Mardi 22 janvier 2013
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Audition de M. Philippe Errera, ambassadeur, représentant permanent de la France à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord
La commission auditionne Son Exc. M. Philippe Errera, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir accepté de venir à nouveau devant notre commission pour nous présenter les principaux dossiers d'actualité au sein de l'OTAN et nous parler de la place et de l'influence de la France au sein de l'Alliance atlantique.
Depuis votre dernière audition, l'an dernier, à la veille du Sommet de Chicago, les choses ont beaucoup évolué, avec notamment le retrait des forces combattantes françaises d'Afghanistan ou la récente intervention française au Mali.
Sur la base du rapport de M. Hubert Védrine, le Président de la République a également confirmé le retour plein et entier de la France au sein de l'OTAN et a souhaité que la France prenne toute sa place au sein de l'Alliance atlantique, tout en plaidant pour une relance de l'Europe de la défense.
Nous serions donc très intéressés de vous entendre sur les principaux dossiers d'actualité au sein de l'OTAN.
Je pense notamment à l'avancement de la défense anti-missiles et à son articulation avec la dissuasion nucléaire, mais aussi à la « Smart Défence ».
Le recours à la spécialisation ou au « financement en commun » vous paraissent-ils réellement de nature à compenser les réductions des budgets de la défense et ne risquent-ils pas paradoxalement d'encourager les pays européens à réduire davantage leur effort, en fragilisant l'industrie européenne de défense et en privilégiant l'achat sur étagère d'équipements américains ?
Plus généralement, quel est votre sentiment sur l'avenir de l'OTAN, notamment à la lumière de la stratégie américaine de rééquilibrage vers la zone Asie Pacifique ? Peut-on imaginer un renforcement du rôle des Européens au sein de l'Alliance et où en sommes-nous des relations entre l'OTAN et l'Europe de la défense ?
Enfin, que faut-il penser de la place et l'influence de la France au sein de l'OTAN ? Avons-nous réellement une vision française et les moyens de peser au sein de l'organisation ?
Au moment où la commission chargée d'élaborer le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est en train de finaliser ses travaux, sur des sujets aussi essentiels que notre futur modèle d'armée, il me semble qu'il est important de vous entendre.
Je vous laisse maintenant la parole.
Son Exc. M. Philippe Errera, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.- Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation à m'exprimer devant la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, un peu moins d'un an après ma précédente audition. C'est un honneur pour moi - comme l'est celui de vous accueillir lorsque vous vous rendez à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, ou dans le cadre de vos missions.
La remise du rapport Védrine en novembre dernier a été pour la France l'occasion d'une réflexion sur le rôle que nous souhaitons voir jouer par l'OTAN dans les années à venir et sur la façon dont nous envisageons notre place au sein de l'Alliance, et il est utile de poursuivre cette réflexion dans le contexte des travaux sur le futur Livre blanc et de la prochaine Loi de Programmation militaire.
L'année 2012 a été pour l'OTAN, ainsi d'ailleurs que pour la France au sein de l'OTAN, une année marquée par des évolutions significatives : l'OTAN s'est engagée à Chicago dans un processus de renforcement de ses capacités conventionnelles, la « Défense Intelligente » ; elle a déclaré une capacité intérimaire de défense antimissile ; elle a également poursuivi la transition en Afghanistan vers la prise en charge par les Afghans de leur propre sécurité, la France ayant quant à elle mis fin à ses missions de combat à la fin de l'année 2012.
Par souci de clarté, je tenterai de résumer ces évolutions et les perspectives de l'Alliance autour de 4 grands axes : 1) la question du partage du fardeau en matière de défense entre Européens et Américains et les développements en matière capacitaire à l'OTAN ; 2) le cadre fixé à Chicago en matière de défense antimissile ; 3) les évolutions et les perspectives de l'engagement de l'OTAN en Afghanistan ; enfin je conclurai sur 4) la façon dont nous envisageons le rôle de l'OTAN et notre place au sein de l'Alliance.
I - Le « partage du fardeau » et la question capacitaire : quels rôles pour l'OTAN et l'UE ?
1) Beaucoup ont noté au cours de l'année écoulée l'annonce par les Etats-Unis de leur « pivot vers l'Asie » et se sont interrogés sur ce que celui-ci signifie pour la relation transatlantique.
Les Etats-Unis, qui estiment faire face en Asie à des défis sécuritaires croissants, ont annoncé l'été dernier le renforcement de leur présence militaire dans cette zone et, parallèlement, leur intention de redéployer une partie de leurs personnels basés en Europe (20 000 personnels environ, pour une présence totale à terme d'environ 70 000 personnels).
Washington a pris soin de souligner qu'il ne s'agit pas d'une remise en cause du lien transatlantique : l'Europe reste le premier partenaire des Etats-Unis dans la plupart des domaines, et sur les questions de sécurité en particulier.
Mais les Etats-Unis estiment par ailleurs, à juste titre, que les pays européens doivent à présent assumer pleinement leurs responsabilités et mieux partager le fardeau. La France ne dit pas autre chose depuis des années. Il nous est bien sûr utile--et il est significatif--que les Etats-Unis, certes pour d'autres raisons que nous, appellent à présent eux aussi les Européens à prendre en charge leur propre sécurité. Contrairement à ce qui fut le cas pendant la guerre froide, et pendant une bonne partie de l'après-guerre froide, les Américains semblent également prêts à ouvrir la réflexion sur un partage accru des responsabilités.
2) Face aux lacunes capacitaires européennes identifiées ces dernières années, et dans le contexte budgétaire que l'on connaît, les chefs d'Etat et de gouvernements de l'OTAN ont endossé lors du sommet de Chicago l'initiative dite de « Smart Defence ».
Sous ce terme nouveau, on désigne une idée en réalité assez ancienne : celle de coopérations multinationales dans le domaine capacitaire, comme celles que nous engageons aujourd'hui avec les Britanniques ou comme celles que la Belgique et les Pays-Bas mènent par exemple depuis longtemps dans le domaine maritime. Ces coopérations permettent de dégager des économies grâce à des synergies multinationales.
Sur les 145 projets multinationaux que le Commandement Allié pour la Transformation a imaginés ou recueillis au titre de la « Défense intelligente », 24 sont considérés comme étant plus mûrs que les autres. La France participe à 14 d'entre eux et est à la tête de deux projets, dans le domaine de gestion des carburants et du soutien médical.
Je connais les craintes que ce projet suscite, Monsieur le Président - et je ne suis pas naïf sur les intentions des industriels américains, d'autant plus enclins à trouver des débouchés supplémentaires parmi les Alliés européens que le budget du Pentagone baisse.
Mais je pense qu'il faut nuancer cette vision. Tout d'abord, les projets de la Défense intelligente sont souvent modestes dans leur périmètre - comme dans leurs retombées industrielles - et portent plus fréquemment sur le développement de doctrines et de standards que sur l'achat de matériel. Ensuite, cette initiative représente aussi une opportunité pour la France de participer à l'élaboration de ces standards, qui pourront aider demain nos industriels à être en phase avec la demande émanant de nos alliés.
Par ailleurs, cette initiative ne relève pas de la logique intégrationniste à laquelle l'OTAN est souvent encline, mais est conçue comme ayant vocation à être conduite avant tout par les Nations et pour les Nations, et elle repose au final sur la volonté de celles-ci de créer et de participer à des projets. Nous restons d'ailleurs vigilants sur le fait que cette initiative ne serve pas à accroître le périmètre du financement commun de l'OTAN.
3) Surtout, nous avons obtenu à Chicago que le lancement de la Smart Defence soit l'occasion de renforcer la coopération dans le domaine capacitaire entre l'OTAN et l'Union européenne, ainsi que la reconnaissance par les Alliés de la nécessité d'un partage des tâches adéquat entre les deux organisations.
Lors du sommet de Chicago, les Alliés ont reconnu qu'il incombait aux Européens de combler les lacunes capacitaires proprement européennes et ont souligné l'importance d'assurer la complémentarité entre les deux initiatives. Celle-ci a ainsi été reconnue dans la déclaration des Chefs d'Etat et gouvernement. Malgré le cadre politique contraint des relations entre les deux organisations, les contacts directs entre le Commandement Allié pour la Transformation et l'Agence européenne de Défense, tous deux dirigés par des Français, ont ainsi permis d'éviter toute duplication avec les projets développés dans le cadre de l'initiative européenne de « Mutualisation et de partage ».
C'est en particulier le cas du projet de développement de capacités de ravitaillement en vol mené par l'Agence européenne de défense, que le communiqué de Chicago salue spécifiquement. Dans un contexte où les Etats-Unis avaient proposé, quelques mois seulement auparavant, que l'OTAN lance un tel projet, cela n'allait pas de soi.
Les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Alliance ont également, pour la première fois, souligné l'importance d'une industrie européenne de défense forte. On pourrait lire dans cette évolution l'acceptation implicite par les Etats-Unis d'une redistribution plus équitable des retombées industrielles au profit des Européens, en échange d'un meilleur partage du fardeau, comme le défend la France depuis longtemps. Sur ce point, et notamment sur la préservation de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), il faut cependant noter que nous sommes malheureusement peu soutenus pour l'instant par certains de nos principaux partenaires européens, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne.
Enfin, certains Alliés, l'Allemagne en particulier, défendent une extension du financement commun de l'OTAN à l'acquisition de nouvelles capacités « possédées et opérées par l'OTAN » (sur le modèle de la force AWACS de l'OTAN).
Nous sommes en désaccord fondamental avec cette vision qui exclut la possibilité de contribuer « en nature » aux capacités de l'Alliance (comme nous le faisons en employant, lorsque nous l'estimons opportun, notre flotte nationale d'AWACS dans les opérations de l'OTAN).
Nous continuons donc à rechercher une meilleure gouvernance du financement commun au service d'une véritable concentration des efforts sur les activités prioritaires pour l'Alliance. Ce n'est pas, du point de vue de la France, le rôle de l'OTAN que de se substituer aux responsabilités des Nations dans l'acquisition et le maintien de leurs capacités (c'est particulièrement vrai dans certains domaines comme la cyber-défense, où nous estimons que l'OTAN n'a pas de rôle à jouer pour la protection des réseaux des Nations).
II - Les perspectives pour le système de défense antimissile de l'OTAN
Lors du Sommet de Chicago, l'Alliance a franchi un cap en déclarant une capacité intérimaire de défense antimissile de territoire. Cette capacité intérimaire constitue une première étape de mise en oeuvre opérationnelle de la défense anti-missile. Le contenu de cette capacité reste très faible à ce stade : elle offre aux pays du sud-est de l'Europe une couverture non permanente et très limitée car les moyens disponibles, américains pour l'essentiel, sont peu nombreux.
Le Président de la République a donné son accord à Chicago à la capacité intérimaire et à la poursuite des travaux pour développer la défense anti-missile territoriale de l'Alliance en échange d'un cadre précis et contraignant pour le développement du système, sur plusieurs points :
1) la défense antimissile de l'OTAN est complémentaire de la dissuasion nucléaire, mais elle ne peut s'y substituer ; il s'agissait d'un point essentiel pour nous depuis plusieurs années, qui avait longtemps été contesté par certains Alliés, l'Allemagne en particulier, et que reconnaissent pour la première fois explicitement les Alliés dans le communiqué du Sommet de Chicago;
2) le développement du système de défense antimissile de l'OTAN sera fondé sur une évaluation régulière de la menace et adapté en fonction de l'évolution de celle-ci ; le communiqué de Chicago précise ainsi, à notre demande, que « si les efforts internationaux devaient permettre de réduire les menaces qu'engendre la prolifération des missiles balistiques, la défense antimissile de l'OTAN pourra être adaptée en conséquence, et elle le sera » ;
3) l'OTAN se dotera d'une capacité propre de défense antimissile pour permettre à tous les pays alliés d'exercer leur contrôle politique sur cette capacité. Il s'agit en effet d'éviter de dépendre exclusivement des moyens américains, au moins pour le commandement et le contrôle ;
4) les coûts de la mise en place de la défense antimissile doivent être maîtrisés : seuls les systèmes de commandement et de contrôle seront admissibles au financement commun. Les autres contributions (radars et missiles intercepteurs) sont volontaires et seront financées à titre national ; c'est un point réaffirmé à Chicago de manière encore plus explicite qu'au Sommet de Lisbonne, sur lequel nous restons très vigilants à l'OTAN. Je mets en oeuvre une politique de « tolérance zéro » par rapport à toute tentative de remettre en cause ce paramètre fondamental de ce projet.
5) un dialogue doit être engagé avec les Etats tiers, en particulier ceux qui pourraient être affectés par le système de l'OTAN (en cas d'interception au-dessus de leur territoire, par exemple). Une coopération doit en particulier être recherchée avec la Russie, partenaire parfois difficile, mais indispensable de l'Alliance.
C'est dans ce cadre que les travaux de mise en oeuvre d'une défense antimissile de territoire se poursuivent. La prochaine étape importante doit être la déclaration de capacité opérationnelle initiale de la défense antimissile de l'OTAN, dont la date n'est pas encore fixée.
III - Quel bilan et quelles perspectives pour l'engagement de l'OTAN en Afghanistan ?
En Afghanistan, l'année 2012 a été marquée par des progrès sur le terrain, au moins en termes militaires :
La stratégie arrêtée lors du sommet de Lisbonne (novembre 2010) s'est avérée payante. Sur le plan strictement militaire, la capacité de l'insurrection talibane à menacer l'existence même de l'Afghanistan démocratique a reculé, comme le montre la baisse des attaques initiées par l'ennemi. Surtout, le transfert des responsabilités de sécurité aux autorités afghanes a pu se réaliser à mesure que l'armée et la police afghanes remplissaient leurs objectifs tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Les ANSF ont atteint la cible des 352 000 hommes. Elles ont conduit plus de 80 % des opérations durant la dernière saison de combat.
Ne soyons pas naïfs, pour autant : l'Afghanistan n'est pas devenu une Suisse d'Asie centrale et les forces afghanes n'ont pas atteint le niveau de cohésion et de développement technologique des armées occidentales, loin de là. Mais, là n'était pas l'objectif. Dans les régions dont nous avions la responsabilité (en Kapisa et en Surobi), nous avons pu constater que les forces nationales afghanes avaient atteint un niveau suffisant pour contenir et combattre les Talibans, sans un soutien massif de la FIAS. A l'échelle du pays, les ANSF seront en mesure de diriger la lutte contre l'insurrection dès le printemps prochain. Elles le feront sans soutien international sur le terrain dès le 1er janvier 2015.
On comprend bien que l'objet de ce renforcement des ANSF n'est pas tant l'éradication de l'insurrection talibane que la mise en place d'institutions sécuritaires aptes à protéger l'Etat et la Constitution afghans ainsi que les valeurs que nous portons avec nos partenaires afghans depuis la chute du régime talibans. Il ne s'agit pas de savoir si au 1er janvier 2015 l'insurrection aura été vaincue, mais si les forces afghanes disposeront de la capacité de combattre ceux qui en feront encore partie de manière efficace sans appui extérieur massif.
Elle a aussi été marquée par des décisions sur l'évolution de la présence internationale :
A Chicago, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont pris acte de cette évolution et confirmé que la FIAS arriverait à son terme le 31 décembre 2014. De façon corollaire, de nombreux pays ont pu entamer le redéploiement de leurs troupes. C'est le cas des Etats-Unis qui ont rapatrié au deuxième semestre 2012 les éléments de renfort arrivés sur le théâtre depuis 2010.
Pour la France, constatant le succès de notre mission en Kapisa et en Surobi (transition dans ces deux provinces), le Président de la République a annoncé le redéploiement de notre dispositif, à commencer par nos troupes directement engagées dans les actions de combat dont le retrait s'est achevé en décembre dernier.
Restent sur le théâtre afghan un millier d'hommes pour assurer jusqu'à l'été 2013 la fin de la manoeuvre logistique et environ cinq cents hommes affectés à des tâches de formation ou de soutien aux éléments résiduels de la FIAS (aéroport et hôpital militaires de Kaboul).
En dépit de ces avancées décisives, les défis restent bien sûr nombreux. Et leur nature devient chaque jour plus politique que militaire :
- L'élection présidentielle de 2014 sera un test de la capacité du pays à poursuivre son développement politique,
- Les processus en cours de dialogue et de réconciliation ont connu des développements intéressants (visite au Pakistan du HPC) ; nous avons pu apporter notre contribution (Chantilly) ; mais l'essentiel reste à faire.
- Le soutien aux institutions et à la société afghanes devra se poursuivre. C'est le sens de la décennie de la transformation (2014-2024) annoncée lors de la conférence de Tokyo. Pour notre part, nous y contribuerons à travers notre traité bilatéral d'amitié et de coopération.
Enfin, je n'oublie pas le nécessaire maintien en condition des ANSF pour consolider la stabilité du pays. Ce maintien en condition relève d'abord des Afghans eux-mêmes qui y prendront une part croissante, y compris au plan financier. La communauté internationale apportera un soutien qui lui ira décroissant. Nous y prendrons part à travers la contribution européenne au fonds international de soutien à la police (LOTFA) mais aussi à travers les actions de coopération bilatérales engagées dans le cadre du traité d'amitié et de coopération. Enfin, l'OTAN a pris la décision de déployer une nouvelle mission à partir de 2015. Elle diffèrera de la FIAS par son mandat (formation et conseil, non pas combat) et par son volume (dont le niveau précis n'est pas encore déterminé, mais qui devrait être substantiellement inférieur à celui de la FIAS). Sa planification est en cours.
J'en viens enfin, après ce tour d'horizon des principaux dossiers de l'OTAN, au dernier point de mon intervention :
IV - Comment envisageons-nous dans ce contexte le rôle de l'Alliance et la place de la France en son sein?
Je rappelle que le concept stratégique, adopté en 2010 au Sommet de Lisbonne, définit trois tâches essentielles de l'OTAN :
1) La première responsabilité de l'Alliance reste bien sûr, la défense collective au titre de l'article 5. Le déploiement des missiles Patriot en Turquie, décidé, avec notre plein soutien, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN le 4 décembre dernier, témoigne, s'il en était besoin, de l'actualité et de la pertinence de notre conception de l'OTAN comme étant avant tout une alliance militaire défensive. La défense collective inclut par ailleurs explicitement--et nous restons vigilants sur ce point--la dissuasion nucléaire. Je ne reviens pas sur la garantie obtenue à Chicago sur le caractère complémentaire et non substituable de défense antimissile à la dissuasion.
2) Deuxième mission, la gestion de crises internationales, lorsque les Alliés l'estiment « possible et nécessaire ». La lassitude de nos opinions publiques, après 11 années d'engagement en Afghanistan, comme les considérations budgétaires, rendent improbable le lancement d'une opération de cette envergure dans les années à venir, mais personne ne sait de quoi l'avenir sera fait.
La France continue, par ailleurs, à se déterminer au cas par cas sur l'opportunité d'une opération de l'OTAN en fonction du cadre qui lui semble le plus approprié : Union européenne, OTAN, ou coalition ad hoc. Nous avons ainsi, notamment, toujours indiqué--et nous avons été écoutés--que l'OTAN n'avait aucun rôle à jouer dans la résolution de la crise malienne.
Troisième et dernière tâche de l'OTAN, la « sécurité coopérative », c'est-à-dire la politique de partenariats, sur laquelle je ne m'étends pas faute de temps.
S'agissant, simplement, du partenariat OTAN-UE, au-delà de la coopération opérationnelle sur les théâtres où l'OTAN et l'UE sont engagées côte à côte (Corne de l'Afrique, Afghanistan, Kosovo), et sans revenir sur la coopération dans le domaine capacitaire, nous nous employons à entretenir et dans la mesure du possible renforcer le dialogue politique entre les deux organisations, qui n'est pas à la hauteur des attentes de la plupart des pays alliés et des Etats membres (les raisons en sont connues : le différend turco-chypriote et difficultés de la relation UE-Turquie...).
Cette vision du rôle de l'OTAN, que nous avons contribué à définir en 2010, reste de notre point de vue pertinente, avec les caveats que je viens de décrire. Dans ce cadre, la France est au sein de l'Alliance un allié fiable et solidaire, essentiel à la bonne mise en oeuvre des missions de l'OTAN, mais autonome. A cet égard, je rejoins les conclusions du rapport Védrine, qui soulignait l'importance d'éviter toute « banalisation » de la posture de la France à l'OTAN. Celle-ci nous permet en effet à la fois de faire valoir nos intérêts, de conserver une voix originale et d'être une force de proposition au sein de l'OTAN.
Je résumerai pour finir notre conception en citant la récente tribune du Ministre des Affaires étrangères dans le New York Times, qui me semble bien décrire notre position dans l'Alliance : nous exerçons notre « responsabilité de membre fondateur, engagé au service de valeurs communes, mais qui n'hésite pas, si nécessaire, à faire valoir loyalement ses différences ».
Je vous remercie, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, et je suis à votre entière disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.
A l'issue de cette intervention, un débat s'est engagé au sein de la commission.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai deux questions à vous poser, l'une concernant la coopération avec les pays du Golfe, l'autre concernant le Caucase.
Tout d'abord, je souhaiterais avoir des précisions concernant la coopération de l'OTAN avec les pays du Golfe, notamment dans le cadre de l'initiative de coopération d'Istanbul, qui me paraît très importante compte tenu des enjeux de cette zone stratégique.
Je voudrais également vous interroger au sujet du Caucase. Je reviens d'un déplacement en Géorgie, où j'ai eu plusieurs entretiens avec les nouveaux dirigeants, qui me semblent partagés entre leur volonté de poursuivre leur rapprochement avec l'Union européenne et l'OTAN, et l'idée d'un rapprochement avec la Russie.
M. Jacques Gautier. - Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, de votre disponibilité à l'égard de la Haute assemblée et pour ce tour d'horizon très complet des principaux dossiers discutés au sein de l'OTAN.
A l'initiative du président M. Jean-Louis Carrère, notre commission vient de décider la mise en place d'un groupe de travail consacré à l'Europe de la défense. Or, lorsqu'on souhaite se pencher sur l'Europe de la défense ou la défense de l'Europe, il est difficile de faire abstraction de l'OTAN, qui reste aux yeux de beaucoup de nos partenaires européens, notamment allemands, le fondement de la défense du continent européen. Dans ce contexte, la nouvelle stratégie américaine de rééquilibrage vers la zone Asie Pacifique n'offre-t-elle pas une réelle opportunité pour favoriser l'émergence, sinon d'un « pôle européen », du moins une certaine « européanisation » au sein de l'OTAN, qui pourrait être portée par la France et le Royaume-Uni ?
Concernant le système de défense anti-missiles, dont vous avez rappelé les conditions, notamment en ce qui concerne le centre de commandement et de contrôle, et qui, comme vous l'avez souligné, présente des enjeux non négligeables pour nos industriels, je crains que, à la lumière des réflexions de la commission chargée d'élaborer le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et des contraintes budgétaires actuelles, nous ne soyons pas en mesure d'apporter une contribution, qu'il s'agisse du système d'alerte avancée, du radar de très longue portée ou des intercepteurs, ce qui ferait du système de défense anti-missiles un système entièrement américain. Dans ces conditions, comment les Européens pourraient-ils prétendre jouer tout leur rôle au sein du centre de commandement et de contrôle ?
M. André Dulait. - A Lisbonne, l'Alliance a fixé des objectifs de réforme ambitieux. Il s'agissait de réduire de 35 % les effectifs de la structure de commandement, qui comptait 13 000 hommes, et de regrouper en 3 entités les 14 agences de l'OTAN, qui emploient 8 000 personnes. Enfin, il a paru nécessaire de remettre à plat la gouvernance financière de l'OTAN, pour éviter les dérives constatées ces dernières années sur les programmes d'investissement.
Pouvez-vous nous dire où nous en sommes dans la mise en oeuvre de ces réformes ? Où en est-on de l'allègement de la structure de commandement et de la réforme des agences ? Les objectifs fixés en matière de réduction des effectifs et de réduction des coûts ont-ils été respectés ?
Au moment où nos pays font face à de fortes contraintes budgétaires, il me paraît indispensable de réduire les dépenses bureaucratiques afin de les réorienter sur nos véritables besoins de défense. C'est sur cette réforme que l'Alliance joue sa crédibilité politique, militaire et aux yeux de l'opinion publique.
Son Exc. M. Philippe Errera, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. - Le Dialogue méditerranéen et l'Initiative de coopération d'Istanbul qui structure le dialogue politique et la coopération pratique entre l'OTAN et quatre pays du Golfe à savoir le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït et le Qatar, constituent deux cadres de partenariats importants pour l'Alliance. On l'a vu notamment en 2011 dans le cadre de l'Opération « Protecteur unifié » en Libye au cours de laquelle la contribution du Qatar, des Emirats arabes unis, du Maroc et de la Jordanie s'est révélée déterminante.
S'agissant du Dialogue méditerranéen, qui je le rappelle, regroupe actuellement six pays arabes (l'Algérie, l'Egypte, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie) et Israël, l'Alliance travaille actuellement en collaboration avec ces sept pays, à la rédaction d'une déclaration politique qui servirait de cadre à ce partenariat. Ce travail se heurte toutefois à un certain nombre de difficultés politiques qui découlent des divergences de positions de ces pays sur le conflit israélo-palestinien/israélo-arabe et sur le différend bilatéral turco-israélien.
En ce qui concerne l'initiative de coopération d'Istanbul, le dialogue politique et la coopération pratique avec ces quatre pays du Golfe continuent de se développer de façon satisfaisante à nos yeux. Le Koweït a d'ailleurs proposé récemment de créer sur son territoire un centre d'excellence de l'ICI et cette proposition a été accueillie positivement par les vingt-huit pays de l'Alliance.
Ces pays ont toutefois exprimé un certain nombre d'attentes vis-à-vis de l'OTAN, en particulier en matière de garantie de sécurité, que nous estimons que l'OTAN n'est pas à même de satisfaire. Si nous comprenons les inquiétudes des pays du Golfe vis-à-vis de l'Iran, l'OTAN n'est pas en mesure d'accorder, explicitement ou implicitement d'ailleurs, des garanties de sécurité collective à des pays qui ne sont pas membres de l'Alliance. Accéder à une telle demande reviendrait par ailleurs à créer un précédent qui pourrait conduire d'autres pays partenaires de l'OTAN à exprimer des demandes similaires, impossibles à satisfaire. Ce sont, en revanche, des alliés à titre individuel, comme par exemple les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France qui peuvent nouer des partenariats de défense forts et prendre des engagements clairs. Je pense que nos alliés du Golfe le savent bien, d'ailleurs.
La Géorgie a fait d'importants progrès en matière de démocratie, comme en témoigne la récente alternance pacifique, après une campagne pour les élections législatives pourtant marquée par une rhétorique très agressive et des allégations de fraude ou d'intimidation de part et d'autre ; des réformes restent bien sûr à mener pour consolider les acquis démocratiques et l'Etat de droit, notamment au regard des inquiétudes concernant les poursuites judiciaires engagées contre les anciens dirigeants. Les chefs d'Etat et de gouvernement des Alliés ont, à plusieurs reprises, affirmé que la Géorgie avait vocation à adhérer à terme à l'Alliance, et la France assume pleinement cette décision. Pour autant, nous estimons que certaines questions doivent être résolues avant que la Géorgie ne soit prête à rejoindre le Plan d'action pour l'adhésion, et l'OTAN à plus forte raison. Le nouveau gouvernement s'inscrit à cet égard dans la continuité du précédent en matière d'orientations euro-atlantiques, et a par ailleurs annoncé son intention d'établir un dialogue constructif avec la Russie, le nouveau Premier ministre ayant nommé à cet effet un représentant spécial pour les relations avec Moscou. Nous nous félicitons bien entendu de ces évolutions.
S'agissant de l'Europe de la défense, et au-delà des querelles sémantiques sur le point de savoir s'il faut parler de « l'Europe de la défense », de la « défense européenne » ou d'un « pilier » européen au sein de l'OTAN, il faut bien admettre que, pour la majorité, si ce n'est la totalité de nos partenaires européens, la défense, en Europe, c'est d'abord l'affaire de l'OTAN. Nous ne partageons pas cette vision mais, sauf à vouloir faire l'Europe de la défense à nous seuls, nous devons bien prendre en compte ce constat, non pas pour l'accepter mais pour en tenir compte, car nous n'arriverons pas à faire l'Europe de la défense sans nos partenaires européens.
Face à ce constat, comment la France peut-elle jouer un rôle moteur en faveur de l'Europe de la défense auprès de ses partenaires ?
Il me semble que nous devrions avant tout nous montrer pragmatiques. Je suis frappé, en effet, par le fait que, lorsque nous mettons en avant des arguments pragmatiques, tels que la crainte d'une duplication en matière capacitaire entre l'Union européenne et l'OTAN, par exemple en ce qui concerne les projets lancés dans le cadre de l'initiative « partage et mutualisation » sous l'égide de l'Agence européenne de défense et ceux lancés dans le cadre de la « Smart Defence » de l'OTAN, nous arrivons à convaincre nos partenaires de renforcer les relations et la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne.
Nous ne devons pas renoncer, pour autant, à avoir une vision car il y a une différence fondamentale entre l'Europe de la défense et des Européens qui exercent davantage de responsabilités au sein de l'OTAN. Seule l'Union européenne est en mesure d'offrir un cadre aux Européens pour définir des intérêts communs, puis à décider et lancer des opérations qui répondraient à ces intérêts. Je pense, en effet, que nous assisterons, de plus en plus à l'avenir, à des situations où les Etats-Unis n'auront pas le même ordre de priorités que les Européens, et qu'ils seront réticents à engager l'OTAN dans une opération. Dans ce type de situation, les Européens doivent avoir la capacité de mener des opérations dans le cadre de l'Union européenne, car sinon l'Europe sera condamnée à rester passive et inactive face à une situation de crise qui menace directement ses intérêts. De surcroît, pour la France, la défense reste une dimension essentielle de la construction européenne, une condition de l'Europe politique. Cela répond aussi à notre intérêt. Et, pour promouvoir cette Europe de la défense, le Royaume-Uni me paraît être un partenaire naturel, compte tenu de ses capacités militaires. Certes, il ne faut pas sous-estimer les difficultés et les réticences britanniques à l'égard de l'Union européenne, en particulier sur les questions de défense. Mais, les Britanniques se rendent compte aussi qu'ils ne pourront pas toujours compter sur le soutien indéfectible des Etats-Unis aux européens et ils gardent sans doute en mémoire les cas passés où les soldats européens se sont retrouvés seuls sur le terrain, à l'image de la Bosnie, ou des situations où les Européens se sont trouvés en première ligne, comme lors de l'intervention en Libye. Cette prise de conscience peut favoriser une plus grande responsabilité des européens sur les questions de défense. Mais ce n'est pas un jeu à somme nulle. Je pense que plus les Européens assument leurs responsabilités, plus la relation transatlantique sera équilibrée, plus elle sera donc viable et durable.
Afficher l'ambition de constituer un « pilier » européen au sein de l'OTAN me paraît, personnellement, comporter plus d'inconvénients que d'avantages. Cela serait à la fois trop et pas assez. Cette expression peut apparaître comme trop institutionnelle et pas assez opérationnelle. Elle est vue par les américains comme une provocation dès lors qu'elle est formalisée, et donc il est très difficile de susciter l'adhésion de nos partenaires européens. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas poursuivre et même développer la concertation informelle entre les européens au sein de l'OTAN. Cela aide à ce qu'ils prennent davantage leurs responsabilités, tant au sein de l'OTAN que de l'Union européenne sur les questions de défense.
Concernant la défense anti-missiles et l'éventuelle contribution française, il appartient au pouvoir politique d'effectuer les arbitrages nécessaires. Je peux toutefois vous confirmer que notre capacité à déployer des systèmes d'alerte avancée sera décisive, d'abord du point de vue de nos besoins nationaux, qu'il s'agisse de la dissuasion ou du renseignement, mais aussi du point de vue des moyens et de notre place au sein du futur système de défense anti-missiles de l'OTAN. J'espère donc que le déploiement du système d'alerte avancée, qu'il s'agisse du satellite d'alerte avancée ou du radar très longue portée, seront confirmés par le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et par la future loi de programmation militaire. Je suis plus dubitatif en ce qui concerne les intercepteurs au regard des coûts, de la difficulté à dégager les ressources nécessaires et parce que les intercepteurs ne serviraient par définition qu'à la défense anti-missiles, à la différence des moyens d'alerte avancée. Certes, on ne peut exclure la possibilité que l'essentiel des intercepteurs et des moyens d'alerte soient américains. Mais, concernant le système de contrôle et de commandement, les décisions prises lors du Sommet de Chicago préservent le choix fait en faveur du consortium formé par Thalès et Raytheon Systems. Notre préoccupation est de nous assurer que ce consortium respecte le cahier des charges, qu'il tienne les délais et ne dépasse pas les financements prévus, car cela présente pour nous un enjeu industriel, mais aussi un enjeu politique et de crédibilité.
Comme vous l'avez souligné, lors du sommet de Lisbonne, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Alliance ont marqué leur souhait d'engager un processus de réforme dans plusieurs domaines, notamment pour réduire l'empreinte de la structure de commandement intégré et rationaliser le fonctionnement des agences de l'OTAN. La France a joué et continue de jouer un rôle moteur, avec d'autres pays engagés dans cette même dynamique (Royaume-Uni, Canada, Pays-Bas par exemple), pour que l'Organisation se réforme en profondeur. De ce point de vue, notre retour au sein du commandement militaire intégré a été bénéfique.
L'impératif actuel est de s'assurer de la bonne mise en oeuvre des décisions prises. Alors que la France prend à sa charge un peu plus de 11 % du budget de l'Alliance, nous poursuivons nos efforts afin que la réforme se traduise concrètement par des gains en termes d'efficacité et de réduction des coûts. Nous nous assurons que les ambassadeurs puissent régulièrement constater les progrès accomplis, ou souligner leur absence.
La nouvelle structure de commandement, décidée en juin 2011, est effective depuis le 1er décembre 2012 et sera complètement opérationnelle en décembre 2015. Cette structure, plus compacte que la précédente, est davantage articulée avec les états-majors nationaux. La chaîne de commandement pour les opérations comptera désormais un état-major stratégique, SHAPE, auquel seront subordonnés seulement deux états-majors interarmées, à Naples et à Brunssum, et seulement trois commandements spécialisés respectivement dans les domaines maritime, aérien et terrestre. Le commandement stratégique pour la Transformation (ACT) garde quant à lui la plénitude de ses attributions. Nous passerons ainsi de quelque 13 000 hommes à 8 900, voire moins.
Notre vigilance reste de mise pour que les objectifs de réduction d'effectifs se concrétisent, notamment en termes de contributions nationales, et que les nations honorent bien les postes subalternes qu'elles doivent remplir en fonction du nombre d'officiers généraux dont elles disposent dans la structure. Surtout, nous restons vigilants sur les économies à obtenir. Il existe, en effet, une tentation au sein de la structure, de compenser la diminution des effectifs par le recours à l'externalisation, avec des consultants, ce qui pourrait aboutir à une augmentation des coûts, qui serait inacceptable à nos yeux.
Dans le cadre de la réforme des agences, trois agences - Soutien, Acquisition, Communication et information - ont été mises sur pieds le 1er juillet dernier pour prendre la succession des quatorze entités existantes. Notre objectif est d'améliorer la gouvernance des agences, en laissant davantage de marges de manoeuvre à leurs directeurs généraux, tout en renforçant le contrôle des Nations, chargées de donner les grandes orientations et enfin de parvenir à des gains financiers de l'ordre de 20 %. En l'absence de candidat retenu pour le poste de direction de l'agence Acquisition, le directeur général de l'agence Soutien l'occupe à titre intérimaire. La question d'une fusion de ces deux agences est d'ores et déjà envisagée.
M. Jacques Berthou. - Je voudrais revenir sur le retrait des forces combattantes françaises d'Afghanistan. Ce retrait a-t-il eu des conséquences sur notre place au sein de l'OTAN et quelles ont été les réactions de nos alliés ?
Mme Leila Aïchi. - Je m'interroge sur le rôle actuel et l'avenir de l'OTAN à la lumière notamment de la nouvelle stratégie américaine de rééquilibrage vers la zone Asie Pacifique. L'OTAN vous semble-t-elle toujours garder sa pertinence aujourd'hui ? Faut-il revoir ses missions et son fonctionnement, voire supprimer cette organisation ?
M. Jean-Louis Carrère, président. - La représentation permanente de la France auprès de l'OTAN constitue un élément déterminant de notre influence au sein de l'Alliance atlantique. Or, comme nous pouvons le constater lors des déplacements à Bruxelles dans le cadre de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, les effectifs de notre représentation restent sous-dimensionnés, notamment par rapport à ceux de nos principaux partenaires européens. Je rappelle que les effectifs de la représentation française auprès de l'OTAN sont inférieurs de moitié à ceux de la représentation britannique, d'un tiers à ceux de la représentation de l'Allemagne et qu'ils sont du même ordre que ceux de la représentation des Pays-Bas. Dans ce contexte, malgré la qualité des femmes et des hommes qui travaillent, sous votre autorité, au sein de la représentation permanente, avez-vous réellement les moyens de mener une politique d'influence ? Plus généralement, à la lumière du rapport de M. Hubert Védrine, avez-vous le sentiment que nous avons à Paris une réelle vision stratégique de l'OTAN ?
M. Jacques Gautier. - Je souhaiterais avoir des précisions au sujet de la force de réaction de l'OTAN (NRF), qui me semble présenter une importance particulière pour le format de nos forces, notamment dans le cadre des réflexions actuelles de la commission chargée d'élaborer le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Or, il semblerait que certains pays européens soient favorables à l'idée d'une réduction du format de cette force, pour des raisons essentiellement budgétaires.
Son Exc. M. Philippe Errera, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. - Le retrait des forces combattantes françaises d'Afghanistan au cours de l'année 2012 n'a pas suscité de tensions avec nos alliés, en particulier grâce à la manière dont le Président de la République a traité ce sujet, notamment lors de son entretien avec le Président Barack Obama juste avant le Sommet de Chicago. Les contacts pris avec nos alliés, notamment par le ministre de la défense et ses conseillers, ont également permis d'aplanir d'éventuelles réactions. Enfin, nous avons communiqué très tôt à l'OTAN et à nos alliés notre plan de retrait, si bien que personne n'a été pris au dépourvu. Sur le terrain, les choses se passent également très bien, tant du point de vue de nos relations avec les Afghans, qu'avec nos alliés ou les pays de la région. Du point de vue des équipements, environ 62 % ont été rapatriés fin décembre, et l'ensemble du matériel devrait avoir été rapatrié avant l'été.
A quoi sert l'OTAN ? Il existe presque autant de réponses à cette question que de pays alliés.
A nos yeux, l'OTAN présente surtout l'avantage de servir de « boite à outil » pour intervenir avec nos alliés lors d'opérations de gestion de crise, comme nous avons pu le constater lors de l'opération en Libye. La « machinerie » de l'OTAN, pour reprendre la formule du Premier ministre britannique, c'est-à-dire la possibilité de recourir aux structures de commandements intégrés, représente pour nous une réelle utilité.
Compte tenu de notre histoire, de notre doctrine et de nos capacités propres, en particulier du rôle de la dissuasion, nous ne comptons pas sur l'OTAN pour la protection de notre territoire. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne sommes pas pleinement solidaires de nos alliés, et nous contribuons à la défense collective de l'Alliance.
A notre sens, la nouvelle stratégie américaine de rééquilibrage vers la zone Asie Pacifique représente une réelle opportunité pour un partage plus équitable des responsabilités entre américains et européens, qui elle-même est nécessaire, comme je l'ai indiqué, à l'avenir de l'OTAN. Cette vision n'est cependant pas partagée par tous nos partenaires européens, et certains, pour des raisons qui tiennent à leur histoire et à la géographie, s'inquiètent de cette nouvelle stratégie américaine et craignent comme un abandon un éventuel désengagement américain du continent européen. On peut cependant penser que c'est davantage l'écart croissant entre l'effort de défense des Etats-Unis et celui des Européens qui risque de menacer l'OTAN et la garantie américaine, compte tenu des critiques croissantes au sein de la classe politique et de l'opinion américaine, le contribuable américain n'acceptant plus de payer pour assurer la défense des Européens.
A cet égard, il est intéressant d'entretenir un dialogue étroit avec des pays comme la Pologne, qui, comme nous d'ailleurs, est très attaché à l'OTAN et à la relation transatlantique, tout en jouant un rôle très important et constructif pour l'Europe de la défense.
S'agissant, Monsieur le Président, des effectifs de la représentation permanente de la France auprès de l'OTAN, il est vrai que le plein retour de la France au sein du commandement militaire intégré et des structures et organes de l'OTAN ne s'est traduit que par la création d'un seul poste de diplomate supplémentaire. Je peux compter sur une équipe de collaborateurs - diplomates, militaires ou ingénieurs de l'armement - de remarquable qualité, mais je ne vous cacherai pas qu'ils doivent faire face à une charge de travail considérable, assimilable à une forme de sacerdoce, et qu'une augmentation de nos effectifs nous permettrait d'être encore davantage présents et actifs, et donc de renforcer notre place et notre influence au sein de l'OTAN. Je sais cependant quelles sont les contraintes qui pèsent sur ces décisions.
La force de réaction de l'OTAN (NRF) joue un rôle très important qui est appelé à se renforcer avec le retrait d'Afghanistan. L'opération en Afghanistan avait permis de renforcer sur le terrain l'interopérabilité entre les différents contingents. Dans l'avenir immédiat, c'est la force de réaction de l'OTAN qui devrait permettre de conserver cette interopérabilité. C'est le souhait partagé du Secrétaire Général de l'OTAN, des Américains, des Britanniques, de la France et d'autres. C'est l'un des sujets qui sera traité par la prochaine réunion ministérielle.
Enfin, au-delà des contingences quotidiennes, comment définir une vision française de l'OTAN, une vision de la France pour l'OTAN ?
Une richesse sur laquelle nous appuyer est notre capacité à sortir d'une vision repliée sur nous-mêmes, à avoir un dialogue constant avec nos partenaires, mais aussi avec le Parlement, les « think tanks », et à mener des exercices de réflexion, tels que ceux menés au sein de la commission chargée d'élaborer le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Questions diverses
M. Jean-Louis Carrère, président. - Vous savez que nous avons demandé et obtenu un débat le 30 janvier à 18 h 30 sur les conditions de notre retrait d'Afghanistan et l'avenir de notre coopération dans ce pays. Le Gouvernement et moi-même nous interrogeons sur l'opportunité de le maintenir compte tenu du déroulement, au même moment, de l'opération SERVAL au Mali. Je tiens à ce que nous prenions cette décision ensemble étant entendu que le Gouvernement a indiqué qu'il accepterait la décision de la commission quelle qu'elle soit. Je vous consulte donc.
M. Jacques Gautier. - A l'UMP, ce sujet a été abordé, et nous sommes d'accord sur le fait que parler de l'Afghanistan, qui n'est plus au coeur de l'actualité, et en pleine opération au Mali, n'est pas forcément opportun. Donc un report à un moment plus serein nous ne choquerait pas, après tout le retrait devrait se faire dans de bonnes conditions. Automatiquement, dans le débat, Afghanistan et Mali vont être liés, je ne suis pas certain que ce soit dans l'intérêt des opérations actuelles.
M. Michel Boutant. - Je pense qu'il faut voir ce report comme la possibilité de dresser un bilan de ce retrait, afin de voir comment les forces afghanes, gendarmerie, police ou forces armées, fonctionnent une fois que les Français, et d'autres, seront partis.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Ma position, dont j'ai fait part à Alain Vidalies, est d'attendre la fin complète du retrait logistique et que le nombre de soldats instructeurs et coopérants en Afghanistan soit de l'ordre de 500, puis organiser le débat à ce moment-là, c'est-à-dire vers le milieu de l'année 2013.
Mme Leila Aïchi. - Il est hors de question de lier les deux conflits, néanmoins dresser un bilan de l'opération en Afghanistan, compte tenu de ce qui se passe pour l'instant au Mali, ne me paraît pas surréaliste.
M. Gilbert Roger. - J'ai la même position.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je propose donc au ministre de ne pas renoncer au bilan mais de le décaler à une période que la commission jugera plus opportune. Nous fixerons nous-mêmes la date de ce débat.
M. Jacques Gautier. - D'autant plus que si nous souhaitons avoir une vision réelle de l'Afghanisation, il faut se donner un peu de temps. Il semblerait d'ailleurs qu'un accord permettrait à des Taliban ayant renoncé à Al-Qaïda de se voir confier des missions en zone Pachtoune, voire d'être nommés gouverneurs. Il sera d'autant plus intéressant d'avoir le débat au moment où nous aurons de plus amples informations à ce propos.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Il en est ainsi décidé et je vais informer Monsieur le président du Sénat, de notre décision.
Mercredi 23 janvier 2013
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Audition du général Jean Debonne, directeur central du service de santé des armées
La commission auditionne le général Jean Debonne, directeur central du service de santé des armées.
M. Jean-Louis Carrère, président - Général, c'est un plaisir de vous accueillir dans notre commission pour la première fois.
Vous avez été nommé le 18 octobre dernier par le ministre de la défense directeur central du service de santé des armées avec un projet de service ambitieux et novateur.
Vous êtes médecin général et aujourd'hui le responsable d'un service qui comprend 16 000 hommes et femmes dont la mission est d'assurer en toutes circonstances, y compris sur les théâtres d'opérations, le soutien médical des forces armées.
Cette mission essentielle comprend : la composante médicale du soutien opérationnel des forces dans la préparation des opérations, la prise en charge médicale des blessés et des malades sur les théâtres d'opérations et le suivi de l'état de santé du militaire tout au long de sa vie.
Il s'agit d'une « médecine des forces » et d'une « médecine hospitalière » ancrées dans le territoire national, et projetables. Le service de santé des armées a une réputation d'excellence que nous connaissons tous, aussi bien sur le terrain avec une prise en charge du malade au plus près des combats, que sur le territoire national avec des hôpitaux militaires de référence.
Les activités de votre service requièrent des compétences spécifiques, notamment pour ce qui est des traumatismes de toutes natures, y compris psychologiques, liés aux combats ou pour faire face aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Mais les hôpitaux militaires soignent une gamme étendue de pathologies et accueillent une proportion croissante de patients civils.
En 2010, un rapport de la Cour des comptes a souligné la vulnérabilité importante de ce service face aux évolutions du contexte économique et de l'organisation de la santé en France. Il a mis en évidence un fort déséquilibre financier, un risque de dégradation de la qualité des soins et de l'attractivité à la fois pour les patients et pour les personnels soignants.
Un nouveau contrat opérationnel du service de santé des armées a été adopté en 2011.
Avant de prendre vos fonctions, vous avez été chargé d'une mission prospective sur l'avenir de ce service qui a en partie confirmé ces craintes et dessiné les principales caractéristiques d'un projet qui permettrait à ce service de s'adapter à son environnement et de maintenir sa spécificité militaire et la qualité de ses soins.
C'est à l'aune de cette réflexion que vous avez été nommé par le ministre de la défense. Vous avez annoncé, il y a quelques jours les principes qui devraient guider votre nouveau projet de service avec notamment un meilleur adossement au système de santé publique et un recentrage de l'activité sur les missions militaires.
Ce projet ne sera naturellement validé qu'après les travaux du Livre blanc qui définira notamment le contrat opérationnel des armées.
C'est l'annonce de ce projet ambitieux qui nous a conduits à vous inviter devant la commission.
Avant d'exposer les caractéristiques de votre projet, je souhaiterais que vous nous présentiez l'état du service tel que vous l'avez trouvé, ses missions, les difficultés que vous anticipez et enfin les perspectives tracées par votre projet.
Je vous cède la parole.
Général Jean Debonne, directeur central du service de santé des armées - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis très sensible à l'honneur que vous me faites en me demandant de venir vous présenter le projet du service de santé des armées (SSA) que j'ai l'honneur de diriger depuis le 18 octobre 2012. Et ceci au moment même où, une nouvelle fois dans son histoire, il s'engage très fortement avec nos forces sur un nouveau théâtre d'opération extérieure.
Car en effet, la mission principale du SSA est de soutenir les forces en opérations, de les y préparer sur le plan médical, et de prendre en charge les blessés et les malades rapatriés des théâtres d'opération. Cette mission comporte des activités très diverses de soins, d'expertise, de conseil au commandement que le service exerce, sur le territoire national en contribuant ainsi à l'offre publique de santé.
Pour remplir ses missions, le SSA dispose d'un effectif de 16 000 personnes et d'un budget d'environ 1,5 milliard d'euros, pensions comprises, dont 37 % lui viennent des attributions de produits générés essentiellement par son activité hospitalière. Pour mémoire, le SSA représente à lui seul 80 % des recettes extrabudgétaires du ministère de la défense. Il s'appuie pour cela et comme vous le savez sur 5 composantes : les centres médicaux, les hôpitaux d'instruction, les écoles de formation, l'institut de recherche biomédicale et les établissements de ravitaillement sanitaire.
L'exercice de ces missions se heurte cependant à des difficultés dont certaines ont été exposées dans le rapport public thématique « médecins et hôpitaux militaires » de la Cour des comptes de 2010, rapport qui avait identifié deux défaillances majeures : un défaut de performance économique et une grande insuffisance de relations avec le système public de santé.
Si le SSA a engagé une transformation de grande ampleur, elle s'avère, de mon point de vue, insuffisante et nécessite la mise en oeuvre d'un nouveau projet de service. Or ce projet n'est pas une simple adaptation mais un véritable changement de paradigme, une rupture au sens stratégique du terme et c'est la raison pour laquelle je souhaite vous en présenter aujourd'hui le cadre général.
Mais tout d'abord permettez-moi de remonter un peu dans le temps...
Depuis sa création en 1708, le service de santé des armées n'a cessé d'évoluer au sein de deux mondes, celui de la défense et celui de la santé, en répondant aux besoins des forces et en s'adaptant aux progrès de la médecine, auxquels il a souvent contribué. Ainsi et au-delà de sa mission de soutien médical des forces armées, le service de santé a représenté l'un des tous premiers systèmes de santé organisé, intégrant au fil du temps les domaines du soin, de la prévention, de l'expertise, de l'enseignement et de la recherche.
Les conflits majeurs qui ont frappé l'Europe, les grandes campagnes militaires outre-mer, les particularités des blessures et des maladies dont étaient victimes les soldats, la lutte contre les grandes endémies tropicales, la prise en charge intégrale des appelés du contingent ont plus que justifié, jusqu'à la fin du 20è siècle, l'existence d'un service de santé des armées largement dimensionné, dédié et autonome, voire indépendant. En effet, sa coexistence avec l'émergence et le développement d'un service public civil de santé, aujourd'hui fortement structuré et exigeant, s'est faite sans aucune véritable relation institutionnelle.
Cependant, les bouleversements géostratégiques survenus à la fin des années 80 ont profondément modifié les missions et les conditions d'emploi des forces armées et, de ce fait, impactent, comme jamais dans son histoire, le service de santé des armées. Celui-ci a connu, dans le même temps, la fin de la coopération sanitaire en Afrique et la suspension de la conscription sur le territoire national. Il a dû aussi, dans un contexte de fortes contraintes normatives et financières, faire face aux évolutions fulgurantes de la médecine et du monde de la santé, tant scientifiques et technologiques, qu'organisationnelles et économiques.
Confronté à ces évolutions majeures de la défense et de la santé, le service de santé des armées n'a cessé d'évoluer. Malgré ses efforts, des points de fragilité sont apparus, menaçant à terme la qualité du service rendu aux forces et donc in fine la capacité opérationnelle de nos armées.
A la suite des audits de la révision générale des politiques publiques en 2008 puis du rapport thématique « Médecins et hôpitaux des armées » de la Cour des comptes en 2010, le service a entrepris un vaste programme de transformation. Toujours en cours aujourd'hui, ce processus avait pour principal objectif la rationalisation et l'optimisation des moyens dans un souci de performance accrue.
Si des résultats significatifs ont été obtenus, des questions se posent néanmoins aujourd'hui :
- cette transformation suffira-t-elle ?
- et si tel n'était pas le cas, le service aurait-il le temps, les moyens et l'énergie pour entreprendre une nouvelle transformation ?
Force est de reconnaître qu'il est bien difficile de répondre à ces questions.
Pourquoi ? Parce que cette transformation aussi utile et nécessaire soit-elle, présente des limites :
- elle n'a en effet été que réactive à des critiques et à des contraintes et manque ainsi de proactivité au regard des évolutions de son environnement ;
- elle est essentiellement centrée sur des problématiques économiques et de gestion qui n'ouvrent pas de nouvelles perspectives susceptibles de motiver et d'entraîner son personnel vers un avenir attractif ;
- enfin, elle n'est que partielle, n'ayant pas ou très peu touché la composante hospitalière qui représente pourtant un pilier majeur du SSA, tant par ses missions que par l'importance des ressources qui lui sont allouées.
Anticiper les contraintes nouvelles que feront peser sur le service de santé des armées les évolutions en cours de la défense et de la santé, telle est l'ambition du nouveau projet de service dont les grands axes stratégiques ont été récemment validés par l'état-major des armées et le cabinet du ministre de la défense.
Cette nouvelle stratégie, qui s'appuie sur les valeurs, l'identité et les qualités intrinsèques du service et de ses personnels, doit prendre en compte ces deux causes majeures de vulnérabilité que sont la dispersion, d'une part, et l'isolement, d'autre part.
Pourquoi la dispersion ? Parce que le principe d'autosuffisance, appliqué à la globalité de la mission du soutien des forces, a conduit le service de santé des armées à multiplier ses activités et à diviser ses moyens. Cette posture l'a d'autant plus fragilisé que pèsent sur lui des contraintes techniques et financières de plus en plus lourdes au point de mettre en cause sa performance économique et de compromettre à terme la qualité du service rendu.
Le service de santé doit aujourd'hui prendre toute la mesure des évolutions majeures de son environnement et admettre qu'il n'est plus en capacité d'assurer seul la globalité de la mission de soutien santé des forces et l'intégralité des activités qu'elle exige. Certaines de ces dernières ne sont pas en relation directe avec le soutien des forces mais contribuent à créer un environnement technique favorable aux disciplines projetables. Il a le devoir de mettre en oeuvre la mesure qui s'impose : le recentrage de ses activités sur le versant opérationnel du soutien santé et sa préparation.
Pourquoi l'isolement ? Parce que le principe d'autodétermination a maintenu trop longtemps le service de santé à l'écart de son environnement, le fragilisant, alors que tout, autour de lui, et notamment la santé, s'organisait fortement. La définition des capacités à détenir et la garantie de leur entière disponibilité pour le soutien opérationnel des forces justifient certainement ce principe d'autodétermination et ne sauraient être discutées. Toutefois, ce principe ne doit plus être appliqué aux autres activités. En effet, depuis plus de 20 ans maintenant, cet isolement génère pour le service plus de contraintes qu'il n'apporte d'avantages. De ce fait, le service de santé des armées, et particulièrement les hôpitaux militaires, n'ont eu d'autre choix que de développer des relations de plus en plus nombreuses et de plus en plus fortes avec leurs territoires de santé, se détachant de facto du champ exclusif des armées et de la défense.
Mais cette ouverture qui s'intensifie, sans remise en question du principe d'autodétermination, reste fragile, déséquilibrée et finalement peu favorable au service. Elle est aussi source de confusion, la position du service étant mal comprise, en particulier par le monde de la santé et par ses tutelles qui ne comprennent pas que le SSA exerce des activités sans relation avec le soutien opérationnel des forces, sans réelle concertation et parfois même en concurrence avec la santé publique.
Si dispersion et isolement sont, d'une certaine façon, le prix à payer d'une doctrine reposant sur l'autosuffisance et l'autodétermination, ne faut-il pas, dès lors, changer cette doctrine ? Telle est aujourd'hui la question que l'on doit se poser, et à laquelle le service a choisi de répondre, à la demande du ministre de la défense et du chef d'état-major des armées, en élaborant un nouveau projet, sur de nouveaux principes. Ce nouveau projet de service comprend deux axes majeurs : le recentrage et l'ouverture. Ces deux axes ne sont pas indépendants comme nous le verrons.
Le premier axe concerne le recentrage.
Le soutien médical opérationnel des forces étant la raison d'être du service de santé des armées, les activités qui concourent directement à la mise en oeuvre de la chaîne santé opérationnelle sont absolument prioritaires ; et ce, dès la zone de contact jusqu'au rapatriement et à la prise en charge sur le territoire national des blessés et des malades. Ces activités opérationnelles relèvent des compétences particulières, spécifiques du SSA et en ce sens uniques. En effet, le SSA apparaît aujourd'hui seul capable de les assurer et donc de répondre au besoin opérationnel des forces.
Pour ce qui concerne les activités qui ne concourent pas au soutien médical opérationnel et qui sont déjà réalisées par le service public de santé, le SSA, bien que devant en assumer la responsabilité devant le ministre de la défense et le chef d'état-major des armées, ne doit pas systématiquement en assurer seul la réalisation. De ce fait, ces activités peuvent être partagées en pleine synergie et totale complémentarité.
Concrètement, le recentrage, concerne l'ensemble des cinq composantes du service de santé des armées. Au sein de ces composantes, l'offre de soins au sens large, c'est-à-dire les soins curatifs, la prévention et l'expertise sera la plus concernée.
Cette offre de soins est portée par les deux composantes majeures que sont la médecine des forces d'une part et la médecine hospitalière d'autre part.
Ce recentrage doit d'abord s'envisager par une remise en question de l'équilibre entre ces deux piliers. Il faut être conscient qu'aujourd'hui la médecine des forces représente moins du quart des ressources humaines et financières du service de santé des armées alors que l'hôpital en bénéficie de plus de la moitié.
Pourtant c'est bien la médecine des forces, qui assure le 1er recours, le maillage territorial et qui représente le service de santé au sein des armées. C'est aussi la médecine des forces qui assure dans les conditions les plus difficiles qui soient, les deux premières étapes de la chaîne santé opérationnelle que sont la relève des blessés (souvent sous le feu) et leur évacuation tactique sur le théâtre d'opération. C'est aussi elle qui est en charge de la formation aux techniques du sauvetage au combat de chaque soldat afin de réduire autant que possible les délais de prise en charge. C'est enfin ce personnel qui paie le plus lourd tribut car il est le plus directement exposé au danger.
Or, les conditions d'exercice de la médecine des forces ne sont pas optimales aujourd'hui.
Si une mise à niveau des moyens consentis comme l'infrastructure, les systèmes d'information et de communication, les véhicules sanitaires et tactiques est urgente à réaliser, il convient aussi de reconsidérer la part insuffisante des activités consacrée aux soins et à l'urgence faute de temps, les parcours professionnels proposés aux personnels et la valorisation de leur engagement. Car c'est à ce prix que perdurera l'attractivité pour ces métiers dont nos forces ont le plus grand besoin. C'est aussi à ce prix que le service de santé des armées pourra résoudre la difficile équation d'un soutien garantissant la technicité médicale et soignante tout en restant proche des unités. De notre capacité à résoudre cette équation dépendra directement la qualité du service rendu, sur le territoire national comme en opérations extérieures.
Le recentrage passe également par un réexamen de la 2ème composante de l'offre de soins du service de santé : l'hôpital.
Les 9 hôpitaux d'instructions des armées sont constitués sur un modèle unique d'hôpital généraliste, de petite taille, à l'offre de soins lourde et très diversifiée. Ce modèle est aujourd'hui très fragile et structurellement déficitaire. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les spécialités d'intérêt majeur pour les forces, comme par exemple la chirurgie, l'anesthésie et la réanimation avec un risque réel pour le maintien et le développement des compétences médicales et paramédicales. Aussi, l'hôpital militaire doit-il lui aussi recentrer ses activités sur les disciplines contribuant directement à la mise en oeuvre de la chaîne santé opérationnelle et à la prise en charge des blessés et malades rapatriés des théâtres d'opérations. Pour garantir le niveau d'activité nécessaire au maintien des compétences, ses équipes doivent aussi être densifiées et soutenues. C'est à ces conditions que les autorisations d'exercices et les agréments nécessaires à la formation des internes seront préservés. Il s'agit donc d'opérer une véritable mutation d'un modèle ancien devenu fragile vers un nouveau modèle économiquement performant. Le maintien de neuf établissements n'est absolument pas incompatible avec cette ambition. Toutefois, la réforme nécessaire suppose une importante réorganisation de l'offre de soins hospitalière et l'abandon du modèle unique ainsi qu'une nouvelle relation avec le service public de santé.
Car chaque hôpital militaire devra apporter une réponse adaptée certes à la communauté de défense mais aussi aux besoins de son territoire de santé.
Le deuxième axe concerne l'ouverture.
Malgré les échanges que développe le service de santé des armées avec son environnement de santé, il n'en reste pas moins un acteur « à part » de l'offre de soins territoriale. Sa doctrine était celle du concours au service public, et non de sa réelle participation.
Sa position actuelle, tout en lui imposant les contraintes qui pèsent sur l'ensemble du système de santé en France, le laisse de surcroît seul face à sa mission de soutien opérationnel des forces. Son activité, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, ses capacités de coopération, le maintien à niveau de ses équipements et de ses infrastructures, de plus en plus coûteux, sont directement menacés. De plus, et en quelques années, les hôpitaux militaires, soumis à la tarification à l'activité, se sont retrouvés en concurrence avec les hôpitaux publics.
Pour rompre avec cette logique qui conduit à séparer voire à opposer ces deux services de l'Etat que sont le service de santé des armées et le service public de santé, le SSA doit devenir un acteur à part entière, et non entièrement à part, du service public de santé dans lequel il doit inscrire ses capacités en complémentarité et en synergie.
C'est seulement ainsi que ses moyens pourront réellement être pris en compte, mettant alors fin à son isolement.
Toutefois, si le service de santé ambitionne de devenir un acteur à part entière du service public de santé, il n'en reste pas moins un acteur particulier puisqu'en charge d'une mission spécifique : le soutien médical opérationnel des forces armées. A cet effet, les capacités à détenir et leur disponibilité pour la mise en oeuvre de la chaîne opérationnelle santé, sont l'objet d'un contrat opérationnel entre le SSA et les armées qui ne saurait être remis en cause. C'est tout l'enjeu de cette nouvelle relation SSA - santé publique que de concilier la disponibilité des ressources du service de santé des armées pour le soutien des forces avec son insertion dans les territoires de santé où il est implanté.
Cette ambition passe notamment par l'élaboration de coopérations, comme par exemple la création d'équipes médicales de territoire civilo-militaires.
Cette nouvelle relation, qui suppose une plus grande solidarité entre ces deux acteurs de la santé, s'inscrit pleinement dans le lien Armées-Nation et suppose un dialogue au plus haut niveau entre les ministères concernés, et une volonté politique partagée à l'échelon national et régional.
Elle suppose aussi de revisiter en profondeur la place de la réserve opérationnelle et citoyenne du service de santé des armées qui pourrait voir son rôle modifié de façon significative dans les années à venir.
Ce nouveau projet ne peut se concevoir qu'ensemble, puisqu'il se déclinera ensemble, dans le respect des missions spécifiques et des identités des acteurs. Le recentrage et l'ouverture permettront ainsi au service de santé des armées de continuer à garantir la qualité du service rendu aux forces armées.
Mais, avant de conclure, je voudrais évoquer devant vous une autre dimension du SSA.
Par sa position unique au sein des mondes de la défense et de la santé, le service de santé des armées parvient à faire la synthèse des valeurs portées par ces deux communautés, toutes deux animées par l'esprit de service. Il a fait la preuve d'aptitudes uniques que lui confère sa militarité, tout au long de son histoire et encore aujourd'hui en s'engageant dans l'urgence au sein même des forces. Capacité de réaction immédiate, robustesse, résistance en milieu hostile voire agressif, aptitude à durer et à s'adapter sont autant de qualités qui le caractérisent et qui pourraient être sollicitées plus largement dans le cadre de la résilience de la Nation à laquelle le service participe déjà. Ainsi, au-delà de l'ouverture vers le service public de santé, la question de l'organisation d'un dialogue interministériel concernant le SSA est posée.
En conclusion, Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, le changement de paradigme proposé par ce projet de service souligne clairement que le SSA ne peut plus choisir seul ses évolutions, pas plus qu'il ne peut conduire seul ce changement.
L'importance des enjeux actuels, qu'ils soient militaires, de santé publique ou sociaux, dans un contexte économique contraint, nous impose de rechercher, ensemble, les solutions permettant de garantir à la Nation un soutien médical opérationnel de ses forces engagées sur les théâtres d'opération, mais également l'utilisation pleine et entière de ses moyens de résilience.
Soyez assurés, Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de mon engagement personnel dans cette voie mais également de celui de l'ensemble du personnel du service de santé des armées.
Mme Nathalie Goulet. - Les élus ruraux que nous sommes sont confrontés aux problèmes des déserts médicaux et aux difficultés de recrutement qui conduisent de nombreux hôpitaux à recruter des médecins étrangers. Êtes-vous confronté aux mêmes difficultés ?
M. André Dulait. - Je veux tout d'abord souligner la qualité des soins offerts par le service de santé des armées aux blessés d'Afghanistan que j'ai rencontrés dans le cadre des activités de la commission. Ma première question porte sur la concurrence entre le service de santé des armées et les autres acteurs du système de santé français en matière de recrutement. J'aurais notamment souhaité savoir combien de praticiens abandonnent le service de santé des armées pour d'autres structures publiques ou privées. Ma deuxième question porte sur le rapport de la Cour des comptes. Ce dernier soulignait que l'activité des hôpitaux militaires était prioritairement tournée vers les patients civils. Est-ce le cas ? Cette situation est-elle critiquable ?
M. André Trillard. - J'aurais aimé savoir quelle est la proportion de l'activité de l'hôpital de Kaboul consacré aux militaires et aux personnes civiles locales et quelles sont les modalités de financement de cette structure ?
Général Jean Debonne - Le service de santé des armées ne connaît pas de difficulté particulière de recrutement pour les praticiens. La quasi-totalité de ceux-ci sont issus de ses écoles de formation. La gestion des effectifs de médecins spécialité par spécialité nous conduit cependant à avoir un volet de personnels contractuels de l'ordre de 10 à 15 % dans lequel il peut y avoir des praticiens étrangers. Une de nos préoccupations pour l'avenir est que plus le service de santé des armées sera petit, plus la gestion des flux et des carrières sera difficile. En outre, la gestion des ressources humaines n'est pas facilitée par la rigidité du statut du personnel hospitalier militaire qui n'offre pas les mêmes souplesses que la fonction publique hospitalière.
Un certain nombre de praticiens militaires poursuivent leur carrière dans le civil. Il s'agit d'un processus assez naturel, notamment parce qu'avec l'âge, un certain nombre de nos praticiens ne remplissent plus les conditions opérationnelles pour être projetés sur des zones de combats. Ce flux participe donc au renouvellement des effectifs et permet au service de santé d'essaimer dans le secteur civil. Il arrive cependant que ces départs suscitent des difficultés dans certaines spécialités et en particulier actuellement dans le domaine de la réanimation. Il est à noter qu'un certain nombre de ces praticiens participent à la réserve opérationnelle qui joue un rôle important dans le fonctionnement du service de santé des armées.
Le projet que je porte, vous l'aurez compris, vise à élargir le socle des effectifs des praticiens sur lesquels repose le service de santé des armées en y intégrant des praticiens du civil afin de constituer ce que l'on pourrait appeler des équipes médicales civilo-militaires et de réduire ces problèmes de gestion liés à ces départs et surtout aux projections en opérations extérieures.
Le rapport de la Cour des comptes a relevé, à juste titre, que 80 % des activités des hôpitaux militaires étaient liés à l'accueil de personnels civils. C'est une situation qui peut paraître paradoxale dans la mesure où le ministère de la défense apparaît financer des structures à vocation militaire pour une activité essentiellement civile. Le paradoxe n'est cependant qu'apparent. Il faut en effet avoir à l'esprit que la qualité des soins des hôpitaux militaires, comme des hôpitaux civils, est en relation directe avec le niveau d'activité des services. Or avec la fin du service militaire obligatoire en 1996 et accessoirement la réduction de la coopération médicale dans les ex-colonies, les hôpitaux militaires ont perdu une activité « captive ». Il aura donc fallu accueillir des patients civils pour maintenir leur niveau d'activité, c'est-à-dire maintenir les compétences des praticiens hospitaliers du service. Si nous ne l'avions pas fait ça, c'est la qualité des soins et donc la légitimité du service de santé des armées qui auraient été en péril, d'autant plus que le militaire français a depuis toujours le libre choix de son praticien.
La problématique qui se pose pour l'avenir est identique. Nous devons nous ouvrir aux autres acteurs publics de la santé pour maintenir la compétence de nos services. De ce point de vue, l'adossement au système de santé public civil sera une garantie de la qualité des soins offerte aux personnels militaires.
M. Jeanny Lorgeoux. - Comment, dans ce contexte où le service de santé des armées prendra une part de responsabilité croissante dans le système de santé publique, arriverez-vous à concilier cette mission avec les missions opérationnelles qui sont par nature imprévisibles ?
Général Jean Debonne - Vous posez la bonne question. Comment exister dans le civil tout en étant capable de déployer un soutien médical opérationnel un jour en Afghanistan, l'autre jour au Mali ? Ma conviction est que si nous maintenons le système en l'état, nous aurons des difficultés croissantes à assurer notre contrat opérationnel. Je prends un exemple : nous disposons de 40 équipes chirurgicales dont 30 sont projetables sur le terrain. Lorsque l'ensemble des forces prévues dans le cadre de l'opération SERVAL sera déployé, un tiers de ces chirurgiens va être positionné au Mali. Qu'est-ce que cela signifie pour les hôpitaux militaires qui les emploient ? Cela veut dire que ces hôpitaux devront annuler certaines opérations chirurgicales, réduire leur activité. Cette diminution créera nécessairement une modification du flux des patients vers le secteur civil et mécaniquement une diminution des recettes des hôpitaux militaires. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, cette situation nous affaiblira obligatoirement. Continuer ainsi ne sera pas soutenable très longtemps et c'est pourquoi il faut élargir la base de nos équipes, constituer des équipes mixtes civilo-militaires de façon à ce que la projection sur les théâtres d'opération n'entraîne pas une interruption du fonctionnement normal des services sur le territoire national.
S'agissant de notre hôpital à Kaboul, cet établissement est destiné aux militaires qui sont en nombre décroissant du fait du désengagement des forces françaises en Afghanistan, aux forces afghanes, qui dans le cadre de la transition sont aujourd'hui dirigées vers des structures afghanes et enfin à la population locale. Le service de santé des armées françaises est un des seuls services de santé militaire à disposer d'une tradition de soins aux populations civiles. Cette pratique marque la volonté de la France de ne pas ignorer la misère et les difficultés que rencontrent la population afghane. Cette action est menée dans le respect de la priorité accordée à l'assistance médicale à nos forces sur le terrain dont les effectifs devraient être de 500 à partir de juillet prochain.
M. Michel Boutant. - Vous avez évoqué la réserve opérationnelle. Je souhaiterais savoir quel rôle vous comptez lui faire jouer et quels sont actuellement les liens avec l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).
M. Pierre André. - Je ne peux qu'approuver les propos de mes collègues sur l'excellence des soins prodigués par le service de santé des armées. Vous êtes tout à fait dans votre rôle en essayant de préserver sur le long terme la compétence des praticiens et la qualité des soins, quitte à remettre en cause les modes d'organisation du passé. Ma question porte sur trois points :
- votre réforme est ambitieuse ; elle repose sur une indispensable coopération avec le service public de la santé. Dès que vous aurez mis en place une coopération entre les établissements militaires et civils, vous serez confronté aux arbitrages des agences régionales de santé qui ne seront pas forcément favorables aux hôpitaux militaires. Il faudra donc une vigilance énorme pour que cet adossement au système de santé public préserve les moyens et l'identité de votre service ;
- en matière de ressources humaines, la situation actuelle suscite des inquiétudes et un turnover important et naturellement des départs vers le secteur public civil ou le secteur privé. La mise en place de votre réforme sera donc confrontée à cette situation difficile et à la nécessité d'assurer la relève par des formations suffisamment attractives. Il est donc essentiel de redonner des perspectives aux praticiens et au personnel médical du service de santé des armées pour mener à bien la mission que vous vous êtes assignée ;
- votre réforme s'inscrit dans le long terme, vous avez évoqué une dizaine d'années, c'est le temps qu'il faut pour former des spécialistes. Est-ce que la formation offerte aujourd'hui aux élèves des écoles de formation du service de santé des armées a anticipé les évolutions qui se profilent.
Un dernier point concerne les dépenses qui ne devraient pas être inscrites au budget des armées, je pense notamment à la prise en charge des personnalités étrangères dans nos hôpitaux militaires, ne pensez-vous pas que c'est au ministère des affaires étrangères de prendre en charge le coût.
Je considère pour ma part que vous êtes dans la bonne voie. Vous pouvez compter sur notre soutien.
M. Bernard Piras. - Pouvez-vous nous indiquer quels accueils vous ont réservé les responsables de la santé publique ?
M. Gilbert Roger. -Il n'y a pas que dans le monde rural qu'il y a des déserts médicaux, c'est également le cas dans certaines banlieues. Les réformes hospitalières successives ont malheureusement conduit à une réduction du format des hôpitaux publics au profit du secteur privé. Je ne peux que vous encourager à être vigilant sur cette tendance favorisée par le pilotage des agences régionales de santé qui à travers notamment la tarification à l'acte ont promu un modèle libéral de santé publique. Je ne peux qu'encourager la commission à suivre l'évolution de cette réforme et à veiller à ce que la préservation de la qualité des soins reste l'objectif principal de la mise en oeuvre de cette réforme. Il me semble par ailleurs qu'il conviendrait de mieux mesurer les conséquences du numérus clausus sur nos performances en matière de santé publique.
M. Jean-Louis Carrère, président.- L'idée d'accompagner et de soutenir le projet de service du général me semble excellente. Si actuellement la commission a un programme de travail chargé jusqu'à l'adoption de la loi de programmation, il faudra assurément suivre la mise en oeuvre des principes que vous venez de nous présenter.
Général Jean Debonne - La réserve opérationnelle est un élément fondamental du fonctionnement du service de santé des armées. Les réservistes opérationnels sont des militaires par intermittence qui pourraient jouer un rôle croissant à l'occasion de cette réforme. C'est pourquoi j'ai mandaté sur ce sujet trois missions : la première concerne les contributions de la réserve à notre insertion dans le service public de santé, les réservistes étant par définition des ponts entre le monde civil et militaire. La deuxième concerne les conditions d'emploi de la réserve opérationnelle sur les théâtres d'opération et non plus seulement en remplacement des médecins partis en opération. La troisième concerne une réflexion prospective sur l'avenir de la réserve.
Quant au lien avec l'EPRUS, sachez que j'entends travailler de concert avec le nouveau directeur de cet établissement. Il y a une urgence à clarifier la situation des praticiens qui peuvent appartenir à plusieurs types de réserves, celle du service de santé des armées, celle de la réserve sanitaire, voire d'autres réserves opérationnelles. Il est absolument nécessaire en cas de catastrophe majeure de savoir où ces praticiens s'orienteront en priorité. A terme, rien n'interdit d'imaginer, dans le cadre d'un grand service public de santé, que des praticiens réservistes puissent en cas de crise majeure participer selon les modalités à imaginer à la résilience de la Nation.
Vous me demandez quel accueil m'a été réservé par le ministère de la santé et les hôpitaux publics. Sachez que j'ai rencontré presque tous les acteurs au ministère, dans les CHU, dans certaines agences régionales de santé, aux hôpitaux de Paris. J'ai rencontré ces acteurs avec la forte conviction qu'une coopération était possible. Je tire cette conviction de mon expérience en tant que praticien hospitalier et en tant que directeur d'hôpital à Brest, au Val de Grâce et à Toulon. Je peux vous dire que ce type de coopération est possible car je les ai mises en oeuvre sur le terrain à la satisfaction de tout le monde et en premier chef des patients, mais jusqu'à présent ce type de coopération se déroulait, sans cadre institutionnel et la plupart du temps sans publicité excessive.
Aujourd'hui, cela me semble une nécessité comme je vous l'ai expliqué. J'ai rencontré un accueil favorable, chacun considérant que notre mission au service des armées est légitime. J'ai aussi rencontré sur certains points des incompréhensions. Certains responsables ne comprennent pas pourquoi nous exerçons des activités qui ne semblent pas directement liées à la condition militaire. J'ai pour ma part la conviction qu'à l'avenir nous pourrons dans l'intérêt général exercer ces activités ensemble. Il y a indéniablement des spécificités liées à notre mission de soutien aux forces armées. Nous devons dans ce domaine faire preuve de notre excellence et assurer la légitimité de notre action. Si demain nous nous engageons à participer au service public de santé, nous sommes prêts à garantir la permanence de certains moyens pour participer à l'effort collectif. En effet, un partenariat avec les hôpitaux civils suppose que les moyens mis à disposition ne soient pas optionnels. C'est pourquoi nous sommes donc prêts à garantir le maintien d'un niveau d'activité indépendamment de nos engagements opérationnels.
M. Jean-Louis Carrère, président.- En guise de conclusion, pourriez-vous nous indiquer si la recherche médicale pour laquelle le service de santé des armées a des pôles d'excellence devrait également nouer des partenariats avec des instituts de recherche civils.
Général Jean Debonne - Nos instituts de recherche sont en voie de regroupement et ont déjà noué de nombreux partenariats avec des laboratoires civils. Il n'y a de ce point de vue pas de spécificité de la recherche qui s'inscrit pleinement dans le projet de service que je porte.
Sachez, Monsieur le président, Madame et Messieurs les sénateurs, que le service de santé des armées est entièrement mobilisé pour maintenir la qualité des soins qu'il procure au bénéfice des forces armées. La réforme que nous entreprenons s'inscrit dans le long terme. Elle est à la portée des hommes et des femmes qui composent ce service, mais elle n'aboutira que s'il existe une volonté politique de la mener à bien. C'est pourquoi je suis particulièrement sensible à votre soutien et me félicite du souhait que vous formulez d'accompagner sa mise en oeuvre.
Audition de SE. M. Ali Ahani, ambassadeur de la République islamique d'Iran
M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur l'ambassadeur, je vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission pour cette audition.
J'ai fait distribuer votre biographie aux membres de la commission qui ont pu immédiatement constater que vous êtes un fin connaisseur de notre pays où vous avez été en poste trois fois comme ambassadeur. Les responsabilités que vous avez assumées au sein du ministère des affaires étrangères comme diplomate mais aussi comme vice-ministre font de vous un interlocuteur particulièrement bien informé et c'est avec un très grand intérêt que nous nous sommes préparés à cet échange.
Vous le savez, Monsieur l'ambassadeur, les relations entre nos deux pays, entre l'Iran et la communauté internationale qui le sanctionne, buttent sur la lancinante question du nucléaire.
En septembre dernier le Président de la République résumait notre appréciation en déclarant à la tribune de l'ONU : « Depuis des années, l'Iran ignore les exigences de la communauté internationale, s'affranchit des contrôles de l'AIEA, ne respecte pas sa propre parole, et pas davantage les résolutions du Conseil de sécurité. J'ai moi-même souhaité qu'une négociation puisse sincèrement avoir lieu et qu'il y ait des étapes qui soient fixées. Là encore cette négociation n'a pas abouti. La France n'accepte pas cette dérive qui menace la sécurité de la région mais, nous le savons, aussi la paix dans le monde. »
Vous connaissez notre position qui est celle du strict respect des obligations que l'Iran a accepté en étant signataire du Traité de non prolifération et de son protocole additionnel que votre pays a décidé d'appliquer. Personne ne conteste le droit de l'Iran à un programme civil. Dans le cadre des négociations du E3+3 (France, Royaume-Uni, Allemagne, Chine, Russie et Etats-Unis) des propositions très concrètes ont été faites pour établir des mesures de confiance et sortir de la crise.
Force est de constater que nous menons, depuis des années, un dialogue de sourds. La durée de cette crise nous permet d'ailleurs de rendre hommage à la qualité de la diplomatie iranienne et de ceux qui la servent.
Deuxième sujet que je vous propose d'aborder : le contexte régional avec, en particulier la guerre civile en Syrie et ses conséquences, l'absence de perspectives de résolution du conflit israélo-palestinien, la poursuite de l'onde de choc des printemps arabes. Tout cela conduit à un risque très important de déstabilisation de l'ensemble de la région. Votre gouvernement soutient le régime syrien tout comme il soutient le Hezbollah. Quelle est votre analyse de la crise syrienne ?
Monsieur l'ambassadeur, je suis conscient que ces deux sujets couvrent déjà un très large spectre pour notre échange. L'Iran est un grand pays, une grande et vieille civilisation, un grand peuple. Mon souhait c'est de voir se résoudre les affrontements actuels afin que tous ensemble, nous oeuvrions pour la paix. Je vais vous passer la parole pour un exposé liminaire et nous procéderons ensuite à un échange avec les membres de notre commission.
SE M Ali Ahani, ambassadeur de la République islamique d'Iran - Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis heureux d'être parmi vous. Je vous présente à vous, ainsi qu'à l'ensemble des membres de la commission, mes meilleurs voeux pour la nouvelle année. Je vous remercie également d'avoir exprimé, en toute franchise, vos positions sur mon pays. Ce dialogue participe au processus nécessaire de familiarisation et de compréhension de nos positions mutuelles. Vous avez ainsi évoqué les richesses de notre civilisation très ancienne, sa culture, ses ressources humaines et énergétiques, la place particulière qu'elle occupe au croisement des civilisations de l'est et de l'ouest.
Permettez-moi de vous dire que la diabolisation dont fait l'objet l'Iran, dans certains médias, est regrettable. Elle déforme et masque la réalité de ce pays. A ce titre, je souhaite qu'une délégation sénatoriale puisse se déplacer en Iran afin de rendre compte de la réalité de ce qui s'y déroule, contrairement à ce qui est propagé dans la presse.
A titre liminaire, je souhaite rappeler que la relation franco-iranienne, qui a été, malheureusement influencée par le sujet nucléaire, est enracinée dans l'histoire. Les premiers contacts officiels entre nos deux pays datent de 1291. Nos relations offrent un potentiel important en termes de coopération, qui tend à se réduire, toutefois, progressivement. Les entreprises asiatiques, russes ou chinoises dont certaines performances n'égalent pas celles des sociétés françaises, sont parvenues, néanmoins, à gagner très rapidement des marchés sur ces dernières en Iran. Le volume du commerce bilatéral avec la France s'établit à 3,5 milliards d'euros en 2011. Il s'élève à moins d'un milliard d'euros en 2012. C'est regrettable. Je souhaite que nous dépassions le sujet du nucléaire qui a influencé nos relations afin de renforcer ces dernières dans de nombreux domaines. Les parlementaires peuvent contribuer à cette tâche afin que nos deux gouvernements dialoguent utilement.
S'agissant du nucléaire, le programme n'est pas récent. Il a été élaboré, il y a une cinquantaine d'années, par les Etats-Unis dans le cadre de l'ancien régime. Les Américains ont, en effet, construit un réacteur de recherche à Téhéran qui était approvisionné par eux-mêmes avant la révolution. A l'épuisement des combustibles après la révolution, nous nous sommes adressés à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AEIA) qui nous a proposé d'acquérir du combustible enrichi à un niveau de 20 % auprès de l'Argentine.
En réponse à une nouvelle demande d'approvisionnement de combustible à l'Agence en 2010, cette dernière nous a indiqué que les Etats-Unis, la Russie et la France avaient annoncé leur volonté de nous fournir ce combustible. Nous avons accepté de négocier, tout en avertissant que cet approvisionnement du réacteur était, à nos yeux, crucial. Tout retard nous conduirait à devoir procéder nous même à l'enrichissement. Ils ont proposé de réaliser un échange plutôt qu'une vente. Ils voulaient obtenir 1 200 kilogrammes d'uranium disponibles et enrichis à 3,5 % afin de le transformer en uranium enrichi à 20 %. La France a dit que ce processus était long. Il est de l'ordre de deux années. Nous avons prévenu nos interlocuteurs que, s'ils tentaient de jouer la montre, nous serions obligés de produire nous-mêmes le combustible nécessaire. Or, je me souviens des doutes émis par M. Bernard Kouchner, alors ministre français des affaires étrangères et européennes, quant à notre capacité à maîtriser la technique de production.
Finalement, en l'absence d'accord, nous avons demandé à nos ingénieurs de préparer eux-mêmes ce combustible. Ces derniers y sont parvenus en moins de deux ans.
En conclusion, je tiens à souligner que l'approche des négociations dite « à 5+1 », dans un contexte d'absence de bonne volonté de certains pays, a complexifié le processus. Alors que nous étions à un niveau d'enrichissement de 3,5 % et que nous aurions pu, moyennant un échange, ne pas poursuivre l'enrichissement à 20 % par nous-mêmes, nous avons dû finalement nous y résoudre. Je déplore cette approche. De même que je déplore la méfiance qui entoure notre programme civil nucléaire. Ce programme ne comporte aucun aspect militaire. C'est pourquoi nous avons accueilli les délégations inspectrices et avons respecté l'ensemble des normes.
Je vous propose d'organiser un groupe de travail, composé de personnes qualifiées appartenant à l'AIEA, à votre gouvernement et votre Parlement, afin de vérifier les règles de l'Agence ou du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) que nous aurions prétendument violées. Nous nous sommes toujours conformés à nos obligations. Cependant l'Agence subit des pressions politiques qui l'empêchent d'accomplir sa mission professionnelle. Nous avons annoncé clairement que notre programme n'avait pas de vocation à évoluer vers une capacité militaire. Nous avons accueilli plus de sept mille cinq cents personnes/jour d'inspections, dont cent d'entre elles ont été réalisées de manière inopinée. Leurs caméras sont installées sur les installations nucléaires iraniennes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'uranium enrichi, sorti des centrifugeuses, était immédiatement scellé par l'Agence. En conséquence, ils savent que nous ne possédons pas la bombe atomique. Toutefois, la méfiance qu'il en soit différemment à l'avenir persiste.
Une telle attitude consiste à accuser une personne en raison de son intention éventuelle. Peut-on imaginer d'interdire l'usage d'un couteau de peur qu'une personne ne commette un crime ? Il serait plus souhaitable de prévoir les conditions empêchant un tel acte. Nous sommes prêts à dialoguer et à donner les garanties que notre programme n'a qu'une finalité civile, en contrepartie de laquelle nous pouvons poursuivre ce programme civil sous la surveillance de l'AIEA.
Quant au protocole additionnel au TNP, il doit toutefois être ratifié par le Parlement. Les négociations avec les trois pays européens, l'Allemagne, la France, et la Grande-Bretagne, avaient débuté en 2003.
Afin de dissiper tout malentendu ou ambiguïté, nous avons accepté de l'appliquer volontairement dès octobre 2003, en l'absence même de ratification. Nous l'avons mis en oeuvre de facto pendant deux ans et demi. Néanmoins, après cette période, notre Parlement a interdit à notre gouvernement de l'appliquer en raison de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) qu'il juge illégale. L'article 12 des statuts de l'Agence prévoit, en effet, que tout transfert de dossier d'un pays au Conseil de sécurité doit être fondé sur la constatation d'une violation du TNP par les inspecteurs de l'Agence. Ce rapport doit être ensuite transmis au Conseil des Gouverneurs de l'Agence puis au Conseil de Sécurité, en cas d'approbation. Or, il n'y a avait pas de violation du TNP avérée qui justifie un transfert au CNSU. Dans un tel contexte de sanctions et de pressions, quel gouvernement iranien pourrait demander à son Parlement de ratifier le protocole additionnel ?
Il semble que le gouvernement français ait adopté récemment une position plus « réaliste ». En présence des ambassadeurs ainsi qu'à l'occasion de la visite du Premier ministre israélien, M. Benyamin Netanyahu, le Président de la République française, François Hollande, a insisté sur le droit de l'Iran à bénéficier d'une capacité nucléaire civile. M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, en a fait de même devant la conférence des ambassadeurs à Rome. J'ai appelé l'attention de mon gouvernement sur ce changement de ton et le rôle que pourrait jouer la France dans la résolution de ce problème.
Nous sommes ouverts au dialogue. Récemment les représentants de l'Agence étaient à Téhéran. Ils doivent revenir en février afin de finaliser un plan de travail pour qu'ils puissent visiter certains sites militaires qui ne constituent pourtant pas des installations nucléaires. Afin de démontrer notre bonne volonté et transparence, nous avons accepté une telle demande bien qu'elle ne relève pas de la compétence de l'Agence.
Toutefois, nous souhaitons qu'un plan de travail puisse définir les modalités de cette visite. Nous avions accepté précédemment que les équipes de l'Agence, sur leur insistance, visitent le site de Parchin. Le contexte est aujourd'hui différent et le Parlement y est très sensible. Il convient désormais de finaliser, préalablement à cette visite, un plan de travail. Il n'existe aucune manoeuvre de notre part, visant à prétendument effacer des traces nucléaires. C'est impossible car les traces nucléaires ne sont pas effaçables.
Nous sommes prêts à autoriser les visites sur le site de Parchin après la finalisation du plan de travail. Cependant, il faut que les membres du « 5 + 1 » soient réalistes et reconnaissent que l'Iran peut continuer son programme nucléaire pacifique, sous la surveillance de l'Agence. Cela constituerait un pas important.
Bien que nous nous débrouillions bien, je crains des souffrances du peuple iranien à cause des sanctions. Nous connaissons, par exemple, des problèmes d'approvisionnement des malades en médicaments. Nous disposons des moyens financiers pour les acheter mais le blocage des réseaux bancaires nous en empêche et conduit à faire souffrir le peuple et les plus pauvres. Je suis convaincu que la France peut jouer un rôle dans ce dialogue, ainsi que la diplomatie parlementaire.
S'agissant de la Syrie, les relations que nous entretenons avec ce pays sont bonnes depuis longtemps. Ce qui importe aujourd'hui, c'est l'avenir de son peuple. Nous n'y sommes pas indifférents. Le gouvernement syrien a pu commettre certaines erreurs, comme n'importe quel autre gouvernement. Néanmoins, le président syrien, Bachar el-Assad, a été soutenu par sa majorité et l'est encore. On ne peut forcer un chef de l'Etat à quitter ses fonctions, s'il est encore soutenu par la majorité de son peuple et non pas seulement par les alaouites.
Nous avons chacun nos données et nos analyses. Essayons d'établir un dialogue dans cette phase délicate même si nos prises de position sont différentes. Ces dernières doivent être établies de manière réfléchie car toute erreur dans les prises de positions risque d'emporter de graves conséquences. Le dialogue peut contribuer à calmer cette crise. Cette crise n'a d'autre solution que démocratique et non militaire. Il faut arrêter cet affrontement sanglant et préparer le terrain pour le dialogue national et des élections libres et démocratiques. Laissons les citoyens syriens choisir. Il ne nous appartient pas, ni à vous, ni à d'autres pays, de le faire à leur place. Il faut faire attention à ces personnes venues de l'extérieur en Syrie qui aujourd'hui tentent de déstabiliser le pays avec leurs armes et leur appui financier et qui demain menaceront l'Europe.
Mme Nathalie Goulet. - Monsieur l'ambassadeur, je suis particulièrement heureuse de cette invitation dont j'avais émis le souhait à plusieurs reprises et j'en remercie notre président. L'Iran a une image déplorable dans la presse et dans la diplomatie internationale, dont elle est en partie responsable. Elle est également victime d'un « double standard » qui conduit à lui reprocher certaines positions alors que d'autres pays échappent à l'opprobre international, en dépit de situations similaires.
J'ai de nombreuses questions. Je connais très bien votre pays, au point d'avoir été qualifiée d'agent de l'Etat iranien par les moudjahidine. Être maltraitée par eux est un honneur. Vous pourrez peut-être aborder ce sujet. Ma première question concerne l'impact de l'embargo économique sur nos relations. Peut-on conserver un minimum de relations économiques pour les secteurs qui ne sont pas sous embargo ? Le ministre des affaires étrangères soutient qu'il faut maintenir une diplomatie économique. Nous avons plusieurs dossiers importants qui ne sont pas affectés par ces sanctions. Je pense au cas de la raffinerie Petroplus et de son éventuelle reprise par un entrepreneur iranien qui n'est pas sous le coup de l'embargo ou encore à Peugeot dont nous connaissons les difficultés alors même que les voitures sont très appréciées en Iran. Ma dernière question porte sur l'Arménie, quelle est la nature de votre soutien à ce pays dans le conflit gelé du Haut-Karabagh?
M. Gilbert Roger. - Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de ce dialogue et de la franchise de notre président. Cette rencontre doit nous permettre de mieux comprendre vos positions. L'Iran a accepté de négocier avec l'AEIA. L'accord cadre n'est pas encore finalisé. Vous avez évoqué brièvement l'affaire Parchin. Qu'attendez-vous de la nouvelle rencontre du 13 février ? Quelles procédures votre pays peut-il mettre en oeuvre afin de parvenir à une conclusion ? Comment, d'un point de vue iranien, peut-on lever les verrous afin que nous puissions nous parler et nous comprendre ? Votre pays organisera une élection présidentielle en juin prochain, pouvez-vous nous présenter ses enjeux nationaux et internationaux et préciser éventuellement qui en seront les acteurs ?
M. Christian Cambon. - Monsieur l'ambassadeur, je souhaite revenir sur la mauvaise image de l'Iran, que ma collègue Nathalie Goulet a évoquée. Votre pays constitue un grand peuple qui plonge ses racines dans l'Histoire. Vous avez opportunément rappelé la date de nos premières relations. Or, vous ne jouez pas un rôle diplomatique à la hauteur de votre importance dans la région, notamment parce que au-delà de la polémique internationale sur l'utilisation de la capacité nucléaire en Iran, il y a eu également, au plus haut niveau des autorités de l'Etat, et de façon régulière, des déclarations concernant Israël et sa survie qui laissent penser que vous restez dans une volonté de voir Israël disparaître de la carte. Ma question peut apparaître naïve mais ne pensez-vous pas qu'avec la subtilité reconnue de votre diplomatie, il est temps de procéder à un véritable réexamen réaliste de la situation au Moyen-Orient ? Pensez-vous toujours que la présence d'Israël doit être niée ? Ne conviendrait-il pas, au contraire, de prendre acte de la situation telle qu'elle existe et amener cette dernière à composer, car il n'y a pas en Israël que des voix qui militent pour la paix, comme en témoignent les récentes élections. Ne considérerez- vous pas qu'il est temps de faire preuve de réalisme ? L'Iran ne peut-il pas devenir une puissance modératrice qui trace le chemin d'une paix, certes encore lointaine, mais dans lequel il devrait jouer un rôle essentiel ?
M. Christian Poncelet. - Je vous remercie, Excellence, d'avoir accepté notre invitation. Je tiens à vous faire part de mes reproches, adressés au président Mahmoud Ahmadinejad, s'agissant de sa déclaration devant les instances internationales, tendant à exprimer une grande sympathie à l'égard du régime nazi, dont ma famille a beaucoup souffert. Ceci étant, j'ai cru percevoir une certaine sympathie envers notre pays dans vos réponses, ce qui est encourageant. Vous affirmez qu'il faut être réaliste. Mais quelle est la situation ? Vous souhaitez obtenir l'énergie nucléaire, à titre pacifique, mais tout le monde vous soupçonne de vouloir la détourner à des fins militaires. L'idée a été avancée que la France qui possède une grande expertise dans le domaine de l'énergie nucléaire civile, construise et fasse fonctionner une centrale nucléaire en Iran. Qu'en pensez-vous ? Nos ingénieurs y demeureraient en permanence afin d'observer l'utilisation qui en est faite et prépareraient vos équipes à son fonctionnement. Il est important que nos relations s'améliorent.
M. Rachel Mazuir. - Le roi Abdallah d'Arabie avait souhaité, dans le passé, la mise en place d'un centre de dialogue interconfessionnel. Le Roi faisait essentiellement référence au dialogue entre sunnites et chiites. Est-ce que ce dialogue est envisageable aujourd'hui ?
M. Gérard Larcher. - Vous n'avez pas évoqué la question du détroit d'Ormuz, et en particulier l'Arabie saoudite et le Qatar. Comment éviter une militarisation croissante de cette région ? En Syrie, il faut reprendre le dialogue et nous savons bien que la Russie a un rôle central à jouer. Il semble que la proposition du président Bachar el-Assad lors de son discours du 7 janvier ne puisse pas convenir. Quelles sont, selon vous, les perspectives d'évolutions sachant que l'Iran figure parmi les nations, telles que la Russie, ou la Chine, dans une moindre mesure, qui souhaitent l'application d'une formule politique qui ne passe pas nécessairement par l'éviction de Bachar el-Assad ? Que se passera-t-il si la guerre civile se poursuit ? Et quel est l'objectif de votre diplomatie, notamment envers la Russie ?
M. Jean-Louis Carrère, président - Vous avez mentionné que le président Bachar el-Assad était soutenu par une majorité de Syriens. Comment le vérifier ?
SE M. Ali Ahani - Je répondrai tout d'abord à Mme Nathalie Goulet et la remercie de sa question car nous sommes effectivement victimes d'un traitement qui consiste à faire « deux poids et deux mesures ». S'agissant des droits de l'homme, l'Iran est un pays qui tente de les respecter et de les promouvoir, même si des lacunes demeurent. Aucun Etat ne peut prétendre les respecter parfaitement. Après la révolution, nous avons modifié un grand nombre de lois et créé les conditions de la promotion de ces droits. La situation des personnes incarcérées dans les prisons iraniennes ainsi que la mise en oeuvre des droits civiques ne sont comparables, à tout le moins, avec certains pays dans le voisinage immédiat de l'Iran. Le dialogue tend à favoriser la promotion des droits de l'homme. Ainsi que Mme Nathalie Goulet y a fait allusion, beaucoup de critiques sont formulées contre l'Iran mais jamais contre certains autres pays.
Je suis convaincu qu'il faut dialoguer afin de promouvoir les droits de l'homme et surtout favoriser la coopération judiciaire. Vous pouvez, si vous le jugez pertinent, proposer à votre gouvernement de préparer ce dialogue.
En ce qui concerne les moudjahidine, ils forment une secte terroriste. Ils abusent aujourd'hui des facilités que leur procure la loi afin de préparer leurs plans. Ils ont joué un rôle destructif en Irak, aux côtés de Saddam Hussein, contre les chiites et les kurdes. Ils ont assassiné plus de 16 000 citoyens iraniens. Ils ont incendié plusieurs bus à Téhéran et dans d'autres villes. Ce sont des terroristes. Je regrette qu'après être récemment parvenus à ne plus figurer sur la liste européenne et américaine des groupes terroristes, ceux-ci aient obtenu une liberté d'action dans votre pays. Ils ont ainsi organisé un colloque à l'Assemblée nationale. C'est vraiment regrettable !
M. Jean-Louis Carrère, président - Ils n'ont pas été reçus devant la commission, au Sénat.
SE M. Ali Ahani - J'espère que vos collègues parlementaires, sénateurs et députés, seront plus vigilants afin de ne pas être piégés par les moudjahidine.
Pour revenir aux relations économiques, nous sommes désolés que les entreprises françaises soient privées du marché iranien. J'ai participé, il y a plus de vingt-deux ans, à la conclusion de l'accord avec Peugeot qui a permis la mise en oeuvre d'une coopération qui a duré plus de vingt ans. Malheureusement, le partenariat de Peugeot avec General Motors les a conduits à devoir cesser leur collaboration avec l'Iran. C'est dommage car d'autres sociétés vont la remplacer rapidement. Or les entreprises françaises ont pourtant laissé une bonne image en Iran. En outre, la plupart des secteurs économiques ne sont pas affectés par les sanctions. Les entreprises françaises craignent de nouer des relations avec l'Iran, par peur des États-Unis.
A titre de prolongement, je regrette la décision de Total de ne plus approvisionner Iran Air ici depuis plus d'un an. Les Etats-Unis ont décidé, il y a deux ans, d'interdire aux compagnies pétrolières de vendre plus de cinq millions de dollars de fuel par an à Iran Air. Aujourd'hui, Total refuse de vendre du fuel à Iran Air même dans le plafond imposé par les Américains.
Quant au conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, nous avons de bonnes relations avec les deux parties. Nous cherchons à jouer un rôle qui vise à calmer les positions des deux protagonistes. Nous ne mettons pas d'huile sur le feu. Malheureusement, notre pays a été cerné par les crises dans les dernières décennies. Nous nous sommes toujours efforcés de jouer un rôle stabilisateur et de calmer les crises. C'est ce que nous avons fait à propos de l'Irak, de l'Afghanistan, et du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
S'agissant de l'AEIA, nous attendons qu'elle respecte nos droits légitimes. Nous avons demandé, dans le cadre des négociations en cours, qu'un plan de travail soit établi, avant la visite des sites convenus avec leurs représentants. Il est également important que les règles de procédure soient respectées. Ainsi, les Etats Unis ont fourni à l'Agence des documents permettant de suspecter l'Iran de ne pas se conformer à ses obligations. Il serait normal que nous puissions en prendre connaissance afin d'y répondre. Cependant les Etats-Unis n'autorisent pas l'Agence à mettre ces documents à notre disposition. Ce n'est ni normal ni acceptable.
Nous voulons que cette dernière accomplisse sa mission professionnelle, en dépit des pressions politiques qui, jusqu'à présent, l'en ont empêchée. L'Iran est un membre responsable du TNP qui en respecte les règles et insiste sur ses droits légitimes. Aux termes de l'article 4 du traité, tout pays membre a le droit d'enrichir de l'uranium à des fins d'utilisation civile, sous la surveillance de l'Agence. C'est ce que nous désirons et, nous insistons, c'est notre droit. Des divergences existent quant aux modalités de cette surveillance. Il convient donc de dialoguer pour parvenir à un compromis. Nous sommes ouverts et disponibles.
En ce qui concerne l'élection présidentielle, elle se déroulera en juin. Les esprits s'animent. Les enjeux sont importants, notamment en termes de chômage et d'inflation.
Ce qu'il convient de retenir, c'est qu'en dépit des sanctions destinées à déstabiliser et paralyser notre pays, nous sommes parvenus à progresser et aller de l'avant. Notre peuple a bien résisté. Il va résister encore. Ces sanctions ont renforcé l'unité nationale. L'explosion interne tant attendue n'est pas intervenue. La vie quotidienne des Iraniens continue, indépendamment des sanctions et des difficultés. Cela fait trente ans que nous vivons sous le coup de sanctions. Leur récent durcissement peut créer des difficultés mais ne va pas nous paralyser. L'Iran est un grand pays avec ses ressources humaines et énergétiques et sa situation géopolitique. Il est doté d'une quinzaine de voisins et bénéficie de plus de 1 200 kilomètres de côtes. Nous n'acceptons pas de telles sanctions illégales. Toutefois, nous parvenons à franchir les obstacles que celles-ci dressent devant nous avec courage et pragmatisme. Quant à son rôle diplomatique, encore une fois, permettez-moi de vous dire que l'Iran s'efforce de jouer un rôle stabilisateur. Je prends un exemple : lorsque Saddam Hussein a envahi le Koweït, nous avons accueilli des réfugiés koweïtis, alors même que ce pays avait soutenu l'Irak pendant la guerre contre nous pendant les huit années qu'a duré le conflit. Nous ne nous sommes pas vengés.
Pour revenir sur la déclaration du président Mahmoud Ahmadinejad, il n'a jamais proféré les menaces auxquelles vous faites allusion. Ces propos ont été déformés par les médias. Je tiens à vous citer les paroles de M. Dan Meridor, ministre israélien, en charge du Renseignement et de l'Énergie atomique, qui ont été tenues lors d'une interview, donnée en avril 2012, à Al Jazeera, et qui ont été reprises par le New York times. Il a admis que le président iranien n'avait jamais prononcé la phrase « Israël doit être rayé de la carte ». C'est quand même un ministre israélien qui le reconnaît ! Pour autant, ces propos que le président Ahmadinejad n'a pas tenus lui sont toujours reprochés. Certes, nous avons une position claire sur le régime sioniste. Cependant, l'Iran n'a jamais menacé d'envoyer des troupes afin de rayer Israël de la carte. Il faut être vigilant afin de ne pas se laisser piéger par certains médias.
Nous avons choisi de mener une politique constante de stabilité fondée sur la connaissance de notre région. Nous ne sommes malheureusement pas écoutés. A titre d'illustration, je mentionnerai qu'en janvier 2012, lors de la cérémonie des voeux pour le corps diplomatique, et après l'assassinat de quatre soldats français en Afghanistan, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a reconnu l'échec du talibanisme et du Quartet. Le jour même, je rencontrais le conseiller diplomatique du Président et je lui ai rappelé que deux années auparavant, nous avions prévenu que la négociation des Américains et des Anglais avec les talibans en Afghanistan n'aboutirait pas. De même, quand le Quartet a été mis en place, l'Iran a été le seul pays qui, bénéficiant d'une parfaite connaissance de la région, a averti que la procédure de Quartet n'aboutirait pas et que ce ne pouvait être qu'un échec. Cela a été finalement reconnu après plusieurs années par M. Nicolas Sarkozy.
S'agissant de la crise syrienne, l'Iran a insisté sur le fait de devoir respecter la démocratie. Si vous défendez la démocratie, vous devez l'accepter pour tout le monde. Il faut accorder les droits à l'ensemble des pays, selon le procédé démocratique, une voix, un vote. Il faut l'accepter aussi pour le Bahreïn, pour la Palestine. Les réfugiés palestiniens doivent pouvoir être entendus et se prononcer aussi sur leur avenir.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Il convient toutefois de s'entendre sur le sens du mot démocratie.
SE M. Ali Ahani - Vous pouvez contribuer à définir ce sens commun et dialoguer pour parvenir à un compromis.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Il n'y a pas de compromis, s'agissant de la démocratie.
M. Christian Poncelet. - Vous n'avez pas répondu à ma question.
SE M. Ali Ahani - J'y viens : le crime perpétré par les nazis a été une tragédie. Il n'est, néanmoins, pas acceptable d'interdire l'étude de ses dimensions dans un but historique.
M. Michel Boutant. - L'étudier oui, le contester : non. En faire l'apologie, encore moins.
SE M. Ali Ahani - Je connais des historiens qui ont voulu étudier cette période mais ont été condamnés. On ne peut nier cette tragédie. Elle ne concerne pas seulement les Juifs, mais de nombreux autres groupes humains de différentes nationalités.
M. Christian Poncelet. - Les premiers groupes déportés dans des camps de concentration étaient les homosexuels, les francs-maçons et les Tziganes.
SE M. Ali Ahani - Vous avez mentionné les paroles du président François Hollande. Le ton qu'il emploie nous apparaît plus équilibré. Son prédécesseur avait prôné le renforcement des sanctions et créé une coalition autour de lui dans ce but. J'espère que le président Hollande tentera de le compenser et dépasser ces difficultés. Il en va de l'intérêt de tous.
Pour répondre à votre question Monsieur le président Poncelet, la France peut construire une centrale en Iran. Notre programme de développement prévoit la construction d'une vingtaine de centrales nucléaires. La France est la bienvenue et peut coopérer à ce projet. Toutefois, l'Iran revendique l'application de ses droits dans le cadre du TNP. Elle souhaite obtenir la technologie nucléaire à des fins pacifiques. Mais après avoir construit des centrales nucléaires, comment peut-on faire confiance pour acheter le combustible nécessaire qui est toujours soumis aux circonstances politiques internationales ? C'est pourquoi nous voulons être capables, sous la surveillance de l'Agence, de produire notre combustible qui a besoin d'un enrichissement d'uranium à 3,5 %.
S'agissant du dialogue entre les religions, nous y sommes favorables, l'Iran l'a toujours soutenu comme l'illustrent les échanges sur l'islam et le christianisme, avec l'Autriche et le Vatican. Nous aidons également au dialogue entre sunnites et chiites. Il convient d'insister sur le plus grand dénominateur commun. Nous croyons tous en Dieu. Il faut aller dans ce sens afin d'éviter les affrontements.
En ce qui concerne le détroit d'Ormuz, l'Iran est plus intéressé que tout autre pays à ce que soit garantie la libre circulation du pétrole et de l'énergie. Nous agissons en ce sens et nous espérons que des circonstances politiques internationales permettent que tout le monde puisse en profiter équitablement.
Sur la Syrie, nous sommes en contact avec l'ensemble des acteurs et groupes syriens à, l'exception de ceux qui ont une position trop radicale alors qu'ils ne sont pas syriens. La crise syrienne n'a pas de solution militaire.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Comme au Mali !
SE M. Ali Ahani - C'est exact. Là encore la crise de ce pays illustre les traitements discriminatoires dont font l'objet certains pays et territoires. On lutte contre ces éléments au Mali alors qu'on soutient ces mêmes éléments en Syrie.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Ils n'ont pas envahi la Syrie ! Ce n'est pas tout à fait pareil.
SE M. Ali Ahani - Nous sommes en contact avec tous les groupes. L'Iran aide à la résolution de la crise. Nous avons présenté un plan en six points afin d'ouvrir la porte à un dialogue national et créer les conditions démocratiques de l'expression du peuple syrien. Le président syrien est-il soutenu ? Comment peut-on le vérifier ? Pour répondre à cette question, il convient de laisser s'exprimer le peuple syrien à l'occasion des élections futures.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je ne peux prédire l'évolution des relations entre la France et l'Iran, Toutefois il nous appartient de définir la suite à donner à cette rencontre. Peut être donnera-t-elle lieu à une visite dans votre pays ?
SE M. Ali Ahani - Vous l'avez bien compris. Nous sommes favorables au dialogue. Une rencontre avec vos homologues parlementaires est envisageable. Vous serez les bienvenus.
Jeudi 24 janvier 2013
- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -Intervention française au Mali - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Cette audition n'a pas donné lieu à un compte rendu.