Jeudi 4 avril 2013
. - Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, président, et de M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président et M. Christian Bataille, député, vice-présidentAudition publique, ouverte à la presse, sur « Economies d'énergie dans les bâtiments : comment passer à la vitesse supérieure ? »
M. Bruno Sido, sénateur, président de l'OPECST. - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a décidé de participer au débat national sur la transition énergétique.
Outre l'action de ses rapporteur sur des sujets liés à ce thème (avis sur le plan national de gestion des déchets et matières radioactives, filière hydrogène, voiture écologique, hydrocarbures non conventionnels), nous avons décidé d'organiser des débats.
Parallèlement, nous ferons un point le 23 avril prochain sur les énergies de la mer en entendant deux spécialistes de ces questions sur la faisabilité technologique et la viabilité économique de cette filière ; et, d'ici la fin de la session, nous entendrons les membres du comité de pilotage du Conseil national de la transition énergétique.
Au demeurant, le sujet qui nous occupe aujourd'hui a déjà fait l'objet d'un rapport présenté en 2009 par M. Christian Bataille, qui préside la table ronde de cette fin de matinée, et, par M. Claude Birraux. Il est à noter que ce rapport nous avait été demandé dans le cadre des débats parlementaires de la deuxième loi sur le Grenelle de l'environnement, dont j'étais un des rapporteurs.
Pour être bref et souligner l'importance du thème que nous abordons aujourd'hui, je ne citerai qu'une donnée chiffrée : en énergie primaire, le bâtiment représente 45 % de la consommation énergétique contre 28 % pour l'industrie et 26 % pour le transport, ceci sur un stock qui se renouvelle à un rythme beaucoup plus lent que celui des autres usages (de l'ordre de 1 % tous les ans).
J'ajouterai que, dans ce domaine, nous avons accumulé un certain retard par rapport à nos voisins suisses et allemands, ces derniers ayant dédié, depuis longtemps, un Institut Fraunhofer à l'étude de cette question.
Nous allons donc tenter de débattre de cette question en insistant sur la mise en place concrète de dispositifs renforçant l'efficacité énergétique des bâtiments - ce qui doit inclure le parc existant.
Dans cet esprit, je laisse la parole à M. André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme et président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, particulièrement impliqué dans notre sujet de ce matin puisqu'il a fait une démarche auprès du Bureau de l'Assemblée nationale pour déclencher une saisine de l'OPECST.
M. André Chassaigne, député. - Je serai obligé de quitter rapidement cet échange dans la mesure où je participe à un débat parlementaire que je considère comme extrêmement important, la séance devant reprendre à 9 h 30.
L'amélioration de l'efficacité et de la sobriété énergétique du secteur résidentiel est un volet déterminant de la transition énergétique que nous voulons engager. La consommation énergétique du secteur résidentiel et tertiaire représente plus de 40 % de la consommation d'énergie finale en France et contribue à hauteur de 18 % aux émissions nationales de gaz à effet de serre. Voilà sans doute des données connues des participants à cette audition, et il est vrai que pendant les débats au Grenelle de l'environnement ce constat s'est inscrit je crois, dans les consciences de nos concitoyens et des acteurs concernés. L'effort concerne les 400 000 nouveaux bâtiments construits chaque année, si l'on considère cet objectif comme atteignable, qui doivent devenir performants. L'objectif à atteindre, je le rappelle, est une consommation de 50 kW heure par mètre carré. Mais l'effort concerne aussi, et je dirais surtout, le parc ancien, d'une taille, dit-on, cent fois plus importante, qui nécessite une rénovation de grande ampleur, puisque la consommation moyenne de ces bâtiments est actuellement au moins de 6 à 7 fois supérieure à celle des bâtiments neufs. Un instrument juridique sert de support à l'immense effort d'adaptation indispensable, il s'agit de la dernière version de la règlementation thermique, dite RT 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Notre volonté en matière d'isolation des bâtiments et de réduction de la consommation moyenne d'énergie des logements ne doit souffrir d'aucun retard et doit s'adapter à la réalité. Ce n'est un secret pour personne : dans le secteur du bâtiment comme ailleurs, il y a la règle, et la réalité des faits. Je crois à ce titre que la première table ronde de cette matinée, doit permettre de faire un point réaliste et complet sur les objectifs du secteur du bâtiment, sur ce qui est réalisable, et sur ce qu'il faut mobiliser pour atteindre ces objectifs. Nous avons également eu l'occasion le 26 février dernier à l'Assemblée nationale, d'aborder durant une séance de travail la question de l'efficacité et de la sobriété énergétique dans le secteur résidentiel en présence des ministres concernés. J'ai à ce titre souhaité interpeller la ministre de l'Écologie sur les choix techniques et technologiques que nous devons soutenir pour accélérer la transition énergétique dans ce secteur tout en favorisant les filières innovantes et écologiquement vertueuses. Ce point clef est l'objet de la seconde table ronde et doit nous interroger sur notre capacité à appuyer l'innovation dans notre pays en mobilisant nos potentiels industriels et de recherche. Mon interpellation portait notamment sur le fait que certaines entreprises françaises, dont les produits innovants ont fait la preuve de leurs performances in situ, se heurtent à des obstacles d'ordre administratif pour se faire homologuer et pour permettre leur diffusion. C'est le cas dans le secteur des isolants, mais aussi pour d'autres produits innovants comme des pompes à chaleur ou des systèmes de ventilation. Vous y reviendrez sans aucun doute tout à l'heure dans le détail avec certains des acteurs concernés.
Cette situation a d'ailleurs motivé ma demande de saisine de l'OPECST au Président du Bureau de l'Assemblée nationale. En lien direct avec ces difficultés, cet échange doit permettre de nous éclairer sur les choix des outils incitatifs mis en place comme le crédit d'impôt développement durable, sur leur adaptation aux réels besoins de notre pays et sur la place que nous réservons aux productions industrielles françaises et européennes, face aux choix techniques de moindre rendement et de moindre qualité. Vous le voyez, le besoin de confronter la réalité des objectifs au réel, et d'adapter nos choix vers les dispositifs les plus efficaces, mérite qu'un débat fructueux s'engage. C'est l'objectif de cette réunion de travail.
Première table ronde : Les objectifs et les instruments
Quelle contribution du secteur des bâtiments à la maîtrise des consommations d'énergie d'ici 2050 ?
M. Bruno Sido.- Notre première table ronde de ce matin vise à rapprocher deux éléments du paysage intellectuel très souvent traités dans des démarches séparées, et qu'il nous a semblé pertinent de rapprocher compte tenu de l'intérêt que le Gouvernement et le président de la République lui-même portent au sujet des bâtiments plus économes en énergie. D'un côté, des scénarios très médiatisés affichent des perspectives de réduction extrêmement ambitieuses en matière de consommation d'énergie dans le bâtiment à un horizon de moyen-long terme, en 2050. De l'autre, des efforts tout aussi médiatisés, notamment en lien avec le Grenelle de l'environnement, sont conduits depuis cinq ans pour créer de nouvelles normes de construction, et je pense en particulier à toute la démarche de mise en place de la fameuse RT 2012 dont parlait à l'instant André Chassaigne.
La question qui se pose est de savoir comment ces deux approches se réconcilient sur le terrain, c'est à dire au niveau des résultats tangibles, directement observables par les systèmes de mesures, et par les utilisateurs au travers de leurs factures. Il y a bien en effet un moment où il faut retourner au réel, et les difficultés économiques actuelles amènent pragmatiquement à s'interroger sur la facture énergétique du pays en termes de solde du commerce extérieur, et sur la facture énergétique des ménages qui pèse sur le niveau de consommation, et donc sur la croissance.
Cette première table ronde rassemble donc des professionnels chargés de nous dire ce qu'ils pensent de la trajectoire sur laquelle les efforts conduits actuellement nous situent, et ce qu'il serait possible de faire pour passer éventuellement à une vitesse supérieure, plus compatible avec les scénarios ambitieux affichés.
Les scénarios de référence.
Je vais donner la parole pour la présentation des scénarios de référence sur le moyen-long terme, d'abord à M. Olivier Sidler pour NegaWatt. J'insiste sur le fait que ce n'est pas le scénario complet dans ses détails qui nous intéresse, mais bien la manière dont il met en valeur la contribution des économies d'énergie dans le bâtiment à l'horizon envisagé. Vous avez la parole pour 10 minutes.
M. Olivier Sidler, ingénieur énergéticien, vice-président de NegaWatt. - Je voudrais rappeler pour commencer que l'association NégaWatt est constituée de professionnels du bâtiment, et n'ont rien à vendre. Ils sont tous engagés dans l'efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Le scénario NégaWatt a pour horizon 2050. Il est de long terme, et fondé sur l'idée que pour arriver aux performances devant être visées par tous, il n'y a pas une solution unique à mettre en oeuvre, mais un triptyque fondé d'une part sur la sobriété, c'est-à-dire une modification de nos comportements vis-à-vis de l'énergie, la suppression des gaspillages, d'autre part sur l'efficacité énergétique, tout ce que la technologie peut nous apporter pour réduire nos consommations à besoins identiques, et enfin sur le recours aux énergies renouvelables, élément fondamental appelé à changer beaucoup de choses.
Ce scénario s'est fixé deux objectifs très clairs: diviser par quatre les consommations d'énergie, et les émissions de gaz à effet de serre : la guerre contre le climat est devant nous. Elle approche très vite. Il y a une sorte de déni face à cette question, mais elle est là. Nous devrons la régler. Elle va coûter infiniment plus cher si nous ne prenons pas les bonnes mesures maintenant.
Le pic pétrolier est bien derrière nous: nous en subirons les conséquences à la fois en pénurie d'énergie et par l'augmentation de son prix liée à cette raréfaction. Il faut donc travailler sur ces deux éléments, le but du scénario étant de rendre possible le souhaitable et le nécessaire.
C'est un scénario très conservatoire dans la mesure où il utilise des technologies disponibles. Il n'y a pas d'hypothèse sur des technologies futures qui pourraient nous sauver la vie.
Sur la question du bâtiment, il est le suivant : nous passons de 27,8 millions de résidences principales aujourd'hui à 31,8 millions ; 14 % de logements en plus. Mais nous passons de 2,25 habitants par logement à 2,20, alors que la tendance nationale est plutôt d'aller vers 2. Ce choix n'est pas anodin. Il représente une économie de 3 millions de logements. Nous observons dans les pays actuellement en pénurie que les gens font de la colocation: ils occupent des logements grands à plusieurs. Nous le voyons en Espagne et d'autres pays. Personnellement, je ne crois pas que l'on aille vers des logements occupés par seulement deux personnes. Toutefois, la surface des logements augmente dans ce scénario. Elle passe de 91 à 93 m², et la surface par personne augmente également, de 39,4 à 40,9 m². Il ne s'agit donc pas d'un scénario de la pénurie, comme on a pu l'entendre.
Le neuf ne permet malheureusement pas de rénover le parc en un siècle, car l'on ne démolit que 30 000 logements par an et l'on en construit 300 000. Or il y a 30 millions de logements. À ce rythme, il faut mille ans. Il y a un renouvellement de 1 pour mille par an. La construction neuve accroit le parc mais ne se substitue pas à lui. Donc le grand enjeu est bien la rénovation, sur ce point-là nous sommes tous d'accord.
L'objectif de facteur 4 se traduit par une consommation de 50 kWh par mètre carré par an d'énergie primaire sur le chauffage seul. C'est l'objectif n°1, qui doit être mesurable dans ce scénario.
En deuxième hypothèse très forte, nous pensons qu'il faut rénover en une seule fois et pas en plusieurs couches, car dans ce cas cela ne se ferait pas. Je n'ai pas le temps de développer, mais je le ferai volontiers dans le débat: si vous lancez des opérations de rénovation en cascade, le premier étage se fera, et pas le reste, avec le risque de générer de la pathologie. Lorsque vous changez les fenêtres et rendez étanche le bâtiment, et ne faites pas la ventilation, le logement va devenir impropre à son utilisation, et même pathogène. De plus vous n'aurez pas les économies d'énergie, car il est impossible de faire fonctionner un logement dont la rénovation est hétérogène. C'est un problème technique sur lequel je pourrai revenir aussi tout à l'heure.
Il est donc question de rénover la totalité des logements, et non des tranches de logements.
Dans le neuf, les tendances choisies sont la poursuite des tendances actuelles : à partir de 2020 les bâtiments seront passifs. Autrement dit, ce qui est prévu réglementairement à ce jour n'est pas modifié.
En revanche il y a des modifications importantes dans l'ancien: dès 2013, nous avons envisagé 33 000 logements par an, puis 60 000 de plus chaque année, pour trouver un rythme de croisière à partir de 2022, où 500 000 logements seraient rénovés par an. C'est moins que le plan du président de la République actuel qui parlait de 500 000 logements lors de son quinquennat. Il s'agit d'une montée en puissance relativement raisonnable, même très raisonnable. La fin de la rénovation des logements d'avant 1975 interviendrait en 2044. Donc nous sommes bien au rendez-vous.
Pour les logements d'après 1975, déjà un peu isolés car il y a une réglementation à partir de cette date, le démarrage de la rénovation s'effectue en 2020, avec seulement 25 000 logements par an, et une montée en puissance en dix ans pour atteindre 250 000 logements rénovés chaque année à partir de 2030. Fin des rénovations : 2050.
Enfin dans le tertiaire, nous avons prévu le début des rénovations en 2014. Mais le scénario date de 2011, et il y aura un petit décalage. Le régime de croisière est atteint en 2026 avec 29 millions de mètre carré par an, et la fin de la rénovation en 2050.
Voilà le programme et la vitesse à laquelle il est prévu. Il n'a rien d'irréaliste. Il est au contraire très réaliste. Les résultats sont spectaculaires : on réussit à diviser par 4,6 la consommation d'énergie primaire du secteur bâtiment, et par plus de 10 l'émission de gaz à effet de serre, essentiellement de CO2.
J'ai une explication à vous donner, car sur l'ensemble du scénario il s'agit même d'un facteur 15 : tout simplement parce que nous travaillons sur l'origine des vecteurs énergétiques. Nous utilisons du gaz, mais il n'est pas fossile. Il vient essentiellement de la biomasse, pour 90 %, à travers des filières de fermentation, de gazéification. L'électricité elle-même est produite par des voies autres que la chaleur et le travail. Il y a des pertes énormes dans les centrales thermiques, quelles qu'elles soient. Nous revenons à des conversions directes, de type photovoltaïque ou éolien. Grâce à cela, à la fin du scénario Négawatt, nous ne sommes plus sur un coefficient de 2,58 de conversion finale primaire, mais 1,19, ce qui change tout à fait le contenu énergétique des kWh consommés. D'où cette chute monumentale sur les gaz à effet de serre.
Ce programme est donc très intéressant. Il va créer beaucoup d'emplois, comme le montre l'étude emploi publiée il y a quelques jours. L'impact environnemental est considérablement réduit.
Le gradient thermique, qui fait tellement peur à RTE, c'est-à-dire les 2 300 mégawatt électriques induits par la perte de chaque degré extérieur, les constructions de tranches nucléaires supplémentaires, tout cela disparait. Il y a énormément de gagnants dans ce scénario.
Ce scénario est construit sur l'obligation de rénover. C'est le débat actuel: si vous n'obligez pas à la rénovation, il n'y aura pas de rénovation au bon niveau.
Dans les bâtiments BEPOS, c'est-à-dire les bâtiments à énergie positive, le chauffage représente moins de 10 %, selon des campagnes de mesures, tout le reste recouvre des usages spécifiques de l'électricité : éclairage, bureautique, moteurs de ventilation et de pompes, électroménager. Là se trouve un gisement d'économie, par amélioration des produits, déjà en cours avec les directives européennes et la transformation des habitudes des usagers. Dans le scénario Négawatt, nous réduisons d'un facteur 2 les consommations d'usages spécifiques de l'électricité, dans le tertiaire et dans le logement, dès 2050. À titre personnel, j'ai déjà fait un facteur 3. Ce n'est pas du tout difficile. Dans nos bureaux nous sommes à un facteur 10 : ce sont des choses parfaitement possibles qu'il faut mettre en oeuvre, dont on ne parle jamais, et le gisement d'économies est tout à fait considérable.
La marche à suivre à partir d'aujourd'hui est :
1. Mettre en oeuvre cette obligation de rénover. Si vous ne le faites pas, il ne se passera rien du tout. Il faut le faire sur les mutations, premier élément. Et puisqu'il y a 500 000 rénovations et 470 000 mutations dans les bâtiments d'avant 1975, il faudra encore trouver quelques logements non concernés par les mutations et les rénover.
2. Définir ensemble des seuils de déclenchements : quand est-il nécessaire de rénover, ou non, des bâtiments de classe G, F, ou E.
3. Mettre en place un financement extrêmement robuste. Il y a 18 milliards de travaux à faire. L'étude de la KfW (anciennement Kreditanstalt für Wiederaufbau) en Allemagne montre qu'un euro investi, c'est 11 euros de travaux générés, et 2 à 4 euros rapportés à l'État.
4. Tout repose sur les artisans : la maison individuelle pour 53 %, et encore 20 % de petits bâtiments. Sans les artisans vous ne ferez pas de programme de rénovation. Leur formation est un sujet majeur.
M. Bruno Sido. - Je donne maintenant la parole 10 minutes à M. José Caire pour la présentation du scénario de l'ADEME, là encore avec l'idée de mettre en valeur la contribution des économies d'énergie dans le bâtiment à l'horizon envisagé.
M. José Caire, directeur Ville et Territoire durable, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). - L'ADEME est en train d'achever la construction d'un scénario à deux horizons, 2030 et 2050, sur la demande en énergie et la question de la production d'énergie renouvelable. Ce n'est pas un scénario bâtiment isolé du reste, mais je vais faire un petit extrait le concernant.
Dans la méthodologie générale, sur l'horizon 2030, la méthode utilisée est celle de l'utilisation des données d'aujourd'hui avec des technologies à notre portée, sans bouleversement majeur ou changement radical de notre mode de vie, avec un minimum de volontarisme. Pour le scénario 2050 il s'agit d'une vision normative, où l'on va chercher l'objectif du facteur 4 pour les émissions de gaz à effet de serre, en vérifiant que l'on peut trouver un chemin réaliste. Ce scénario est tous secteurs. Il s'est attaché au bâtiment, l'industrie, les transports, l'agriculture, et vérifie la cohérence entre les différents secteurs. Sur les hypothèses démographiques et économiques, donc croissance, taille des ménages, etc., nous avons repris les hypothèses de l'INSEE, du ministère, du Centre d'analyse stratégique, ou de l'Agence de l'énergie pour les prix de l'énergie à l'importation.
Sur les principales hypothèses 2030, nous sommes sur un rythme de construction en résidentiel à 350 000 par an, pour 310 000 aujourd'hui. Il y a des fluctuations très importantes bien entendu. Sur le tertiaire nous maintenons les surfaces par employé actif.
Nous n'avons pas regardé les questions de sobriété, très importantes comme on l'a rappelé. Sur les comportements, en particulier les consommations de chauffage et d'eau chaude, nous n'avons pas diminué le nombre de douches ni réduit les températures intérieures. Sur l'enveloppe thermique, nous sommes sur un scénario à 500 000 rénovations thermiques en moyenne par an, détaillées par type de parc, âge du parc, pour considérer les choses de manière précise. Sur les équipements de la maison ou de l'appartement, nous avons fait un certain nombre d'hypothèses en prolongeant des constats que l'on peut faire aujourd'hui. Sur le chauffage, nous arrivons en 2030 à une hypothèse de 20 % de pompes à chaleur, avec des coefficients de performance améliorés à 4 par rapport à 3 aujourd'hui, donc un taux de pénétration équivalent à celui des chaudières à condensation ; pour l'eau chaude nous tablons sur une avancée des chauffe-eau thermodynamiques, 10 % de chauffe-eau solaires. Nous prévoyons une augmentation des consommations liées à la climatisation car la présence des pompes à chaleur a cet effet-rebond, et ceci dans le cadre d'un réchauffement, d'une augmentation des températures ambiantes. Sur les équipements spécifiques, nous avons pris l'hypothèse qu'en 2030 l'équipement moyen correspondrait à ce que l'on fait de mieux aujourd'hui. Par contre, il y a une augmentation du niveau des équipements, ce qui fait que ce poste reste stable.
Sur l'organisation urbaine: nous avons aujourd'hui un parc composé de 58 % de maisons individuelles, et de 48 % de logements collectifs. En 2030 nous considérons un équilibre entre les deux.
Cela donne le résultat suivant : une baisse en millions de TEP de 44 à 32 sur le résidentiel, de 22 à 18 sur le tertiaire, donc globalement une baisse de 23 %. Sur le scénario 2050, nous sommes à un rythme de 300 000 constructions neuves en moyenne par an. Sur le tertiaire, nous avons intégré une baisse de 20 % des surfaces par employé en intégrant la question du télétravail, et la pression sur le foncier : il sera procédé nécessairement à plus d'efforts qu'aujourd'hui sur la consommation de surface.
En termes d'enveloppe des bâtiments, à partir de 2020 le parc neuf aura un niveau de performance très élevé. Nous sommes en moyenne sur le parc rénové à 130 kWh tous usages, et sur le parc neuf à 100 kWh tous usages, en conservant dans ce tous usages 50 kWh d'usages spécifiques, domaine assez difficile à considérer à long terme. Nous avons donc fait le choix de la progression de l'efficacité des équipements, mais aussi de l'augmentation des usages.
Nous arrivons à 50 % de pompes à chaleur en matière de chauffage, un taux important sur les systèmes hybrides, la micro-cogénération, 50 % de chauffe-eau thermodynamiques, 20 % de chauffe-eau solaires, et une augmentation forte de la climatisation, encore plus accentuée par rapport à 2030, avec une multiplication par 6 des consommations par rapport à aujourd'hui. Pour l'organisation urbaine, nous sommes basculés à 40 % de maisons individuelles et 60 % de logements collectifs dans la construction neuve.
Le résultat est le suivant avec la perspective de 2010 à 2050 : nous arrivons pour le résidentiel à 22 millions de TEP, sur le tertiaire à 15 millions, donc au total sur le bâtiment nous passons de 66 en 2010 à 37 en 2050. Une division pas tout à fait par 2.
Je ne détaille pas la répartition des vecteurs énergétiques à 2050. Ce qui est important: de 151 millions de TEP en 2010, nous passons à 123 en 2030 et à 82 en 2050. C'est en gros une division par 2 de l'énergie. Mais sur les gaz à effet de serre, la référence étant 525 en 1990, nous passons à 313 en 2030 et à 131 en 2050. Nous avons donc bien le facteur 4 sur ces émissions.
Sur les éléments financiers, très sommairement, le bâtiment aujourd'hui représente 140 milliards d'euros par an, construction plus rénovation, résidentiel et tertiaire. La répartition est de 55 pour le tertiaire et 85 pour le résidentiel, qui représente 43 milliards de constructions et 42 milliards de rénovation, dont 27 d'entretien-amélioration, et une quinzaine ayant un impact énergétique. Sur cette quinzaine, il n'y en a que deux ayant un impact énergétique réel, dans la gamme de ce que l'on cherche à faire dans notre dénomination appelée « 3 étoiles », avec une réelle efficacité.
Les 42 milliards de rénovation concernent chaque année à peu près 8 millions de logements. Il s'agit donc de petits travaux, de l'ordre de 5 000 euros par opération, alors que les « 3 étoiles » concernent 100 000 - 135 000 logements par an, sur des opérations d'un coût d'à peu près 15 000 euros. C'est bien ce type de rénovation qu'il faut multiplier par trois si l'on veut arriver aux 500 000. Nous avons donc à réorienter des sommes déjà investies vers des travaux plus efficaces en matière énergétique : il ne s'agit pas forcément, en intégralité, d'argent en plus. Comme ordre de grandeur, Olivier Sidler parlait tout à l'heure de 18 milliards. Nous sommes plutôt autour d'une dizaine de milliards, la question des prix unitaires étant un sujet en elle-même.
Il nous restera à faire le travail en termes d'impact macroéconomique et sur les emplois.
Les dispositifs opérationnels.
M. Bruno Sido.- Nous en venons maintenant à la présentation des différentes démarches envisagées en pratique pour aller vers des bâtiments plus économes en énergie. En premier lieu, la parole revient au directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, M. Etienne Crépon qui vient d'arriver, et va nous présenter en dix minutes la démarche réglementaire en cours, celle de la RT 2012.
M. Etienne Crépon, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). - Quelques mots pour vous présenter les modalités d'élaboration de la règlementation thermique 2012 et des premiers retours d'expériences sur cette démarche. La règlementation thermique 2012 a été lancée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, avec un principe fixé dans la loi dite Grenelle 1 et des modalités mises en oeuvre fin 2011. Après de longs débats au Parlement, elle s'est concentrée sur une consommation d'énergie primaire standardisée à 50 kWh par mètre carré et par an. Ce sera dans le cadre de la RT 2020 que sera pris en compte, comme l'a souhaité le Parlement, l'autre grand élément, qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2.
On estime que la mise en oeuvre de la règlementation thermique 2012 par rapport à la précédente, qui datait de 2005, permettra de faire économiser 150 milliards de kWh sur la période 2013-2020 et de l'ordre de 560 milliards de kWh sur la période 2020-2050.
Les modalités d'élaboration de cette règlementation thermique représentent trois ans de travail pour 13 groupes thématiques, des consultations publiques organisées par le ministère en charge de la construction à intervalles réguliers pour bien vérifier que les orientations fixées par les groupes de travail étaient le plus consensuel possible, des centaines pour ne pas dire des milliers de simulations, tout ceci éclairé par un document de cadrage produit par votre observatoire, qui a été l'un des guides d'élaboration de cette règlementation.
Elle fixe trois exigences de résultats, et non plus de moyens : de consommation maximale ; d'efficacité énergétique du bâtiment, grâce à la qualité de l'enveloppe ; et de confort d'été.
Nous estimons, et c'est globalement consensuel dans l'ensemble des professionnels, que cette règlementation n'a pas d'équivalent en Europe ni dans les pays développés. Sur ce sujet, la France a été véritablement pionnière. Afin que cette dimension pionnière ne conduise pas à une totale déstructuration des filières industrielles, il a été prévu une phase transitoire jusqu'au 1er janvier 2015, sur laquelle les exigences de la règlementation thermique ont été majorées de 7,5 kWh.
D'autre part et après une phase de discussion avec l'ensemble des partenaires, une modulation de cette règlementation existe en fonction de la taille des logements, considérant qu'il est beaucoup plus difficile de parvenir aux mêmes résultats sur du tout petit logement, que sur du grand logement.
La diapositive montre la manière dont post-2015, la règlementation thermique sera modulée en fonction de la taille des logements. Jusqu'à 2015 il suffit de translater la courbe de 7,5 kWh par mètre carré et par an pour avoir les exigences qui s'appliquent aujourd'hui.
Les retours d'expériences des prédécesseurs de la règlementation thermique 2012, et les consommations réelles telles que nous pouvons les constater sur des résidences et ménages, permettent de constater que globalement, les simulations mises en oeuvre dans la règlementation thermique sont relativement en phase avec les consommations réelles constatées par les usagers.
Quelques focus spécifiques sur des sujets qui intéressent votre observatoire : D'une part, une valorisation des outils de pilotage énergétiques est intégrée dans les moteurs de calcul de la règlementation thermique.
Deuxième élément, c'est l'un des sujets essentiels en matière de règlementation technique en général, l'ensemble des partenaires a la capacité de vérifier sa bonne mise en oeuvre. Nous savons tous qu'il y a des règlementations techniques non totalement respectées par les maitres d'ouvrage. C'est pour cela que le Parlement dans le cadre de la loi Grenelle 2 a introduit une obligation d'attestation de prise en compte de la RT 2012, délivrée à plusieurs étapes de la vie de l'opération : au moment du dépôt de permis de construire, et au moment de la livraison du bâtiment. Elle est délivrée par un tiers, et non pas simplement auto-déclarative de la part du maître d'ouvrage.
Voilà les grands éléments de présentation que je souhaitais faire sur la règlementation thermique.
M. Bruno Sido. - Je donne maintenant la parole cinq minutes à M. Etienne Vekemans de la Maison Passive France, qui va nous présenter une autre démarche, de dimension européenne, bénéficiant déjà d'un bon retour d'expérience chez nos voisins.
M. Etienne Vekemans, président de la Maison Passive France. - Cela ne se voit pas très bien sur cette première diapositive, mais nous avons en France une grosse centaine de bâtiments labellisés Passif. Ils se sont développés autant dans le neuf qu'en rénovation. C'est une démarche volontariste pour l'instant, résultat essentiellement d'un maître d'ouvrage ambitieux, de conseils régionaux qui souhaitaient aller au-delà d'une réglementation thermique. On peut citer ceux de Bourgogne, de Poitou-Charentes. Des conseils généraux ont souhaité également développer ce genre de constructions comme ceux de Côtes d'Armor, voir des villes, comme Ancenis par exemple, qui a construit un bâtiment scolaire passif dans lequel on montre, ce bâtiment en ayant remplacé un plus ancien, que la ville d'Ancenis économise chaque année 30 000 euros sur les frais de fonctionnement. Cela représente un poste de travail en plus pour une petite communauté, grâce à ces économies sur les bâtiments.
Nous sommes au début de ces constructions passives. Mais au bout de 7 ans, les coûts de construction ont énormément baissés, puisque les bâtiments passifs sociaux sortaient il y a 7 ans à 2 200 euros du m², et aujourd'hui à peu près au niveau de la RT 2012 : un bâtiment en cours de construction à Béthune coûte 1 300 euros du m², en passif.
Ce mode constructif vaut-il la peine ? Je pense que oui. Nous n'avons pas de marché de la revente de bâtiments passifs car les habitants ne veulent pas se séparer de leur logement ou de leur maison.
La diapositive suivante montre où se situe ce passif dans le paysage du bâtiment français. Nous avons fait une petite étude après avoir eu les moteurs définitifs de la RT 2012 pour voir ce qu'il était encore possible d'économiser, en passant d'un bâtiment basse consommation à un bâtiment passif. Il est encore possible d'économiser une consommation de chauffage d'un facteur 4, ce qui est une bonne chose pour éviter un pic de consommation d'hiver. Monsieur Sidler le disait, nous avons dans ces bâtiments une consommation des usages spécifiques qui devient prépondérante, et malgré tout nous arrivons à avoir une diminution d'un facteur 2 en termes d'énergie primaire, tous usages confondus puisque aujourd'hui les bâtiments doivent être pris en compte ainsi, sans se contenter de la seule consommation liée au bâtiment lui-même.
Y a-t-il un intérêt à aller plus loin ? Pour terminer et ouvrir le débat nous allons voir ce qu'il se passe chez nos voisins européens avec la dernière diapositive.
Voici la carte d'Europe du Passif. Ce système a été pensé il y a une vingtaine d'années pour l'Europe, en Europe, par des européens, et aujourd'hui l'Europe est le lieu de son développement, mais pas uniquement. Le Japon depuis deux ans s'y intéresse beaucoup. Nous recevrons bientôt une délégation de japonais pour visiter les bâtiments passifs français. Il se développe également dans d'autres pays comme la Corée, les États-Unis, etc.
Sa mise en oeuvre reste prépondérante en Europe, de la Sicile, jusqu'à Stockholm. Nous voyons sur cette diapositive que les pays colorés en vert ont déjà prévu dans leur règlementation la mise en place du Passif pour une date assez proche. N'oublions pas que la ville de Bruxelles capitale a désormais, parce que le Passif coûte le même prix que le règlementaire, décidé que tous les bâtiments neufs à partir du 1er janvier 2015, seront construits au niveau passif.
Pour rendre ce Passif plus facile, un choc de simplification serait nécessaire, que l'on puisse avoir des matériaux, des matériels plus nombreux, plus innovants, de manière à réduire les coûts. Le Passif attend la réduction des coûts due à l'industrialisation des procédés et des processus.
Nous commençons le mois prochain un projet européen pour adapter ces matériaux et matériels nouveaux pour la rénovation, et je pense que nous pouvons nous attendre dans les années à venir à des réductions importantes sur les constructions passives en France.
M. Bruno Sido. -Je vais enfin demander à M. Olivier Cottet de Schneider Electric, de nous présenter en cinq minutes les enseignements du projet Homes, soutenu par plusieurs industriels européens, qui vise à mettre en valeur l'apport de la gestion active de l'énergie, démarche complémentaire ou alternative à l'isolation selon les cas de figure, et les investissements en jeu.
M. Olivier Cottet, directeur du programme Homes, Schneider Electric. - Ce programme Homes est un programme de recherche et d'innovation financé par l'État français, qui portait sur l'efficacité énergétique active en Europe, des bâtiments résidentiels et tertiaires. J'insiste puisque nous avons beaucoup parlé de la maison individuelle et du logement, il se trouve que tous les bâtiments tertiaires, logistiques ou publics, sont porteurs d'énormément de potentiel de gains et d'économies d'énergie.
Pour résumer quatre ans de travaux avec des laboratoires de recherche de l'État, des entreprises privées, des PME, des PMI et des grands groupes internationaux français ou européens, je vais me focaliser sur trois points.
1. L'enseignement principal du programme est que l'énergie, regardée de manière systémique, n'est pas un besoin en soi, mais un moyen pour produire des services. C'est en travaillant sur l'optimisation de ces services rendus aux occupants, des processus, des activités, et de la productivité des activités se trouvant à l'intérieur de ces bâtiments, que l'on obtient les meilleures économies d'énergie. C'est le fameux adage : l'énergie la moins polluante est celle que l'on n'a pas consommée.
Pour produire ces services, trois sous-systèmes sont relativement indépendants, l'enveloppe, dont on a beaucoup parlé, qui gère les conflits entre l'intérieur et l'extérieur; les systèmes des machines, le monde des ingénieurs qui transforme l'énergie pour la distribuer ; et le monde de l'usage, local par local, qui utilise l'énergie.
L'enseignement de ce programme est que ces trois systèmes sont relativement indépendants. Travailler sur chacun de ces sous-systèmes permet d'obtenir de l'efficacité et de l'amélioration de la performance énergétique, indépendamment les uns des autres.
Par exemple pour économiser dans l'éclairage, on peut agrandir la fenêtre (enveloppe), mettre des LED (équipement technique), ou mettre une minuterie (gestion).
Non seulement ces solutions sont indépendantes et complémentaires, mais sur l'ensemble du marché européen, donc sur les 230 millions de bâtiments en Europe, leur potentiel de gain est équivalent. Quand on s'intéresse à un seul des postes, on oublie deux tiers d'économies potentielles. Travailler sur ces trois paquets de solutions permettrait d'aller chercher des économies substantielles.
2. À partir de cet enseignement, l'ensemble de ce programme s'est focalisé sur le contrôle actif, c'est-à-dire les éléments de pilotage, de gestion, d'optimisation et d'information pour les différentes parties prenantes, de manière à améliorer la performance d'ensemble du système.
Ce tableau résume l'intégralité de l'enseignement de ce programme de recherche : les potentiels de gains sont relativement conséquents, puisqu'on peut aller de 20 à 60 % d'économie d'énergie pour une même qualité des services rendus, et un même confort. Nous ne sommes pas en train de sacrifier le confort pour faire des économies d'énergie. Ces potentiels de gains dépendent de la capacité à piloter les services rendus plus ou moins finement dans les locaux et en fonction de la présence des gens.
Si l'on considère un bâtiment comme étant un ensemble et qu'on le pilote globalement, il est possible d'atteindre 20 % d'économies d'énergie par ce pilotage et ce monitoring. Si l'on travaille local par local, on peut atteindre 55 %. Ces chiffres ont été corroborés par des expérimentations sur des sites pilotes.
Nous avons une relation entre les économies générées et les coûts d'investissement. Les montants d'investissement à mettre en oeuvre augmentent avec le nombre de capteurs de température ou la capacité à piloter les équipements techniques. Globalement, pour environ 50 euros du mètre carré d'investissement, on obtient environ 50 % d'économie d'énergie; pour 20 euros du m², on obtient à peu près 20 % d'économie d'énergie. C'est une règle simple, donc fausse, mais les ordres de grandeur sont là. Nous ne sommes pas sur du 300, 400, 500 euros du mètre carré pour obtenir 20 ou 25 %, mais quelque chose de presque auto-suffisant économiquement, pas tout à fait car les retours d'investissement sont globalement entre 3 et 7 ans dans le tertiaire, 2 à 5 ans dans le résidentiel.
3. Je suis au bout de mon temps de parole, et je n'évoque pas l'objectif de permettre au bâtiment de contribuer à l'arrivée des énergies renouvelables dans les réseaux électriques.
Du point de vue économique, nous sommes de 20 à 60 % de la facture globale d'un site. Appliqué à l'ensemble du parc de bâtiment en Europe, nous obtiendrions 40 % du poste bâtiment.
Les objectifs sont-ils tenables ?
M. Bruno Sido. - Notre dernière série d'intervenants sont chargés de nous donner leur avis sur l'adéquation de la trajectoire actuelle avec notre ambition collective d'avoir un parc bien moins consommateur d'énergie.
Je commence par donner la parole cinq minutes à M. Sylvain Godinot, directeur de l'Agence locale de l'énergie de Lyon. Cette agence fait un vrai travail de terrain, d'une manière extrêmement motivée et dynamique, pour mettre en oeuvre la nouvelle réglementation thermique. Nos collègues Claude Birraux et Christian Bataille l'avaient découvert avec beaucoup d'intérêt au cours de leur étude sur la performance énergétique des bâtiments de 2009.
M. Sylvain Godinot, directeur de l'Agence locale de l'énergie (ALE) de Lyon. - Je vais centrer mon intervention sur la rénovation plutôt que sur le bâtiment neuf. Pour les objectifs, je me suis fondé sur l'annonce récente dans le plan d'investissement pour le logement, donc 380 000 logements privés. Pour le logement social, il y a des éléments favorables sur l'agglomération lyonnaise. Ils nous permettent de penser que nous sommes sur la bonne trajectoire. Le Grand Lyon délibère ce mois-ci sur le financement de la rénovation du logement social, et les bailleurs sociaux sont massivement engagés sur le niveau BBC rénovation. La question la plus ardue nous semble être la rénovation énergétique du logement privé avec les objectifs affichés, moins 38 % de consommation d'énergie d'ici 2020, 50 % d'économie de gaz à effet de serre, un triplement du rythme actuel de la rénovation, par rapport aux cent et quelques mille affichés aujourd'hui.
Il existe différents objectifs de rénovation. L'ANAH affiche un gain relatif de 25 %. En Rhône Alpes, les collectivités qui s'engagent dans la rénovation énergétique du logement visent le niveau BBC rénovation, standard qu'elles souhaitent mettre en avant, plutôt qu'un standard d'amélioration relative. Elles sont donc plutôt favorables à un objectif absolu plutôt que relatif, même s'il fera l'objet d'un certain nombre d'exceptions.
La raison de ce choix en a été exposée par monsieur Olivier Sidler. Il sera difficile de faire deux rénovations successives dans un bâtiment, et considérer le gain relatif peut amener à négliger des améliorations faisables en une fois et pas en deux.
Les premiers retours d'expérience dans la région Rhône-Alpes, la ZAC d'Eaubonne, ou Confluence à Lyon, et un certain nombre d'autres, montrent que les promesses sont à peu près au rendez-vous, à peu près seulement. Il subsiste des améliorations à faire : comportement des usagers sur la température notamment. Il y a également un gros enjeu sur le commissionnement des bâtiments (c'est à dire la vérification des performances), la maintenance après livraison, et plus nous allons vers des systèmes robustes, qui permettent à l'usager standard que nous sommes tous de ne pas avoir à passer un diplôme d'ingénieur sur la rénovation énergétique des bâtiments, plus il y aura de chances d'atteindre les performances.
La maintenance est aujourd'hui très peu faite, et cette tendance subsistera. Le fait de massifier ce développement passera aussi par des questions sur des dispositifs d'animation et d'ingénierie, j'y reviendrai.
En regardant le paysage actuel : le crédit d'impôt développement durable a été plutôt tiré vers le bas ces derniers temps en volume, avec des critères fortement resserrés ; l'éco-PTZ a une durée trop courte, 10 ans pour l'éco-PTZ ne fonctionne pas, il faudrait le porter à 15 ans pour arriver à financer les travaux; le dispositif de certificat d'économie d'énergie qui permet des gains intéressants avec des interrogations sur la troisième période; un soucis sur les tarifs d'achat ENR, puisque le photovoltaïque n'est plus autoporteur même dans le neuf, et dans la rénovation il est quasiment impossible d'en intégrer. Les ZANA sont en discussion, ainsi que d'autres Z, bonification de Cos, majoration de loyer pour le propriétaire bailleur, etc. Nous avons un empilement de dispositifs financiers qui justifie pleinement l'apparition d'un guichet unique, et l'objectif de travailler à des simplifications. J'ai le sentiment de vases communicants entre des aides annoncées par l'ANAH, avec l'augmentation de la prime « habitez mieux » notamment, et un durcissement sur le crédit d'impôt.
Nous avons une règlementation thermique de l'existant. On en a peu parlé car elle est relativement insipide : n'importe qui peut rénover à peu près n'importe quel logement, et sans même regarder la règlementation, la respecter. Autrement dit, elle ne sert à peu près à rien en termes de signal règlementaire, sur l'existant. Il est donc besoin de durcir cette règlementation thermique de l'existant, sans quoi la loi est à peu près inutile.
Dans les besoins additionnels, ce besoin de la règlementation thermique existante avec une perspective d'obligation de rénovation à court terme, qui donnera une valeur verte aux bâtiments rénovés performants, tertiaires ou logements. À plus long terme, nous avons besoin d'une contribution climat-énergie pour donner un signal-prix sur le changement climatique. On ne peut pas dire qu'on lutte contre le changement climatique si les émissions de CO2 restent gratuites pour la moitié des acteurs de la France. Nous avons besoin aussi de l'apparition de ce guichet unique avec les appels à projets qui devraient être lancés dès cette année.
Dans la plupart des territoires apparaissent des rénovations très performantes de niveau BBC. Il existe encore des aides locales des collectivités, qui restent centrales, à Lyon, Grenoble, à Brest et dans bien d'autres agglomérations françaises. L'émergence du tiers financement des copropriétés nous semble être un dispositif absolument indispensable.
Nous attendons une articulation de toute la filière en termes de formation et d'accréditation des compétences, des ambassadeurs énergie, des espaces-info-énergie, des acteurs du guichet unique, et de ceux de la maîtrise d'oeuvre.
M. Bruno Sido. - Je vais maintenant demander à M. Rouzbeh Rezakhanlou d'EDF de nous faire part de ses travaux relatifs à la mise en oeuvre des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment. Il intervient ici pour présenter une étude publiée de manière très complète par l'Union française d'électricité. Elle concerne principalement le marché de la rénovation. Vous avez cinq minutes.
M. Rouzbeh Rezakhanlou, chef de département, Direction Stratégie Commerce, EDF. - Je partirai de la question telle qu'elle est posée : les objectifs sont-ils tenables ? Notre réponse est claire, c'est non. Les objectifs que la France s'est fixés à l'horizon 2020, dans le plan communiqué à la Commission européenne, sont de l'ordre de 28 millions de tonnes d'équivalent pétrole d'économie d'énergie, 90 % concernant le secteur du bâtiment. Nos évaluations indiquent qu'avec les mesures engagées, le crédit d'impôt, l'éco-prêt à taux zéro, les différentes règlementations, les certificats d'économie d'énergie, nous arriverons bon an mal an à en atteindre un tiers. Donc pour arriver à la cible, il va nous falloir engager des mesures pour économiser à peu près 18 à 20 millions de tonnes d'équivalent pétrole supplémentaires. Les mesures engagées n'ont pas eu d'effet en volume, mais très significativement sur les gestes faits : nous constatons dans le résidentiel que le nombre d'appareils performants, de systèmes d'isolants plus performants, etc. a pratiquement été multiplié par 1,5, donc 50 % de hausse. Cette augmentation de la qualité a tout de même un coût pour la collectivité, loin d'être négligeable. Sur la période 2006-2010, nous avons dépensé sur les ensembles de mesures d'incitation entre 2 et 3 milliard d'euros par an.
Vous avez fait référence à l'étude de l'Union française de l'électricité. Nous sommes partis du prix actuel des énergies. Sur la vingtaine de millions de tonnes d'équivalent pétrole que l'on cherche à atteindre, nous n'en avons actuellement que 3 à 4 millions de tonnes de rentables. Cela ne veut pas dire que cette situation ne peut pas s'améliorer, mais c'est un constat factuel. Donc un sixième seulement de la cible à atteindre est rentable pour le client. Cette première conclusion interroge sur les limites d'une politique forte d'incitation de la demande.
Il est temps de s'interroger sur une politique très active de structuration de l'offre. Pour l'atteindre, selon nous, il faut mettre en oeuvre plusieurs démarches, dans une organisation autour de quatre étapes-clef.
D'abord un diagnostic fiable, compréhensible par le client. Il doit conduire à des recommandations de travaux adaptés à son logement, qu'il soit capable de payer dans un plan de rénovation du logement sur le long terme.
Deuxième étape : la question des financements. Nous avons vu le peu de succès qu'a pu avoir l'éco-prêt à taux zéro. Les questions de financement sont compliquées pour les clients, difficiles d'accès. Ces questions doivent être réglées assez rapidement.
Troisième point, pour la structuration de l'offre, je vais reprendre les travaux d'Olivier Sidler et d'Enertech. Il nous semble effectivement extrêmement intéressant de travailler sur la structuration de l'offre et la question du regroupement des travaux.
Quatrième point : il nous semble que ces trois étapes doivent être intégrées dans des programmes structurés au niveau local, car il s'agit de cibler les programmes au plus près de la demande. L'acteur clef en serait les collectivités territoriales.
Cette démarche structurante doit être selon nous à deux cibles : la première, les 4 millions de logements énergivores, la deuxième, essayer d'instaurer autant que faire se peut, le réflexe énergétique sur les trois millions de gestes et de travaux entrepris annuellement par les français : changement de chaudière, isolation. Beaucoup de travaux se font sans aborder la question énergétique. Il existe des gisements de conversion de l'efficacité énergétique dans cette logique-là.
Sur les certificats d'économie d'énergie, notre avis est qu'ils peuvent être maintenus moyennant une simplification sur le haut de portefeuille, le marché des collectivités territoriales, le tertiaire, les entreprises. En revanche, nous continuons de penser que c'est un dispositif inadapté pour atteindre les gisements d'économies d'énergie dans le résidentiel diffus.
M. Bruno Sido. - Enfin, je donne la parole à Mme Brigitte Vu qui gère un cabinet d'ingénierie dans le bâtiment, et dispose d'une expérience de terrain sur la manière dont la nouvelle réglementation thermique prend forme dans la pratique. Vous avez cinq minutes.
Mme Brigitte Vu, ingénieur en efficacité énergétique du bâtiment, gérante du bureau d'études Batireco-BBC. - J'ai voulu faire quelque chose de très pragmatique avec un retour-terrain. Au niveau des bilans des projets certifiés BBC-Effinergie, dans le logement individuel, diffus ou groupé, il y a eu 80 723 dépôts de demandes de labellisation avec un peu plus de 30 000 labellisations obtenues, soit un pourcentage de 37,39 %. Au niveau du logement collectif, nous avons eu 439 615 de demandes de labellisation, avec 87 022 labellisations obtenues, soit un peu moins de 20 %.Ce sont les résultats fin 2012.
Sur l'ensemble des dépôts des permis de construire depuis la mise en route de la labellisation BBC-Effinergie, 4 % ont obtenu cette labellisation.
Le système constructif a été relativement évolutif jusqu'en 2010 avec 23 % des constructions effectuées en parpaings, et 62 % en briques, puis entre 2010 et 2012, moment où les particuliers ont été moins aidés, il y a eu un retour très important des constructions en parpaings avec un doublement de 23 à 46 %, et une diminution de la brique de 62 % à 42 %. La logique économique semble être respectée. Sur l'ensemble des constructions labellisées BBC-Effinergie, environ 90 % sont construites soit en parpaing, soit en briques, ce qui laisse relativement peu de place aux nouveaux systèmes constructifs.
Les systèmes de chauffage montrent une diminution importante de la part de l'électricité, au profit du gaz qui concerne 71 % des opérations en chauffage collectif, et 27 % en chauffage individuel. Le gaz demeure l'énergie prépondérante pour les constructions labellisées BBC-Effinergie.
Pour les ventilations mécaniques contrôlées, 87 % des maisons individuelles en secteur diffus sont équipés de VMC simple flux, et en collectif, 92 % des VMC sont de type Hygro B. On remarque une très nette diminution de l'installation de ventilations double flux. Cela peut provenir du fait que le coût d'une telle installation est de 3,5 à 4 fois plus importante qu'une VMC simple flux, et aussi qu'il est nécessaire de structurer la filière dans la mesure où il n'existe pas vraiment de métier de la ventilation, les installations étant effectuées soit par des électriciens, soit par des plombiers. Une réflexion dans ce domaine est importante, car le métier de l'aéraulique est en devenir. Il n'existe pas encore aujourd'hui.
Pour les productions d'eau chaude sanitaire (ECS), nous constatons un essor très important de l'ECS thermodynamique avec 50 % des projets certifiés en maisons individuelles. En collectif, 53 % des projets certifiés sont équipés d'une production d'ECS au gaz, 37 % en ECS solaire, 6 % en électrique.
Nous constatons en individuel comme en collectif, une diminution très importante de la part du solaire, sur un facteur prix et maintenance qui avait été, au début tout au moins, peu pris en compte par l'ensemble de la filière.
La RT 2012 et après ?
La RT 2012 n'est qu'une étape vers l'autonomie énergétique des bâtiments dans le neuf. Le label Effinergie+ a été lancé en 2012. Il y a quelques opérations en cours, de l'ordre de 415 logements collectifs, 138 maisons individuelles. Il y a encore peu de retour pour pouvoir faire une analyse sérieuse. Le Bâtiment à énergie positive (BEPOS) a été lancé en février 2013. Il nous reste à voir ce qu'il va donner, sachant que pour prétendre au label BEPOS 2013, il faut déjà au moins être au niveau Effinergie+ pour le bâtiment.
En conclusion, les objectifs sont tenables dans la mesure où la filière arrive à se structurer d'avantage. Il y a un manque très important de formation pour les professionnels, et de fait, les résultats ne sont pas ceux que l'on aurait pu espérer. Si cette formation n'est pas améliorée, la RT 2012 ne donnera pas les résultats escomptés.
M. Bruno Sido. - Après avoir entendu les uns et les autres, l'administration, NegaWatt, etc., et puis les doutes d'EDF sur les résultats, je vais maintenant donner la parole pendant une demi-heure pour débattre de tout ce qui vient d'être dit ce matin.
M. Olivier Sidler. - Effectivement, il y a un contraste entre la position de M. Rouzbeh Rezakhanlou qui nous dit : ce n'est pas faisable, ce n'est pas supportable par le particulier, et les propositions de NégaWatt, qui a une vision plus globale, vous l'avez compris. Le changement climatique n'est pas l'affaire seulement de chacun, mais une affaire collective, et ce n'est pas le particulier qui pourra supporter ces investissements et les rentabiliser sur sa propre facture. Pour que cela se fasse, et cela doit se faire, nous en sommes tous convaincus, car la question du changement climatique est vraiment devant nous, et pas tout à fait assez prise au sérieux, celle de la pénurie énergétique non plus, il faut aller vers ce que j'ai appelé un financement robuste dans lequel il y aura une participation de l'État. Car les gagnants ne sont pas seulement les particuliers. J'ai évoqué la question dont personne ne parle beaucoup mais dont RTE nous avait entretenu, à savoir la grande peur de l'augmentation de la consommation d'électricité lorsqu'il fait froid l'hiver. Nous sommes actuellement avec un gradient de 2 300 MWh électriques par degré. Tout cela risque de casser un jour sauf à renforcer les centrales, etc. L'idée était : rénovons le parc pour alléger cette charge. Il est évident que lorsque les particuliers investissent, cela bénéficie aussi à RTE, et à la collectivité, puisque l'on peut échapper au changement climatique, etc. La question ne peut être posée uniquement sur l'investissement des particuliers. L'analyse faite est probablement juste, cela va être un peu tangent, tout le monde ne va pas passer. Il faut vraiment que l'État joue son rôle, un rôle de chef d'orchestre, c'est-à-dire qu'il ne suffira pas de créer un financement, mais il faudra organiser. Ce sujet est très complexe. Si l'État ne prend pas en charge son rôle de pilote et de chef d'orchestre, cela ne se fera jamais. J'ai évoqué la question de l'obligation : j'ai vu des opérations financées à plus de 80 % dans des copropriétés grâce aux soutiens que l'État accorde à celles qui vont mal, les prêts à taux zéro, etc. Il restait moins de 20 % à la charge des gens, ils ont voté non. Cela prouve bien que l'incitation n'aboutira jamais. Je pense que la différence entre nos positions est dans le rôle que peut et doit jouer l'État.
M. Rouzbeh Rezakhanlou. - Sur la question de l'institution d'une obligation, des chiffres peuvent laisser croire que cela pourrait ne pas être cher, 20 à 50 euros du mètre carré pour 20 ou 50 % d'économie d'énergie, selon la loi que monsieur Cottet a mentionnée tout à l'heure. Mais si vous le faites avec le parc à rénover, nos graphiques montrent que nous devons nous attendre plutôt à un effort total de 10, 15 milliards d'euros par an. S'il n'y a pas possibilité de les financer, il s'agira d'une imposition nouvelle sur le contribuable, rendue obligatoire.
M. Olivier Cottet. - L'évaluation de Schneider est claire ; elle vise le système de régulation.
M. Olivier Sidler. - Je pense qu'en rénovation, nous sommes plutôt sur 300 euros du mètre carré. C'est vrai, c'est beaucoup plus. Je voudrais juste vous rappeler cette étude passionnante publiée par la KfW (anciennement Kreditanstalt für Wiederaufbau), l'équivalent de la Caisse des dépôts en Allemagne, qui finance la rénovation. Elle révèle que pour un milliard investi par l'État, il y a 11 milliards de travaux générés, et des recettes pour l'État de 2 à 4 milliards. Il s'agit donc d'un investissement pour l'État plutôt qu'une dépense, car il y a moins de chômage, de la TVA, des taxes, l'activité génère des recettes. C'est une difficulté en France, que personne ne veut jamais prendre en compte à Bercy, et c'est pourtant ce que les Allemands nous apprennent. Pourquoi ne pas entrer dans cette logique vertueuse, qui génère des travaux, de l'emploi, et en même temps commence à reculer ce problème majeur de la pénurie énergétique et du changement climatique ?
M. Rouzbeh Rezakhanlou. - Nous ne sommes pas sur des positions très différentes. Il y a un petit bout de temps que l'on discute avec M. Olivier Siedler sur ces questions. Nous avons un point d'écart sur la question du coût du dispositif. En quelques chiffres : un Français paye pour son transport et pour ses bâtiments 2 000 euros par an, et 1 000 euros de facture énergétique par an. Si vous faites des gestes très lourds, vous pouvez espérer sans effet rebond, c'est-à-dire en reconvertissant la totalité du gain potentiel en baisse de consommation effective - ce que l'on ne constate pas dans la réalité car une bonne partie des travaux donne lieu à une augmentation du confort, mais admettons - vous allez pouvoir économiser de l'ordre de 300 euros par an.
Nous ne sommes pas tout à fait d'accord sur les montants, car Olivier Sidler dit 300 euros par mètre carré. Les opérations que l'on a pu faire en Alsace, en Meuse, etc., se montent plutôt avec les prix actuels autour de 400-500 euros le mètre carré. C'est probablement élevé. Il y a peut-être des effets d'aubaine localement, mais je voulais juste mettre en regard les 300 euros d'économies par an sur la facture du client, et des travaux de l'ordre de 300 à 500 euros par mètre carré.
Globalement, l'ensemble des politiques d'efficacité énergétique, en France et dans l'ensemble des autres pays, ainsi que la directive d'aujourd'hui, sont basées sur une seule logique : les économies faites sur la facture d'énergie vont payer les investissements. Cette logique-là, avec nos prix en France et encore plus en Allemagne où les prix de l'électricité et du gaz sont de l'ordre de deux fois supérieurs à ceux de la France, nous en voyons le bout. Nous n'arriverons pas à payer nos plans d'économie d'énergie sur les seuls gains de la facture énergétique. Dire le contraire, c'est globalement mentir. Ce qui veut dire que nous devons trouver d'autres moyens pour lancer ces plans d'efficacité énergétique. Olivier Sidler dit qu'il faut rendre obligatoire les travaux. C'est une autre manière de répercuter les coûts sur les clients. Et je voudrais rappeler la question des précaires, personne n'en a parlé, mais il s'agit d'un vrai problème, en particulier sur les 4 millions de logements énergivores. À la fin de l'histoire, les milliards devrons être payés. On ne peut pas se contenter de dire : l'État doit sortir le chéquier.
M. Bruno Sido. - Je dirais sur la question de « rendre obligatoire » : nous sommes en France, nous aimons bien ce genre de chose. On peut rendre obligatoire le contrôle d'un véhicule, et s'il n'est pas contrôlé, il n'a plus le droit de rouler. Mais que ferez-vous avec les gens qui n'auront pas, parce qu'ils n'en ont pas les moyens, rénové leur vieilles maisons ? Pour le bâtiment neuf, il n'y a pas de problème, il est possible d'interdire de construire, mais pour l'ancien cela me paraît difficile.
M. Sylvain Godinot. - Il y a des pistes autour du tiers financement, qui consistent à dire qu'il faut arrêter de balancer de la subvention qui coûte plusieurs milliards d'euros par an, et aller vers des dispositifs d'éco-prêts. C'est la piste la plus intéressante comme modèle économique. Mettre en place des éco-prêts, écoPTZ ou autre dispositif, c'est le modèle allemand et d'autres pays. Ce n'est pas si simple que cela. Il y a besoin de subventions additionnelles, de l'État ou de collectivités. Le débat autour de 300 ou 500 euros du mètre carré de rénovation, concerne quelques centaines de logements rénovés en France. Nous sommes réellement aux balbutiements de la rénovation BBC. Il est normal qu'il y ait des courbes d'apprentissage avec des tarifs dégressifs. Quasiment tous les chantiers sont des premiers chantiers pour les acteurs. Comme on l'a vu pour la RT 2012 il y a 4-5 ans en arrière, il va y avoir des gains rapides de coûts, car les acteurs vont apprendre à faire, trouver des solutions efficaces, etc. Nous avons besoin de subventions locales aujourd'hui pour que les opérations sortent, de subventions d'État aussi, et je pense que c'est un dispositif transitoire.
La non-rentabilité existe aujourd'hui, effectivement, mais nous ne parlons pas à prix de l'énergie constant dans ce débat. Pour 2020, EDF nous annonce plus 30 ou 40 % du coût du kWh, et cela va changer la donne en termes d'économies d'énergie. Il en est de même pour le gaz, et tout cela ne tient toujours pas compte de la fiscalité environnementale : nous n'intégrons toujours pas le CO2 dans ces discussions.
On demande à un dispositif de régler la question du changement climatique en ne faisant pas payer les coûts engendrés. Tant que nous faisons l'impasse sur cette fiscalité, le modèle économique ne peut pas tourner. Si le Gouvernement annonce la mise en place d'une contribution climat-énergie - le Président Hollande l'a semble-t-il promis pendant sa campagne - cela changera le modèle économique. Si l'on ajoute les prix de l'énergie en hausse, tendancielle et structurelle, plus une fiscalité environnementale, plus des courbes d'apprentissage sur le coût de la rénovation BBC, nous arrivons à un modèle économique qui peut tourner. Là se trouve le défi : que collectivement, nous arrivions à construire ce modèle économique
M. Bruno Sido. - Prévoir le prix de l'énergie à 40 ans, à mon avis ce n'est pas très sérieux. Qui eût cru que le prix du gaz aux États-Unis allait être divisé par 4 il y a seulement 10 ans ?
M. Olivier Cottet. - Lorsque l'on regarde les différents pays européens, ce que l'on appelle les deep renovations, c'est-à-dire les rénovations lourdes, sont du même ordre de grandeur, c'est-à-dire 400 euros du mètre carré. L'effet d'apprentissage peut-être viendra, mais ce n'est pas évident.
Les chiffres que je vous ai présentés, de 20 à 50 euros d'investissement au mètre carré pour des systèmes de contrôle actif et de monitoring et de gestion des usages, sont bien entendu des chiffres moyens. La performance de ces systèmes dépend du type de secteur d'activité, de bâtiment, et c'est dans le tertiaire que l'on a la plus grosse efficacité. J'en profiterai donc pour dire à monsieur, je n'arrive pas à dire votre nom, excusez- moi, que je vais mentir : en regardant les solutions les plus onéreuses, effectivement, nous ne sommes pas capable de dire que les économies vont permettre de financer les investissements, mais si l'on commence par les solutions les plus efficaces en rentabilité, nous pouvons en pay back retrouver des sources de financement dans les économies générées.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l'OPECST. - Je vais poser maintenant une question à monsieur Crépon. Vous avez indiqué les exigences dans l'élaboration de la règlementation thermique 2012, et vous avez cité vos trois exigences. Comment se fait-il que l'exigence d'émission en gaz carbonique ne soit pas prise en compte alors que nous l'avions recommandé au niveau de l'Office parlementaire.
M. Etienne Crépon. - Cela a fait l'objet, monsieur le député, d'un long débat au Parlement lors de l'examen de la loi Grenelle 2, et le Parlement in fine a souhaité que soient prises en compte les émissions de gaz CO2 dans la règlementation thermique 2020.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Si vous voulez mon avis, le Parlement était plutôt favorable à accélérer, et c'était plutôt un certain nombre d'autres acteurs qui souhaitaient aller lentement, mais sûrement, sur ce sujet
M. Etienne Crépon. - Il y avait une volonté du Parlement et du Gouvernement de sortir très vite la règlementation thermique 2012. Tous les éléments d'analyse montraient que le fait d'introduire cette émission de CO2 aurait fait prendre trois ans de retard à la règlementation thermique, en processus de concertations et d'études. C'est l'argumentation qu'a présenté le Gouvernement dans le débat parlementaire, et le Parlement dans son immense sagesse a décidé que cette question ferait partie de la règlementation thermique 2020.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Vous considérez donc que c'est nécessaire de la prendre en compte.
M. Etienne Crépon. - Le Gouvernement est aux ordres du Parlement, qui a dit que cela devrait être dans la future règlementation thermique. Et donc bien évidemment nous le ferons. Les études que nous avons lancées visent bien à prendre en compte les émissions de CO2 dans la future règlementation thermique.
M. Patrice Cottet, ECODEME. - Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait peu de possibilité d'obligation dans l'existant. Or il y en a une, très bien passée dans les moeurs, celle des campagnes de ravalement. Il y a un pilote possible là-dessus. Les municipalités au lieu d'imposer un ravalement par exemple tous les dix ans, le permettrait tous les quinze ans, sous condition qu'il y ait une isolation par l'extérieur, pilote le plus efficace dans l'existant car elle ne nécessite pas d'isoler les cuisines, de changer les salles de bain, etc.
M. Etienne Crépon. - Juste quelques mots pour rappeler le plan de rénovation énergétique venant d'être présenté par le Président de la République. Il répond notamment à des observations faites ce matin, avec l'idée que les outils financiers existant, crédit d'impôt de développement durable, PTZ, et fonds d'aide à la rénovation thermique, soient très fortement réorientés - notamment le crédit d'impôt développement durable, outil financier le plus lourd pour la dépense publique - vers les rénovations lourdes. Il y a également la mise en place d'une prime de 1 350 euros pour l'ensemble des ménages modestes et des classes moyennes, en incitation à faire des rénovations. Le Gouvernement, comme le Président s'y était engagé pendant la campagne présidentielle, met en place les moyens pour atteindre l'objectif de 500 000 rénovations par an.
M. Sylvain Godinot. - Je voulais revenir sur cette obligation de rénover. Il semble important d'utiliser le signal-prix du marché. Un propriétaire qui rénove son logement, et va rester une dizaine d'années dans le logement avant de le revendre, n'est pas sûr d'amortir son investissement sur la durée d'occupation. S'il sait que demain cette obligation de rénover sera une vraie valeur ajoutée et un signal plus fort que le diagnostic de performance énergétique, simple indicateur un peu sujet à caution, il fera sa rénovation au niveau de performance demandé, et donnera une valeur financière significative à son logement, additionnelle à un logement non encore rénové.
Sur la question de la précarité énergétique, il y a effectivement des gens qui n'auront pas les moyens de rénover. Ils sont dans des épaves thermiques, et les pouvoirs publics les traitent aujourd'hui, que ce soit à travers une obligation faite au fournisseur d'énergie par les dispositifs de FSL et autres impayés d'énergie, ou à travers les aides de l'ANAH qui montent à 80 % voire plus dans ces épaves thermiques. Obliger les propriétaires bailleurs à rénover à terme, cela me semble de nature à avoir un effet important sur la précarité énergétique en sortant du parc les logements les plus dégradés
M. Luc Floissac, École d'architecture de Toulouse et Réseau français des constructions en paille. - Le bâtiment est un secteur du savoir-faire. Nous avons parlé ici des matériaux et des équipements techniques. Mais il ne faut pas oublier que la principale difficulté pour réaliser des bâtiments performants, c'est le savoir-faire des professionnels intervenant sur le site. Nous avons un énorme problème dans le bâtiment, de formation et de turn over des personnes accomplissant les gestes techniques. Nous n'obtenons donc pas, très souvent, le résultat escompté car nous ne disposons pas des gens qui savent faire et qui sont formés pour cela.
Sur les aspects calcul et règlementaire, nous avons parlé de la réglementation thermique 2020, et aussi de l'insuffisance de la règlementation thermique sur l'existant. Ce serait bien de profiter de l'évolution RT 2020 pour faire un moteur de calcul apte à travailler sur les bâtiments à réhabiliter, permettant la suggestion et la simulation thermique dynamique, en logiciel open source en liaison avec des universités, des écoles, partagé avec des éditeurs, pour obtenir un outil qui fasse plus consensus qu'aujourd'hui, car il y a de grosses discussions sur les résultats des différents calculs des moteurs pouvant être utilisés, avec des variations telles que le tout un chacun finit par ne rien y comprendre.
M. Olivier Cottet. - Juste une remarque au dernier locuteur, c'est qu'il faut passer de la simulation thermique à la simulation énergétique. On le voit de plus en plus, l'important n'est plus la question du chauffage dans la construction neuve, mais les usages spécifiques de l'énergie, les modes d'occuper, les modes de vie, dans les bâtiments tertiaires et résidentiels. Et donc si nous voulons concevoir des bâtiments énergétiquement performants dans la vraie vie, il faut que les simulateurs puissent intégrer cette vraie vie.
Mme Brigitte Vu. - Pour les moteurs de calcul, nous travaillons sur des calculs règlementaires, et nous ne prenons pas en compte la vie du bâtiment. Il est important en construction neuve de pouvoir intégrer une simulation thermique dynamique qui permette de prendre en compte la vie du bâtiment et d'aller au plus près de la manière dont vivra ce bâtiment pour dimensionner les matériels et systèmes de ventilation et autres.
M. José Caire. - Dans les dispositifs que l'on peut activer, il faut favoriser les opérations qui à la simple rénovation peuvent ajouter des extensions, des surélévations, qui peuvent créer de la valeur pour le bâtiment, créer de la surface et d'éventuelles possibilités de revenus.
M. Olivier Sidler. - Quelques précisions sur les coûts. Il se trouve que mon bureau d'étude est très impliqué dans la rénovation à très basse consommation depuis une dizaine d'année : j'ai un observatoire des prix très précis à partir des bordereaux. J'ai entendu un tas de choses, mais nous sommes autour de 250 euros hors taxe du mètre carré, et si l'on ajoute la peinture, etc., on arrive à 300.
Je rappelle à tous un rapport qui a fait sensation en 2006, celui de Nicolas Stern sur le coût du changement climatique. Nous devons le garder à l'esprit, car il dit que le coût de la lutte contre le changement serait de 1 % du PIB mondial chaque année. Et ne rien faire, va coûter 5 %. En 2009, il est revenu à Stockholm au congrès du GIEC, pour dire que ce serait encore plus. C'est un élément à prendre en compte, même s'il est douloureux.
Pour préciser ce qu'a dit Sylvain Godinot. Les suisses nous ont déjà dit que les logements très bien isolés avaient une valeur marchande supérieure de 15 %. C'est la valeur avancée aujourd'hui. Faire des travaux, ce n'est pas perdre de l'argent, mais un investissement que l'on retrouvera en quittant son logement.
M. Olivier Cottet. - J'invite les gens qui travaillent sur des scénarios prospectives donc celui de l'UFE ou de NégaWatt, à prendre contact avec les chercheurs du programme Homes pour voir comment ils peuvent intégrer les travaux de ce programme de recherche dans leurs travaux prospectifs.
DEUXIEME TABLE RONDE : LA PART DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE
Le cadre réglementaire est-il suffisamment incitatif au développement de procédés nouveaux ?
M. Jean-Yves Le Déaut. - Alors que la première table ronde se reliait au débat sur la transition énergétique, afin d'essayer d'évaluer la contribution du secteur du bâtiment à l'indispensable effort d'économie d'énergie, cette seconde table ronde s'inscrit plus directement dans la lignée de deux rapports précédents de l'Office parlementaire. Il s'agit en effet d'évaluer la part que l'innovation technologique peut prendre à cet effort d'économie ; c'est là notre rôle spécifique à l'Office parlementaire. Cela rejoint d'une part la réflexion sur la performance énergétique qu'ont conduit Christian Bataille et Claude Birraux en 2009 - j'avais d'ailleurs avec Claude Birraux fait un rapport en 2001sur les énergies renouvelables où nous avions déjà abordé cette question - et cela rejoint d'autre part un rapport que j'ai rendu il y a un an à peu près, toujours avec Claude Birraux, notre ancien président qui n'est plus parlementaire, sur l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques.
J'aurai tout à l'heure au cours de ma synthèse, juste avant l'intervention de madame la ministre, l'occasion de revenir sur l'importance que j'accorde au processus d'innovation.
Sans contester la référence à l'énergie primaire, notre rapport de 2009, et bien que l'Office n'ait pas été suivi par le Parlement, avait demandé d'établir à titre complémentaire, parce que justement pour Nicolas Stern c'est le sujet le plus important, et je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Sidler a indiqué, la référence aux émissions de gaz carbonique avec une norme fixée initialement à 5 kg par mètre carré par an, comme le prévoit le niveau le plus exigeant de l'échelle de diagnostic de performance énergétique. Cette norme nouvelle devait être modulée par les mêmes règles que la norme sur l'énergie primaire en fonction de la zone géographique et de l'altitude. C'était notre proposition.
Je voudrais en introduction de cette table ronde, dire que l'évolution technologique et sa prise en compte est liée à une question importante, celle de la certification qui doit s'entendre au sens large. Ceci concerne la vérification de toutes les spécificités techniques au regard des performances et aussi au regard des impératifs de sécurité. C'est le rôle de l'instance chargée de la mission de service public de certification. L'Office est intervenu dans d'autres domaines où ces impératifs jouent un rôle crucial, en soutenant le besoin de contrôle, et il a été notamment à la base de la création de l'Autorité de sûreté nucléaire. Cela concerne dans un second temps la vérification, par les assurances, des conditions devant être remplies par les produits pour qu'une couverture soit accordée aux professionnels chargés de la construction et de la rénovation. Ces conditions peuvent se caler sur les résultats des vérifications techniques mentionnées précédemment, mais aussi être plus exigeantes dans certains cas. Ce sont les questions que nous allons nous poser maintenant. Enfin, cela concerne la manière dont les produits sont intégrés dans les projets au stade de la conception des bâtiments. Il est bien nécessaire de prendre en compte les performances conventionnelles pour l'agencement des différents composants durant les travaux initiaux de conception sur plans, mais si ces valeurs conventionnelles sont fixées en décalage par rapport aux performances réelles - et il y a quelques controverses sur les deux thèmes que j'indique là, et nous souhaitons avoir votre avis à ce sujet -, elles peuvent constituer des obstacles bien réels à l'utilisation de certains produits, a fortiori si le contrôle s'effectue sur plans et qu'il n'y a pas de rebouclage sur la performance énergétique mesurée in situ : dans ce cas, la réalité ne peut pas servir de session de rattrapage.
Je souhaite que ces questions soient abordées de manière sereine. André Chassaigne a dit qu'il avait saisi le bureau de l'Assemblée nationale, qui va délibérer je crois dans quinze jours sur la saisine de l'Office qu'il a demandée. Si nous sommes effectivement saisis, nous aborderons bien sûr cette question majeure.
J'ai fait cette introduction avec calme, j'espère qu'il y aura le calme dans cette table ronde et que tous les arguments pourront être échangés. Notre rôle est que les arguments soient indiqués, et que le Parlement soit averti des questions qui se posent.
Je vais donc à nouveau donner la parole à monsieur Etienne Crépon, directeur de la DHUP pour qu'il nous présente les différentes modalités de certification des produits.
La procédure de certification des nouvelles solutions techniques
M. Etienne Crépon, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. - Le secteur de la construction est complexe, et fait appel à de multiples intervenants, maître d'ouvrage, maître d'oeuvre, contrôleurs techniques, assureurs. Tout l'enjeu est de faire en sorte que l'ensemble des partenaires fassent un produit innovant, aient confiance en lui et soient d'accord pour l'utiliser. Un certain nombre d'expériences, ou de tentatives d'expériences, se sont concrétisées par de véritables réussites, d'autres par un total échec.
Dans le secteur de la construction, les matériaux, à rebours d'autres produits de consommation, sont utilisés pour de très longues durées puisqu'ils sont intégrés aux bâtiments, et peuvent avoir des impacts sur la sécurité et la sûreté des gens, qui peuvent être dramatiques. Nous avons connu par le passé des exemples douloureux sur le sujet. Tout ceci a conduit à mettre en place des grands principes sur l'encadrement des produits mis sur le marché. Pour les produits standards, l'application du système européen avec marquage CE, permet de mettre le produit en commercialisation. Pour les produits innovants, et nous en venons au coeur du sujet de la table ronde, il existe quatre dispositifs : un agrément technique européen, pour avoir le marquage CE, un avis technique reconnu par les pouvoirs publics, d'autres procédures du type certification volontaire ou Pass'innovation, et enfin une possibilité d'auto-déclaration des performances. Tout l'enjeu est de savoir parmi ces quatre scénarios, quels sont ceux qui sont reconnus par l'ensemble des acteurs de la construction, car je le redis, le processus de construction d'un bâtiment est partagé par de multiples acteurs, l'objectif étant que l'ensemble de ces acteurs aient le degré de confiance suffisant pour faire appel à ce produit innovant.
Un regard rapide sur les avis techniques : ils sont délivrés par une commission indépendante, chargée de formuler les avis techniques, mise en place auprès du ministre chargé de la construction, mais qui prend ses décisions en toute indépendance. Elle est présidée par un membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Elle rassemble l'ensemble des acteurs du bâtiment, architectes, maîtres d'ouvrages publics et privés, les entreprises, les artisans, les fabricants des filières traditionnelles, et depuis peu les fabricants des filières biosourcées, et les assureurs. Sur la base de référentiels techniques, elle émet ses avis après expertise collégiale effectuée par des groupes spécialisés. C'est un opérateur de l'État, le Centre scientifique et technique du bâtiment, qui assure le secrétariat des groupes spécialisés et la gestion de la procédure.
Depuis sa mise en place il y a quarante ans environ, le bilan de la procédure des avis techniques montre qu'il y a eu 20 000 avis techniques délivrés. Cela correspond à la délivrance de 2 avis techniques par jour ouvrable. Ils ont été un levier de développement pour les entreprises innovantes, pour leur permettre d'accéder au marché en bénéficiant par cet avis indépendant de la confiance de l'ensemble des partenaires de l'acte de construire.
Cela dit, cette procédure quarantenaire des avis techniques méritait un ravalement pour reprendre une expression de la précédente table ronde, qui a amené le ministère et la direction que l'ai l'honneur de diriger à élaborer un plan d'amélioration des avis techniques autour de quatre mesures essentielles, avec plusieurs objectifs : accroitre la transparence des décisions, accélérer le processus de décision, et faciliter l'accès des TPE et des PME aux avis techniques. Il est clair que la procédure, dans sa complexité, pouvait constituer une barrière à l'entrée pour certaines entreprises innovantes. Ce plan de modernisation a été lancé dans le courant de l'année dernière, nous n'en avons pas encore tous les effets, les 14 mesures ne sont pas toutes opérationnelle, certaines sont encore en phase d'élaboration, mais les premiers résultats constatés sont une réduction des délais d'instructions, divisés par deux et ramenés à 9 mois, une réduction des frais d'instruction pour les PME primo-accédantes dans le dispositif, la mise en place d'un médiateur indépendant des avis techniques, magistrat de la Cour des comptes, et la nomination, je l'ai évoqué tout à l'heure, d'un représentant des filières biosourcées, et d'un représentant des énergies renouvelables au sein de la commission.
Le Pass'innovation, procédure lancée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, était une sorte de pseudo-avis technique, car purement déclaratif, et n'avait pas cette procédure d'évaluation collégiale. Force est de constater que c'est un flop total. Le nombre de Pass'innovation sur trois ans se chiffre à quelques centaines, à comparer avec le nombre d'avis techniques que nous délivrons. La collégialité, le niveau d'expertise approfondi qu'il y a dans les avis techniques apparaît comme étant la condition sine qua non pour rassurer l'ensemble des acteurs du marché.
Sur la prise en compte des innovations dans la règlementation thermique 2012, le dispositif interne à l'administration est le titre V, qui est une possibilité de prendre en compte de nouveaux dispositifs pour répondre à la règlementation thermique. Il y avait des titres V dans la règlementation thermique 2005, il y en a pour celle de 2012. Ils peuvent être à l'échelle d'une opération, ou d'un système, c'est-à-dire d'un produit, ou d'un système énergétique, ou au niveau d'un réseau de chaleur. Nous sommes à chaque fois sur un dispositif d'évaluation collégiale par des experts désignés par le ministère, et une décision prise par le ministre en charge de la construction, et par délégation, par votre serviteur.
Si l'on fait un bilan de la procédure titre V, nous sommes à 160 opérations agrées, 40 systèmes, 7 réseaux de chaleur. De la même manière que nous avions lancé l'an dernier un processus d'évaluation et de modernisation des avis techniques, les ministres nous ont demandé de lancer un processus d'évaluation et de modernisation des procédures de titre V.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Je demande maintenant à M. Vincent Figarella, qui intervient là en tant que représentant de la Fédération française des assurances, de nous expliquer les conditions techniques que requièrent les assureurs, quant aux produits utilisés, pour accorder une couverture à un professionnel du bâtiment. Cette notion de professionnel s'entendant au sens large. Là aussi, notre caisse de résonnance au niveau du Parlement a notamment eu quelques remontées sur des décisions de l'Agence de la qualité de la construction, qui se répercutaient sur les assurances. Donc je souhaiterais que vous indiquiez comment cela se passe, et comment vous opérez.
M. Vincent Figarella, membre du bureau du Comité assurance Construction de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA). - Je tenais à vous remercier de nous donner l'occasion, nous Fédération française des sociétés d'assurances, de pouvoir nous exprimer sur un sujet qui est l'évaluation de la certification pour les produits innovants, ce sujet étant très important dans le dispositif assuranciel et encore plus dans le cadre de l'évolution de la performance énergétique des bâtiments. Je vais tenter d'organiser notre présentation très synthétique en rappelant d'abord la multiplicité des processus de certification ou de normalisation des risques innovants, en précisant qu'il est primordial d'avoir des processus d'évaluation des risques pour des solutions sans retour d'expérience. Ces processus doivent être légitimes, crédibles, et il convient d'organiser la circulation du retour d'information.
Du point de vue de l'assureur, il existe aujourd'hui tout un panel de procédures, mon prédécesseur vient d'en citer quelques-unes, pour certifier de nouvelles solutions techniques mises en oeuvre dans le bâtiment. Au-delà des avis techniques, il y a également les appréciations techniques expérimentales, le Pass'innovation pour les produits issus du Grenelle, les enquêtes de techniques nouvelles délivrées par des contrôleurs techniques, l'évolution des règles professionnelles et tout le dispositif quasi-réglementaire : DTU (document technique unifié), DTA (document technique d'application), etc. Tous ces éléments contribuent à l'évaluation ou l'analyse des risques sur la durabilité des procédés, des risques liés à leur mise en oeuvre, lors de la conception de l'ouvrage intégrant ces différentes innovations, tenant compte des conditions de localisation et d'usage du bâtiment, de la règlementation qui s'impose à ces procédés et qui peut, de fait, engendrer un certain nombre de risques, et bien évidemment des conditions d'entretien et de maintenance à prévoir pour que les produits puissent perdurer.
L'assurance décennale est pour l'utilisateur final un gage de sécurité sur la durabilité et la sécurité du procédé. Il est donc primordial de disposer d'un mécanisme de processus de certification solide, crédible et légitime pour l'ensemble des acteurs, pour valider l'évaluation du risque nouveau, évaluation inhérente au métier de l'assureur, garant de l'équilibre de la branche assurance décennale. Mais aussi il doit permettre un retour rapide d'expérience sur un procédé qui n'en dispose pas. Le processus de certification est accompagné par une gestion de ce retour d'expérience à travers l'Agence qualité construction, qui permet le partage d'analyse du risque, faute de recul suffisant sur les procédés non traditionnels. Ce retour partagé contribue également à la prévention des risques et à l'amélioration de la qualité, tout cela au bénéfice de l'ensemble de la filière BTP, et des maîtres d'ouvrage.
Ces processus de certification sont considérés par les assureurs comme fiables. Ils assurent l'équité en établissant une règle d'évaluation reconnue et partagée par l'ensemble des assureurs, point essentiel pour permettre l'assurabilité préalable à la mise en oeuvre, en attendant une évolution vers un risque normalisé traditionnel.
Ces processus sont soit volontaires : l'enquête de technique nouvelle, le Pass'innovation, l'appréciation technique expérimentale, soit quasi-réglementaire : l'avis technique et les marquages. Ils sont gradués, et sont donc parfaitement adaptés à l'utilisation parfois très expérimentale et limitée à un seul chantier. Ils sont adaptés également à des procédés récents mais déjà en voie d'industrialisation, c'est le cas par exemple du Pass'innovation ou de l'enquête de technique nouvelle, dispositif plus agile, dirais-je, pour pouvoir mettre sur le marché un produit avant qu'il ne soit industrialisé et diffusé. Le dispositif des avis techniques répond à un procédé plus industrialisé et mis en oeuvre d'une manière plus régulière.
Cette variabilité des outils de normalisation des risques nous permet de nous prononcer sur une gamme d'innovations et s'adapte à tous les cas, ponctuels ou généraux. On peut dire que ces différents outils de certification sont satisfaisants et évitent le frein à l'innovation faute d'évaluation de risque, s'ils n'existaient pas. Nous, fédération, avons quand même réfléchi sur l'optimisation du fonctionnement de ces procédés de normalisation des risques, et nos préconisations sont les suivantes :
Il convient d'améliorer l'accessibilité et la connaissance des différents outils de normalisation des risques innovants par les acteurs de la filière : on vient de citer l'avis technique uniquement, alors qu'il existe beaucoup d'autres procédés; simplifier et traiter l'effet mille feuilles et les zones de recouvrement éventuels entre les différents outils d'évaluation, et la complexité de dispositifs intégrant beaucoup de procédés, l'innovation venant de l'ajout de tous ces procédés ; améliorer le retour d'expérience sinistres en temps réel et le transfert d'information auprès des constructeurs, en particulier sur les aspects entretien et maintenance, ce retour d'expérience étant aujourd'hui partagé essentiellement par les assureurs.
Si le dispositif actuel n'est pas un catalyseur de l'innovation, il participe néanmoins à l'accélération de la mise sur le marché des procédés nouveaux en organisant l'appréciation du risque conventionnellement et équitablement, et en accélérant et organisant le retour d'expérience qui était inexistant sur ces procédés innovants. Il nous reste à faire évoluer ces différents outils dans les trois axes, pédagogie, simplification, et surtout réactivité vers les constructeurs.
Le cas des isolants.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Après les éclaircissements sur les procédures auxquelles sont soumis les produits, nous donnons la parole à ceux qui créent les produits et se voient contraints, plus ou moins heureusement, d'en passer par ces procédures avant d'atteindre le marché. Pour structurer les interventions, nous avons pris deux exemples parmi bien d'autres, les isolants et les équipements, qui ne relèvent pas tout à fait des mêmes problématiques, notamment s'agissant de la prise en compte par le moteur de calcul conventionnel. Sur les isolants, trois personnes vont intervenir, d'abord Laurent Thierry, PDG d'Actis, qui pour cinq minutes va essayer de nous indiquer sa problématique. Je sais qu'il a eu des soucis. Il y a des procédures, des procès. Ils sont anciens. Nous en avons été saisis et nous en avons déjà discuté dans une table ronde. Nous essaierons dans le débat de confronter les arguments, dont des arguments scientifiques, qui montrent des contradictions.
M. Laurent Thierry, président directeur général, Actis. - Je voudrais avant de présenter rapidement la société et le cas des isolants minces, puisque nous parlons de l'innovation, et que l'on vient de nous expliquer l'existence depuis quarante ans des avis techniques, dire un mot du marché.
Le marché français comme le marché européen ou mondial est détenu par environ huit acteurs qui représentent soit les fabricants de laine minérale, soit ceux de mousse polyuréthane. Depuis 40 ans, en innovation, nous avons soit le choix de la laine minérale, soit de la mousse polyuréthane. Il reste trois ou quatre pour cent du marché, occupés par les produits biosourcés d'origine naturelle, et par des produits innovants. Pour cibler mon intervention, la société Actis existe depuis une trentaine d'années, implantée dans le midi de la France, et employant environ 200 personnes. Nous oeuvrons dans le domaine des isolants réflecteurs, et des isolants à base de fibre de bois et écrans d'étanchéité. Nous sommes installés sur d'anciennes friches industrielles, et chaque année nous investissons 5 % de notre chiffre d'affaires en recherche et développement.
Je voudrais montrer un cas concret : le cadre règlementaire pour un produit innovant. Si vous faites un nouveau produit, vous n'avez pas de marquage CE puisqu'il n'existe pas de norme pour le produit. Donc vous ne pouvez pas bénéficier des leviers très importants qui influent le marché, les certificats d'économie d'énergie, les crédits d'impôts, etc. Pour compenser le fait qu'il n'existe pas de norme pour les nouveaux produits, vous pouvez faire un ATE (agrément technique européen) pour obtenir un marquage CE, ou au niveau français un avis technique et une certification ACERMI (Association pour la certification des matériaux isolants).
L'industriel qui va développer un nouveau produit, va essayer de le commercialiser partout en Europe, pas seulement en France. Donc il va peut-être prendre la procédure d'avis technique européen.
Un avis technique coûte cher, entre 30, 50 voire 60 000 euros. Donc si on a obligation de le faire dans les vingt pays européens, c'est très compliqué.
L'avis technique européen est délivré par l'EOTA (European Organisation for Technical Approvals) et demande du temps. Il faut faire ce qu'on appelle un CUAP (Common Understanding of Assessment Procedure). Ensuite sont définis l'ensemble des tests qui sont mis sous système d'évaluation, et permettent d'avoir un contrôle en production et un contrôle de produit. La procédure est complexe et longue. Le référentiel CUAP s'appuie sur des normes d'essai existantes alors que si l'on a un nouveau produit, les normes d'essais existantes sont mal adaptées. Mon exemple est de dire : vous inventez le CD et on vous demande de le lire sur un magnétophone à cassette.
L'avis technique français est délivré par la CCFAT (Commission chargée de formuler les avis techniques) après examen par des experts réunis dans un groupe spécialisé GS20 placé sous la responsabilité du CSTB. Le problème consiste en des délais très longs, souvent supérieurs à un an, un manque de représentativité des PME, le recours à des normes d'essai existantes, et la portée de l'avis technique limité au marché français.
L'ACERMI est la certification délivrée par le CSTB, après examen par une commission d'experts qui est réunie deux fois par an, sur normes d'essais harmonisés. L'ACERMI certifie les caractéristiques essentielles des produits. C'est assez long pour des nouveaux produits, et cela fait double emploi avec les avis techniques européens.
Notre proposition est qu'il y ait plus de transparence pour ouvrir les commissions de normalisation aux PME, qu'il y ait plus d'objectivité. En France la normalisation, la certification, ne devraient pas être réalisées par un seul organisme et des commissions composées des mêmes experts. Il faut accélérer les procédures d'évaluation des isolants et les rendre plus accessibles aux PME. Enfin et surtout, les agréments techniques européens relevant du système d'évaluation avec contrôle de la production, doivent être traités au même titre qu'un ACERMI, de façon à ce qu'on oblige pas un industriel ayant déjà un ATE, à devoir demander un ACERMI et un avis technique français.
M. Olivier Legrand, Président de NRGaia. - Je vais essayer d'être le plus simple possible sur cette évolution très rapide de la ouate de cellulose en France. Ce produit peut paraître innovant, mais il est déjà utilisé depuis 70 ans aux États-Unis, depuis 40 ans en Allemagne, et c'est grâce à cette expérience que le marché français a pu se développer rapidement. Jusqu'à il y a encore trois ans, les produits étaient totalement importés. Face à cette demande croissante sur le marché français, il y a eu une croissance de la production, multipliée aujourd'hui par quinze par rapport à celle d'il y a dix ans. Des usines se sont installées. Il y en a huit aujourd'hui. Ce sont de petites entreprises, la majorité ayant à peine 10 personnes, et ces entreprises s'installant sur le territoire français étaient très loin d'imaginer le parcours du combattant qu'elles ont dû traverser ces trois dernières années.
Un syndicat s'est créé, l'ECIMA (European Cellulose Insulation Manufacturers Association) dont je suis le président, qui permet de passer à l'étape suivante d'un marché devenu mature.
Nous parlions tout à l'heure de mille feuilles, c'est exactement ce que l'on a découvert en l'espace de trois ans, puisque pour vendre sur le marché européen, l'agrément technique européen est obligatoire, ce qui représente un premier coût. Dans la foulée, un deuxième coût : l'avis technique CSTB, avec des délais extrêmement longs. Il n'y a pas que le coût de cet avis technique, mais également les coûts en interne des laboratoires utilisés pour faire les tests. Et une troisième certification est arrivée : l'ACERMI.
Pour NRGaia, ce qui a été payé pour satisfaire à cette certification représente la masse salariale de production depuis la création de la société.
Cette certification, la ouate de cellulose étant très connue en Allemagne, moins en France, a eu l'avantage de rendre visible ce produit, tant au niveau des professionnels que du grand public. Un autre élément important est qu'elle standardise les produits qui sont sur le marché.
Les barrières concernent le coût de l'entretien, le changement des règles, les délais d'obtention, ce que l'on a vécu pendant trois ans. Nous avons servi de cobaye, et les choses vont dans le bon sens. Le produit n'était pas connu, et les industriels ne connaissaient pas les institutions. En passant par ces différentes étapes, cela a permis, pour la ouate de cellulose et également pour les autres produits en devenir, à avoir accès au marché de manière plus facile. Ce que disait tout à l'heure monsieur Crépon sur les délais d'obtention de l'avis technique, est essentiel. Il faut aller beaucoup plus loin. Quand on lance une société on ne peut pas attendre 8 mois avant d'avoir un avis technique pour vendre le produit. Que ferait-on pendant ces 8 mois ?
Une réduction de 30 % des coûts est très importante, mais encore insuffisante pour une PME. Encore une fois, ceux qui vont dans l'innovation sur tous ces produits, sont de petites sociétés.
Un médiateur est un élément essentiel, non pas seulement pour trouver des arrangements, mais également pour accompagner les sociétés. Pour Nrgaia et les sept autres sociétés, cela a été une véritable jungle pour se retrouver dans tous ces règlements, changements de règlements, interlocuteurs.
Les matériaux biosourcés sont particuliers. Ils ont des atouts très différents des matériaux conventionnels. Si l'on essaie d'adapter les règles à des matériaux nouveaux, il faut considérer que les matériaux issus du vivant ne réagissent pas comme des matériaux issus de produits inertes. Je crois que la démarche d'ouverture de la CCFAT aux matériaux biosourcés va dans le bon sens. Mais il ne faut pas oublier qu'il existe une très forte demande pour ces produits qui ne demandent qu'à se développer sur le marché français, et nous devons accélérer cette ouverture au niveau des institutions, de la règlementation.
M. Gaëtan Fouilhoux, représentant le syndicat des fabricants d'isolant en laines minérales manufacturées (FILLM). - Je ne vais pas répéter tout ce que les uns et les autres ont dit depuis ce matin. J'avais voulu commencer cette intervention en disant que, pour les économies d'énergie, il fallait être ambitieux, mais je souscris totalement à ce qu'a expliqué, et bien mieux que je n'aurais pu le faire, monsieur Sidler.
Je passe directement au coeur du sujet qui nous préoccupe, la certification. Nous savons faire aujourd'hui les produits qui vont permettre d'atteindre les objectifs de la RT 2012, puis de la RT 2020, sans aucun problème. Mais ce qui nous préoccupe, et c'est pourquoi monsieur Le Déaut nous a demandé de venir aujourd'hui, est de revenir sur cette histoire de certification. Monsieur Figarella, l'assureur, a bien expliqué pourquoi l'on certifie des produits, des matériaux de construction. D'abord pour la sécurité et la garantie du consommateur final. Il faut que monsieur et madame x sachent comment isoler leur maison, avec quel produit, quelle performance, dans quel cadre de sécurité. Mais c'est aussi pour garantir et sécuriser le travail des entrepreneurs et des artisans, qui ont besoin d'être tranquilles et de savoir qu'ils vont mettre en oeuvre des produits et des systèmes performants, aptes à remplir les charges pour lesquelles ils ont été fabriqués. Ceci étant posé, je ne reviens pas sur le système d'avis technique DTA, agrément technique, mes deux prédécesseurs ont dit quels étaient les coûts et les difficultés pour comprendre tout ce système.
Quand on fait l'effort de s'européaniser et de comprendre comment on s'organise au niveau des directives pour mettre sur le marché les produits les plus performants et les plus sécuritaires possibles, franchement, on arrive à comprendre et à se familiariser avec tout cela. Ce qui nous intéresse d'avantage est l'ACERMI, association de certification des matériaux isolants, créée en 1983. Elle a le même âge que l'Office parlementaire, monsieur le Président, et remplit sa mission. Elle essaie en réunissant des professionnels, le CSTB, le LNE (Laboratoire national de métrologie et d'essais), de construire un système compréhensible, fiable et vérifiable, qui va permettre de faire notre travail d'industriel quand on fabrique, d'artisan quand on pose, et de consommateur quand on consomme. Le système est assez simple, transparent, toutes les familles des isolants y sont représentées. D'ailleurs dans ces graphiques, deux camemberts, le premier montre les certificats ASSERMI en vigueur. Il y a beaucoup de laine minérale, de plastique alvéolaire, mais les produits biosourcés sont également très présents; le second camembert montre la liste des avis techniques obtenus et en vigueur dans le domaine de l'isolation. Voyez cette masse très importante de produits biosourcés. Les entreprises de votre famille, monsieur Legrand, ont fait l'effort de comprendre le système, de s'y impliquer, de s'y introduire. Le résultat est qu'elles disposent des avis technique. Elles peuvent travailler comme un certain nombre d'industriels qui fabriquent des produits minces réfléchissant, ayant rejoint, s'étant accaparé ce système pour le faire vivre et le consolider.
Je ne suis pas un fou furieux de la certification, je connais les barrières et je sais que cela coûte cher, je suis bien placé pour le savoir. Elle prend beaucoup de temps et de réflexion, et quand nous produisons et que nous voulons mettre sur le marché le fruit de notre travail, nous trouvons que les délais sont toujours trop longs. Mais les experts ont besoin de ces délais pour permettre de sécuriser l'arrivée des produits sur le marché.
Nous parlons beaucoup d'économie d'énergie, de performance énergétique : la caractérisation d'un produit, en l'occurrence celle de matériaux isolants, ne concerne pas que la caractéristique thermique, mais aussi la tenue mécanique, l'acoustique, la sécurité incendie. Ce sont des critères qu'il faut prendre en compte. Mais je suis d'accord avec les deux points que vous avez soulevés, monsieur Legrand, le raccourcissement des délais est indispensable. Et je sais que l'État, le CSTB et tous les partenaires font de gros efforts pour y parvenir. On en voit déjà un petit peu le résultat. L'autre point est la diminution des coûts. Des actions ont déjà été menées : création du Pass'innovation, et mise en place du plan d'action construction et bioressources que monsieur Crépon a développées tout à l'heure. Nous sommes sur un système qui n'est pas parfait, qui fonctionne et que l'on peut travailler ensemble à l'améliorer pour garantir la performance durable de bâtiments dits responsables.
Le cas des équipements.
M. Pierre-Louis François, Président du directoire du groupe Atlantic. - Je vais parler de la réalité des faits ces dernières années, et des perspectives à court terme pour les deux, trois années à venir, en imaginant qu'il faut travailler aussi pour le très long terme. Les faits sont toujours brutaux et je m'en excuse à l'avance parce qu'ils ne correspondent pas toujours aux intentions qui ont pu être à l'origine de tous ces textes. C'est pour autant l'occasion de les regarder. Dans les technologies supposées vertueuses et listées par les uns et les autres dans le Grenelle, il s'est développé assez vite des technologies de condensation et de pré-mélange gaz en maison individuelle et collective. Madame Vu l'a dit, cela a été référencé rapidement, et a bien fonctionné. Il s'est développé un marché du chauffe-eau thermodynamique individuel. Je passe, c'était bon. La ventilation double flux a touché le tertiaire. En moteur basse consommation cela s'est bien passé, et nous avons le début des solutions hybrides PAC (pompe à chaleur) fioul et PAC gaz. Donc il y a des points positifs. Par contre pour dire simplement les choses, il y a eu des catastrophes avec des conséquences industrielles dans certains cas dramatiques. Je reprends une conférence de presse des ministres le 6 juin 2010. On nous avait dit qu'il fallait investir dans l'eau chaude thermodynamique collective. À ce jour, non pas 17 mois plus tard, comme le délai qu'évoquait monsieur Etienne Crépon, mais presque trois ans plus tard, l'eau chaude thermodynamique collective n'existe pas, n'est pas référencée. On n'en parle pas, et on ne sait pas quand cela va arriver.
Pour les technologies domotiques, nous pouvons discuter si c'est 1 ou 2 %, comme le disait monsieur Olivier Sidler. Nous connaissons les valeurs moyennes. Sur la domotique, ni titre V, ni fiche de certificat d'économie d'énergie, rien. Simplement il y a une semaine, dans la dernière commission sur les fiches de certificat d'économie d'énergie, certificat CE, on nous a dit : si vous êtes gentils, dans un an, on vous délivrera peut-être la fiche ATEE (Association technique Énergie Environnement) nécessaire pour qu'il y ait de la domotique dans l'existant. Peut-être dans un an.
Dans les technologies thermodynamiques PAC sol-sol, PAC sol-eau, tout ce qui est géothermique, ce n'est pas référencé. Les rooftop (PAC air/air réversible), non plus. Les trois en un (Chauffage, ventilation, eau chaude) chers à monsieur Vekemans pour la maison passive, non plus. Et dans tous ces cas, nous ne savons pas quand ils vont l'être.
On ne parle pas de ces technologies sur le principe, tout le monde est d'accord pour dire qu'elles sont vertueuses, mais elles ne sont pas référencées ni dans le neuf, ni dans l'existant, et nous n'avons aucune visibilité sur les délais.
Encore une fois, il y a dix jours, en commission ATEE, il nous a été dit que peut-être, si nous étions gentils, nous aurions dans un an notre fiche ATEE sur la domotique.
Pour prendre un cas concret, je rebondis sur les propos de monsieur Olivier Cottet. Au plan industriel, dans les pompes à chaleur, nous avons démarré un peu plus tôt que dans les laines minérales. Il y avait une douzaine de sites industriels, peut-être un peu plus, il y a cinq-six ans. En gros il y a eu une fermeture ou un dépôt de bilan d'établissement de pompes à chaleur tous les six mois depuis trois-quatre ans. Je ne dis pas que ce n'est lié qu'à la certification. Il y a la conjoncture économique, les problématiques de crédits d'impôts développement durable. Mais lorsque l'on n'est pas référencé, peut-être est-il possible d'attendre 8 mois quand on est une jeune pousse, mais si l'on a été créé il y a cinq-six ans voire plus tôt, on ne peut pas attendre pendant toutes ces années. Donc que fait-on ? On ferme. À moins d'appartenir à un très grand groupe. La dernière fermeture en date s'est faite il y a quinze jours, dans le pays de la Loire. Le site a fermé. Et à ce rythme-là, d'ici 2030-2050, ou même avant 2020, je ne sais pas combien il restera de sites, peut-être deux. On importera les pompes à chaleur d'Allemagne, vous me direz, ou de Suisse.
Nous ne savons pas s'il faut investir sur le solaire thermique collectif. C'est un segment qui est monté, mais franchement, si quelqu'un a une visibilité, moi je n'en ai pas.
Tout le monde dit que la ventilation en résidentiel est importante : les industriels du métier avaient une association pour essayer de travailler sur son amélioration, en double flux ou autre. Nous avons arrêté de travailler à cause des contraintes économiques, et pas seulement le groupe Atlantic. L'association s'appelant AIR.H permettait une approche collective. Nous avons arrêté tous travaux de ventilation dans le domaine résidentiel.
Enfin quant à la domotique, je ne veux pas parler pour monsieur Cottet et les groupes industriels comme Schneider, qui ont les moyens de tenir. Mais il n'en est pas de même pour mes collègues de la domotique PME ou ETI. Je vous donne l'exemple d'un fil pilote pour assurer les liens avec les Smart Grids, là aussi les travaux ont été arrêtés faute de moyens pour les financer.
Voilà ce qu'il se passe et nous savons pourquoi. Il y a des raisons économiques, des échecs industriels. Je ne veux pas dire que tout est le fait des procédures de certification, mais avec des délais qui dans certains cas dépassent les deux ans et demi et gardent une incertitude... 9 mois pour obtenir à la fois titre V et certificat, ce serait magnifique. Même si l'on a bien dit que cela entrainait tout de même du chômage technique. Voilà la réalité, je n'ai pas plus à dire. Peut-être qu'en 2030-2050, nous importerons d'Allemagne ou de Suisse. Ce sera très bien, et nous avons l'habitude.
En matière de formation : les centres de formation industriels que l'on avait bâtis pour les installateurs sont à moitié vide, car plus personne n'y comprend rien, et ils ne viennent plus.
M. Hugues Vérité, chargé des relations institutionnelles pour le Gimelec (Groupement des industries de l'équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés). - Je me souviens d'avoir fait la même audition il y a deux ans avec vous monsieur le sénateur Sido. Je ne vais pas être franchement innovant car il ne s'est pas passé grand-chose depuis ces deux ans. Je vais simplement essayer de répondre à la question de cette table ronde : le cadre règlementaire est-il suffisamment à l'initiative du développement des procédés nouveaux.
Je n'ai pas fait dans la dentelle malheureusement. J'aurais voulu vous faire un oui mais, mais j'ai préféré vous faire un non, à deux niveaux. D'un point de vue innovation technologique, je pense que Pierre-Louis François l'a déjà bien détaillé.
J'insisterai encore plus sur le troisième volet de la performance énergétique des bâtiments que nous a présenté Olivier Cottet, l'efficacité active, ou la gestion active de l'énergie. Je vais vous proposer une piste de réflexion pour que l'innovation puisse accéder au marché. En France, on développe, on recherche, on innove, mais on a des gros problèmes d'accès au marché.
Marché français d'abord, marché européen ensuite
Les constats, pour ce qui concerne l'efficacité énergétique, sont ceux déjà abordés. L'efficacité énergétique active n'est pas intégrée dans la réglementation thermique, donc pas dans les certificats d'économies d'énergie, donc non plus dans les scénarios de transition énergétique qui ont été développés ou qui sont en cours d'être revus. Dans le scénario UFE-ADEME, l'efficacité énergétique active n'a pas été reprise comme l'un des trois piliers de l'amélioration de la performance énergétique du bâtiment.
La loi MOP avait fait des lots techniques qui avaient du sens. Nous pensons et nous revenons sur nos préconisations d'il y a déjà deux ans : pourquoi ne pas intégrer dans la loi MOP un lot efficacité énergétique, qui permettrait ainsi de transcender le coût d'investissement et le coût de fonctionnement ? Le sujet dans le bâtiment est bien là. Le coût énergétique in fine se trouve dans la période de fonctionnement durant sa durée de vie. Donc dès la phase de conception, il serait possible d'intégrer cette dynamique d'efficacité énergétique active.
La base INIES (Information informatisée pour l'environnement et la santé), base de données au départ en vue de consolider et de répertorier les performances environnementales des produits de la construction, n'a, à notre sens, pas vocation à devenir une plate-forme d'innovation comme on nous le propose actuellement. Donc cette base INIES reste ce qu'elle doit être, c'est-à-dire un recueil de données environnementales, de profils environnementaux de produits, et elle ne se substitue pas aux choix des industriels en matière d'innovation, de qualification d'innovation. Sinon nous sommes dans le cercle vicieux que monsieur François a rappelé : si les industriels ne peuvent pas développer, innover librement, je ne vois pas pourquoi ils resteraient sur le territoire.
L'homologation des innovations, nonobstant ce que j'ai découvert aujourd'hui sur la révision des procédures, reste quand même trop longue comme vous l'avez rappelé tous. Les PMI qui investissent attendent le résultat final.
Je voulais vous faire partager quelques propositions, inspirées des mesures 16 à 20 du plan d'investissement pour le logement présenté par le Président de la République. Nous attendons toujours le décret relatif au parc tertiaire, qui pour nous serait un vrai élément de dynamisation de nos technologies et de nos innovations. Cela fait plus d'un an qu'on l'attend, et que l'on attend aussi les investisseurs. Vous le savez, les investisseurs sont les propriétaires des parcs immobiliers tertiaires. C'est un signal fort que nous attendons sur la base des conclusions du rapport Maurice Gauchot. Nous attendions que l'État sur son propre patrimoine soit exemplaire en termes d'amélioration de la performance énergétique.
Enfin quelques réflexions sur la réglementation thermique : il faudrait qu'elle passe effectivement du conventionnel au réel multi-usages, car il serait dommage d'oublier les usages spécifiques de l'électricité. Or à ce jour ceux-ci ne sont pas pris en compte, et cela risque d'être le gros consommateur à terme.
Quant à l'écart du normatif à l'obligation de performance, vous avez parlé du système KfW. C'est un système dont on pourrait s'inspirer.
Il faudrait aussi prolonger l'approche en termes de coefficient Énergie primaire/Énergie finale pour aller vers le plafonnement des émissions carbone par bâtiment. S'il s'appliquait à l'échelle continentale européenne, ce serait un sous-jacent très fort, macroéconomique, à une taxe carbone, qui in fine conduirait à une relocalisation d'activités industrielles, de par le fléchage des crédits carbones.
Le deuxième transparent et j'en terminerai là, illustre plutôt une réflexion dont je voudrais vous faire part. Il existe une loi sur les économies d'énergie en France, mais elle date de 1974. Je pense que vu la dégradation complète de la balance énergétique française, il serait possible d'améliorer cette loi de 1974.
Je vous ai laissé quelques petites pistes, mais la première me semblerait la plus consensuelle à mon sens, car elle a déjà fait l'objet d'arbitrages en son temps par le Commissariat général au développement durable (CGDD) : s'agissant des contrats de performance énergétique, selon une analyse confirmée par le CGDD et le plan bâtiment durable, la fourniture d'énergie en tant que telle n'est pas constitutive de la performance énergétique du bâtiment. Il faut pouvoir neutraliser la fourniture d'énergie pour bien travailler sur la diminution du volume de consommation, d'une part, et des émissions de CO2, d'autre part. C'était cette petite touche finale que je voulais vous faire partager.
M. Philippe Haim, chef du pôle efficacité énergétique GDF SUEZ Énergie France. - Sans nier les difficultés qui ont pu être abordées, je vais essayer de donner une note d'optimisme en regardant le verre à moitié plein. La RT 2012 a permis de faire un grand bond en avant. Nous avons cité 50 kWh par mètre carré et par an. C'est une division par trois par rapport à la précédente règlementation, et aucune règlementation antérieure n'avait permis de franchir un tel saut. Nous l'avons vu, les premiers retours d'expérience sont positifs et c'est heureux.
Il me semble néanmoins qu'il y a peut-être un sujet non estimé à sa juste valeur, celui de l'apprentissage par le ménage de l'utilisation de son logement, et plus largement de sa relation à la performance énergétique et à l'énergie au sens large. C'est un point à étudier dans le futur.
Pour revenir à la question posée, de mon point de vue il est clair que la RT 2012, qui est en rupture par rapport à la précédente règlementation, a conduit les industriels à innover, comme rarement dans le passé. C'est vrai, la règlementation thermique a stimulé l'innovation, et je voudrais pour vous en convaincre citer quatre exemples.
Le premier est la chaudière à condensation. Il est encore possible d'innover avec la chaudière à condensation, notamment avec celles à très forte modulation de puissance. Il existe des systèmes aujourd'hui pouvant descendre très bas en puissance, jusqu'à 800 W, pour les très faibles besoins de chaleur des logements, et monter à 12 ou 24 kW pour la production d'eau chaude sanitaire, qui, elle, a besoin de puissance. Cela découle directement de la RT 2012.
La chaudière hybride gaz naturel, monsieur François l'a évoqué tout à l'heure, est un système intégré qui combine une chaudière à condensation et une pompe à chaleur électrique. Ce système permet de disposer du meilleur de chacune des technologies à tout moment de l'année. En mi-saison la pompe va fonctionner, en hiver elle va laisser la main à la chaudière à condensation. Un avantage supplémentaire qui n'est pas indifférent, c'est qu'un tel système ne dégrade pas la pointe électrique saisonnière, que la France connait et dont on a parlé un peu tout à l'heure.
Un autre produit prend tout son sens dans le logement fortement isolé et limite la pointe électrique, est la micro-cogénération, encore assez chère, mais qui commence à être commercialisée et devrait se développer dans les années à venir.
Le chauffe-eau thermodynamique également, que l'on ne connaissait pas il y a trois-quatre ans, découle directement de cette nouvelle règlementation thermique, de même que les systèmes solaires individuels, pour lesquels les industriels font encore beaucoup d'efforts d'innovation afin d'en réduire les coûts.
Je ne vais pas m'étendre sur la roadmap (feuille de route) technologique qui donne une vision partagée entre GDF SUEZ et Uniclima, le syndicat des fabricants de matériel de chauffage et de climatisation, à l'horizon 2030.
Il y a un bénéfice collatéral de la RT 2012; ces innovations qui en sont issues, profiteront directement au marché de la rénovation thermique du parc existant dont la dynamique ne permet pas aux industriels d'innover et de proposer de nouveaux produits.
Il y a un mais, il faut aussi le dire. Ces innovations technologiques qui commencent à être commercialisées, ont besoin de trouver leur place sur le marché. Il y a long entre l'innovation et le produit standard sur le marché, et les industriels ont besoin de stabilité règlementaire, de visibilité pour que ces produits puissent un jour devenir des succès commerciaux et des produits courants.
Je voudrais terminer mon propos sur un point qui a été évoqué par le premier intervenant, monsieur Sidler : le poste de consommation d'électricité spécifique. Il me semble que l'enjeu principal pour les années qui viennent, c'est ce poste. On a donné des chiffres, je crois qu'un dessin vaut mieux qu'un long discours. Vous avez sur ce graphe représentés en partant du bas les postes de consommation d'un logement type existant ; au-dessus un logement rénové au label BBC rénovation ; au-dessus, au label RT 2012 ; et au-dessus, au niveau RT 2020, que l'on pourrait faire correspondre au label très haute performance énergétique. Le constat est flagrant. Il faut travailler pour les années qui viennent sur le poste jaune, qui correspond à la consommation d'électricité spécifique, et moins sur les postes chauffage et eau chaude sanitaire sur lesquels vous voyez qu'il n'y a plus grand-chose à gagner. Les investissements nécessaires devraient plutôt porter sur le poste d'électricité spécifique. Il y a deux façons de faire. La première est de trouver une règlementation qui arrive à maîtriser ces consommations d'électricité spécifique, mais en accompagnant les ménages dans leur relation à la performance, et la seconde en valorisant toutes les solutions performantes de production décentralisée d'électricité.
Débat
M. Jean-Yves Le Déaut. - Je vous remercie, je crois que l'on a calé le débat, d'abord dans la première table ronde, puis maintenant. Il y a un optimisme mesuré des grosses sociétés, et un pessimisme affiché notamment de petites sociétés sur la règlementation. Vous avez dit des choses fortes à savoir que, pour vous, la règlementation freine l'innovation ; qu'il y a des superpositions entre des règles nationales et européennes, et que l'on arrive avec un jeu compliqué de certifications, des temps d'instruction très longs ; que si jamais on ne va pas plus vite l'innovation sera freinée et l'on n'atteindra pas les objectifs que nous nous sommes fixés ; que cela s'améliore. Il ne faut pas que l'administration soit toujours pointée du doigt. Elle est notamment, via les ministres, en contact permanent avec le Parlement, et ce qui permet que cela s'améliore. Le fait est qu'il y a plus de transparence qu'il n'y en avait. Les vitesses d'instruction ont été accélérées, même si c'est encore long. Les PME se sont vues donner accès aux instances d'élaboration des avis techniques. Un médiateur a été créé, les frais d'inscription baissent.
Néanmoins, des sujets qui nous sont remontés, montrent que ce n'est quand même pas parfait, et vous l'avez redit.
Je souhaiterais, dans cette discussion, que vous indiquiez comment améliorer les choses, pourquoi il y a un décalage avec le politique. J'ai participé au Grenelle très activement, et j'ai suivi ces sujets au nom de l'Office parlementaire, comme Bruno Sido et comme d'autres parlementaires. Pourquoi y-a-t-il un tel décalage entre le niveau technique et les réalisations règlementaires, et est-ce que cela freine globalement l'innovation. Vous avez dit que nous irons acheter les pompes à chaleur en Suisse ou en Allemagne. Cela signifie-t-il que la Suisse ou l'Allemagne aient des sociétés plus confortées au niveau financier, ou que leurs règlementations soient différentes ?
J'ai quelques exemples de choses qui m'ont été dites, et si jamais il faut mettre un tout petit peu de sel ou de poivre, je les mettrai pour que la discussion puisse aller jusqu'au bout, car le but est d'améliorer les choses si l'on voit qu'elles trainent un peu.
M. Laurent Thierry. - Je voudrais être extrêmement concret et demander à monsieur Crépon, concernant l'avis technique européen : est ce que l'on pourrait accéder aux mêmes droits et aux mêmes offres, c'est-à-dire crédit d'impôt, certificat d'économie d'énergie, etc. en ayant cet avis technique ? J'ai un exemple précis, pour éviter toute polémique. Nous vendons des produits à base de fibre de bois. Nous avons des avis techniques européens, et un système d'évaluation de niveau 1. Nous ne pouvons pas obtenir un marquage, des primes de certificat d'économie d'énergie ou des crédits d'impôts.
M. Etienne Crépon. - Les relations entre la CCFAT et ACTIS sont aujourd'hui devant les tribunaux, donc il me sera difficile de prendre position. Sur cette question, avant tout je me félicite que la Commission européenne soit saisie du sujet et ait décidé de lancer une normalisation des isolants minces. Je pense que ceci permettra de stabiliser les choses.
Le principe des avis techniques, qu'ils soient européens, français ou autres, est de faire en sorte de créer la confiance dans un marché totalement éclaté entre maitres d'ouvrages, maitres d'oeuvres, contrôleurs techniques, assureurs. Nous avons des dispositifs qui ont fait leurs preuves, du type avis technique, ou titre V. Il y en a d'autres qui ne marchent pas, parce qu'ils ne génèrent pas la confiance, et je rappelle juste un élément : l'avis technique n'est pas quelque chose d'obligatoire. Rien n'interdit à un industriel de mettre sur le marché un produit sans avoir un avis technique, pour autant qu'il réussisse à prouver aux interlocuteurs que son produit est de confiance.
M. Laurent Thierry. - Est-ce qu'un avis technique européen a la même valeur qu'un avis technique français ?
M. Etienne Crépon. - Dès lors qu'il respecte le même niveau de procédure, de transparence et d'expertise collégiale, pour moi, oui.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Nous avons également la règlementation européenne Reach. Je prends un exemple que j'ai suivi, dans les ouates de cellulose, produits biosourcés. On y mettait du bore comme ignifugeant. Puis, la règlementation Reach a dit que le bore, en quantités importantes - car en faible quantité ce n'est pas la même chose - n'était pas acceptable, qu'il fallait changer. Il n'y a pas eu de coordination des changements au niveau des entreprises.
Si jamais on met en oeuvre une règle plus rapidement dans un pays membre que dans un autre, cela crée exactement la même discussion que celle de la taxe carbone : la distorsion induite au niveau de l'application va désavantager certains des industriels. Dans ces conditions, on ne peut pas réussir une coordination au niveau européen. Quand on change la règlementation, on devrait au moins organiser une concertation avec les acteurs pour essayer d'ajuster le processus de transition, pour laisser des délais pour que les PME puissent s'adapter.
M. Etienne Crépon. - Ce sujet de la ouate de cellulose est compliqué. La règlementation Reach a conduit à ce que la commission chargée de formuler les avis techniques lance un message d'alerte aux industriels sur l'utilisation du sel de bore, en prévoyant un temps de transition qui a été, sous le contrôle de monsieur Legrand, prorogé une fois, pour que des solutions alternatives puissent être élaborées. Cela a permis d'amener la solution faisant appel à des sels d'ammonium, qui pose des problèmes liés à des dégagements d'ammoniac par ces produits. Comme par ailleurs l'interprétation de la Commission européenne sur l'utilisation du sel de bore a un peu évolué, on en est revenu à des solutions utilisant ce sel de bore. Sur ce sujet, il y a eu un travail partenarial entre la plupart des industriels et l'État pour essayer d'imaginer des solutions, et pour évaluer les produits de façon qu'ils puissent être mis sur le marché le plus rapidement possible.
M. Olivier Legrand. - Je confirme, il y a eu un travail colossal avec la DHUP, le CSTB, pour réparer, car il s'agit bien de réparation du secteur de la ouate de cellulose. Les sociétés sont arrivées sur le marché en 2010, ont commencé à produire, et c'est à ce moment-là que la position du GS20 puis de la CCFAT sur le sel de bore a été notifiée aux producteurs. Autrement dit, en termes de délais, on ne pouvait pas faire plus court et plus dommageable pour une toute jeune filière.
Cette position spécifique française n'a pas été du tout suivie au niveau européen. Ce qui est fait est fait. Je crois que maintenant ce qui me paraît le plus important de souligner est que nous n'avons pas les moyens d'être présents dans toutes les commissions et groupes de travail. Encore une fois nous sommes de toutes petites entreprises, et ce qui peut être très perturbateur, comme cela a été le cas pour le sel de bore et d'autres sujets, est d'apprendre dans des délais extrêmement courts que l'on doit évoluer, comme si nous étions des groupes importants, avec des équipes de recherche, des personnes à disposition. C'est impossible. Pour aller dans le sens de ce qui a été évoqué par monsieur Crépon, nous avons effectivement réussi à passer ce cap. Mais, dans la collaboration avec les institutions, il risque néanmoins encore d'y avoir des surprises. Or nous sommes de toutes petites entreprises fragiles, fragilisées par ce qui s'est passé ces deux dernières années. Une société a déposé le bilan, d'autres sont menacées de le faire, alors qu'il y a une très forte demande sur le marché. Donc soyons vigilants, qu'il n'y ait pas de modification de règles encore une fois, sans concertation avec les professionnels.
M. Bruno Sido. - Le message est bien passé.
M. Etienne Vekemans. - C'était ce que je souhaitais dire. Il faut que l'on s'engage dans une démarche de cohérence des politiques et des messages qui sont envoyés. Nous sommes attentifs aux matériels que l'on installe dans les bâtiments passifs, car nous avons besoin de très petits systèmes qui consomment très peu. Je suis heureux d'entendre que nous aurons des producteurs de chaleur de 800 W. Mais nous avons vu ces derniers mois une évolution que monsieur François a décrite. Notamment nous avons des membres qui ont déposé le bilan, et nous voyons des fabricants étrangers installés en France en 2009-2010, en espérant une évolution relativement rapide des techniques, qui, au début 2013, se sont retirés du marché français parce qu'ils n'y voient pas d'évolution nette dans les usages et les modes de production de la filière du bâtiment. Donc nous souhaiterions que désormais l'on place vraiment l'efficacité et la sobriété énergétique au centre de cette question du bâtiment.
Je suis un peu attristé de voir que l'on nous présente la future RT 2020 comme étant une norme « BBC moins 20 % ». Il y a mieux à faire, profiter de ce qu'il est possible de faire, et le mettre en oeuvre avec constance et volonté.
M. Olivier Sidler. - C'est plus le professionnel que le représentant de Negawatt qui va vous parler maintenant. Je dirige un bureau d'études tourné depuis trente ans vers des opérations très ambitieuses, très performantes, les bâtiments à énergie positive. Tout ce que vous avez tous dit, je suis obligé de le reconnaitre, c'est vraiment le coeur de l'affaire.
Il y a deux niveaux. La certification concerne les produits, et plutôt les assureurs. Je poserai une question à monsieur Figarella, qui est de savoir, dans les sinistralités, ce qui revient au défaut de mise en oeuvre, et au produit lui-même.
Nous sommes dans une logique en France, et c'est ce qui nous distingue de l'Allemagne, de garantie décennale. C'est très bien pour le particulier, il est tranquille pendant dix ans. Mais cela a tout paralysé d'une certaine façon, vous l'avez tous dit à votre manière, et on le constate sur le terrain. Les Allemands ont une autre façon de faire. Il n'y a pas de garantie décennale, en revanche, chaque entreprise est engagée elle-même pendant deux ans sur la performance de ce qu'elle a mis en oeuvre, et pendant deux ans elle doit revenir sur le terrain tant que cela ne fonctionne pas. Je peux vous assurer, la grande différence que j'observe sur les chantiers, c'est que l'Allemand ne part pas, il fait bien les choses, parce qu'il sait qu'il va avoir à payer, et le français part, cela ne marche pas, et dit de faire appel à l'assurance. Vous devez le voir dans vos bilans. Finalement nous avons un système trop protecteur. On pense que c'est bien pour le particulier, mais finalement cela a des coûts, et cela paralyse toute l'innovation.
Le deuxième niveau de la paralysie est dans le calcul règlementaire, qui est nécessaire, nous n'allons pas le contester. Il a toutes les limites qu'on lui connaît, sauf qu'on n'arrive plus à innover. Je suis un grand fana des pompes à chaleur. Cela me rend malade, c'est vrai qu'on va chercher nos pompes à chaleur en Allemagne, je suis bien obligé de l'avouer. Il y a plein de choses qu'on va y chercher. Je vais vous donner un exemple. Dans la rénovation, nous cherchons à éviter les systèmes de ventilation centralisée qui sont trop compliqués. Nous avons trouvé en Allemagne des boites de ventilation décentralisées. Une vingtaine d'entreprises. Celle avec laquelle on travaille, a quarante personnes. Nous lui avons dit qu'il y avait de gros chantiers en France. Le gars a pris sa voiture de Stuttgart et il est venu nous voir dans la Drôme. Quelle est l'entreprise de 40 personnes en France, vous en avez 3 000 je crois, qui est capable d'attaquer ce genre de marché, de nous dire : quel est votre problème en France, on va le regarder. Dix jours après, cette entreprise a eu la solution, et a décidé de mettre une usine en France. Après, tout s'est bloqué parce qu'il y a les avis techniques, toutes ces choses-là ... Donc on a un mécanisme qui nous empêche d'innover, et la proposition que je ferais serait peut-être celle-ci, en matière règlementaire, puisque c'est de cela dont il s'agit : ne pourrait-on pas ouvrir des portes sur les systèmes trop nouveaux ? À Grenoble j'essaie de mettre en oeuvre une boucle d'eau tiède. Il s'agit de chaleur récupérée sur les égouts. Cela coince de partout parce que ce n'est prévu nulle part. Pourtant c'est de l'énergie gratuite. C'est la même difficulté pour toutes les pompes à chaleur. Sur des logements sociaux, nous avons mis un an à obtenir un titre V. Résultat on y consomme 4,2 kWh d'électricité par mètre carré pour se chauffer, 3,2 pour l'eau chaude. Donc ça marche, c'est génial, sauf qu'il faut vraiment être motivé, être des militants pour arriver à pousser ces solutions-là. Et tous les industriels nous disent qu'ils font faillite parce qu'il n'y a pas assez de militants en face, ce que je comprends. Ne peut-on pas assouplir, accepter de faire des expériences qui seront évaluées plutôt que de bloquer au titre des règlementations ?
Dernier exemple, il y a une maison passive en Bourgogne, faisant partie des opérations que l'on a conduites dans cette région. Elle a des performances exceptionnelles mesurées et n'arrive même pas à avoir le label BBC. On décourage tout le monde, tous les gens qui ont envie de bien faire, que ce soit les industriels ou les particuliers. Il faut que l'on donne de la souplesse dans la mécanique, sinon, tout le monde l'a dit ici, on sera à la rue.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Quel est le juge de paix en matière de sinistralité ? J'ai vu, dans un dossier récent, l'Agence de la qualité de la construction affirmer : il y a un taux de sinistres plus important avec telle technologie, donc nous faisons un communiqué de presse, sans que le Cabinet du ministre soit au courant. Cela veut dire en fait qu'une décision est prise, aux répercussions très importantes. Si c'est exact, si l'on peut vérifier, si l'on a les sources, aucun problème. Mais j'ai cherché les sources, je ne les ai pas vues. Qui a les sources, et qui décide qu'une sinistralité est plus importante avec une technologie ou une autre ?
M. Vincent Figarella. - Tout d'abord, je voudrais rappeler que la matrice de sinistralité, en tout cas les causes de sinistres, n'est pas uniquement à deux cases. Ce n'est pas le croisement du produit et de sa mise en oeuvre. Elle a au minimum quatre cases. Il y a d'abord la partie conception, l'usage du bon produit pour le bon emploi, pour la bonne utilisation, qui est aussi générateur de la sinistralité. Le produit n'est pas toujours bien utilisé, et la manière dont il a été mis en oeuvre compte.
Dans les produits innovants, il n'y a pas de retour d'expérience sur la durabilité. Si l'on regarde les sinistres qui seraient dus à un défaut seul du produit, il n'y a pas suffisamment de retour pour dire que ces produits-là sont moins bien conçus que ne l'étaient ceux conçus il y a une quinzaine ou une dizaine d'années. Mais le risque est accru sur les conditions de mise en oeuvre puisque ce sont des procédés nouveaux, et on l'a dit tout à l'heure, la filière n'est pas toujours bien formée pour mettre en oeuvre.
C'est surtout dans la partie conception et dans la partie condition d'utilisation et d'entretien que la sinistralité augmente, car un produit nouveau veut dire aussi un usage bien plus précis ou en tout cas, pas encore bien intégré par l'occupant. C'est difficile à chiffrer. Les assureurs, qui ont pour vocation de chiffrer un risque par rapport à la connaissance du passé, sont bien démunis par rapport au risque d'innovation. Ils ont besoin d'un procédé de certification et des outils de normalisation des risques intégrant bien ces quatre dimensions.
Des avis techniques européens parfois n'intègrent pas les conditions d'analyse de risque sur la mise en oeuvre, présents dans la règlementation française.
Pour les conditions d'usage, même si l'on dispose d'un système qui nous permet de faire l'analyse de risque sur ces quatre axes, conditions de mise en oeuvre, d'utilisation et d'entretien et conception, durabilité du produit, il y a une difficulté : celle d'organiser le plus rapidement le retour d'expérience.
On vient de voir des sinistres émergeants arriver, et nous sommes face à un risque qui va se développer. C'est aujourd'hui à l'AQC, l'Agence qualité construction, d'organiser ce recueil d'informations et de le diffuser. Elle ne tue pas le produit, elle le met simplement en observation. Le produit n'est alors plus considéré comme assurable de manière automatique, sans déclaration auprès de l'assureur, mais reste assurable avec cette déclaration. Je n'ai pas insisté suffisamment sur tous les procédés autres que l'avis technique. Pour bénéficier d'une solution d'assurance, il y a le Pass'innovation, l'enquête de technique nouvelle.
M. Etienne Crépon. - Quelques éléments de réaction par rapport à l'intervention de monsieur Sidler. Globalement je suis assez d'accord avec vous. Vous avez raison, de la même manière que nous avons lancé une modernisation du procédé avis technique, et qu'il faudra aller plus loin, la ministre l'a clairement demandé lors du salon ECOBAT au CSTB et à ses services, nous devons lancer une modernisation et accélérer la procédure titre V, avec une question de fond, que nous n'avons pas abordée ce matin : lorsqu' un produit innovant veut rentrer sur le marché et la règlementation, qui fait les études ? Est-ce l'industriel ou l'État ? Des dossiers de procédés titre V, agréés, n'ont pas été montés par l'industriel, mais par mes équipes. Je suis très heureux de l'avoir fait, car cela leur a permis de se développer, mais il y a là une vraie question de stratégie industrielle pour le pays. Est-ce à l'industriel de faire les études et à démontrer la performance de ses produits, ou est-ce à l'administration de décider, tel produit se met sur le marché, le contribuable devant financer les études nécessaires. Nous sommes dans un système mixte : dans certains cas, c'est l'industriel, dans d'autres, ce sont mes équipes, qui ont été amenés à faire une partie de la constitution des dossiers. Cette question doit être tranchée.
M. Olivier Legrand. - La ouate de cellulose a été mise en observation dans les conditions évoquées par monsieur Figarella. Suite à cette mise en observation, nous avons engagé des travaux très importants avec l'AQC, qui aboutissent enfin. Mais ce qui m'a le plus surpris est d'avoir été mis devant le fait accompli du communiqué de presse sans possibilité d'échanger avant cette soudaine déclaration officielle. Bien que la couverture d'assurance n'ait pas été remise en cause, en termes de communication, c'est un peu comme si une agence de notation avait lancé une information sur le marché. Cela a impacté directement le secteur, qui est mono-produit. Nous l'avons vu immédiatement dans les ventes, et les conséquences ont été dramatiques. Cela aurait pu être évité, encore une fois, par une discussion préalable, pour faire ce que nous sommes en train de faire : remettre les choses dans le bon sens.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Pour avoir suivi ce dossier au jour le jour, je dirais officiellement que nous étions comme dans une procédure de jugement où la personne ne savait pas qu'elle était jugée, donc elle n'avait pas d'avocat. Et si nous sommes effectivement saisis d'une demande d'étude, nous prendrons ce cas pour essayer d'illustrer le procédé. J'ai alerté les directeurs de Cabinet des deux ministres concernés le jour même où je l'ai su. Tout s'est passé comme si un procès avait lieu sans avoir les sources, et sans que la personne mise en cause puisse présenter son argumentation. Si la démarche avait été plus contradictoire, nous en serions peut-être arrivés au même résultat, mais nous ne pouvons pas le savoir.
M. Laurent Thierry. - Je veux juste corriger ce qu'a dit monsieur Crépon. Actis n'est en procès avec personne, ni avec la CCFAT, ni avec qui que ce soit, et il y a à ce propos de la désinformation. J'ai lu dans la presse que l'Autorité de la concurrence enquêtait sur un abus de position dominante incriminant le CSTB en lien avec ISOVER et le FILLM qui est présent ici, mais Actis n'est engagé dans aucune procédure de justice liée à cette affaire.
M. Olivier Cottet. - On a évoqué dans ce débat les freins à l'innovation. Je voudrais parler aussi des moteurs de l'innovation, puisque le programme Homes est un programme de recherche. Il avait aussi pour mission d'évaluer comment les normes, règlementations, etc. pouvaient faciliter le développement de l'efficacité énergétique des bâtiments. C'est l'objet d'un petit recueil et d'une liste de recommandations qui ont été édités dans le dernier jeu de documents qu'il nous fallait livrer au terme du programme, et que je mets à la disposition de l'Office parlementaire. Je résumerai en quelques mots, qui vont recouper ce qu'a dit monsieur Sidler. Il faut, en particulier sur les bâtiments existants, changer de paradigme et ne pas chercher exclusivement l'efficacité énergétique du bâtiment lui-même, mais plutôt faire de l'efficacité et de la performance énergétique dans le bâtiment, c'est-à-dire en travaillant sur les processus industriels, sur les machines tertiaires, les produits bruns, les produits blancs, bref, inciter les acteurs du bâtiment, les opérateurs, à travailler sur l'amélioration permanente, régulière, motivée, de cette efficacité énergétique. Il faut peut-être pour cela introduire la notion d'« energy manager », de gestionnaire de l'énergie, comme il y a un gestionnaire de la sécurité en la personne du chef d'établissement. Pour les politiques publiques, il conviendrait d'accompagner ces évolutions par un effort de simplification conséquent, de parler de la performance réelle tous usages, et de ne plus se focaliser sur les éléments conventionnels de la consommation énergétique.
M. Robert Menras, société Actis. - Je voudrais intervenir sur les agréments techniques européens. Pour répondre à monsieur Figarella, le processus pour obtenir un agrément technique européen oblige à répondre aux six exigences essentielles liées à ce marquage CE. Vous les connaissez certainement mieux que moi, on peut les lister. Une fois cela mis en oeuvre, toutes ces exigences essentielles sont vérifiées par un organisme indépendant notifié, un membre de l'EOTA, qui va faire tous les tests et savoir si ce produit répond aux exigences pour avoir ce marquage CE. Ce n'est pas le fabricant, c'est un laboratoire extérieur indépendant qui fait tous les tests et les certifie. Ensuite, l'agrément technique européen, rédigé et officialisé au niveau de l'EOTA, est transmis à tous les états membres pour que ces derniers se prononcent, pour dire si l'ATE est conforme à la règlementation nationale, et s'il ne pose pas de problème de sécurité pour la mise en oeuvre dans les ouvrages. Donc en principe vous devez avoir en tant qu'assureur toutes les réponses à ce niveau. Si vous entrez dans un système d'ATE, système d'évaluation n°1, le fabricant s'engage à ce que l'organisme notifié vienne dans l'entreprise deux fois par an faire des prélèvements, refaire des tests qui sont, pour les isolants, des tests de résistance thermique et de réaction au feu. Ensuite il vérifie le système de management de la qualité de la société. Tous ces éléments doivent participer très rapidement à satisfaire les besoins de l'ensemble des intervenants qui interviennent dans l'acte de bâtir, et donc les assureurs. Pour resituer cette démarche par rapport à l'accès au marché, une fois que vous avez un ATE et que vous avez satisfait à toutes ces conditions, on vous dit en France : si vous voulez être éligible au certificat d'économie d'énergie, c'est-à-dire en pratique si vous voulez accéder au marché, car si vous ne pouvez prétendre au certificat d'économie d'énergie, l'utilisateur final ou le bénéficiaire final se prive d'un montant de subvention de 30 et 50 % du coût du produit, il vous faut un ACERMI. Donc un produit innovant remplissant les conditions européennes pour arriver sur le marché n'est pas directement éligible au certificat d'économie d'énergie. Dans un système concurrentiel tel qu'il est aujourd'hui, c'est un obstacle très pénalisant, car pour obtenir un ACERMI, il faut attendre un an de plus, alors que vous avez déjà attendu parfois trois ans pour avoir l'ATE; cela fait beaucoup de handicaps pour arriver à rentrer sur le marché. Je m'adresse à monsieur Crépon : l'administration, et notamment la DGEC, pourrait-elle faire en sorte que des agréments techniques européens qui rentrent dans le système d'évaluation n°1, soient éligibles au certificat d'économie d'énergie, alors qu'en l'état actuel ils ne le sont pas. . Voilà une question très pragmatique en termes de soutien à l'innovation.
M. Pierre-Louis François. - Monsieur Crépon a posé une vraie question : qui rédige les demandes de certification ? Quand ce sont les industriels, sur un produit innovant, par nature et c'est bien normal, l'administration veut s'assurer de la performance. Et les résultats des essais faits par l'industriel, même avec un organisme supposé indépendant, sont contestés dans la majorité des cas. Il n'y a pas de confiance a priori. C'est par exemple ce qui s'est passé sur la domotique. On nous a dit : vous avez fait des essais, dans le cadre du programme Homes, par exemple. Mais cela ne suffit pas. S'agissant des pompes à chaleur double service (chauffage, eau chaude), je remercie la DHUP d'avoir d'elle-même pris l'initiative de travailler sur le sujet, car nous étions dans une vraie impasse; vous avez fait le travail qui normalement n'était pas de votre responsabilité. Mais si nous proposons un produit innovant, presque systématiquement les administrations nous disent : pourquoi vous croirait-on ? Et du coup, on perd comme cela en discussion un an, un an et demi, comme c'est le cas par exemple en domotique. Il y a un manque de dialogue ou de confiance réciproque, qui peut durer deux, trois ans... Je ne sais pas comment faire.
M. Etienne Crépon. - Merci de saluer le travail que nous avons fait pour aider à l'obtention du titre V des pompes à chaleur. Ceci étant, je suis totalement conscient que la procédure du titre V, qui a été mise en place sur la RT 2005, moins exigeante que la RT 2012, doit être revisitée pour mieux prendre en compte le processus d'innovation, être plus dans une logique tout à la fois de confiance vis-à-vis des industriels mais aussi de garantie vis-à-vis des acteurs de la chaine de construction. Il s'agit de montrer que le procédé est bien à la hauteur de ce qui est annoncé. Je pense que nous avons, de part et d'autre, des marges de progrès réels.
S'agissant de la demande du représentant de la société Actis, j'ai interrogé mes collègues de la DGEC. Il s'agirait d'introduire dans le cadre de la règlementation sur les certificats d'économie d'énergie un ACERMI ou quelque chose d'équivalent, à charge pour l'industriel d'apporter les éléments. Cette question fait l'objet de réflexions dans le cadre de la future génération des certificats d'économie d'énergie.
M. Olivier Siedler. Je voudrais soulever un autre problème dans la suite de ce qu'a indiqué monsieur Vérité en rappelant une règlementation de 1974. Il y a un texte de 1979, qui concerne la limitation des températures intérieures dans les logements. J'en parle car je tourne en rond à la recherche d'une réponse depuis des années, et pour une fois nous avons des parlementaires en face de nous : j'aimerais leur poser le problème. En France, la température est plafonnée à 19 degrés, c'est l'article R131 du code de la construction. Le calcul réglementaire est légitimement fondé sur ces 19 degrés, et quand on fait des campagnes de mesure dans les bâtiments performants, évidemment on trouve des températures supérieures : 21, 23, voir 23,5 degrés récemment. Dans ces bâtiments type BBC, 1 degré de plus équivaut à 15 % de plus de consommation, et pour le BPOS, bâtiment à énergie positive, cela va être 20 %, voire encore plus. Donc avec 2 ou 3 degrés de plus, il va y avoir 50 % de consommation de plus, et l'on va dire que cela ne marche pas. Or ce n'est pas le bâtiment qui ne marche pas, c'est ce qui se passe à l'intérieur. Si je vous saisis, et c'est vraiment aux Parlementaires que je m'adresse, c'est parce que nous avons des textes que nous devons appliquer; sauf que tout le monde dit qu'on ne va pas les appliquer. Les gens font ce qu'ils veulent. Moi, j'ai toujours un problème devant cela, parce qu'en suivant ce principe, à la limite moi demain j'achète un semi-remorque, et je roule à gauche - je m'en fous, je ne crains rien avec un semi-remorque - je ne respecte pas le code de la route : où s'arrête-t-on alors dans le non-respect des textes ? Soit la France ne veut pas respecter les 19 degrés, qui sont parfaitement viables, sauf qu'il ne faut alors pas être en liquette, - or, les gens indiquent dans les questionnaires qu'ils sont en T-shirt l'hiver, et c'est peut-être le problème -, soit on respecte ces 19 degrés. Mais si le texte n'est pas respecté, alors il faut le supprimer. On ne peut pas continuer à avoir un texte que personne ne respecte, qui est la base de tous les dérapages de consommation, et de ceux du bilan énergétique de demain.
M. Bruno Sido, sénateur, président de l'OPECST. - Vous faites le distinguo certainement entre les chauffages individuel et collectif. Quand nous avons discuté au cours de l'examen de la loi Grenelle de cette affaire-là, il s'agissait bel et bien d'un problème concernant le chauffage collectif, car les gens ouvrent les fenêtres plutôt que de fermer le robinet du radiateur quand ils ont trop chaud. Je ne vois pas la solution, sauf à permettre aux policiers de rentrer, vérifier la température et verbaliser. Faut-il en arriver là ?
M. Hugues Vérité. - Je voulais simplement renforcer la remarque de monsieur François sur nos industriels. Le Gimelec représente 50 % de PME 20 % de multinationales et le solde est formé d'entreprises de taille intermédiaire. Notre terrain de jeu est le monde. Nous sommes dans la mondialisation, exportateurs nets. C'est un vrai enjeu de s'inscrire durablement dans un marché européen intégré; or le certificat d'économie d'énergie est une invention française reprise dans la directive d'efficacité énergétique . Donc nous avons une bonne carte à jouer dans une Europe de plus en plus intégrée, car nos industriels ont déjà fait l'effort essentiel pour s'adapter, et nous pensons qu'il ne manque pas grand-chose pour que nous soyons euro-compatibles, intégrés dans un marché très dynamique. S'ils sont freinés dans leur élan, nous risquons d'avoir des effets de bord un peu négatifs en ce qui concerne la localisation d'activités productives.
M. Philippe Haim. - Par rapport à l'intervention de monsieur Sidler, un point extrêmement important, je l'évoquais tout à l'heure, est le fait de mettre le ménage au centre de sa relation avec la performance du logement et l'énergie. Dans un logement très faiblement déperditif, son comportement a un impact considérable. Pour le faire évoluer, on peut jouer sur la température de consigne, ou sur l'utilisation des équipements. C'est un aspect que nous devrions mettre au centre des règlementations à venir, notamment la règlementation thermique 2020.
Un petit commentaire qui a trait plutôt à la précédente table ronde, je demanderai à madame Vu de vérifier ses chiffres, car ceux dont je dispose sur les parts d'énergie dans le logement BBC-Effinergie entre la maison individuelle et le collectif, ne sont pas du tout ceux-là.
M. Brigitte Vu. - Ce sont des chiffres que j'ai tirés d'Effinergie, donc je pense, relativement fiables.
M. Philippe Haim. - J'ai la brochure avec moi, je n'ai pas du tout les mêmes chiffres.
M. Jean-Yves le Déaut. - Je voudrais poser une question qui a été abordée, mais peut-être pas suffisamment, sur l'organisation de l'expertise collective. Nous avons eu la même longue marche vers la transparence, il y a vingt ans, dans le secteur nucléaire, jusqu'au rapport que j'avais écrit au Premier ministre il y a 12 ou 13 ans. Ici nous nous retrouvons dans des problématiques un peu identiques.
N'est-on pas parfois dans le cas du « contrôleur contrôlé », et du conflit d'intérêt, quand, dans les commissions, même pluralistes, qui traitent des questions de moteurs de calculs règlementaires, interviennent des mises à disposition d'employés de grandes sociétés; ces circonstances risquent d'interférer avec les conditions de réalisation des calculs règlementaires. On nous dit que c'est normal, puisqu'il s'agit de personnes qui connaissent la technique. Mais à travailler sur ces moteurs de calcul, donc à la base de l'élaboration de la règlementation, n'a-t-on pas tendance à favoriser une solution qui finalement va favoriser l'entreprise pour laquelle on travaille ? Je le répète, ce genre de situation s'est rencontrée dans d'autres secteurs; personne ne doit se sentir visé autour de cette table. Donc, avons-nous une organisation de notre expertise collective satisfaisante ? Je dis cela parce que monsieur Crépon nous a indiqué une évolution.
M. Etienne Crépon. - Je pense que vous faites référence à l'élaboration de la règlementation thermique 2012. Élaborer une règlementation conduit à un très haut niveau d'expertise. Soit l'on a des systèmes très frustres, soit l'État se donne les moyens de bénéficier des expertises des uns et des autres pour être au plus près de la réalité. La transparence pour des sujets à très fort enjeu, est assurée par le processus de concertation, la durée de la concertation.
Le travail qui a été fait sur l'élaboration de la règlementation et sur celle des moteurs de calcul, au travers de groupes de travail totalement ouverts, de conférences consultatives avec l'ensemble des partenaires ayant la possibilité de s'exprimer et d'apporter leurs propres simulations, de les faire contre-expertiser par des bureaux d'études indépendants financés par l'État, est pour moi la garantie de cette transparence.
Il n'y a pas de meilleure solution pour produire et mettre quelque chose sur la table, que de le faire de façon totalement ouverte et que chacun ait la possibilité et le temps de le contre-expertiser, de faire valoir ses arguments, et que ceux -ci soient ré-ouverts. La posture du ministère de la construction a toujours été de dire : oui, nous avons fait appel à un expert venant d'une société. Nous avions clairement indiqué à ses principaux concurrents que s'ils souhaitaient, contre remboursements, mettre à disposition un expert, nous étions tout à fait prêts à accepter. Il n'y a pas de choix d'une filière par rapport à une autre.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Je voudrais vous saluer madame la Ministre. Nous avons beaucoup parlé d'innovation technologique. Nous avons une toute dernière question; je ne sais pas sur quel thème elle porte. Je ferai ensuite une rapide conclusion puisque mon collègue Bruno Sido a fait l'ouverture. Enfin, nous vous laisserons, madame la Ministre, la parole.
M. Luc Floissac. - Ce n'était pas vraiment une question, mais une observation concernant le désordre à la livraison. Au cours d'une réunion récente, des assureurs ont avancé un chiffre : en France, ces désordres représentent 7 % du coût du bâtiment. Pour les filières biosourcées, que ce soit la paille ou le chanvre, l'Agence Qualité Construction nous a demandé de mettre en place des fiches d'autocontrôle de chantier, qui permettent d'avoir un retour sur ce qui se fait sur le chantier, par ceux-là même qui exécutent le travail, ce qui leur permet d'améliorer leurs compétences. Cela pourrait être généralisé à tout le système constructif, industrialisé ou pas, car nous avons un problème de qualité de main-d'oeuvre en France. Quand on compare avec l'Allemagne, ou pire, l'Autriche, on voit le fossé qui sépare le niveau des qualités moyennes de main d'oeuvre entre les pays. Je termine par une petite suggestion qui peut être très économique, à propos des labels : il serait envisageable pour la réhabilitation de mettre en place un label basé sur le constat de la consommation d'énergie à partir des factures, sur la base d'une instrumentation minimale à convenir, les gens s'étant débrouillés comme ils veulent pour la réhabilitation. On pourrait ainsi constater la réalité des consommations d'énergie réalisées.
M. Jean-Yves Le Déaut. - Madame la Ministre, avec l'Office parlementaire, représenté actuellement par son président Bruno Sido, puisque nous avons une alternance des présidences qui n'est pas dans la loi mais dans les faits entre l'Assemblée et le Sénat, nous avons voulu contribuer au débat sur la transition énergétique. Nous avons voulu apporter à ce débat une réflexion sur les économies d'énergie dans les bâtiments, avec comme fil directeur : comment passer à la vitesse supérieure ?
Nous avons traité des objectifs et des instruments de la contribution du bâtiment à la maîtrise de la consommation d'énergie, en posant la question du financement de cette transition énergétique. Les scénarios de l'ADEME ou de NégaWatt montrent qu'il faut accélérer le processus si l'on veut respecter les objectifs que nous nous sommes fixés.
D'autres instances de l'Assemblée pourront aborder cette même question avec leur point de vue. Pour sa part, l'Office parlementaire fait le lien entre objectifs politiques et solutions technologiques sur tous les sujets : biotechnologies, technologies de l'information et de la communication, nucléaire, et je fais en particulier le parallèle entre les évolutions passées concernant l'organisation de l'Autorité de sûreté nucléaire et celle de la surveillance et de la radioprotection, et celles qui devront s'appliquer aux secteurs qui sont en train d'émerger.
Nous avons donc parlé de l'innovation technologique, et c'était important, car celle-ci doit nous permettre à la fois de contribuer à nos objectifs, ce à quoi s'appliquent de grandes sociétés depuis longtemps, et de faire émerger des nouvelles entreprises qui pourraient créer des emplois. En abordant cette question, nous avons tout de suite buté sur un problème, celui des normes et des certifications. La nécessité d'améliorer les procédures a été reconnue y compris par les directeurs des ministères concernés. La preuve en est que des petits industriels ayant eu des difficultés dans le passé nous ont fait part d'une amélioration, bien que j'aie noté l'observation de tout à l'heure : quelqu'un a dit qu'il était présent à notre précédente audition sur le sujet il y a deux ans, et que depuis rien n'a avancé. Mais d'autres participants nous ont dit voir quand même quelques esquisses d'évolution, et je voudrais remercier ceux qui travaillent pour améliorer les choses. Il est notamment ressorti de nos échanges la nécessité d'améliorer la transparence, d'accélérer les vitesses d'instruction, en dépit du fait qu'on ne connait pas exactement la manière dont va être appliquée une nouvelle technologie; il faut gérer des problématiques de sécurité et de sûreté pour le consommateur, définir les conditions d'une couverture par les assurances. Les PME demandent une simplification des procédures d'accès aux avis techniques, et signalent des frais d'obtention trop élevés. Mais le recours nouveau à la nomination d'un médiateur, quand il y a un problème, constitue un progrès.
Personne ne conteste qu'il faille des procédures de certification. Il est indispensable, pour qu'elles soient suffisamment rapides et efficaces et ne pas devenir un obstacle, qu'elles soient ouvertes aux mesures des caractéristiques des performances in situ, afin que chaque produit ait sa chance dans le créneau qui le concerne. Comme dans le domaine des montres il y a les Rolex - sans faire allusion à personne - et les Timex. Chacun peut trouver sa part de marché, et on ne pourrait pas dire dans une norme d'obtention de la certification, que l'on refuserait les Timex parce que le taux de métal précieux y serait insuffisant. À partir du moment où la sûreté et la sécurité sont acquises, c'est le choix des constructeurs pour la combinaison des composants la plus performante du point de vue énergétique, à besoin et budget donné, qui doit faire le succès ou l'échec des produits, et l'on souhaite qu'il y ait succès de nos entreprises françaises. Nous avons entendu tout à l'heure des chefs d'entreprises ici présents nous dire à propos du secteur des pompes à chaleur, qu'il n'y restera bientôt plus que deux sociétés françaises dans quelques temps, et que l'on ira ensuite acheter nos pompes à chaleur en Allemagne ou en Suisse. C'est un cri d'alarme. Il faut que le Parlement répercute, et que le Gouvernement puisse écouter. La certification est immanquablement affaire d'expert. Nous avons évoqué comment organiser cette certification. Elle doit être collective et contradictoire, transparente. Mais comment l'organiser de façon à éviter le biais du contrôlé-contrôleur, et en tenant compte du fait que les PME PMI n'ont pas forcément du temps à consacrer à ce mécanisme d'expertise chronophage, alors qu'il est indispensable qu'elles soient elles-aussi représentées dans les instances de certification ? C'est une difficulté fondamentale. L'Office parlementaire a entendu tout ce qui a été dit. Tout n'est pas technique, ni ne relève exclusivement de la question de l'innovation. L'efficacité énergétique des bâtiments concernent aussi d'autres sujets très différents. Néanmoins la France n'a pas le droit de rater ce volet essentiel de la transition énergétique. L'Office parlementaire va prolonger son investissement sur cette question à travers une nouvelle saisine, puisque André Chassaigne, président du groupe GDR à l'Assemblée, qui était parmi nous tout à l'heure, a indiqué avoir sollicité à cette fin le Bureau de l'Assemblée.
Ce débat s'est passé dans une atmosphère constructive, eu égard aux échos des semaines et des mois précédents, et je voudrais vous remercier, Madame, comme ministre de tutelle des PME-PMI d'une part, et ministre chargée de l'Innovation d'autre part, d'être parmi nous aujourd'hui pour nous indiquer les orientations du Gouvernement sur cette question de l'innovation.
Mme Fleur Pellerin, ministre chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Économie numérique. - Je remercie l'Office parlementaire, son président Bruno Sido et son Premier vice-président Jean-Yves Le Déaut pour leur invitation à venir conclure cette matinée de réflexion consacrée à un sujet effectivement très important, l'économie d'énergie dans le bâtiment, sujet majeur auquel je sais ma collègue Delphine Batho extrêmement attachée.
J'aimerai vous donner ma vision de ce que doit être notre politique d'innovation, revenir aussi sur un ou deux retours d'expérience puisque je rentre de Corée et du Japon où j'ai eu l'occasion de visiter des villes-démonstrateurs, des smart cities, où la question de la régulation, de la gestion de la maîtrise de l'énergie est au coeur de la réflexion, même si je sais qu'il y a des entreprises extrêmement en pointe sur ces sujets en France, et dont nous n'avons pas à rougir.
Je pense en particulier à l'expérimentation faite par Schneider Electric et, je crois, le groupe Carrefour, pour réduire la consommation d'énergie des supermarchés. Elle a bien montré que l'on peut réduire la facture énergétique de l'ordre de 20 %, en combinant du réseau électrique intelligent, de l'optimisation, du calcul intensif, du Big data.
Je crois que la meilleure source d'énergie renouvelable et la moins chère, c'est bien l'économie d'énergie. Et tout ce que nous pouvons faire pour aller dans ce sens et mobiliser les nouvelles technologies, doit être fait, et vite parce que vous avez raison, la bataille de la standardisation, la normalisation, est une bataille internationale. Si nous sommes absents de ces discussions nous risquons de nous faire damer le pion par des entreprises d'autres pays, et je crois que ce serait fort dommage.
Le contexte me paraît aussi favorable pour venir m'exprimer devant vous puisque demain sera remis le rapport Beylat-Tambourin, que j'ai commandé avec Geneviève Fioraso sur la rationalisation des dispositifs d'aide à l'innovation. Il doit nous permettre d'articuler une véritable politique d'innovation, qui a fait défaut jusqu'à présent à notre pays.
Un mot sur ma vision de l'innovation. Je crois déjà important de souligner que l'innovation concerne tout le monde, pas seulement des « BAC plus huit » et diplômes supérieurs.
Je pense en particulier à ce jeune lycéen de 17 ans qui vient de gagner 30 millions de dollars en vendant son application iPhone à Yahoo, exemple assez frappant qui illustre bien que l'innovation est autre chose que la recherche fondamentale ou la recherche développement. Elle est le résultat d'un processus qui ne se planifie pas. J'aime beaucoup le mot serendipity en anglais, qui veut dire le fait de trouver des choses parfois par chance, malchance, erreur, alors qu'on ne cherche pas forcément cette chose-là, et donc qui caractérise le processus d'innovation.
J'ai été frappée en Corée par la démocratisation des usages. Il n'y a pas de fracture générationnelle, il y a un accès et un usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication à la fois territorialement et générationnellement très diffus. C'est important également de montrer que les nouvelles technologies et l'innovation peuvent être le support d'une politique d'égalité sociale, territoriale.
L'innovation, c'est le fait de trouver un nouveau marché, un nouvel usage, un nouveau bien, d'améliorer un processus de production. Elle doit se faire en continu, et assure la productivité et la compétitivité d'un pays.
Le marketing, le design, sont des éléments qui peuvent conduire à de l'innovation. Une entreprise comme Apple a connu son succès avec le design, le marketing, et avec relativement peu de recherche développement.
Un autre exemple est Nespresso.
Ces entreprises ont été innovantes dans la manière aussi de commercialiser leurs produits ou de le « designer », et je crois qu'il faut avoir cette approche extrêmement aval qui permet d'associer la recherche développement et la préoccupation de l'expérience utilisateur, du marché, du consommateur.
Un autre exemple frappant en Corée, est la possibilité de se connecter partout dans le métro avec une qualité de débit incroyable. Cela me rend très jalouse, mais la Corée et le Japon sont les pays qui ont déployé le très haut débit fixe et mobile en très peu de temps, trois-quatre ans, qui ne sont pas là, à réfléchir à des débits de 100 mégas, mais de 1 giga. Nous passons avec eux à des échelles incroyables, et cette réflexion sur les infrastructures s'accompagne vraiment d'innovation en termes de services et d'usages, qui peuvent être proposés grâce à elles aux citoyens.
L'innovation est au service de la vie quotidienne des gens, très importante pour la qualité des services rendus aux utilisateurs, aux usagers, aux citoyens, mais aussi pour la compétitivité des entreprises.
En France nous avons un paradoxe, nous sommes la cinquième puissance mondiale pour le produit intérieur brut, 6ème ou 7ème selon les années en matière de poids des dépenses de recherche et développement dans le produit intérieur brut, et 17ème en termes d'innovation, mesurée par un indicateur un peu composite que je ne détaillerai pas, mais qui est le nombre de produits de moins de trois ans développés dans les entreprises, et un certain nombre d'autres critères. Il montre bien que, malgré les efforts faits en matière de recherche et développement, nous sommes plutôt mal placés en innovation.
En gros, à l'entrée, nous sommes bons pour les projets de recherche, mais c'est à la sortie, au moment de la commercialisation que nous sommes plutôt moyens. C'est cela qu'il faut changer. Nos efforts doivent se porter dans le lien avec le marché si nous voulons être aussi bons que des pays comme le Japon ou la Corée dans la compétition internationale, qui est rude.
Une fois cette vision exposée, reste à la mettre en oeuvre. Ce n'est pas le plus évident. Nous nous sommes déjà attelé à cette tâche dans le cadre du Pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, qui, vous le savez, comporte 35 mesures. La plupart tournent beaucoup autour de cette idée d'une montée en gamme de notre économie, notamment grâce à l'innovation et aux nouvelles technologies. Nous avons fait évoluer la politique des pôles de compétitivité, il est vrai jusqu'à présent plutôt tournés vers la recherche fondamentale, plutôt que conçus comme des usines à projets. Nous essayons de les faire devenir des usines à produits d'avenir. C'est le défi majeur dans les années qui viennent. Ces lieux où s'effectue une recherche collaborative entre des PME, des grands groupes, des laboratoires de recherche, doivent pouvoir traduire ce travail par des produits industrialisables, commercialisables, et susceptibles de rencontrer un marché.
Il faut vraiment changer la façon dont nous concevons ces clusters et ces pôles de compétitivité, pour en faire ces usines à produits d'avenir que nous appelons de nos voeux.
Nous avons défendu un autre élément pendant la campagne présidentielle, la demande très forte des entreprises de croissance, à savoir le crédit impôt-innovation. Il s'agit d'un crédit impôt-recherche étendu aux dépenses d'innovation, dépenses de prototypage, de design, de marketing. Car ces dépenses parfois font le succès d'une entreprise ou de la mise sur le marché d'un produit.
Le crédit impôt-recherche est l'un des premiers atouts de la France en matière d'attractivité pour les pôles de recherche-développement des grandes entreprises, reconnu comme tel par l'OCDE, et beaucoup des pays la composant. Mais il n'est pas suffisant pour assurer l'aval, l'industrialisation de nos produits, et c'est pour cela qu'il était particulièrement important, même si cela était promis depuis longtemps, mais jamais mis en oeuvre, d'étendre l'éligibilité des dépenses du crédit d'impôt aux dépenses de prototypages.
Autre mesure prise et en train d'être mise en oeuvre : nous nous sommes fixés, pour donner l'exemple, un objectif de 2 % de la commande publique réservée aux entreprises, aux PME innovantes. Cela peut paraitre modeste pour un début mais représente plusieurs centaines de millions d'euros, et peut avoir un effet d'entrainement important pour les PME. Le 11 avril, à Bercy, nous ferons sortir les acheteurs publics de leurs bureaux et nous organiserons des espèces de speed dating pour présenter aux acheteurs publics des PME innovantes qui proposent des produits ou des services pouvant répondre à des besoins des administrations.
Il est important aussi de changer la philosophie, la culture d'achat des acteurs publics qui n'ont pas forcément le réflexe de se tourner d'abord vers les PME, et surtout les PME innovantes. Donc en sensibilisant ces acheteurs et en leur permettant des rencontres physiques, nous allons atteindre ces 2 % et créer cet effet d'entrainement pour les PME innovantes.
En exemple, j'ai rencontré, je crois aux universités d'été du MEDEF, une entreprise qui crée des cartes de visite perpétuelles, avec un flash code. Si vous changez de bureau ou de poste, vous pouvez modifier votre carte de visite sur votre ordinateur sans être obligé de la réimprimer à chaque fois. Voilà un exemple d'achat que nous avons fait à Bercy. Il concerne une toute petite start up, et cela fait partie des 2 % d'achats innovants que nous sommes en train de mettre en oeuvre.
Nous devons prendre la mesure de cette urgence pour lutter dans la compétition internationale et ne plus perdre de temps. Tout est réuni pour faire de la France une terre d'innovation. Je ne veux pas me contenter de la 17ème place. Je veux que la France revienne dans les 10 premières nations les plus innovantes. Les exemples étranger peuvent nous inspirer, non pas pour les copier ou les reproduire à l'identique.
Au Japon, j'ai pu constater par exemple que déjà, dans les collèges, on apprend aux jeunes à coder, ou à s'approprier des langages de programmation. On leur fait faire des mini-entreprises, des jeux d'entreprise. Toute cette culture de l'innovation, de l'entreprenariat, mérite d'être diffusée dès le plus jeune âge. Vincent Peillon a exprimé son souhait de rapprocher l'école de cette culture, qui fait partie de la culture générale économique, pour donner le goût de l'audace, du risque à nos jeunes, car l'innovation est un processus risqué, et entre dans un état d'esprit qu'il convient de créer dès le plus jeune âge.
Il y a des efforts à faire tout particuliers en matière de simplification et de délivrance de titres de séjour pour les étudiants étrangers et les créateurs d'entreprises innovantes. Nous sommes en train d'oeuvrer avec Emmanuel Valls et Laurent Fabius, pour faciliter l'entrée et le séjour de ces étudiants ou créateurs d'entreprises. D'autres pays, je l'ai vu beaucoup en Allemagne et d'autres pays européens, ont des stratégies beaucoup plus articulées en matière d'accueil d'étudiants étrangers avec des préoccupations sectorielles, géographiques. Je crois que la France mériterait de s'interroger sur la manière de mettre en place une véritable politique qualitative d'accueil, dans certains secteurs où nous pourrions bénéficier de l'apport d'étudiants étrangers.
Faciliter l'accueil, simplifier les procédures, aider les entreprises dans l'accueil de talents étrangers : la notion de brassage de talents est très importante quand on parle d'innovation. Celle-ci en effet n'est pas un processus qui se travaille tout seul en chambre dans son coin, bien que ce soit parfois le cas, mais gagne beaucoup aux échanges coopératifs, collaboratifs, avec des personnes n'ayant pas forcément les mêmes formations ou les mêmes cultures.
Un élément important qui tient beaucoup à coeur à Geneviève Fioraso, est de valoriser tout au long de la carrière des chercheurs leurs investissements dans les activités de transfert de technologie, pour que la recherche soit mieux articulée avec les besoins des entreprises. Geneviève Fioraso a fait une communication au Conseil des ministres conjointement avec le ministère du Redressement productif. Il faut vraiment que l'on poursuive cette valorisation du travail des chercheurs dans le cadre des transferts de technologie ou des activités privées.
Enfin, puisque l'État donne l'exemple en matière d'achats innovants, il est nécessaire d'inciter les grandes entreprises à être aussi vertueuses dans leurs relations avec les PME et les PME innovantes en particulier, donc d'inclure, dans le rapport annuel de leur démarche de responsabilité sociale et environnementale, des critères qui permettront d'objectiver la manière dont elles traitent les PME innovantes. Par exemple, le crédit d'impôt recherche qu'elles perçoivent, leur bénéficient-elles ou pas ? Ces critères permettront d'objectiver des bonnes pratiques dans les relations entre les grandes entreprises et les sous-traitants innovants.
J'en suis convaincue, il nous faut mesurer les résultats de notre politique d'innovation pour nous comparer à d'autres pays et aussi mesurer nos progrès. Aujourd'hui la politique d'innovation n'existe pas en tant que telle, il n'y a pas d'outil budgétaire qui rassemble dans un seul document l'ensemble des dépenses consacrées à l'innovation dans les différentes administrations ou ministères. Il serait utile d'avoir ces données consolidées pour évaluer l'effort des collectivités publiques en cette matière, outil de mesure, de comparaison avec d'autres pays. Voilà quelques orientations qui ont guidé ma politique d'innovation.
Puisque c'était un sujet qui vous intéressait : depuis ma prise de fonction je me suis beaucoup intéressé en partenariat avec Delphine Batho au sujet des smart grid.
Ce sujet est beaucoup plus de la compétence de Delphine Batho. Il a été bloqué pendant pas mal de temps, en tout cas le compteur électrique intelligent, pour des raisons liées à la maitrise des données personnelles. À qui appartenaient ces données, à qui étaient-elles communiquées, qui les détenaient ? J'ai pu constater qu'un certain nombre de questions sur ces données personnelles étaient réglées, et que le projet pourrait avancer si l'on trouve des financements permettant de le déployer à grande échelle. Ce sujet est important pour réduire notre dépense énergétique. Je l'ai vu fonctionner dans certains pays, où est développée une espèce de compteur intelligent qui permet à chaque habitant de maîtriser sa dépense énergétique, de la moduler à distance avec son Smartphone en fonction du moment où il est chez lui ou non. Cela permet de responsabiliser nos concitoyens et de réaliser beaucoup d'économies d'énergie.
Une anecdote amusante : j'ai un ami consul à San Francisco, chez qui est installé ce type d'appareil. Un audit a été réalisé à la résidence du consul français grâce à cet appareil, et la société s'est rendu compte que ses dépenses énergétiques étaient monstrueuses, qu'un réfrigérateur hors d'âge y consommait énormément, de même un grille-pain. Et le consul de France a pu réduire sa facture énergétique de 40 %, ce qui est considérable.
Je crois vraiment beaucoup à la nécessité d'expérimenter vite ce compteur intelligent, même si l'on ne peut pas le faire d'une manière généralisée à l'échelle nationale. Dans certaines villes, je crois que Delphine Batho et Nicole Bricq avaient l'idée de faire des démonstrateurs en matière de smart grid. Il est indispensable que l'on puisse expérimenter rapidement une combinaison entre ces nouveaux dispositifs, souvent le fruit de start up, de maitrise collective de l'énergie, de gestion collective des flux énergétiques en fonction des horaires de bureaux, etc. Il y a beaucoup de choses qui permettent de mieux gérer les flux d'énergie. Cela suppose que les collectivités ouvrent des données publiques, utilisent des outils en matière de data mining, enfin captent des données et les traitent avec du calcul intensif. C'est une source à la fois d'amélioration de notre empreinte carbone, mais aussi de réduction de la dépense énergétique collective. Même si cela nécessite des investissements au départ, il y a là un élément de progrès qu'il faut pousser et appeler de nos voeux.
Nous avons, pour réussir ce chantier ambitieux à mettre en place, un atout : les acteurs. J'ai cité Schneider tout à l'heure, j'aurais pu citer Legrand, mais il y en a beaucoup d'autres, extrêmement performants. Il faut utiliser ce potentiel que nous avons pour être leader sur le marché des smart grid, et pousser beaucoup les promoteurs immobiliers à développer dans les programmes nouveaux tous ces éléments qui permettent de responsabiliser d'avantage les consommateurs et de maitriser d'avantage les dépenses énergétiques. Je m'y emploierai du mieux que je pourrai avec ma collègue Delphine Batho.
M Jean Yves Le Déaut. - Merci beaucoup. Je voudrais toutes et tous vous remercier d'avoir assisté à cette réunion de ce matin. Merci madame la ministre de ce que vous venez de nous dire. Je crois que ces mots sont encourageants, même s'il reste des difficultés qui ont été exprimées, et que les participants auront l'occasion de vous réexpliquer.