- Mercredi 12 février 2014
- Audition de Mme Carole Delga, députée de Haute-Garonne, et M. Pierre-Alain Roiron, membres du Conseil d'administration de l'Association des petites villes de France (APVF), Mme Laurence Tartour, en charge des finances locales à l'APVF
- Audition de Mmes Claire Pontais et Nathalie François, Secrétaires nationales du Syndicat national de l'Éducation Physique et Sportive (SNEP)-FSU
- Audition de M. François Testu, chronopsychologue
- Audition de M. Pascal Balmand, secrétaire général de l'enseignement catholique
Mercredi 12 février 2014
- Présidence de Mme Catherine Troendlé, présidente -Audition de Mme Carole Delga, députée de Haute-Garonne, et M. Pierre-Alain Roiron, membres du Conseil d'administration de l'Association des petites villes de France (APVF), Mme Laurence Tartour, en charge des finances locales à l'APVF
La mission commune d'information procède tout d'abord à l'audition de Mme Carole Delga, députée de Haute-Garonne, et M. Pierre-Alain Roiron, membres du Conseil d'administration de l'Association des petites villes de France (APVF), ainsi que de Mme Laurence Tartour, en charge des finances locales à l'APVF.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous reprenons nos auditions avec les représentants de l'Association des petites villes de France (APVF), que je remercie d'avoir répondu à notre invitation.
M. Pierre-Alain Roiron, membre du conseil d'administration de l'Association des petites villes de France. - L'Association des petites villes de France regroupe des villes comptant jusqu'à 20 000 habitants, villes de banlieues, centres-bourgs, chefs-lieux de cantons et sous-préfectures.
Un tiers des communes de notre association ont adopté la réforme des rythmes scolaires dès 2013. Il me faut d'abord poser la question des moyens. Nous ne refusons pas la nouvelle charge qui nous est imputée parce que nous avons l'habitude de travailler pour l'enfance : des centres de loisirs aux aides au fonctionnement de l'école, nous y consacrons souvent un budget important. Toutefois, nous parlons ici d'un coût de 100 à 200 euros par élève. Aussi reviendrons-nous sans doute sur la pérennisation du fonds.
Deuxième question, le recrutement des animateurs. Les collectivités qui n'en avaient pas pour leurs centres de loisirs se sont trouvées un peu démunies, alors que ce retour à la semaine de quatre jours et demi avait été envisagé par Luc Chatel, le précédent ministre de l'Éducation nationale, et que plusieurs de ses prédécesseurs avaient regretté le passage à la semaine de quatre jours.
Troisième question, fallait-il faire payer les parents ? Il en a souvent été question dans nos rencontres avec les parents d'élèves et les enseignants. À l'heure actuelle, 75 à 80 % des communes interviennent à titre gratuit.
Quatrième question, l'encadrement. Nous avons connu des avancées par rapport à la situation qui prévaut en centre de loisirs : il peut y avoir quatre enfants de plus par animateur pour l'encadrement des nouvelles activités. Ne conviendrait-il pas d'appliquer la même règle à l'ensemble des activités périscolaires, d'autant que les personnes concernées sont souvent les mêmes ?
Premier enjeu, le financement. Nous nous inquiétons d'une non-pérennisation du fonds dédié et souhaitons que les aides des caisses d'allocations familiales soient plus accessibles aux petites communes. Les variations d'une caisse à l'autre ne facilitent rien. La complexité qui en résulte a découragé des collectivités de les solliciter.
Deuxième enjeu, les locaux. Globalement, quand la mairie travaille régulièrement avec les enseignants, il est plus aisé de dégager des solutions. Ainsi les choses se passent mieux dans les petites communes, où tout un chacun connaît le maire, que dans les plus grandes.
Première préconisation, la pérennisation du fonds d'amorçage. Sa suppression rendrait impossible de préserver la qualité des activités proposées, notamment des activités sportives ou culturelles auxquelles certains enfants n'ont pas accès en dehors de l'école. Deuxième préconisation, nous souhaitons que les procédures d'obtention des aides des caisses d'allocations familiales soient harmonisées à travers le territoire national. Enfin, si le sondage réalisé lors du congrès de l'Association des maires de France a mis en évidence leur satisfaction sur la mise en oeuvre de la réforme dans les classes primaires, nous attirons l'attention sur les difficultés spécifiques qu'elle a créées dans les classes maternelles.
Mme Carole Delga, députée de Haute-Garonne, membre du conseil d'administration de l'APVF. - Dans l'ensemble, les petites villes, conscientes des difficultés que les journées trop longues causent aux enfants, ont souhaité s'investir fortement dans la réforme des rythmes scolaires et ont fait preuve de volontarisme dans sa mise en oeuvre, soutenues en cela par les rectorats.
Les relations entre les communes et les caisses d'allocations familiales varient en effet beaucoup d'un département à l'autre, alors même que l'accompagnement des caisses est nécessaire au succès du projet éducatif territorial (PEDT), surtout dans les petites communes. Si les choses se passent bien dans ma commune de Haute-Garonne, certains collègues nous ont fait part d'un manque de collaboration des caisses et de la complexité décourageante du parcours du combattant qu'elles ont mis en place pour que les communes obtiennent leurs aides.
La pérennisation de l'aide de l'État au-delà de 2014 est indispensable dans le contexte de diminution des dotations de l'État aux collectivités locales. La jeunesse doit rester notre priorité absolue, ainsi que je l'ai rappelé à Bernard Cazeneuve devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. L'aide pourrait être intégrée dans d'autres fonds à l'occasion de la souhaitable réforme des finances locales, par exemple dans la dotation générale de fonctionnement (DGF). Il convient de mener une réflexion sur l'équité de celle-ci et sur ses modalités d'évolution dans le cadre des regroupements de collectivités.
La réforme ne s'est pas faite au rabais : les petites communes ont tenu à trouver des animateurs de qualité. La professionnalisation des intervenants doit à présent être encouragée par les caisses d'allocations familiales ou par l'éducation nationale, de même qu'il convient de prévoir une évaluation dans le cadre du PEDT. Cela participera à la lutte contre l'échec scolaire.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Pouvez-vous donner une définition des petites villes représentées par votre association ?
Mme Laurence Tartour, en charge des finances locales au sein de l'APVF. - Il s'agit des villes de 3 000 à 20 000 habitants. Nous regroupons 2 500 petites villes ; environ 40 % d'entre elles ont engagé la réforme des rythmes scolaires.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Pouvez-vous préciser ce que recouvre ce dernier chiffre ? Disposez-vous d'une ventilation par strates de communes ? Il a souvent été dit que les grandes villes s'étaient plus engagées dans la réforme que les plus petites, nous pensons que cela est inexact. Qu'en est-il ?
Vous vous êtes émus de difficultés de coopération avec les caisses d'allocations familiales. Lors de précédentes auditions, certains intervenants les ont évoquées, d'autres se sont plaints d'un défaut d'accompagnement de la part de l'Éducation nationale. Certains maires ont dû faire face, seuls, aux enseignants. Avez-vous eu des échos du même type ? Les communes qui ont mis en oeuvre la réforme en septembre 2013 ont-elles procédé, depuis, à des réajustements, notamment dans les classes maternelles ?
Mme Carole Delga. - Je ne dispose pas d'évaluation sur la mise en oeuvre de la réforme selon la taille des communes. Il y a sans doute des différences entre les communes de moins de 5 000 habitants et celles de plus de 10 000 habitants. Dans mon département, et plus généralement en Midi-Pyrénées, la taille de la commune a été indifférente. Au sein de ma circonscription rurale, qui compte 284 communes pour 100 000 habitants, les communes dotées d'école ont mis en place le dispositif.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Vous évoquez le cas de votre département, mais la situation diffère d'un département à l'autre. Avez-vous une vision globale ?
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Si la mise en oeuvre a été possible en Haute-Garonne, elle doit l'être aussi en Alsace !
Mme Carole Delga. - Nous n'avons pas connaissance de réajustement significatif depuis septembre. En maternelle, la mise en place de la réforme a demandé un plus grand travail d'anticipation. La pause méridienne a été allongée dans ma commune, et des agents ont été chargés d'accompagner les enfants au dortoir après 13 heures, de sorte que certains animateurs sont dans la cour de récréation, d'autres au dortoir, d'autres encore en atelier.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - L'allongement de la pause de midi a favorisé une intégration de la pause méridienne dans de bonnes conditions.
Mme Carole Delga. - Oui, dans certaines communes. Dans d'autres, l'horaire de la sieste n'a pas été décalé. Nous n'avons rien changé car, à 13 heures, les enfants dormaient déjà.
M. Pierre-Alain Roiron. - Il y a eu un effet d'entraînement. La mise en oeuvre de la réforme par certaines communes en a convaincu d'autres de faire de même. En Indre-et-Loire, les villes de l'agglomération tourangelle ont opté pour la réforme et d'autres communes les ont imitées pour ne pas rester en dehors de ce mouvement. Là où les grandes communes n'ont pas voulu s'engager, peu de collectivités y sont allées. Malgré les difficultés rencontrées, aucune de celles ayant décidé d'appliquer la réforme pour le bien des enfants n'a renoncé par la suite. Les ajustements sont difficiles à réaliser au bout d'un trimestre. Les inspections académiques y sont hostiles, j'en ai des exemples. Leur discours consiste à dire qu'il convient d'attendre le début de l'année prochaine pour décider de modifications éventuelles, qui seront alors définitives.
Comme l'expérience le montre, les horaires peuvent différer en primaire et en maternelle. La mise en place des activités a été réalisée de manière un peu systématique, sans tenir compte de ces différences. La question des transports scolaires ne se pose pas partout de la même manière. Dans ma commune, la quasi-totalité des enfants restant pour participer aux activités périscolaires, il n'y a pas lieu de prévoir de modes de transport spécifiques.
J'ai le sentiment que les inspections académiques n'ont pas beaucoup aidé les maires jusqu'en juin. Une assistance internet a été mise en place, mais il n'y a pas eu de rencontres physiques. Il me semble que l'inspection académique a pris conscience de la nécessité d'être plus présente. En ce qui me concerne, je n'ai guère vu l'inspecteur d'académie de ma circonscription. Cela dépend peut-être des académies.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Sous quelle forme souhaitez-vous la pérennisation du fonds d'amorçage ? Envisagez-vous une modulation selon les territoires ?
Mme Carole Delga. - Je l'ai demandé au Premier ministre et au ministre de l'éducation nationale au moment de la mise en place du fonds. Le versement d'un forfait par élève n'est ni équitable ni efficace. S'il n'y a pas unanimité sur ce point au sein de notre association, la majorité des villes sont favorables à une différenciation de l'aide en fonction de la part du budget communal consacrée à l'éducation. La solidarité nationale doit soutenir plus significativement les communes qui accordent une priorité à ces dépenses. Certaines n'ont pas utilisé la possibilité de diminuer les taux d'encadrement. Ont-elles besoin de la même aide ?
La modulation pourrait aussi être réalisée en fonction de l'effort fiscal de la commune ou du revenu par habitant. Lorsque le revenu est faible, la commune doit développer des services sociaux et faire face à des impayés. La refonte de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pourra constituer l'occasion d'une réflexion générale sur la solidarité nationale.
M. Pierre-Alain Roiron. - L'effort fiscal et le revenu par habitant doivent en effet être pris en compte dans l'attribution des aides. Il est également légitime que ceux qui investissent plus dans les activités périscolaires bénéficient davantage de la solidarité nationale, à travers un fonds pérenne.
Mme Carole Delga. - Les problématiques de déplacement dans les communes rurales et montagnardes entraînent aussi des coûts. Quand le centre de loisirs et l'école sont éloignés, la mutualisation des personnels n'est pas possible. En outre, il faut organiser le transport des enfants, dont le budget augmente très vite. C'est pourquoi la part de l'éducation dans le budget de fonctionnement peut être un indicateur pertinent.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Le nombre d'enfants dont vous avez la charge dans le cadre des activités périscolaires a-t-il augmenté depuis la mise en place de la réforme ? Cela pose-t-il des problèmes de locaux ? Dans ma commune, 20 % des enfants participent aux activités périscolaires à 16 h 30 mais si elles débutaient à 15 heures, 70 % des enfants viendraient et les locaux seraient saturés.
M. Pierre-Alain Roiron. - Dans ma commune, nous utilisons les classes pour les activités périscolaires en accord avec les enseignants, car nous n'avons pas d'autres locaux. Nous utilisons les mêmes horaires qu'auparavant, en ajoutant le mercredi matin. Avec 90 % des élèves participant aux activités périscolaires, il y a une petite hausse sur le mercredi après-midi. Contrairement à ce qu'on nous avait dit, cela reste limité, bien que nous ayons offert la possibilité pour les enfants de rester à la cantine ce jour-là : nous n'en avons que cinq, mais il est vrai que l'offre a été faite à compter du 1er janvier et non dès le début de l'année scolaire.
Mme Laurence Tartour. - Le taux de fréquentation des activités périscolaires s'établit de 30 à 40 % dans les petites villes. Plus de 75 % d'entre elles pratiquent des activités périscolaires gratuites. Les élus se sont mobilisés pour étendre les activités au plus grand nombre d'enfants, sans coût pour les parents.
Quelques exemples de difficultés de partage de locaux nous sont remontés mais globalement, dès lors qu'un dialogue a été instauré entre mairies et enseignants, elles ont été résolues.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - À terme, il faut donc considérer qu'il faudra réquisitionner des salles de classe pour accueillir tous les enfants ?
M. Pierre-Alain Roiron. - Il est rare qu'il n'y ait pas du tout de locaux disponibles, ne serait-ce que des salles informatiques ou les bibliothèques et centres de documentation (BCD). Sur le fond, le partage de locaux n'a pas posé trop de problèmes, sauf un peu en maternelle, en raison des préparations à réaliser. Les enseignants ont collaboré en règle générale. Dans ma commune, quatre d'entre eux sur douze participent aux activités périscolaires.
M. Pierre Martin. - Chacun est conscient des difficultés rencontrées avec les caisses d'allocations familiales. Toutefois, vous évoquez ainsi les centres de loisirs. Les activités périscolaires, qui ne sont pas celles des centres de loisirs, requièrent des éducateurs formés.
Moduler l'aide en fonction des ressources, c'est un peu le chien qui se mord la queue puisque les activités sont organisées, elles aussi, en fonction des ressources. Si on impose des activités identiques à toutes les communes, ce qui justifierait la compétence de l'Éducation nationale, on arriverait au même coût sans disposer des mêmes moyens. Certaines communes dépensent moins, mais offrent des activités de moindre qualité. Si on module, on fera une France à 25 vitesses !
M. Michel Le Scouarnec. - Quoique favorables à la réforme, les maires que j'ai rencontrés m'ont tous fait part de leurs difficultés à faire face aux charges nouvelles qu'elle induit. Ils demandent au Gouvernement de pérenniser l'aide de l'État et de surseoir à la baisse des dotations. Ainsi qu'André Laignel l'a écrit, l'augmentation des charges couplée à cette diminution représente une baisse de ressources de 6 % en 2014. Pour 2015, les maires souhaitent le maintien de la DGF sans nouvelle mesure d'austérité qui ne serait ni juste ni économiquement efficace pour notre pays. Le conseil municipal d'Auray a été unanime en ce sens.
C'est la première fois que j'entends évoquer l'idée d'un forfait différencié selon les communes. Il est indéniable qu'il faut tenir compte des difficultés particulières des petites communes rurales, qui, du fait de l'éloignement des communes voisines, ne peuvent pas toujours envisager de coopération. Faut-il verser une aide différente ou refonder la DGF ? La deuxième option semble plus simple.
M. Alain Fauconnier. - Il convient, à mon sens, de distinguer deux catégories de collectivités : celles qui, considérant qu'elles relevaient de leurs missions, avaient déjà investi dans les activités périscolaires par choix politique, et auxquelles la réforme coûte peu - c'est le cas de la mienne ; les communes qui, pour toutes sortes de raisons respectables, n'organisaient pas ce type d'activités et sont financièrement impactées. Qu'en pensez-vous ?
Mme Carole Delga. - Au sein de l'association, nous avons constaté que le coût de la réforme varie de manière importante d'une commune à l'autre, en fonction de ce qui avait été mis en place auparavant. Pour autant, les différences les plus notables tiennent à l'éloignement géographique des structures. Ainsi que l'a souligné Michel Le Scouarnec, la mutualisation des moyens est difficile dans certaines communes isolées. Cela est particulièrement vrai en montagne, où le coût des transports est élevé et varie selon les saisons.
Notre idée n'est pas de moduler l'aide selon les activités que les communes proposent aux enfants, mais en fonction des inégalités géographiques et de richesse. L'écart de richesse peut aller de un à cent dans le bloc communal. Cela passe par une refonte globale de la DGF, puis par la péréquation horizontale.
M. Pierre-Alain Roiron. - Il est exact que les collectivités qui n'avaient pas investi dans les activités pour l'enfance avant la réforme connaissent plus de difficultés que les autres. La mutualisation des moyens dépend aussi des horaires fixés pour les activités. Ma ville partage des intervenants avec des communes voisines, car les activités ne sont pas organisées en même temps. Le ministère devrait nous aider à travailler sur ce sujet, en envisageant par exemple des activités trimestrielles.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Que pensez-vous des formations transversales destinées aux enseignants, animateurs et personnes sans ressources ? Le Centre national de la fonction publique territoriale peut-il être l'interlocuteur idoine pour organiser ce type de formations ?
M. Pierre-Alain Roiron. - Notre association avait demandé qu'il joue un rôle. Ma commune a engagé un peintre et un potier, nous ne leur demandons pas de passer le BAFA. Les inspections d'académie sont assez souples.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. - Les caisses d'allocations familiales sont un peu plus rigides... Elles refusent de reconnaître des professeurs d'écoles de musique.
M. Pierre Martin. - À propos des horaires, il convient de garder à l'esprit que la réforme devait diminuer l'amplitude des journées des enfants.
M. Pierre-Alain Roiron. - Il faut distinguer le temps des apprentissages scolaires et celui pendant lequel les enfants sont en dehors de chez eux. Le premier est toujours moins long que le second, heureusement ! La longueur du temps passé en dehors du domicile relève des modes de vie. Dans ma ville, beaucoup de parents travaillent à Tours. Les enfants restent une heure de plus à l'école, le temps que leurs parents les récupèrent. Ce temps doit être consacré à la découverte et non à l'apprentissage des savoirs fondamentaux.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je remercie nos intervenants pour leur belle contribution qui a proposé des solutions et apporté des réponses concrètes à nos questions.
Audition de Mmes Claire Pontais et Nathalie François, Secrétaires nationales du Syndicat national de l'Éducation Physique et Sportive (SNEP)-FSU
La mission procède ensuite à l'audition de Mmes Claire Pontais et Nathalie François, secrétaires nationales du Syndicat national de l'Éducation Physique et Sportive (SNEP)-FSU.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous recevons Mmes Claire Pontais et Nathalie François, secrétaires nationales du Syndicat national de l'Éducation Physique et Sportive (SNEP) FSU.
Mme Claire Pontais, secrétaire nationale du Syndicat national de l'Éducation Physique et Sportive (SNEP-FSU). - Notre syndicat étant organisé autour de notre discipline, nous intervenons de la maternelle à l'Université. Cette réforme nous intéresse de par ses conséquences sur l'utilisation des installations sportives dans l'enseignement secondaire, comme par son impact sur l'enseignement de l'éducation physique à l'école primaire. Formatrice de professeurs des écoles dans une école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPÉ), je suis en contact avec les conseillers pédagogiques départementaux et directement concernée par le développement de l'éducation physique à l'école primaire.
Nous sommes inquiets, l'éducation physique est déjà fragilisée à l'école primaire. Sur les trois heures inscrites au programme, deux seulement sont réellement effectuées, alors même que chacun s'accorde à dire que trois heures ne suffisent pas. La réforme risque de créer de la confusion entre la discipline scolaire, obligatoire, qu'est l'éducation physique, et les activités périscolaires, qui peuvent être sportives, et auxquelles nous sommes bien sûr favorables.
Depuis quarante ans, toutes les réformes des rythmes, toujours au nom du bien-être de l'enfant, ont abouti à une diminution du temps consacré à l'éducation physique : Calmat-Chevènement, Bergelin, Drut... Une ambiguïté s'est installée sur le partenariat entre enseignants du primaire et tissu local. De plus en plus, les enseignants délèguent l'éducation physique à des intervenants, sans que cela accroisse le nombre des heures d'EPS - on le voit dans la capitale avec les professeurs de la Ville de Paris (PVP).
La confusion apportée par cette réforme nous semble préjudiciable à l'enseignement physique obligatoire comme aux activités périscolaires sportives, qui vont se trouver scolarisées, au mauvais sens du terme. Il faut, au contraire, développer à la fois l'éducation physique à l'école, les activités périscolaires, en réduisant les inégalités territoriales, et les activités sportives dans le cadre associatif, pour une meilleure formation physique globale des enfants.
Mme Nathalie François, secrétaire nationale du SNEP-FSU. - Si le second degré n'est pas, pour l'instant, directement concerné par la réforme, il en subit les conséquences puisqu'on nous enlève nos salles de classe. Le nombre d'équipements sportifs est, en effet, insuffisant pour répondre à tous les besoins. Les collèges et lycées n'ont presque aucune installation propre : 80 % appartiennent aux communes ou groupements de communes, et non aux conseils généraux ou régionaux. Des conventions régulent bien la mise à disposition des équipements, mais elles donnent la priorité aux écoles et le second degré se trouve évincé. Cette année, les horaires d'éducation physique et sportive (EPS) du premier comme du second degré ont été concentrés sur la matinée, puisque les activités périscolaires ont lieu surtout l'après-midi. La disponibilité des installations sportives a diminué de 10 à 30 %. Nos conditions d'enseignement se sont dégradées. Il faut partager les installations entre plusieurs classes, parfois prendre des bus pour aller plus loin, et il arrive, notamment à Paris, qu'un cours d'EPS du second degré ait lieu dans le même gymnase qu'un atelier périscolaire... De plus, les activités qui avaient lieu le mercredi matin sont reportées le mercredi après-midi, c'est-à-dire dans le temps du sport du second degré. Les installations sportives ne sont plus aussi accessibles.
Une circulaire interministérielle de 1992 rend obligatoire la mise à disposition des installations nécessaires. La collectivité territoriale compétente doit prendre en charge les transports ou la mise à disposition. La loi du 6 juillet 2000 impose des conventions tripartites entre l'établissement scolaire, la collectivité territoriale et le propriétaire de l'installation. Or, celles-ci font souvent défaut, et les disparités territoriales sont énormes. La circulaire du 20 mars 2013 sur les rythmes scolaires nous donne un point d'appui. Le propriétaire des locaux peut les mettre à disposition, à condition qu'ils ne soient pas utilisés pour les besoins de l'enseignement. Elle n'est malheureusement pas respectée. Nous avions proposé des amendements à la loi d'orientation sur l'école qui précisaient la responsabilité des collectivités territoriales, mais ils n'ont pas été retenus.
Le ministère de l'Éducation nationale a édité, en 2012, un guide de l'accès aux équipements sportifs. Malgré son envoi aux recteurs, aux directions académiques et aux collectivités territoriales, il est resté confidentiel. Il précise la liste des équipements indispensables aux pratiques scolaires. Nous ne les avons toujours pas pour le second degré.
Cette année, les dates limite de dépôt des projets sont arrivées très tard. Ceux-ci précisent les horaires des écoles et les activités mais pas les locaux utilisés, ce qui nous met en difficulté. Plusieurs guides sont destinés aux collectivités territoriales mais aucun paragraphe n'évoque les conséquences de l'utilisation des locaux. Parfois, les conventions sont remises en cause, et des établissements scolaires, privés d'accès aux installations, doivent supprimer des heures. Comme il peut y avoir deux séances d'EPS par demi-journée, 25 % des heures d'EPS peuvent disparaître.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Avez-vous un exemple concret ?
Mme Nathalie François. - Tous les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) de Bordeaux ont reçu un courrier demandant aux chefs d'établissement de ne plus prévoir de cours d'EPS entre 14 h et 16h30.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - La réforme n'y a pas été mise en place !
Mme Nathalie François. - Je parle de la rentrée prochaine.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Le maire de Bordeaux doit retravailler son projet...
Mme Nathalie François. - Le projet n'a toujours pas été validé par la directrice académique des services de l'Éducation nationale (DASEN)....
Mme Claire Pontais. - C'est pourtant l'inspection de l'Éducation nationale qui envoie cette lettre...
Mme Nathalie François. - Ce n'était qu'un exemple ! À Angers, depuis l'an dernier, les installations sportives ne sont plus disponibles entre 15h30 et 17h.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Cela met bien en évidence le fait qu'il y a un vrai problème avec les locaux.
Mme Nathalie François. - Nous regrettons le silence qui règne sur ces dommages collatéraux que nous subissons. La rectrice de Lyon, qui préside le comité national de suivi, n'a jamais répondu à nos interpellations ! Ce problème n'est pas traité.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Vous comprenez bien que cela n'est pas dirigé contre vous. Pour les rythmes, il n'y a pas d'autre choix que de réquisitionner les locaux - au détriment de vos activités -, vous le mettez bien en évidence.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. -La majorité des petites communes rurales ne sont pas concernées, puisqu'elles n'ont pas de collèges.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Elles peuvent être à côté d'un collège.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Les activités périscolaires physiques n'ont rien à voir avec l'éducation physique réalisée pendant le temps scolaire. Il n'y a pas besoin de gymnase pour jouer au ballon prisonnier ou à des jeux de ce type. D'ailleurs, les enfants ne vont pas faire vingt minutes de trajet pour trois quarts d'heures d'activité.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Où les organiser en hiver ? Elles peuvent durer deux heures...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Il ne faut pas les confondre avec l'EPS.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Les maires sont libres de les organiser comme ils le souhaitent...
M. Pierre Martin. - Inscrivons dans les conventions qu'il n'y a pas de jour de pluie ! Dans la Somme, le département est propriétaire de certains équipements des collèges, mais pas des équipements sportifs : si les communes les utilisent, que faire ?
Mme Nathalie François. - Nous avons des programmes, des évaluations, des examens. Cela devient difficile quand le périscolaire passe avant.
Mme Claire Pontais. - Une réforme visant à refonder l'école ne peut aboutir à une dégradation des conditions d'enseignement. La confusion ayant été installée par les réformes précédentes, des directives doivent rendre la priorité aux trois heures d'EPS obligatoires.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - J'entends bien, et je vous approuve. Il est hors de question que les enfants ne reçoivent pas, en maternelle comme en primaire, les heures d'éducation physique auxquelles ils ont droit. Ce n'est pas le cas ? Que votre syndicat mobilise les enseignants pour qu'ils prennent en charge ces heures pendant le temps scolaire ! Cela soulagera les élus locaux, auxquels on demande de payer des animateurs sportifs et artistiques pour assurer ces heures pendant le temps scolaire, au motif que l'enseignant n'aurait pas les compétences pour cela. Une leçon d'éducation physique ne peut être faite que par un enseignant, et n'a rien à voir avec les activités périscolaires. L'EPS obéit à une progression scolaire et vise à donner des acquis. L'animation est autre chose. Les enseignants doivent prendre part au projet éducatif territorial (PEDT)...
Mme Claire Pontais. - Lier totalement le PEDT avec les enseignants entraîne de la confusion.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Leur formation devra bien marquer la différence entre une leçon et une animation.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - N'anticipons pas sur les propositions que nous ferons.
Mme Claire Pontais. - Nous en avons aussi. Certaines expériences concrètes n'ont pas eu l'audience qu'elles méritaient. Il y a une quinzaine d'années, nous avons mis en place des enseignants-ressources en EPS. Des enseignants suivaient une formation continue un peu plus prononcée et, revenus dans leur école, y développaient l'EPS. Cette idée ne coûtait pas cher ; l'appliquer dès la rentrée dynamiserait l'EPS dans les écoles.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Imaginez-vous que l'on puisse travailler autrement pendant le temps scolaire ? Des mutualisations d'enseignants, en fonction de leurs affinités, pourraient aussi renforcer l'EPS.
Mme Claire Pontais. - L'EPS n'est pas la discipline la plus échangée, car l'habitude s'est prise de faire appel à des intervenants extérieurs fournis par les collectivités territoriales. Les collectivités territoriales devraient veiller à ce que de telles mises à disposition restent un plus pour les élèves...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - J'applaudis des deux mains !
M. Pierre Martin. - J'approuve vos propos. L'éducation physique est presque toujours une variable d'ajustement à l'école élémentaire. Elle est pourtant obligatoire. Partant, les instituteurs doivent l'assumer. Ont-ils été formés pour cela ? Mal enseignée, l'éducation physique présente des dangers pour les jeunes. Il en va de même pour le périscolaire. Il faut des éducateurs spécialisés !
Mme Marie-Annick Duchêne. - Le sport étant obligatoire, les heures d'EPS sont dues aux élèves. Or, le sport a souvent été négligé. Le sac de sport ne sert pas toujours, et cela ne date pas de la réforme. Il y a peut-être un problème de dialogue. Il ne faut pas confondre périscolaire et scolaire. Les locaux manquent, surtout pour le sport.
M. Alain Fauconnier. - Je crois rêver quand je vous entends. Je suis maire depuis très longtemps, jamais je n'ai vu un instituteur faire de l'EPS, jamais ! La mairie a toujours dû fournir du personnel spécialisé, ce qui me faire dire que les choses se passent bien quand les communes s'en occupent.
M. Pierre Martin. - Quand elles sont riches !
M. Alain Fauconnier. - Cette réforme doit être l'occasion de clarifier les choses. Cette année, j'ai informé, dès le mois de mars, le coordinateur du fait que le primaire serait prioritaire dans l'utilisation des locaux de ma commune. Un grand gymnase peut aussi être partagé en deux... Il est légitime que les communes qui ont payé les équipements exercent leur compétence sur le primaire.
M. Michel Le Scouarnec. - Ma ville de 13 000 habitants ne manque pas d'équipements. Nous avons construit des gymnases, des stades... Nous avons une convention avec le département, une autre avec la région. Aucun problème ne m'a été signalé.
J'ai été instituteur, professeur des écoles, et j'ai toujours enseigné la musique, les travaux manuels et le sport comme les inspecteurs devraient l'exiger. Payer un éducateur pour cela est une faute ! La classe a besoin de son instituteur pour enseigner la natation, le ski... car des liens très forts s'établissent alors. Travailler en équipe pédagogique, pourquoi pas ? Sauf en sport ! Comme la classe de découverte, le sport crée un lien fort et nouveau entre l'enseignant et les élèves. De retour dans la classe, des miracles se produisent, je l'ai vécu ! Voulez-vous la réussite des élèves ? Alors, laissez les instituteurs assurer leur cours d'éducation physique.
M. Dominique de Legge. - Ces échanges illustrent la difficulté de nos travaux. Nous n'avons pas un débat théorique. Là-dessus, nous sommes d'accord. Notre mission examine la mise en oeuvre d'une réforme. Nos interlocuteurs, qui ne nous racontent pas des carabistouilles, font état de difficultés, que nous sommes obligés de constater. Mon directeur académique me dit qu'il faut faire un projet éducatif local. J'ai fait une proposition, à la demande des parents et des associations qui, sans égaler le miracle d'Auray, partait du constat que l'éducation sportive n'était pas toujours assurée dans les conditions optimales par les enseignants. M'inspirant de ce qui a été fait ailleurs, j'ai proposé que la commune finance des éducateurs sportifs agréés par L'Éducation nationale. Cela réglait le problème, mais on m'a expliqué que ce n'était pas possible...
En pratique, de quels locaux puis-je disposer pour ces activités périscolaires ? Deux écoles, une église, une bibliothèque... Restent les équipements sportifs, qui orientent naturellement vers des activités de type physique. Nous sommes bien confrontés à deux problèmes : trouver des locaux et organiser l'éducation sportive. Les familles demandent que, puisqu'il y a désormais école le mercredi matin, les locaux sportifs soient réquisitionnés durant le temps de scolarité pour que les activités habituelles puissent continuer d'y être pratiquées. À nous de faire des propositions pour améliorer la situation.
M. Gilbert Roger. - Je suis, pour ma part, maître-nageur, sauveteur et entraîneur de natation. J'ai été instituteur pendant quelques années aussi. Dès que l'enseignant se met à expliquer au maître-nageur comment il faut apprendre à nager, les enfants sont peut-être plus à l'aise dans l'eau, mais ne sont plus capables de nager 25 mètres...
M. Michel Le Scouarnec. - L'objectif n'est pas d'obtenir les meilleurs nageurs. Ce qui importe est la qualité du lien avec la classe.
M. Gilbert Roger. - Je comprends. Je préfère voir l'instituteur dans l'eau avec les enfants plutôt qu'habillé, devant la machine à café de la piscine ! Puisque les enseignants passent davantage de demi-journées avec leur classe, sentez-vous une vraie prise de conscience de la nécessité de donner aux enfants un nombre suffisant d'heures d'EPS, ou celle-ci continue-t-elle à être traitée comme une variable d'ajustement ?
Mme Claire Pontais. - Le résultat de la consultation sur les programmes primaires nous a fortement inquiétés. Certains enseignants ont souhaité être déchargés de l'éducation physique, pensant que les activités périscolaires suffisaient. Il importe que les programmes de demain réaffirment la place de l'EPS. Sinon, il est inutile de continuer à parler de socialisation et de santé des enfants.
Dans toutes les réformes, sauf la dernière, l'éducation physique tient une place aussi importante, dans la formation des enseignants, que le français, les mathématiques ou l'histoire-géographie. La formation est trop courte pour toutes les disciplines. Il faut la développer, sinon en formation initiale, du moins en formation continue. Les idées de maîtres à dominante et de maîtres ressources sont des pistes à explorer. Les syndicats du premier degré s'y sont opposés, par refus des postes à profil. Nous ne devons pas moins nous préoccuper de rendre aux enfants le meilleur service.
La formation des enseignants connaît aussi de considérables disparités territoriales. Lorsqu'on leur demande s'ils se sentent capables d'enseigner la natation, tous les étudiants des départements ruraux répondent par l'affirmative. Ceux des grandes villes, où les intervenants extérieurs sont nombreux, ne s'en sentent pas capables. C'est bien une question d'environnement. En l'absence de personnes spécialement qualifiées, les enseignants sont capables de prendre leurs responsabilités. Une campagne d'information et de mobilisation serait utile.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je suis entièrement d'accord. Jamais les maires n'ont pensé qu'un animateur sportif valait mieux qu'un instituteur. Ils sont simplement soumis à une forte pression, en conseil d'école, pour en recruter. J'ai l'espoir que les ESPé pourront renforcer la formation en éducation physique, de telle sorte qu'il n'y ait plus besoin d'intervenants extérieurs.
Mme Nathalie François. - Les locaux appartiennent aux communes, mais la responsabilité en est confiée aux conseils généraux et régionaux. Pourquoi ne pas faire financer les créneaux utilisés par les collèges et les lycées par la collectivité territoriale concernée ? En 1994, la ville de Montpellier a donné l'exemple en obtenant gain de cause face au conseil général. Cette année, un maire d'Eure-et-Loir a préféré ne plus mettre à disposition un créneau pour organiser des activités périscolaires, parce que le conseil général donnait une subvention généreuse pour qu'il reste attribué au collège ! Au sein de la même académie, les conseils généraux peuvent avoir des politiques très différentes : forfait horaire, participation à la construction... Cela entraîne de la confusion. Le mieux serait que les installations sportives soient intégrées aux établissements scolaires. À défaut, il faut que les collectivités territoriales concernées acceptent de payer.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Le conseil général du Haut-Rhin a toujours versé une subvention aux collèges pour qu'ils puissent verser une contribution financière aux complexes sportifs évolutifs couverts (COSEC). Les enseignants du collège disposent d'une priorité absolue.
Mme Nathalie François. - Lorsqu'il y a une subvention annuelle, le nombre d'heures de mise à disposition n'est pas précisé. Cela devrait être traité dans les conventions tripartites, qui manquent trop souvent.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - On en revient au même problème : que peut faire le maire qui veut s'engager dans les rythmes scolaires ?
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Il donne priorité à l'éducation physique pendant le temps scolaire, et organise d'autres types d'activités périscolaires.
Mme Claire Pontais. - Connaissez-vous le guide du ministère de l'éducation nationale pour les équipements ?
M. Gilbert Roger. - Oui !
Mme Claire Pontais. - Notre site internet présente un dossier sur les rythmes scolaires, qui donne des exemples de dysfonctionnements dans toutes les académies.
Mme Catherine Troendlé , présidente. - Votre intervention a suscité un débat très riche et très animé. Je vous remercie pour votre contribution.
Audition de M. François Testu, chronopsychologue
Puis la mission procède à l'audition de M. François Testu, chronopsychologue.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je souhaite la bienvenue à M. François Testu, chronopsychologue, qui va nous apporter un éclairage utile sur notre sujet.
M. François Testu, chronopsychologue. - J'aborderai la question sous l'angle scientifique, en précisant tout de suite que je suis chronopsychologue, non chronobiologiste. Je vous donnerai quelques pistes sur l'aménagement du temps scolaire. Je suis agréablement surpris que cette question devienne centrale en matière d'éducation. On l'est forcément lorsqu'on a cherché, pendant trente ans, et qu'on est arrivé à certains résultats - eh oui, les chercheurs trouvent parfois - des résultats qui ont connu déjà une certaine application. La question des rythmes scolaires a fait l'objet de débats nombreux. Les auditions tous azimuts auxquelles vous procédez ne manqueront pas de vous donner un panorama très complet. C'est un débat récurrent, mais qui restait jusqu'à présent au stade du débat. J'ai apporté le rapport du professeur Robert Debré et de Daniel Douady sur « La fatigue des écoliers dans le système scolaire français ». Il date de 1962, il est plein de bon sens et de bonnes préconisations. Si nos prédécesseurs l'avaient lu et en avaient tiré les conclusions qui s'imposaient, nous ne serions pas là aujourd'hui. Ce n'est pas le seul rapport pertinent, je pense notamment à celui rédigé par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale ou à ceux commandés par les différents ministres.
Il n'y a pas de solution idéale en fait d'aménagement du temps scolaire. Il s'agit de trouver le moins mauvais des compromis entre le respect du développement des élèves et de leur santé, tout en sachant qu'un élève est aussi l'enfant de ses parents, le participant à des activités extrascolaires, mais aussi un enfant qui voudrait bien, de temps en temps, être tranquille avec ses copains. La question évolue avec la société. L'aménagement du temps scolaire implique celui du temps périscolaire. Si on me demande ce que je pense de la réforme, je réponds que j'en pense du bien. Mais si vous libérez du temps, si vous dé-densifiez la journée, il faut savoir par quoi vous remplacez le temps scolaire.
Un premier axe a été très problématique par le passé : le respect du rythme de vie de l'enfant. J'ai connu des batailles de chiffonniers entre partisans du samedi ou du mercredi, partisans des semaines de quatre jours ou de quatre jours et demi. Le deuxième axe, qui pose plus de problèmes aujourd'hui, est la reconnaissance et l'organisation des activités complémentaires éducatives. Il faut tenir compte des travaux qui relèvent de la chronobiologie - soit l'étude des rythmes biologiques durables - et de la chronopsychologie - soit l'examen selon une méthode expérimentale des variations périodiques comportementales, dont je m'honore, - après mon maître Paul Fraisse, le père de la psychologie expérimentale -, d'être l'un des artisans. La chronopsychologie cherche à connaître les rythmes de vie des jeunes et les conséquences de tel ou tel aménagement sur leurs comportements à l'école et en dehors de l'école.
La notion de rythmes scolaire est ambiguë. Il s'agit, d'une part, des calendriers, des emplois du temps, des vacances, d'autre part, des variations périodiques - biologiques comme psychologiques - propres à l'enfant en milieu scolaire. Le jeune vit avec ses propres rythmes, dans un environnement rythmé par d'autres.
Les résultats que je vous présente s'appuient sur l'observation de 40 000 jeunes, au fil du temps, avec une méthode statistique contrôlée. Trois rythmes doivent être respectés en priorité, même si je pourrais vous en donner d'autres. D'abord, le sommeil. Si un jeune manque de sommeil régulièrement, qu'il s'agisse de la sieste ou du sommeil nocturne, il aura un comportement inadapté, que ce soit en classe (inattention, agacement, apathie) ou en dehors de l'école. Il existe une grande inégalité des enfants devant le sommeil. Certains, à trois ans, n'ont plus besoin de faire la sieste - on les appelle les « petits dormeurs de sieste » - alors que d'autres en auront encore besoin à soixante ans... Certains, rares, éprouvent le besoin d'aller rapidement au lit le soir. Grands ou petits dormeurs, l'important est de trouver la moins mauvaise des solutions, ce qui n'est pas facile pour les parents. S'ils rentrent tard, ils n'ont qu'une hâte, c'est de laver, nourrir, et coucher l'enfant avec, dans le meilleur des cas, une petite comptine, dans le pire, la télévision dans la chambre, pour l'endormir plus vite. C'est aussi difficile à l'école, à cause de plusieurs freins, parfois matériels, comme le manque de locaux ou de personnel, ou l'état d'esprit. Il n'est pas dans l'air du temps de dormir. Voyez ce qui se passe à la maternelle, avec les cahiers de compétence. Parents, enseignants, inspecteurs se préoccupent surtout des prérequis à assimiler. C'est important, oui, mais les enfants de trois ans ne préparent ni l'ENA ni Centrale ! Certains parents se demandent si leur enfant saura lire en fin d'année, ce qui n'est pas l'objectif de la maternelle !
Plusieurs travaux ont fait le lien entre les progrès cognitifs et le sommeil. Les enfants de trois à six ans qui dorment moins de 10 heures risquent d'avoir de faibles performances scolaires à six ans. Si l'on augmente leur temps de sommeil, on constate une amélioration du comportement et des résultats scolaires. L'absence de rythme de coucher régulier est liée statistiquement à des scores cognitifs moins élevés. Il faut donc, sans les contraindre, donner aux enfants la possibilité de dormir. Le sommeil ne garantit pas un bon apprentissage, mais il permet la récupération de la fatigue physique, voire mentale et peut-être la consolidation cognitive, même si ce n'est pas démontré. Cela est aussi vrai pour le secondaire. Les gaillards et les gaillardes de troisième sont parfois sujets à la somnolence l'après-midi, surtout s'ils ont fini leurs devoirs à la maison tard le soir.
Il faut ensuite tenir compte des variations journalières de la vigilance et de l'activité intellectuelle. Il y a des temps forts et des temps faibles dans la journée. Les temps forts sont les fins de matinée et, pour les élèves les plus âgés de l'école primaire, les fins d'après-midi. Il faut en tenir compte pour placer dans l'emploi du temps les activités complémentaires, qui ne sont pas des apprentissages de base. Ces différentes phases ont été mises en évidence par des tests psychotechniques réguliers, qui concordent avec la chronobiologie. Nous avons une chance sur 100 ou 1 000 de nous tromper en affirmant que l'échantillon statistique est représentatif. J'ai été très fier lorsque j'ai mis en évidence cette courbe. Hélas, d'autres m'avaient précédé en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis et en France, au laboratoire de psychologie expérimentale de Rennes. Ce n'est pas seulement une courbe biologique, mais aussi une courbe psychologique. En classe, pour résoudre un problème de proportionnalité, 85 % des élèves, en fin de matinée, utilisent la méthode canonique qu'on leur a apprise et non la règle de trois, alors qu'ils ne sont que 70 % en début de matinée. Des observations, à partir d'indicateurs d'éveil ou de non-éveil, permettent aussi d'identifier des moments forts et faibles, qui recoupent les conclusions précédentes.
On retrouve cette courbe tant en Europe qu'ailleurs - en Algérie, par exemple, où je travaille en ce moment - et dans toutes les configurations d'aménagement du temps. Toutes, sauf dans une : la courbe s'aplatit lorsque les écoliers ont une semaine de quatre jours et pas d'accompagnement par des activités périscolaires. Leurs performances sont alors nettement inférieures. S'il y a un accompagnement, en revanche, le niveau ne baisse pas, mais la courbe ne se rétablit pas.
La courbe évolue avec l'âge. Celle des élèves de maternelle et celle des élèves de CM1 sont très différentes. Aussi, l'une des premières mesures à prendre pour ajuster la réforme serait donc de tenir compte davantage de l'âge, comme cela se fait à Paris, où les parents ont poussé en ce sens.
La troisième variable à prendre en compte est celle des périodes annuelles de faible résistance. Les vacances de la Toussaint devraient durer deux semaines : une pour oublier l'emploi du temps scolaire et ne plus entendre le réveil sonner alors qu'il ne sonne pas, et la deuxième pour bien se sentir dans ses pantoufles de vacancier. C'est d'autant plus important que le premier trimestre est affreusement long et que les études épidémiologiques montrent que la fin octobre et le début novembre sont difficiles à vivre. Quand la semaine de quatre jours a été instaurée, la rentrée scolaire, en compensation, a été avancée à fin août ! Si le législateur voulait raccourcir les grandes vacances, il ne faudrait certainement pas le faire en abrégeant leur durée en août et septembre.
Que peut-on tirer des recherches en laboratoire et sur le terrain ? Les élèves qui présentent les plus belles fluctuations - c'est le chercheur qui parle... - sont ceux qui ne maîtrisent pas ce qu'il faut faire. Ceux qui savent, savent à toute heure. Des enfants de zone d'éducation prioritaire de Bourges ont été comparés avec des enfants de quartiers tranquilles. En début d'année, ils montraient plus de dysfonctionnements liés au rythme. Puis, la municipalité a mis en place, deux fois par semaine, l'après-midi, des ateliers ouverts où intervenaient des animateurs et des enseignants. En fin d'année, les anomalies avaient disparu. J'ai été président national de « La Jeunesse au plein air » : les loisirs des enfants, c'est important.
La variation dépend du niveau scolaire des élèves, des conditions motivantes ou non, et du stade d'apprentissage. Si la semaine de quatre jours n'est pas accompagnée d'activités, la courbe est inversée, symptomatique d'une désynchronisation et d'une baisse de résultats. Si, comme à Rennes, vous accompagnez la semaine de quatre jours d'activités complémentaires, vous retrouvez des niveaux similaires à ceux obtenus dans le cadre d'un autre rythme, mais vous ne retrouvez pas la courbe classique. Les emplois du temps que nous proposons vont dans le sens du respect des rythmes de l'enfant.
Si vous laissez du temps aux enfants, ils ont plusieurs possibilités. Aujourd'hui, en France, 7 % des enfants regardent la télévision plus de deux heures et demie les jours d'école et 12 % d'entre eux, plus de trois heures. Cela est largement en dessous de la moyenne européenne. En Espagne, c'est 17 % et 19 % ; en Allemagne, alors qu'on porte aux nues le « modèle allemand », 17 % et 27 %, parce que l'on ne propose plus guère d'activités. Au Royaume-Uni, c'est 50 % et 9 %.
Mes recommandations sont les suivantes : alléger la journée scolaire d'abord, ou plutôt la dé-densifier, car il faut faire le distinguo entre activités purement scolaires et activités complémentaires ; respecter ensuite, prioritairement, les heures et les jours de meilleures performances, sachant que le lundi est peu favorable, et même le mardi matin, en cas d'un week-end de deux jours, sauf si les enfants ont une vie très régulière ; respecter l'alternance entre sept semaines de classe et deux semaines de vacances, essentielles pour déshabituer les élèves du stress ; éviter la semaine de quatre jours ; créer ou développer les structures et activités complémentaires ; garantir la vie la plus régulière possible aux enfants, si possible un long fleuve tranquille.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je vous remercie pour votre présentation à la fois scientifique et pragmatique. Nous allons inévitablement vous poser la question : mercredi ou samedi ?
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous nous dites qu'il n'y a pas de solution idéale. Une béotienne qui aurait vos préconisations sous les yeux penserait que le samedi matin offre plus de régularité... Certaines communes ont choisi d'arrêter leurs enseignements le vendredi à 14 heures 30. Le bénéfice, si je vous ai bien compris, en est probablement nul. Vos graphiques montrent une baisse de l'attention entre 13 et 15 heures, mais beaucoup se sont opposés à l'allongement de la pause méridienne. Qu'en pensez-vous ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'expérience de Rennes ? Certains établissements préfèrent organiser des activités complémentaires plus structurées, en deux fois une heure trente au lieu de quatre fois trois quarts d'heure. Quelle est votre position ?
M. Gilbert Roger. - Et le droit à la paresse ?
M. François Testu. - Je persiste et je signe : il n'y a pas de solution idéale. Mais il y a des erreurs à éviter. Je m'insurge contre la libération du vendredi après-midi et du samedi matin, c'est la plus mauvaise des solutions. Les activités ne sont pas obligatoires et nombre d'enfants sont absents : ceux de milieux favorisés qui partent en week-end avec leurs parents et avaleront les kilomètres, ceux qui feront aussi de longs trajets pour rejoindre l'un de leurs parents séparés, et aussi ceux des zones dites sensibles... Prolonger le week-end d'une demi-journée supplémentaire, c'est répercuter l'effet du week-end jusqu'au mardi soir.
Je penche pour la classe le samedi plutôt que le mercredi matin, même si les résultats scientifiques ne sont pas clairs. Les plus petits doivent se lever le mercredi de toute façon. Pour les élèves de CM2, le samedi matin est préférable s'il y a des activités complémentaires le mercredi. Mais je ne m'y accrocherai pas comme la bernique à son rocher.
Quatre fois trois quarts d'heure ou deux fois une heure et demie ? Je vous ferai une réponse de Normand : cela dépend de l'environnement. La seconde solution peut se justifier si le déplacement est long jusqu'au lieu de l'activité, mais pose un problème de régularité. La solution allongeant la pause méridienne est très défendable et permet d'exploiter le deuxième pic d'attention en fin d'après-midi. Cela règle aussi, pour les petits, le problème de la sieste ou du repos. Cela me rappelle la difficulté à trouver un moment pour l'aide personnalisée, mais il s'agissait de temps scolaire. Dans les centres de vacances que j'ai dirigés, c'était le moment idéal.
Sur le droit à la paresse, j'ai été un enfant qui rechignait au travail scolaire. Les enfants ne doivent pas être tout le temps mis sous pression, même s'il faut leur faire comprendre que rien n'arrive sans travail. Ils ont le droit de s'ennuyer, d'être paresseux, de se révolter... à petites doses.
Les activités extrascolaires prévues par les parents et les activités périscolaires depuis la réforme des rythmes scolaires se sont souvent cumulées. Le surbooking du mercredi, qui existait déjà dans certaines familles, n'a fait que s'amplifier.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Lorsque les parents réclament un certain niveau de compétence pour encadrer ces activités, ils sont à l'inverse de ce que nous souhaitons promouvoir.
M. François Testu. - En maternelle, certains parents eux-mêmes s'opposent à ce que leurs enfants dorment l'après-midi.
Mme Françoise Cartron. - « S'ils font la sieste, ils ne dorment pas le soir », disent-ils.
M. François Testu. - C'est leur premier argument. L'autre est que les enfants ne vont pas à l'école pour dormir. Pourtant, au même moment, les entreprises redécouvrent les vertus de la sieste pour leurs salariés... En cas de surbooking du mercredi, on perd de vue l'objectif de la réforme. Toutefois, un grand pas a été fait depuis l'époque où les emplois du temps étaient imposés, sans souci des rythmes des enfants. La prise en compte de leurs besoins s'inscrit dans une tendance de fond. Les ministres, Luc Chatel, puis Vincent Peillon, y réfléchissent. À l'Assemblée nationale, sur cette question, le vote a été unanime. Le premier axe de la réforme a donc été mis en oeuvre assez aisément. La complémentarité éducative est plus délicate à instaurer...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Il est dur d'atteindre la perfection du premier coup.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je vous remercie pour votre exposé très riche.
Audition de M. Pascal Balmand, secrétaire général de l'enseignement catholique
La mission auditionne enfin M. Pascal Balmand, secrétaire général de l'enseignement catholique.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous auditionnons Pascal Balmand, secrétaire général de l'enseignement catholique, accompagné par Yann Diraison et Pierre Marsollier, secrétaires généraux adjoints.
M. Pascal Balmand, secrétaire général de l'enseignement catholique. - La dernière fois que nous avons été auditionnés au Sénat, c'était dans le cadre de la loi de refondation de l'école. Nous avions manifesté notre intérêt pour certains axes de la réforme, comme la formation initiale des maîtres et la réorganisation des rythmes scolaires et d'apprentissage. Nous nous interrogions toutefois sur les modalités de mise en oeuvre. Notre position n'a pas évolué. L'enseignement catholique respecte les orientations des politiques publiques, même si nous regrettons d'avoir été oubliés pour leur mise en oeuvre. Quant au financement de la formation, il soulève des problèmes qui seront, je l'espère, résolus. La création du fonds d'amorçage avait constitué le signal d'un financement à parité. Or, sur le terrain, pour l'enseignement catholique, il n'y a pas de suites.
Le 17 janvier dernier, nous avons organisé une journée nationale de travail sur la réforme des rythmes scolaires, réunissant des responsables départementaux diocésains, des chefs d'établissement, les parents, les enseignants, les représentants des paroisses.... Nous estimons que cette question dépasse le cadre de l'école, elle concerne aussi l'organisation du temps collectif et du temps social. Les rythmes scolaires, les rythmes des familles et de la société vont de pair. En outre, il est impossible de réformer les rythmes scolaires en se limitant au premier degré. Il faut étendre la réforme aux collèges et aux lycées. Notre spécificité, qui est de regrouper sur un même site l'école, le collège et le lycée nous rend sensibles à ce sujet.
Le débat se résume-t-il à l'alternative d'une semaine de quatre jours ou de quatre jours et demi ? Non. Il faut penser aussi les rythmes annuels et tenir compte des rythmes vécus par les enfants. Au-delà des modalités techniques, il convient surtout de construire un projet éducatif, qui est l'objectif premier. Le débat s'est cristallisé autour des activités périscolaires. C'est une déformation spectaculaire par rapport aux intentions du législateur qui voulait, avant tout, faciliter les apprentissages par tous les enfants, y compris les plus démunis et les plus fragiles. Tout se passe comme si l'objectif premier avait été relégué derrière la question des activités. Or, c'est parce que nous soutenions son objectif que nous avions jugé cette réforme intéressante. Dès février 2013, notre commission permanente s'y était déclarée favorable, tout en exprimant le souhait de voir lancer une réflexion sur l'année scolaire et les programmes. Parce que cette réforme est conforme à l'intérêt des enfants, nous la soutenons, mais non de manière inconditionnelle. Nous regrettons le modus operandi : la réforme des rythmes scolaires a été conduite avant celle des programmes. L'articulation entre rythmes et programmes doit être approfondie.
À vouloir mettre en oeuvre la réforme au même rythme partout, on risque d'accroître les disparités. L'intérêt des enfants de maternelle est-il le même que celui des plus grands ? Un autre problème, que l'enseignement catholique ne peut pas taire, porte sur les répercussions financières pour les établissements...
L'enseignement catholique est marqué par l'autonomie des établissements. Il ne m'appartient pas de donner des consignes nationales. Je ne peux qu'inciter les communautés éducatives à s'emparer de la réforme, se l'approprier pour la mettre en oeuvre chacune à son rythme. Cette appropriation est la clef du succès.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous envisagez les rythmes scolaires en lien avec l'approche pédagogique du projet éducatif. Cette réforme a pour objet d'harmoniser les rythmes scolaires avec ceux de l'enfant. Je suis d'accord avec vous, le but de l'école est d'abord l'assimilation des apprentissages. Les activités sont secondaires. M. Testu nous rappelait d'ailleurs le droit des enfants à « souffler » de temps en temps...
Vous réunissez l'école, le collège et le lycée sur un même site. Votre souhait d'étendre la réforme à tous les niveaux est logique. L'école publique n'est pas organisée de la même manière. Vu les difficultés actuelles, on comprend la prudence du ministre, qui est pourtant décidé à avancer. Pensez-vous que cela vous faciliterait la tâche s'il lançait la réforme des collèges et des lycées ? Le Conseil supérieur des programmes est installé. Il devrait proposer des programmes allégés pour le primaire à la rentrée prochaine. Comment les familles appréhendent-elles la réforme des rythmes scolaires ? Menez-vous une réflexion sur l'articulation du temps des familles et celui de l'école ? Parfois les parents subissent les rythmes scolaires, mais dans d'autres cas ils en sont partenaires.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Peu d'écoles de l'enseignement catholique ont appliqué la réforme et peu d'entre elles ont manifesté leur volonté de le faire à la rentrée prochaine. Quels sont les freins ?
M. Pascal Balmand. - Nous menons une réflexion collégiale et participative sur l'avenir du collège. Qu'est devenu le socle commun ? Nous rendrons public, début mars, le fruit de nos réflexions pour contribuer au débat. Je rencontrerai bientôt le ministre et les lui présenterai.
Je ne crois pas que si le ministre étendait la réforme au secondaire, les choses seraient facilitées. Je crois davantage à l'efficacité des petits pas et au changement par capillarité. Inversement, peut-être rendrions-nous service au ministre en rendant publiques nos micro-expérimentations. Nous sommes souvent perçus comme des quémandeurs, alors que nous souhaitons être utiles.
La confiance entre les familles et l'école est la clef de la réussite scolaire. Aucune réforme des rythmes scolaires et des apprentissages n'est possible sans consensus. Pour cela il faut du temps et de la réflexion. Il ne m'appartient pas d'édicter une ligne. Quand bien même je le pourrais, je ne le ferais pas car les situations sont trop diverses. Les petites écoles rurales, les écoles de banlieue, les gros établissements de centre-ville constituent autant de réalités différentes, autant de projets éducatifs. La question est commune mais appelle des réponses différenciées. Il convient de travailler avec les familles au niveau local. Les intérêts des parents seront différents d'une école à l'autre, même si les intérêts des familles ou des enseignants importent moins que les intérêts des enfants. Pensez au samedi, même si c'est une question qui fâche...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Elle ne nous fâche pas ! Nous nous sentons majoritaires parce que la majorité adhère en discours, mais quand on en vient aux faits, nous nous sentons minoritaires...
M. Pascal Balmand. - Nous aussi !
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Les parents jouent un rôle dans ce débat...
M. Pascal Balmand. - Disons plutôt les adultes.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - En effet. La formulation est pudique !
M. Pascal Balmand. - Je confirme que peu d'écoles catholiques ont mis en oeuvre la réforme, mais celle-ci progresse par capillarité. Ainsi en Mayenne, un tiers des écoles l'ont appliquée. Dans tel autre département, le taux est très faible. Est-ce le fruit de l'inertie, d'un manque d'intérêt ? Je pense plutôt que le retard est dû à la nécessité de prendre le temps d'une concertation locale, associant élus, enseignants, représentants de la paroisse, parents, pour que la communauté éducative fasse sienne la réforme.
M. Dominique de Legge. - L'enseignement catholique ne craint-il pas d'être marginalisé s'il ne met pas en place la réforme ? Vous dites que vous ne donnez pas de consignes. Dans mon département, l'Ille-et-Vilaine, la scolarisation en milieu rural est assurée à 50 % par l'enseignement catholique. Les maires ont reçu un courrier du directeur diocésain les priant de veiller à éviter des traitements différenciés entre écoles publiques et privées. Dans ma commune, qui compte deux écoles, l'une publique, l'autre privée, tout le monde travaille ensemble et je m'en réjouis.
Dans certaines régions, les établissements de l'enseignement catholique ne sont-ils pas tentés de s'abstenir de mettre en oeuvre la réforme pour accroître leur part de marché en attirant les parents réfractaires ? Enfin, vous n'avez pas évoqué le financement.
M. Gilbert Roger. - L'organisation de l'enseignement catholique est décentralisée. Est-il possible de voir surgir, ici ou là, des conflits entre écoles publiques et privées sous contrat, pour le partage des salles, des équipements sportifs, des installations culturelles ? Comment éviter ces conflits ?
Mme Marie-Annick Duchêne. - Ayant été chef d'établissement de Notre-Dame de Sion à Paris, je me sens proche de l'enseignement catholique, même si je garde un esprit laïc. L'autonomie des établissements sous contrat est une source de richesse, dont peut-être l'école laïque pourrait s'inspirer. En avez-vous parlé au ministre ?
M. Pascal Balmand. - Faut-il craindre un risque de marginalisation ? Tout dépend des raisons pour lesquelles la réforme n'est pas appliquée. Lors de notre journée nationale sur la réforme des rythmes scolaires, j'ai invité publiquement les responsables d'établissement à se garder des stratégies marketing à courte vue destinées à récupérer davantage d'élèves, en attirant les familles réfractaires aux nouveaux rythmes. Il s'agirait d'une victoire à la Pyrrhus car la réussite des enfants dépend de l'adhésion des familles au projet éducatif de l'établissement. Sans doute, ici ou là, de telles stratégies seront mises en place. Mais l'immense majorité des chefs d'établissement s'efforce, avec succès, de mettre en avant des critères éducatifs.
L'école catholique ne fonctionne pas en vase clos. Elle n'est pas coupée du monde. Partout, elle doit s'adapter. Elle est tributaire des possibilités de desserte en milieu rural. Parfois, les familles ont plusieurs enfants, scolarisés les uns dans le public, les autres dans le privé. Elle doit tenir compte des équipements sportifs et culturels disponibles, comme de l'organisation de la vie paroissiale. Ce sont autant d'éléments à concilier avec le projet éducatif. Parfois, les chefs d'établissement seront obligés de mettre en oeuvre la réforme, même s'ils n'y adhèrent pas, pour concilier toutes les exigences de leur environnement. Pourtant, cette réforme ne peut aboutir que si ceux qui la mettent en oeuvre y croient. On n'adhère pas à une réforme en obéissant à une injonction.
J'ai peu évoqué la question du financement, non pour éviter les sujets qui fâchent, mais parce que ce n'est pas la question première. Elle se pose, évidemment, et donne lieu, parfois, à des discussions locales animées. Mais l'essentiel est de parvenir à modifier les rythmes scolaires conformément aux intérêts de l'enfant. Ce n'est pas une question d'argent. L'organisation d'activités nouvelles a, certes, un coût mais rien n'oblige à transformer les écoles en clubs de loisirs, à proposer des activités d'un prix démesuré. Ce qui est intéressant au plan éducatif n'est pas forcément coûteux, et nous pouvons nous appuyer sur les compétences des familles et du tissu local.
Mme Marie-Annick Duchêne. - Avez-vous pu exprimer vos idées devant le ministre ?
M. Pascal Balmand. - J'ai eu l'occasion, comme mon prédécesseur Éric Delabarre, d'échanger avec le ministre sur la rentrée scolaire. Je le rencontrerai en mars.
M. Dominique de Legge. - Les critères éducatifs varient-ils selon les territoires ? En outre, la liberté des chefs d'établissement de l'enseignement catholique fait-elle des jaloux parmi leurs collègues du public ?
M. Pascal Balmand. - Les enfants sont les mêmes partout, mais leurs rythmes de vie diffèrent, par exemple, selon qu'ils vivent en Corrèze ou à Paris. En fonction de critères éducatifs communs, les modalités de mise en oeuvre varient. De plus, les projets d'établissement dépendent des écoles, de leur histoire, de leur organisation, de leur culture.
Notre liberté fait-elle des jaloux ? Je l'espère ! Mais la liberté a pour corollaire des charges et des responsabilités assez lourdes.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Merci pour votre franchise et votre contribution précieuse à nos travaux.