manière l'organisation d'activités de qualité. Certaines collectivités territoriales définissent des créneaux horaires beaucoup plus importants et retiennent une organisation qui permet des activités d'une durée plus longue et ayant une réelle approche pédagogique. Localement, les services des DDCS accompagnent les communes sur cette question spécifique et les difficultés souvent soulevées.

Sur l'articulation des temps, l'une des critiques récurrentes concerne la fatigue des enfants. Cette critique des parents a pu trouver son origine dans le très grand nombre d'activités proposées sans réelle articulation entre elles. L'enjeu pour nous des PEDT est de favoriser la collaboration entre les acteurs éducatifs, ainsi que la complémentarité et la cohérence des activités proposées aux enfants. Lorsqu'il n'existe pas d'accueil de loisirs, les services de notre ministère apportent aux collectivités leur expérience afin de rechercher les activités les plus adaptées suivant les temps de la journée et l'âge des enfants (jeux sportifs, jeux calmes), afin de tenir compte du rythme et pas seulement du découpage séquencé administrativement parlant. L'accueil de loisirs facilite l'articulation des activités proposées par des clubs sportifs et des associations culturelles dans un cadre éducatif sécurisé.

L'ensemble des services du ministère se sont investis dans la mesure de leurs possibilités dans la réforme des rythmes, au niveau central par un travail constant et des groupes de travail nous associant à l'AMF, au ministère de l'éducation nationale et à la CNAF - ce qui qui a permis des échanges sur les pratiques pour résoudre les blocages éventuels - et au niveau déconcentré, par des actions d'information en direction de nos services, dans des réunions d'information, des formations, la diffusion d'outils et de bonnes pratiques. Le ministère contribue ainsi à une animation d'ensemble. Tous nos personnels concernés, y compris au niveau déconcentré, ont été réunis le 18 mars 2013, et nous réitérerons cette démarche le 18 mars de cette année.

Nous organisons des stages de formation en direction de nos agents. Nous avons diffusé une circulaire commune avec l'éducation nationale le 20 mars 2013, et préparons une autre circulaire avec le ministère du travail pour répondre aux questions de formation et d'emploi. Des stages sont également organisés par l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN), nous associant à l'enseignement supérieur, la recherche et l'éducation nationale. Nous avons publié, en août 2013, un guide pratique pour des activités périscolaires de qualité, que je vous remettrai, élaboré avec la CNAF, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, et qui se veut un outil apportant des réponses aux services de l'État, aux élus locaux et au monde associatif. Au niveau local se sont également mis en place des groupements d'appui départementaux (GAD), qui associent les communes, l'éducation nationale, les associations et les autres acteurs que sont les CAF et les services de notre ministère. Enfin, nous travaillons au quotidien avec les mouvements de jeunesse et d'éducation populaire, la moitié des accueils de loisirs étant associatifs. Nous intervenons aussi sur les habilitations de formation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et au BAFD, qui relèvent de notre champ, et pour la formation continue des personnels déjà qualifiés comme les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM).

En conclusion, je dirai que notre action sur ce dossier n'est pas ponctuelle, puisque nous travaillons au quotidien sur les différents accueils. Nous devons poursuivre notre action au-delà de la mise en oeuvre de la réforme. Cette réforme, qui est au service de l'enfant, n'en est qu'à ses débuts et nous considérons qu'il faudra du temps pour en tirer profit. Sa réussite est conditionnée par une coopération des acteurs aux niveaux national et local, une bonne articulation des temps (scolaire, périscolaire et extrascolaire) et une action sur l'emploi et la formation.

Pour nous, même s'il n'est pas obligatoire et ne constitue pas la norme, l'accueil de loisirs périscolaire est une réponse à l'accueil des enfants dans de bonnes conditions afin d'assurer leur épanouissement et leur sécurité, et répondre aux exigences de cette réforme de rééquilibrage des temps dans la journée, la semaine et l'année. Soyez assurés que l'ensemble des services du ministère sont engagés dans la réforme aux côtés des élus locaux, et en partenariat avec les services de l'éducation nationale, les mouvements d'éducation populaire, les CAF et les familles.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Merci pour cette présentation très exhaustive. Je passe la parole à Mme la rapporteure.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Nous venons d'auditionner les représentants de la CNAF, à qui nous avons fait part de nombreuses incompréhensions des élus sur la complexité des dossiers à remplir pour bénéficier des subventions de la CNAF dans le cadre des temps d'activités périscolaires (TAP) issus de la réforme. En effet, ils ont parfois recours à des intervenants atypiques, comme des musicothérapeutes, des comédiens professionnels et des psychomotriciens, pour l'animation d'ateliers, mais ils se sont heurtés à l'obligation faite à ces derniers de disposer du BAFA pour figurer parmi les encadrants qualifiés. Pourtant, ils ont déjà l'habitude de travailler avec des enfants dans un autre cadre que celui des TAP. Cette question vous est-elle remontée, et quelle réponse peut-on lui apporter ? Il serait en effet dommage de se priver de la compétence de ces intervenants.

Par ailleurs, quelle était votre estimation du nombre d'enfants qui bénéficiaient des dispositifs périscolaires mis en place avant la réforme ? Dans quelle mesure le passage aux nouveaux rythmes a-t-il modifié le nombre d'enfants concerné ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - En réponse à votre première question, nous avons bien sûr eu de fortes remontées du terrain. Les temps périscolaires ne sont par nature ni obligatoires, ni gratuits. Les collectivités peuvent recourir aux professionnels de leur choix. La politique de la CNAF consiste à lier son financement à des garanties de qualité éducative et de protection des mineurs. C'est le choix de la CNAF.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - La CNAF nous dit de nous adresser au ministère de la jeunesse et des sports pour avoir une réponse !

M. Gilbert Roger. - Ne jouez pas au ping-pong avec les élus !

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - C'est le choix de la CNAF de lier ses financements et le taux d'encadrement.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - La CNAF nous a précisé examiner les dossiers sous un angle financier, mais a déclaré que des critères lui étaient imposés comme la qualification des animateurs pour laquelle il faut se référer à une liste de diplômes obligatoires, transmise par le ministère de la jeunesse et des sports. Nous n'en attendions donc qu'avec plus d'impatience votre audition.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Nous entendons bien votre exigence de qualification mais que dire quand une psychomotricienne, qui exerce son métier par ailleurs, n'est pas reconnue comme encadrant qualifié car elle ne dispose pas du BAFA ! Que dire d'un professeur de musique qui n'est pas reconnu comme un encadrant qualifié dans le cadre des TAP parce qu'il fait de l'éducation musicale sans être diplômé du BAFA !

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - La CNAF peut ne pas se référer à la liste des diplômés du BAFA. De même, certaines CAF ont choisi de financer des garderies.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - La CNAF peut-elle s'affranchir de vos préconisations ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Les garanties d'accueil périscolaire sont peut-être plus importantes à ses yeux qu'une dérégulation...

La législation actuelle offre des possibilités. Les normes d'encadrement prévoient un animateur pour 14 enfants de moins de 6 ans et ce ratio s'élève à un animateur pour 18 enfants âgés de 6 à 18 ans. Au moins 50 % de l'effectif doit disposer du BAFA ou d'un diplôme équivalent et 30 % des non diplômés peuvent suivre une qualification. Il reste donc une proportion de 20 % d'animateurs qui ne sont ni diplômés, ni en cours de formation. Lorsque la déclaration est effectuée, il faut vérifier la qualité et la moralité des intervenants.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - La CNAF se retranche-t-elle derrière une lecture limitative des diplômes pour se garantir par rapport à son éventuelle responsabilité future ? Une clarification est nécessaire au regard des exigences requises dans le cadre du BAFA et des activités en centre de loisirs sans hébergement (CLSH).

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Je ne crois pas que la CNAF se retranche derrière la règlementation du ministère de la jeunesse et des sports, mais l'ambition éducative doit être garantie par des personnels qualifiés et un projet pédagogique.

S'agissant des CLSH, il ne s'agit pas d'un encadrement mais bien d'une déclaration devant indiquer les nombres d'enfants accueillis et d'animateurs en précisant, pour ces derniers, les qualifications requises comme le BAFA. Les mêmes règles s'appliquent pour l'accueil périscolaire et les CLSH.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Il y a peut-être un problème de définition de la notion de qualification.

Pour les trois heures relevant de la réforme, des exemples montrent que certains maires souhaiteraient organiser des activités en recourant à plus de 50 % de personnels ne disposant pas du BAFA, mais dont certains apparaissent de toute évidence hyper-qualifiés au regard des activités qu'ils conduisent par ailleurs.

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Il est possible de modifier la liste des diplômes équivalents au BAFA. Il faut également tenir compte des exigences éducatives des parents. S'en tenir aux seules trois heures de TAP n'a sans doute pas grand sens, mais si nous étions moins exigeants sur le reste des temps scolaires, les relations avec les parents pourraient être dégradées.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Ce ne sont pas les mêmes activités qui sont conduites pendant les trois heures de TAP et les autres activités périscolaires. La réforme des rythmes doit permettre de libérer des temps qui offriront à l'enfant la découverte d'autres pratiques artistiques et sportives, différentes de celles qu'il peut pratiquer en centre de loisirs. Les enfants ont ainsi l'opportunité de rencontrer d'autres professionnels. Or ces professionnels ne seraient pas qualifiés au regard du BAFA !

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Les trois heures de TAP peuvent être organisées de différentes manières.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Monsieur le délégué interministériel, si je comprends bien, qui peut le plus peut le moins. Dès lors, pourquoi traiter différemment les trois heures « Peillon » et les autres activités périscolaires ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Dans la mesure où nous édictons la règlementation, je vais préciser quelles sont les trois catégories d'accueil collectif de mineurs. Pour les activités extrascolaires, les taux d'encadrement s'élèvent à un animateur pour huit enfants de moins de six ans et un animateur pour douze enfants de plus de six ans. Ces taux passent respectivement à un pour quatorze et un pour dix-huit pour les activités périscolaires normales, et à un pour dix et un pour quatorze pour les activités périscolaires dans le cadre d'un plan éducatif de territoire (PEDT).

Les normes d'encadrement pour l'hébergement extrascolaire sont donc plus rigoureuses. Les animateurs nous reprochent cette dérogation, en la considérant comme une dégradation de leurs conditions de travail. Nous avons donc pris le parti de demander les garanties d'un PEDT pour apporter une meilleure protection des mineurs.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Au-delà du taux d'encadrement, je parlais également des exigences de diplôme.

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Prenons un exemple : pour un groupe de vingt enfants, vous pouvez disposer d'un animateur BAFA et d'un musicien qui n'est pas diplômé du BAFA.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Mais pour un groupe de quatorze enfants, il n'est pas possible de disposer d'un musicien seul comme encadrant.

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Un musicien, quel qu'il soit, n'apportera pas les garanties éducatives.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Et s'il s'agit d'un enseignant ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - S'il ne dispose pas du BAFA, alors il ne fait pas partie des encadrants qualifiés. Vous pourriez demander que ses compétences entrent dans la liste des diplômes équivalents au BAFA. Mais nous sommes contre une dérégulation totale. Les métiers sont différents et les pédagogies ne sont pas les mêmes pour les enseignants et les animateurs.

M. Gilbert Roger. - J'ai cru comprendre que des TAP fractionnés par durée de quarante-cinq minutes n'étaient guère compatibles avec des activités éducatives. Pourtant, les cours de français et de mathématiques ne dépassent souvent pas quarante-cinq à cinquante minutes. Or vous avez déclaré que 20 % des projets éducatifs ne relevaient pas d'organisation d'activités fractionnées en périodes de quarante-cinq minutes et j'en déduis donc que 80 % des projets prévoient de telles durées pour tout ou partie des TAP.

Les PEDT sont bien signés par les maires, élus de la République. Ayant exercé les fonctions de premier magistrat pendant dix-sept ans, j'ai constaté des aberrations comme l'existence de deux machines à laver, l'une pour le centre de loisirs et l'autre pour l'école. Il en va de même pour les classes des écoles : ce sont des bâtiments municipaux qui doivent avoir un usage collectif. Pour en revenir au PEDT, la CAF appose sa signature pour les financements. Mais la CNAF nous a précisé que cette signature ne valait pas validation.

Au ministère de la jeunesse et des sports, quelle réponse avez-vous à apporter à ceux qui s'inquiètent des conditions de la rentrée 2014 ? Et que ferez-vous si des élus s'opposent à la mise en oeuvre de la réforme ?

Dans les communes, il est de plus en plus souvent fait recours à des bénévoles, notamment retraités. Cette possibilité ne sera plus gérable si l'on applique la règle des taux d'encadrement au titre du BAFA. Pour citer un exemple que je connais, un professeur de conservatoire ne compte pas dans les effectifs des personnels qualifiés au titre du BAFA, et les instituteurs sont disposés à participer aux TAP, mais à des tarifs supérieurs à ceux du BAFA.

Vous faites dépenser des sommes énormes aux collectivités publiques ! Pourrions-nous négocier ensemble pour simplifier les normes, de manière à rassurer les élus locaux, dont certains ne disposeront que de peu de temps après leur entrée en fonction suite aux élections municipales de mars ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Le décret de réforme des rythmes scolaires date de janvier 2013, il y a à peine plus d'un an. Mais je comprends vos préoccupations. Le ministère est engagé depuis les années 1980 dans la réforme des rythmes...

M. Gilbert Roger. - ... depuis la circulaire Calmat-Chevènement de 1984, à l'élaboration de laquelle j'ai participé, alors que M. Calmat était maire de Livry-Gargan.

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - S'agissant des locaux, nous trouvons qu'il est de bonne gestion publique que l'accueil au titre des activités périscolaires puisse avoir lieu dans les locaux scolaires, d'autant plus que les collectivités locales investissent fortement dans l'éducation. De même, nous comprenons les difficultés à construire en milieu urbain.

L'intervention des bénévoles est intéressante, mais il est de la responsabilité de la collectivité locale de tenir compte des critères correspondant au financement de la CAF.

Je ne prétends pas que conduire des TAP dans le cadre de séances de 45 minutes pose difficulté. Mais un trop grand fractionnement des activités peut conduire à réduire effectivement cette durée de 45 minutes, compte tenu notamment des temps qui séparent deux activités. Si on veut calquer la réforme sur les rythmes de vie des familles, il faudrait alors prendre en compte le cas des enfants déposés à l'école entre 7h30 et 8h et que l'on vient chercher entre 17h30 et 18h. La question des temps se pose alors sur l'ensemble de la journée.

Nous avons accompli beaucoup d'efforts pour décloisonner les taux d'encadrement et améliorer la formation. Des réponses admirables ont été apportées pour identifier des activités et des personnels que l'on accompagnera en formation dès le mois de juin et qui dispenseront des activités à partir de septembre. La formation professionnelle des animateurs est souvent très décriée et il s'agit de les accompagner pour les responsabiliser.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous comprenons votre engagement pour un taux d'encadrement de qualité. Toutefois, le taux d'encadrement en France est le plus élevé d'Europe. D'autres pays comptent moins d'encadrants sans que l'on déplore davantage d'insécurité. Dès lors que les collectivités territoriales sont soumises à des choix budgétaires drastiques, nous pouvons comprendre qu'elles souhaitent disposer de taux d'encadrement plus souples.

Permettez-moi de prendre un exemple. Je mets en place des TAP, dans le cadre d'une activité dispensée par un professeur de musique, qui ne dispose pas du BAFA, pour 14 enfants. La CAF a-t-elle le droit de subventionner mon activité ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - La CAF est responsable de ses choix.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - La CAF est donc libre de le faire...

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Une autre solution consisterait à inscrire le diplôme du professeur de musique dans la liste des diplômes équivalents au BAFA. Il faut aussi tenir compte des contraintes financières des CAF.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Pour prendre un autre exemple très concret, est-il possible qu'un artisan local aide à construire un hôtel à insectes ? La CAF peut-elle passer outre l'absence de BAFA dans ce cas précis ?

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Vous pouvez organiser une garderie comme vous le voulez.

M. Gilbert Roger. - Je comprends que vous considérez l'hôtel à insectes comme une activité de garderie.

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Je ne me prononce pas sur l'activité proposée, d'autant plus que nous sommes très impliqués sur les sorties nature. Dès lors que les règles d'encadrement sont respectées, la commune est libre de s'organiser comme elle le souhaite : les activités ne sont ni obligatoires, ni gratuites.

M. Gilbert Roger. - Dans le cadre de nos auditions, comme des débats parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat, la plupart des élus ont déclaré, quelle que soit leur appartenance politique, vouloir parvenir à la gratuité des activités.

Des activités comme la menuiserie peuvent avoir un intérêt pédagogique et ne sont pas perçues comme de la garderie par les parents. Pour utiliser un langage moins administratif que celui que vous nous tenez, je vais prendre un autre exemple : beaucoup de clubs de football organisent des entrainements le mercredi après-midi et le soir sans nécessairement respecter un taux d'encadrement d'au moins un adulte pour 14 joueurs. Les clubs ne sont pas désorganisés pour autant, puisque certains d'entre eux parviennent à battre des clubs professionnels en coupe de France. L'objectif est bien d'amener les enfants à découvrir quelque chose de nouveau qu'ils n'étudient pas à l'école.

Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Pourriez-vous nous fournir la liste des diplômes référencés comme équivalents au BAFA ? Travaillez-vous déjà un élargissement de cette liste ? Nous souhaitons mettre en place les nouveaux rythmes le plus largement possible et, de ce point de vue, ne retenir que le BAFA comme critère essentiel risque de conduire à une uniformisation des activités.

J'ai le sentiment d'une certaine confusion entre le temps scolaire et le temps de l'enfant. Tous les enfants n'arrivent pas à l'école à 7h30. Il a bien fallu laisser des repères, par exemple en organisant la fin des cours à 16h30 et en organisant sur cette base les horaires des bus de ramassage scolaire. Si l'on rajoute une activité périscolaire d'une durée de 45 minutes, une adaptation est nécessaire. Après une certaine heure, les parents choisissent souvent librement de venir chercher leurs enfants. Les horaires résultant des TAP répondent alors à une logique différente.

M. Mikaël Garnier-Lavalley. - Le BAFA correspond à un diplôme minimum, mais d'autres diplômes professionnels lui sont équivalents. Nous vous fournirons cette liste. Par ailleurs, les cadres d'emploi de la fonction publique prévoient des équivalences, comme pour les professeurs de musique à Paris. Cette liste de diplômes peut être modifiée.

Au sein d'une même école, rien n'empêche de prévoir des temps différents dans l'organisation des trois heures avec des coûts moindres pour les collectivités, par exemple en regroupant les animateurs sur les mêmes durées les plus longues. Au sein du cadre qui est fixé, il est possible d'inventer différentes activités.

La gratuité est importante pour nous et nous comprenons quelles sont les différences de budget qui existent entre les communes.

D'ores-et-déjà, nous mettons en place des formations avec le ministère chargé de l'emploi, afin de préparer au mieux la rentrée 2014. Les bons exemples ont vocation à se généraliser, alors que nos professionnels sont sur les territoires pour accompagner le développement des activités - sans pour autant déréguler les activités, dans le souci de la protection des mineurs.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Merci beaucoup pour votre intervention.

La réunion est levée à 18 h 30.