Mercredi 17 juillet 2013
- Présidence de Mme Bernadette Bourzai, présidente -Examen du rapport de la mission
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Je veux d'abord remercier nos collègues pour leur assiduité. Nos travaux ont été fort intéressants ; nous avons fait quatre déplacements : à Bruxelles et aux Pays-Bas, en Bretagne, à Rungis et enfin dans l'Ain et la Saône-et-Loire. Nous avons mené 62 auditions, dont le compte-rendu est en ligne et sera annexé au rapport. Enfin, nous avons organisé deux tables rondes rassemblant une dizaine d'interlocuteurs. Les auditions nous ont occupés d'avril à juin, la rédaction du rapport, depuis fin juin. Je remercie toute l'équipe qui a participé à nos travaux.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Nos travaux, qui se sont déroulés sur une durée très courte, ont été particulièrement denses. Je remercie Mme la présidente et l'ensemble de nos collègues pour leur travail, leur disponibilité et pour la qualité de nos échanges, qui avaient pour objectif la pérennité de nos filières viande et l'intérêt général.
Cette mission a été créée à la suite du scandale de la viande de cheval vendue pour du boeuf, fraude qui a révélé que la viande est aussi une industrie de masse et une activité commerciale internationale. Ce sont 50 000 tonnes de viande de cheval qui ont fait l'objet de cette fraude, soit l'équivalent de 3 % de la production annuelle française de viande bovine. Des entreprises françaises ont participé plus ou moins volontairement au recyclage frauduleux de viande de cheval, comme Spanghero ou Comigel. D'autres, comme Fraisnord, ont été victimes de l'effondrement du marché des lasagnes surgelées. Cette affaire, fraude et non scandale sanitaire, n'était toutefois pour nous qu'un prétexte à une réflexion plus large sur la filière viande. D'autant que si le consommateur a été trompé, il n'a pas été empoisonné.
La première question abordée par la mission a été celle du niveau de sécurité sanitaire des produits carnés en France et en Europe. La circulation non contrôlée des produits alimentaires n'est pas sans risques, or le consommateur exige un haut degré de sécurité sanitaire. Les alertes sanitaires ont des effets économiques dévastateurs, comme l'a montré la crise du concombre il y a deux ans. Dans le doute, les consommateurs se détournent du produit. Les dommages se comptent en centaines de millions d'euros, les producteurs étant les premiers touchés.
Nos constats sont toutefois rassurants. La réglementation a été renforcée depuis une quinzaine d'années, à la suite de la crise de la vache folle, et unifiée au niveau européen avec le paquet Hygiène de 2005. Le maître mot est la traçabilité, du pré à l'assiette. La sécurité repose d'une part sur les entreprises du secteur, qui doivent mettre en oeuvre des démarches qualité et contrôler leur approvisionnement et leur production, d'autre part sur l'État, en charge de l'agrément sanitaire et du contrôle des entreprises. L'abattage-découpe est particulièrement surveillé. Outre l'obligation de se doter de plans de maîtrise des risques, les abattoirs accueillent les services vétérinaires qui contrôlent les carcasses.
La crise de la viande de cheval a montré que la traçabilité fonctionne : le parcours des lots de viande incriminés a été identifié très rapidement. Mais elle a aussi montré la fragilité du système : alors que les cartons de viande, fraîche ou congelée, circulent librement en Europe, on manque de moyens financiers et humains pour renforcer les contrôles, et les escrocs sauront toujours contourner la loi... Nous avons découvert un commerce massif de viande en vrac sous forme de minerai, vendu comme une matière première banale via des circuits économiques complexes faisant intervenir des intermédiaires sur lesquels pèsent des obligations très légères, voire inexistantes.
Comment améliorer la confiance dans notre système ? Nos propositions s'articulent autour de l'idée de coproduction de la sécurité alimentaire, qui suppose une action combinée des entreprises et des pouvoirs publics, mais aussi du consommateur. Celui-ci doit être mieux informé par un étiquetage de l'origine de tous les produits carnés qu'il consomme, bruts ou transformés. C'est un combat à mener à l'échelle européenne.
Je propose aussi d'instaurer un dispositif d'agrément pour les opérateurs commerciaux purs comme les traders ; renforcer les contrôles sur l'aval de la chaîne, sur les établissements de quatrième transformation ou de remise directe ; durcir les sanctions en cas de tromperie. Cela suppose de mettre fin à l'hémorragie des services de contrôle officiel de l'État. Il faut aussi être vigilant sur les pratiques de nos voisins, car le laxisme d'un seul tire tout le monde vers le bas.
La deuxième question que nous nous sommes posée est celle de l'état économique de la filière viande. Jamais la situation n'a été aussi difficile. Les filières sont pourtant très diverses : le poulet est très intégré, les aviculteurs ont une visibilité complète sur leurs débouchés ; le porc est bien organisé, dans un jeu concurrentiel très ouvert ; la filière ovine, plus modeste, a fait des progrès en matière d'organisation ; enfin, la filière bovine est très atomisée, avec des cycles de production longs et un poids croissant de l'élevage spécialisé de bovins de race à viande par rapport à la vache de réforme. Quoi qu'il en soit, malgré une hausse des prix, les revenus des éleveurs restent faibles, du fait du renchérissement de l'alimentation animale et de la hausse générale des charges. En conséquence, le cheptel ne cesse de se réduire, et les jeunes hésitent à s'engager dans un métier difficile et peu rémunérateur. Ce déclin fragilise toute la chaîne, à commencer par le maillon industriel qui a besoin de tourner à plein régime pour être rentable face à la concurrence de pays qui, comme l'Allemagne, pratiquent le dumping social.
À en croire l'observatoire des prix et des marges, plus personne ne gagne sa vie dans la filière bovine. Pour inverser la tendance, les professionnels et les pouvoirs publics ont proposé un plan pour la méthanisation, un autre pour la filière volaille, un troisième pour la filière porcine, des contrats de filière dans l'agroalimentaire, des états généraux de la viande... Nous proposons pour notre part un plan global pour sortir la filière viande de l'ornière.
L'étiquetage doit permettre au consommateur de distinguer produit standard et produit de qualité, avec mention du pays d'origine sur les cartes des restaurants et en restauration collective, y compris pour la viande transformée. Pour faire du consommateur un allié, il faut l'informer des pratiques abusives des distributeurs et expérimenter le double étiquetage des prix. Enfin, supprimons les promotions abusives qui effondrent les prix psychologiques de la viande et entretiennent la course folle aux prix bas.
Pour améliorer la compétitivité des acteurs de la filière, la mission recommande une réorientation de la PAC en direction des éleveurs, une politique volontariste d'installation de jeunes éleveurs, une nouvelle prime à l'engraissement, des aides aux investissements. Le maillon industriel doit aussi être soutenu, en organisant mieux le secteur de l'abattage, en favorisant l'exportation ou encore en maintenant les restitutions dans le secteur du poulet.
La simplification est un levier de compétitivité : je propose de subordonner toute norme nationale plus sévère que les normes européennes à une étude d'impact, de ne pas imposer de contraintes inutiles en matière d'épandage, d'alléger et d'accélérer les procédures pour les éleveurs porcins. Nous devons aller plus vite, sans sacrifier nos exigences environnementales, car le temps de l'économie n'est pas le temps de l'administration : on ne peut demander à un jeune d'attendre plusieurs années les autorisations administratives avant de s'installer. Enfin, nous proposons de demander à Bruxelles la révision des conditions d'application de la directive sur le détachement des travailleurs, qui pénalise la France.
La troisième problématique abordée par la mission concerne les réponses de la filière viande aux enjeux sociétaux. La consommation de viande est de plus en plus contestée, au nom de la santé, de l'environnement ou encore du bien-être animal. Or la viande fait partie de notre patrimoine gastronomique et l'élevage est indispensable à l'entretien de nos territoires ruraux. La défiance ne cessera que si l'on rapproche le consommateur du terroir, en privilégiant circuits courts et produits de qualité. Il faut rappeler les avantages environnementaux de l'élevage à l'herbe et ne pas stigmatiser la viande par un étiquetage environnemental partiel et partial. La filière doit aussi former les professionnels et améliorer les conditions de travail.
Nous nous sommes intéressés au bien-être animal, en particulier au moment critique du passage de la vie à la mort. Si nous sommes moins sensibles à cette question que les anglais ou les scandinave, les révélations médiatiques sur certaines pratiques ont choqué. L'Europe a imposé l'étourdissement préalable des animaux de boucherie, sauf pour ce qui concerne l'abattage rituel. Ainsi, 14 % du tonnage de viande et 26 % des animaux de boucherie seraient abattus sans étourdissement, mais nous manquons de chiffres fiables. Le décret de décembre 2011 réserve l'abattage sans étourdissement aux seuls animaux destinés au circuit rituel répondant à des commandes. L'absence d'insensibilisation lors de l'abattage rituel présente un risque sanitaire mal évalué, sans parler de la souffrance des bêtes. Certains bovins mettraient 14 minutes pour mourir. Les témoignages sont horrifiants.
Les pratiques en abattoir doivent être améliorées. Le décret de 2011 impose des formations, mais il faut mieux contrôler son application. Les services de l'État doivent inspecter plus régulièrement les pratiques. Si l'on ne peut interdire l'abattage rituel, informons du moins le consommateur via un étiquetage clair et non stigmatisant. Secondons les Pays-Bas, qui plaident en ce sens au niveau européen.
Nous sommes tous fiers de la qualité de l'élevage français, premier maillon d'une longue chaîne qui va jusqu'au consommateur. De nombreux emplois sont en jeu. À nous de tout mettre en oeuvre pour assurer l'avenir de nos filières viande.
M. Gérard Bailly. - En tant que président du groupe d'études de l'élevage, je veux vous féliciter pour cet excellent travail qui sera, je l'espère, pris en considération. Quelques points mériteraient peut-être d'être davantage développés. Vous évoquez ainsi la concurrence déloyale de pays comme l'Allemagne, mais sans mentionner la différence du coût horaire du travail. Ce problème devra impérativement être pris en compte par le ministre des affaires européennes si nous voulons rester compétitifs.
Pourquoi ne pas souligner dans le rapport que nous importons d'Amérique du Sud des poulets nourris aux céréales OGM ? C'est d'autant plus incohérent que l'on vient de demander à l'INRA d'interrompre ses essais sur des peupliers génétiquement modifiés...
Je m'interroge également sur le rapport Chalmin de l'Observatoire des prix et des marges. Si les grandes et moyennes surfaces (GMS) n'ont pas de marge, comment amortissent-elles leurs bâtiments ? On peut faire dire ce que l'on veut aux chiffres...
Vous laissez entendre que les mesures annoncées en matière de modernisation des bâtiments d'élevage ne sont pas très bien connues et mises en oeuvre sur le terrain. Nuançons : les paysans, les chambres d'agriculture, connaissent ces subventions. C'est le coût, les contraintes et le manque de visibilité sur leur avenir qui freine les investissements dans les bâtiments.
Un mot sur la surprime aux 50 premiers hectares proposée dans le cadre de la réforme de la PAC. Celle-ci devrait tenir compte du nombre de travailleurs par exploitation. Sans la transparence, un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de trois associés n'aura que 50 hectares ; d'autres, qui auront fait de la course au foncier, auront trois transparences, soit 150 hectares. C'est injuste.
Vous préconisez le relèvement du plafond des aides spécifiques aux zones de handicap naturel. Or si le prix des céréales continue de grimper, toutes les zones où l'on ne peut faire que de l'élevage devraient être considérées comme zones défavorisée ! Il faut tenir compte de ces spécificités.
Enfin, vous évoquez l'alimentation fourragère en parlant de l'herbe, mais pas du foin. On favorise l'ensilage d'herbe ou de maïs, mais n'oublions pas ceux qui font du foin, notamment en montagne.
M. Gérard Le Cam. - Les propositions du rapport vont dans le bon sens. L'élevage français doit faire face à bien des dangers : la végétalisation de l'agriculture, les accords commerciaux entre l'Union européenne et les Etats-Unis, qui risquent de déstabiliser certains secteurs... Les primes ne suffiront pas : il faut assurer des prix suffisamment rémunérateurs pour permettre aux éleveurs de se développer. Le désengagement des jeunes s'accélère, je le vois en Bretagne pour ce qui concerne l'élevage laitier, activité encore plus exigeante que l'élevage allaitant. La situation est inquiétante.
Un mot sur la proposition n° 8 du rapport : il faut non seulement mettre fin à l'hémorragie des effectifs de la DGCCRF en matière de contrôle sanitaire, mais les renforcer !
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Vous avez raison sur la question des prix. Le rapport préconise que l'on cesse les promotions abusives qui déstabilisent le marché. Le sujet relève toutefois de la négociation entre producteurs et distributeurs. Le projet de loi relatif à la consommation apportera peut-être des réponses.
M. Charles Revet. - À mon tour de féliciter toute l'équipe pour ce travail. Le minerai de viande se prête particulièrement à la fraude en ce qu'il est plus difficile d'identifier de la viande hachée qu'une carcasse. Quel sont les volumes en jeu ? Avez-vous comparé nos pratiques avec celles de nos partenaires européens ? Sont-ils de gros consommateurs de minerai de viande ? Il y a sans doute là une piste pour lutter contre la fraude.
Les professionnels déplorent l'exportation de nos broutards vers des pays comme l'Italie ou la Turquie. L'Allemagne, elle, a su relever le défi en matière de viande bovine et porcine ; résultat, nous importons même du lait d'Allemagne !
L'Union européenne a donné dans le passé son accord pour que les importations de viande des États-Unis passent de 20 000 à 40 000 tonnes. En 1987, rapporteur d'une loi sur les anabolisants, j'avais refusé de suivre le gouvernement. La décision fut prise par décret d'interdire en France l'utilisation des anabolisants naturels d'origine française. Or la même année, en 1987, les États-Unis autorisaient, eux, l'utilisation des anabolisants français. La viande importée sera-t-elle certifiée sans anabolisants ? Il serait paradoxal que nos concitoyens mangent des steaks américains aux hormones françaises, quand nos producteurs n'ont pas le droit des les utiliser !
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Il existe différentes qualités de minerai de viande qui n'est pas consommé en tant que tel. Il sert par la suite à la fabrication de viande hachée ou moulinée. On ne retrouve pas de quartiers entiers, mais parfois d'assez gros morceaux.
Je vous rejoins sur la question de l'élevage des broutards à l'étranger, mais cela peut difficilement faire l'objet d'une proposition du rapport.
S'agissant de l'accord commercial entre l'Union européenne et les Etats-Unis, notre meilleure arme sera d'informer les consommateurs sur l'origine de la viande, de faire de la pédagogie et de se montrer exigeants au niveau européen.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Selon l'Institut de l'élevage, les minerais représentent 30 % d'une carcasse de vache laitière et 27 % d'une carcasse de vache allaitante. Il peut s'agir du plat de côtes, que l'ont mangeait autrefois en pot-au-feu, de chutes de viande à la découpe, ou encore d'aponévrose, c'est-à-dire de l'enveloppe des muscles, qui donne sa consistance au mélange utilisé dans les plats préparés.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Il ne s'agit pas à ce stade de viande hachée.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Quand il est congelé, il est difficile de différencier le minerai de boeuf de minerai de cheval.
M. Georges Labazée. - Le rapport aurait pu mettre davantage l'accent sur les efforts faits par les territoires en matière de signes officiels de qualité. Depuis plusieurs années, les organisations professionnelles agricoles, soutenues par les pouvoirs publics et les collectivités locales, se sont battues à Bruxelles pour décrocher des labels, des signes officiels de qualité. C'est le cas de la filière porcine : l'indication géographique protégée (IGP) Jambon de Bayonne a conduit à fixer les zones de production mais aussi de transformation et de séchage. Son impact est tel que la demande est désormais plus forte que l'offre ! N'oublions pas la dimension territoriale : certaines zones s'en sortent bien, c'est le cas des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, avec la forte valorisation de la filière canard et foie gras. Atténuons les propos trop pessimistes !
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Je vous propose de modifier l'intitulé du chapitre : parlons des initiatives pour « redresser la filière » plutôt que pour en « empêcher le déclin ». Nous pourrons insister sur ce point en citant notamment la volaille de Bresse, chère à notre rapporteure.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Je vous rejoins : nous devons aussi préciser qu'il faut valoriser les signes de qualité en lien direct avec les territoires. Ces filières manquent de matière première, c'est bien un signe de réussite ! Nous pourrons prendre comme exemple le jambon de Bayonne et la volaille de Bresse.
M. Georges Labazée. - Il y a une véritable prise de conscience et un effort pour valoriser les produits bio et les circuits courts : de plus en plus de conseils généraux se dotent de personnels spécialisés pour accompagner les cantines scolaires et faire le lien entre les producteurs et les consommateurs que sont les collégiens, qui représentent un débouché important pour les agriculteurs. Ces pratiques sont aussi expérimentées avec la clientèle captive des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
C'est tout le problème de ce rapport : à un niveau macroscopique, tout est juste. A l'échelle des territoires, c'est plus compliqué. Ils s'en sortent lorsque des solutions émergent. La situation est proche de celle décrite par Laurent Davezies dans ses ouvrages sur les défis des territoires.
M. Joël Labbé. - La plupart des mesures sont intéressantes. Elles reposent sur de bonnes intentions. Celles sur l'Europe me dépassent, mais en tant que partisan du rôle moteur de la France dans l'Europe, je suis favorable à ce qu'elles figurent dans le rapport.
Le groupe écologiste souhaite annexer sa contribution au rapport, qui ne met pas assez l'accent sur le changement de modèle dont nous avons besoin. Il n'y a certes pas de solution miracle. Mais dans dix ans, la moitié de nos agriculteurs seront partis en retraite : il nous faut donc une politique volontariste d'aide à l'installation des nouveaux agriculteurs. A défaut, il nous faudra accepter l'industrialisation de la production. Or nous pouvons revenir à une agriculture à taille familiale, grâce à une politique foncière appropriée.
Le soutien aux filières de qualité est évidemment souhaitable, mais il faut aussi regagner des parts du marché national, en particulier sur le poulet puisque 45 % des poulets consommés en France ne sont pas produits sur notre territoire, alors que nous en exportons ! L'éducation à la consommation, une consommation équilibrée, moins carnée et de meilleure qualité, doit être davantage soutenue.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Les contributions des groupes seront annexées au rapport à leur demande.
M. Joël Labbé. - J'ajoute que nous nous opposons à l'allègement de l'autorisation d'installation d'élevages porcins de moins de 2 000 têtes.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Il ne s'agit pas d'être moins strict sur les rejets industriels nocifs pour l'environnement, seulement d'alléger la procédure administrative afin de renforcer nos éleveurs dans la concurrence que nous livrent nos voisins.
M. Joël Labbé. - Cela nous dérange néanmoins.
M. Charles Revet. - Il est au contraire capital de simplifier les choses !
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Favoriser l'élevage de porcs sur leur lieu de consommation est plus respectueux de l'environnement, puisque cela limite les émissions carbone associées à leur transport.
M. Joël Labbé. - En tant que Breton, je ne défends évidemment pas la limitation des élevages de porcs en France. Je m'oppose simplement à l'industrialisation de la production. La méthanisation n'est acceptable qu'à cette condition. Je m'abstiendrai donc sur le rapport.
M. Gérard Bailly. - Les petites structures se prêtent mal à la méthanisation.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Petites structures et méthanisation ne sont pas incompatibles.
M. Gérard Le Cam. - Il en est une en Allemagne qui n'a que 55 vaches.
M. Gérard Bailly. - Est-elle rentable ?
M. Gérard Le Cam. - Parfaitement.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Venons-en aux propositions de compléments. D'abord, dans la troisième partie du rapport, nous pourrions placer le chapitre consacré au travail des hommes avant celui relatif au bien-être animal.
M. Gérard Bailly. - Je vous applaudis !
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - D'ailleurs, une main d'oeuvre mieux formée ne peut que favoriser le bien-être animal.
Ensuite, le ministère ne nous a pas répondu sur les quantités abattues rituellement Proposons donc de compléter le décret de décembre 2011 relatif à l'abattage rituel afin que des compilations statistiques soient réalisées et que cessent les supputations sur ce sujet.
Enfin, l'étiquetage du pays d'origine est acquis pour les produits frais, mais celui sur les produits transformés est encore en débat au niveau européen. Le ministre Benoît Hamon en a défendu le principe à Bruxelles lundi dernier. Notre rapport comprend deux formulations distinctes : d'une part, nous proposons de généraliser l'étiquetage d'origine pour les viandes fraîches et transformées ; d'autre part, nous proposons d'instaurer un étiquetage obligatoire des viandes selon leur mode d'abattage, en utilisant des formulations non stigmatisantes. Nous pourrions retirer le caractère obligatoire de la seconde proposition, rendant nos positions acceptables toutes deux par l'Union européenne.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Je crois à l'inverse que nous devrions être plus exigeants, en demandant l'étiquetage obligatoire dans ces deux cas de figure. Plutôt que de niveler les choses par le bas comme le fait l'Europe, soyons exigeants.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Si l'Union européenne n'en décide pas ainsi, rien ne se fera. Les industriels resteront libres de s'engager pour la transparence ou non, et nous avons bien vu qu'une partie d'entre eux y était plutôt réticente. Mais c'est à vous de décider du niveau d'exigence de notre rapport.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Je plaide pour placer la barre plus haut. L'état de nos filières l'exige. Il faut inciter l'Union européenne à être ferme sur l'étiquetage des produits. Nous avons, tous, tout à gagner à davantage de transparence. C'est de surcroît un rempart efficace contre la fraude.
M. Charles Revet. - Il faut en même temps que ce que nous proposons soit réalisable, sinon rien ne se fera. Si l'obligation d'indiquer l'origine du produit ne semble pas poser de problème, il n'en va pas de même pour le mode d'abattage. Sans être contre, je ne vois pas comment c'est techniquement possible.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Ayons le courage de dire les choses.
M. Georges Labazée. - Les 40 propositions que dresse le rapport sont de natures très différentes. Certaines trouveront leur application à l'échelle européenne, d'autres au niveau national. Toutes ne revêtent pas un caractère d'urgence, et leur application est envisageable à un horizon plus ou moins lointain. A l'attention des lecteurs pressés et afin de rendre notre travail plus crédible et nos propositions plus percutantes, je suggère de les classer selon leur facilité de mise en oeuvre.
M. Gérard Bailly. - L'Union européenne est très réservée sur la mention du pays d'origine. Nous pourrions proposer de l'accompagner du logo européen.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - L'administration nous a confirmé que la mention du pays d'origine n'avait pas d'importance au sein de l'Union européenne : seule compte la distinction entre la viande d'origine européenne et celle qui ne l'est pas. Il faudra faire changer la donne à Bruxelles.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - S'agissant des produits transformés, cela risque d'être plus compliqué. C'est néanmoins envisageable.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Nous effectuerons une forme de service après-vente, ou devrais-je dire de service après-vote, auprès des ministères de la consommation, de l'agriculture, de l'industrie et des affaires européennes, ainsi qu'aux professionnels du secteur. Un important salon de l'élevage se tiendra d'ailleurs bientôt à Rennes en septembre, puis à Cournon d'Auvergne en octobre. Nous tâcherons de nous y rendre. Nous distinguerons dans le corps de notre rapport les mesures nationales en voie d'être prise, les mesures européennes à inscrire dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, et enfin la conjugaison de ce qui relève des plans national et européen.
Mme Anne Emery-Dumas. - Quelques pages de conclusion s'imposent également, pour que le rapport ne se termine abruptement.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Venons-en aux propositions de titre. « Traçabilité, compétitivité, durabilité : un remède de cheval pour la filière viande » est une première option qui interpelle le lecteur et met l'accent sur la difficulté de la situation.
M. Gérard Bailly. - L'allusion au scandale récent de la viande de cheval me pose problème.
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - C'est volontairement provocateur... Seconde option : « traçabilité, compétitivité, durabilité : trois défis pour la filière viande ».
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure. - Nous avions également pensé à « la filière viande sur le gril »...
Mme Bernadette Bourzai, présidente. - Le second titre me semble recueillir un large consensus. Nous tiendrons une conférence de presse demain pour présenter le rapport. En outre, je demanderai qu'un débat ait lieu sur le sujet en séance à la rentrée, probablement en octobre.
A l'issue de ce débat, la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe a adopté le rapport à l'unanimité des suffrages exprimés, M. Joël Labbé s'abstenant, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.