Mardi 10 septembre 2013
- Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, président -Présentation du rapport sur « La transition énergétique à l'aune de l'innovation et de la décentralisation » - Synthèse des analyses des auditions et rapports de l'OPECST liés à la transition énergétique, par M. Bruno Sido, sénateur, président et M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président
M. Bruno Sido, sénateur, président de l'OPECST. - Jean-Yves Le Déaut et moi allons vous proposer une synthèse des analyses des auditions et rapports de l'OPECST liés à la transition énergétique. Jean-Yves Le Déaut, qui se trouve empêché par un retard d'avion, mais qui doit nous rejoindre plus tard, m'a prié de lire sa partie de notre présentation.
Un grand débat national sur la politique de l'énergie a été lancé, depuis janvier 2013, sous l'égide du ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie. Ses conclusions seront présentées les 20 et 21 septembre prochains, et déboucheront sur un projet de loi de programmation pour la « transition énergétique » dans les prochaines semaines.
La transition énergétique renvoie à l'idée du passage d'une société fondée sur la consommation d'énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz, mais aussi atome), vers une société énergétiquement plus sobre, moins émettrice de gaz à effet de serre, et intégrant une part croissante d'énergies renouvelables dans son bouquet énergétique.
Ainsi formulée, la question de la transition énergétique ne peut faire que consensus.
L'OPECST ne pouvait pas manquer d'apporter sa contribution au débat. Cette contribution s'appuie sur des études récentes ou en cours, complétées par des auditions spécifiques.
On peut ainsi rappeler que le rapport de décembre 2011 sur « L'avenir de la filière nucléaire en France », dont j'ai été le rapporteur avec Christian Bataille, a proposé une « trajectoire raisonnée » de décroissance progressive, jusqu'à la fin du siècle, de la part de l'électricité d'origine nucléaire, afin de laisser le temps nécessaire à la maturation des technologies de stockage d'énergie.
L'étude de Jean-Marc Pastor et Laurent Kalinowski sur les usages énergétiques de l'hydrogène, engagée à la demande de la commission des Affaires économiques du Sénat, s'attache à évaluer le rôle que ce vecteur énergétique pourrait jouer en liaison avec les énergies renouvelables variables.
L'étude de Fabienne Keller et de Denis Baupin sur les nouvelles mobilités sereines et durables, faisant suite à une saisine de la commission du Développement durable de l'Assemblée nationale, examine les évolutions des véhicules individuels et de leurs usages.
On peut encore mentionner, parmi les études en cours se rapportant au sujet, l'évaluation par Christian Bataille et Christian Namy du troisième plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGNDR), l'analyse par Jean-Yves Le Déaut et Marcel Deneux des freins réglementaires à l'innovation technologique au service des économies d'énergie dans le secteur du bâtiment, enfin l'étude de Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir sur les technologies d'extraction des hydrocarbures de gisements non conventionnels.
Sans préjuger de leurs conclusions finales, qui seront, de toute façon, soumises préalablement à une discussion au sein de l'OPECST, tous ces travaux éclairent, d'une manière ou d'une autre, la présente contribution.
Celle-ci tire aussi sa substance d'une audition publique du 6 juin 2013 à l'Assemblée nationale, qui s'est donné pour objet d'analyser les enjeux de la maturation des technologies et des processus d'innovation dans le cadre des réflexions sur les modalités de la transition énergétique. Elle a fait suite à une audition par l'OPECST, le 23 avril 2013, de certains acteurs français des énergies de la mer (IFP Énergies Nouvelles et DCNS).
Le concept de « transition énergétique » renvoie à l'idée d'une évolution, d'un passage d'une situation à une autre. Or, trop fréquemment, les réflexions suscitées par l'idée de transition énergétique se focalisent sur ce que pourrait être la situation d'arrivée, sans prendre toujours en compte les conditions dans lesquelles va se dérouler cette transition.
Pourtant les conditions de la transition sont essentielles dans la détermination du champ des possibles pour la situation d'arrivée. Au moins trois dimensions sont à prendre en considération à cet égard :
- la première tient aux conditions dans lesquelles les solutions techniques nouvelles seront effectivement disponibles au cours de cette transition, sans la béquille permanente des subventions ; c'est une problématique relevant typiquement de l'innovation, que Jean-Yves Le Déaut va développer tout de suite ;
- la deuxième tient à la difficulté, constatée tous les jours, que la mise en évidence d'un intérêt collectif, même universellement reconnu, et je pense là au changement climatique bien sûr, ne suffit pas en soi à infléchir les comportements individuels ; j'y reviendrai ;
- la troisième tient à la place qui sera réservée à l'initiative locale et aux collectivités territoriales dans le processus de transition ; Jean-Yves Le Déaut en fera l'analyse à partir des enseignements de notre audition publique du 6 juin.
M. Bruno Sido, en remplacement de Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, empêché. Le concept de transition énergétique fait référence implicitement aux précédentes phases de grand bouleversement technologique qui ont modelé la société d'aujourd'hui : la diffusion de la machine à vapeur, puis de l'électricité aux XIXe et XXe siècles ; l'accès au confort de vie généralisé avec l'automobile et les appareils ménagers au milieu du XXe siècle; la nouvelle révolution de l'électronique et des technologies de l'information à la fin du XXe siècle.
Il existe cependant une différence fondamentale entre ces précédentes transitions et la transition énergétique d'aujourd'hui. Les premières ont résulté de vagues technologiques, nées d'initiatives d'entrepreneurs, qui se sont progressivement imposées aux mécanismes de consommation et d'investissement, puis à l'ordre social, tandis que l'actuelle transition énergétique traduit, à l'inverse, l'expression d'une demande sociale qui essaye de s'imposer à l'appareil productif. L'incontestable légitimité de cette demande sociale, née notamment de la prise de conscience des conséquences dommageables du changement climatique, ne change rien à ce constat d'inversion conceptuelle, qui montre qu'il sera très difficile de réussir la transition énergétique si les évolutions de l'offre, et donc les processus d'innovation, ne sont pas pris en compte dans leur dynamique propre.
On ne réussira pas la transition énergétique dans les conditions techniques actuelles. En effet, cette transition implique notamment d'abaisser les coûts et d'améliorer encore la performance des outils pour accroître l'efficacité énergétique et orienter vers plus de sobriété énergétique. En outre, elle appelle à accroître les efforts au profit des technologies de rupture tout à fait cruciales comme le stockage d'énergie.
L'OPECST a perçu d'emblée cette dimension déterminante de l'innovation dans la réussite de la transition énergétique, et en a fait le thème de sa contribution principale au débat national, en organisant l'audition publique du 6 juin. Cette audition s'est notamment attachée à faire le point sur la mobilisation des petites entreprises innovantes.
À l'inverse, cette dimension n'a pas été prise en compte à hauteur de son importance dans le cadre des travaux du débat national, et la synthèse adoptée le 18 juillet ne lui fait pas la place centrale qui devrait lui revenir.
Les travaux de l'OPECST, notamment le rapport de janvier 2012 que j'ai rendu avec Claude Birraux sur « L'innovation à l'épreuve des peurs et des risques », permettent de dégager les principaux points de blocage de l'innovation, et les leviers d'action possibles pour son développement.
Pour les phases amont de l'innovation, on peut se féliciter de l'existence d'un dispositif de soutien public assez consistant pour les sujets concernant la transition énergétique : pour la recherche scientifique de concepts, l'Agence nationale de la recherche alloue sur projet environ 50 millions d'euros par an ; pour la validation technique des concepts, c'est-à-dire la valorisation, les moyens propres de l'ADEME apportent un soutien de l'ordre de 350 millions d'euros par an ; à cela s'ajoute la capacité d'investissement procurée par le dispositif des Investissements d'avenir, atteignant le milliard d'euros, et répartie principalement entre la mise en place des démonstrateurs (Futurol, BioTfuel, Gaya, pour les biocarburants de deuxième génération) et la création des Instituts d'énergies décarbonées (par exemple, France Energies marines consacré aux énergies de la mer).
En revanche, les deux phases plus avancées de l'innovation, celles des procédures réglementaires et de l'industrialisation à l'échelle 1 en vue la commercialisation, posent problème.
En effet, tout projet d'innovation doit passer par des étapes obligatoires de procédures réglementaires, puisque tout nouveau produit doit être, peu ou prou, confronté aux normes fondamentales de santé et de sécurité, et toute installation nouvelle implique, d'une manière ou d'une autre, des formes de consultation préalable des riverains. À ce stade, les délais sont inévitables, et le projet innovant se trouve de ce fait en situation périlleuse si son assise financière est trop étroite ; car il lui faut continuer à payer les salaires, les services, les impôts et les cotisations sociales, alors que l'autorisation de vendre ou d'exploiter n'est pas encore accordée.
À cet égard, il faut observer que l'air du temps est plutôt au renforcement des procédures, du fait de la montée évidente de la sensibilité sociale aux risques. Pour favoriser la transition énergétique, il importe donc de se pencher sur ces procédures, pour en conserver l'efficacité, tout en s'efforçant d'en réduire les excès préjudiciables à l'innovation. L'OPECST s'est emparé de cette question des freins réglementaires à l'innovation, pour le cas des technologies de l'efficacité énergétique des bâtiments ; le sénateur Marcel Deneux et moi sommes chargés de cette étude. Pour ce qui concerne les procédures de consultation publique, dont la durée est presque systématiquement rallongée par des recours, une suggestion serait de constituer un corps de magistrats spécialisés, comme je l'ai proposé en 2002 en ma qualité de rapporteur de la commission d'enquête dite» AZF » sur la sûreté des installations industrielles (propositions 89 et 90) ; cette idée a été reprise dans un rapport de l'OPECST de 2011 de Claude Birraux et Christian Bataille, qui se sont intéressés au modèle suédois du « tribunal de l'environnement », dont les juges sont pour partie des spécialistes de haut niveau des questions d'environnement ; la professionnalisation des magistrats devrait, à tout le moins, permettre d'accélérer les jugements ; or tout gain sur les délais favorisera l'éclosion plus rapide des solutions innovantes de la transition énergétique.
L'autre phase critique de l'innovation concerne le financement du passage à l'industrialisation. C'est couramment à ce stade que le besoin de financement change d'échelle : de la dizaine ou de la centaine de milliers d'euros, on passe alors aux millions, voire aux dizaines de millions d'euros. Nombre de petites entreprises innovantes échouent dans le franchissement de cette étape, et sont rachetées par des groupes internationaux ; dans le meilleur des cas, ce sont des groupes d'origine française. C'est l'étape de la traversée de « la vallée de la mort ». La banque publique d'investissement s'efforcera d'intervenir à ce moment critique de la vie des entreprises, à travers un « prêt pour l'innovation » qu'il sera possible de gager pour partie par des recettes futures de marché ; c'est du moins ce que nous avons appris au cours de l'audition publique du 6 juin.
L'annonce, le 9 juillet 2013, par le Premier ministre, de l'affectation pour moitié à la transition énergétique de l'enveloppe des 12 milliards d'euros pour dix ans constituant la deuxième phase des « Investissements d'avenir », confirme la volonté de l'Etat de mobiliser des moyens en rapport avec les besoins de la bonne fin des processus d'innovation.
Une idée complémentaire, émise par le Comité Richelieu, serait de favoriser le parrainage des petites entreprises innovantes par des grands comptes, qui s'engageraient à devenir leurs premiers clients. C'est une idée qui a également été évoquée, en soutien aux technologies militaires, au cours de l'Université d'été de la défense, dont je reviens. Il est clair que toutes les solutions s'appuyant d'abord sur le marché plutôt que sur des fonds publics garantiront mieux la pérennité et la diffusion des solutions innovantes de la transition énergétique, et c'est ce qui fait l'importance du dispositif du crédit d'impôt recherche.
M. Bruno Sido. - Jean-Yves Le Déaut, avec sa connaissance approfondie des questions de l'innovation, vient d'évoquer les conditions de l'adaptation de l'offre pour la réussite de la transition énergétique. Pour ma part, je voudrais revenir sur les conditions de l'adaptation de la demande ; celle-ci concerne les comportements d'appropriation par les agents économiques des nouvelles modalités de consommation de l'énergie, qui doivent faire une place croissante, d'une part, aux économies d'énergie, d'autre part, à l'utilisation des énergies renouvelables.
À cet égard, on peut observer que les grandes catégories d'agents économiques que sont les administrations publiques, les entreprises, les ménages, ont des comportements très différents.
En gros, les administrations ne peuvent qu'obtempérer aux instructions de leur tutelle, pour autant que celle-ci leur en octroie les moyens financiers ; les entreprises se laissent entraîner, et même deviennent pour certaines pro-actives, parce qu'elles y voient le moyen d'adapter leur communication et leur image à l'air du temps ; de toute façon, elles ont un intérêt direct à investir dans les économies d'énergie.
La réaction des ménages soulève plus de problèmes.
Il n'y a plus de doute quant à la prise de conscience par la population du changement climatique, mais les actes ne la traduisant suivent que pour autant qu'ils soient gratuits et occasionnels. Suivre les consignes de tri des déchets, prendre son vélo ou aller à pied quand il fait beau, c'est déjà un progrès. De là à modifier ses arbitrages d'investissement et de consommation en privilégiant, à chaque fois, la dimension du développement durable sur le coût, il y a un fossé.
On peut observer que même les ménages les plus aisés, c'est à dire ceux qui auraient la possibilité matérielle de jouer ce rôle d'avant-garde dans la réorientation des arbitrages individuels, réagissent encore essentiellement selon les schémas traditionnels. Typiquement, les clients des grosses cylindrées continuent à valoriser l'image de puissance et de prestige associée à leur investissement, et les quelques avancées écologiques du véhicule ne comptent pour eux que par surcroît ; il ne faudra pas espérer de leur part une utilisation de leur pouvoir d'achat pour faciliter, sans subvention, le déploiement des nouvelles motorisations plus écologiques.
Dans la mesure où les effets d'entraînement et les mécanismes d'imitation des classes supérieures vont peu jouer, les classes moyennes ne vont donc déplacer leurs consommations et leurs investissements à l'appui de la transition énergétique que pour autant qu'elles y seront incitées financièrement ou contraintes. Ainsi, ce n'est pas du tout par hasard qu'une partie du débat national sur la transition énergétique a porté, d'un côté, sur les avantages relatifs du renforcement des subventions, et, de l'autre, sur la formulation d'obligations.
De fait, du point de vue des flux économiques, les deux dispositifs apparaissent assez équivalents. En effet, il faut tenir compte de ce que toutes les formes d'aides sont financées par des prélèvements, qui portent de surcroît pour l'essentiel sur les classes moyennes. D'un côté, avec les obligations, qui pourraient concerner, par exemple, la rénovation des bâtiments anciens, on force les ménages à affecter une part de leur revenu à une dépense qui n'est peut-être pas dans leurs premières priorités ; de l'autre, avec les aides, on leur confisque par l'impôt la même somme, pour la leur restituer s'ils font l'investissement. Si la somme est mobilisée a priori sous forme de dette publique, l'impôt est prélevé plus tard, pour rembourser, mais cela ne change rien à l'affaire : c'est une sorte de jeu de bonneteau, dont le résultat est une allocation forcée de ressources.
Pourquoi pas après tout si c'est pour lutter contre le changement climatique, et donc pour le bien de tous ! Le problème, c'est que cette allocation forcée se fait au détriment d'autres secteurs de l'économie. Et cela ne signifie pas seulement des pertes de marché pour les énergies fossiles; tous les secteurs sont concernés par une ponction sur le pouvoir d'achat, car le budget des ménages pour les loisirs, ou pour l'habillement, s'en trouve aussi réduit. Les créations d'emploi dans le secteur qui bénéficie de la ponction se font en contrepartie des destructions d'emplois dans d'autres secteurs.
Le bilan peut être globalement positif si les effets de diffusion ont le temps de jouer. Mais il faut craindre qu'une ponction trop violente, c'est-à-dire très forte sur un temps trop court, n'ait des effets contreproductifs.
À cet égard, notre rapport présente quelques estimations d'ordre de grandeur et les rapproche des chiffres produits par le groupe 4 du débat national, qui s'est attaché à analyser les conditions du financement de la transition énergétique : la mobilisation financière envisagée représente des centaines de milliards d'euros sur trois ou quatre décennies. Ce sont des montants considérables.
Ces montants sont tout à fait en ligne avec les chiffres allemands : 1 000 milliards d'euros jusqu'à 2040, selon le ministre fédéral de l'environnement, M. Peter Altmaier. Sauf que l'économie allemande s'enrichit tous les ans de ses excédents commerciaux (188 milliards d'euros en 2012), là où la France doit, en plus, faire face au financement de son déficit extérieur (67 milliards d'euros en 2012).
Il nous paraîtrait donc raisonnable, d'un côté, de maintenir une forte priorité pour les aides aux ménages les moins favorisés, et, de l'autre, d'étaler l'effort demandé aux ménages des classes moyennes en assouplissant le calendrier, de manière à ce que celui-ci empiète sur la seconde partie du siècle. L'effort d'ajustement de la demande s'en trouverait ainsi plus en phase avec le rythme d'évolution de l'offre, permettant à notre économie de mieux absorber le choc de la transition. Je reviendrai sur ce point en conclusion.
M. Bruno Sido, en remplacement de M. Jean-Yves Le Déaut, empêché. L'audition publique du 6 juin, dont le compte-rendu est intégré au présent rapport, a fait ressortir la part qui reviendra aux initiatives locales dans la transition énergétique.
La propension française à la centralisation a plutôt constitué historiquement un atout dans le cadre de l'utilisation des énergies fossiles, dans la mesure où les effets d'échelle permettent, pour ces produits, des baisses de coûts unitaires très significatives. Cela résulte du poids des infrastructures dans l'exploitation des mines et de l'électricité ; mais cela tient aussi au pouvoir de négociation supérieur que confère l'achat centralisé par grands contrats d'importation, pour le pétrole, le gaz, l'uranium.
Cette efficacité économique de la centralisation pour les « monopoles de fait » a d'ailleurs été reconnue en droit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, partie intégrante de nos textes républicains fondamentaux.
Mais les énergies renouvelables bousculent ce modèle de gestion centralisé : d'abord, parce que les progrès technologiques permettent, pour la plupart de ces énergies, une exploitation à partir d'infrastructures plus légères que celles mobilisées par les énergies fossiles ; ensuite, parce que les ressources en sont très localisées, chaque portion du territoire possédant ses atouts propres dans ce domaine. De là, le lien privilégié que les énergies renouvelables ont vocation à entretenir avec les collectivités territoriales.
L'audition publique du 6 juin a permis de découvrir notamment l'implication de collectivités territoriales dans la géothermie, la valorisation des déchets, la méthanisation de la biomasse d'origine végétale, le chauffage collectif au bois.
La logique consistant à exploiter des atouts géographiques locaux pourrait utilement se généraliser, sous réserve de l'émergence, à chaque fois, d'une structure portant l'initiative, car tout territoire dispose toujours plus ou moins d'une ressource énergétique à valoriser. L'audition par l'OPECST, le 27 avril dernier, de deux spécialistes des énergies de la mer, au sein respectivement de l'IFP Énergies nouvelles et de la DCNS (les anciens « Chantiers navals »), a montré, par exemple, les réelles potentialités, en termes d'énergie thermique, des mers dans les territoires et collectivités d'outre-mer, compte-tenu du coût relatif de cette technologie, pourtant onéreuse, par rapport aux modes de production classique à gaz, extrêmement chers dans les configurations insulaires. Là encore, le compte-rendu de cette réunion est associé au présent rapport.
Du reste, le choix de l'ANCRE (Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l'Énergie) de caler l'un de ses trois scénarios de la transition énergétique sur le développement des systèmes énergétiques locaux, à partir notamment de l'exploitation de la biomasse, confirme, d'une certaine manière, qu'aux yeux des meilleurs spécialistes, les initiatives locales sont durablement inscrites dans le paysage énergétique de notre pays.
L'audition publique du 6 juin a conforté effectivement l'idée de la viabilité à long terme de ces projets locaux manifestement gérés avec une grande souplesse d'adaptation. J'en veux pour preuve cette stratégie de remontée de l'échelle des valeurs ajoutés du projet de traitement des déchets Tryfil, dans le Tarn et l'Aveyron, dont notre collègue, le sénateur Jean-Marc Pastor assure la présidence : la méthanisation par bioréacteur y a conduit, par étapes, à la production de biométhane, puis maintenant d'hydrogène, à chaque fois sans perdre de vue les débouchés. Le projet de géothermie SEMHACH, au sud-est de Paris, a fini de rembourser fin 2012, soit au bout de vingt-sept ans, l'ensemble des emprunts qui a permis de construire l'infrastructure initiale ; c'est là un indice de solidité économique.
La multiplication des projets locaux d'exploitation d'énergie a un double impact sur le réseau électrique : d'une part, elle confirme le besoin de le doter d'intelligence dans la logique des réseaux intelligents ou « smart grids », afin d'assurer la meilleure gestion possible de l'effet de foisonnement ; d'autre part, elle va peut-être permettre de réaliser une économie sur le besoin de montée en capacité de ces réseaux.
Deux raisons à cela :
- premièrement, nombre de ces initiatives permettent le développement des réseaux de chaleur, allégeant d'autant la charge supportée par les deux autres grands réseaux d'énergie, gazier et électrique. Le potentiel d'utilisation de la chaleur directe est grand en France : alors que la chaleur représente la moitié de la consommation d'énergie primaire, seulement 6 % en est fournie par distribution directe. Des projets de distribution de vapeur à partir des centrales nucléaires sont évoqués depuis longtemps. En Finlande, le consortium Fortum devrait passer à l'acte à l'horizon 2020 au profit de la banlieue d'Helsinki ;
- la seconde manière par laquelle les projets d'initiatives locales pourraient diminuer le besoin d'ajustement en capacité du réseau électrique passe par l'implantation future de dispositifs locaux de stockage d'énergie. L'intérêt manifesté pour la production de biogaz et d'hydrogène paraît aller dans ce sens. Les technologies dans ce domaine sont encore à évaluer, puis, éventuellement, à développer; mais ce sont des pistes d'ores et déjà concrètement explorées en Allemagne ; il s'agit en fait de consolider l'effet de foisonnement de la production et de la consommation électrique en la dégageant de la contrainte très forte de l'équilibre instantané, grâce à la possibilité d'un équilibrage inter-temporel.
M. Bruno Sido. Notre conclusion principale est qu'il faut laisser du temps au temps. Elle s'impose pour nous au vu des mécanismes en jeu du côté de l'offre, c'est à dire ceux de l'innovation et du déploiement technologique, mais aussi au vu des évolutions du côté de la demande, celles notamment qui permettront, peut-être, ces économies d'énergie très substantielles annoncées par les scénarios de l'Ademe, de Negawatt, de Greenpeace.
Notre temps de référence, c'est celui de la fin du siècle, horizon de la « trajectoire raisonnée » que j'ai eu l'honneur de proposer au nom de l'OPECST, avec mon co-rapporteur, Christian Bataille, dans le cadre du rapport de décembre 2011 sur « L'avenir de la filière nucléaire ». Le retrait de l'énergie nucléaire s'effectuerait progressivement par remplacement de 3 gigawatts en fin de vie par 2 gigawatts de génération nouvelle. Vers 2100, demeurerait un « socle énergétique » équivalent à environ 30 % à 40 % de la capacité de production électrique totale actuelle, mais en réacteurs de quatrième génération, c'est à dire s'alimentant avec les résidus de l'énergie nucléaire d'aujourd'hui, à savoir les stocks d'uranium appauvris, et probablement, certains déchets de très haute activité (l'américium). Ce socle énergétique permettrait de faire fonctionner pour plusieurs siècles un parc de production très majoritairement à base d'énergies renouvelables, adossé à des dispositifs de stockage d'énergie.
La progressivité de cette trajectoire raisonnée vise spécialement à laisser le temps de la mise au point des dispositifs de stockage d'énergie, évoqués par Jean-Yves Le Déaut, qui sont la condition indispensable à un déploiement à très grande échelle des énergies « variables » : vent et soleil, de loin les plus abondantes des sources renouvelables.
Ce calendrier, assoupli par rapport aux échéances envisagées dans le cadre du débat national, devrait notamment permettre à l'économie de mieux supporter les efforts financiers qu'impliquera la mise à niveau progressive du parc des bâtiments anciens, véritable clef de la réalisation d'économies d'énergie d'ampleur macroéconomique. Il s'agit là d'une démarche moins précipitée mais d'autant plus solide qu'elle permettra sans doute de constater plus sûrement les effets de ces économies d'énergie massives, notamment sur le solde commercial, et à partir de là, d'autoriser une décroissance plus rapide du recours à l'énergie nucléaire.
On ne peut pas prendre des décisions qui engageraient l'avenir de notre pays sur des paris. Avant d'avancer dans le démantèlement de nos forces de production énergétique d'aujourd'hui, il faut vérifier que les promesses en matière d'économies d'énergie se réalisent, et que les ressources alternatives en énergies renouvelables opèrent la substitution attendue, à qualité de service équivalente, et sans plus aucune subvention. À cet égard, l'hypothèse d'une réduction du parc nucléaire, dès 2025, à 50 % de la capacité de production électrique totale, paraît plus que problématique, sauf à espérer d'imminentes ruptures technologiques majeures. Il faut avoir conscience que cela équivaudrait d'ici douze ans à l'équivalent de l'effacement total, pour l'ensemble de l'économie, d'une à deux journées de consommation électrique par semaine.
L'OPECST s'est trouvé engagé dans l'analyse des questions énergétiques dès son deuxième rapport en 1987, à propos de l'accident de Tchernobyl. Il a manifesté depuis vingt-six ans, à travers une trentaine de rapports concernant l'énergie, sur les 155 qu'il a produits, une grande constance dans l'approche de ces questions. Cette approche combine, d'un côté, un soutien à l'exploitation des atouts industriels du pays, en incitant constamment au renforcement des dispositifs de sûreté et de sécurité, et, de l'autre, un vrai souci de l'ouverture aux technologies nouvelles, et notamment à celles qui permettent l'exploitation des énergies renouvelables.
Cette position de l'Office n'est pas toujours comprise, car elle n'est pas simpliste, ni partisane ; pourtant elle présente une cohérence forte autour du soutien au processus d'innovation, qui veut que les activités industrielles mûres produisent, directement ou indirectement, les revenus qui servent à financer le développement des activités industrielles émergentes, jusqu'au moment où celles-ci deviennent assez fortes et compétitives pour empiéter sur le marché de celles-là.
Le pétrole, le gaz, et l'atome contribuent, par des prélèvements fiscaux, à la maturation des technologies destinées à les remplacer à terme, partiellement sinon totalement. Parallèlement, ces prélèvements financent les activités de recherche, de conception, de développement, de production d'équipements, nécessaires à l'exploitation des énergies renouvelables.
Peut-on accélérer ce processus ? On peut du moins veiller à ne pas l'entraver, et à ne pas le laisser dériver vers des impasses. Tel est le principal enjeu, selon nous, de la transition énergétique. Un volontarisme trop affirmé risquerait d'avoir des effets contre-productifs : il faut de l'énergie ancienne pour produire de l'énergie nouvelle.
Comme il en a la vocation dans le cadre de ses travaux, l'OPECST continuera à suivre, par-delà la fin du débat national, le devenir de la transition énergétique, soit à propos d'aspects spécifiques, comme ceux sur lesquels il va rendre des rapports dans les prochains mois (hydrocarbures de gisements non conventionnels, hydrogène et stockage d'énergie, voiture écologique, verrous réglementaires dans l'efficacité énergétique des bâtiments), soit en organisant régulièrement des auditions publiques permettant un suivi plus général.
M. Denis Baupin, député. - Merci Monsieur le président pour cette introduction. Vous avez évoqué un certain nombre de problèmes de fond abordés dans ce rapport dont je viens tout juste de prendre connaissance ; le fait de devoir ainsi se prononcer sur un document sans avoir eu le temps de le lire complètement pose question à la fois sur le plan scientifique et démocratique. C'est pour cette raison que j'avais demandé à pouvoir le consulter à l'avance. Il m'a été indiqué que ce n'était pas dans les pratiques habituelles. J'ai vu qu'était prévue demain une conférence de presse à l'occasion de laquelle ce rapport doit être présenté. J'ai relevé, en lisant la presse, qu'une grande partie des rapports de l'Office étaient adoptés à l'unanimité. Cela ne pourra être le cas de celui-ci, compte tenu du nombre de nos points de désaccord.
Vous remettez en cause la faisabilité de l'engagement du Président de la République de réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire d'ici 2025, engagement fondateur du débat sur la transition énergétique. Vous affirmez que la majorité de Français qui a adhéré à cet objectif lors des dernières élections s'est trompée, faute de compétences. À cet égard, l'évocation de deux journées par semaine sans électricité me semble disproportionnée. Vous nous proposez en alternative à cet engagement présidentiel une trajectoire raisonnée consistant à prolonger la filière nucléaire d'au moins un siècle. Vous dites qu'il ne faut pas baser l'avenir énergétique du pays sur des paris, pourtant vous préconisez le déploiement de réacteurs nucléaires de quatrième génération qui n'existent pas. L'échec de Superphénix a clairement démontré l'inadéquation de cette voie technologique.
J'ai été très surpris de ne retrouver dans votre rapport aucune référence à l'efficacité énergétique. Pourtant, l'ensemble des travaux engagés sur la transition énergétique, que ce soient ceux de l'ADEME, de Négawatt ou du débat national, prévoient une réduction importante de la consommation énergétique de notre pays. J'ai constaté que vous vous référiez à plusieurs reprises à l'ANCRE, c'est à dire essentiellement au CEA. En revanche, je n'ai pas noté de mention des prévisions de l'ADEME qui, en tant qu'organisme public, mérite pourtant tout autant notre attention.
Ainsi que cela a été rappelé dans le cadre du débat sur la transition énergétique, la réduction d'un facteur 4 des émissions de gaz à effet de serre implique une réduction d'un facteur 2 de notre consommation énergétique. Ce n'est pas un hasard si nos voisins allemands et anglais ont également défini cet objectif de réduction de consommation.
Je voudrais revenir sur la question de la filière nucléaire. J'ai noté les déclarations de M. Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité nucléaire, à l'occasion de son audition par l'Office en avril dernier, sur les conséquences d'une anomalie générique éventuelle sur le parc nucléaire qui obligerait à arrêter simultanément plusieurs de nos réacteurs nucléaires. Cette position rejoint celle de son prédécesseur, M. André-Claude Lacoste. Il s'agit là d'un risque qui aurait des conséquences graves pour l'économie de notre pays. Il impose de réduire la part de l'énergie nucléaire dans notre production énergétique. C'est un autre élément qui doit être pris en compte dans la transition énergétique.
De même, le rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière nucléaire dit des choses très éclairantes sur l'ampleur des investissements réalisés durant des dizaines d'années dans ce domaine, à hauteur de plusieurs centaines de milliards d'euros. Cela démontre que ce niveau d'investissement est à l'échelle de ce qu'un pays comme le nôtre doit engager pour réussir la transition énergétique. Je pense que vous préconisez la prolongation des réacteurs nucléaires existants. Or, celle-ci nécessitera des investissements lourds, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Quel que soit le scénario choisi, des investissements massifs seront nécessaires.
Aujourd'hui nous dépensons, comme vous l'avez rappelé, de l'ordre de 70 milliards d'euros pour nos importations énergétiques, dont celles d'uranium. Plutôt que de verser ces milliards aux pays producteurs de pétrole ou de gaz, au Proche-Orient ou en Europe de l'Est, il serait plus rationnel de les utiliser pour améliorer l'efficacité énergétique, ce qui permettrait de créer de l'activité économique et des emplois dans notre pays.
Vous abordez le problème de l'innovation, mais les innovations à venir ne se feront pas dans le domaine de l'industrie nucléaire. Il suffit de suivre les difficultés rencontrées sur le chantier de l'EPR de Flamanville par des entreprises telles qu'Areva qui se veulent à la pointe de l'innovation technologique, mais ne savent pas monter une pompe à l'endroit. Les entreprises véritablement innovantes, telles Saint-Gobain ou Schneider, se trouvent dans le secteur des énergies renouvelables. Il y a là des enjeux d'investissement et d'emplois qui doivent être pris en compte. Je trouve dommage que ce rapport de l'Office n'ait pas mis d'avantage en avant ces enjeux.
M. Christian Bataille, député, vice-président. - Monsieur le président, je voudrais faire quelques observations sur la forme et sur le fond. D'abord, je tiens à vous féliciter du travail que vous avez réalisé dans le cadre de cette étude qui répond, sinon à une saisine formelle, du moins à un souhait public du président de l'Assemblée nationale ; d'autant que je regrette la faible association de notre Office au processus du débat sur la transition énergétique. J'ai été personnellement très favorable à l'organisation d'un tel débat. Mais je dois bien me résoudre à constater qu'il s'est avéré très confus, dans son organisation comme dans ses conclusions.
Vous nous avez présenté une synthèse des différents travaux de l'Office publiés ou en cours sur cette question. Vous avez notamment mis en avant la question de la performance énergétique dans les bâtiments. C'est un sujet sur lequel j'ai travaillé dans le cadre d'un rapport publié, avec Claude Birraux, en 2009. Nous nous étions rendus, à l'époque, en Allemagne et en Suisse. L'Allemagne dispose sur ce terrain d'une avance certaine sur nous, et nous devons prendre exemple sur elle dans ce domaine essentiel de l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments.
Pour autant, je ne suis pas certain que les efforts d'économie d'énergie que nous réaliserons dans ce secteur aboutiront à une réduction de notre consommation énergétique globale. Je crois qu'on n'insiste pas assez sur les nouveaux besoins énergétiques résultant, par exemple, de la multiplication des équipements électroniques connectés en réseau et des besoins domestiques. La multiplication des véhicules électriques en milieu urbain, telle la Zoé de Renault - notre ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg, incite fortement à leur développement - va également se traduire par un accroissement de la demande d'électricité.
Du reste, le concept de transition énergétique doit être précisé. Il ne s'agit pas d'une évolution bornée dans le temps, mais, au contraire, d'un processus continu qui date déjà de plusieurs siècles. Or, durant cette période, il n'y a pas eu substitution des énergies, celles-ci se sont, au contraire, additionnées.
Si j'ai défendu loyalement l'objectif de réduction à 50% de la part de l'énergie nucléaire durant la campagne présidentielle, je le considère aujourd'hui - à douze ans de l'échéance - comme hors d'atteinte. À cet égard, je rappelle que l'unité de temps énergétique est de l'ordre du demi-siècle, non celle des cinq ans d'un mandat présidentiel. Dans le rapport que j'ai rendu avec Bruno Sido en décembre 2011, j'ai indiqué qu'il convenait de viser 2035, et une réduction à 60 % plutôt qu'à 50 % de la part d'électricité d'origine nucléaire. Encore faut-il, avant de le faire, savoir par quoi remplacer l'énergie nucléaire.
Dans ce domaine, l'Allemagne est un contre-exemple de ce qu'il convient de faire. La décision d'arrêter des centrales nucléaires en 2011 s'est accompagnée de celle de la construction de nouvelles centrales à gaz et au charbon, plus exactement au lignite. Dans le cadre de la préparation du même rapport de décembre 2011, j'ai pu visiter une mine de lignite à ciel ouvert en Allemagne. L'exploitation de ces mines de lignite, réalisée avec la grande maîtrise technique dont savent faire preuve nos voisins, bouleverse littéralement les paysages. Des villages entiers sont déplacés, pour être reconstruits à l'identique un peu plus loin. Arrêter les centrales nucléaires pour relancer le gaz et le charbon, ce n'est pas ce que nous devons faire.
Malheureusement, les énergies éolienne et solaire ne peuvent remplacer, en l'état, les centrales nucléaires. Une telle substitution ne pourra s'envisager qu'en disposant de moyens de stockage massif de l'énergie. Dans un rapport de 2009 sur la stratégie de recherche en énergie, j'avais mis en avant, avec Claude Birraux, la solution des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) qui permettrait de stocker l'énergie excédentaire, par exemple la nuit, pour la restituer dans les périodes de pointe de demande. Je crois que l'Office a raison de faire entendre sa voix sur cette question, même si ses positions, faute d'être simplistes, peuvent heurter des opinions dictées par des considérations partisanes.
C'est avec intérêt que j'ai écouté les explications de notre collègue, Denis Baupin, sur les risques liés à une dépendance excessive à l'énergie nucléaire et sur la nécessité de réduire nos importations d'énergie. Sur ce plan, dans le cadre de l'étude en cours sur les hydrocarbures de gisements non conventionnels, je préconise de substituer aux importations de gaz et de pétrole la production locale d'énergies fossiles. Il ne s'agit pas d'accroître notre consommation de ces formes d'énergie, mais de réduire notre dépendance dans ce domaine.
En conclusion, je voudrais aussi souligner que nous devons nous interroger sur cette question de la transition énergétique non seulement au niveau national, mais aussi à l'échelle européenne. Malheureusement, chaque pays semble voir cette question de façon égoïste. Ainsi, les Allemands et les Britanniques pensent s'appuyer sur le socle énergétique du charbon et du gaz, de gisements conventionnels ou non conventionnels. Nous devons aller vers une coordination des politiques européennes en ce domaine, même si nous savons que les objectifs ne pourront tous être atteints en 2025.
Mme Corinne Bouchoux, sénateur. - Je voudrais commencer par une remarque de méthode : ne serait-il pas envisageable de pouvoir consulter les rapports deux ou trois heures avant la réunion au cours de laquelle ils sont examinés ? Je maintiens une activité d'enseignement au niveau Master II dans une école d'ingénieurs ; dans ce cadre, il ne serait pas envisageable de travailler sur des documents sans un délai suffisant pour en prendre connaissance, en l'occurrence plusieurs jours.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce rapport qui comporte des aspects intéressants. Néanmoins, un certain nombre d'autres auraient mérités d'être plus développés. J'avoue que j'attendais des éléments plus précis dans le chapitre touchant à la décentralisation, en ce qui concerne notamment l'adaptation des compétences. J'ai eu la chance de dîner récemment avec un certain nombre de sénateurs allemands et, de par notre maîtrise d'une langue commune, de pouvoir évoquer avec eux l'importance de la décentralisation dans la prise en compte par les différents acteurs concernés des enjeux d'une transition énergétique. Leur approche comportait un volet culturel et éducatif. Cet aspect n'a pas été abordé par le rapport.
Ce qui manque également, c'est la prise en compte du contexte économique actuel. Cet aspect mériterait également d'être intégré à la réflexion.
Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, vice-présidente. - Beaucoup de choses ont été dites au sujet de la transition énergétique qui est une expression « valise » recouvrant de très nombreux concepts.
Je regrette que la question des économies d'énergie n'ait pas été plus développée. Ce rapport n'aborde pas suffisamment cet aspect de la transition énergétique. Il faut, avant tout, voir dans celle-ci une source de valeur ajoutée.
À propos des comparaisons internationales, c'est une bonne chose d'avoir rappelé que le charbon et le lignite restent le fondement de la politique énergétique allemande. L'enjeu de l'indépendance énergétique est central dans les politiques énergétiques nationales, mais l'importance d'une vision géostratégique est souvent éludée.
Ma dernière remarque porte sur le coût de cette transition énergétique. Il faut prendre conscience du fait que cette transition nécessitera du temps et des investissements très coûteux. Les technologies se perfectionneront et nécessiteront de faire appel, de plus en plus, à des ressources toujours plus rares et plus difficiles à obtenir, et donc chères, comme les terres rares par exemple, dont la disponibilité va devenir un enjeu géopolitique.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Un mot d'abord pour excuser mon retard dû à la perturbation des vols en provenance de Pau, où je participais à l'Université d'été de la défense.
Le rôle de l'Office est d'analyser l'interaction entre les évolutions technologiques et la société, et une question comme celle la transition énergétique relève directement de ce type d'interactions : voilà pourquoi cette question n'est pas nouvelle pour nous ; l'Office s'est penché de longue date sur les conditions du développement des énergies renouvelables. En novembre 2001, un rapport que j'ai publié avec notre ancien collègue Claude Birraux, a ainsi été à l'origine de deux plans lancés à l'époque : « Face sud » pour le solaire thermique et « Terre énergie » pour la biomasse.
L'Office défend tout autant l'importance des efforts économies d'énergie, comme l'illustre le rapport de Claude Birraux et Christian Bataille en 2009 sur la performance énergétique des bâtiments, et la nouvelle étude que je vais conduire avec Marcel Deneux sur les freins à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment. Mais ces analyses montrent combien ces économies d'énergie sont difficiles à réaliser, notamment parce qu'elles requièrent des moyens financiers très importants.
Il est donc essentiel que le pays mobilise ses atouts économiques pour dégager les ressources nécessaires. En Allemagne, ces ressources se trouvent dans le charbon ; en France, moins bien dotée en ressources fossiles, elles sont apportées par l'énergie nucléaire. Il faut donc bien faire attention à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or.
Le besoin de financement des économies d'énergie va être très important, mais il faut faire attention aux fausses bonnes idées. Je songe en particulier à cette idée évoquée, dans le cadre des travaux du débat national, par le rapport du groupe 4 chargé d'analyser les questions de financement : il s'agirait de regrouper dans une structure publique les fonds actuellement mis en réserve par les entreprises pour financer le traitement des déchets nucléaires, puis d'utiliser ces moyens là pour soutenir les économies d'énergie et les énergies renouvelables. L'idée n'a pas été retenue dans la synthèse finale, mais elle figure toujours dans le rapport du groupe 4. Elle est doublement dangereuse, car, d'un côté, elle conduirait au désengagement des entreprises productrices de déchets ; celles-ci seraient en effet incitées à se laver les mains du devenir des déchets une fois qu'elles auraient payé leur quote-part ; de l'autre, une telle idée omet le risque que les fonds soient engagés au moment où l'on en aurait vraiment besoin pour les déchets.
Il est essentiel d'orienter les ménages vers la sobriété énergétique, mais il ne faut pas essayer de forcer la transition en créant des situations financières en porte-à-faux ; la bonne stratégie consiste à maximiser l'efficacité des moyens qu'il est possible d'obtenir de notre économie. Le double objectif de réduire à 50 % la part d'énergie nucléaire dans notre production électrique, et d'abaisser sensiblement notre consommation d'énergie à l'horizon 2050, n'est pas contestable, mais nous n'en prendrons véritablement le chemin qu'au prix d'une forte focalisation sur les mécanismes d'innovation.
Je voudrais souligner que toute transition conduit à un nouvel équilibre qui n'est pas forcément celui qu'on a imaginé au départ, et qu'il faut pouvoir essayer d'en éviter les conséquences allant à contresens. On le vérifie actuellement avec le développement rapide des énergies variables ou intermittents, qui rend nécessaire une extension, non prévue et tout à fait conséquente, du parc des centrales à gaz. Ce parc était presque inexistant il y a dix ans, et rien qu'EDF exploite aujourd'hui une quinzaine d'installations pour une capacité cumulée d'un peu plus de 12 GW, ce qui contribue plutôt à augmenter nos émissions de CO2.
C'est l'une des fonctions de l'innovation de permettre d'éviter ce genre d'effet à rebours. Il est donc essentiel de consacrer à celle-ci toutes les ressources possibles, et de concentrer particulièrement les efforts sur les dispositifs de stockage d'énergie. De ce point de vue, nous sommes en phase avec Negawatt sur la priorité à accorder à la méthanation (distincte de la méthanisation), car c'est un dispositif de stockage d'énergie qui permet par surcroît de fixer du CO2, c'est à dire de stocker du carbone. Les avancées dans cette direction constitueraient un puissant levier de compétitivité pour notre économie, car le pays en tête pour cette technologie s'ouvrira des marchés considérables.
L'action publique en matière d'innovation a devant elle deux chantiers tout à fait cruciaux pour la réussite de la transition énergétique : l'assouplissement à bon escient des procédures imposées aux nouvelles solutions technologiques ; et le renforcement des mécanismes de financement pour passer à l'étape de l'industrialisation. Il faut une véritable mobilisation générale sur ces deux chantiers pour accélérer la transition énergétique.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Le financement de l'innovation, évoqué à l'instant, s'effectue aujourd'hui suivant une logique d'appel d'offre, sur le modèle de l'affectation des moyens pour la recherche de concepts ; cela ne permet pas de bien prendre en compte le cas des démonstrateurs.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Les investissements d'avenir ont permis de le faire en partie.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Nous manquons d'un outil adapté car ce n'est ni la mission de l'ADEME, ni celle du Fonds unique interministériel (FUI), ni celle du CEA.
M. Bruno Sido. - En tout cas, je prends bonne note du problème de méthode signalé par nos collègues Corinne Bouchoux et Denis Baupin.
M. Christian Bataille. - Pour la mission sur la sécurité nucléaire, la place de la filière et son avenir, le rapport final était consultable, deux jours avant son examen, dans le bureau du président. Il est vrai que cette mission associait aux membres de l'Office des représentants des commissions concernées au sein des deux assemblées. Il n'en reste pas moins que nous pourrions nous inspirer de cette formule.
M. Jean-Yves Le Déaut. - C'est en tous cas une demande légitime qu'il me paraît assez facile à satisfaire.
M. Bruno Sido. - Je veillerai à ce que nous en discutions lors du prochain bureau de l'OPECST pour trouver la meilleure solution.
Pour conclure, je ne tenterai pas de résumer l'ensemble des interventions. Le rapport en rendra compte. Pour revenir à ce qu'a dit Christian Bataille, il ne faut pas oublier que la rénovation des bâtiments s'étalera sur plusieurs décennies alors que l'utilisation des équipements électroniques, par exemple les serveurs informatiques, gros consommateurs d'électricité, s'intensifie.
On a rappelé que la dimension européenne était essentielle et j'observe que le besoin d'harmoniser les politiques se complique des limites pratiques rencontrées pour la mise à niveau des interconnexions, qui pourtant contribuent à l'équilibre des réseaux nationaux en permettant des échanges transfrontaliers d'électricité.
La vision d'Anne-Yvonne Le Dain selon laquelle les terres rares pourraient être à l'origine de goulets d'étranglement susceptibles de freiner la transition énergétique me paraît tout à fait pertinente et l'OPECST a déjà un peu abordé cette question géostratégique lors d'une audition publique en mars 2011.
Quant à une meilleure prise en compte des enjeux énergétiques dans le cadre de la culture et l'éducation, évoquée par Corinne Bouchoux, c'est une évolution qui va prendre un peu de temps.
À la suite de la saisine de l'Office par le Président de la commission des affaires économiques du Sénat, nous avions organisé, le 21 février 2013, une audition publique, ouverte à la presse, à l'Assemblée nationale dont le thème était : « Le risque numérique : en prendre conscience pour mieux le maîtriser » qui a confirmé, s'il en était besoin, tout l'intérêt et l'actualité de ce thème. Des événements récents ont encore renforcé ce constat, bien au-delà de ce qui était supposé au mois de février. Cette audition, très riche, a été fort intéressante.
Aujourd'hui, il nous incombe de procéder à la désignation d'un ou de plusieurs rapporteurs pour transformer les pistes entrevues lors de l'audition publique en développements d'un prochain rapport de l'Office tout en ayant soin de bien cibler la problématique à retenir pour, à la fois, prendre le temps d'entendre les personnes concernées, en France, dans l'Union européenne ou à l'étranger mais également être en mesure de présenter ce travail dans un délai raisonnable.
L'étude préalable, dite de faisabilité, propre aux méthodes de travail de l'Office, permettra de préciser ces points - étant entendu que l'audition publique de février 2013 nous a déjà permis de mieux cerner certains enjeux et devrait nous faire maintenant gagner du temps dans l'élaboration de ladite étude préalable.
Pour l'heure, concernant la nomination du, ou des, rapporteurs, j'ai reçu la candidature de Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, vice-présidente de l'Office, et je vais donc lui donner la parole pour expliciter le sens de sa candidature.
Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, vice-présidente de l'Office. - Chacun sait que nous sommes maintenant dans un monde qui est complètement virtuel, numérisé. Depuis une quinzaine d'années, on ne peut plus vivre sans un ordinateur et un téléphone portable connecté.
Dans ce monde-là, il s'est passé deux choses : avant, on stockait nos informations dans nos ordinateurs, éventuellement dans un serveur tandis que, maintenant, on ne stocke plus rien et la tendance est à déstocker complètement, à découper l'information en petits morceaux pour la stocker ailleurs, grâce au cloud computing ou, en français, informatique en nuage. Cela renvoie à deux concepts : la notion de risque numérique par rapport à la protection des données personnelles qui a été mise en scène récemment par l'apparition dans le paysage numérique d'un jeune homme, Bradley Manning, qui a mis un nombre considérable de documents confidentiels via le site Wikileaks et puis, phénomène important, les données personnelles, les données individuelles découpées en petits morceaux sont, de fait, la propriété des fournisseurs d'accès et, pire, celle des fournisseurs de l'utilisation de l'accès.
Les réseaux, par exemple France Telecom, Free, SFR, pour ne parler que de la France sont propriétaires de la tuyauterie mais les fournisseurs d'accès c'est, par exemple, Google, mais c'est aussi tous ceux qui vont les utiliser comme Facebook ou Twitter. Tous ces systèmes ont accès à vos données et adoptent, dans le cloud computing, une logique consistant à dire : puisque c'est moi gère ces données, elles m'appartiennent. Cette mondialisation des informations, extrêmement segmentées, stockées mais qui transitent beaucoup et qui sont découpées en morceaux aboutit à octroyer la propriété, de fait, des données à des gens qui vous proposent des services et qui stockent et transportent lesdites données.
Cela est important car il en découle la perte du droit à l'intimité, il n'y a plus d'intimité, ni quant à notre identité ni sur ce que nous sommes ; nous pensons être en sécurité et nous ne le sommes pas car les informations sont la propriété des fournisseurs d'accès ou des hébergeurs ou des deux. Cela ne fait que se développer.
Derrière cela, se trouve la question de la protection des données personnelles incluant le droit à l'oubli, mais également la protection des données des personnes morales que sont les administrations, les entreprises et les États qu'il ne faut pas oublier. Donc la sécurité des données pose la question du risque numérique et celle de savoir en quoi Big Brother est vraiment présent aujourd'hui.
Qu'est-ce que Big Brother pourra faire, qu'aura-t-il le droit de faire, notamment au cours des années à venir ? Quand je dis Big Brother, c'est pour reprendre une image que tout le monde a en tête. Nous sommes face à Big Brother. Que pourra-t-on lui permettre ou lui interdire, sachant qu'on ne peut vraiment le nommer et qu'il est lui-même découpé en petits morceaux et que de nouveaux petits morceaux naissent chaque jour.
Je voudrais insister aussi sur le fait que ces entreprises, que nous utilisons tous, sont toutes américaines, que le siège de chacune est aux États-Unis d'Amérique, comme les données transitant par elles ; d'ailleurs, lorsque ces données sont en Europe, c'est généralement en Irlande ou dans des lieux permettant des situations de défiscalisation complète. Donc ces données n'ont plus de valeur pour l'économie européenne ; elles n'ont de la valeur que pour l'économie nord-américaine.
M. Bruno Sido. - La parole est au Premier vice-président.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l'OPECST. - Je souhaiterais présenter la candidature de M. Bruno Sido en qualité de co-rapporteur. Avec la candidature de Mme Anne-Yvonne Le Dain, cela nous permettrait de bénéficier à la fois les points de vue du Sénat et de l'Assemblée nationale, de la majorité et de l'opposition, d'une femme et d'un homme, en bénéficiant de la richesse de l'expérience propre à chacun d'eux.
En dehors de ce qu'a dit Mme Anne-Yvonne Le Dain, je rappelle que M. Bruno Sido s'est penché sur cette question ; il a été à l'initiative de l'audition publique organisé par l'Office sur le risque numérique ; il s'est plutôt attaché au risque civil tandis que j'ai présidé la partie de cette réunion relative au risque militaire. Par ailleurs, dans le cadre de la commission des affaires étrangères et des forces armées, je présente chaque année un avis budgétaire intitulé « Environnement et prospective de la défense » dans lequel je traite de la cyber-défense même si c'est de manière moins approfondie que les travaux de l'Office. Sur la cyber-défense, il existe déjà plusieurs rapports dont, en 2012, le rapport d'information de M. Jean-Marie Bockel au Sénat intitulé « La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale ».
Il reste tout un pan qui n'a pas encore été étudié, à savoir la fragilité des systèmes complexes, soit douze secteurs vitaux dépendant totalement de l'informatique, dont les transports ou la santé ; il suffit d'observer une voiture pour le constater.
La sécurité des systèmes informatiques, c'est la sécurité individuelle, la sécurité des transports aériens, ou autres, du nucléaire, du système de santé, du stockage de données et ces systèmes se trouvent à la merci de pirates informatiques ou hackers.
Il faudra également voir dans cette étude si l'on dispose de suffisamment de spécialistes formés à la sécurité informatique. Il semblerait que non. Pour l'instant, ce sont les militaires qui, avec la Délégation Interministérielle pour l'Armement (DGA), les recrute.
Ne faudrait-il pas, en informatique, une sécurité du niveau de celle des laboratoires P4 de sécurité maximale mise en place dans le domaine de la biologie ? La coordination entre le militaire et le civil est-elle optimale ? Il y a énormément de domaines complémentaires sur lesquels vous avez une étude à conduire.
Notre président, M. Bruno Sido, s'est intéressé au sujet du risque numérique. La commission des affaires économiques du Sénat en a saisi l'OPECST qui pourrait désigner les deux rapporteurs pressentis.
M. Bruno Sido. - L'idée du thème de ce rapport m'est venue à la suite d'une audition, passionnante, de l'Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA).
C'est un domaine très complexe où l'on manque de spécialistes. Notre société est régie par l'informatique ; depuis le distributeur de billets au coin de la rue jusqu'aux systèmes les plus élaborés, tout passe par l'informatique. On est quasiment à la merci du premier pirate venu. Pour éviter le pillage des entreprises, de leur recherche, de leur recherche appliquée, il faut les orienter vers davantage de sécurité.
C'est un sujet majeur, un enjeu fondamental pour la survie et la richesse de notre pays.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Il s'agit-là, pourrait-on dire, d'hygiène informatique, aussi importante pour la société que l'asepsie lors d'une opération chirurgicale.
Juste un exemple : si une entreprise vérifie l'identité des personnes ayant accès à la messagerie de son PDG, elle devrait constater que seuls le PDG et sa secrétaire, et uniquement eux, y ont accès. Or, à l'occasion du contrôle de la sécurité informatique d'une entreprise, il est apparu que deux inconnus avaient accès à cette messagerie : deux pirates informatiques disposaient ainsi de la totalité des informations relatives à l'entreprise. Dans ce cas précis, un simple contrôle des accès à la messagerie du président aurait permis d'éviter cette situation.
Bien entendu, je vote pour les deux candidats présentés.
M. Patrick Hetzel, député. - Je trouve que ce rapport est une excellente idée, une très bonne suggestion et me réjouis de voir que vous allez travailler tous deux sur cette question.
Je n'ai rien à redire à ce qui a pu être dit. Je voudrais simplement ajouter un point. Mme Anne-Yvonne Le Dain a évoqué Big Brother principalement sous l'angle individuel. Je pense que c'est encore plus pernicieux que cela puisque, aujourd'hui, un certain nombre d'entreprises, Google ou d'autres, sont allées jusqu'à proposer des services à des opérateurs publics, notamment aux universités. Dans ce cas, existerait le risque que des données qui, a priori, sont des données appartenant à des opérateurs publics deviennent la propriété d'opérateurs économiques étrangers. Cela va extrêmement loin et mérite une investigation particulière.
Non seulement l'idée de ce rapport est bonne mais je suis sûr qu'elle sera fructueuse et qu'elle permettra des débats intéressants sur cette question.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Actuellement, tout le monde est focalisé sur la protection des données personnelles. À Bruxelles, à Strasbourg, on ne parle que de ça. Mais les données personnelles sont aussi bien celles des personnes physiques que des personnes morales (entreprises, administrations, laboratoires...).
La sécurité numérique doit être abordée à partir de la notion de risque pour bien englober aussi les aspects économiques, y compris les opportunités offertes car le seul aspect sécuritaire restreint dès l'abord le champ de la réflexion. Or, une construction juridique peut aussi conduire à favoriser l'économie.
Ce rapport va constituer un vaste chantier.
M. Bruno Sido. - Il est envisagé une présentation de l'étude préalable, dite de faisabilité, si possible fin septembre, compte tenu du lien de ce rapport avec l'important travail qui a été accompli lors de la dizaine d'heures d'écoute, très intéressantes, de l'audition publique du 21 février 2013, et puis, si le rythme de la progression des travaux le permet, le rapport lui-même pourrait être terminé au début du mois de mars 2014.
Si vous en êtes d'accord, je vais maintenant vous demander de voter sur les candidatures de Mme Anne-Yvonne Le Dain et de moi-même.
(Approbation à l'unanimité des membres présents).
Ces candidatures sont adoptées. Mme Anne-Yvonne Le Dain et moi-même serons les rapporteurs de la prochaine étude de l'OPECST sur « Le risque numérique : en prendre conscience pour mieux le maîtriser ». Cet intitulé lui-même pouvant être modifié en fonction des conclusions de l'étude préalable qui sera soumise à l'Office à la rentrée.