- Mercredi 29 mai 2013
- Enseignement supérieur et recherche - Audition de M. Gilles Boeuf, président du Muséum d'histoire naturelle
- Enseignement supérieur et recherche - Audition de M. Didier Houssin, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), et M. Emmanuel Saint-James, président de l'association « Sauvons la recherche »
- Communications diverses
- Hommage à Jean Vilar : lecture d'un texte par M. Robin Renucci
- Jeudi 30 mai 2013
Mercredi 29 mai 2013
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -Enseignement supérieur et recherche - Audition de M. Gilles Boeuf, président du Muséum d'histoire naturelle
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission entend M. Gilles Boeuf, président du Muséum d'histoire naturelle, sur le projet de loi n° 614 (2012-2013) relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. Gilles Boeuf, président du Muséum d'histoire naturelle. - J'ai été plusieurs fois auditionné à l'Assemblée nationale et je me réjouis de cette première audition devant une commission sénatoriale, car il est important que les chercheurs publics s'expriment devant les élus. Je crois à l'union de toutes les volontés pour améliorer la situation environnementale. J'ai participé l'an dernier à 84 conférences dans le monde entier, partout l'on me dit que des changements doivent être opérés. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais accepté la présidence du Muséum afin de jouer un rôle en 2010 lors de la conférence de l'Organisation des nations unies (ONU) sur la biodiversité. Nous avions à cette occasion formulé trois questions : qu'est-ce que la biodiversité, pourquoi s'en préoccuper et que faire après le 31 décembre 2010 ? Les 25 et 26 janvier 2010, à Paris, à l'Unesco, nous avons dû reconnaître que nous n'avions pas tenu les engagements fixés en 2002 à Johannesburg et, c'est typique de l'homo sapiens, nous avons reporté l'échéance à 2020. Aussi l'ONU a-t-elle consacré la décennie à la biodiversité.
Il nous faut encore réfléchir sur le climat, la transition énergétique, l'eau, la biodiversité. Je me suis beaucoup rapproché du monde de l'entreprise. Nous devons pouvoir tenir un discours commun. Il convient d'aborder ces sujets avec humilité, d'abord, sans croire que l'homme est sorti de la nature, qu'il n'est plus lié aux considérations biologiques communes à toutes les espèces vivantes - nous portons plus de bactéries que nous n'avons de cellules. Le partage, ensuite, est ici essentiel. L'homo erectus a vécu de cueillette et de chasse pendant 600 000 ans à Tautavel sans nuire à la biodiversité parce qu'il restait en communautés d'une vingtaine de personnes ; nous sommes désormais 7 milliards et bientôt 9 et ne partageons pas. Le respect, aussi, est indispensable pour travailler ensemble. Enfin, ce n'est pas l'équilibre qui caractérise la nature : elle change en permanence, mais revient à une harmonie après un traumatisme.
Ma position à la présidence du Muséum m'a mis en contact avec des communautés que je ne voyais pas dans mon laboratoire. Or, lorsque je suis allé au sommet de Rio, j'ai constaté qu'il fallait 2 heures 30 pour aller du forum du monde politique à celui des peuples... Nous nous heurtons en outre au déni et à la triche - les championnes n'atteignent plus les performances réalisées jadis par les sportives est-allemandes. En revanche, dans la réflexion sur la manière de vivre en harmonie, je crois à l'apport des citoyens à la connaissance - nous avons 25 000 acteurs participatifs. Et pour cela, le Muséum s'emploie à restituer cette connaissance, de manière à fidéliser ceux qui la créent en contrepartie d'une meilleure prise en compte des questions environnementales.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les méthodes utilisées et nous donner quelques exemples de coopération et de participation des citoyens à la production de la connaissance ?
M. Gilles Boeuf. - Dès les 16 et 17e siècles, pas une expédition ne partait sans un botaniste à bord, qui rapportait diverses espèces de plantes. Plus tard, les cartes botaniques ont suivi le chemin de fer. Pendant des siècles des passionnés, ecclésiastiques, instituteurs ou militaires ont cherché à décrire la nature. Ils ont archivé des données sur des carnets naturalistes dont 80 % ont été perdus, mais il nous reste leurs collections.
Puis, dans les années 1950-60, l'engouement naturaliste a reculé tandis qu'émergeaient de nouvelles disciplines comme la biologie moléculaire. Le Club de Rome a exprimé des interrogations tandis que des associations de protection de la nature ont commencé à archiver des données. L'écologisme politique est apparu à ce moment-là. Rosen, biologiste de la conservation, a inventé le mot biodiversité en 1985. C'est donc une notion très jeune ; elle a le même âge que mes étudiants. En 1992, à Rio, le mot sort des laboratoires et prend une connotation politique.
Le monde participatif a ainsi contribué au regain d'intérêt pour les études sur la nature. Le citoyen lambda met des qualités ou des connaissances particulières au service d'une passion dans laquelle il est prêt à investir temps et argent, contribuant ainsi à un effort collectif. L'histoire du Muséum, ses collections, le prédisposent à mobiliser ces personnes, qui portent parfois des connaissances uniques. Nous avons cherché à les séduire et à les fidéliser en lançant des actions groupées sous le vocable de Vigie Nature et déclinées par thématiques. C'est aussi Vigie Ciel, et les deux cents caméras acquises avec l'aide des conseils généraux et des élus locaux, et grâce auxquelles nous suivons les météorites et pouvons en récupérer les morceaux. Chaque objet que vous avez vu chez nous est un sujet d'étude, qui raconte une histoire. Celle de la météorite d'Orgueil remonte à 4,6 milliards d'années ! Les participatifs nous aident à trouver les objets, à les récolter, à les archiver et à ranger les collections. Palliant parfois l'absence de spécialistes, ils nous assistent dans notre mission.
Certains s'intéressent aux grenouilles, aux chauves-souris, aux poissons, aux papillons de jardin ou aux oiseaux. Les « sauvages de ma rue » méritent qu'on y réfléchisse : arrêtez-vous pour voir ces plantes qui poussent dans une anfractuosité du béton. Au total, nous avons réuni entre 15 000 et 20 000 personnes qui récoltent de l'information, l'archivent dans des banques de données fiabilisées - nous avons besoin de votre aide pour cela - et dont on tire collectivement parti.
Ceux que nous avons réunis, nous les avons formés et ils sont devenus formateurs. Après tout, lorsque les maires ont lancé l'inventaire des communes, le monde associatif leur a apporté sa connaissance. Nous retrouvons les participatifs au plus haut niveau : un article de Nature Climate Change, en janvier 2012, utilisait 1,5 million d'heures d'observation par 10 000 personnes mobilisées de l'Ukraine à Brest, pour montrer que les oiseaux sont remontés de 33 kilomètres vers le nord et les papillons de 114 kilomètres. L'on peut commencer à légiférer sur des données aussi robustes car le but est bien de mieux gérer l'environnement que ce que l'on fait aujourd'hui.
Il est moins difficile de séduire que de fidéliser le participatif. Il y faut une restitution permanente. Tela Botanica, à Montpellier, compte 15 000 adhérents : trois personnes adhèrent chaque jour, mais deux démissionnent. Notre rôle est de susciter, d'écouter. Nous suivons deux types d'approches. La phénologie rassemble une multitude de données : quand avez-vous vendangé, quand avez-vous entendu le martinet dans votre jardin pour la première fois ? Vous voyez ainsi changer le climat, comme on l'a fait en étudiant les quipus, ces cordelettes à noeud au moyen desquelles les Incas consignaient leurs données. Ils nous renseignent sur l'évolution de la période de la récolte de la pomme de terre. Les inventaires, eux, aident à mettre en évidence ce qui vit à tel ou tel endroit. Aussi l'agriculteur peut-il devenir un remarquable participatif. Encore faut-il expliquer la raison des choses, montrer qu'on n'instrumentalise pas les données mais qu'on les restitue tout en les exploitant collectivement pour mettre en place d'autres méthodes. Le Muséum était idéalement placé pour cela.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Merci de nous avoir donné à voir par des exemples l'importance de la science participative. Nous, politiques, allons nous trouver face à un projet de loi dans lequel cette partie science-société doit exister.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. - Vous dévoilez là une stratégie... Il est vrai que nous avons constaté que science, technologie et innovation sont largement absentes du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. Gilles Boeuf. - Tout à fait.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. - On nous a dit qu'ils auraient leur place dans les lois de décentralisation. L'Assemblée nationale a introduit un amendement confiant aux régions le pilotage de ces domaines. Je pense qu'il faut que nous allions plus loin et que la culture scientifique participe de l'évolution des missions de l'université. Vos propos, qui font rêver, me confortent d'ailleurs dans cette idée. Vous montrez qu'il est possible de mobiliser des milliers de personnes sur des sujets importants pour l'avenir de notre planète tout en créant du lien social. Cessons de considérer les chercheurs comme des farfelus qui comptent les papillons... Un directeur de service de ma commune consacre ses vacances à photographier les papillons. Il se rend ensuite dans les écoles et suscite des vocations.
L'article 7 du projet de loi, dans la rédaction issue de l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale, confie au service public de l'enseignement supérieur la mission de favoriser les interactions entre sciences et société. Il y va de l'appropriation des grands enjeux pour éviter le déni et la peur, pour que le principe de précaution ne se transforme pas en principe d'interdiction. Qu'en pensez-vous ?
La dimension participative de la culture scientifique vous semble-t-elle suffisamment prise en compte par les organismes de recherche, les établissements d'enseignement supérieur et la communauté des chercheurs ? J'ai perçu une fracture entre les chercheurs qui, comme vous, exaltent la participation, et ceux pour lesquels la science s'explique mais ne se partage pas.
Les chercheurs et les enseignants-chercheurs sont-ils suffisamment sensibilisés à leur mission de diffusion mais aussi d'accroissement de la culture scientifique par la participation ? Enfin, quel regard portez-vous sur les moyens dont disposent les universités pour assurer cette mission d'augmentation de la connaissance scientifique, technologique et industrielle, de diffusion, de participation, et de développement de la culture citoyenne ?
M. Gilles Boeuf. - Professeur des universités, la présidence du Muséum n'est qu'une fonction exercée pour cinq ans ; viscéralement, je suis un enseignant qui aime son métier. Je prendrai l'exemple de Spipoll (suivi photographique des insectes pollinisateurs) ; cette opération consiste à se mettre vingt minutes devant une fleur pour photographier tout ce qui vient s'y poser pour y butiner : abeilles, bourdons, papillons, oiseaux... Nous avons ainsi vu comment les abeilles se répartissent dans Paris et observé des résultats contre-intuitifs : le miel de Paris est bien meilleur que celui de la banlieue...
M. David Assouline. - Tout est meilleur à Paris...
M. Gilles Boeuf. - Ces paradoxes nous incitent à travailler au niveau local. Le rôle des collectivités locales est fondamental à cet égard. Comment passe-t-on du local au global ? Voilà une question intéressante pour le législateur. Si j'adresse un reproche au système éducatif, c'est le compartimentage entre les mathématiques, la philosophie, l'histoire... Quand a-t-on dit à un gamin que c'était bien de faire des mathématiques, mais que l'anglais était aussi utile et qu'il devait aller à son cours de langues avec le même engouement, ou encore que les sciences naturelles avaient des relations avec la physique ? Or à l'université, nous demandons de plus en plus aux étudiants de faire du transversal. Les questions que nous nous posons ne peuvent être résolues par un physicien, un écologue, un chimiste ou un sociologue seuls : c'est ensemble qu'ils doivent travailler, en apportant chacun des éléments.
Il en va de même à l'université. Tel étudiant en médecine se demande pourquoi il étudierait la systématique des coléoptères. Il n'empêche que réfléchir à une démarche intellectuelle et scientifique est fondamental. Il est important d'avoir une base commune à tous. L'université est assez mal préparée sur ces sujets longtemps considérés comme secondaires. S'il y a eu des progrès, nous les devons à quelques universitaires passionnés qui n'hésitent pas à passer leurs dimanches à montrer à des curieux pourquoi il faut protéger les grenouilles. En Martinique, où je pars bientôt, le chlordécone, ce produit horrible employé pour traiter les bananes, est maintenant présent dans l'organisme des langoustes, dans l'océan.
Bien que des universitaires jouent un grand rôle participatif, rien n'est organisé au sein de l'université. Si la loi le prévoit, le corolaire immédiat pour le chercheur que je suis, c'est que ce rôle soit reconnu dans sa carrière, que la diffusion de l'information au public soit reconnue aussi bien qu'une publication dans Nature ou Science. Ma remarque vaut aussi pour les grands instituts de recherche comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Désormais, ce qui compte pour un chercheur, c'est le nombre de citations de ses travaux. Il faut cesser de juger les gens uniquement sur le nombre de leurs publications de haut niveau et par l'impact factor. Pour cela, l'université, le CNRS, doivent reconnaître la mission de participation à la diffusion de la connaissance et d'organisation des participatifs qui apportent des données, et les traitent avec lui. Cela suppose que les mentalités changent.
Notre rôle est d'amener les gens à se poser des questions neuves. Je vous suis entièrement sur ce que la loi peut apporter, mais il faut jouer le jeu ; si on écrit quelque chose, il faut le faire : l'université doit reconnaître ces activités particulières. C'est moins une question de moyens, que de respect. Bien sûr, il faut des moyens, un noyau dur de professionnels, car s'il n'y a que des bénévoles, cela ne peut pas marcher. Reste que la question est d'abord celle des mentalités et de l'engouement à susciter et à faire partager.
L'université a aussi un rôle de formation du public en dehors de ses seuls étudiants. Le Muséum forme beaucoup de professeurs de physique, de chimie, de sciences de la vie et de la terre. Celui qui enseigne aujourd'hui la biodiversité n'a pas reçu d'enseignement. J'appartiens moi-même à la génération qui a inventé la biologie moléculaire ; j'en fais beaucoup et je l'enseigne bien, mais, par définition, on ne me l'a pas enseignée ! Comment, dans cette évolution extrêmement rapide des disciplines et des technologies, arrive-t-on à gérer cette situation ?
Science et technologie : le débat est important pour moi. À la télévision, neuf émissions scientifiques sur dix sont consacrées à la technologie, pas à la science. La science a viscéralement besoin de technologie, mais sans science, la technologie ne peut tout résoudre. Comment peut-on, dans l'état actuel des connaissances, être optimiste ? Le scientisme pur et dur, qui veut tout réinventer, est une philosophie dramatique. C'est en observant, en scrutant, en tirant parti de ce que l'on voit que l'on avance : de fabuleuses réalisations technologiques sont issues du biomimétisme ou de la bio-inspiration. Sachons réunir trois mondes : celui du scientifique, de l'ingénieur et de l'entreprise privée. Depuis sept ou huit ans, le bout des ailes des avions a été remonté. Un observateur a remarqué que les rapaces des Pyrénées volaient mieux en remontant le bout de leurs ailes. Un ingénieur a transposé cette découverte sur un avion, d'où une économie de carburant de 20 %. Bien sûr, tout le monde ne peut pas faire de la science participative, mais si les scientifiques montrent un engouement, il convient de faciliter les relations entre l'université et le grand public.
Le Muséum essaime. François Houllier, le président de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), enthousiasmé, m'a dit qu'il allait expérimenter la participation avec les agriculteurs. Tant mieux ! L'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) va s'y mettre pour le domaine marin, l'IRD (Institut de recherche pour le développement) peut le faire : pourquoi ne pas viser nos ex-colonies ? Un monde participatif peut parfaitement y exister : il n'a jamais aussi peu plu dans certaines régions qui n'ont jamais connu autant d'inondations parce que les sols ont été totalement transformés, et sont devenus complètement imperméables. L'AFD (Agence française de développement) consacre 20 millions d'euros à des opérations du monde associatif en Afrique, dont la muraille verte au Sénégal. Le chercheur français peut apporter beaucoup, pour peu que l'on reconnaisse que cela fait partie de sa mission.
Certains m'ont reproché de faire de la pseudo-science avec Spipoll. Un amateur reconnaît 100 oiseaux ; 600 pollinisateurs, c'est impossible. Un an après, nous avons donné un papier à PlusOne. Sans prendre les opposants à contrepied, j'ai demandé qu'on m'aide à traiter les données. Voilà ce qu'il faut faire : convaincre le chercheur !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - J'ai participé à la visite que nous avions organisée au Muséum. Vous parlez d'engouement commun. Effectivement, les défis de développement de la planète ne peuvent être relevés de façon isolée. Vous ouvrez une porte sur l'exigence démocratique de ces défis. J'attends du projet de loi qu'il saisisse pour sa part le défi démocratique. J'ai retenu vos propos sur les oiseaux. Comment tout cela peut-il se réaliser, avec cette part d'incertitude, presque de circonstanciel ? Comment cette approche peut-elle cohabiter avec une recherche fondée sur le financement au projet qui est très stérilisant et est confirmé par le projet de loi ?
M. Gilles Boeuf. - Je vous suis complètement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Ne faut-il pas poser les termes d'une rupture pour évoluer différemment ? Chacun doit pouvoir participer à ce beau projet de développement durable. Il faudra poser les termes d'organismes et de financements publics.
Mme Maryvonne Blondin. - Vos propos enthousiastes et dynamiques m'ont fait penser à la recherche médicale. Les antibiotiques ne fonctionnent plus, les bactéries sont devenues résistantes et nous sommes devant une impasse thérapeutique, comme l'a reconnu l'Agence européenne du médicament, en appelant à trouver des alternatives. Dès lors, il faut revenir à l'avant-pénicilline. Or nous avons en nous des virus mangeurs de bactéries, les phages. J'ai travaillé avec des médecins experts qui éprouvent des difficultés à obtenir des autorisations de mise sur le marché. J'ai interpellé la ministre, il y a eu des colloques : un gros travail se fait en Europe de l'Est, qui a conservé de nombreuses souches. La France, qui n'en a plus beaucoup, a besoin d'études in vivo et in vitro pour certifier les bénéfices de ces phages. Il faut produire des recherches et faire le lien avec l'entreprise. Des start up se sont investies sur le projet européen Phagoburn. Le service médical du ministère de la défense est très au fait, car les phages seraient très utiles à nos soldats en opération extérieure, pour reconstituer la peau et éviter des amputations. Ces vertus extraordinaires devraient être reconnues.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Comment rendre compatible le financement au projet et le foisonnement créatif ? Que pensez-vous de la nouvelle piste évoquée par Mme Blondin face à l'impasse que représentent désormais les antibiotiques ?
M. Gilles Boeuf. - Cette piste m'intéresse beaucoup, mais, en matière de recherche médicale, la démarche est moins participative, c'est pourquoi je ne l'ai pas évoquée. J'appartiens au groupe de réflexion sur la santé publique. Avec le professeur Toussaint, nous étudions l'incidence du changement climatique sur la santé publique.
Les antibiotiques et les phages constituent un superbe sujet d'écologie pure ! L'on dénombre 300 maladies émergentes chez l'humain depuis 1940. Nous avons réalisé récemment un séquençage complet du génome intestinal d'un bébé français, et avons trouvé plus de mille espèces de bactéries. Comment un banal escherichia coli peut-il nous tuer ? Nous ne connaissons que 480 bactéries sur mille. Comment imaginer connaître la biodiversité de la forêt amazonienne ou au fond de l'océan quand nous ne connaissons même pas la moitié des bactéries que nous hébergeons dans notre propre corps ? Depuis longtemps, les écologues se penchent sur les antibiotiques et savent que leur avenir est borné. Il en va de même pour les OGM (organismes génétiquement modifiés), parce que le vivant continue à évoluer. Votre sujet est fondamental, et la question de la santé publique et de la recherche médicale en relation avec cette perte de diversité biologique, le changement climatique est extrêmement importante.
Le choléra, cette bactérie marine, tue car il possède une puissante toxine qui déshydrate complètement. Or, il est possible de le cultiver sans qu'il produise cette toxine. Même remarque pour les sols, ou l'eau de mer. On ne prend pas en compte les virus d'hépatite que l'on trouve dans des cuves de pétrolier géant et qui sont disséminées partout. La recherche est fondamentale, d'autant que tout est très vite disséminé : un moustique de Mumbai est à Paris douze heures plus tard et des personnes attrapent le paludisme ou la dengue à Roissy.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Et la recherche sur projet ?
M. Gilles Boeuf. - Cette loi risque de tuer la recherche fondamentale. Je suis très ami avec plusieurs prix Nobel de physique, dont Albert Fert et Serge Haroche. Tous me disent que le travail qui leur a valu le prix a été mené sans dessein particulier. Le premier a découvert la magnétorésistance grâce à une manipulation effectuée en 1988 et qui, quinze ans plus tard, a multiplié par cent la mémoire des ordinateurs. Walter Gehring travaille à Bâle sur des mouches sans yeux ; découvrant une publication sur des souris sans yeux, il réalise que la même séquence génomique est impliquée dans les deux cas. Nous n'aurions pas de tels résultats en ne travaillant que sur des projets. Il importe de retrouver un équilibre. Ce serait une catastrophe que l'ANR (Agence nationale de la recherche) ne propose plus de programme Blanc. Gardons une marge pour avancer.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. - Rien n'interdit, une fois ces innovations réalisées, de lancer un projet...
M. Gilles Boeuf. - Tout à fait !
Mme Dominique Gillot, rapporteure. - N'opposons pas recherche fondamentale et recherche par objectif.
M. Gilles Boeuf. - Je suis un farouche défenseur des deux. Il y a un continuum total. Cependant, nos prix Nobel sont issus de l'université, pas des écoles d'ingénieurs.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Le film La Marche de l'Empereur a été inspiré des recherches d'Yvon le Maho sur les manchots. Le père manchot couve l'oeuf pendant que la femelle part au loin chercher de la nourriture. Souvent l'oeuf éclot avant le retour de la femelle : le père nourrit alors l'oisillon en régurgitant un jus de poisson resté consommable grâce à des substances qui préservent les protéines de la dégradation. Lyophilisées, elles constituent le principe actif d'une poudre que, à titre expérimental, vous pouvez répandre sur un cageot de sardines et elles ne s'abîment pas. La production de connaissance sur un sujet a priori non rentable a trouvé des débouchés insoupçonnés.
M. Gilles Boeuf. - Un ami chirurgien me racontait que confronté à une source d'infection nosocomiale il ouvrait la fenêtre - de la pure écologie. Et ça marche...
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous remercie beaucoup de nous avoir ainsi ouvert les fenêtres.
Enseignement supérieur et recherche - Audition de M. Didier Houssin, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), et M. Emmanuel Saint-James, président de l'association « Sauvons la recherche »
La commission entend ensuite M. Didier Houssin, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) et M. Emmanuel Saint-James, président de l'association « Sauvons la recherche ».
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Après avoir évoqué la question des rapports entre sciences et société, au travers de la double audition de M. Houssin, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), et M. Emmanuel Saint-James, président de l'association « Sauvons la recherche », nous aurons l'occasion d'entendre les arguments pour et les arguments contre le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. Didier Houssin, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). - Mme Laurence Pinson, secrétaire générale de l'AERES, m'accompagne.
Le 28 mai 2013, l'Assemblée nationale a amendé le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche. Je remercie la commission et sa présidente d'avoir souhaité m'entendre en vue de l'examen de ce projet de loi par le Sénat. Vous comprendrez que je centre mon propos sur l'évaluation, sur l'AERES et son action. S'agissant de l'évaluation, je vois, dans ce texte, quatre points critiques. Pour être bref, je limiterai mon intervention aux deux plus importants, qui concernent les articles 48 et 49 du projet de loi.
Dans son article 48, le texte prévoit en effet qu'un Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur remplace l'AERES.
Trois arguments plaident pour le maintien de l'AERES :
En premier lieu, l'AERES est loin de faire l'unanimité contre elle.
L'évaluation des activités de recherche constitue un tiers seulement des activités de l'AERES, à côté de l'évaluation des activités de formation et de l'évaluation des établissements (universités, organismes de recherche, notamment) qui constituent les deux autres tiers.
Si l'évaluation des activités de formation et des établissements a soulevé peu de critiques, l'évaluation des activités de recherche en a, cela est vrai, soulevées, notamment dans le cadre des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Il est faux cependant d'affirmer que l'AERES fait l'unanimité contre elle.
Ainsi :
- dans le cadre d'une étude scientifique de sociologie conduite par Mme Musselin, nouvelle directrice scientifique de Sciences-Po, publiée en 2012 à propos de l'évolution récente des universités en France, une enquête faite en 2011 auprès de presque deux mille responsables appartenant à toutes les universités françaises a montré que les évaluations menées par l'AERES sont jugées comme « une bonne chose », dans 48 % des cas, et comme « une mauvaise chose », dans 34 % des cas ;
- parmi les quatre-vingt-huit contributions déposées sur le site Internet des Assises par des organisations nationales à la date du 8 octobre 2012, l'AERES est évoquée dans 33 % des cas. Parmi ces 29 contributions, 21 (72 % des cas) le font dans une tonalité neutre ou favorable.
Dans le cadre de sa procédure de retour d'expérience après évaluation des unités de recherche, l'AERES a récemment effectué deux enquêtes auprès des directeurs d'unité de recherche :
- la première, fin 2012, a porté sur 378 directeurs d'unité de recherche en sciences et techniques ayant été évaluées lors des vagues A, B et C. Le taux de réponse a été supérieur à 50 %. Les trois quart des répondants ont estimé que le processus d'évaluation avait été transparent et 65 % ont jugé que les recommandations formulées par le comité d'évaluation leur avaient été utiles ;
- la seconde enquête, toute récente, a porté sur l'ensemble des 525 directeurs des unités de recherche de tous domaines évaluées durant la vague D, donc durant l'hiver passé. Le taux de réponse a été de 45 %. 83 % des directeurs ayant répondu ont jugé que l'évaluation de leur unité avait été utile et 61 % ont estimé que les recommandations formulées par le comité d'experts leur avaient été utiles.
Donc, il me faut souligner que les critiques de l'AERES ne portent que sur un champ limité de son activité et qu'elles sont loin de faire l'unanimité. Je tiens à la disposition de la commission les résultats détaillés de cette dernière enquête. Je tiens aussi à saluer l'engagement et la sérénité, en particulier durant l'année écoulée, des dizaines de délégués scientifiques de l'AERES et des milliers d'experts, enseignant-chercheurs ou chercheurs, qu'elle a mobilisés. Grâce à eux, non seulement les évaluations ont été poursuivies, mais l'AERES a su faire évoluer ses procédures et ses méthodes.
En second lieu, l'AERES est réformable, car elle a démontré sa capacité à évoluer.
Depuis deux ans, l'AERES a été capable de faire évoluer ses méthodes et ses procédures d'évaluation, grâce à la pratique des retours d'expérience et en étant attentive aux critiques exprimées, notamment dans le domaine de l'évaluation des activités de recherche. Elle a su aussi améliorer les relations avec son environnement.
Elle a su le faire bien avant les Assises, donc bien avant que plane sur elle une menace de suppression.
Ainsi, dès décembre 2011, le Conseil de l'AERES a décidé de renoncer à la note globale pour l'évaluation des unités de recherche et retenu un nouveau référentiel d'évaluation de ces unités faisant place à une meilleure appréciation des résultats de la recherche finalisée.
L'AERES a aussi lancé, début 2012, une simplification très importante de son dossier d'évaluation, répondant en cela à une attente qui était largement exprimée au sein de la communauté scientifique, pas seulement concernant les unités de recherche. Cette attente était tout à fait fondée.
Durant les mois récents et pour tenir compte aussi de ce qui avait été exprimé dans le cadre des Assises, l'AERES a supprimé le calcul du taux de produisant dans le cadre de l'évaluation des unités de recherche et la note globale concernant l'évaluation des formations.
Elle a aussi amélioré ses relations avec les institutions concernées par l'évaluation, grâce à la mise en place du groupe de concertation Mikado qui rassemble des représentants de toutes les institutions concernées par l'évaluation. Au sein du groupe Mikado, ont notamment été étudiées la possibilité de passer d'une évaluation directe des entités de recherche par l'AERES à une évaluation indirecte dans laquelle l'AERES validerait les procédures d'une évaluation conduite par d'autres instances et la question de la publicité des rapports d'évaluation.
Des évolutions importantes se profilent enfin concernant l'évaluation des formations et des établissements, compte tenu de ce qui est prévu dans le cadre du projet de loi concernant l'accréditation des formations et les groupements d'établissements. L'AERES a anticipé tout cela, Dans le cadre de la vague D d'évaluation en cours, s'agissant des établissements, et dans celui de la vague E en préparation, s'agissant des formations.
L'AERES a fait la preuve qu'elle est capable de faire évoluer ses méthodes et ses procédures, et de s'adapter à de nouvelles missions. Il est donc inutile qu'elle soit remplacée. Ce remplacement serait de plus très dommageable.
Enfin, la perte du nom AERES serait dommageable pour notre pays, en particulier sur la scène européenne et internationale.
L'AERES est une institution jeune mais, conformément à ses missions, elle s'est efforcée d'obtenir une reconnaissance sur la scène européenne et de renforcer sa notoriété au niveau international.
En 2010, l'AERES a été évaluée au niveau européen et elle a ensuite été jugée apte à être inscrite sur le registre européen des agences d'assurance qualité dans le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette reconnaissance est importante, car elle conforte la confiance que les étudiants étrangers peuvent mettre dans le système français d'enseignement supérieur et de recherche. Pourquoi renoncer à cet acquis et repartir de zéro ? La Commission du titre d'ingénieur, la CTI, créée en 1934, bien connue à l'étranger, a su faire évoluer ses procédures sans changer de nom.
L'AERES jouit aujourd'hui d'une bonne notoriété sur la scène internationale. Elle est sollicitée pour évaluer des formations ou des institutions à l'étranger, dans des pays en développement mais aussi dans des pays émergents. Le ministère des affaires étrangères ne s'y est pas trompé qui, dans sa contribution aux Assises, avait écrit : « l'AERES est un des vecteurs essentiels de notre compétitivité », et « grâce à sa dynamique d'internationalisation, l'AERES illustre notre capacité d'expertise et renforce notre image d'excellence ».
Enfin, au fil des années, l'AERES a vu se construire sur le web un puissant référencement du nom AERES. Ce niveau de référencement est très élevé pour une institution de cette nature. Pourquoi se priver de cet acquis ? Pourquoi perdre des années et gaspiller les deniers publics à reconstruire ce qui a ainsi été bâti en six ans ?
J'espère avoir convaincu la commission que le remplacement de l'AERES est infondé, inutile et dommageable pour notre pays.
S'agissant de l'évaluation des unités de recherche, la rédaction présente de l'article 49 expose à deux risques : l'inégalité de traitement entre les unités de recherche et le blocage du processus d'évaluation.
Le début de l'article 49 semble, à juste titre, vouloir avant tout éviter l'inégalité de traitement entre les entités évaluées : le Haut Conseil « fonde son action, en ce qui concerne les critères d'évaluation, sur les principes d'objectivité et d'égalité de traitement entre les structures examinées... ».
Cependant, lorsqu'il est question de l'évaluation des unités de recherche, l'inégalité de traitement apparaît comme inscrite dans le texte de l'article 49. En effet, il établit une différence dans les modalités d'évaluation selon qu'il s'agit d'une unité propre de recherche (principalement des unités de recherche universitaires) ou d'une unité mixte de recherche ayant deux tutelles, et souvent plus, relevant d'organismes de recherche, d'université ou d'écoles. Le Haut Conseil est en effet chargé :
« 2° D'évaluer les unités de recherche à la demande de l'établissement dont elles relèvent, en l'absence de validation des procédures d'évaluation ou en l'absence de décision de l'établissement dont relèvent ces unités de recourir à une autre instance ou, le cas échéant, de valider les procédures d'évaluation des unités de recherche par d'autres instances.
Lorsqu'une unité relève de plusieurs établissements, il n'est procédé qu'à une seule évaluation. Le Haut Conseil valide les procédures d'évaluation des unités de recherche par d'autres instances. Il peut évaluer l'unité à la demande conjointe des établissements dont elle relève, en l'absence de validation des procédures d'évaluation, ou en l'absence de décision des établissements dont relève cette unité de recourir à une autre instance. »
Cette disposition est tout sauf propice à l'égalité de traitement que l'AERES défend mordicus et que le législateur semble souhaiter.
Souvenons-nous de ce qu'avait écrit le rapporteur des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, Vincent Berger, dans son rapport du 17 décembre 2012 : « l'évaluation est un sujet sur lequel il faut... prendre garde à ne pas réveiller des conflits entre universités et organismes de recherche, conflits qui appartiennent désormais au passé » !
Un conflit ouvert, à nouveau, voilà ce qui est inscrit dans l'article 49, dans la rédaction actuelle du texte concernant les unités de recherche !
Un blocage du processus d'évaluation des unités de recherche relevant de plusieurs établissements, y est aussi inscrit, dans le cas où les établissements de tutelle, qui peuvent être jusqu'à huit, ne s'entendraient pas sur le rôle qu'ils souhaitent voir jouer par l'autorité administrative indépendante ou sur le choix d'une instance d'évaluation, et où une demande conjointe ne pourrait dès lors pas être formulée.
S'agissant de l'évaluation des unités de recherche et tout en souhaitant que l'initiative revienne bien aux établissements, l'AERES forme donc le voeu que la rédaction de l'article 49 préserve l'égalité de traitement entre les unités de recherche au regard de l'évaluation et évite de mener à un blocage du processus d'évaluation.
Je ne développerai pas maintenant les deux autres points critiques concernant l'évaluation dans ce projet de loi, qui touchent l'évaluation des personnels (article 49, alinéas 10 et 11) et la gouvernance de l'autorité administrative indépendante avec la création d'un comité d'orientation scientifique (article 50), mais je serai prêt à le faire dans la discussion.
L'AERES est tout à fait prête à accompagner les évolutions portées par ce projet de loi en vue d'une meilleure lisibilité de l'offre de formation, d'une attention soutenue au lien entre formation et recherche et à la place du doctorat, d'une confiance renforcée avec la communauté scientifique, et d'un décloisonnement des institutions françaises d'enseignement supérieur et de recherche.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à vos questions.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pourriez-vous concentrer votre propos sur le projet de loi lui-même, étant donné que vous avez déjà eu l'occasion, lors d'une précédente audition, de nous présenter l'AERES et l'évolution de ses procédures ?
M. Didier Houssin, président de l'AERES. - Très brièvement, je dirais que l'article 49 dans sa rédaction actuelle expose à deux risques : une inégalité de traitement entre unités et le blocage de la procédure d'évaluation.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Sur le champ global du projet de loi, hors évaluation, avez-vous des commentaires ? Quelles différences percevez-vous avec la loi sur les libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007 ?
M. Didier Houssin, président de l'AERES. - Les évolutions projetées sur le segment Bac -/+ 3, les quotas pour les bacheliers professionnels et technologiques dans les filières sélectives, et la spécialisation de la licence sont des aspects positifs. Le passage de l'habilitation à l'accréditation de formation va améliorer la lisibilité des parcours. À propos des communautés d'universités, tout ce qui favorise le rapprochement me paraît aller dans le bon sens. Enfin, l'accent mis sur le doctorat est très positif et j'espère que le Sénat suivra l'exemple de l'Assemblée nationale pour la reconnaissance du doctorat dans la fonction publique. Par contraste, et j'y insiste vraiment, le traitement de l'évaluation dans le texte ne me paraît pas du tout satisfaisant. J'aurais sans hésiter voté ce texte sauf les articles 48 et 49.
M. Emmanuel Saint-James, président de l'association « Sauvons la recherche ». - Je vous remercie de m'avoir invité. Au-delà de la question d'évaluation, j'aimerais adopter un point de vue global sur le texte. Que ne contient pas le projet de loi ? Ce n'est pas un projet de loi de programmation. Il fait donc l'impasse sur les emplois. Or il existe 50 000 précaires dans notre milieu et rien n'est prévu pour leur donner des perspectives d'avenir. Nous devons veiller à ne pas provoquer une crise des vocations. Si aucun poste n'est offert à la sortie des études, comment attirer vers le doctorat puis la recherche ?
Deuxième reproche que je fais au projet de loi : il ne rompt pas avec la politique d'excellence promue sous la précédente législature. Des crédits à hauteur de 20 milliards d'euros ont été débloqués et sont gérés par le Commissariat général à l'investissement. Ce dernier a donc un impact direct sur la recherche publique mais il dépend du Premier ministre et pas du tout de notre ministère de tutelle. La politique d'excellence continue et se décline naturellement en un système d'universités à deux vitesses. Le projet de loi ne remet pas en cause la pertinence de cette politique comme il le devrait. En outre, il est décidé d'assigner une nouvelle mission de transfert aux organismes d'enseignement supérieur et de recherche. Un tel élargissement du périmètre des missions, alors que les moyens baissent, relève de la quadrature du cercle. On charge trop la barque des universités, c'est choquant. Sur le fond, la mission de transfert est dans la continuité de la précédente mandature. Est-ce le rôle des chercheurs publics de faire de la recherche appliquée, c'est-à-dire commerciale ? Le risque est aussi d'inciter à la fermeture des centres de recherche des entreprises privées. Le mouvement a déjà commencé. La recherche privée dégraisse et s'anémie.
Sur la question des communautés d'universités, je trouve intéressant le parallèle proposé par l'inspection générale avec les communautés de communes. Chaque maire envoie sa garde rapprochée piloter l'instance intercommunale...
(Exclamations et protestations des commissaires)
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Vous avez suscité beaucoup d'émotions avec cette comparaison. Concentrons-nous sur les universités !
M. Emmanuel Saint-James, président de l'association « Sauvons la recherche ». - Je constate que la même logique s'impose dans le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) dont je dépends. Le conseil d'administration du PRES prend des décisions de manière opaque car il est composé du président et de sa garde rapprochée : c'est un déni de démocratie ! L'empilement de structures de décision bloque le contact direct avec le personnel. De PRES à communautés d'universités, on aggrave le problème.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je suis très attachée à ce que vos points de vue nous montrent bien ce qui existait et ce qui est nouveau dans le présent projet de loi. Ainsi, monsieur Saint-James, nous avez-vous fait part de votre inquiétude liée à la transformation des PRES en communautés d'universités.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. - Le débat s'annonce extrêmement clivant, à la limite caricatural. J'ai beaucoup de respect pour M. Saint-James et le mouvement qu'il représente, mais l'université française a besoin d'apprendre les règles de la démocratie et de fonctionnement dans un environnement économiquement contraint. C'est un point fort que nous devons avoir à l'esprit à la lecture de cette loi. Elle doit permettre à l'université française et à la recherche de se projeter dans un avenir de réussite en s'appuyant sur ses acquis, bien antérieurs à la loi LRU. Elle doit aussi tenir compte des obligations de bonne gestion car l'université est un établissement qui se gère et doit s'appuyer sur ses fonctions support.
Ce que vous dites, monsieur Saint-James, sur les manques du texte relève d'une certaine méconnaissance des fonctionnements démocratiques et collégiaux. Je souhaite souligner les points suivants :
- il ne s'agit certes pas d'une loi de programmation mais le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a bénéficié d'une bienveillance dans les arbitrages budgétaires avec une augmentation de 2,7 % de ses crédits en 2013. En outre, 1 000 postes par an sur cinq ans sont créés et les universités ont déjà pu utiliser ces postes comme elles l'entendaient pour la première année ;
- vous avez critiqué la mission de transfert mais je ne pense pas que l'université doive opérer elle-même son transfert, elle doit s'y préparer. Je renvoie à ce que disait M. Gilles Boeuf à l'instant : l'une des vocations de la science et de la recherche est de réunir le scientifique, l'ingénieur et l'entreprise privée afin de transférer les connaissances ;
- en revanche, nous avons besoin d'une meilleure orientation vers l'insertion professionnelle des étudiants. Je sais que certains, comme le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), pensent que ce n'est pas le rôle de l'université. Mais il me semble que cette réflexion est pourtant indispensable, et c'est le cas d'ailleurs pour les jeunes docteurs dont on essaie de sécuriser les parcours. Il est prévu de les d'intégrer dans d'autres champs d'activité que ceux de la recherche et de l'enseignement, ce qui soulève des difficultés liées aux statuts des différents corps de la fonction publique et de l'entreprise ;
- M. Houssin est très attaché à l'évaluation des procédures, des enseignements et des dispositifs. Il existe une controverse sur l'action de l'AERES mais elle ne concerne pas le président qui a toute mon estime et celle de nombreux universitaires. Il s'agit d'un rejet d'une évaluation indépendante, pas de l'AERES, dont l'action a constitué un formidable levier d'amélioration. Je ne souhaite pas que l'on débouche sur une sorte de label AFNOR des procédures d'évaluation qui deviendraient des auto-évaluations. Quel que soit le nom choisi pour cet organe, il faut une évaluation indépendante de toutes les procédures liées à l'université et à la recherche.
M. Daniel Percheron. - Deux ou trois sujets ont été abordés à propos de cette loi qui ne sera pas une grande loi. Tout d'abord, elle ne corrigera pas le scandale de l'équité des territoires pour l'université et la recherche. L'AERES a cent fois raison car son travail nous a donné à nous, élus, des clés et des perspectives irremplaçables. L'AERES est indispensable et l'idée de la remplacer est une plaisanterie.
Par ailleurs, vous l'avez évoqué, les 20 milliards d'euros consacrés aux investissements d'avenir, ont été attribués d'une manière confidentielle, avec l'alibi d'un jury indépendant. Ces crédits ont déséquilibré de manière peut-être irréversible les efforts de recherche sur notre territoire. Une région comme le Nord-Pas-de-Calais a reçu environ 16 fois moins par étudiant que l'Île-de-France. On attendait que la loi rétablisse un certain équilibre et ce n'est pas le cas.
Enfin, vous avez parfaitement raison sur la recherche privée, qui fait cruellement défaut, comme dans le Nord-Pas-de-Calais où elle ne représente que 0,4 % du PIB de la région. Le crédit d'impôt recherche illustre les disparités existantes, puisqu'il est généré à hauteur de 67 % en Île-de-France, contre 1,6 % dans le Nord-Pas-de-Calais. La loi aurait pu esquisser un raisonnement par rapport à ce problème sérieux et proposer des pistes pour inciter la recherche privée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il me semble nécessaire d'ouvrir un vrai débat sur la question de l'AERES. Elle est partie prenante, qu'elle le veuille ou non, dans l'évaluation qu'elle rend, sur les affectations de crédits. J'entends ce que dit Mme Gillot mais je suis quand même inquiète devant l'amplitude de la précarité qui touche la recherche. Même s'il ne s'agit pas d'une loi de programmation, ce texte aurait pu fixer des objectifs de résorption très fermes de la précarité.
En outre, il convient d'éviter que les communautés d'universités mises en place se transforment en quelque sorte en trous noirs qui absorbent ce qui existe autour. Il faudrait écouter les préoccupations des experts à ce sujet.
M. Jean-Pierre Plancade. - Je souhaite insister sur le sujet de l'AERES dont je regrette vivement le sort dans ce projet de loi, ce qui a d'ailleurs été dit ici et dans d'autres commissions. Je crois que M. Houssin est victime de son succès, de sa rigueur et de son indépendance d'esprit. C'est insupportable intellectuellement car il s'agit d'une élite qui refuse le contrôle extérieur. On reste pantois devant ce corporatisme porté à un si haut niveau intellectuel. Ce projet de loi n'est certainement pas un grand texte et beaucoup d'universitaires le reconnaissent.
Je souhaite dire que le rapport de l'Académie des sciences sur l'AERES est un vrai scandale. Nous avons auditionné, avec Dominique Gillot, son vice-président, qui n'a même pas su nous dire sur quoi étaient fondées de telles critiques. Et le rectificatif publié ensuite n'a pas été aussi médiatisé.
Mme Corinne Bouchoux. - Le moment venu, nous donnerons nos avis sur le projet de loi, mais nous voulons aussi être forces de proposition : chacun d'entre vous pourrait-il nous indiquer la modification de ce texte qui lui paraîtrait souhaitable plus que toute autre ?
Mme Colette Melot. - La suppression de l'AERES ne constitue-t-elle pas, selon vous, un retour en arrière susceptible de susciter des interrogations chez nos partenaires et remettre en cause la position acquise par la France dans le processus européen d'évaluation scientifique ?
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Avant de redonner la parole à M. Houssin je vous indique que les documents et les chiffres qu'il a souhaité présenter à notre commission seront annexés au compte rendu.
M. Didier Houssin. - Les validations de l'AERES résultent de procédures rigoureuses et complexes, et ne doivent pas être assimilées à de simples attributions de labels de qualité.
Je remercie MM. Percheron et Plancade pour les commentaires positifs qu'ils ont formulés quant à l'action de l'AERES, action globalement plutôt bien acceptée par la communauté scientifique, en dépit de certaines réticences tout à fait compréhensibles.
Il pourrait être envisageable d'étendre notre champ d'évaluation aux recherches effectuées dans le secteur privé, ne serait-ce que pour s'assurer de la compatibilité de certains programmes avec les règles d'utilisation du crédit d'impôt recherche.
À Mme Gonthier-Maurin, je voudrais préciser que si les décideurs tiennent compte des avis et des évaluations de l'AERES (15 % des crédits seraient impactés par les évaluations en France contre 75 % au Royaume-Uni), celle-ci n'a aucune emprise directe sur la répartition des crédits.
Au-delà de la suppression de l'article 48 du projet de loi, je voudrais répondre à Mme Bouchoux que toute disposition visant à accompagner la valorisation des doctorats m'apparaîtrait hautement souhaitable.
Je partage les interrogations de Mme Mélot, quant à la façon dont nos interlocuteurs à l'étranger vont interpréter la disparition d'une instance d'évaluation dont la voix commençait à compter.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - À ce propos, la nouvelle entité amenée à remplacer l'AERES pourra-t-elle reprendre les mandats confiés par des pays étrangers ?
M. Didier Houssin. - Jusqu'à présent, nous avons été sollicités par des pays tels que le Liban, l'Arménie, le Viet-Nam ou l'Arabie Saoudite, qui nous a préféré à l'Université de Stanford.
La reprise des mandats est prévue par l'article 61 du projet de loi, mais la nouvelle instance devrait néanmoins repartir de zéro pour bâtir sa crédibilité et reconquérir les positions que nous occupons actuellement, ne serait-ce qu'en raison de son changement de nom.
M. Emmanuel Saint-James. - Comme l'a indiqué M. Houssin, il serait souhaitable de pouvoir évaluer les programmes privés sollicitant le crédit d'impôt recherche, qui n'a pas vocation à être utilisé comme une niche fiscale.
Les conseils d'administration des universités ne fonctionnent pas, selon moi, de manière satisfaisante, dans la mesure où les représentants des collectivités y sont peu présents et n'ont pas une connaissance suffisante des problématiques. L'AERES n'a pas les moyens de remédier à cette difficulté. L'entité qui lui succédera portera un nouveau nom, mais ne sera pas plus utile à l'université. Celle-ci peut très bien exister sans l'AERES et sans les déclarations d'intention européennes telles que la stratégie de Lisbonne ou l'appel de Bologne, qui n'ont rien suscité de tangible.
M. Daniel Percheron. - La stratégie de Lisbonne, qui visait à contrecarrer les forces du marché, s'est certes avérée présomptueuse, mais nous comptons bien nous saisir de cette question. L'action de l'AERES doit faire office de contrepoids, ou d'antidote, face à un marché qui se veut souverain.
M. Emmanuel Saint-James. - La stratégie de Lisbonne, qui prône une « économie de la connaissance », repose sur un oxymore, car l'économie est la gestion des ressources rares, alors que les connaissances, infiniment reproductibles et diffusables, ne sont pas contraintes par la rareté.
Il est regrettable que le projet de loi ne corrige pas cette erreur d'approche des instances européennes.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je donne la parole à la rapporteure pour une conclusion sur cet échange.
Mme Dominique Gillot. - Cet échange a été particulièrement intéressant. Mais nous sommes au début du débat et nous allons faire vivre ce texte en proposant des amendements.
Je souhaite apporter une précision sur l'évolution du mode de gouvernance. Effectivement, on constate que les personnes extérieures ont bien du mal à comprendre l'esprit du fonctionnement des conseils d'administration des universités. Certains enjeux sont difficilement maîtrisables par les élus locaux. D'où la proposition de création d'un conseil académique qui aura compétence pour débattre sur le fonctionnement de l'université en fonction des orientations du conseil d'administration et qui lui rendra compte. En son sein, les personnes associées seront à même de porter un jugement éclairé en fonction des informations apportées par les commissions spéciales. Cette difficulté a bien été perçue lors de l'évaluation et des corrections sont proposées dans ce projet de loi. Je suis très favorable à l'amélioration de la collégialité de la gouvernance.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je remercie nos invités de leur diagnostic.
Communications diverses
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La commission pour le contrôle de l'application des lois dressera mardi 11 juin à 17 heures, un bilan de la loi LRU, qui éclairera nos prochains débats.
L'hommage à Jean Vilar pour lequel vous avez reçu une convocation est un travail original de notre commission. Robin Renucci déclamera à cette occasion un texte à l'écriture duquel a collaboré Jack Ralite, puis nous débattrons de la place du spectacle vivant ainsi que des rapports de l'artiste et du politique.
Hommage à Jean Vilar : lecture d'un texte par M. Robin Renucci
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission organise un débat, ouvert au public, sur le thème « Comment réinventer aujourd'hui une relation fructueuse entre l'artiste et le politique ? »
En hommage à Jean Vilar, elle entend tout d'abord une lecture par M. Robin Renucci du témoignage de M. Jack Ralite issu de l'ouvrage « Complicités avec Jean Vilar et Antoine Vitez », adapté par Mme Evelyne Loew. Un large échange de vues entre les commissaires et le public permet, ensuite, de confronter les expériences de chacun aux défis actuels de la politique artistique et culturelle dans le domaine des arts vivants.
Jeudi 30 mai 2013
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -Droits audiovisuels - Présentation du rapport d'information
La commission examine le rapport d'information présenté par M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur du groupe de travail « Relations entre les éditeurs et les producteurs dans le domaine des droits sur les programmes audiovisuels ».
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Le groupe de travail animé par Jean-Pierre Plancade a élaboré un rapport d'information sur les droits audiovisuels. Depuis les décrets Tasca, la télévision publique a été fortement encouragée à financer la création et la diversité, en renonçant à certaines de ses missions internes. En Angleterre, nous avons vu d'autres façons de gérer les droits audiovisuels. Dans nos rencontres officielles, les présidents de chaînes revendiquent parfois la possession des droits tandis que les producteurs demandent que l'on ne touche à rien. Comme nous sommes neutres et avisés, nous avons souhaité disposer d'un diagnostic fouillé.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - Nous avons longuement travaillé et beaucoup auditionné afin d'ouvrir quelques pistes. Pour approfondir la question des relations de la télévision publique avec les producteurs de programmes, notre commission s'est rendue l'an dernier à Londres, plus précisément à la BBC. Pour celle-ci, la production interne constitue une source de revenus (25 % de son chiffre d'affaires), une protection de ses valeurs éditoriales de service public d'avant-garde, une source d'innovation et d'ambition grâce à la taille de cet outil interne, et enfin le moyen de se constituer un catalogue de droits sur les programmes. La puissance et les atouts de la BBC nous ont impressionnés : des ventes de formats dans le monde entier, une fiction de bonne qualité qui s'exporte bien et une audience au rendez-vous. En France, à l'inverse, la fiction de première partie de soirée est à la peine face aux séries américaines, et le renouvellement de notre création est difficile.
Le système britannique est aux antipodes du nôtre, puisque France Télévisions consacre 95 % de son investissement à la production indépendante. 27 auditions et plus de 70 personnes rencontrées nous ont convaincus que la France pouvait s'inspirer de l'exemple britannique et que notre modèle méritait en partie d'être révisé.
Les quotas de contribution à la production constituent le premier pilier de notre règlementation. Leur taux est fixé entre 12 et 15 % du chiffre d'affaires pour les chaînes privées et à hauteur de 20 % pour le service public. Cette contrepartie de la gratuité de la fréquence hertzienne a pour objet d'enclencher un mécanisme vertueux en faveur des oeuvres audiovisuelles françaises, dont le succès assure des revenus aux chaînes obligées de les diffuser.
Deuxième pilier, les quotas de diffusion. Les grandes chaînes de télévision diffusent en première partie de soirée un minimum de 120 heures d'oeuvres européennes ou d'expression originale française, de sorte que les oeuvres françaises ne soient pas reléguées à des heures de faible audience.
Troisième pilier, les quotas de production indépendante. Les diffuseurs sont obligés de consacrer plus de 70 % de leurs investissements à la production indépendante. À l'origine, il ne s'agissait pas de faire vivre l'exception culturelle mais de mettre fin au monopole de la société française de production (SFP), qui constituait à l'époque un véritable corset pour les chaînes. Les décrets Tasca dans les années 2000 visaient à créer un tissu de sociétés de production fort et diversifié.
Le bilan de ces décrets est contrasté. Les quotas d'investissement et de diffusion sont très utiles. Après quelques très bonnes années pour notre fiction, l'arrivée des séries américaines a quelque peu modifié la donne, mais, sans les quotas d'investissement et de diffusion, la chronique de la mort annoncée de nos programmes serait ouverte.
Le bilan des quotas de production indépendante est moins satisfaisant, surtout depuis 2001. L'objectif de création d'un tissu solide et diversifié de production n'a pas été atteint. Le marché de la production est atomisé entre 2 272 sociétés de production, dont près de la moitié avec un seul permanent. S'agissant des grands groupes, en 2011, une seule des dix plus grandes sociétés de production européennes était française : TF1 Production, une filiale de chaîne ! Quant aux séries longues, pourtant au coeur des succès audiovisuels contemporains, à l'exception de Plus Belle La Vie, quasiment aucune n'a réellement émergé sur les chaînes gratuites. Enfin l'interdiction, depuis 2001, pour les chaînes de télévision, de disposer de parts de producteur dans les oeuvres indépendantes semble avoir amoindri leur intérêt pour la fiction, voire pour le documentaire.
Depuis 2001, une oeuvre coproduite avec un producteur indépendant est en effet considérée comme dépendante. Cette mesure visait à favoriser l'émergence de grands groupes de production indépendants, disposant de solides portefeuilles de droits, capables d'effectuer des choix de production audacieux. Ce scénario ne s'est pas déroulé comme prévu. Les producteurs ont constitué des catalogues de droits résiduels ; peu d'acteurs importants sont apparus et les grands diffuseurs continuent de financer 80 % de la fiction française, sans compter la part du Cosip (Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels).
Ne tirant d'autre bénéfice d'une oeuvre que la publicité à sa première diffusion hertzienne, les chaînes apparaissent démotivées. Alors qu'elles prennent le risque d'audience et financent fortement les oeuvres, elles ne peuvent attendre de retour financier de long terme : ne constituant aucun catalogue de droits, elles voient les programmes qu'elles ont financés s'échapper peu à peu vers d'autres diffuseurs. Ironie du système, les oeuvres anciennes de France Télévisions peuvent être rachetées par l'INA (Institut national de l'audiovisuel), avec de l'argent public, sans qu'un centime revienne au diffuseur. Et si la chaîne veut rediffuser ces images... elle paie à nouveau.
La fiction française est difficilement rentable pour les chaînes privées gratuites, en partie à cause de cette mauvaise répartition des bénéfices et du manque d'audience. Aussi ont elles demandé une baisse de leur quota d'investissement, aussitôt compensée par une augmentation de l'obligation de France Télévisions afin de garantir le financement global de la production indépendante. Aujourd'hui la société publique investit 20 % de son chiffre d'affaires dans les oeuvres patrimoniales et fait appel, pour 95 %, à des producteurs indépendants pour des oeuvres sur lesquelles elle ne perçoit aucun retour financier. Ainsi France Télévisions, qui apporte la moitié de l'investissement français, assume le risque de la production audiovisuelle tandis que le bénéfice, lui, est privatisé par un certain nombre de sociétés de production.
Comme dans le cinéma, l'exception culturelle doit reposer sur des mécanismes vertueux assurant à chacun la rentabilité de son investissement. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. C'est pourquoi je propose que les parts de coproducteur soient rétablies pour les diffuseurs, comme avant 2001. C'est d'autant plus important que la diffusion par voie hertzienne des programmes reculera face à la diffusion numérique et en différé des oeuvres. La richesse ne tiendra plus à la fréquence mais au programme audiovisuel. Or les chaînes ne pourront plus financer les oeuvres sans les retours sur investissement non liés à la diffusion hertzienne.
Avec la télévision connectée arrivent de nouveaux acteurs qui échappent à toute réglementation, comme Google ou Netflix. Amazon ou HBO sont prêts à s'installer en France. Demain, la télévision pourrait connaître le sort de la musique dans les années 2000. Les suggestions du rapport Lescure permettant de soumettre ces acteurs à certaines règles seront très utiles, mais ne suffiront pas, il faudra être meilleurs. Le système actuel, marqué par l'éparpillement des structures de production, risque ainsi de ne pas résister aux rouleaux compresseurs américains, même si les chaînes se voient attribuer des parts de coproducteurs. Structurer réellement notre marché de la production suppose de créer de grands pôles de production, autour des diffuseurs ou de producteurs indépendants, peu importe, capables de tenir leur rang dans la compétition mondiale des programmes. Une production interne un peu plus forte renforcerait aussi France Télévisions.
Si notre tissu industriel n'est pas construit pour notre marché domestique, il le sera encore moins quand la concurrence sera mondiale. Aussi le groupe de travail propose t il de laisser davantage le choix aux diffuseurs de travailler avec des producteurs indépendants ou d'internaliser une partie de leur production.
Nous ne sommes pas tous d'accord sur le taux idéal. Une partie du groupe de travail penche vers un taux à 50 % pour toutes les chaînes. Il serait également envisageable d'aligner tout le monde, dans un premier temps, sur le taux le plus bas en vigueur, soit 60 % pour certaines chaînes de la TNT. Mes collègues diront où ils veulent placer le curseur.
Cette proposition ne remet pas en cause le modèle français, qui repose sur la production indépendante : d'une part, le taux de 50 % reste élevé (il est fixé à 10 % dans la loi anglaise), et, d'autre part, la plupart des chaînes prolongeront certainement leurs partenariats avec les producteurs. Mais la concurrence ainsi créée pourrait faciliter la recomposition du marché autour d'acteurs moins nombreux et plus solides. L'exception française doit ainsi s'appuyer sur une politique industrielle qui encourage cette concentration.
Enfin, on a longtemps pensé que les parts de coproduction étaient incompatibles avec une circulation fluide des oeuvres. Or, depuis 2001, on constate un effet inattendu. Les chaînes, qui n'ont absolument aucun intérêt financier à voir les programmes vendus sur le marché secondaire, utilisent tous les artifices pour geler leur circulation.
Le retour des parts de coproduction aurait un effet utile mais peut-être pas suffisant car les chaînes auront alors le pouvoir de négocier de longues périodes de droits. Soyons innovants. Les droits pourraient être libérés de manière anticipée si la chaîne qui a diffusé l'oeuvre ne l'exploite pas. Après une période assez courte d'exclusivité, prévue par les décrets, elle devrait ainsi choisir de diffuser ou de vendre des droits de diffusion. Les séries, qui sont particulièrement identifiantes, ne seraient pas concernées. Au contraire, la durée serait fortement réduite pour les documentaires, qui se périment vite. Un code de la profession définirait ces règles, comme le propose le rapport Lescure, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dont le rôle de régulation serait renforcé et que les auteurs pourraient saisir à ce titre.
Une obligation d'exploitation continue et suivie sur Internet devrait aussi être imposée aux producteurs. L'arrivée prochaine de la télévision connectée rend nécessaire que producteurs et diffuseurs mettent à disposition du public, en ligne, l'intégralité de leur catalogue de droits. Un véritable service public du numérique, même payant, serait ainsi mis en place, avec la diffusion rapide de l'ensemble des programmes financés par la redevance. Producteurs et diffuseurs seront obligés de s'entendre. La compétitivité de la France sera notamment liée à notre capacité à construire une offre exhaustive. Cette proposition, avancée également par le rapport Lescure, y contribue.
Il me reste à remercier tous les membres du groupe de travail.
M. David Assouline. - Voilà un rapport qui correspond exactement à la commande : dresser un état des lieux, établit un diagnostic précis et fouillé ; il fera référence et je vous en félicite. Nous pourrons apprécier toutes les options possibles pour arriver à une restructuration du secteur. Toutefois, le débat n'aboutira que si tous les maillons de la chaîne perçoivent leur intérêt et ne sont pas dressés les uns contre les autres. Quand j'ai lancé le débat à Biarritz, lors du Festival international des programmes audiovisuels, j'ai constaté les difficultés à faire bouger les lignes. Pour cela j'évoquais la nécessité du donnant-donnant. Auteurs et producteurs déplorent la non circulation des oeuvres et les blocages, y compris au sein de France Télévisions, il faut évoluer là-dessus. Chaînes publiques comme privées, déplorent d'être trop écartées des parts de production, il faut aussi évoluer là-dessus. D'autant que pour France Télévisions la hausse des parts de production constitue une piste intéressante pour contribuer à l'équilibre de son budget.
Tout le monde peut et doit bénéficier du changement nécessaire.
À Biarritz, après une réaction forte, les producteurs se sont montrés ouverts à la discussion, car la situation n'est plus tenable.
Par ailleurs, pour parler de la nécessité de restructurer, il faut faire attention à ne pas mettre en avant que la nécessité de la concentration et de grands groupes compétitifs car si par une transformation trop brutale tous les petits producteurs mourraient, c'est l'ensemble du système qui dépérirait. Aussi l'instauration brutale d'un taux de 50 % d'internalisation pourrait être un facteur de déstabilisation. Plaçons plutôt le curseur à 30 % pour l'internalisation et 70 % pour l'externalisation. Aujourd'hui la production de France Télévisions est externalisée à 95 %. L'évolution serait déjà significative. Les chaînes privées verraient leur situation légèrement évoluer, tandis que les chaînes de la TNT resteraient à leur niveau.
Dans le donnant-donnant, la cession de parts de coproduction est la contrepartie d'une circulation facilitée des oeuvres. Or le rapport propose en plus l'internalisation. D'accord, mais attention au curseur pour que ce ne soit pas « une double peine » pour les producteurs.
Autre sujet, je veux préciser qu'à la BBC, le ratio n'est pas 90-10 mais bien 50-50.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - J'ai dit qu'en Angleterre, la proportion était de 10 % pour les chaînes privées. La BBC est à 50 % de dépendant obligatoire plus 25 % au choix.
M. David Assouline. - Mais je veux dire qu'aujourd'hui, en Angleterre, la tendance est inverse, ils souhaitent externaliser davantage. Attention au croisement des courbes ! Ne jouons pas à contretemps des enjeux économiques. L'essentiel est d'avancer. Tous les acteurs doivent se mettre autour d'une table, car il n'y a pas les gentils et les méchants : tous les intervenants sont nécessaires à la création. Inutile d'écouter plus TF1 qu'un petit producteur, chacun doit être écouté. L'objectif est que notre secteur audiovisuel reste performant, y compris à l'international, avec une production de qualité. La multiplicité des petits producteurs n'est pas en soi un handicap. Elle constitue un élément majeur de la diversité de l'offre. Lors de la réforme de France Télévisions, nous étions attachés au maintien de petits et moyens producteurs assurant le pluralisme de l'offre. Oui à plus de concentration/regroupement dans le secteur de la production, mais pas au détriment de la diversité de l'offre.
Mme Colette Mélot. - Je salue le travail du rapporteur. De nos nombreuses auditions, il ressort un rapport important. Le groupe UMP ne se prononcera pas sur les points techniques. Le modèle français doit évoluer pour faire face à la mondialisation tout en soutenant la production indépendante. Des petits producteurs aux grands diffuseurs, chacun est conscient de la nécessité de s'adapter. La défense de notre compétitivité implique la création d'une industrie culturelle. Les regroupements s'opèreront naturellement, tandis que les petits devront être protégés. La réglementation devra évoluer tout en restant au service de l'exception culturelle. Une politique ambitieuse est indispensable.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Notre rapporteur a su associer tous les membres du groupe de travail à chaque étape de la réflexion. Il a pris à bras le corps une problématique que nous avions effleurée en 2009, avec Michel Thiollière, dans notre rapport sur la loi sur la communication audiovisuelle, et qui a resurgi en 2011 lorsque nous avons réfléchi, avec Claude Belot, dans le cadre d'une mission d'information. Analysant les comptes de France Télévisions, nous constations que le global media n'était pas lancé, alors qu'il s'agissait d'un enjeu majeur de la réforme. En 2009, déjà, nous avions dit que l'ensemble des oeuvres devait pouvoir être consulté gratuitement sur tous les supports. L'obstacle tenait aux droits d'exploitation.
Comment justifier une hausse de la redevance si les services ne suivent pas ? Notre système, s'il n'est pas à bout de souffle, doit être repensé. Le moment s'y prête. La crise nous contraint à agir sans attendre les bras ballants. Le paysage audiovisuel est mondial. Pour s'inscrire dans cette compétition, il nous faut revoir certaines règles.
Je souscris aux propositions du rapporteur. Si la définition du bon taux reste en suspens, la production indépendante doit réaliser qu'elle se conforte en renforçant le secteur public. Une prise de conscience collective est nécessaire, les responsabilités sont partagées.
M. André Gattolin. - Je m'associe à ce concert de louanges adressées au rapporteur. Mon groupe se retrouve dans les propositions avancées. Connaissant l'audiovisuel de l'intérieur, je mesure les enseignements de ce rapport. Si nous avons voulu soutenir les producteurs indépendants, c'est aussi pour soutenir la production dans son ensemble et le secteur public. Le secteur souffre d'un manque de contrôle, de transparence, de régulation. Une grande partie des petits producteurs ne vit pas de son activité et exerce une autre activité. Trente sociétés de production concentrent 90 % des ventes. Trop de sociétés qui travaillent pour le service public ne publient pas leurs comptes. La transparence fait défaut. Est-il normal que d'anciens dirigeants de chaînes publiques partent avec des indemnités et des ordres de production garantis ?
Nous souhaitons des évolutions, non une révolution, pour que la télévision s'adapte aux défis auxquels elle est confrontée. Les mutations sont rapides : hausse de la concurrence internationale, télévision connectée, télévision sur internet, etc. Rien ne dit que la télévision, telle que nous la connaissons, existera encore demain. Un groupe comme Bouygues préfère désormais investir dans la téléphonie plutôt que dans la télévision.
Les chaînes doivent disposer de ressources propres, parce qu'il est très difficile de relever la redevance et que les recettes publicitaires baissent. Les chaînes ne développent pas seulement des programmes, mais aussi des marques qu'elles doivent pouvoir exploiter. Or certaines chaînes privées prospèrent aujourd'hui grâce à des productions financées par le service public. Nous avons besoin de plus de transparence. Le dernier contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions ne consacre qu'une page et demie au suivi de la production extérieure. L'on ne saurait occulter ainsi une question centrale.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Il conviendra de décrire avec précision dans le rapport final les chiffres concernant la BBC. De mémoire, la BBC réalise la moitié de sa production audiovisuelle en interne ; l'autre moitié est décidée par une commission indépendante en fonction de projets, mais avec un plafond : elle ne peut attribuer plus de la moitié des projets à la production interne, ce qui limite la part des productions interne à 75 % au maximum et 50 % au minimum.
Je partage l'avis de David Assouline : la concentration compétitive n'est pas une vertu en soi. Mais la diversité que nous voulions insuffler ne s'est pas traduite par une élévation du niveau culturel, mais par un foisonnement d'animations ou de sitcoms qui nous tirent parfois vers le bas. Nous voulons une diversité à haute valeur ajoutée, non du kit.
Le rapport ne cite pas le terme d'animateur-producteur. Pourtant cette notion mérite examen, ne serait-ce que pour des raisons de coût.
M. David Assouline. - Je rappelle que nous nous étions mobilisés en partant d'une réflexion sur le financement du service public.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Pas seulement.
M. David Assouline. - Il y avait néanmoins consensus pour faire plus attention au service public. Or toutes les chaînes sont concernées par la réglementation, y compris, et c'est normal, les grands groupes privés en concurrence avec lui. Si les obligations baissent, ils en bénéficieront également. Nos collègues communistes souhaitent aller plus loin, presque revenir à la SFP, mais le privé aussi alors pourra tout internaliser. J'appelle à la vigilance : ne déstabilisons pas le système en déplaçant trop le curseur.
Enfin, ce rapport d'information n'avait pas pour ambition de fournir des préconisations mais d'éclairer, de définir des pistes de travail. Laissons la place à la discussion entre les acteurs.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - Je partagerai vos louanges avec ceux qui ont travaillé avec moi. Premier constat, un consensus prévaut sur la nécessité d'une évolution, sur les parts de coproduction, et sur la circulation des oeuvres, qui fait partie du donnant donnant. Tout en nous inscrivant dans la continuité de la commission, nous citons expressément les auteurs. Le débat porte sur la vitesse d'évolution. David Assouline propose un taux de 70 %, ce qui va déjà avoir des effets importants. En revanche plutôt que de double peine, parlons de double effet. Nous n'avons en aucun cas eu comme intention d'opposer les producteurs aux diffuseurs, le rapport le démontre bien.
Nos pistes de travail ne concernent pas uniquement le service public. Je le mets en avant avec force car il représente la moitié du paysage audiovisuel. Cette fois, il recevra des moyens, au lieu de subir des obligations.
Quant au taux, une piste serait d'instaurer des obligations différentes entre public et privé. Nous n'avons pas non plus prôné un modèle de production intégré, type BBC, où la production interne représente entre 50 et 75 % du total. Nous vérifierons. Animateurs producteurs ? Le rapport n'en parle pas parce qu'il ne traite pas des émissions de flux.
M. David Assouline. - Cela ne fait pas partie du sujet.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - C'est vrai.
M. David Assouline. - Le terme crée une confusion...
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - Nous ne l'avons pas faite.
M. David Assouline. - ...qui rejaillit sur les producteurs.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - Bien sûr, il est toujours possible de ne pas fixer de taux. Cependant, nous avons considéré qu'il appartenait au Sénat de dire dans quel sens il faudrait aller. Nous avons une vision globale pour demain - la vôtre, je le reconnais, est extrêmement réaliste. Nous affirmons par exemple qu'il faudra renforcer les diffuseurs.
Certaines choses sont indéfendables. Le service public a produit des émissions que le producteur a revendues à l'INA et, pour utiliser des images quinze ans plus tard, le service public doit les payer de nouveau. Il a fallu que l'INA passe des accords avec l'éducation nationale.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - C'est l'exception pédagogique. Il faut quand même payer...
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - Comment accepter que celui qui a apporté 80 % du financement et pris le risque, ne soit que locataire de l'émission pendant un à trois ans ? Nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous avons proposé de placer le curseur à 50 %, ce qui était une solution médiane, y compris pour le groupe de travail. J'avais envisagé de s'aligner sur le taux le plus bas pratiqué, soit 60 % pour les chaînes de la TNT.
M. David Assouline. - Dans les faits, je crois qu'aucune chaîne de la TNT ne remplit les conditions pour se voir appliquer ce taux.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. - La loi l'autorise. Nous voulons lancer des pistes sans revenir à la SFP : 50 % nous paraissent un juste milieu. L'essentiel est que nous soyons tous d'accord pour avancer et susciter un débat, étant entendu qu'il ne s'agit que d'ouvrir une possibilité de recourir davantage à la production dépendante.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - En conclusion, notre rapport comportera donc des pistes de travail et non pas des propositions formelles. D'autant que vous savez bien que service public et chaînes privées ne sont pas obligatoirement soumis aux mêmes règles, par exemple en matière de publicité. Si nous nous accordons sur la nécessité d'une évolution, son importance fait débat entre nous. Signalons enfin que le groupe CRC nous a envoyé une brève contribution, qui figurera dans le rapport.
La commission autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.