Mardi 29 octobre 2013
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -Loi de finances pour 2014 - Audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
La commission procède à l'audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de loi de finances pour 2014.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous écoutons Mme la ministre Geneviève Fioraso sur son projet de budget pour 2014. Espérons que nous y retrouverons les ambitions de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche qu'elle a menée à bonne fin.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - J'ai le plaisir de vous présenter un budget en progression, le troisième de l'État après l'éducation nationale et la défense, si l'on excepte le remboursement de la dette. C'est un budget sérieux, parce qu'il tient compte de la situation de nos finances publiques et comporte une programmation pluriannuelle des moyens. Cela dit, la meilleure programmation est la loi de refondation de l'école : plus de réussite scolaire en amont améliorera la réussite étudiante et grossira le flux de jeunes d'une même classe d'âge qui obtiennent un diplôme.
Le budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) dépasse pour la première fois les 26 milliards d'euros, en augmentation de 121 millions d'euros par rapport à 2013 et de 648 millions d'euros par rapport à 2012. Pour mon seul ministère, il s'élève à 23,04 milliards, soit une augmentation de 112 millions d'euros par rapport à 2013 et de 593 millions d'euros par rapport à 2012. Pour l'avoir suffisamment reproché à mes prédécesseurs, je n'additionnerai pas les ressources extrabudgétaires issues du grand emprunt à ces crédits budgétaires. Pour autant, il n'est pas inutile de rappeler que 5,3 milliards d'euros iront à l'enseignement supérieur et la recherche sur les 12 milliards du second programme d'investissements d'avenir, le PIA 2.
Notre objectif prioritaire est la réussite étudiante, surtout en premier cycle où elle est de 60 % en Allemagne, contre 33 % en France. Cela implique d'abord de revaloriser les bourses : 150 millions d'euros supplémentaires pour payer le dixième mois en 2012, promis mais jamais budgété par mes prédécesseurs, 149 millions en 2013 puis 158 millions en 2014. Voilà la première étape de la réforme : un effort de 457 millions d'euros en trois ans qui préfigure l'allocation d'études prévue par l'engagement n° 39 du Président de la République. Plutôt que de saupoudrer, nous avons dégagé trois priorités, concertées avec les organisations étudiantes. En premier lieu, les 57 000 étudiants les plus modestes parmi les 135 000 étudiants exonérés de frais de sécurité sociale et de droits d'inscription. Cette catégorie zéro bis recevra une aide à raison de 1 000 euros sur dix mois. Nous plaçons le curseur sur 15 heures de petit boulot par semaine ; au-delà, il devient difficile de mener des études. En deuxième lieu, les 35 000 étudiants les plus modestes, la catégorie sept, toucheront désormais 5 500 euros au lieu de 4 697 euros auparavant. En troisième lieu, nous renforçons l'aide aux 7 000 étudiants en rupture familiale : elle passera de 5 500 à 6 600 euros.
L'amélioration des conditions de vie passe également par un meilleur accès au logement, en particulier en Ile-de-France, et dans les cinq métropoles de Lille, Bordeaux, Toulouse, Grenoble et Lyon. À Paris, le loyer peut représenter jusqu'à 70 % du budget des étudiants. Nous avons consolidé, en base pour 2014, les 20 millions d'euros supplémentaires de subventions déjà accordées au réseau des oeuvres universitaires en 2013.
La réussite étudiante implique une profonde rénovation du premier cycle universitaire. Les moyens alloués aux universités augmenteront de 106 millions d'euros pour refléter une université en mouvement, loin de l'image misérabiliste qu'elle véhicule parfois. L'État assure 90 % des recettes des universités à travers la masse salariale : aucune ne mettra la clé sous la porte, malgré les difficultés liées au passage aux responsabilités et compétences élargies, les RCE, notamment celles liées à l'absence de prise en compte du glissement vieillesse technicité (GVT) positif. C'est pourquoi nous avons procédé à une programmation pluriannuelle en toute transparence avec la Conférence des présidents d'université (CPU). Nous poursuivons les créations d'emploi : 1 000 postes en 2013 et en 2014, tous fléchés sur le premier cycle. L'université devra faire avec les licences ce qu'elle a réussi avec les mastères sur lesquels l'effort doit se prolonger. Au premier clic sur Admission post-bac, on vous propose 11 000 parcours de mastères. Ce n'est ni lisible ni sérieux pour les étudiants et leurs familles. Simplifions leurs intitulés, mutualisons-les, voire redéployons-les vers les licences. Il existe encore trop de mastères, hors disciplines rares, qui comptent moins de quinze étudiants.
Nous poursuivons le plan de déprécarisation dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi « Sauvadet » : après 1 775 agents en 2013, dont beaucoup de catégorie C indispensables au fonctionnement des universités, 2 200 agents par an en bénéficieront à partir de 2014, grâce à un abondement annuel de 40 millions d'euros. Nous reparlerons des difficultés d'une quinzaine d'universités. Elles sont plus prégnantes depuis le passage aux RCE. En cause, la saturation des plafonds d'emplois, des recrutements trop nombreux ou trop rapides, une offre de formation trop dispersée et trop coûteuse, la mauvaise anticipation de la rénovation des locaux. Accompagnons-les : l'apport en ingénierie de mon ministère peut éviter de faire appel au rectorat et à une mise sous tutelle déresponsabilisante. L'immense majorité d'entre elles se redressent, comme Le Havre, Paris-VI ou encore Angers qui avait embauché 98 personnes la première année de passage aux RCE.
Je ne voudrais pas éluder le délicat problème du GVT positif, sur lequel les établissements ont une prise limitée. Il aurait fallu prévoir un lissage dès 2007. À mon arrivée en 2012, j'ai tenu à ce que le ministère le finance pour moitié, à hauteur de 18 millions d'euros. Je ne peux pour l'instant prendre l'engagement ferme de reconduire cette mesure pour les trois ans à venir, j'en discute avec le ministère du budget qui me renvoie encore au fonds de roulement des universités et à leur trésorerie, qui sont souvent très importants, ce dont je me félicite. Un effort conjoint, j'en suis persuadé, serait bienvenu pour accompagner les établissements vers la responsabilité.
De nouveaux financements partenariaux et territoriaux viennent s'ajouter à ces perspectives avec les prochains contrats de plan État-régions. L'année 2014 sera de transition : nous redéployerons 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement provenant d'anciens partenariats public-privé (PPP) abandonnés au profit de projets urgents mais qui ne sont pas encore programmés. Les opérations Campus entrent en régime de croisière : de 158 millions d'euros seulement débloqués cinq ans après la première vague, elles passent à 255 millions d'euros en 2014. C'est la fin du tout PPP, puisque 61 % des opérations y échappent ; on utilise désormais d'autres outils : la maîtrise d'ouvrage définie par la loi relative à la maîtrise d'oeuvre publique ou encore les fameuses sociétés de réalisation avec la Caisse des dépôts et consignations, comme l'a fait l'université de Bordeaux. Cette diversification des procédures juridiques a débloqué les plans Campus.
Concernant la recherche, nous avons engagé l'agenda stratégique autour de dix grands axes prioritaires, en cohérence avec la stratégie européenne Horizon 2020, les trente-quatre projets des nouveaux investissements d'avenir présentés par le Président de la République et les perspectives à 2030 du rapport de Mme Anne Lauvergeon. L'enseignement supérieur et la recherche doivent être au coeur de la stratégie de redressement de notre pays et non pas une île en dehors de la vie réelle. Dans les pays dynamiques, ils sont au service du projet politique, du projet de développement, du projet de croissance. Les réussites d'Airbus, le robot intelligent Nao sont la face émergée de l'iceberg. La France est le deuxième pays au monde en termes de publications sur le sida, le deuxième contributeur au fonds mondial qui le combat et la patrie du prix Nobel décerné à Françoise Barré-Sinoussi et à Luc Montagnier. Pour autant, aucune de ces avancées ne serait possible sans une industrie de la robotique, qui nous manque, ou une industrie du numérique qui se déploie. Contre le retour de vieilles lunes, telles que la dichotomie entre recherche et usages, entre hardware et software, ayons une vision plus systémique, plus moderne et plus dynamique de la recherche et de l'innovation.
Les crédits budgétaires du ministère consacrés à la recherche représentent 7,77 milliards d'euros, comme en 2012, soit 82 millions d'euros de moins qu'en 2013. La baisse est concentrée sur les programmes de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Nous n'irons pas plus loin. Il s'agit, en effet, d'un juste dimensionnement de son budget en rapport avec sa capacité. Tous les programmes seront maintenus. Sa trésorerie, de 300 millions d'euros, atteste qu'elle accumulait du retard dans la réalisation de ses projets. Or un programme non réalisé est un programme dépassé. Avec plus de 600 millions d'euros, elle revient à son niveau de 2008-2009. Nous n'avons pas sorti ces propositions de notre chapeau : les Assises de l'enseignement et de la recherche ont appelé à un rééquilibrage entre appels à projet et crédits récurrents et au rétablissement des programmes pluriannuels pour la recherche fondamentale. Les chercheurs ont mieux à faire que de se préoccuper de la paperasserie administrative. Ils pourront davantage se consacrer aux financements européens, que nous mobilisons cinq fois moins que sous le quinquennat précédent. Les dotations récurrentes aux organismes seront supérieures de 3 % par rapport à 2012.
La hausse du budget du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) n'est qu'apparente, elle résulte du provisionnement pour le démantèlement de centrales nucléaires dans le cadre de la transition énergétique. La baisse réelle de sa subvention se justifie par le fait que le CEA fait largement appel à des recettes extérieures, sa direction de la recherche technologique fonctionne d'ailleurs à plus de 50 % avec des financements privés. Cela ne doit pas nous chagriner. La part du privé dans les 2,2 % du PIB consacrés à la recherche et développement est faible parce que notre appareil productif a fondu, avec 750 000 emplois en moins. La différence est patente avec l'Allemagne où les crédits consacrés à la recherche atteignent 2,9 % du PIB grâce à l'investissement privé. Nous devons mieux irriguer l'industrie via la recherche technologique et continuer d'investir dans la recherche publique.
Les crédits de l'ANR baissent de 82 millions d'euros pour se stabiliser à 605 millions. La recherche spatiale, qui intéresse beaucoup d'entre nous, voit son budget augmenter de 58 millions d'euros pour atteindre 1,43 milliard d'euros. La légère baisse du budget du Centre national d'études spatiales (CNES) est complètement artificielle ; nous abondons les crédits de l'Agence spatiale européenne (ESA - European Spatial Agency), pour atteindre les objectifs fixés au dernier Conseil interministériel de Naples. Cela s'est fait en bonne intelligence avec le CNES, son directeur m'a même adressé une lettre de remerciements.
Ne mélangeons pas crédits budgétaires et ressources extrabudgétaires. Si j'avais ajouté à mon budget le crédit d'impôt recherche, le PIA 1 et le PIA 2, j'aurais pu afficher une hausse de plus de 30 %. Mais je ne le ferai pas, bien sûr !
Mme Sophie Primas. - Pirouette, cacahuète !
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - L'année 2014 sera consacrée aux appels à projet du PIA 2, actuellement en préparation entre le ministère, le commissariat général à l'investissement et les comités de pilotage interministériels. Des fonds non consentis à hauteur de 3 milliards bénéficieront à une nouvelle vague d'initiatives d'excellence, les Idex, qui devront tirer l'ensemble des pôles universitaires vers le haut. Pour cela, nous les intégrerons aux communautés d'universités et établissements qui verront bientôt le jour.
Le déblocage des dernières actions du PIA 1 porte ses fruits, avec des transferts au bénéfice des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), des instituts Carnot et de l'Idex de Toulouse. Engagées à 95 %, les actions relevant du ministère représenteront un apport supplémentaire de 1 milliard d'euros en 2014.
Ce budget pour 2014 accompagne les transformations voulues par la loi : les contrats de sites, expérimentés en 2013 en Alsace et en Lorraine, seront généralisés ; la stratégie nationale d'enseignement supérieur et la stratégie nationale de recherche seront présentées au Parlement. Ambitieux, il envoie un signal fort à la jeunesse en favorisant la réussite étudiante et l'insertion professionnelle. Au passage, le plan France Université numérique sera doté de 12 millions d'euros dans le PIA 1 et reconduit dans le PIA 2. Ce budget a aussi l'ambition de faire émerger des écosystèmes d'excellence, tout en annonçant le retour de l'État stratège.
Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Merci pour cette présentation exhaustive et précise, qui répond déjà à certaines de mes questions. Au sein du budget de votre ministère pour 2014, la priorité est donnée à la réussite en premier cycle. De nombreux établissements se sont mis en ordre de marche pour créer des dispositifs d'accueil adaptés pour les étudiants qui ne sont pas toujours prêts à aborder les études supérieures. Pensez-vous dresser un florilège de ces expérimentations, telles que la sélection progressive ou la réorientation précoce ?
Pour soulager les universités en difficulté, vous envisagez une prise en charge partielle du GVT, un point en cours de négociation. Qu'en est-il des sommes prélevées par le ministère au titre du jour de carence ? Quelle est sa contribution au redressement des finances publiques ? En raison de leur caractère forfaitaire, ces prélèvements peuvent déséquilibrer le budget de certaines universités de proximité.
Le nombre d'étudiants boursiers augmente, c'était très attendu. Reste à savoir comment compenser les exonérations de droits de scolarité dont ils bénéficient. Le manque-à-gagner est réparti de façon très inégalitaire : le nombre de boursiers varie de 5 % à 67 % selon les établissements.
Vous avez annoncé la modification du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA), dont M. Adnot et moi-même avions dressé une critique constructive au printemps dernier. Pouvez-vous nous en préciser les modalités et le calendrier ?
L'Assemblée nationale a rejeté la suppression de la réduction d'impôt au titre des enfants qui accomplissent des études secondaires ou supérieures. Certes, il n'y a pas d'effet de vases communicants entre les recettes et les dépenses. Pouvez-vous cependant nous donner l'assurance que cela n'affectera pas l'enveloppe destinée aux bourses ?
L'enseignement supérieur privé est plus affecté que le public par l'effort de maîtrise des finances publiques, alors que certains établissements contractent avec l'État et remplissent une mission de service public. Que leur répondre ?
Nous constatons un recul dans la dernière version du projet de loi d'avenir pour l'agriculture : l'abandon de la création de l'Institut vétérinaire de France, des regroupements universitaires et le maintien de l'enseignement agricole sous la seule tutelle du ministère de l'agriculture. Qu'en est-il ?
En Conseil des ministres, vous consacrerez prochainement une communication sur la diffusion du savoir et la stimulation de l'esprit scientifique. Voilà un beau sujet et une bonne occasion de mobiliser les autres ministères pour cesser de travailler en silo. Idem pour la loi sur la formation professionnelle qui se prépare, sur laquelle j'ai proposé à la présidente de notre commission nous nous saisissions pour avis.
L'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), deviendra le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Qui prendra en charge les mises à disposition auprès de cet organisme d'enseignants pour effectuer les évaluations ? Quel sera le budget de la nouvelle entité ?
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - Merci pour cette présentation dynamique et volontaire qui signe le retour de l'État stratège. Vous avez déminé la question de l'ANR. Reste que son budget, qui a diminué de 30 % depuis 2006, sera seulement de 600 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les 300 millions d'euros non consommés. Certes, vous vous êtes engagée à ne plus réduire son budget. Mais celui-ci est très en-deçà des crédits de son homologue allemande qui dispose de 2,7 milliards de ressources.
Quel taux de réserve légale sera appliqué aux organismes de recherche ? Sera-t-il toujours réparti par parts égales entre le fonctionnement et la masse salariale ? Comment le préciput de l'ANR pourra-t-il prendre en charge les frais d'environnement et de structure pour atteindre le taux de 20 % en France que réclame la communauté scientifique depuis de nombreuses années ? Comment s'assurer que les crédits accordés sur projet ne soient pas détournés pour financer un recours non justifié aux contractuels et que les ingénieurs et techniciens de recherches ne soient pas condamnés à naviguer de contrat à durée déterminée (CDD) en CDD sur des postes inférieurs à leur qualification ?
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. - Ce budget, indiscutablement préservé, demeure essentiel dans le budget de l'État. Il reste des sujets à traiter. Comment envisagez-vous la sortie du système SYMPA ? Quelles mesures d'équité entre universités comptez-vous prendre ? Plus elles sont en difficulté, plus elles doivent geler des postes et moins elles parviennent à redresser la situation. Le système est infernal.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Pour préparer ma réforme du premier cycle, j'ai accompli un tour de France de l'enseignement supérieur. Contrairement à l'image qui se dégage parfois en réunion, j'ai senti beaucoup d'enthousiasme. L'institut universitaire de technologie (IUT) de Brive est chef de file pour le numérique. Il pratique les serious games, cet autre mode d'apprentissage sur Internet ; les enseignants y sont très disponibles, y compris pour assister leurs élèves devant des ordinateurs. À la Rochelle, avec le soutien de la région, la licence prévoit quatre parcours différents dans toutes les filières scientifiques, qui vont de la remise à niveau à l'excellence et entre lesquels les étudiants peuvent circuler. Nantes a créé des bi-licences. D'un site à l'autre, on connaît mal ces bonnes pratiques. Faisons circuler l'information.
Voici la répartition des mille postes supplémentaires en 2013 : 235 sont fléchés vers l'orientation choisie et accompagnée, 140 vers le numérique, 75 vers l'innovation pédagogique, 125 vers la maîtrise des langues vivantes et 425 vers l'amélioration du taux d'encadrement. Un bon chef d'établissement n'attribuant pas immédiatement ces postes, mieux vaut attendre les comptes administratifs de 2014 que s'appuyer sur les statistiques déclaratives pour établir un bilan. Pour l'instant, nous avons identifié 700 créations d'emploi réelles.
S'agissant du GVT, nous négocions avec la CPU son intégration dans les contraintes budgétaires des universités, comme cela se pratique dans les organismes de recherche depuis quinze ou vingt ans. Son coût pour 2013 avait été estimé à 60 millions d'euros ; en réalité, il sera de 36 millions. En 2014, l'effet « Noria » étant plus faible, ce serait 58 millions. Nous chercherons toutes les solutions pour les accompagner : reliquats de fin d'année, négociation avec Bercy.
La compensation des exonérations de frais d'inscription pour les universités accueillant un grand nombre de boursiers est nécessaire, en particulier dans les établissements de taille petite ou moyenne. Sans eux, bien des jeunes ne poursuivraient jamais d'études supérieures. Aidons-les, nous le devons pour des raisons sociales, mais aussi d'irrigation des territoires. À Brive, l'université est un levier du développement économique : dans ses laboratoires, une entreprise de taille moyenne spécialisée dans les cosmétiques emploie dix personnes en permanence. Tulle, qui n'a pas de pôle universitaire, perd des habitants alors que Brive en gagne. L'université est un levier de développement, je le dis et le redirai pour le site de Béziers que je souhaite conserver. Les déséquilibres dus aux bourses ne sont pas pris en compte par le modèle SYMPA. Une simulation indique que le passage à une compensation mécanique des exonérations de droits d'inscription pour les boursiers désavantagerait sérieusement un tiers des universités. Les universités désavantagées seraient celles qui font le plus de recherche.
Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Mais c'est une des priorités fixées par la loi !
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Tout à fait. L'idéal, eût été de tirer tout le monde vers le haut. Cela aurait été possible dans une période de croissance où la dette n'aurait pas été creusée, comme elle l'a été sous le précédent quinquennat. Pour autant, n'abandonnons pas car des universités de taille moyenne comme Chambéry ou Albi, qui comptent plus de 50 % de boursiers, obtiennent les meilleurs taux d'insertion professionnelle à bac + 3. Nous accompagnerons les établissements vers la responsabilité. Nous mettrons tous les éléments d'information entre leurs mains et ce point sera négocié dans la programmation pluriannuelle. De même que le système SYMPA, tout au long des années 2013 et 2014. Nous arriverons à des propositions quand il y aura convergence entre la CPU et le budget ministériel.
Le rejet de la suppression de la réduction d'impôt au titre des études secondaires et supérieures par les députés ne remet pas en cause la réforme des bourses étudiantes. Et ce, pour une raison simple : il n'y avait pas de corrélation directe entre la première mesure et la seconde. Je souligne néanmoins cette coïncidence : les 183 euros de réduction d'impôt correspondent très exactement cette année au montant des droits d'inscription en licence dans une université publique. À ce propos, cessons de qualifier ces droits d'exorbitants, comme on l'entend parfois à la télévision en prime time. On peut tout dire, que le logement coûte cher aux étudiants et à leurs familles, que leurs conditions de vie sont difficiles ; mais que les droits d'inscription, surtout compensés par une réduction fiscale, soient excessifs, franchement non ! Les journalistes devraient instaurer un droit de réponse ou du moins corriger l'information.
Mme Sophie Primas. - Certes.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Quoi qu'il en soit, les 457 millions d'euros sur trois ans ne sont pas remis en cause et j'ai obtenu l'assurance que l'évolution des aides aux étudiants se poursuivra jusqu'à la fin du quinquennat.
Tous les établissements privés peuvent conventionner avec mon ministère. Si la baisse est de 7 % pour eux, contre 4,5 % pour les universités publiques, cela n'a rien à voir avec des motifs idéologiques ; cela s'explique par leur moindre dépendance vis-à-vis de l'État dont le financement représente entre 5 et 20 % de leurs recettes, avec une moyenne à 9 %. Les universités publiques, elles, traversent une période difficile à cause du passage aux RCE. C'est le cas de 15 % d'entre elles. Pour autant, leur fonds de roulement et leurs crédits de trésorerie sont importants : Montpellier III, dont on sait la situation, disposait ainsi de 44 jours de trésorerie fin 2012 quand Bercy fixe une norme de 15 jours. Entre parenthèses, ce seuil peut paraître bas par rapport aux associations dont on exige un mois ; il se justifie par le fait que l'État fournit aux universités 90 % de leurs recettes en leur transférant les crédits qui correspondent à la masse salariale.
La diffusion de la culture scientifique et technique, j'y travaille avec la ministre de la culture. L'idée est de mettre au point une base solide, ce qui est plus facile à deux, avant d'élargir le cercle aux ministères du développement durable, de l'éducation nationale et de la jeunesse. Mme Fourneyron est très partante, et c'est tant mieux car nous avons besoin d'elle pour aller vers des jeunes qui ne sont pas forcément touchés par l'éducation nationale ou l'enseignement supérieur. Notre but est, en tout cas, d'améliorer la culture scientifique et technologique dans l'ensemble des classes d'âge de notre pays pour les protéger de certaines manipulations. Voyez ce qu'il s'est passé durant l'examen du projet de loi visant à autoriser les recherches sous certaines conditions très encadrées sur les cellules souches embryonnaires : des députés, en toute sincérité, confondaient cellules souches embryonnaires, soit des organismes à la durée d'existence comprise entre 4,5 et 8 jours qui tiennent au fond d'une éprouvette, avec des foetus de six mois parce qu'une fondation, dont le nom ne mérite pas d'être cité, leur avait fourni des cartes postales. Qu'ils soient opposés à ce texte, je l'entends car c'est le jeu normal de la démocratie. En revanche, qu'on ne m'oppose pas des arguments fallacieux et scientifiquement infondés.
Les crédits de l'ANR sont redimensionnés à leur juste proportion. L'agence avait accumulé 600 millions de trésorerie à la fin de 2012, faute d'avoir pu traiter les dossiers ; d'où notre choix de redistribuer 82 millions vers les crédits récurrents des laboratoires. Prévoir 606 millions pour ses appels à projet ne la mettra pas en péril. D'autant qu'elle n'est pas seule dans ce domaine : le PIA, l'Europe, les organismes de recherche, les ministères, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) financent également ce type d'actions. Revenons à l'intention initiale du législateur : l'ANR est l'opérateur de la stratégie nationale de recherche, elle n'a pas plus vocation à se substituer aux organismes de recherche qu'à l'État en devenant programmateur. Là encore, nous recherchons l'équilibre, nos choix ne sont pas guidés par un dogme.
La recherche sur l'environnement, qui dépend du ministère de l'écologie, connaît des difficultés à cause de la saturation de l'ADEME. L'agence ne parvient plus à suivre les dossiers, par manque de moyens. Sans vouloir répondre à la place du ministre qui en est en charge, on gagnerait peut-être en rapidité en déconcentrant la procédure. Via les programmes ANR, 30 millions d'euros sont alloués aux recherches sur la gestion sobre des ressources et l'adaptation au changement climatique. D'ailleurs, mieux vaudrait parler de dérégulation climatique. Les belles stations de la Côte d'Opale...
M. Jacques Legendre. - Dites-le et redites-le !
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - ... sont ravies d'attirer plus de touristes grâce à un climat plus doux l'été ! La dérégulation climatique, qui a un impact social et environnemental en particulier dans les pays les plus pauvres, constitue un enjeu fondamental. Autre axe prioritaire de notre stratégie de recherche, les énergies propres, sûres et efficaces auxquelles sont consacrés 58 millions d'euros de crédits.
Le Grenelle de l'environnement définissait plus de vingt pistes de recherche, notre pays peut-il les financer ? Non. Faut-il, pour autant, tomber dans l'excès inverse, le monoculturel, et s'en tenir à deux ou trois thèmes ? Il existe un juste milieu entre les deux. Privilégions une vision globale des projets, tenant compte du modèle économique. Inutile de développer une énergie renouvelable, sur laquelle nous aurions pris du retard ; allons vers une autre, plus adaptée à notre pays. Cette même approche globale milite pour une réintégration des sciences humaines et sociales dans les programmes de recherche. Au total, 15 % du programme global de l'ANR va à l'environnement et l'énergie, sans compter les programmes de recherche fondamentale.
Les chercheurs, moins harcelés par la nécessité de répondre à des appels d'offre nationaux, pourront mieux candidater au programme-cadre de recherche et développement technologique européen, le PCRDT. Nous bénéficiions de 16,4 % des crédits du sixième programme-cadre, contre 11,5 % seulement aujourd'hui. L'objectif est de revenir à ce bon niveau, qui correspond à l'apport de la France, dans le cadre du programme Horizon 2020. Comment ? La méthode Coué : martelons devant les chercheurs, comme je le fais, que le « bruxellois » est compliqué à parler la première fois, puis que l'on s'y habitue. Nous simplifions les appels à projet de l'ANR en exigeant un simple résumé du projet en quelques pages pour la première sélection.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - C'est un vrai progrès.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Pour les dossiers sur les programmes émergents, nous demandons aux jeunes chercheurs une mise en forme identique à celle du Conseil européen de la recherche car l'intelligence d'un chercheur ne se mesure pas à sa capacité à répondre à des formulaires de différents formats.
J'en viens à la précarité de l'emploi scientifique. Afin de ne pas reconstituer mécaniquement les flux de précaires, nous avons élaboré un plan pluriannuel, que l'ANR a adopté le 12 novembre 2012 et qui porte sur des contrats de quatre à cinq ans...
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - ...qui s'inscriront donc dans la durée...
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - ...et fixe un plafond maximal de 30 % de CDD par programme de recherche sur projet. La résorption de la précarité sera aussi à l'ordre du jour des négociations avec les organisations syndicales. Disons d'emblée que je conteste le nombre de 50 000 précaires. Par définition, les docteurs ne doivent pas être comptabilisés parmi eux.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - D'accord.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Aidons-les à tirer un meilleur profit de leur titre universitaire, que deux branches professionnelles seulement reconnaissent actuellement. Créons une nouvelle voie pour eux à l'école nationale d'administration (ENA), la monoculture, la monodisciplinarité, qui règne dans les grands corps n'est pas compatible avec le XXIe siècle ; la directrice de l'école, que j'ai rencontrée récemment, y est ouverte dans une logique gagnant-gagnant : elle veut, pour ses étudiants, un accès rapide au doctorat. Je ne peux que m'en féliciter, cela encouragera l'innovation.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - Qu'en est-il du préciput ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Il est de 12 % pour les universités, de 15 % pour l'ANR et de 25 % dans le programme Horizon 2020. Pour arriver à l'objectif de 25 %, nous devons chercher des ressources, entre autres, dans le cadre des Idex.
Je jouerai mon rôle dans l'élaboration du projet de loi sur la formation professionnelle, même si le ministre du travail en est le chef de file. Évitons de transmettre l'idée qu'il y aurait d'un côté, l'université et la recherche et, de l'autre, le social. Les deux sont liés par effet de domino : si un étudiant s'engage dans un contrat en alternance, il prendra la place de quelqu'un d'autre, qui n'en trouvera plus. Je répondrai également présente sur la proposition de loi relative aux stages. Certaines entreprises de sondage et de communication fonctionnent avec un taux de 30 % de stagiaires, réduisons ces effets d'aubaine. Les stages doivent être partie intégrante de la formation. Augmentons la part des jeunes qui en effectuent un en premier cycle, c'est le cas de 2 % seulement aujourd'hui. Cela leur servira à confirmer ou non leur orientation car chacun peut se tromper.
Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ne coûtera pas plus cher que l'AERES, il bénéficiera de crédits budgétaires identiques. Une mission sur la transition conduite par M. Dardel et Mme Pumain, est en cours.
La co-tutelle du ministère de l'agriculture et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'enseignement supérieur agricole n'est pas mise en cause. Les écoles d'agronomie participent de la recherche, la plupart sont membres des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Je ne vois pas de contradiction entre une meilleure coordination de l'enseignement agricole et une plus grande participation des écoles aux communautés d'établissements. Les deux ministères travaillent de concert : il n'y a pas hégémonie de l'un sur l'autre.
S'agissant des gels de poste, nous sommes en pleine négociation. Nous en saurons plus sur la situation réelle une fois que nous aurons en main le compte administratif des établissements pour 2014. Si je suis encore ministre à ce moment-là, je présenterai un rapport au Parlement.
M. Jacques Legendre. - Outre l'intérêt de la ministre pour la méthode Coué, j'ai noté, et c'est plus important, que son budget n'était pas en recul. Pour être exact, il faudrait parler de stabilisation des crédits plutôt que de forte progression. Demeure une question qui m'est chère : la démocratisation de l'accès à l'université à travers le maillage territorial. L'heure est à la reconcentration, les universités mères ont tendance à réduire le spectre des formations proposées dans leurs antennes, ce qui a un effet fâcheux sur les étudiants. Au-delà du cas de Béziers, que comptez-vous faire ?
Mme Corinne Bouchoux. - Le crédit impôt recherche, qui coûte 2,7 milliards, atteindra 7 milliards en régime de croisière selon la Cour des comptes. Alors que les ressources publiques se raréfient, ne faudrait-il pas cantonner le CIR à 2 ou 3 milliards d'euros et le réserver aux véritables emplois de recherche, aux vrais projets innovants. Parfois, ce crédit finance des projets très éloignés de la recherche, je l'ai constaté en ma qualité d'auditeur de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) l'an dernier. Comment lutter contre les effets d'aubaine ?
Mme Maryvonne Blondin. - D'abord, une information positive sur cette Bretagne qui souffre tant actuellement : les trois premières salles immersives du campus numérique ont ouvert leurs portes à l'Université européenne de Bretagne. L'État finance 50 % du projet ; les collectivités territoriales, sans y être obligées, ont choisi d'y contribuer, considérant que cela participerait au développement économique et à l'attractivité de leur territoire. Le Finistère consacre ainsi plus de 6 millions d'euros chaque année à cette belle et grande entreprise. Nous croyons en la recherche : lors de l'examen du projet de loi pour l'enseignement supérieur et la recherche, j'étais intervenue pour souligner l'intérêt stratégique du pôle mer et de la « blue economy » pour notre région maritime.
Ma première question porte sur l'accueil des étudiants en situation de handicap au sujet duquel je vous avais déjà interrogée par écrit. Ceux-ci sont secondés par deux auxiliaires de vie scolaire (AVS), l'un pour l'aider dans la vie quotidienne, l'autre pour prendre des notes de cours, qui dépendent, budgétairement parlant, de ministères différents. Ne faut-il pas simplifier cela ? Quid de l'accompagnement par des AVS dans les brevets de technicien supérieurs (BTS) ? Il semblerait qu'il n'existe pas, ce point est à vérifier.
BTS et IUT, qui font l'objet de ma seconde question, mènent un travail extraordinaire. Ne faut-il pas élargir le programme Erasmus à leurs élèves ?
M. Jacques-Bernard Magner. - Dès la rentrée 2013, vous avez créé une formation professionnalisante au sein des universités avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Puisque vous avez longuement évoqué le sort des étudiants boursiers, comment passerez-vous de 4 000 enseignants recrutés sur des emplois d'avenir cette année à 18 000 en trois ans ?
Mme Sophie Primas. - Madame la ministre, je salue votre effort en matière de recherche spatiale, sujet auquel je suis très sensible. Nous devions respecter les engagements pris à Naples pour l'ESA. Toutefois, l'équilibre de certains sites qui dépendent aussi du ministère de la défense, comme celui des Mureaux, n'est pas assuré. La contraction des emplois a commencé, il y a de quoi s'inquiéter du déséquilibre territorial qui s'instaure.
Vous choisissez d'augmenter les crédits du CEA pour financer le démantèlement des installations nucléaires. Le groupe UMP, vous le savez, ne partage pas ce choix politique. Mieux vaudrait allouer ces montants aux organismes de recherche comme le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l'ADEME ou l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour avancer sur la modification de notre programme de production agricole ou le moindre recours aux pesticides - le Sénat a d'ailleurs consacré une mission d'information à ce sujet.
J'ai participé récemment à une mission en Inde. Ce pays a de grandes ambitions en matière de recherche, des budgets pour les servir ; il accueille de nombreux chercheurs étrangers et recèle un très grand potentiel économique. Que faire pour développer notre coopération ?
Enfin, je partage vos observations sur les journalistes tout en vous faisant remarquer, avec le sourire, que les pratiques que vous dénoncez ne datent pas d'il y a dix-huit mois. Je partage également votre souci de diffuser la culture scientifique et technologique chez les jeunes, en ajoutant qu'il faudrait en faire de même pour la culture économique.
M. Jean-Pierre Leleux. - Ma question, qui est peut-être marginale sur le plan budgétaire, concerne la diffusion et le partage de la culture scientifique et technologique ; un sujet sur lequel l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a confié à Mme Maud Olivier et à moi-même un rapport. L'article 19 de la loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche prévoit le transfert de ces crédits, autrefois gérés par Universcience, aux régions. Durant les débats au Sénat, nous nous étions interrogés sur l'application de cette mesure. Pouvez-vous me confirmer le montant du transfert c'est-à-dire 3,6 millions ? Cela signifie-t-il la fin des volets de culture scientifique dans les contrats de plan Etat-Région ? Créera-t-on d'autres dispositifs pour répartir ces crédits ? Songez-vous à une forme de péréquation entre régions ? Hormis la définition d'une stratégie nationale de la recherche, l'ensemble des acteurs de ce sujet attendent un État stratège. Comment tiendrez-vous cette position ?
M. Maurice Vincent. - Je veux d'abord souligner le très bon niveau de ce budget : dans une situation budgétaire globale très difficile, il traduit un effort très significatif pour les étudiants. Il fallait donner un coup de pouce à la jeunesse, à tous ces jeunes qui veulent entreprendre des études. Au-delà des choix politiques, vous avez pris des mesures techniques importantes : la relance du plan Campus ensablé depuis si longtemps, la réorientation des fonds vers la recherche récurrente, la résorption de la précarité. Tout cela va dans le bon sens.
Favoriser l'entrée des bacheliers professionnels et technologiques dans les BTS et les IUT était l'un des objectifs. À Saint-Etienne, le dispositif fonctionne bien. Cela se vérifie-t-il nationalement ?
Dans le PIA 2, plus de 4 milliards d'euros sont affectés aux écosystèmes d'excellence pour les années 2014-2015. D'après ce que j'ai compris, l'objectif est de mieux répartir ce qui relève de l'excellence sur le territoire, plutôt que de le concentrer comme auparavant. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Mme Françoise Laborde. - Au nom du groupe RDSE, je vous poserai une question, que nous aurions aimé vous soumettre lors de la séance de questions cribles thématiques du 10 octobre dernier, sur les capacités d'accueil des étudiants des universités. Certains établissements créent des filières sélectives comme les bi-licences, un système de tirage au sort fonctionne à partir du système admission post-bac (APB), sans parler de la sélection par l'échec. Dans ces conditions, l'objectif de 50 % d'une classe d'âge ayant obtenu un diplôme en 2015 paraît compromis. Quels moyens allez-vous dégager pour l'atteindre ?
À titre personnel, je suis heureuse qu'un amendement ait été adopté sur le dépaysement dans les affaires de harcèlement sexuel lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
M. Jean-Étienne Antoinette. - Ce budget illustre clairement la priorité donnée à l'enseignement supérieur par le Gouvernement. Dans ce cadre préservé et ambitieux, le pôle universitaire de Guyane, rattaché à l'université Antilles-Guyane, est sur le devant de la scène malheureusement parce que ses étudiants sont en grève depuis quatre semaines. Ce qui est en cause, ce sont la gouvernance et la répartition des crédits entre les Antilles et la Guyane. Certains revendiquent une université de plein exercice en invoquant une crise de croissance, une inversion des courbes démographiques entre la Guyane et les Antilles ; se pose aussi la question de l'attractivité de l'université. Quelles sont vos propositions, madame la ministre, pour sortir de cette crise ?
Concernant la recherche spatiale civile, vous avez obtenu un accord entre l'ESA et le CNES. Il me semble qu'il s'agit avant tout du rattrapage des cotisations dues par l'État à l'ESA. S'agissant des lanceurs, vous dirigez-vous vers une évolution d'Ariane 5 ou passera-t-on directement à Ariane 6?
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Monsieur Legendre, je partage votre souci de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Je me suis fermement et publiquement opposée à la fermeture de l'antenne universitaire de Béziers ; les 2,5 millions d'euros évoqués ne correspondent pas au coût réel de cette antenne, le sujet n'est pas là. Le contrat de site est un bon outil de contrôle ; grâce à lui, nous pouvons vérifier que l'écosystème universitaire et de recherche est équilibré entre le pôle de métropole et les autres pôles - je préfère ne pas utiliser le terme de pôles de proximité. La communauté d'universités et d'établissements, grâce à laquelle l'ensemble des composantes d'un territoire sont représentées au sein d'un conseil d'administration, définira et mettra en oeuvre une stratégie commune. En outre, nous passerons avec les IUT, qui sont essentiels à l'irrigation d'un territoire, des contrats d'objectifs et de moyens. La mutualisation de l'offre n'exclut pas la qualité des formations qui devront être adaptées aux territoires.
Le CIR est largement centralisé à Bercy. Le Président de la République s'est engagé pour sa stabilité afin de ne pas fournir aux grands industriels le prétexte de se rapprocher de leurs marchés, qui sont éloignés de la France. En tout cas, il faudra bien le plafonner ; il ne serait pas raisonnable d'aller au-delà de 10 milliards. Pour éviter les effets d'aubaine, nous avons mis sur pied des groupes de travail avec Bercy et les industries du logiciel et du numérique afin d'identifier les critères d'un projet innovant. Sans quoi, les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les petites et moyennes entreprises (PME) et les start up seront systématiquement pénalisées. Cette nomenclature, très claire, servira pour les préconisations et les contrôles. Pour le reste, il est plus simple de contrôler une start up qu'une grande entreprise. Nous devons pourtant porter notre regard sur toutes les structures, sans suspicion et avec efficacité. Pour avoir travaillé dans une start up, je sais qu'un contrôle, après un an et demi d'existence, est lourd : on y est mal préparé, on y consacre de l'énergie qui serait mieux utilisée à conquérir de nouveaux marchés.
Madame Blondin, bravo à l'université européenne de Bretagne pour le campus numérique ! Puisque vous avez parlé du pôle mer, j'aime bien ce joli mot d'économie bleue qu'emploie M. Cuvillier, qui couvre aussi bien la recherche sur les micro-algues que l'énergie marémotrice. À Boulogne, chez vos concurrents, j'ai visité un laboratoire qui fabrique des produits cosmétiques à partir de poisson. Ils auraient des vertus énergisantes et rajeunissantes, peut-être ne suis-je pas restée assez longtemps sur place pour profiter de leurs bienfaits... L'essentiel est que le secteur cosmétique et du bien-être est très porteur pour l'emploi.
Les crédits affectés à la sécurité et à l'accessibilité, comme le Sénat et la CPU l'avait recommandé, sont passés de 10 à 20 millions d'euros. J'interrogerai mes collègues de l'éducation nationale sur la présence des AVS en BTS. A priori, les étudiants en situation de handicap devraient bénéficier du même traitement que les lycéens.
La France est en première ligne sur la mobilité internationale. Nous nous sommes battus pour conserver au programme européen le nom identitaire d'Erasmus et l'intituler « Erasmus + », et non « Yes-Europe », comme le souhaitait Doris Pack, présidente de la commission de la culture et de l'éducation du Parlement européen. Les 30 % de crédits supplémentaires iront aux apprentis et aux filières technologiques. On a 60 % de plus de chances d'être embauché après une expérience internationale, chacun doit y avoir droit.
Monsieur Magner, voici les premiers chiffres sur les enseignants recrutés en emploi d'avenir : 6 000 cette année, 18 000 à terme. Cela participera de la démocratisation de l'enseignement, à la manière de nos anciennes écoles normales d'instituteurs. Avec ce système qui confère à chaque étudiant 900 euros par mois, le service public retrouvera de l'attractivité. On rassurera les jeunes en leur ménageant une immersion professionnelle progressive, qui sera précédée d'un apprentissage aux techniques de transmission des savoir-faire - car il existe bel et bien des techniques. Tout cela avait disparu sous le précédent quinquennat pour des raisons d'économie. Les écoles supérieures de professorat et de l'éducation assureront la promotion sociale ; les jeunes pourront se retrouver dans des enseignants issus de la diversité ou du milieu rural. La mixité de genre, aussi, est importante : les hommes, je l'ai constaté, se débrouillent très bien dans l'enseignement en maternelle.
Madame Primas, la filière espace est un domaine passionnant. Voici un secteur très diffusant et l'un des seuls à embaucher toutes les qualifications, des caristes aux soudeurs. J'en profite pour répondre à M. Antoinette qu'Ariane 6 n'est pas prévue dans l'immédiat, peut-être pour 2021 ; en attendant, nous devrons trouver une solution intermédiaire. Le patron d'Arianespace, qui est un grand communicant, m'envoie régulièrement des SMS pour m'informer qu'il perd des marchés parce que nos lanceurs ne sont pas adaptés à la demande. Nous devons agir, sans quoi nous irons droit dans le mur ; nous devons aujourd'hui composer avec SpaceX, les Russes, les Chinois et, bientôt, les Indiens. Des emplois se créent néanmoins dans ce secteur. Ainsi, Safran installe une unité supplémentaire à Toulouse. Comptez sur ma vigilance.
Les fonds dédiés dans le budget du CEA correspondent au démantèlement de réacteurs de recherche, dont deux à Grenoble pour un coût de 2 millions d'euros. Soit autant d'argent que pour le pôle Minatec ! Cela prendra dix ans. Nous devons avoir ces chiffres et ce calendrier en tête pour les centrales nucléaires afin de provisionner les crédits correspondants.
Nos laboratoires sont relativement présents en Inde. En revanche, nous avons des progrès à accomplir sur la mobilité : davantage d'Indiens viennent en France, peu de chercheurs français se rendent en Inde. Si ce pays possède effectivement une vraie vitalité, il n'est pas facile d'y monter des partenariats rapidement pour des raisons qui tiennent à la lourdeur des procédures administratives et juridiques. Néanmoins, nous avons la volonté de les développer. Lors du voyage présidentiel en Inde, j'ai été très frappée par une expérience formidable : une université propose à ses étudiants d'accomplir tout leur cursus à partir d'un projet. En l'occurrence, il s'agissait d'un projet d'alimentation en eau d'une région.
Monsieur Leleux, je vous le confirme : les 3,6 millions d'euros de la culture scientifique et technologique seront bien transférés aux régions. Ils peuvent être complétés par des apports du premier PIA. La tutelle de ce secteur est plutôt du ressort du ministère de la culture, la compétence revenant plutôt à mon ministère. J'ai reçu la présidente d'Universcience pour préparer cette évolution. Vous avez raison, les régions ont une appétence plus ou moins grande pour la culture scientifique et technologique, ce qui engendrera forcément des inégalités territoriales. Il faut donc motiver les élus, beaucoup le sont déjà et généraliser les expériences telles que la main à la pâte, les petits débrouillards, sans oublier de diffuser cette culture dans les écoles, les collèges et les lycées.
Merci à M. Vincent de son soutien, dont je ne doutais pas. D'après les données disponibles, les IUT accueillent 3 % de bacheliers professionnels et technologiques en plus. Si cela semble faible, rappelons que c'est une moyenne. Mme Pécresse, avec son allocation annuelle de 5 millions d'euros durant quatre ans, avait fait 300 fois moins bien. Je suivrai ce dossier avec attention. En tout cas, les IUT, que certains étudiants intégraient par stratégie d'évitement du premier cycle à l'université, ont bien joué le jeu.
Attention à l'accueil des étudiants ! Est-il vraiment souhaitable qu'ils soient plus nombreux en psychologie, en sociologie ou en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ? Je ne le pense pas. Nous sommes dans un système véritablement aléatoire et objectif, le seul que le Conseil constitutionnel admette. Il est, de plus, intégré à Admission Post-Bac, de sorte que les étudiants ne sont pas mis de côté parce que leur premier choix n'a pas été accepté et que nous satisfaisons leur deuxième ou troisième voeu.
On atteindra l'objectif de 50 % d'une classe d'âge diplômée en réduisant le décrochage en première année. Cela requiert d'améliorer l'accueil et l'accompagnement. Voilà pourquoi nous poussons l'innovation pédagogique et le numérique, lequel constitue un bon moyen pour éviter les amphithéâtres trop pleins. Quand j'interroge des étudiants reçus avec mention bien à un bac S puis inscrits en IUT, ils m'expliquent qu'ils n'étaient pas prêts pour l'université et ses grandes salles bondées. Ils ne veulent pas être seuls dans des cours surchargés. On le voit à Grenoble en première année d'études de santé : ils prennent connaissance des cours sur une clef USB, puis voient les enseignants, ont avec eux des échanges dans d'autres configurations. Cette autre façon d'enseigner, plus interactive, peut se développer également en droit. Une meilleure qualité d'encadrement rassurerait les jeunes et leurs familles ; elle éviterait d'envoyer dans le mur des bacs pro - 3 % de réussite en licence en trois ans contre 33 % en moyenne - et techno - 9 % de réussite en licence en trois ans contre 70 % en IUT.
Nous lançons l'année prochaine une campagne « C'est bien la fac ». Durant mon tour de France des universités, j'ai visité des endroits qui donnaient envie de travailler : des cours avec peu d'étudiants et beaucoup d'innovations. Les employeurs veulent des jeunes plus autonomes. Repositivons l'image de l'université, d'une université davantage proactive, elle le mérite. Il est d'ailleurs anormal qu'elle ne représente que 4 % de la formation professionnelle.
La Guyane constitue une composante à part entière de l'Université Antilles-Guyane. Alors que cet ensemble devrait avoir trois piliers, la Guyane ne reçoit pas un traitement équilibré. Les trois postes que j'ai créés pour elle l'an dernier ne lui ont pas été affectés, non plus que les cinq que j'ai dégagés pour 2014. Si l'Université Antilles-Guyane est largement surdotée par rapport à la métropole, du fait du chômage endémique et des difficultés économiques, l'université de Guyane en tant que telle ne l'est pas - et ce n'est pas nouveau. Le départ de certaines personnes remédiera à la non-dynamique de site et contribuera à apaiser la situation. Il y a trois semaines, au début de la crise, j'ai chargé Christian Forestier d'une médiation sur place. L'inspectrice générale que j'avais envoyée par ailleurs m'a confirmé qu'il fallait conforter l'autonomie pour la licence de chacune des trois composantes de l'Université Antilles-Guyane.
Nous avons également ouvert une licence professionnelle en environnement, ce qui était demandé depuis longtemps, en dépit du faible nombre de candidats car n'oublions pas que sur 35 000 jeunes guyanais, seuls 2 500 suivent des études supérieures. La Guyane a toujours été une terre d'accueil : c'est une richesse mais aussi une difficulté, du fait de la précarité que connaissent certaines familles.
Le centre spatial guyanais, qui a été conforté lors de la conférence ministérielle de Naples, devra accueillir davantage de jeunes Guyanais qualifiés : là aussi, nous avons une marge de progression. En outre, nous avons accéléré les travaux pour la bibliothèque et la mise en sécurité des locaux. Enfin, nous allons également améliorer l'accès au site, le logement étudiant et la restauration.
Pour dialoguer, la sérénité doit revenir : nul ne souhaite revivre les violences de 1996. La gouvernance sera revue ; je travaille en étroite collaboration avec M. Lurel le ministre des outre-mer ainsi qu'avec Mme Taubira qui en est originaire ; le Premier ministre nous soutient. Nous prendrons le temps nécessaire pour mettre ne place l'indispensable vision d'avenir, que nous définirons tous ensemble, sachant qu'en tout état de cause il faut deux ou trois ans pour parvenir à une université de plein exercice. Une piste pourrait consister en un élargissement de cette université de 2 500 étudiants aux Caraïbes. Rien ne serait pire que le repli identitaire. Ainsi nous tirerons les jeunes vers le haut.
Mercredi 30 octobre 2013
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -Loi de finances pour 2014 - Audition de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative
La commission procède à l'audition de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative sur le projet de loi de finances pour 2014.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous accueillons avec plaisir Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative pour nous présenter les crédits de son ministère inscrits au projet de loi de finances pour 2014.
Mme Valérie Fourneyron, ministre. - Si 2013 a été l'année des efforts, 2014 sera celle des premiers résultats, des réformes structurelles qui nous ouvrent le chemin de l'emploi et d'une ambition renouvelée pour la jeunesse. En hausse de 14 %, le budget du ministère s'élève à 833 millions d'euros sans les fonctions support. Cette progression résulte du deuxième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA), dans lequel 100 millions seront alloués au ministère pour le soutien à l'emploi et le développement de la capacité d'initiative des jeunes. Elle traduit aussi la priorité donnée à la jeunesse par le Gouvernement : il y consacrera 81 milliards d'euros, soit 1 % de plus qu'en 2013 et 6 % de plus qu'en loi de finances initiale pour 2012.
Hors PIA, les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sont stabilisés (- 0,2 % et - 0,3 % pour le programme « jeunesse »). Le ministère participe à la modernisation de l'action publique (MAP) pour dégager 7 millions d'économies en éliminant des doublons et en sécurisant des dossiers menaçants.
Pas d'immobilisme en faveur de l'emploi ! Sur 60 000 emplois d'avenir concrétisés au 1er octobre, 10 000 appartiennent aux métiers de la jeunesse et du sport. Je m'étais engagée à ce que 10 % des 150 000 emplois d'avenir soient créés dans ce secteur : nous avons atteint les deux tiers de cet objectif que nous dépasserons sans doute, d'autant que la réforme des rythmes scolaires implique de nouvelles créations. Nos dotations bénéficiant à l'emploi associatif sont préservées des économies et devraient augmenter avec la réforme du Centre national pour le développement du sport (CNDS) en 2014.
Les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative atteindront 449 millions d'euros, soit une hausse de 28 %, compte tenu du PIA. Ce ministère a retrouvé une vocation interministérielle qu'il avait perdue avec le premier comité interministériel de la jeunesse (CIJ) de février 2013, qui a mobilisé 24 ministères pour arrêter 47 mesures (dont 19 déjà opérationnelles et 22 en préparation), déclinées partout par des comités régionaux sous la responsabilité des préfets de région. Une de ses priorités qui mobilisera 29 millions d'euros est la mobilité pour que des jeunes plus nombreux et plus divers acquièrent une expérience à l'étranger. Les moyens du programme « Erasmus plus » augmenteront de 40 % et la dotation de l'Agence française du programme européen « jeunesse en action » (Afpeja) qui gère le volontariat européen passera de 15 à 25 millions d'euros dans les six prochaines années.
Encourager les jeunes, ensuite, avec un objectif minimum de 31 000 volontaires du service civique en 2014, soit un effort de 149 millions d'euros. Nous diminuons les coûts de gestion de 1 000 à 800 euros par volontaire sans toucher à leurs droits ni diminuer, bien au contraire, la durée ou le champ de leur engagement.
Le soutien à l'emploi associatif reste préservé, grâce notamment aux 50 millions d'euros sur le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep). Le budget alloué à la formation des 16 millions de bénévoles est constant. Bernard Cazeneuve et moi avons construit une politique fiscale favorable, puisque l'abattement sur la taxe sur les salaires passe de 6 000 à 20 000 euros, soit un effort de 314 millions d'euros.
Le PIA offre une opportunité à saisir. La gestion sera déléguée en 2014 à l'Association nationale de la rénovation urbaine (Anru), sans pour autant restreindre son utilisation à la rénovation urbaine ; le commissariat général à l'investissement (CGI) assurera la cohérence des procédures d'appels à projets. Le ministère garantira la prise en compte des orientations du CIJ, incitera les acteurs locaux à se mobiliser et fournira l'expertise pour le choix des projets. J'espère un premier appel à projets en 2014.
En 2014, les crédits du programme « Sport » sont stabilisés à 231 millions d'euros et les recettes du CNDS à 272 millions. Nous avons hérité d'un ministère aux moyens mal assurés, d'un budget affecté de quelques oublis. Nous avons clôturé la plupart de ces dossiers. Après avoir donné lieu à une procédure devant le tribunal administratif, à une validation législative puis à une question prioritaire de constitutionnalité, l'indemnité versée au concessionnaire pour l'absence de club résident au Stade de France est supprimée pour quatre ans, ce qui représente une économie de 16 millions d'euros en 2014 et de 64 millions d'euros sur quatre ans. Le Musée national du sport est installé dans des conditions soutenables pour l'État grâce à la participation de la ville de Nice. Enfin, le redressement des comptes du CNDS, voté à l'unanimité par son conseil d'administration, assure son avenir.
Les crédits seront ciblés sur l'accès au sport pour tous, le sport comme outil de la santé publique, le rayonnement de la France, l'accompagnement individualisé des sportifs de haut niveau, la lutte contre le dopage et les matchs truqués. Cela aboutira en 2014 à un projet de loi de modernisation du sport, prenant en compte les rapports récents, tel que celui fait par le Sénat sur l'efficacité de la lutte contre le dopage. Nous nous appuyons sur le socle que constituent les fédérations, dont le budget est stabilisé à 83 millions, et auprès desquelles les 1 644 conseillers techniques et sportifs (CTS) sont maintenus.
Le CNDS, qui est le principal opérateur du sport pour tous, réformera ses critères d'intervention pour retrouver des marges de manoeuvre, encouragé en cela par la Cour des comptes ; une passerelle sera ouverte entre aides à l'investissement et au fonctionnement. Après une longue concertation, la réforme sera présentée au conseil d'administration le 19 novembre. Je souhaite enfin que l'aide à l'emploi soit prioritaire dans la part territoriale.
Les crédits alloués au sport de haut niveau augmentent de 2,5 % pour atteindre 178 millions d'euros, partagés entre les subventions aux fédérations, les investissements et le soutien individuel aux sportifs qui progresse de 5 % ; les primes des jeux olympiques et paralympiques, oubliées dans le budget de 2012, ont été budgétées à hauteur d'un million d'euros et leur montant sera consacré dans un décret qui sera bientôt soumis au Conseil d'État. Depuis Vancouver, les primes sont imposées comme les autres revenus ; j'ai voulu que celles des non-résidents subissent le prélèvement à la source de 15 %. Les centres de ressources, d'expertise et de performances sportives (CREPS), réformés, seront mieux ancrés dans les territoires ; les régions y seront avec l'État, et non à sa place.
Si notre ministère doit, comme les autres, compenser par des diminutions les recrutements dans l'éducation nationale, la justice et la sécurité, les schémas d'emplois des autres ministères sont plus durs que le nôtre, qui impose des diminutions de 1,9 % au ministère et de 1,5 % chez les opérateurs. Le travail engagé sur l'adéquation des missions et des moyens dans le cadre de la MAP nous aidera à y faire face : optimisation de missions trop chronophages telles que les formations et les certifications, simplification de l'instruction locale des dossiers du CNDS, dématérialisation de procédures telles que la déclaration d'établissement accueillant des activités physiques et sportives, mutualisation de fonctions support dont les effectifs, actuellement d'un millier, seront réduits de 3 % par an. Après le bouleversement de la réforme de l'administration territoriale de l'État (Réate), nous avons choisi la stabilité de l'organisation territoriale.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis sur les crédits consacrés au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Dans un environnement ultra-contraint, un budget stable est un bon budget. Je salue les économies dégagées par votre négociation avec le consortium gérant le Stade de France ainsi que sur le Musée national du sport, et l'objectif de 15 000 emplois d'avenir atteint aux deux tiers - il est vrai que les besoins étaient et restent très importants. Je suis satisfait par l'amélioration de l'accompagnement individualisé des sportifs de haut niveau et le maintien de la priorité sport-santé. Le PIA et la réorientation du CNDS devraient surtout servir la pratique pour tous. Je me réjouis de nouveautés, telles que l'action internationale menée par un comité français du sport international - et la nomination par Laurent Fabius d'un ambassadeur pour épauler Bernard Lapasset - ou le provisionnement du financement des médailles pour Sotchi.
Les 100 millions du PIA sont loin d'être négligeables, mais le bleu n'est pas très disert à ce sujet : s'agira-t-il seulement de dépenses d'investissement ? Qui pourra en être bénéficiaire ? Quel avenir pour l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) dont les dépenses excèdent les recettes, et qui, malgré un budget maintenu, devra puiser dans son fonds de roulement ? Les élus des territoires ont suivi, voire subi, l'évolution des CREPS : les collectivités devront-elles les financer davantage ? Le CNDS financera les stades de l'Euro 2016 : comment leur fonctionnement sera-t-il assuré une fois la compétition terminée ? On voit quels problèmes cette question d'héritage pose au Brésil. En relation avec les clubs, il faudra prévoir un accueil diversifié, des activités culturelles, une intégration dans la vie locale.
L'élargissement de la taxe Buffet est un sujet récurrent. Je me réjouis que les préconisations de la Cour des comptes valident l'amendement que je défends depuis quatre ans afin d'éviter qu'un acteur comme l'UEFA, dont le siège est en Suisse, y échappe pour les compétitions qui ont lieu en France. Enfin, quelle est votre position sur la taxation à 75 % des revenus de plus d'un million d'euros, et son application aux salaires versés par les clubs de football dont vous recevrez les présidents demain avec le Président de la République ?
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis sur les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - À vous entendre, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes... Quelle est la structure qui gérera les 100 millions inscrits au nouveau programme 441 pour soutenir les projets innovants dans les collectivités ; qui siègera au comité de sélection des dossiers ? Dans quelle mesure le Gouvernement entend-il renforcer la reconnaissance du bénévolat, dont on constate un peu partout le recul, par la validation des acquis de l'expérience ? Je suis par ailleurs frappé par un paradoxe : tandis que les enseignants sont masterisés, comme on dit, voilà que la réforme des rythmes scolaire met des jeunes sous-qualifiés, formés en trois semaines, au service des enfants ! L'apprentissage de la pédagogie, l'expérience et la qualification sont pourtant nécessaires.
Certains événements, tels que le Tour de France ou la coupe d'Europe doivent être retransmis par des chaînes publiques ; mais si celles-ci sont prioritaires, n'offriront-elles pas un prix trop bas par rapport aux coûts d'organisation ? Les tennismen qui participent à ce beau tournoi qu'est Roland-Garros, sont beaucoup moins bien payés qu'à l'étranger ; jusqu'à quand viendront-ils ? Des collègues ici présents peuvent témoigner de la situation difficile des clubs de football français, qui vont être frappés par la taxe à 75 %. Tous les joueurs français de l'équipe de France vont jouer à l'étranger. Cela signifie que la valeur ajoutée de ces milliardaires en puissance y part aussi. Tout le monde serait pourtant content de voir un club français en finale de la coupe d'Europe. Dans cette compétition européenne, il semble que la France ne respecte pas le même règlement que les autres. Finalement, tout ne va pas si bien !
Mme Valérie Fourneyron, ministre. - L'Anru n'assurera que la gestion financière des 100 millions prévus pour la jeunesse de 2014 à 2017 ; le commissariat général à l'investissement garantira la cohérence méthodologique et le ministère coordonnera les différents acteurs impliqués sur un territoire. Il ne s'agira pas d'expérimentations, mais de projets cohérents et innovants menés par des acteurs tels que les collectivités territoriales ou les associations regroupées en faveur de l'information et l'orientation, de l'employabilité, de la lutte contre le décrochage, d'une offre éducative innovante et de l'amélioration de la culture entrepreneuriale. Le financement pourra être abondé par les collectivités, notamment par les régions. Les critères de sélection seront l'effet de levier d'un cofinancement, la taille du projet et le nombre de jeunes impliqués, le caractère innovant du partenariat, le respect d'une logique d'investissement pour l'avenir - les acteurs opérationnels devront en assurer le financement à long terme - et l'aide à la rationalisation des dispositifs existants. Concrètement, un territoire a initié une réflexion sur un lieu unique d'offre de services pour l'autonomie des jeunes : logements relais, centre de santé, mission locale d'information jeunesse, accès au droit, coopératives de services et clubs de jeunes entrepreneurs. Il ne s'agit pas de se substituer à des crédits de droit commun, ni de procéder à des expérimentations, comme dans le cadre du fonds d'expérimentation de la jeunesse, même si ces dernières pourront être reprises.
L'AFLD dispose d'un budget de 9,2 millions d'euros ; son fonds de roulement très confortable (3,9 millions d'euros) représente cinq mois de fonctionnement ; le coût de son siège, boulevard Saint-Germain, pourrait faire l'objet d'un examen. Le produit de la taxe Buffet est de plus en plus aléatoire. Il faudra tirer des enseignements du rapport de votre commission d'enquête, prendre en compte l'adoption à Johannesburg d'un code mondial antidopage et la mise en place du passeport biologique. Cela nécessitera - mais pas en 2014 - d'examiner des moyens nouveaux pour des missions nouvelles, qui pourront être définies par le projet de loi qui vous sera proposé en 2014.
Les CREPS sortent d'une période douloureuse : huit d'entre eux ont été fermés pendant le quinquennat précédent. J'ai souhaité travailler avec l'Association des régions de France et avec les personnels pour préparer, dans le cadre de la deuxième phase de la loi de décentralisation concernant les régions, un nouveau modèle d'établissement public local - comme les lycées - de formation sportive et d'éducation populaire, assorti d'un transfert de patrimoine à titre gratuit aux régions. Il faut à la fois un ancrage local plus affirmé (les collectivités se sont déjà saisies des CREPS fermés) et des missions nationales (haut niveau, formation, expertise), sur lesquelles j'ai missionné le directeur général de l'Insep. De nombreux CREPS ont des recettes liées à la formation en provenance des régions, qui veulent dès lors être plus associées à leur développement. Cela devrait aboutir à un transfert en 2015 avec une spécificité pour chacun des territoires, comme Bourges et son pôle ressource handicap.
Nous souhaitons consolider la taxe Buffet sans changer sa philosophie. L'essentiel des 41 millions de recettes annuelles provient des vendeurs de droits, partant des organisateurs. Vous nous dites que les grands événements doivent être retransmis par le privé ; je ne suis pas sûr que les Français se réjouissent d'un accès payant. Il faut trouver un équilibre entre l'accès aux événements sportifs et leur financement, plus difficile, lorsqu'ils sont ponctuels. Vous soulevez à juste titre l'absence de retour pour le sport amateur des grands événements sportifs en France ayant bénéficié d'investissements publics, mais dont les droits ne sont pas en France. Pour combler le trou dans la raquette de notre dispositif, nous devrons assujettir les diffuseurs, comme le suggère la Cour des comptes. Cette mesure, qui prend place dans la loi de finances rectificative, ne s'imposerait pas aux contrats en cours et ne produirait pas des recettes très élevées, autour de 2 millions d'euros.
La réforme du CNDS devrait conduire également à la création d'un fonds de production, afin de financer les coûts de production pour des disciplines - comme le sport féminin - qui n'ont actuellement pas de valeur marchande, et n'ont pas, faute de diffusion, l'occasion d'en acquérir une. Deux mesures vont dans le même sens : la délibération « courts extraits » du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et le décret Télévision sans frontières, qui mérite d'être revu, et notamment féminisé.
Le débat sur le financement et l'héritage de l'Euro 2016 doit prendre en compte la situation financière des clubs professionnels. Le CNDS consacrera 160 millions d'euros aux stades de l'Euro 2016, compensés par des recettes affectées, conformément à l'arbitrage du Premier ministre. En diversifiant leurs recettes, dominées actuellement par les droits télévisés, au profit des recettes « stade », très faibles en comparaison avec l'Allemagne, les clubs seront moins fragiles. Ces stades constitueront enfin un héritage pour les territoires, comme j'en ai eu l'assurance du président du comité de pilotage : nous travaillons avec le comité des villes hôtes, que préside Maurice Vincent, afin que ces investissements produisent pour le sport amateur et ses bénévoles un retour dans les fan zones et au-delà. Accueillir l'Euro 2016 est une véritable fierté.
La taxe exceptionnelle sur les très hauts revenus est indispensable au redressement des comptes publics et de la compétitivité de notre pays. L'héritage du quinquennat précédent et de ses 600 milliards de dette supplémentaire pèse... L'État consent un effort historique : 15 milliards d'euros de dépenses en moins ! Dans ce contexte où chacun accomplit des efforts, le prélèvement exceptionnel de 75 % sur la part des salaires supérieure à un million d'euros est justifié : le football contribuera comme les autres à cette solidarité nationale qu'exprime l'impôt.
Il y a quelques semaines, consciente de la fragilité économique du football professionnel, j'ai installé un groupe de travail qui prenne en compte les rapports parlementaires et les évaluations de politiques publiques, et construise un modèle plus durable. Leur déficit croissant est moins lié à la fiscalité qu'à l'explosion des salaires. L'UEFA participe à ce groupe. Pourquoi la France ne serait-elle pas la première à mettre en place réellement le fair-play financier ? Il importe de sécuriser les investisseurs privés et publics. Le débat à court terme ne doit pas masquer l'ensemble des enjeux si nous voulons réduire la fragilité du sport le plus populaire de notre pays.
Il n'est pas question de mettre les jeunes en emploi d'avenir tous seuls dans des clubs de sport ou dans des animations périscolaires. Ils suivront un parcours de qualification professionnelle sur trois ans, auquel les CREPS doivent participer, du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) au brevet professionnel d'éducation populaire et de sport (BPJeps) - 70 % des jeunes titulaires d'un diplôme dans ce secteur sont insérés dans les six mois. Il est important pour les clubs d'accueillir de nouveaux publics, et pour les collectivités de s'appuyer sur des acteurs formés pour la réforme des rythmes scolaires, au-delà des moyens que l'État met à disposition dans le cadre de la convention de gestion avec la Caisse d'allocations familiales. Nous partageons sans doute l'objectif d'ouvrir ces activités à davantage d'enfants qu'aujourd'hui, quand un tiers d'entre eux en sont exclus. Les directions départementales de la jeunesse et des sports ont réalisé un guide qui répond à toutes les questions.
La demande ne porte pas tant sur un statut du bénévolat que sur la valorisation du parcours des bénévoles. Ceux-ci sont plus nombreux, et ils ont changé. La valorisation des acquis de l'expérience doit être facile d'accès et plus lisible. Cette reconnaissance s'exprimera également grâce au vote d'une proposition de loi, par l'octroi de la médaille jeunesse et sports en récompense d'un engagement associatif. La charte des engagements réciproques entre le monde associatif et les pouvoirs publics, qui reçoit l'adhésion de presque toutes les associations d'élus, conforte le rôle des associations auprès des autorités publiques. Enfin, nous souhaitons que la réflexion sur le congé d'engagement bénévole débouche en 2015. Il pourrait prendre la forme d'une extension du congé de représentation, ainsi que le souhaitait le Haut Conseil à la vie associative. Nous évaluons la coordination des temps sociaux pour l'insertion professionnelle et des dispositifs mis en place par les entreprises.
Mme Maryvonne Blondin. - Si j'ai beaucoup apprécié l'apport des personnels de la Direction de la jeunesse et des sports au sein des commissions des rythmes scolaires, je les ai peu vus dans les réunions avec l'Agence régionale de santé (ARS). Membre de celle-ci, je me demande comment le projet régional sera décliné dans les territoires.
Par ailleurs, comment ne pas évoquer ces jeunes footballeurs recrutés à l'étranger par des agents malhonnêtes puis abandonnés ? Un reportage de Cash investigation sur France 2 nous a récemment montré leur triste situation.
M. Michel Le Scouarnec. - Je veux d'abord relever deux points positifs : les emplois d'avenir et le service civique. Je m'étonne toutefois de la baisse du nombre des emplois alors que le besoin d'encadrement des jeunes apparaît si fort. Un tiers d'entre eux n'accèdent pas aux activités sportives par défaut d'entraînement, avez-vous dit. Je souhaite par conséquent que le CNDS soit le bras armé de l'État pour lutter contre les inégalités : il sera plus dans son rôle en défendant le sport amateur qu'en contribuant aux grands équipements. Recentrez-le dans sa mission sans oublier que les élus locaux ont besoin de stabilité.
Je m'interroge sur l'avenir des CREPS, dont les effectifs ont diminué. Le transfert aux régions alourdira les charges de celles-ci.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - M. Bailly a animé un groupe de travail sur l'éthique du sport et a été co-rapporteur d'une mission conjointe avec la commission des finances sur le financement des grandes infrastructures sportives.
M. Dominique Bailly. - Je ne sais si tout va bien comme le disait tout à l'heure le rapporteur, toutefois je suis sûr que la lisibilité politique s'est accrue depuis votre arrivée, madame la ministre, et que la volonté, la rigueur se sont substituées au saupoudrage qui prévalait durant la législature précédente. Oui, nous étions en grande difficulté sur le CNDS dont l'essentiel du financement allait aux grands équipements : vous avez eu la volonté de le réorienter, pour que nos concitoyens puissent assouvir leur passion, partout dans la vraie vie.
S'agissant du stade de France, je salue votre engagement qui a permis d'aboutir à un accord. Certes, cet accord ne porte que sur quatre ans, mais il permet d'ores et déjà de réaliser une économie de 16 millions d'euros dans un contexte budgétaire difficile. Nous voulons croire qu'au terme de ces quatre années, nous parviendrons à un accord définitif. À ce propos, je voulais vous interroger sur la création envisagée d'un deuxième grand stade en Ile-de-France alors que le stade existant n'a pas de club résident. Le rapport que M. Todeschini et moi-même venons de déposer indique que cette question mérite réflexion. L'investissement public pour le Stade de France ayant été considérable, il serait peut-être souhaitable que la Fédération française de rugby puisse renouer avec le consortium gestionnaire de l'équipement, pour tenter de parvenir, là aussi, à un accord.
Pouvez-vous nous dire où nous en sommes dans la préparation de l'Euro 2016 et quels sont les sites regardés avec le plus d'attention ? Quels ont été les échanges avec la Commission ? J'espère que le calendrier de construction ne sera pas perturbé.
Je partage votre volonté politique sur les 75 % : c'est une affaire de solidarité nationale. La puissance publique met à la disposition des clubs professionnels des équipements dont la qualité va encore être améliorée pour cette compétition. Il est essentiel que leur gestion leur assure des revenus diversifiés.
Enfin, puisque vous m'avez fait l'honneur de m'inviter au groupe de travail sur le fair-play financier, je souhaite que les présidents de clubs se penchent sur l'évolution de leur masse salariale et que la France sache dire stop.
Mme Dominique Gillot. - Ministre de la jeunesse et de l'éducation populaire, vous revalorisez des principes auxquels nous sommes attachés. Oui, il faut participer au redressement de la France, mais l'avenir de la jeunesse ne tient pas seulement à leur employabilité : elle a besoin de s'émanciper en développant cette culture de l'audace et en cultivant l'envie d'entreprendre qui la rendra encore plus employable demain. À cet égard, les réseaux Information Jeunesse s'inquiètent d'être absorbés dans les services publics de l'orientation dont la création vient d'être annoncée alors qu'ils ont une vocation beaucoup plus généraliste.
Le service civique souffre surtout de son succès : dans mon département, il n'est plus possible d'en signer, faute de moyens. Pourquoi ne pas lancer des passerelles avec les universités ? Les étudiants ne sont pas voués à des pratiques besogneuses ou excessivement ludiques : eux-aussi recherchent une reconnaissance de leur engagement volontaire dans des missions d'intérêt public.
Vous replacez l'éducation populaire au coeur de la mise en oeuvre des projets éducatifs territoriaux. De nombreux jeunes y gagneront en considération parce que les métiers de l'éducation et de l'animation ne sont pas des sous-métiers, contrairement à ce que nous avons entendu tout à l'heure. Ma commune a mis en place la refondation de l'école dès la rentrée, stabilisant ainsi des emplois : ceux qui les occupent sont très fiers de leur mission.
Rassurez-nous sur le devenir des ressources humaines de votre ministère. Quoique précieuses, elles ont été dispersées par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Nous en avons besoin.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - M. Magner pilote notre groupe d'études sur l'éducation populaire.
M. Jacques-Bernard Magner. - Dans votre budget, madame, l'infiniment petit répond parfois à des besoins infinis, mais il côtoie l'infiniment grand, qui manie des sommes infinies. Dans la vraie vie, les associations ont toujours plus de besoins. Tandis que vous avez sécurisé les crédits du FNDS, des sportifs de haut niveau refusent de participer. Les quarante millions d'euros en jeu sont dérisoires par rapport au budget d'un grand club, mais le contraste caractérise bien l'ambiguïté de notre société.
Vous avez raison d'aider le monde associatif et ses 14 millions de bénévoles. J'essaie pour ma part d'y contribuer au sein du Haut Conseil à la vie associative. Votre budget, et je vous en félicite, agit pour les associations. Celles-ci étant aussi des employeurs, il est bon que 70 % d'entre elles ne souffrent pas trop de la taxe sur les salaires.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - M. Savin préside une mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales.
M. Michel Savin. - Dans notre travail sur le dopage, nous avons mené bien des auditions, mobilisé les médias et formulé de nombreuses propositions. Comment ne pas dire mes regrets, voire ma déception que la lutte contre le dopage ne reçoive pas un centime de plus ? N'auriez-vous pas pu profiter des 16 millions d'économies dégagées sur le Stade de France et des 4 millions obtenus sur le Musée du sport à Nice ? Tout en nous adressant un signe, vous auriez remobilisé les professionnels.
M. Jean-Étienne Antoinette. - Je salue votre budget et ses priorités. Dans nos départements, la jeunesse est nombreuse mais les associations et les ligues ne sont pas très bien structurées, les infrastructures sportives restent peu développées ; en revanche, les outre-mer continuent à alimenter les grands clubs sportifs. Dès lors, ce budget confirme-t-il les projets d'investissement Guyane base avancée retenus dans le cadre de la préparation de la Coupe du monde de 2014 et des Jeux olympiques de 2016 au Brésil ?
La ligne sur la mobilité internationale progresse de 1 %, c'est bien. Qu'en est-il pour les déplacements entre les outre-mer et l'hexagone ? Les ligues n'ont pas les moyens d'assurer les déplacements pour les compétitions et pour la formation des sportifs de haut niveau. Enfin, pouvez-vous décliner les critères d'attribution des subventions du CNDS ?
Mme Valérie Fourneyron, ministre. - Un réseau sport-santé se met en place dans chaque département. Certains territoires, telle la Picardie, sont très avancés. À chaque fois, l'on y trouve l'ARS, la DRJS, et, presque toujours, le monde sportif, les collectivités locales, parfois des partenaires mutualistes et l'ordre des médecins, de manière à mieux assurer la prise en charge de patients dont l'activité sportive diminue le risque de récidive. Mme Touraine y a mis 1,5 million et j'en ai mis autant. La dynamique est engagée : en Alsace, un accord a même été passé avec les médecins sur la prescription d'activités sportives.
La question de Mme Blondin sur les jeunes sportifs étrangers souligne combien il est difficile d'obtenir que les agents déclarent leur mandat, comme la loi leur en fait obligation : lors du dernier mercato, le tiers des transferts ne signalaient pas l'intervention d'un agent !
Le code du travail interdit l'embauche d'un mineur de seize ans, mais il prévoit des dérogations, en cas de contrat d'aspirant ou d'apprenti. Nous devons rester extrêmement vigilants sur le sort de ces adolescents qui se retrouvent en France sans perspective professionnelle. Le code du sport prévoit qu'un contrat avec un mineur ne peut donner lieu à aucune rémunération, indemnité ou avantage au bénéfice d'un agent, d'un club ou de toute autre personne agissant en son nom. En outre, ses représentants doivent signer le contrat qui mentionne l'interdiction de rémunération. Depuis le 1er mai 2008, les sommes gagnées par un mineur de seize ans sont déposées à la Caisse des dépôts et consignations jusqu'à la majorité de l'enfant. J'ai souhaité que la commission Éthique et valeurs du sport formule des propositions d'amélioration de la situation.
Je ne reviens pas sur la situation des CREPS : nous les abandonnons si peu que les crédits des établissements nationaux progressent de 9 %.
M. Bailly m'a encouragée. Je veux pour ma part souligner l'apport de ses travaux, qui nourrissent l'ensemble des choix que nous opérons. Toutefois, je peux difficilement parler des mesures législatives à l'occasion du budget. La sécurisation concernant le Stade de France concerne l'indemnité pour absence de club résident mais aussi les garanties apportées par l'État jusqu'à la fin de la convention. Actée en mai dernier, la notification des stades pour l'Euro 2016 est destinée à vérifier la proportionnalité des aides publiques. La commission détient désormais tous les éléments. J'espère que nous pourrons démarrer les opérations à la fin de l'année. Le « paquet Almunia », qui traite ces sujets de manière globale, nous conduit à distinguer la part de l'investissement public concernant 2016 et celle pour l'après-2016...
La fédération française de rugby s'interroge légitimement sur son avenir ; elle s'intéresse au modèle britannique. Contrairement à celle du foot, son économie repose plus sur les recettes publiques que sur les droits télé. Il revient néanmoins à l'État de veiller à l'équilibre global des investissements et des équipements sur le territoire. Le stade de rugby doit trouver son modèle économique. La fédération se donne jusqu'à la fin de l'année pour s'assurer de la viabilité de son modèle économique. Après le lancement du débat public, l'État exprimera une position interministérielle.
La mobilité représente en effet un élément très important pour la jeunesse. Les moyens de l'éducation populaire et des réseaux Information Jeunesse sont tous maintenus. Le service public de l'orientation expérimenté sur dix territoires ne signifie pas la suppression d'un réseau, il exprime la volonté d'être sur chaque territoire au rendez-vous des filières qui emploient. Nous n'oublions pas que les jeunes construisent un parcours. Les crédits PIA peuvent aussi répondre à ces mobilisations sur le territoire autour de l'information, de l'orientation et de l'accompagnement.
C'est vrai, les contrats de service civique ont connu en fin d'année quelques difficultés de pilotage des agréments, dont le regroupement provoquait un embouteillage. Aussi avons-nous souhaité revoir ce dispositif, de manière à assurer une meilleure prise en charge à un coût moindre. Nous avions raisonné sur une durée de six mois cette année ; nous passons à 7,2 mois.
Je vous remercie d'avoir salué l'importance des personnels de mon ministère. La RGPP en avait fait baisser les effectifs de 3 % par an entre 2008 et 2012. Je souhaite à cet égard rendre hommage à la qualité de leur travail effectué en dépit des diminutions d'effectifs.
À la question de M. Antoinette sur le projet « Guyane, base avancée », destiné à promouvoir les atouts de la Guyane comme « tête de pont » du sport français, voire européen, en Amérique du Sud, je réponds que les investissements prévus initialement sont sanctuarisés, qu'un poste supplémentaire a bien été prévu pour ce groupement d'intérêt public (GIP) et que les installations envisagées seront bien financées.
Sur la mobilité des jeunes en outre-mer, favorisé par le Fonds d'échanges éducatifs, culturels et sportifs des DOM, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles Wallis-et-Futuna (FEBECS), les moyens ont été doublés, passant de 500 000 à 1 million d'euros, notamment à travers le soutien du fonds d'expérimentation jeunesse. Il s'agissait d'un engagement du comité interministériel à la jeunesse, qui est tenu.
Monsieur Savin, vous avez bien souligné l'excellent travail réalisé par la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité de la lutte contre le dopage, et je le reconnais également. Sur le sujet des moyens, je rappelle que les efforts sont maintenus à un niveau constant à la fois pour l'Agence française de lutte contre le dopage et pour l'Agence mondiale antidopage (AMA). S'agissant de l'AFLD, le financement est suffisant, à court terme, notamment pour la mise en place du passeport biologique et la prise en compte des évolutions du code mondial antidopage. Concernant l'AMA, les enjeux internationaux sont pleinement pris en compte, avec une présence européenne de plus en plus importante au sein du comité exécutif. Dans l'alternative entre un rôle d'autorité de régulation et celui d'un prestataire de services pour les fédérations internationales, je tiens à insister sur ma préférence absolue pour le maintien des pouvoirs de contrôle de l'Agence, en particulier au moment où le mouvement sportif en prend la présidence.