- Mardi 29 janvier 2013
- Audition des responsables de la Coalition nationale syrienne
- Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) - Examen du rapport et du texte de la commission
- Laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X - Examen du rapport et du texte de la commission
- Cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail - Examen du rapport et du texte de la commission
- Recherche sur les antiprotons et les ions en Europe - Examen du rapport et du texte de la commission
- Centre spatial guyanais - Examen du rapport et du texte de la commission
- Coopération policière et douanière avec la Belgique, l'Allemagne et le Luxembourg - Examen du rapport et du texte de la commission
- Intervention française au Mali - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
- Mercredi 30 janvier 2013
Mardi 29 janvier 2013
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président. -Audition des responsables de la Coalition nationale syrienne
M. Jean-Louis Carrère. - Messieurs, soyez les bienvenus en France en général et au Sénat en particulier. Nous vous remercions d'avoir bien voulu accepter d'éclairer notre commission sur une question qui se complique de jour en jour et où les interrogations sont plus nombreuses que les certitudes.
Première certitude : votre pays est déchiré par une atroce guerre civile et le peuple français est de tout coeur auprès du peuple syrien pour partager sa peine et sa douleur. De tous les conflits, la guerre civile en est la forme la plus atroce. Il y aurait eu plus de soixante six mille morts en Syrie. C'est effrayant !
Seconde certitude ou plutôt confirmation : Bachar-el-Assad est un dictateur qui n'a pas hésité à faire bombarder son propre peuple, lui faire tirer dessus avec des armes lourdes et ordonné des actes de torture. La France ne le considère plus comme un interlocuteur. Nous vous soutenons. Pas seulement en paroles, mais aussi en actes puisque notre pays a été le premier à vous reconnaître et a entraîné derrière lui la plupart des grandes diplomaties occidentales.
Troisième certitude : les ennemis de Bachar-el-Assad sur le terrain n'ont pas, jusqu'à présent, réussi à conquérir les esprits et les coeurs. C'est du reste la une de l'International Herald Tribune le 16 janvier dernier. Notre pays ayant gardé beaucoup d'amis et de contacts en Syrie, certains témoignages jettent le trouble sur le comportement d'une partie des forces d'opposition. Je pense en particulier au front Al Nosra. Il est évident que nous ne souhaitons ni le chaos interne, ni la contagion à la région, ni le remplacement d'une dictature par une autre.
D'où des questions que tout le monde se pose et sur lesquelles vous allez, je l'espère, nous apporter un peu de lumière.
Première série de question : pourquoi l'opposition n'arrive-t-elle pas à s'unir et à former un gouvernement d'unité nationale ? Quand la patrie est en danger, il faut savoir faire taire les querelles et unir les forces. Nous ne sommes pas en train de vous dire de tout accepter sur l'autel des compromis. Il y a peut être de telles divergences entre vous sur la vision politique du « jour d'après » qui rendent impossible tout accord sur « le jour d'avant ». Mais nous avons besoin de comprendre. Nous avons besoin de savoir pour pouvoir mieux vous aider et savoir qui nous aidons.
Deuxième série de questions : comment arrêter cette guerre civile ? Bachar-el-Assad n'est ni Ben Ali, ni Moubarak. Le régime syrien n'est pas la dictature d'un homme seul, ni même d'une famille, comme l'étaient les régimes tunisien, égyptien, libyen ou irakien. S'il en était ainsi il ne serait plus là où il est depuis longtemps. Tout comme son père, Bachar-el-Assad est la partie visible d'un iceberg communautaire complexe que vous connaissez bien mieux que nous et son éventuel départ ne changerait peut être pas grand-chose à la réalité des rapports de force et de pouvoir dans le pays. Vu de Paris, nous comprenons qu'il a derrière lui deux millions de personnes appartenant à des minorités ethniques alaouites, mais pas seulement, encore plus résolues que lui à se battre pour leur survie. Et ce n'est pas les images de combattants islamistes, dont beaucoup ne sont même pas syriens, qui vont inciter ces minorités à changer de camp. Quelle est votre stratégie pour les convaincre à vous faire confiance ? Je pense bien sûr aux druzes et aux chrétiens.
Troisième série de questions : est-ce qu'une intervention occidentale pourrait changer quelque chose ? Les opinions publiques s'émeuvent mais nous écartons à ce jour une intervention directe. Alors que faire ? Beaucoup d'entre vous ne souhaitent pas d'intervention occidentale, mais souhaitent des livraisons d'armes. Ce serait contraire au droit international, et, pourtant, certains pays n'hésitent pas à le faire, ce qui leur donne une influence déterminante sur le terrain. Comment sortir de cette situation ? Quelle est votre position sur les propositions de négociations qui sont poussées, notamment par les Russes, avec pour base le document de Genève ?
M. George Sabra, vice-président de la Coalition nationale syrienne. - La France a allumé, il y a plus de deux siècles, la flamme de la Révolution, elle reste pour nous une référence. Je vous apporte le salut d'un pays libre qui voudrait atteindre la liberté mais qu'un régime d'oppression sanguinaire empêche, d'un peuple qui sacrifie chaque jour de nombreuses victimes pour sa liberté, qui a commencé à réagir lors des « printemps arabes » après des décennies d'oppression, d'un peuple qui fut l'un des premiers à obtenir son indépendance après la Seconde Guerre mondiale, fut membre fondateur des Nations-unies et de la Ligue arabe.
La révolution a commencé par des manifestations pacifiques auxquelles il a été répondu par des balles. Des militaires ont refusé de tirer sur les manifestants, ont déserté et constitué une nouvelle armée. C'est ainsi que la révolution a constitué son bras armé. Le régime a commis des actes de barbarie qui ont été dénoncés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
La communauté internationale a hésité. Le régime disposait de nombreuses relations, mais la majorité des États ont soutenu politiquement et médiatiquement notre peuple. Cependant, le régime a bénéficié du soutien, y compris matériel, d'alliés forts. La Russie lui apporte un soutien politique qui a empêché le Conseil de sécurité de l'ONU d'agir. L'Iran appuie le régime de toutes ses forces et le Hezbollah libanais participe aux opérations. Le peuple syrien est resté seul. Le changement en Syrie va apporter le changement dans la région et notamment modifier la position de l'Iran car malheureusement le régime actuel a permis à l'Iran de constituer un pont vers le Proche-Orient et vers la Méditerranée.
Face à cette répression sanglante, un nombre croissant de Syriens ont rejoint l'opposition qui bénéficie du soutien du monde arabe. Des combattants, en provenance des pays arabes (Arabie saoudite, Libye) se sont joints à l'opposition. Ce n'est pas un fait nouveau, certains arabes ont combattu avec les Palestiniens au Liban. Le régime syrien a abandonné la garde de ses frontières et les forces de sécurité ne font plus que protéger le régime, ceci a permis à des combattants d'entrer dans le pays. Ils sont très minoritaires par rapport aux combattants syriens.
Le peuple syrien est déçu par le soutien de la communauté internationale. Elle nous a reconnu, lors de la conférence de Marrakech, le droit de nous défendre mais elle ne nous en donne pas les moyens. Le problème n'est pas seulement politique. Il est aussi de nature éthique et humaine. Comment refuser d'armer les combattants alors que le régime agit avec une telle brutalité et reçoit des soutiens de l'extérieur (comme celui de la Russie) alors que l'opposition et les combattants ne sont appuyés que par des déclarations médiatiques.
Il est du devoir de la communauté internationale pour préserver les vies humaines. Aujourd'hui on dénombre officiellement plus de 65 000 morts, mais ce nombre est probablement supérieur à 100 000. Lorsque le monde découvrira la vérité, il sera effrayé par la réalité.
Nous serons attentifs à recueillir l'avis libre d'un pays qui nous a soutenu quelque que soit son gouvernement. La France a toujours été du bon côté, notre peuple s'en souviendra. L'aide humanitaire de la France est reconnue. Nous avons beaucoup d'espoir dans la relation qui nous unit.
Mme Nathalie Goulet. - Je souhaitais vous demander si vous n'étiez pas déçu de l'attitude des pays occidentaux, mais vous avez en partie répondu à ma question. Aussi, je voudrais simplement savoir quelle est votre position sur le déploiement des missiles Patriot à la frontière turque ?
M. Jean-Pierre Vial. - Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir invité le président du groupe d'amitié France-Syrie. J'aurais voulu avoir des précisions sur la composition de la Coalition. On a le sentiment que pour que la crise se dénoue, le pouvoir en place est encore trop fort et l'opposition trop faible. On observe de part et d'autre des interrogations sur la capacité de la Coalition telle qu'elle est à exerce le pouvoir.
Mme Christiane Kammermann. - Si au début de sa présidence, Bachar el-Assad a manifesté des signes d'ouverture, nous allons vite déchanter. Nous n'aurions cependant pas pu imaginer les horreurs qui sont en train de se dérouler. Je pense aux dizaines de milliers de morts, aux 500 000 réfugiés, au désespoir du peuple syrien. La France doit se mobiliser pour aider ces réfugiés, pour favoriser une issue à une crise qui peut s'étendre à l'ensemble de la région.
M. Georges Sabra, vice-président de la Coalition nationale syrienne. - L'opposition syrienne est unique. Elle rassemble 80 à 85 % des opposants qui sont aujourd'hui unis par un pacte national et la volonté de créer un État démocratique et pluraliste. Cette opposition rassemble toutes les composantes de la société syrienne et toutes les sensibilités politiques, y compris les Frères musulmans. Elle est néanmoins diverse à l'image de la Résistance française pendant l'Occupation.
Vous m'avez interrogé sur les solutions permettant de mettre fin à la guerre. Cette dernière est attisée par les armes russes et les Iraniens. Le peuple syrien s'est révolté et ne renoncera jamais à sa liberté. Quant au régime actuel, il semble croire pouvoir dompter le peuple uniquement par la force. Bachar-el-Assad n'a aujourd'hui que la force des avions et des chars.
Comment cette guerre va-t-elle s'achever ? Sur le terrain, l'équation est claire. Malgré les grands déséquilibres en termes d'armement entre l'armée du régime et l'armée libre, cette dernière remporte, chaque jour, des victoires. La guerre se poursuit depuis quatre jours au coeur même de Damas.
Bachar-el-Assad n'appartiendrait déjà plus à l'avenir de ce pays, sans les avions qui bombardent les villes de façon aléatoire et conduisent leurs habitants à l'exode. Comment imaginer que Bachar-el-Assad puisse continuer à présider aux destinées de la Syrie ? C'est inenvisageable car il n'est plus apte à exercer le pouvoir. Appuyer le régime en place conduirait à cautionner des massacres. En tentant de se maintenir ainsi, ce dernier permet la réalisation des objectifs de l'Iran et de la Russie, en versant le sang syrien.
Toutefois, nous ne souhaitons pas voir des soldats étrangers sur notre sol ou des forces étrangères intervenir pour provoquer la chute de Bachar-el-Assad. Les Syriens sont aptes à le faire. Nous avons libéré déjà plus de 60 % du territoire. Nous demandons à exercer notre droit à nous armer afin de nous défendre, ce qui n'est pas trop exiger. Le fait de s'armer n'est en rien contradictoire avec le respect du droit international car le régime de Bachar continue à s'armer. Pourquoi le ferait-il et pas nous ? Soit les deux parties peuvent s'armer, soit elles ne sont pas autorisées à le faire. Il est juste que l'opposition puisse s'armer pour se défendre.
Sur la question des minorités, qui est une grande question, j'appartiens personnellement à une minorité, j'ai été exposé à des souffrances, j'ai passé de nombreuses années en prison, j'ai été torturé, comme beaucoup de Syriens. Aucune communauté n'est épargnée. Des milliers de jeunes alaouites ont d'ailleurs été emprisonnés, car ils s'opposaient au régime d'Hafez-el-Assad. L'injustice s'est abattue sur toutes les communautés et sur toutes les religions sans distinction. Le système sécuritaire en Syrie a étendu l'emprise de la peur sur tous les Syriens, jusqu'aux Syriens vivant en France qui ont peur pour leur famille, pour leur retour au pays, qui craignent pour le renouvellement de leur passeport. Ce régime terroriste sans équivalent a frappé tous les Syriens.
Il est vrai que le rôle des églises a pu être négatif du fait d'infiltrations du système sécuritaire dans l'ensemble du système religieux, milieux chrétiens mais aussi druzes et musulmans. Aujourd'hui, le régime syrien tue des sunnites, et pourtant il est soutenu par le mufti des sunnites. Les jeunes sont avec la révolution, beaucoup sont emprisonnés, d'autres participent à la résistance armée. Certains groupes sociaux, certaines communautés, hésitent encore. La Syrie de demain, que nous appelons de nos voeux, doit rassurer tous les Syriens, comme dans les années 1950, quand le régime syrien démocratique permettait à chacun de trouver sa place. Notre histoire offre d'ailleurs de nombreux exemples. N'oublions pas que nous avons eu un Premier ministre chrétien par le passé, et plusieurs fois ministre, élu librement par des musulmans, un kurde a été très actif dans la commission de rédaction de la Constitution, au premier plan de la vie démocratique. La Syrie connaît, dans son histoire, dans sa culture, depuis toujours, la diversité. Depuis 1 500 ans, les chrétiens sont à Damas, et le bourdon de leur église y sonne encore tous les dimanches. Pourquoi avoir peur aujourd'hui pour les Chrétiens ? C'est le régime Assad qui a créé cette peur entre toutes les communautés !
Nous ne souhaitons pas une intervention internationale sur le sol syrien, mais un soutien en armes pour renverser l'équilibre des forces et nous permettre de nous défendre contre l'aviation de Bachar-el-Assad. Nous avons besoin d'armes défensives pour protéger non seulement la vie des combattants mais également la vie des Syriens qui meurent sous les bombes de l'aviation gouvernementale.
M. Ryad Seif, vice-président de la Coalition nationale syrienne. - Je remercie le président de la commission pour l'occasion qui nous est donnée de transmettre à nos amis français des informations sur la tragédie que vit notre peuple. Le soutien de la France nous est précieux. Je voudrais insister sur le fait que ce qui se joue aujourd'hui en Syrie n'est pas un combat entre communautés mais un combat pour la liberté face à la dictature. Le régime fondé par Hafez-el-Assad n'est en rien un régime confessionnel. Toute son habilité diabolique a consisté à sceller un lien entre son destin et celui de la communauté alaouite. Mais personne plus que lui n'a nuit à cette communauté qui, aujourd'hui, se détourne majoritairement du pouvoir en place. Je suis convaincu que nous réussirons, une fois la victoire acquise, à assurer la paix entre les communautés. C'est la poursuite de la crise qui pourrait nous entraîner dans une guerre civile. S'agissant de la capacité de la Coalition à exercer les responsabilités, je n'ai aucun doute, la réunion du Caire a montré que nous étions capables de nous réunir sur un pacte national et de représenter l'ensemble des composantes de la société syrienne.
La Coalition est aujourd'hui ouverte à tous ceux qui veulent la rejoindre. Les Kurdes y sont partiellement représentés. Le Conseil national kurde a assisté à la réunion qui a institué la Coalition. Il occupe trois sièges sur soixante-dix et dispose d'un vice-président. Malheureusement, ils ne sont pas parvenus à ce jour à en désigner les membres. De nombreux courants, organisations et partis sont membres de la Coalition, tels que le parti communiste, le parti socialiste et la tribune démocratique.
La Coalition représente, sous sa forme actuelle, le peuple syrien ainsi que les forces de l'opposition et de la révolution, Si certaines conditions propices à la Coalition sont réunies, elle sera apte à constituer une alternative au pouvoir actuel, ainsi qu'elle l'a annoncé lors de sa création. Elle mènera le peuple syrien.
Je voudrais insister sur les motifs de notre combat. Bachar-el-Assad ne représente pas une autorité légitime. J'ai été témoin, en tant que membre de l'Assemblée nationale, de la modification de la constitution syrienne en « dix minutes » permettant ainsi à Bachar-el-Assad d'accéder au pouvoir en 2000 grâce à l'abaissement de l'âge d'éligibilité de quarante ans à trente-quatre ans. En conséquence, Bachar gouverne le pays illégalement.
La souffrance que notre peuple a endurée pendant quarante années est indescriptible. Chaque Syrien a perdu au moins un membre de sa famille ou a passé des années en prison. J'ai personnellement enterré un frère et un fils. J'ai également été incarcéré en prison pendant sept années. D'autres ont subi de plus grands sacrifices encore.
Lorsque les printemps arabes ont éclaté, le peuple syrien s'est réveillé et a décidé de se libérer de ce dictateur et de ce régime familial oppresseur. Le peuple ne se bat pas pour le pouvoir mais pour sa liberté et sa dignité afin de se défaire des chaines, vieilles de quarante ans que la famille el-Assad lui a forgées. Je ne pense pas que le peuple acceptera de retourner, de quelque façon que ce soit, sous le joug de la famille el- Assad.
La situation syrienne est devenue très dangereuse. Chaque jour qui passe joue contre les Syriens, contre la région et contre la communauté internationale. Accélérer la solution, c'est permettre de lutter contre des dangers qui risquent d'être malheureusement difficilement maîtrisables à l'avenir et dont les effets peuvent être catastrophiques. Le danger augmente jour après jour. Je fais référence notamment au terrorisme, aux tensions communautaires et à la destruction du pays et de ses infrastructures. Tous ces facteurs font de la Syrie un véritable volcan qui peut ébranler toute la région. Un appui réel à l'armée libre consiste à lui permettre d'avancer car malgré les armes lourdes et les avions de guerre qu'utilise Bachar-el-Assad, l'opposition résiste et continue à marquer des points. Cette dernière avance lentement mais sûrement au nom de la révolution.
M. Jean-Louis Carrère, président - S'agissant des missiles Patriot déployés en Turquie ?
M. Georges Sabra, vice-président de la Coalition nationale syrienne. - En Syrie, nous ne nous sentons pas concernés par cette question, question stratégique, défensive, pour un pays voisin, la Turquie. La décision éventuelle d'emploi de ces armes se fera en d'autres lieux. Ils ne sont pas un élément de notre conflit. Leur déploiement résulte de la tentative d'implication de la Turquie dans le conflit syrien par le régime de Bachar-el-Assad. La Turquie a le droit de se défendre.
Bachar-el-Assad a pu produire, dans un premier temps, une impression favorable, mais tout comme Staline en son temps ! Ancien militant communiste, j'admirais Staline à ses débuts. J'ai changé d'avis en connaissant ses agissements en Union soviétique. Le véritable test qui a révélé la véritable personnalité de Bachar-el-Assad a été la survenue de la révolution, qui a montré qu'il n'était pas différent de son père. Beaucoup de Syriens pensent même que ce dernier n'aurait pas réagi aussi stupidement que son fils.
L'État ne s'occupe plus des citoyens en Syrie. Dans les régions encore contrôlées par le régime, les prix explosent, même le pain se fait rare. Toutes les communautés étrangères ont quitté le pays, y compris les Russes, les derniers en date. Les populations civiles sont aveuglement bombardées.
M. Jean-Pierre Chevènement. - La relation entre le peuple syrien et le peuple français est ancienne et plonge ses racines loin dans l'histoire. Nous nous connaissons bien. Nous savons qu'il y a eu en 1982, une répression extrêmement dure par Hafez-el-Assad d'une rébellion des Frères musulmans, qui jouent sans doute aujourd'hui un rôle important dans le conflit en Syrie. Vous avez rappelé à juste titre que la Syrie était membre fondateur des Nations unies, dont la Charte consacre le principe de non ingérence dans les affaires intérieures d'un État. Cette position a certes été nuancée quelque peu par l'émergence, en 2005, du principe de la « responsabilité de protéger », appliquée dans l'intervention en Libye, mais contestée par la Russie et par la Chine. Aujourd'hui, toute intervention internationale nécessite l'accord de la Chine et, surtout, de la Russie et, compte tenu de ses liens anciens avec le régime el-Assad, à moins qu'elle ne se déroule en dehors du cadre de la légalité onusienne... Chacun doit avoir conscience de ce problème juridique réel.
Nous sommes tous pleinement conscients de la brutalité du régime, mais cela ne nous empêche pas de nous interroger sur la structuration de l'opposition syrienne. Vous avez fait un parallèle entre celle-ci et l'opposition en France au régime de Vichy. Elle était certes diverse, mais le général de Gaulle avait établi une autorité incontestée sur l'ensemble de ses composantes, y compris les communistes, ce qui n'était pas une mince affaire, et avait recréé un État, avec l'aide de Jean Moulin, d'abord. C'était une puissance d'ordre. En Syrie, beaucoup de questions se posent, à la lecture de la presse, sur le rôle des éléments djihadistes, importants, qui se renforcent. La question que nous nous posons est la suivante : cette affaire doit-elle se jouer sur le terrain, en fonction des rapports de forces, compte tenu de l'aide que vous apportent certains pays tels l'Arabie saoudite et le Qatar ? Et si, pour mettre fin aux souffrances des populations, et à ce drame, si la crise ne devait pas se dénouer sur le terrain, comment créer des conditions d'une autodétermination démocratique syrienne, qui doit rester notre objectif ? Comment envisager des négociations de la communauté internationale autour des États-Unis et de la Russie ? Medvedev a pris des positions récentes qui entrouvrent les perspectives d'une solution de négocier. Qu'en est-il ? Comment permettre au peuple syrien de s'exprimer dans des élections libres ? Comment garantir la liberté du processus électif et s'assurer que les groupes djihadistes ne feront pas demain la loi en Syrie ? Envisagez-vous concrètement une issue de ce type ? A quelles conditions ?
M. Alain Gournac. - Je souhaite que la Syrie connaisse la liberté. J'observe que la France a été aux côtés d'autres peuples dans ce combat. Et certains s'étonnent que ces peuples soient aujourd'hui très réticents à une intervention française au Mali.
Cette situation soulève des inquiétudes et des interrogations sur lesquelles j'aimerais avoir votre point de vue.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Vous dites souhaiter des armes, mais on peut se demander si l'afflux d'armes ne créera pas encore plus de morts. Peut-être une solution négociée au niveau international, avec notamment la Russie, ne permettrait-elle pas de faire taire les armes et de jeter les bases d'une solution politique. En un mot : comment voyez-vous cette sortie de crise ?
M. Rachel Mazuir. - Je suis admiratif de ce que vous faites. J'ai le sentiment que les minorités sont aujourd'hui les otages d'un conflit entre sunnites et chiites et, plus généralement, que la Syrie est l'otage du conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
Mme Leila Aïchi. - Est-ce que, compte tenu de la situation régionale, il n'y a pas un risque de dislocation de la Syrie ?
Mme Josette Durrieu. - Je salue votre combat pour la liberté. J'observe qu'il y a au sein de la Coalition les mêmes islamistes que nous combattons au Mali. J'ai pu lire les interviews du général Manaf Tlass qui était un proche du clan el-Assad avant de rejoindre la France. Pouvez-vous nous indiquer les relations que vous entretenez avec lui ? La Turquie fait un effort remarquable pour vous aider et pour aider les réfugiés syriens. N'y a-t-il pas dans cette générosité des arrières-pensées politiques pour un pays qui a une ambition régionale.
M. Ryad Seif, vice-président de la Coalition nationale syrienne. - Bien entendu, tous cherchent une solution rapide qui épargne le peuple syrien. Bachar-el-Assad, lors de son dernier discours, a réitéré son refus de toute solution politique. La Coalition, depuis sa création, ne s'oppose pas à une telle solution mais à la seule condition que Bachar n'en fasse pas partie, ni pendant, ni après la période transitoire. Le retrait de Bachar doit permettre aux membres ou non de l'opposition d'étudier l'ensemble des sujets qui seront sur la table.
Si l'opposition est dotée d'un armement approprié, elle pourra remporter des victoires. Elle serait en position de changer les rapports de force face aux Syriens sous domination de Bachar mais qui croient encore à la solution politique. Nous sommes ouverts à toute solution politique, à condition que Bachar-el-Assad n'en fasse pas partie.
Nous avons entretenu un dialogue avec les autorités russes qui détiennent la clé de ce conflit. Nous espérons que les amis de la Syrie, à la tête desquels figure la France, oeuvrent afin de trouver une solution acceptable avec notamment les Russes. Si les Russes sont convaincus que la solution est entre les mains des Syriens, ainsi qu'ils le prétendent, ils pourraient peut être coopérer et préparer le terrain de la négociation pour un accord global entre des représentants, d'une part, du régime actuel, comme ceux issus du parti Baas ou des officiers et, d'autre part, de la délégation de la Coalition. Il est toutefois impératif d'écarter, au préalable, Bachar-el-Assad. C'est une condition cruciale avant de déterminer les étapes transitoires qui s'achèveront par l'organisation d'élections libres.
M. Georges Sabra, vice-président de la Coalition nationale syrienne. - - Jean-Pierre Chevènement a parlé du principe de non ingérence. Mais peut-on encore considérer qu'il s'agit d'une affaire intérieure quand 1 million de Syriens sont réfugiés dans les pays voisins, quand l'ensemble de la région est déstabilisé ? Avec ces niveaux de violence, d'intégrisme, de terrorisme, est-ce toujours une affaire interne ? Quand un peuple de 23 millions de personnes est martyrisé, quand le problème concerne toute la région, est-ce toujours une affaire interne ? Les frappes aériennes font 100 à 150 victimes par jour. Il faut paralyser l'aviation de Bachar-el-Assad pour diminuer le nombre de victimes !
Pour revenir sur le parallèle avec le général de Gaulle, ce dernier était légitime. Quand il a perdu le référendum, il est parti. Bachar-el-Assad reste depuis deux ans, alors que les Syriens ne veulent plus de lui.
Les minorités sont-elles les victimes du conflit entre sunnites et chiites ? Oui, certainement, mais c'est le régime qui a créé cette situation, en ouvrant la porte à l'Iran et en important la révolution iranienne en Syrie. Toutes les minorités doivent se tenir aux côtés de la liberté, car nous sommes tous Syriens avant d'être druzes, sunnites ou chiites.
La dislocation est une inquiétude, mais notre histoire a montré notre capacité à dominer les forces centripètes : en 1929, le schéma institutionnel de la création de trois États, l'un druze, l'autre alaouite, le dernier pour les autres communautés, a fait long feu car il n'avait pas de fondement social réel. Nous sommes les enfants de ce peuple syrien qui a déjà refusé, par le passé, la partition.
Il reviendra au peuple syrien de décider du sort du général Manaf Tlass.
La Turquie apporte un soutien essentiel au peuple syrien. Je voudrais, au nom de la Coalition, les remercier et remercier aussi la France pour son soutien. L'histoire des relations entre la Syrie et la France est ancienne. Ce n'est pas seulement une relation entre États mais c'est un dialogue entre les cultures et entre les sociétés.
M. Monzer Makhous, ambassadeur de la coalition en France - Je vis en Europe depuis 35 ans. Aussi je comprends bien les préoccupations des Français sur deux questions qui me paraissent essentielles. La première est le terrorisme : le risque de voir la Syrie, à l'instar de l'Afghanistan ou de l'Irak, devenir un sanctuaire pour les terroristes. Le risque existe, notamment si nous laissons la situation pourrir.
C'est pourquoi, le peuple syrien a le droit de bénéficier de la solidarité internationale dans ce combat déséquilibré. Il est la cible d'une armée, composée d'un demi-million d'hommes alors qu'il a commencé sa révolution pacifiquement. Aucune balle n'a été tirée par les manifestants pendant sept mois, ce qu'a reconnu Bachar-el-Assad. L'armée syrienne libre s'est formée lors d'une scission au sein des forces du régime, face au dilemme de devoir tirer sur les manifestants dont certains sont membres des familles des soldats.
Ceux que l'on décrit comme des extrémistes ont rejoint l'armée libre depuis quelques mois seulement, en raison de l'atrocité des crimes commis ainsi que de la passivité et l'impuissance de la communauté internationale à fournir une quelconque aide au peuple syrien.
En revanche, le régime russe, qui se prétend démocratique aujourd'hui alors qu'il est le prolongement du régime soviétique, fournit le régime en armes et fournit des armes en Iran et aux Irakiens également. C'est bien là le fonds du problème.
- Présidence de M. Daniel Reiner, vice-président -
Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de Mme Michelle Demessine et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 582 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) relatif à l'établissement d'un bureau de l'IPGRI en France et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.
M. Daniel Reiner, président. - Mes chers collègues, je vous présente rapidement, en remplacement de notre collègue Michèle Demessine, qui accompagne le président du Sénat dans un déplacement officiel, le rapport sur l'accord entre la France et l'Institut international des ressources phytogénétiques, ou IPGRI.
De quoi s'agit-il ? C'est un « accord de siège » conclu, par simple échange de lettres, entre notre pays et cette organisation internationale, implantée près de Montpellier et chargée de recherche agronomique. Les dispositions en sont classiques, il s'agit d'octroyer des privilèges et immunités traditionnellement accordés à une organisation internationale : inviolabilité des locaux et de la correspondance, immunité de juridiction et d'exécution. Je vous ferai grâce du détail du dispositif, d'ailleurs assez court, et me limiterai à deux remarques pour souligner l'importance de cet accord, malgré son objet limité.
D'abord, il contribue au rayonnement international du pôle de recherche « Agropolis » à Montpellier.
Ce n'est pas un hasard si Montpellier a été sélectionnée, au terme d'une compétition internationale lancée en 2010, l'opposant à Nairobi, New Dehli, Addis Abeba et Rome, afin d'accueillir le siège du Consortium international de recherche « CGIAR » qui est la « maison mère » de l'IPGRI.
Montpellier dispose en effet depuis plusieurs années d'un pôle d'excellence en matière de recherche agronomique. Plusieurs organismes de recherche y sont implantés comme le CIRAD, l'INRA, l'IRD, ou le CEMAGREF. L'installation du Consortium « CGIAR » donne une visibilité et une notoriété accrues au pôle scientifique montpelliérain et renforce la logique de constitution d'une communauté d'excellence, avec 2 300 scientifiques appartenant à plus de 25 établissements de recherche. A l'heure où nous souhaitons tous engager le redressement économique de notre pays, nous ne pouvons que nous féliciter de cette dynamique et de cette visibilité internationale, qui irrigue l'économie de nos territoires.
Deuxième intérêt de cet accord, il va contribuer à conforter la recherche sur la biodiversité.
Flambée des prix agricoles et chocs climatiques sont à l'origine de crises alimentaires et humanitaires, terreau des crises politiques au Sahel et dans la Corne de l'Afrique par exemple. Aujourd'hui, 1 milliard de personnes sont sous-alimentées, dont 650 millions en Asie-Pacifique et 250 millions en Afrique subsaharienne. Demain, avec 9 milliards d'individus en 2050, c'est un vrai défi alimentaire qui se pose à notre planète.
La recherche agronomique est susceptible d'apporter une réponse opérationnelle aux trois grands défis de la sécurité alimentaire :
Le défi de la production : prenons le cas de l'Afrique. Aujourd'hui les rendements céréaliers sur le continent stagnent à 13 quintaux par hectare. Pourtant l'Afrique possède un immense réservoir de terres cultivables. Ces atouts doivent être valorisés. Mais l'augmentation de la productivité devra se faire en préservant l'environnement, la santé des populations et des écosystèmes. Le second défi, c'est la gestion durable des ressources naturelles et des « biens publics mondiaux », c'est le développement d'une agriculture soutenable. L'évolution du climat va aggraver la situation dans les zones semi-arides, où vit un tiers de la population africaine, le troisième défi est de renforcer la résilience des systèmes de production.
La recherche est donc vitale, et il faut la diriger sur les petits producteurs, sur les secteurs de l'agriculture familiale et vivrière. Aujourd'hui, 60 % des personnes qui ont faim dans le monde sont des petits producteurs : ce sont eux qu'il faut aider. De « petites » innovations en matière agricole peuvent avoir un large effet pour plusieurs millions de personnes. C'est précisément l'objet des recherches de l'IPGRI : la durabilité des cultures, la résilience des systèmes de production, l'augmentation des espèces et des variétés pour lutter contre la malnutrition.
C'est pourquoi je vous recommande d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique le 5 février.
Puis la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -
Laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. Xavier Pintat et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 527 (2011-2012) autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X.
M. Xavier Pintat, rapporteur - Le projet de loi soumis à votre examen demande l'approbation d'une convention signée le 30 novembre 2009 à Hambourg dont l'objet est de fixer les conditions de construction et d'exploitation en commun par plusieurs Etats européens, actuellement au nombre de douze, d'une grande installation de recherche scientifique : le laser européen à électrons libres, le XFEL (X Ray Free Electron Laser).
Les lasers à électrons libres (FEL) créent une lumière considérablement plus puissante et plus précise que toutes les autres sortes de lasers. En outre, cette lumière peut être ajustée dans une gamme très large, allant de la lumière infrarouge aux rayons « X-durs ». Pour cette raison, ils ouvrent un vaste domaine d'expérimentation et de recherche dans plusieurs disciplines et constituent une porte d'accès au monde de l'infiniment petit et de l'infiniment rapide. Des lasers à électrons libres sont en développement aux USA et au Japon en utilisant des accélérateurs linéaires (LINAC) existants. Le projet des Etats-Unis, Linac Cohérent Light Source (LCLS) à l'Université Stanford est basé sur le Linac SLAC. Son exploitation a commencé en 2009. Le projet japonais, SPring-8 Compact SASE Source (SCSS) a produit ses premiers photons en 2011.
Le projet européen XFEL entrera en fonctionnement en 2013, sur le site DESY à Hambourg. Technologiquement, le projet XFEL devrait avoir des performances supérieures à celles du LCLS américain ou du SCSS japonais. Il intégrera en effet les avancées technologiques acquises de l'expérience des autres machines et en particulier du FLASH allemand. Il a par ailleurs été prévu dès l'origine qu'il utiliserait les technologies plus performantes de la supraconductivité.
La convention dont vous êtes saisie autorise la participation de la France à cette très grande infrastructure de recherche. La construction des bâtiments à Hambourg a débuté en 2009 et le forage des tunnels - qui s'élongeront sur 3,4 km - en juillet 2010. La mise en service est prévue pour fin 2015, début 2016.
S'agissant du cadre juridique, la convention prévoit que l'installation XFEL est gérée par une société à responsabilité limitée à but non lucratif de droit allemand avec des associés internationaux et dont les statuts constituent l'annexe de la convention. Les associés français de cette société, qui agiront pour le compte de l'État, seront deux grands organismes publics de recherche, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). La société est dirigée par un conseil, regroupant la totalité des associés, et un comité de direction.
La Convention XFEL a été négociée en même temps que la Convention « FAIR », que vous allez examiner dans quelques instants, et qui concerne la recherche sur les ions et les antiprotons. La Convention FAIR, qui intéresse aussi une infrastructure établie en Allemagne, est construite sur le même modèle juridique : convention intergouvernementale et société à responsabilité limitée à but non lucratif de droit allemand.
Les coûts de construction (l'investissement, le personnel et la mise en service) ont été ré-estimés en 2012 à 1,147 milliard d'euros (aux conditions économiques 2005). Sur cette somme, la France s'est engagée à fournir, pour la construction, 40 millions d'euros de contribution en nature aux conditions économiques 2009.
Au terme de cette phase, la participation au fonctionnement sera limitée à 2 %. En 2012, les coûts de fonctionnement étaient estimés à 103,3 millions d'euros par an. En tant que pays hôte, l'Allemagne couvre 54 % des coûts de construction. La Russie participe à 23 %, le reste se partage sur les autres membres, entre 1 % et 3,5 % chacun.
Pour la France, la participation à ce projet ouvrira, à un coût modeste, à nos chercheurs un accès à un instrument sans équivalent en Europe. Les chercheurs français intéressés à ces différents domaines relèvent pour l'essentiel du CNRS et du CEA, mais il est probable que les projets seront portés par des équipes multidisciplinaires et multinationales.
Le projet soumis à votre approbation oeuvre dans l'intérêt de notre pays et en particulier de notre communauté scientifique. Il renforce la coopération européenne.
Je vous recommande donc, sans hésitation, de l'adopter et de procéder à son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Puis la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. Jean-Louis Carrère et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 375 (2011-2012) autorisant la ratification de la convention n° 187 de l'Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail.
M. Jean-Louis Carrère, président. - La Conférence générale de l'Organisation internationale du travail (OIT) a adopté, le 15 juin 2006, une convention n° 187 concernant le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé du travail. La ratification de convention est soumise à l'autorisation du Parlement.
Je vous rappelle que l'OIT est l'institution chargée au niveau mondial d'élaborer et de superviser les normes internationales du travail. C'est la seule agence des Nations unies dotée d'une structure tripartite qui rassemble des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs. Depuis 1947, l'OIT a adopté une trentaine de textes dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail.
Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont un thème majeur de l'organisation, car ils constituent un véritable fléau mondial.
Quelques chiffres significatifs communiqués par l'OIT : « toutes les 15 secondes, un travailleur meurt d'un accident ou d'une maladie liés au travail ; toutes les 15 secondes, 160 travailleurs sont victimes d'un accident lié au travail ».
Chaque jour, 6 300 personnes meurent d'un accident du travail ou d'une maladie liée au travail - soit plus de 2,3 millions de morts par an. La plupart des 317 millions d'accidents qui se produisent chaque année se traduisent par des absences prolongées du travail.
Le coût humain de cette menace est donc considérable et on estime que le fardeau économique de ces mauvaises pratiques représente, tous les ans, 4 % du produit national brut mondial.
Les conditions de sécurité et de santé au travail varient très sensiblement selon les pays, les branches d'activité et les groupes sociaux. Le nombre de décès et de lésions est particulièrement élevé dans les pays en développement où une grande partie de la population travaille dans des secteurs dangereux tels que l'agriculture, la pêche ou l'exploitation minière. Ce sont les plus démunis et les moins protégés - en général les femmes, les enfants et les migrants - qui sont les plus touchés dans le monde.
L'adoption, par la Conférence internationale du Travail en 2006, de la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, et de la recommandation (n° 197), constitue une initiative nouvelle. Elle fixe les principes généraux et les objectifs essentiels auxquels les États sont invités à adhérer.
Outre le rappel des droits fondamentaux des travailleurs en matière de protection de leur intégrité physique et mentale au travail, le préambule réaffirme l'importance de promouvoir, de façon continue, une culture de prévention nationale.
Le dispositif fixe l'architecture générale du cadre promotionnel qui doit comprendre une politique nationale d'une part, un système et un programme national d'autre part. Les objectifs consistent à promouvoir l'amélioration continue de la sécurité et de la santé au travail et à prendre des mesures actives.
Le dispositif définit le cadre de la politique nationale avec :
- comme méthode, la consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives,
- et comme domaines, l'évaluation des risques et dangers, la lutte à la source contre ceux-ci, le développement d'une culture de prévention.
Il définit également le contenu d'un système national à mettre en place qui doit inclure :
- la législation, et le cas échéant les accords collectifs,
- une autorité ou un organisme responsable,
- des mécanismes assurant le respect des normes y compris des systèmes d'inspection,
- la promotion de la coopération entre employeurs et travailleurs,
- ainsi que, s'il y a lieu la mise en place : d'une offre de formation, de services de santé au travail, d'un secteur de la recherche, d'outils statistiques, d'une collaboration avec les régimes d'assurances et de sécurité sociale, et de mécanismes de soutien pour l'amélioration des conditions dans les petites entreprises et dans l'économie informelle.
Il donne des indications sur le contenu du programme national à élaborer, à mettre en oeuvre, à contrôler et à évaluer périodiquement avec les organisations les plus représentatives des employeurs et des travailleurs.
L'étude d'impact montre que la France satisfait d'ores et déjà aux exigences de la convention. Il n'y a donc aucun impact juridique ou économique pour notre pays, si ce n'est de maintenir ce cadre et de promouvoir une amélioration continue de la sécurité et de la santé au travail.
La convention appelle les observations suivantes.
La démarche est originale puisqu'il ne s'agit pas de prescrire des normes mais d'inciter les États à mettre en place des politiques publiques. Elle est sans doute la plus appropriée compte tenu de la diversité des situations en fonction du niveau de développement économique et social des États, de leurs approches et de leurs capacités d'intervention en ces domaines. Elle incite les États à mettre en oeuvre une démarche de progrès dont elle définit les instruments sans exiger d'engagements sur les normes à atteindre, ni en terme de calendrier, ce qui est acceptable pour le plus grand nombre. C'est ce qui a permis l'adoption de la convention à une très large majorité - 455 voix contre 2 et 5 abstentions- et devrait faciliter sa ratification.
Cette démarche est positive car elle est susceptible de conduire à l'amélioration de la protection des travailleurs dans les pays où celle-ci est inexistante ou insuffisante. On peut d'ailleurs se réjouir de tout ce qui contribue à une égalisation des conditions de travail dans le monde. J'ajoute que, de façon indirecte, les entreprises implantées dans les États qui ne disposent pas de législation sur la sécurité et la santé au travail bénéficient d'un avantage compétitif difficilement soutenable, car il se crée au détriment de la santé et du bien-être des travailleurs ou des populations locales. Sans méconnaître la nécessité d'une progressivité dans l'application de standards, il convient, malgré les critiques souvent mises en avant de « protectionnisme », de continuer à affirmer que cet avantage n'est pas acceptable. La démarche proposée, incitative plus que prescriptive, devrait engager tous les États à progresser en ce domaine.
Elle constituera un point d'appui pour les organisations de travailleurs pour susciter l'action des autorités politiques et des employeurs.
Cette convention suscite néanmoins des interrogations car elle est peu contraignante. Le dispositif ne comprend pas de véritables sanctions. La convention ne prévoit que la présentation à la Conférence générale d'un rapport sur son application. La publicité donnée à ce document pourrait constituer une forme de sanction. Mais sa portée paraît bien faible.
Sous réserve du droit national, on peut imaginer, dans certains États, que la carence dans la mise en oeuvre de la convention puisse susciter des recours de la part de travailleurs ou de leurs organisations ou puisse venir à l'appui de contentieux en cas de préjudice comme un élément de preuve supplémentaire.
Il n'existe pas plus de mécanismes d'incitation à la ratification de la convention par les États. D'ailleurs le processus de ratification est lent. Je constate que 25 États ont ratifié cette convention, à ce jour. Le Japon et la Corée du sud ont été les premiers à l'avoir ratifié. On ne compte que 10 pays membres de l'Union européenne dont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Espagne, et bien peu de pays en développement. On constate l'absence de nombre de pays émergents comme la Chine, le Brésil, l'Inde, les pays d'Asie du Sud-est (à l'exception de la Malaisie et de Singapour), mais aussi celle des États-Unis.
La France n'a d'ailleurs pas été très performante. Je regrette vivement, pour ma part, que notre pays, qui est le 2ème État de l'OIT à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions et qui a milité au sein de cette organisation en faveur de cette convention, ait attendu près de six ans avant de solliciter des assemblées parlementaires l'autorisation de procéder à sa ratification, quels qu'en aient été les motifs.
Je me demande si des incitations ne pourraient pas être mises en place, par exemple en conditionnant à sa ratification préalable, l'adhésion à certaines organisations internationales comme l'OMC, ou le bénéfice de certaines politiques de coopération ou de voisinage de l'Union européenne (si tant est que l'ensemble des pays de l'Union ratifient la convention) ou encore la recevabilité de la candidature aux marchés publics. Je souhaiterais que la France entreprenne des démarches en ce sens auprès des institutions et de ses partenaires de l'Union européenne et que, parallèlement, elle réfléchisse à la mise en place d'une expertise pour aider les pays les plus pauvres à mettre en oeuvre cette convention.
En conclusion, et sous ces réserves, je propose que la commission se prononce en faveur de la ratification de cette convention et propose son examen par la Sénat sous la forme simplifiée.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Recherche sur les antiprotons et les ions en Europe - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. Michel Boutant et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 606 (2011-2012) autorisant l'approbation de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe.
M. Michel Boutant, rapporteur. -Nous sommes appelés à nous prononcer sur un projet de loi autorisant l'approbation d'une convention relative à la construction et à l'exploitation d'une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe.
Cette installation, baptisée « FAIR » (en anglais Facility for Antiproton and Ion Research - Infrastructure de recherche avec des antiprotons et des ions) est conçue comme un complexe d'accélérateurs de particules unique au monde.
Elle doit être construite sur le campus de GSI, le centre de recherche sur les ions lourds, situé à Darmstadt, en Allemagne.
Grâce à un ambitieux programme de recherche, FAIR se penchera sur des sujets fondamentaux tels que la naissance et l'évolution de l'univers, l'origine de la matière. On pourra étudier la matière dans le noyau à la plus petite échelle, étudier la manière dont les briques élémentaires du noyau s'organisent et se lient ensemble mais aussi la physique de l'atome et l'interaction mutuelle des différents composants et états de la matière, jusqu'à la physique des plasmas.
Ce projet est né d'une initiative du ministère fédéral allemand de l'Education et de la Recherche. Des négociations se sont engagées à partir de la fin de l'année 2004 avec les partenaires potentiels de ce projet, dont les représentants du ministère français en charge de la recherche. Son caractère prioritaire pour la recherche européenne a été reconnu dès 2006 par l'Union européenne.
Les négociations se sont poursuivies jusqu'à l'été 2010. Elles ont porté sur les aspects juridiques et financiers du dossier, et ont permis en outre d'en valider les éléments scientifiques et techniques, tels qu'ils avaient été étudiés par des chercheurs et ingénieurs venus des laboratoires compétents des différents Etats intéressés (comme le CEA et le CNRS pour la France).
La Convention dont nous sommes saisis a été signée à Wiesbaden le 4 octobre 2010 par neuf Etats (dont la France, l'Allemagne, la Russie et l'Inde). Elle a pour objet de fixer les conditions de construction et d'exploitation en commun par plusieurs Etats d'une grande installation de recherche scientifique, l'ensemble de sources et d'accélérateurs de particules massives FAIR.
Quelle sera la contribution de la France à ce projet ?
Sur un coût global de construction estimé à plus de 1 milliard d'euros, notre contribution aux coûts de construction y compris la mise en service de la machine, a été fixée à 27 millions d'euros. Elle sera apportée à parts égales par le CEA et le CNRS, sous la forme exclusive de contributions en nature.
La France sera ainsi le 4e contributeur au projet après l'Allemagne (705 millions d'euros), la Russie (178 millions d'euros) et l'Inde (36 millions d'euros).
Les coûts d'exploitation annuels sont estimés à 120 millions d'euros. La répartition fait actuellement l'objet de discussions entre les partenaires. D'ores et déjà, le gouvernement français a fait savoir par une déclaration jointe à l'Acte final que sa participation aux coûts annuels d'exploitation n'excédera pas 2 % de leur montant global.
Avec cette installation, les chercheurs français bénéficieront d'un outil unique de recherche. Leurs études ouvriront la voie à des applications économiques, comme par exemple l'utilisation de faisceaux de particules accélérées comme sondes de la matière en physique médicale (imagerie) et en science des matériaux, pour le traitement de certains cancers ou encore la construction de plateformes de test du milieu spatial.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Centre spatial guyanais - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de d M. Bertrand Auban et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 451 rectifié (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais et aux prestations associées.
M. Bertrand Auban, rapporteur. - La France a signé le 18 décembre 2008, à Paris, un accord avec l'Agence spatiale européenne relatif au centre spatial guyanais (CSG) et aux prestations associées. Cet accord se substitue à trois accords intergouvernementaux :
- L'accord relatif au centre spatial guyanais, conclu le 11 avril 2002, et qui concerne les installations de soutien aux lancements ;
- L'accord relatif aux Ensembles de Lancements (ELA) et aux installations associés de l'Agence au CSG, conclu le 11 avril 2002, qui concerne les moyens de lancement de l'Agence ;
- L'accord relatif à l'ensemble de lancement Soyouz, conclu le 21 mars 2005, qui vise à préciser les conditions dans lesquelles la France autorise l'ASE à implanter sur le site du CSG l'ensemble de lancement Soyouz.
Il a paru aux autorités plus judicieux de regrouper ces 3 accords en un accord unique qui se substituerait à eux. C'est ainsi que la France et l'ASE ont envisagé et négocié dès octobre 2007 la fusion des trois textes en un seul. Une attention particulière a été portée, lors des négociations, non seulement aux dispositions relatives à l'exploitation de trois lanceurs (Ariane, Soyouz et Vega) à partir du CSG, mais également à la prise en compte des dispositions de la loi française relative aux opérations spatiales adoptée le 3 juin 2008.
Plusieurs objectifs sont recherchés par l'adoption de ce nouveau texte :
- Fournir une base juridique unifiée et actualisée à l'utilisation par l'Agence du Centre spatial guyanais. Le présent Accord fusionne les trois anciens accords relatifs au CSG tout en mettant à jour leurs dispositions, en tenant compte en particulier de la loi relative aux opérations spatiales précitée ;
- Sécuriser l'utilisation des installations du CSG par l'ASE jusqu'à fin 2020. L'accord est conclu pour une durée longue (jusqu'en 2020), contrairement à l'accord relatif au CSG précédent, successivement reconduit pour des périodes de quatre ans. Il permet ainsi de pérenniser l'engagement de l'ASE en matière de financement et d'utilisation de la base de lancement ;
- Sécuriser pour tous les lanceurs la répartition de la prise en charge de la responsabilité financière, entre l'Etat français et l'ASE, en cas de dommages causés à des tiers.
Le centre spatial guyanais, également appelé « Port Spatial de l'Europe », désigne l'ensemble du site spatial, les installations et les moyens qui concourent à la réalisation des lancements d'Ariane, de Soyouz et de Vega, ainsi que les usines de production. Il regroupe des établissements de plusieurs acteurs du secteur spatial européen. Ses missions s'inscrivent dans les objectifs poursuivis par l'Europe en matière de transport spatial, à savoir :
- Garantir à l'Europe un accès indépendant à l'espace, afin de lui permettre de réaliser les missions qui relèvent de sa souveraineté.
- Occuper une place de premier plan sur le marché mondial des services de lancement et entretenir la prospérité et la compétence de son industrie.
Les effectifs attachés au CSG sont de plus de 1 500 personnes en 2011. Dans les années à venir, les prévisions font état d'une stabilisation des effectifs totaux de la base autour de 1 650 personnes.
Depuis trente ans l'activité du CSG s'est densifiée, pour atteindre, en 2012, 10 lancements réussis (7 Ariane 5, 2 Soyouz et 1 Vega) et une mise en oeuvre de trois pas de tir (ELA3, ELS et ELV). Cette activité soutenue devrait se pérenniser ces prochaines années, avec une prévision de 10 à 12 lancements par an et 3 pas de tir opérationnels. Les trois lanceurs Ariane, Soyouz et Vega présentent des performances complémentaires, et permettent à l'Europe de lancer tout type de missions en toute indépendance.
Mes chers collègues, je vous renvoie à mon rapport écrit pour de plus amples précisions, autant sur le contenu de l'accord article par article, que sur les trois programmes.
En conclusion, le texte qui nous est soumis aujourd'hui reprend pour l'essentiel les termes d'accords déjà en vigueur. Il s'agit d'un accord de clarification juridique que je vous recommande d'adopter. Le présent projet de loi pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique le 5 février.
Puis la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Coopération policière et douanière avec la Belgique, l'Allemagne et le Luxembourg - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. Jean Besson et les textes proposés par la commission pour le projet de loi n° 664 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières et pour le projet de loi n° 665 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg concernant la mise en place et l'exploitation d'un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune.
M. Jean Besson, rapporteur - Monsieur le président, mes chers collègues, ce que la liberté fait perdre en sécurité, elle le gagne en coopération. Voici en quelque sorte le sujet des deux accords qui sont soumis aujourd'hui à votre approbation :
- un accord franco-luxembourgeois, conclu en 2001 ;
- un accord quadripartite franco-germano-belgo-luxembourgeois de 2008.
Tous deux prévoient la mise en oeuvre de procédés de coopération policière et douanière. Cette dernière tend à lutter contre la délinquance transfrontalière, dans le contexte de la suppression des contrôles fixes aux frontières avec les Etats voisins, dans la zone de Schengen.
L'accord de 2001 concerne à la fois la coopération bilatérale traditionnelle, à caractère direct, ainsi qu'une modalité plus récente que représente le centre commun de coopération policière et douanière, désigné par son acronyme CCPD.
Cet outil est apparu dans les années 1997. Il a été instauré par un certain nombre d'accords bilatéraux notamment avec l'Espagne, l'Italie mais aussi les pays concernés par l'accord de 2008, l'Allemagne et la Belgique. L'accord avec le Luxembourg de 2001 s'inscrit dans cette démarche bilatérale.
Le Centre commun de coopération représente une structure de proximité dont la vocation principale est de faciliter l'échange d'informations policières et douanières et accessoirement, d'aider à la coordination générale des opérations transfrontalières.
Son domaine d'intervention concerne essentiellement la petite et moyenne délinquance à caractère transfrontalier, telle que les trafics illicites, la lutte contre l'immigration irrégulière ainsi que tout autre fait se rapportant à la sécurité ou à l'ordre public.
Le Centre commun ne constitue pas une administration indépendante. En conséquence, les agents qui y collaborent ne peuvent effectuer de manière autonome des interventions de nature opérationnelle. Ils agissent sur instructions des autorités qui les ont détachés.
Les succès des centres bipartites ont conduit les gouvernements allemand, belge et luxembourgeois à créer également à Luxembourg une seconde structure, appelée « Bureau commun de coopération » compétent uniquement en matière policière.
Les statistiques les plus récentes ont démontré l'utilité d'un tel bureau, à Luxembourg. Les agents allemands, belges et luxembourgeois qui y sont en poste ainsi que ceux du détachement français ont traité 18 122 demandes de coopération, soit une progression substantielle de près de 30 %, en 2012.
Craignant toutefois que la coexistence d'un centre bipartite de coopération policière et douanière avec un bureau tripartite, qui ne traite que de coopération policière, ne réduise la portée effective des synergies recherchées, les quatre Etats ont alors souhaité simplifier le schéma organisationnel de la coopération transfrontalière multilatérale, à Luxembourg.
Ils ont conclu à cette fin, en 2008, un nouvel accord ayant pour objet de créer une seule base juridique à l'implantation du CCPD, à Luxembourg.
En conséquence, les stipulations de l'Accord de 2008 relatives au fonctionnement du Centre quadripartite tendent à se substituer à celles de l'Accord bipartite de 2001. Il en est de même, de facto, des dispositions du Bureau tripartite.
La ratification de l'accord de 2001 demeure pour autant nécessaire car ce dernier organise la coopération transfrontalière directe avec le Luxembourg.
Son champ d'application est de nature plus opérationnelle que celui du centre commun. Il consiste notamment dans le traitement répressif de faits délictueux ou encore dans la mise en oeuvre de plans d'intervention en zone frontalière, en cas de catastrophes naturelles, de recherche de malfaiteurs ...
S'agissant de l'état d'avancement des procédures de ratification, l'Accord quadripartite a été approuvé en Allemagne par une loi promulguée le 1er février 2011. La procédure en Belgique n'en est, en revanche, qu'à ses prémices. Le dossier accompagnant le projet de loi est en cours d'élaboration.
L'approbation conjointe des deux textes menée par le Grand-Duché du Luxembourg a franchi une étape importante. Les deux projets de loi de ratification ont été adoptés en Conseil de Gouvernement, le 27 janvier 2012, puis enregistrés à la Chambre des députés le 14 février 2012 et ont reçu le quitus du Conseil d'Etat le 8 mai 2012.
Puis la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Intervention française au Mali - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Cette audition n'a pas donné lieu à un compte rendu.
Mercredi 30 janvier 2013
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Europe de la défense - Audition de SE. M. Tomasz Orlowski, ambassadeur de la République de Pologne
La commission auditionne Son Exc. M. Tomasz Orlowski, ambassadeur de la République de Pologne, sur l'Europe de la défense.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je suis très heureux, Monsieur l'ambassadeur, de vous accueillir devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
Je voudrais également saluer la présence parmi nous de notre collègue Jean-Pierre Leleux, qui préside le groupe d'amitié France Pologne du Sénat, et qui a accompagné le Président de la République lors de son déplacement à Varsovie, le 16 novembre dernier.
Vous étiez déjà venu, Monsieur l'ambassadeur, en juin 2011, nous présenter les priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne et, parmi ces priorités, l'Europe de la défense figurait déjà en bonne place.
Certains d'entre nous ont également eu la chance de vous entendre au sein de la commission chargée d'élaborer le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, où vous avez présenté la vision polonaise de l'Europe de la défense.
Alors que la plupart des pays européens sont amenés à réduire fortement leur budget de la défense, en raison de la crise économique et financière, la Pologne fait exception et elle est l'un des rares pays en Europe à augmenter son effort de défense.
Je rappelle également que la Pologne a envoyé des soldats dans le cadre des opérations, aussi bien de l'OTAN, que de l'Union européenne, que vos soldats sont présents sur de nombreux théâtres, comme l'Afghanistan ou le Kosovo, et que votre pays a confirmé récemment l'envoi de soldats polonais pour la mission européenne de formation au Mali.
Plus généralement, la France, l'Allemagne et la Pologne, ont, dans le cadre du triangle de Weimar, formulé des propositions ambitieuses pour relancer la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne et vous avez lancé l'idée d'associer les Parlements de ces trois pays, ce dont je me félicite.
Nous avons d'ailleurs décidé de constituer au sein de notre commission un groupe de travail consacré à l'Europe de la défense et nous entretenons déjà des contacts avec nos collègues parlementaires britanniques et allemands. Nous serions très désireux de nouer des relations avec nos collègues parlementaires polonais.
Au-delà de l'amitié traditionnelle franco-polonaise, et de la fraternité des armes - qui remonte à Napoléon comme l'illustre votre hymne national - la Pologne représente aujourd'hui à nos yeux un partenaire majeur pour construire cette Europe de la défense que nous appelons de nos voeux.
C'est la raison pour laquelle nous avons pensé qu'il serait très utile de vous entendre sur l'Europe de la défense.
Je vous laisse maintenant la parole.
Son Exc. M. Tomasz Orlowski, ambassadeur de la République de Pologne. - C'est un très grand honneur pour moi d'intervenir aujourd'hui devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat de la République française, et, à travers vous, devant le peuple français, pour vous présenter la vision polonaise de l'Europe de la défense. Je vous remercie également, Monsieur le Président, de vos paroles concernant le soutien de la Pologne à l'intervention militaire de la France au Mali.
Dès le 17 janvier, soit au lendemain du début de l'intervention militaire française au Mali, les plus hautes autorités polonaises ont apporté le plein soutien politique de la Pologne à cette intervention. Lors de sa récente visite officielle en France, lundi 28 janvier, le Premier ministre M. Donald Tusk a confirmé au Président de la République française la participation de la Pologne à l'opération de l'Union européenne de formation au Mali (EUTM Mali).
Le Conseil des ministres de la République de Pologne, a précisé hier, mardi 29 janvier, ce soutien plus approfondi de la Pologne à l'opération de l'Union européenne de formation au Mali. Cet appui devrait se traduire par l'envoi de vingt instructeurs militaires, du 16 février à la fin 2013, dans le cadre de la mission de l'Union européenne de formation, qui seront spécialisés dans les domaines du déminage, de la logistique et de la formation des forces spéciales maliennes, ainsi que d'un soutien organisationnel et logistique.
Lors de son entretien avec le Premier ministre français, le Premier ministre polonais M. Donald Tusk n'a pas exclu la possibilité de livraisons d'armes et d'équipements à l'armée malienne. « Si la Pologne peut aider en termes de matériel, nous sommes à disposition », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse. « Ce n'est pas uniquement un geste de solidarité par rapport à notre allié. Ceci vient de notre conviction profonde après une analyse de la situation sur le continent africain, en particulier en ce qui concerne l'Afrique du nord. La stabilité de cette région est dans l'intérêt de l'Europe et de tout le monde », a-t-il ajouté.
La Pologne a donc apporté son soutien, à la fois politique, mais aussi militaire et technique, à l'intervention militaire française au Mali. Ceci dans des circonstances qui ne sont pas toujours faciles. Et quand je dis « circonstances », peut-être cela serait un point de départ intéressant.
En effet, je suis convaincu qu'il est nécessaire au sein de l'Union Européenne d'approfondir non seulement le débat sur l'avenir de la défense européenne, mais plus fondamentalement d'approfondir la prise de conscience sur la notion de la responsabilité européenne. Notre Premier ministre Donald Tusk s'est exprimé devant le Président de la République lors de leur dernière rencontre de manière suivante : « La France a fait sa mission au Mali, maintenant c'est la responsabilité de l'Union européenne de contribuer à la stabilité du Mali ». En période de crise, la notion de la responsabilité, qui, d'ailleurs, demande l'engagement des moyens, n'est pas toujours très facile. Ainsi pour définir notre niveau d'ambition, il faudrait définir préalablement la notion de la responsabilité européenne.
Quelle est cette responsabilité des Européens ? Cela passe, à mes yeux, par une politique réactive de l'Union européenne, qui mobilise un ensemble de moyens, militaires ou non, pour agir là où il existe un risque pour la sécurité et la stabilité régionale ou mondiale, notamment dans son proche voisinage, comme on peut le voir au Mali. D'un autre côté, cela signifie agir là, où nous, l'Europe, souhaitons favoriser un changement positif, et c'est dans cette perspective que la politique étrangère de l'UE, sans faire appel à l'instrument de la défense, devrait faire ses preuves davantage.
Avons-nous réellement pris conscience - nous les Européens, nos gouvernements et nos peuples - des enjeux liés à notre voisinage, à l'Est ou au Sud, et avons-nous véritablement défini une politique européenne de voisinage à la hauteur des enjeux ?
A cet égard, le débat interne à l'Union européenne sur la recherche de l'équilibre de la politique européenne de voisinage à l'égard de nos voisins du Sud et de l'Est me paraît à la fois stérile, car les deux dimensions sont aussi importantes l'une que l'autre, et indispensable.
Or, cette prise de conscience des Européens que la sécurité de l'Europe se joue aussi au Nord Mali, n'est pas évidente, y compris pour une part des citoyens polonais ou des peuples d'Europe centrale et orientale pour lesquels les menaces viennent plutôt historiquement de l'Est. Nous devons donc faire effort de pédagogie pour expliquer à l'opinion européenne dans son ensemble les raisons pour lesquelles nous envoyons nos soldats dans ces contrées lointaines d'Afrique, qui restent encore méconnues par la majorité de la population. Pour illustrer l'importance de cette distance, permettez-moi une petite anecdote qui raconte qu'un prince polonais invité à participer aux croisades, écrivit au pape pour lui demander si l'on trouve de la bière en Terre Sainte.
Pour autant, la Pologne a déjà participé à des opérations militaires de l'Union européenne sur le sol africain, d'abord au Congo en 2006, ensuite en envoyant un contingent au Tchad en 2007, deuxième contingent après la France, qui était la nation cadre. La stabilité actuelle du Tchad et la participation de militaires tchadiens à l'intervention militaire au Nord Mali illustrent d'ailleurs le succès de la mission de l'Union européenne au Tchad.
A l'époque, la participation de la Pologne à cette mission de l'Union européenne au Tchad était essentiellement motivée par deux raisons. D'une part, elle était la preuve de l'évolution de la politique de défense de la Pologne en faveur de l'Europe, notamment par rapport à la participation de la Pologne à l'intervention militaire en Irak en 2000. D'autre part, ce choix était aussi la manifestation concrète de sa solidarité avec ses amis et alliés : nous voulions montrer à la France que la Pologne suit aujourd'hui le même raisonnement européen.
Certes, l'histoire, la géographie et ses intérêts portent naturellement la Pologne à regarder davantage à l'Est, qu'au Sud - ce qui ne veut pas dire uniquement Est. Toutefois, comme l'illustre l'affaire malienne, la Pologne reste sensible aux besoins de nos amis et se veut solidaire avec ses principaux partenaires et alliés, dont nous espérons la réciprocité. Voilà pourquoi, si nous arrivions à définir un cadre unique pour notre politique de voisinage, cela nous donnerait encore plus le sentiment de travailler ensemble.
J'en viens maintenant aux priorités de la politique de sécurité et de défense de la Pologne.
Les priorités de la politique de sécurité et de défense de la Pologne sont définies dans deux documents : la «Stratégie de sécurité nationale » qui date de 2007 et les « Priorités de la politique étrangère de la Pologne de 2012 à 2016 » qui ont été adoptées en Conseil des ministres au mois de mars 2012. Ces deux documents constituent aujourd'hui une référence pour notre politique de sécurité et de défense.
Notre constat est qu'aujourd'hui les choix stratégiques d'un pays ne se font plus de manière indépendante et isolée mais en coopération et en coordination avec d'autres pays, confrontés aux mêmes défis et partageant la même analyse des menaces : le manque de stabilité dans l'ex-URSS et au Proche Orient, au Caucase du Nord et du Sud, en Asie Centrale et de l'Est ; les conflits à caractère ethnique et religieux ; la sécurité énergétique et informatique (cyber-sécurité) ; le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le crime organisé et le trafic des stupéfiants, etc.
La Pologne est, comme la France, un allié à toutes épreuves dans l'OTAN. A cet égard, l'article V du Traité de Washington reste, à nos yeux, la garantie de sécurité des pays membres de l'Alliance atlantique. Cela ne veut pas dire pour autant que nous négligeons notre engagement au sein de l'Union européenne en faveur de la politique de sécurité et de défense commune.
La politique de sécurité et de défense de la Pologne est fondée sur quatre piliers : premièrement, nos capacités propres et autonomes ; deuxièmement, l'OTAN ; troisièmement, l'Union européenne ; quatrièmement, le renforcement de la coopération bilatérale avec des partenaires choisis.
Le premier partenaire de la Pologne, en dehors de l'OTAN et l'Union européenne avec qui nous approfondissons le débat sur la sécurité, même si cela peut paraître surprenant, est la Russie. C'est un débat qui vise la compréhension et qui a pour l'objectif que notre voisinage soit de nature à diminuer les risques sécuritaires de l'Europe. Il vise la construction d'une relation stable avec la Russie, basée sur la confiance et la coopération. Il suffit de regarder sur une carte de l'Europe pour constater que le territoire russe de Kaliningrad est enclavé au sein de l'Union européenne et par le fait d'être un territoire enfermé, il a toutes les caractéristiques d'encerclement. Le choix de la Russie par lequel il a été choisi comme principale base navale pour la flotte russe de la Baltique, n'arrange point les choses. Pourtant, nous avons ainsi privilégié, en réussissant à convaincre non sans mal nos vingt-six partenaires de l'Union européenne, une coopération étroite avec la Russie et le territoire de Kaliningrad en particulier, notamment en matière de libre circulation des ressortissants russes en provenance de ce territoire, qui pourrait servir de source d'inspiration pour l'Union européenne dans son ensemble. Les gens qui connaissent le monde portent un jugement différent et beaucoup plus positif de ce monde. Les échanges humains représentent, en effet, le meilleur moyen de favoriser une meilleure compréhension mutuelle et une véritable coopération entre les peuples, alors que la fermeture et l'encerclement sont porteurs de tous les malheurs. Cette petite mesure de soft sécurité permet ainsi de donner une nouvelle dimension à des relations entre la Pologne et la Russie.
Parmi nos partenaires sur les questions de défense et de sécurité, je mentionnerai également Israël, pays avec lequel nous entretenons des liens historiques et culturels, et avec lequel nous avons noué une importante coopération en matière de défense, notamment sur le plan industriel.
La professionnalisation de l'armée polonaise a été achevée en 2009. Cette réforme a eu une grande influence et un fort impact, de même que l'effort de modernisation sur la culture de la défense en Pologne. Elle s'est également traduite par l'importance accordée aux forces de projection, de réaction rapide, aux forces spéciales, à la gendarmerie militaire, etc.
La Pologne maintient, depuis 11 ans, un niveau de budget de la défense à 1,95 % du PIB. Il ne serait pas acceptable, à nos yeux, de démilitariser l'Europe, notamment au regard des efforts et des dépenses militaires dans d'autres pays du monde. Nous oeuvrons pour la préservation du potentiel européen de la défense.
La modernisation des armées constitue l'une des priorités du gouvernement polonais qui prévoit d'y consacrer 100 milliards de zloty, soit environ 25 milliards d'euros pendant 10 ans, dont 2,5 milliards d'euros pour les années 2013-2014.
M. Tomasz Siemoniak, ministre de la Défense Nationale de Pologne, a annoncé, le 12 décembre dernier, un « plan de la modernisation technique des Forces Armées de la République Polonaise pour les années 2013-2022 ». Ce plan concerne à la fois l'armée de l'air, l'armée de terre et la marine, cette dernière étant davantage centrée autour de la défense des côtés de la mer Baltique mais qui est également appelée à participer à des missions alliées, par exemple en matière de chasse aux mines :
- le système de la défense antiaérienne et antimissile (avec une finalisation de la réalisation du système prévue pour 2022) : il s'agit en fait de profiter de la modernisation de la défense anti-aérienne polonaise pour ajouter un étage supplémentaire en matière de défense anti-missiles et contribuer ainsi au système de défense anti-missiles de l'OTAN ;
- les hélicoptères, avec un premier plan de modernisation des hélicoptères de soutien - avec l'acquisition de 70 hélicoptères (multi rôle et transport ; de recherche et de sauvetage ; de sauvetage marin ; anti sous-marins) ; et, à partir de 2014, le lancement du processus pour l'acquisition d'hélicoptères de combat ;
- l'équipement individuel du soldat - avec le programme « TYTAN » (jusqu'à 2016) ;
- les systèmes intégrés de soutien au commandement et de l'imagerie du théâtre d'opération (C4ISR) jusqu'à 2016 (certains éléments jusqu'à 2022) ;
- les véhicules blindés de combat d'infanterie « ROSOMAK » (plus de 300 véhicules blindés légers jusqu'à 2019) ;
- le système de tir de missiles sol-sol « anti-fortification anti-blindé » « SPIKE » ;
- la modernisation de la marine nationale : il est prévu d'acquérir ou de moderniser 3 sous-marins d'ici à 2030 ; 3 navires anti-mines « Kormoran » d'ici à 2022 ; un patrouilleur « SLAZAK » d'ici à 2016 ; 3 patrouilleurs avec fonction anti-mine d'ici à 2026 ; 3 navires de protection côtière d'ici à 2026 ; la modernisation de la frégate « OHP » en 2015 ; une batterie de missiles côtiers à l'horizon 2015 ;
- les drones de surveillance et de combat (jusqu'à 97) ;
- les avions de transport C-295 CASA et M-28 ;
- les avions de l'entraînement AJT (« Advanced Jet Trainer ») : 8 + 4 après 2016 ;
- la modernisation des blindés Léopard jusqu'à 2018 ;
- des véhicules à haute mobilité (plus de 800).
Lors de son entretien avec le Président de la République, le Premier ministre polonais a fait part de la disponibilité de la Pologne d'étudier une contribution de l'industrie de la défense française à cette modernisation de l'armée polonaise.
Ce plan de modernisation technique contient également la conception de la consolidation de l'industrie d'armement polonaise qui est en discussions en ce moment et dont les premiers rapports doivent sortir prochainement.
La priorité accordée à la défense antimissile est l'un des axes principaux du développement des forces armées et de leur préparation pour la défense du pays sur la période 2013-2022 du Président de la République, M. Bronislaw Komorowski, du 8 novembre 2011, avec la construction d'un système compatible avec celui de l'OTAN et discuté avec la Russie.
Concernant l'engagement extérieur, au niveau international, européen et régional, la Pologne poursuit son engagement en Afghanistan dans le cadre de l'OTAN (contingent polonais de 2 600 hommes, réduction à 1 800 depuis octobre 2012). A ce jour, nous avons perdu en Afghanistan 37 soldats et officiers.
On peut également souligner l'engagement de la Pologne dans des missions et opérations extérieures passées ou en cours, au titre de l'ONU, de l'OTAN ou de l'Union européenne, avec notamment des contingents importants au Congo (2006) et au Tchad (2008-2009). Aujourd'hui, la Pologne est la deuxième nation contributrice, après l'Allemagne, à des missions civiles de l'UE (EULEX Kosovo, EUFOR Althea, EUMM Georgia, EUBAM Moldavie, EUNAVFOR Atalanta,). Elle participe aussi à d'autres missions dans le cadre de l'OTAN (au Kosovo) et de l'ONU (MONUSCO, UNAMA, UNMIL, UNMISS, UNOCI).
L'armée polonaise est intégrée dans des structures de réaction rapide de l'OTAN (NRF), elle est membre de l'Eurocorps, elle est « nation cadre » pour le Groupement tactique « Weimar » de l'UE en 2013 et en 2016 avec les pays de Viegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie).
La Pologne participe activement à la création de l'architecture européenne de sécurité au sein de l'OSCE - nos priorités concernent le contrôle de l'armement conventionnel.
La Pologne milite aussi pour la transparence et le contrôle de l'armement nucléaire et participe activement à des initiatives de non-prolifération au sein de différentes organisations internationales (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, Initiative pour la non-prolifération et le désarmement).
Comment la Pologne voit l'Europe et ses enjeux stratégiques majeurs vers 2030 et l'impact et les conséquences de l'évolution de la situation politique, économique et sécuritaire des pays voisins de l'Union européenne ?
La Pologne soutient l'évolution et le développement politique et économique de nos voisins et est favorable à leur adhésion à des structures occidentales de coopération en matière de sécurité et de défense - surtout dans le cas de la Moldavie, des Balkans Occidentaux et du Caucase du Sud. Elle soutient la dimension de la politique de défense au sein des structures occidentales de coopération en matière de sécurité et de défense - l'OTAN et l'UE - vers nos partenaires (la dimension Est de l'Alliance Atlantique et le Partenariat Oriental).
Enfin, j'en viens en conclusion à la vision polonaise de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union européenne, à la fois sur le plan institutionnel, au niveau des opérations et des capacités.
Sur le plan institutionnel, la PSDC était l'une des priorités nationales de la présidence polonaise de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2011. Elle fait l'objet d'une coopération renforcée dans le cadre du triangle de Weimar, avec la France et l'Allemagne, et « Weimar plus », qui associe à ces trois pays, l'Espagne et l'Italie.
Nous avons la conviction qu'il nous faut, en Europe, augmenter les capacités opérationnelles de la PSDC afin d'accroître son efficacité qui constituera l'un de nos instruments majeurs d'influence dans le monde.
La Pologne soutient le développement de capacités de planification et de conduite des opérations, la création d'un véritable état-major opérationnel de l'Union européenne, et des missions de l'Union européenne, civiles et militaires, en accord avec l'approche globale.
Elle est également favorable à une meilleure coopération entre l'OTAN et l'UE au niveau politique, opérationnel et capacitaire.
Nous soutenons les groupements tactiques de l'UE - tout en prônant leur adaptation à des besoins opérationnels réels ; ils représentent, à nos yeux, le mécanisme de transformation et de développement des capacités d'interopérabilité des armés européennes.
J'ai déjà parlé des interventions militaires de l'Union européenne auxquelles la Pologne entend participer pleinement, à l'image de l'opération de formation au Mali.
En matière de capacités, nous souhaitons également la mise à profit des mécanismes de coopération au sein de l'agence européenne de défense (AED) et le renforcement de la base industrielle et technologique de la défense en Europe (BITDE).
Concernant la coopération dans le cadre de l'initiative dite « de mutualisation et de partage » des capacités (« pooling and sharing ») de l'Union européenne, la Pologne a identifié 5 projets : elle participe déjà à la surveillance maritime et la communication par satellite ; on étudie actuellement notre participation aux modalités du ravitaillement en vol (la Pologne a annoncé son intention de participer à ce programme européen), à la formation des pilotes et aux réseaux de transport.
Au niveau militaire, les chefs d'états-majors des armées de l'UE se sont mis d'accord sur 16 priorités de coopération en matière de formation et d'entraînement ; la Pologne a marqué son intérêt pour la moitié d'entre elles (8 priorités) ; nous sommes en faveur de ce mode de coopération avec nos partenaires de l'Est, afin d'encourager la modernisation de leur secteur de défense.
Lors de sa visite officielle en France, le Premier ministre de Pologne et le Président de la République française ont réitéré leur attachement au développement de l'Europe de la défense, notamment dans le cadre du triangle de Weimar. Le 6 mars prochain à Varsovie, le Président de la République M. François Hollande et la chancelière allemande Mme Angel Merkel seront d'ailleurs invités du Premier ministre Donald Tusk à la réunion du groupe de Viegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie). Lors de cette rencontre au format atypique, il sera notamment question « de l'avenir de la défense européenne ».
Au-delà de sa coopération première avec la France et l'Allemagne en matière de défense, la Pologne entend ainsi promouvoir l'Europe de la défense auprès de ses partenaires d'Europe centrale et orientale.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Vous avez laissé entendre, Monsieur l'ambassadeur, sans doute en raison de votre modestie, que les Polonais connaissaient assez mal l'Afrique. Je voudrais toutefois rappeler que l'un des meilleurs livres écrits sur l'Afrique, « Ebène » a été écrit par le journaliste polonais Ryszard Kapuscinski, l'un des meilleurs connaisseurs de ce continent.
M. Jean-Pierre Leleux, président du groupe d'amitié France-Pologne. - Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir invité à cette audition, car c'est toujours un très grand plaisir d'écouter l'ambassadeur de Pologne. Ayant assisté au déplacement du Président de la République à Varsovie à la fin de l'année dernière, je peux témoigner que ce déplacement a marqué une réelle inflexion dans les relations bilatérales et qu'il a marqué les Parlementaires mais aussi l'opinion polonaise dans son ensemble. Lors de ce déplacement, il a beaucoup été question de la défense européenne et du « triangle de Weimar » et j'espère que ces échanges permettront d'aboutir à de réelles avancées en matière d'Europe de la défense dans le cadre du « triangle de Weimar ».
M. Daniel Reiner. - Je vous remercie également, Monsieur l'ambassadeur, de la clarté de vos propos. Nous apprécions naturellement la réorientation de la politique polonaise en faveur de l'Europe de la défense, ainsi que votre volonté de construire un partenariat avec la Russie. Nous apprécions également votre contribution à l'opération européenne de formation au Mali tout en comprenant les éventuelles interrogations que cette participation peut susciter au sein de l'opinion publique polonaise.
Comme vous l'avez rappelé, la Pologne avait fait de la relance de l'Europe de la défense l'une de ses priorités lors de sa présidence de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2011 et nous avons le sentiment qu'une certaine déception a pu naître dans votre pays en raison de la faiblesse des progrès réalisés. Au-delà de votre déception, quels ont été, d'après vous, les principaux obstacles à des progrès de la PSDC ? Faut-il s'en tenir à la politique des « petits pas » ou bien privilégier une approche institutionnelle « par le haut » pour faire avancer l'Europe de la défense ?
Par ailleurs, on déplore souvent en France que les autres pays européens, notamment d'Europe centrale et orientale, privilégient généralement l'achat d'équipements militaires américains pour moderniser leur outil de défense, au détriment de la base industrielle et technologique de défense européenne. Je vous poserai donc une question directe : Pensez-vous que, dans le programme de modernisation des équipements de l'armée polonaise, les industriels européens, et en particulier français, pourront trouver une place ?
M. Robert del Picchia. - Résidant moi-même à Vienne, je n'oublie pas qu'en 1683 la Pologne a sauvé l'Europe, les armées polonaises du roi Jan Sobieski venant au secours de Vienne assiégée par les turcs.
Dans l'ordre de vos priorités, vous avez mentionné l'OTAN en deuxième position, avant l'Union européenne. Quelles seraient, d'après vous, les conditions pour inverser cet ordre de priorité ?
Son Exc. M. Tomasz Orlowski, ambassadeur de la République de Pologne. - Je voudrais tout d'abord répondre à M. Jean-Pierre Leleux qui m'a interrogé sur le rôle du « triangle de Weimar » concernant l'Europe de la défense. Comme le montre le processus d'intégration européenne, c'était la réconciliation franco-allemande qui a joué un rôle majeur. Toutefois, pour gérer l'Europe au XXIe siècle, ainsi que dans une Europe à vingt-sept aujourd'hui, vingt-huit demain, nous avons besoin des assises politiques fortes et il nous faut plus qu'un bimoteur. A cet égard, j'ai été frappé, à la lecture des déclarations officielles marquant la célébration du cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée qu'un troisième pays, la Pologne, était mentionné à plusieurs reprises. C'est la première fois, me semble-t-il, que des dirigeants français et allemands reconnaissent au plus haut niveau qu'ils ont besoin de la Pologne pour porter les projets politiques de l'Europe de XXIe siècle.
En matière d'Europe de la défense, le « triangle de Weimar », qui associe l'Allemagne, la France et la Pologne, présente un réel intérêt.
C'est grâce à une lettre commune des ministres des affaires étrangères et de la défense des pays du « triangle de Weimar » adressée à la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, ensuite élargi à l'Espagne et à l'Italie, dans le cadre de « Weimar plus », que nous sommes parvenus à réaliser des avancées sur la politique de sécurité et de défense commune. Il est vrai qu'en raison des réticences de nos amis britanniques nous ne sommes pas parvenus à créer un quartier général permanent européen (OHQ), mais nous avons néanmoins réussi à renforcer les capacités européennes de planification et de conduite des opérations, grâce à l'activation du centre d'opérations de l'Union européenne pour les missions et l'opération PSDC se déroulant dans la Corne de l'Afrique.
Par ailleurs, le seul groupement tactique européen est actuellement le groupement tactique « Weimar », qui est commandé par un général polonais, avec des militaires français, allemands et polonais, et un état-major situé au Mont Valérien. On déplore souvent que les groupements tactiques n'aient à ce jour jamais été utilisés pour une opération. En conséquence, alors qu'en principe il devrait y avoir au moins deux groupements tactiques opérationnels, un seul, celui de « Weimar » assure actuellement la permanence. Se pose naturellement la question de son envoi au Mali. Toutefois, la sécurité au Mali est déjà assuré par les contingents français, aidé par les forces maliennes et africaines et bientôt une mission européenne. Il faudrait aussi réfléchir, à ce qui se passerait si, dans l'urgence, l'Union européenne était appelée à mettre en place une opération, par exemple pour rapatrier les ressortissants européens présents en Syrie ? Dans ce cas, si jamais nous avions à faire à une aggravation de la situation, nous avons des troupes prêtes à intervenir. Notre souhait est de pérenniser la coopération que nous avons engagée dans le cadre de groupement tactique de Weimar avec nos partenaires français et allemands.
De même, l'Eurocorps, que la Pologne a intégrée récemment, constitue une capacité qui n'a jamais trouvé une expression de l'ambition qui était à la base de son lancement.
Vous m'avez interrogé, M. Daniel Reiner, sur les freins à l'Europe de la défense. J'en vois essentiellement trois.
Le premier est d'ordre psychologique. Il tient au sentiment, très répandu en Europe, qu'il n'existe pas de risques immédiats pour notre sécurité. Dès lors, la défense n'est pas considérée comme un domaine prioritaire, en particulier en période de crise budgétaire. C'est quelque chose qui nous fait de la peine et qui nous inquiète. Il faut bien admettre que de nombreux pays en Europe ne considèrent pas l'Europe de la défense comme une priorité, comme l'illustre l'absence de deuxième groupement tactique.
La deuxième raison est liée à l'OTAN. Pour de nombreux Européens, la garantie de l'article 5 équivaut à une défense gratuite. Ce n'est pas le cas, même si l'article 5 reste la clef de voûte de la défense du continent européen pour tous les alliés, y compris la France. Mais cela peut avoir un effet démobilisateur sur notre énergie et nos efforts. La sécurité européenne ne se résume pas à la garantie de l'article 5 de l'OTAN car l'Europe peut être confrontée à une série de conflits de moyenne intensité à son voisinage immédiat.
Une autre difficulté, souvent mise en avant par nos amis britanniques, tient au risque que l'émergence de l'Europe de la défense se traduise par un affaiblissement de la relation transatlantique et par une duplication avec l'OTAN. Cet argument pouvait trouver un certain écho en Europe avec la position particulière de la France au sein de l'OTAN, mais il a perdu beaucoup de sa pertinence avec la réintégration pleine et entière de la France au sein du commandement militaire intégré de l'OTAN en 2009.
A nos yeux, il n'existe pas de concurrence entre l'OTAN et l'Union européenne. Certes, on ne peut pas exclure le risque de doublons ou de duplications entre les deux organisations, et c'est précisément la raison pour laquelle nous plaidons pour un renforcement de la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne et pour une levée des blocages politiques à ce rapprochement. Ainsi, le Secrétaire général de l'OTAN devrait se rendre régulièrement aux réunions du Conseil des ministres de la défense de l'Union européenne et le Haut représentant de l'UE, au Conseil atlantique.
Avons-nous la capacité de dépasser l'OTAN au profit d'une défense européenne ?
Il faut prendre garde aux mots que l'on emploie. La « défense européenne » n'est pas la « défense de l'Europe ». Ainsi, la « défense européenne » ne couvre pas le territoire européen, il ne s'agit pas de défendre l'Europe par nos propres moyens, mais elle vise plutôt la stabilité et la sécurité dans le voisinage immédiat de l'Europe, dans les régions les plus proches.
Aujourd'hui, il s'agit d'une question théorique. Comment l'Europe pourrait-elle prétendre assurer sa propre défense si elle ne dispose pas des capacités nécessaires ? Tant que les Européens ne voudront pas prendre leurs responsabilités pour assurer leur propre défense, la défense de l'Europe ne pourra pas être remplacée par l'OTAN.
Pour autant - et il s'agit là d'une inflexion majeure - la Pologne est favorable à l'émergence d'une « Europe puissance », pour reprendre les mots du ministre polonais des affaires étrangères, d'une Europe qui a besoin des moyens pour se faire entendre dans le monde - telle est l'ambition polonaise de l'Europe de la Défense.
Concernant la modernisation de l'armée polonaise et la place des industriels européens, notre procédure est entièrement fondée sur la transparence avec un appel d'offres et une procédure de sélection qui repose sur le meilleur choix. Plusieurs groupes français ont d'ailleurs fait part de leur intérêt pour certains contrats.
Comme l'a indiqué le Premier ministre polonais au Président de la République française, la France aura certainement une part dans ces contrats dans ses domaines d'excellence.
J'attire toutefois votre attention sur le fait que l'un des critères déterminants sera la « polonisation » de la production, afin de consolider la base industrielle polonaise de défense. Nous souhaitons faire émerger plus de coopération entre l'industrie de défense polonaise et celle d'autres partenaires européens.
M. René Beaumont. - Dans ce contexte de crise en Europe, je voudrais saluer les bons résultats obtenus par la Pologne en matière de croissance économique. Je voudrais également saluer l'importance de l'effort de défense de votre pays.
Pour prolonger les interventions de mes collègues, je voudrais rappeler que notre pays dispose de filières d'excellence en matière d'industries de défense, avec par exemple DCNS pour la marine ou Eurocopter pour les hélicoptères, sans parler d'EADS et d'Airbus, avec l'A400M pour le transport stratégique.
Enfin, je souhaiterais vous interroger sur les conséquences de votre participation au système de défense anti-missiles de l'OTAN concernant vos relations avec la Russie.
M. Jacques Berthou. - Je souhaiterais, pour ma part, revenir sur l'intervention au Mali. Je voudrais également remercier la Pologne pour son soutien et pour sa participation à la mission de formation de l'Union européenne. Après l'intervention, il restera toutefois beaucoup à faire pour régler la question politique et en matière de développement. Est-ce que votre pays sera également favorable à un effort accru de l'Union européenne dans ce pays ?
M. Gilbert Roger. - La Pologne est-elle prête à voir émerger au niveau européen une force d'intervention commune, afin de s'émanciper de l'OTAN ?
M. André Vallini. - Compte tenu de votre expérience, notamment lors de votre présidence de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2011, quels sont les pays qui vous paraissent les plus allants et ceux qui vous semblent les plus réticents pour faire progresser l'Europe de la défense ?
M. Pierre Bernard-Reymond. -En tant qu'Européen convaincu, j'ai naturellement été très sensible à vos propos.
Compte tenu de la montée du sentiment anti-européen et du populisme en Europe, je m'interroge toutefois sur le point de savoir si la position que vous venez d'exposer ne risque pas d'évoluer en cas de changement de majorité et de gouvernement en Pologne. Autrement dit, la volonté de faire progresser l'Europe de la défense est-elle réellement partagée par l'ensemble des forces politiques de votre pays ?
Enfin, que pensez-vous de l'évolution de la position du Royaume-Uni à l'égard de l'Europe, notamment après l'annonce par le Premier ministre David Cameron d'un référendum sur une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ?
Son Exc. M. Tomasz Orlowski, ambassadeur de la République de Pologne. - En réponse à M. René Beaumont, concernant la modernisation de l'armée polonaise, je voudrais indiquer, qu'à nos yeux, la question cruciale porte sur les transferts de technologies et la « polonisation » de la production. Je voudrais également confirmer que les offres des industriels français, à l'image d'Eurocopter, sont étudiées avec beaucoup d'attention en Pologne. En revanche, compte tenu du fait que nous n'avons pas besoin de couvrir des distances aussi éloignées que celles existant entre la métropole et les DOM/COM pour la France, nous ne prévoyons pas pour l'instant d'acquérir des avions A400M, et nous avons plutôt recours à des avions de transport de type CASA qui sont aussi une capacité européenne. En revanche, nous étudions notre participation à la flotte européenne en matière de ravitaillement en vol.
Je partage votre avis sur le Mali, M. Jacques Berthou, et il me semble important de penser dès à présent à une solution politique et à notre politique d'aide au développement. Notre ministre des affaires étrangères déléguée pour le développement et la coopération, Mme Katarzyna Pelczynska-Nalecz, a fait la semaine dernière un déplacement en Afrique - le continent qui constitue la priorité de la politique polonaise d'aide au développement et où nous sommes déjà très présents.
Concernant une force d'intervention commune européenne, nous y sommes favorables. Pourtant, comme l'a déclaré M. Tomasz Siemoniak, notre ministre de la Défense, « L'armée européenne n'est pas un uniforme unique, mais des projets communs dans le cadre de la défense aérienne, l'imagerie satellitaire et le ravitaillement en vol. Ce qui veut dire plus d'Europe forte au sein d'une OTAN forte ». Pourquoi ne pas commencer par utiliser l'Eurocorps en tant que force d'intervention européenne, afin de la rendre plus opérationnelle ?
En réponse à M. André Vallini, je dirai que l'expérience montre que ce sont essentiellement les « grands » pays qui démontrent une réelle volonté d'agir sur le plan militaire. En matière militaire, et de capacités, la taille joue souvent un rôle déterminant. Ainsi, les pays baltes ont renoncé à se doter d'une force aérienne, et ce sont les alliés de l'OTAN qui assurent la « police du ciel » dans les pays Baltes. Cela n'empêche pas ces pays de développer une expertise spécifique dans certains domaines, à l'image de la cyberdéfense pour l'Estonie.
Enfin, pour répondre à M. Pierre Bernard-Reymond, la Pologne a besoin d'une relation apaisée et un partenariat avec la Russie. A la différence de la plupart de ses voisins, le gouvernement de M. Donald Tusk, soutenu par la coalition centre-droit formée par la plateforme civique (PO) et le parti paysan (PSL), a remporté les dernières élections et a été reconduit, ce qui constitue une exception en Europe. Ceci est un gage de la stabilité politique. Comme le montrent les sondages d'opinions, le sentiment pro-européen reste largement majoritaire en Pologne. L'ancrage européen de la Pologne n'est pas remis en cause par les différentes forces politiques. Il est par ailleurs source de la fierté : nous avons réussi, aussi bien la transformation systémique que la résistance à la crise. La croissance économique favorise la stabilité non seulement politique, mais aussi celle de l'esprit, dont même la terrible catastrophe de Smolensk n'a pas provoqué l'ébranlement.
Enfin, s'agissant du Royaume-Uni, la Pologne est favorable à son maintien au sein de l'Union européenne, au-delà de nos liens historiques, pour au moins trois raisons :
- tout d'abord, nous apprécions l'orientation et la dimension « plus libérale » que le Royaume-Uni apporte à l'Europe, notamment par rapport au couple franco-allemand ;
- ensuite, nous sommes, comme les Britanniques, très attachés au lien transatlantique et à la relation avec les Etats-Unis, que nous avons besoin de garder dans notre intérêt ;
- enfin, nous pensons que sans le Royaume-Uni, il ne peut pas y avoir d'Europe de la défense.
Si nous souhaitons que le Royaume-Uni reste au sein de l'Union européenne, pour autant nous refusons toute idée d'une « Europe à la carte ».
Et, on peut observer que, malgré certaines tentatives, il n'existe pas un groupe de pays dont le Royaume-Uni serait le chef de file.
Pour reprendre la formule du ministre polonais des affaires étrangères, la Pologne veut une « Europe puissance », une « union toujours plus étroite entre les peuples ».
Proposition de création d'un nouvel avis budgétaire portant sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Communication
M. Jean-Louis Carrère, président. - Mes chers collègues, je souhaite vous proposer que noter commission réalise un nouvel avis budgétaire sur le SGDSN et sur les crédits du programme 129 qui concerne la sécurité et la défense.
Le SGDSN voit ses crédits rattachés au programme 129 « coordination du travail gouvernemental » de la mission « direction de l'action du gouvernement » qui relève du Premier ministre.
Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) est une administration de mission qui donne la priorité à la réflexion, à la préparation des décisions de haut niveau et au suivi de leur mise en oeuvre. Parmi ses principales missions nous trouvons :
- le secrétariat du conseil de défense et de sécurité nationale ;
- l'animation et la coordination des travaux interministériels relatifs à la politique de défense et de sécurité nationale et aux politiques publiques qui y concourent ;
- il suit les crises qui affectent notre environnement de sécurité ;
- il propose et assure la mise en oeuvre des mesures nécessaires à la protection du secret de la défense nationale ;
- il appuie les travaux du coordonnateur national du renseignement (CNR) ;
- il élabore la planification interministérielle de défense et de sécurité nationale et veiller à sa mise en oeuvre ;
- il renforce la sécurité des réseaux de communication gouvernementaux ;
- il propose et met en oeuvre la politique du Gouvernement en matière de sécurité des systèmes d'information ;
- il veille à la cohérence des actions entreprises en matière de politique de recherche scientifique et de projets technologiques intéressant la défense et la sécurité nationale ;
- il contrôle les exportations d'armement et le transfert des technologies sensibles ;
- enfin, il soutient les études et les enseignements de défense.
C'est évidemment un organe central dont il nous faut mieux suivre le rôle et les moyens. Mais au-delà du seul SGDSN, le programme 129 gère les crédits de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et ceux de la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC).
Il comporte également les crédits de l'Académie du renseignement et permettrait de suivre mieux les crédits des services de renseignement.
Vous voyez donc que nous avons tout intérêt à investir ce programme dont plus de la moitié des crédits concerne des questions de sécurité et de défense.
Si vous êtes d'accord sur le principe de ce nouvel avis budgétaire, je vous proposerai, après consultation des groupes politiques qui m'ont donné leur accord, de le confier à deux de nos collègues : Jean-Marie Bockel qui a déjà beaucoup investi le domaine des systèmes d'information et de la cyberdéfense, et Jacques Berthou.
Cela conduira Jean-Marie Bockel à laisser le rapport 212 sur le soutien des forces dont il partage la responsabilité avec Michelle Demessine. Pour le remplacer, je vous propose de nommer notre collègue Joël Guerriau.
Ce faisant, nous respectons l'équilibre politique des rapporteurs qui caractérise notre commission.
La commission a approuvé à l'unanimité la proposition de réaliser un avis budgétaire sur le programme 129.