- Mardi 18 décembre 2012
- Mercredi 19 décembre 2012
- Loi de finances rectificative pour 2012 - Examen du rapport en nouvelle lecture
- Loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen du rapport et du texte de la commission en nouvelle lecture
- Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
- Loi de finances rectificative pour 2012 - Examen des amendements en nouvelle lecture
- Loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen des amendements en nouvelle lecture
- Loi de finances rectificative pour 2012 - Echange sur la péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)
Mardi 18 décembre 2012
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Loi de finances pour 2013 - Examen du rapport en nouvelle lecture
Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède à l'examen du rapport en nouvelle lecture de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de loi de finances pour 2013.
M. Philippe Marini, président. - La nouvelle lecture par l'Assemblée nationale a-t-elle permis de sauvegarder quelques avancées réalisées par le Sénat ? Y-a-t-il lieu d'amender sérieusement le texte ? Que nous suggère le rapporteur général ?
M. François Marc, rapporteur général. - Le projet de loi de finances initial comptait 71 articles, l'Assemblée nationale l'a enrichi en première lecture de 48 nouveaux articles. Après que le Sénat a rejeté le texte, l'Assemblée nationale a maintenu sa rédaction de première lecture sur 33 articles de première partie et 36 articles de seconde partie, et l'a modifiée sur les 51 articles restants. Parmi ces modifications, l'Assemblée nationale a repris 13 initiatives du Sénat en première lecture.
A l'article 2, reprenant une initiative de notre commission, l'Assemblée nationale a relevé les plafonds de revenus déterminant les montants d'abattement à l'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables modestes âgés ou invalides, en fonction de l'augmentation de l'indice des prix hors tabac de 2012 par rapport à 2011, soit 2 %.
A l'article 4 ter, elle a repris l'amendement de Jacques Mézard portant de six à sept chevaux-vapeur fiscaux le plafond du barème kilométrique retenu pour l'évaluation des frais de déplacements professionnels dans le cadre du régime de déduction des frais réels de l'impôt sur le revenu.
A l'article 4 quater, Christian Eckert, rapporteur général, a soutenu l'amendement de notre commission précisant, d'une part, les conditions d'engagement de location que doit respecter le propriétaire bailleur pour bénéficier du crédit d'impôt PPRT et introduisant, d'autre part, des mesures de coordination avec le crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement de l'habitation principale.
A l'article 5, mon homologue à l'Assemblée nationale a entendu la suggestion de Roland du Luart d'un report du 31 octobre au 30 novembre de la date limite de dépôt des demandes de dispense de paiement du prélèvement servant d'acompte à l'imposition des intérêts et des dividendes.
A l'article 6, l'article « pigeons », l'Assemblée nationale a repris l'amendement de notre commission maintenant la non-déductibilité de l'impôt sur le revenu de la CSG sur les gains de levée d'options sur titres et attributions d'actions gratuites intervenus avant le 28 septembre 2012, ainsi que l'amendement de Michèle André tenant compte, pour l'imposition des non-résidents, du report de 2012 à 2013 de la soumission au barème des plus-values mobilières. En outre, Roger-Gérard Schwartzenberg et le groupe radical ont donné gain de cause à Yvon Collin et au groupe RDSE, qui avaient proposé que, pour le calcul de l'abattement applicable aux plus-values au titre de la durée de détention des fonds et sociétés de capital-risque, ne soit prise en compte que la durée de l'investissement du contribuable dans un fonds de capital-investissement.
A l'article 11, l'Assemblée nationale a repris un amendement de notre commission créant un prélèvement sur recettes au profit des communes et établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ayant institué une taxe d'habitation sur les logements vacants, afin de compenser la perte de recettes pour celles-ci résultant de la réforme de la taxe sur les logements vacants. Nous placions toutefois ce prélèvement sur recettes en dehors de l'enveloppe normée.
A l'initiative de Christian Eckert et de Roger-Gérard Schwartzenberg, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 13 bis, comme nous l'avions fait en première lecture.
M. Philippe Marini, président. - C'est bien. Nous revenons donc à la modulation ?
M. François Marc, rapporteur général. - Voilà. Un amendement du Gouvernement a, comme le Sénat l'avait décidé à l'initiative de notre commission, exclu du champ d'application de l'article 15 les charges financières afférentes aux biens acquis ou construits par des concessionnaires et délégataires de service public ainsi que par des partenaires privés de partenariats publics-privés. Le dispositif a néanmoins été sous-amendé par Christian Eckert, afin de limiter cette exclusion aux seuls contrats déjà signés par les collectivités : les PPP à venir ne seront pas concernés. Cette possibilité d'ajustement pour les contrats passés me semble utile, car certains de leurs éléments pouvaient être légitimement contestés par les entreprises.
M. Philippe Marini, président. - C'est une cote mal taillée : les nouveaux contrats seront un peu plus chers...
M. François Marc, rapporteur général. - Vraisemblablement. Comme nous l'avions fait, Christian Eckert a demandé à l'article 30 un rapport sur les moyens de la rénovation thermique des logements des propriétaires aux revenus modestes - toutefois, il a reporté au 30 juin la date de sa remise.
A l'article 39, l'Assemblée nationale a repris à son compte la demande insistante de certains de nos collègues, en particulier de David Assouline, de porter la hausse de la contribution à l'audiovisuel public de 2 euros à 4 euros. Ce qui est cher étant de qualité, le plaisir de regarder la télévision sera accru...
L'Assemblée nationale a modifié 22 articles par rapport à son vote de première lecture. A l'initiative du Gouvernement, elle a notamment précisé le champ d'application de l'article 6 sur les plus-values, en étendant le report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières sous condition de remploi, et en prévoyant que la condition relative à l'exercice d'une activité opérationnelle par la société dont les titres sont cédés est appréciée depuis la création de la société, si celle-ci remonte à moins de dix ans.
A l'article 9, les députés ont précisé que seuls sont pris en compte pour le plafonnement de l'ISF, les revenus provenant d'une société effectivement contrôlée par le redevable, selon les mêmes critères que ceux retenus à l'article 13 du projet de loi de finances rectificative pour 2012. En outre, ils ont supprimé une demande de rapport au Gouvernement.
A l'article 14, l'Assemblée nationale a porté de 10 % à 12 % le taux de la quote-part de frais et charges sur les plus-values brutes de cession de titres de participation réalisées par les entreprises, afin de gager l'amendement à l'article 15 par lequel elle a précisé les modalités d'application de la mesure de limitation de la déductibilité des charges financières, et exclu du champ du plafonnement de la déductibilité les locations entre entreprises liées portant sur des biens immobiliers, ces opérations n'étant pas considérées comme une source d'optimisation fiscale.
A l'article 19, elle a minoré de 25 millions d'euros le montant des allocations compensatrices d'exonérations de fiscalité locale, dites variables d'ajustement, afin de financer l'ouverture de crédits en faveur de la dotation de développement urbain dont a bénéficié la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». C'était également une des préoccupations de notre commission des finances.
A l'article 29, plusieurs députés sont intervenus pour que la taxe sur les titres délivrés aux étrangers demandant un visa long séjour valant titre de séjour soit versée à la délivrance, et non à la demande du document. Richard Yung avait, sans succès, présenté en première lecture un amendement identique.
M. Philippe Marini, président. - Nous pourrons faire venir un peu plus d'étrangers...
M. François Marc, rapporteur général. - Au même article, le Gouvernement a modifié les taux de la contribution spéciale due par l'employeur d'un salarié étranger sans titre de travail afin de les rendre proportionnels à l'infraction commise. Les employeurs ayant recours à une main d'oeuvre illégale seront lourdement pénalisés.
A l'article 44, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement prenant en compte, dans l'évaluation du montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, l'adoption de deux budgets rectificatifs pour l'exercice 2012 et du budget définitif 2013 de l'Union européenne : le montant du prélèvement est ainsi porté de 19,6 à 20,4 milliards, soit une augmentation de 837 487 000 euros (+ 4,3 %).
A l'article 45, à l'issue des délibérations de première partie, il a été constaté que le solde du budget général de l'Etat était dégradé de 1,072 milliard d'euros par la seconde lecture.
M. Philippe Marini, président. - Heureusement qu'il n'y en a pas de troisième !
M. François Marc, rapporteur général. - Vous aurez noté que l'essentiel de ce milliard est consacré à la revalorisation du prélèvement pour l'Union européenne. Le Gouvernement gagera ces 800 millions supplémentaires pour l'Europe par des économies de dépenses sur l'exercice à venir.
M. Philippe Marini, président. - C'est intéressant...
M. Albéric de Montgolfier. - C'est de la cavalerie !
M. François Marc, rapporteur général. - « Elles seront gagées par des économies à dues concurrence sur les ministères en gestion 2013. Les dépenses supplémentaires seront gagées courant 2013 au sein des dépenses relevant du périmètre zéro valeur ».
M. Philippe Marini, président. - Au sein des crédits mis en réserve, il y aura une quote-part d'annulations et il est d'ores et déjà décidé d'annuler 800 millions.
M. François Marc, rapporteur général. - Sans doute.
M. Jean Arthuis. - Nous sommes dans un vrai paradoxe. L'Union européenne ne peut pas emprunter...
M. Philippe Marini, président. - Encore heureux !
M. Jean Arthuis. - Le parlement européen ouvre des autorisations d'engagement auxquels les crédits de paiement sont toujours inférieurs. Les acteurs des Etats membres engagent des dépenses, puis demandent la perception des fonds européens. Autrement dit, l'Etat met à disposition des fonds pour que l'Europe puisse rembourser les opérateurs locaux. Je ne suis pas sûr que l'impact sur le solde de nos finances publiques soit aussi important que le crédit alloué à l'Union européenne.
M. Philippe Marini, président. - Encore faudrait-il que ces dépenses européennes bénéficient au territoire français.
M. Jean Arthuis. - C'est le cas pour une partie significative d'entre elles.
M. François Marc, rapporteur général. - Je serai plus bref sur la seconde partie puisque nous n'avons pas à nous préoccuper du sort réservé à nos propositions. Nous nous sommes beaucoup inquiétés de la garantie au crédit immobilier de France qui figure à l'article 66 : à l'initiative de Christian Eckert, sa situation fera l'objet d'un rapport.
A l'article 67, le Gouvernement a fait modifier les règles de répartition des enveloppes départementales de dotation de développement urbain. Afin d'éviter le saupoudrage, les 25 millions d'euros supplémentaires, ouverts en première lecture, seront attribués aux départements dans lesquels se trouvent une ou plusieurs communes classées dans la première moitié des 100 communes éligibles à cette dotation.
A l'article 68, nos collègues députés ont obtenu le maintien du plafonnement de la contribution au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) des communes à 10 % de leurs dépenses réelles de fonctionnement.
L'article 69 portant sur les modalités de répartition des fonds nationaux de péréquation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements et des régions ainsi que celles du fonds des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements a fait l'objet d'un vaste débat. Le rapporteur général a clarifié les modalités de répartition et introduit un mécanisme de quote-part en faveur des régions d'outre-mer ; un sous-amendement du Gouvernement a rendu éligibles au Fonds de péréquation des DMTO les départements dont le revenu par habitant est inférieur à la moyenne ; la répartition du tiers des ressources du fonds s'opèrera en fonction du revenu par habitant pondéré par la population, et non plus en fonction du potentiel financier.
L'Assemblée nationale a, enfin, à l'initiative du Gouvernement, modifié les modalités du prélèvement effectué dans le cadre du fonds départemental de péréquation de la CVAE, pour créer deux prélèvements, l'un sur le stock, l'autre sur le flux.
M. Yves Krattinger. - Comment pondère-t-on par la population un revenu par habitant ?
M. François Marc, rapporteur général. - Dorénavant, sont éligibles au fonds de péréquation des DMTO les départements dont le revenu par habitant est inférieur à la moyenne...
M. Philippe Marini, président. - Ce sont les pauvres.
M. François Marc, rapporteur général. -... et un tiers des ressources du fonds sont réparties, non plus en fonction du potentiel financier, mais du revenu par habitant pondéré par la population. Concrètement, les départements très peuplés et où résident beaucoup de pauvres seront servis prioritairement sur ce tiers de l'enveloppe.
M. Albéric de Montgolfier. - Sommes-nous les gymnastes d'un cirque de Noël ? Nous travaillons sans filet comme s'il n'avait pas été assez reproché au précédent Gouvernement de travailler sans simulations. Voilà qu'on nous bricole des amendements sur les DMTO à la dernière minute, sans la moindre simulation, sans consultation de l'Assemblée des départements de France. Comment en mesurer les conséquences, quand nous ne savons même pas les lire ? Imaginez donc le contribuable confronté à un abattement de 20 %, en même temps qu'à une surtaxe de 10 %... C'est incompréhensible ! Et cet après-midi, nous progressons encore dans l'absurdité : nous allons examiner une loi de finances en deuxième lecture au moment où l'Assemblée examine la loi de finances rectificative qui mettra en pièces ce que nous allons voter.
M. Philippe Marini, président. - Il n'est pas sûr que nous allions jusqu'à l'article 69.
M. Albéric de Montgolfier. - Tant mieux !
M. Philippe Marini, président. - Cela nous permettra d'imiter le geste de Ponce Pilate...
M. Albéric de Montgolfier. - Je refuse de voter un dispositif auquel je ne comprends rien. Qui peut me l'expliquer ?
M. François Marc, rapporteur général. - Je partage en partie votre analyse, toutefois, le Sénat refusant de travailler sur son coeur de métier, les collectivités territoriales, et n'essayant pas de faire prévaloir ses analyses en commission mixte paritaire, nous ne pouvons nous étonner qu'on nous soumette ce genre de dispositifs. Nous n'avons guère d'autre choix que de les accepter.
M. Philippe Marini, président. - Nous ne les accepterons pas.
M. Jean-Claude Frécon. - La loi sera votée.
M. François Marc, rapporteur général. - Je me borne à dresser un constat. Les collectivités territoriales pèsent environ 100 milliards au sein du budget. Depuis des années, le Sénat a apporté une contribution fort utile à la gestion de leurs crédits. La commission mixte paritaire n'ayant pu aboutir, le Sénat ne saurait faire valoir son point de vue : nous dépendons de la position de nos collègues députés.
M. Philippe Marini, président. - S'agissant de la répartition de ce tiers des ressources du fonds de péréquation des DMTO, nous pourrions au minimum disposer d'une simulation. Nous devrions être en mesure de nous la procurer auprès de l'Assemblée nationale ou tout du moins, de savoir si celle-ci en a disposé pour se prononcer. Pour le reste, nous savons qu'un exercice de répartition dans une masse fermée fait autant d'heureux que de malheureux... En l'occurrence, s'agit-il d'autre chose que de déplacer les curseurs ?
M. Jean Arthuis. - Il serait peut-être sage de voter l'article d'équilibre et de prendre le temps de débattre des quelques articles concernant les collectivités territoriales afin que la position du Sénat ne passe pas par pertes et profits.
M. Philippe Marini, président. - Le Sénat a-t-il un point de vue sur la question ? S'agissant des DMTO, il sera dans sa logique de ne rien perturber pour maintenir la prévisibilité des recettes. Tout dépend de savoir qui sera en commission et en séance, représentant quel département... Je me souviens d'une époque pas si lointaine, où nous ne pouvions amender qu'à condition de ne pas mettre en péril la situation du département du Rhône. Nous nous efforcions de faire au mieux, ce n'était pas de la grande doctrine... Faut-il regretter ce calice ?
M. Yves Krattinger. - Qu'en concluez-vous, monsieur le Président ?
M. Philippe Marini, président. - Qu'il faudrait que nous ayons des simulations.
M. Yves Krattinger. - Vous venez de dire que cela ne servirait à rien. Je ne peux pas admettre de tels propos. Le Sénat a le droit de savoir et de prendre position ; les avis des uns et des autres ont leur importance dans le débat. Vous semblez dire : « N'y touchons pas, ne nous en mêlons pas ». Cette position est inadmissible.
M. Philippe Marini, président. - Sans doute exagérez-vous un peu. Regardons la simulation, voyons si le département de la Haute-Saône est favorisé ou pas.
M. Yves Krattinger. - Il y a peu de chances. Nous avons le quatre-vingt-dixième potentiel fiscal.
M. Philippe Marini, président. - Nous tâcherons de nous procurer les simulations qui seront communiquées aux membres de la commission. L'article d'équilibre n'a pas été rejeté par hasard, mais en raison d'oppositions profondes à la politique fiscale de ce Gouvernement. Vous êtes un homme politique : pourquoi vous en étonner et critiquer par principe les attitudes des autres ? Tout cela ressort du jeu normal d'une assemblée parlementaire. Nous sommes tous attachés à mettre en valeur les capacités d'analyse du Sénat.
M. François Marc, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a repris dans le projet de loi de finances certaines de nos propositions et en a réintroduit d'autres dans le projet de loi de finances rectificative : à l'article 14 quinquies, elle a transformé la réduction d'impôts au titre des cotisations syndicales en crédit d'impôt ; elle a également autorisé les communes et leurs EPCI à prendre une nouvelle délibération sur la cotisation foncière minimale des entreprises pour 2012.
Je suggère que nous adoptions en l'état le projet de loi de finances pour 2013.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - N'avez-vous aucun amendement sur les articles de seconde partie concernant les collectivités territoriales, susceptible de montrer que le Sénat a une capacité d'expertise et de proposition ? Cela nous ferait regretter la décision de ne pas les aborder...
M. François Marc, rapporteur général. - Nous vous ferons remettre très prochainement une liste des amendements sur les collectivités territoriales imaginés au Sénat pour la loi de finances et la loi de finances rectificative, et qui n'ont, hélas, pu figurer dans aucun de ces textes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce regret aurait été plus vif si nous avions eu l'occasion de les examiner... Je crains que vous ne vous autocensuriez.
M. François Marc, rapporteur général. - Nous avons redéposé au projet de loi de finances rectificative tous les amendements relevant de la seconde partie. Un certain nombre d'entre eux a été adopté, mais je crains...
Mme Michèle André. - ...qu'ils ne connaissent le même sort.
M. François Marc, rapporteur général. - Tous ne pourront aboutir, ou je connais mal Christian Eckert.
M. Jean-Claude Frécon. - Ce débat instructif sur les collectivités territoriales est la conséquence de choix politiques faits par notre assemblée. Un sujet plus terre à terre me préoccupe : l'article 39 augmente la redevance audiovisuelle de 4 euros. Ne devrait-il pas s'agir de 6 euros ?
M. Jean Arthuis. - Je souhaite également que nous disposions, d'ici l'examen en séance, de simulations sur les dispositions relatives aux collectivités territoriales et en particulier sur celles qui ont été amendées en seconde lecture à l'Assemblée nationale.
Le fonds institué pour venir en aide aux départements en difficulté a été doté de 170 millions répartis en deux sections : la première, dotée de 85 millions, sera répartie selon des critères objectifs, la seconde sera dans les mains du Gouvernement, que je suspecte de ne pas vouloir la dépenser pour éviter la dégradation du solde budgétaire. Or, j'attire l'attention sur la situation des départements accueillants des mineurs étrangers isolés. Arrivés par des filières organisées, ils se retrouvent dans les chefs-lieux desservis par le TGV ; ils sont placés dans des foyers d'aide sociale à l'enfance qui reviennent extrêmement cher aux conseils généraux. J'ai essayé de convaincre le ministre d'affecter une fraction de ces 85 millions aux départements qui accueillent ces jeunes, qui bien souvent ne sont pas mineurs, mais dont nos moyens scientifiques n'établissent pas l'âge avec précision. Après tout, il s'agit d'une carence du contrôle de flux migratoires.
M. Albéric de Montgolfier. - Le groupe auquel j'appartiens n'est pas dans la majorité sénatoriale. Si le texte n'a pas été adopté, c'est bien parce qu'une partie de cette majorité ne s'y reconnaissait pas. Le crédit d'impôt compétitivité a été rejeté, y compris par le groupe écologiste. Bertrand Delanoë le disait très bien ce matin : il y a un problème de lisibilité de l'action Gouvernementale, puisqu'une grande partie de la majorité sénatoriale ne se retrouve pas dans les textes du Gouvernement. Ne reprochez pas à l'UMP, qui n'appartient ni à la majorité nationale, ni à la majorité sénatoriale, de ne pas voter le projet de loi de finances du Gouvernement. Le parti socialiste n'a jamais voté le projet de loi de finances lorsqu'il était dans l'opposition. Si nous étions capables de faire un travail sérieux pour les collectivités, je serais prêt à m'abstenir à titre personnel. Le texte a été enregistré à la présidence le 15 décembre, il nous a été transmis le 16 ou le 17 décembre, nous l'examinons ce matin en commission et cet après-midi en séance publique. Pensez-vous sérieusement que nous soyons en mesure de travailler sereinement dans de tels délais sur des questions aussi techniques et complexes que la péréquation départementale ?
Quant à la redevance, elle n'a cessé de varier : il y a eu une taxe sur les résidences secondaires, on l'a augmentée de deux puis de quatre euros et une augmentation de six euros figure dans le collectif. Concrètement, nous examinons un texte que contredit le collectif que vont examiner les députés, d'où un problème de lisibilité. Si le Gouvernement avait clairement affiché ses intentions dès le départ, nous ne nous serions pas perdus au cours de ces allers et retours incessants.
Mme Michèle André. - Admettons que nous n'avons pas pesé dans le débat et que notre arrivée avec une feuille blanche à la commission mixte paritaire la semaine dernière a pour conséquence que là où traditionnellement le Sénat apporte une expertise reconnue et attendue, nous sommes inopérants. Nous avons su, et vous n'y étiez pas pour rien, monsieur le Président, rendre la réforme sur la taxe professionnelle moins terrible pour les collectivités territoriales. Cela n'est pas possible aujourd'hui, prenons-en notre parti. Nous n'avons pas travaillé la deuxième partie, nous n'avons pas eu d'échanges, et ce n'est pas l'initiative de Gérard Miquel qui peut compenser un riche débat. Faut-il être reconnaissants à l'Assemblée nationale d'avoir repris une partie de nos amendements, venant de tous les bords ? Nous avons les résultats de notre travail.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - On ne peut absolument pas prétendre cela. S'il y avait une expertise, le rapporteur général nous proposerait des amendements. Je les attends, il n'est pas trop tard pour que nous en débattions. Peut-être notre rapporteur général est-il un peu résigné ? Pourquoi ne trouverions-nous pas un accord technique, pourquoi préjuger que c'est impossible ? Oui, les amendements du Sénat, c'est une feuille blanche. Si vous le souhaitez, nous pouvons suspendre pour donner au rapporteur général le temps de formuler des propositions d'amendements et les examiner cet après-midi. Cela ne doit pas être un jeu d'ombres : ces apports doivent avoir une réalité.
M. François Marc, rapporteur général. - Ne perdons pas le fil de notre discussion. Un collègue a manifesté son incompréhension devant le travail réalisé par l'Assemblée nationale à l'article 69 sur la CVAE et les DTMO. Les amendements que nous avions imaginés n'ont pu être examinés en loi de finances et l'ont été au moins partiellement en projet de loi de finances rectificative. Si nous avions voté notre dispositif sur l'article 69 du projet de loi de finances, et que la commission mixte paritaire avait recherché un accord, nous aurions disposé de toutes les simulations nécessaires et aurions été en mesure de défendre notre point de vue. Dans mes fonctions, je me borne, sans juger les attitudes des uns et des autres, à constater que cela n'a pas été le cas : sur cet article, votre rapporteur n'a pas été en capacité de faire avancer la position du Sénat. Confrontée à cette carence, l'Assemblée a livré sa propre analyse, sans examen contradictoire.
Quant à la redevance, elle passe de 125 euros à 129 euros, auxquels il faut ajouter, automatiquement 2 euros pour l'inflation, soit 6 euros au total. Pour l'outre-mer, elle passe de 80 euros à 83 euros, plus 1 euro pour l'inflation.
Les mineurs étrangers isolés constituent un vrai problème. La négociation ouverte entre le ministère de la justice et les départements y répondra. D'après mes informations, le fonds pour les départements en difficulté ne sera pas sollicité : les conventions entre le ministère et les départements prévoiront une prise en charge spécifique.
M. Jean Arthuis. - Cela nous concerne tous. Nous n'avons pu examiner le budget de la justice.
Mme Michèle André. - C'est un constat.
M. Philippe Marini, président. - Rien n'empêche le pouvoir exécutif de prendre conscience d'une difficulté qui est réelle. Cela relève de sa mission.
M. François Marc, rapporteur général. - Vu la configuration présente, je n'ai pas d'autre voie que de proposer d'adopter le projet de loi de finances en l'état.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avons-nous débattu sur les DMTO dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ?
M. François Marc, rapporteur général. - Cette question a été longuement examinée lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités ». Notre commission avait proposé un moratoire sur le dispositif des DMTO jusqu'à ce que nous disposions de tous les éléments utiles pour le corriger. L'amendement a été adopté sur le projet de loi de finances rectificative - l'Assemblée pourrait revenir à sa position en deuxième lecture de celui-ci.
M. Yves Krattinger. - Les finances de certains départements sont sous tension ; les dispositifs de péréquation et de solidarité se multiplient. Les DMTO sont évidemment des ressources extrêmement inégales : de zéro à quelques millions d'euros dans les départements qui en perçoivent le moins, au milliard d'euros dans le département qui en touche le plus. Pour corriger des réformes antérieures, un fonds de compensation sur la CVAE a été introduit cette année. Voilà maintenant un fonds spécial de 170 millions d'euros en deux parties... Cette juxtaposition de fonds de péréquation nuit à la lisibilité. Les élus départementaux de toutes sensibilités demandent une clarification. On ne peut continuer à multiplier les petits pansements. Le Sénat détient suffisamment d'expertise partagée. A laisser le bateau courir sur son erre, nous mettons en jeu notre crédibilité. Bien que l'on puisse comprendre les postures politiques finales, l'interruption du débat budgétaire à mi-parcours pose problème. Il est normal que la droite ne vote pas le budget, que le Sénat ne débatte pas du budget n'est bon pour personne. On finira par demander à quoi il sert... Cela devient un problème collectif.
M. Philippe Marini, président. - Ne déplacez pas les responsabilités. Vos alliés de la majorité sénatoriale sont en désaccord avec vous sur le fond de certaines choses. Je ne fais que constater, comme un notaire, que leur vote traduit ce désaccord. Or ces alliés ont été le plus souvent élus par les mêmes électeurs que vous et sur des listes que vous partagiez. Voilà le constat politique d'un réel problème au sein de la majorité sénatoriale. En revanche, l'opposition est dans son rôle quand elle refuse de voter une première partie exprimant une politique fiscale qu'elle désapprouve - vous en feriez autant à notre place.
Puisque nous avons suffisamment commenté cette étrange configuration, je vous propose de voter sur la première partie, puis d'exprimer un vote indicatif sur l'ensemble.
M. François Patriat. - Dois-je comprendre que l'opposition refuse le rétablissement des comptes de la nation ?
M. Philippe Marini, président. - Je ne comprends pas votre question : il y a plusieurs chemins pour retourner à l'équilibre ; nous partageons l'objectif, nous n'approuvons pas le chemin retenu.
M. Jean Arthuis. - Il n'y pas de majorité au Sénat et celui-ci n'est pas l'Assemblée nationale. Face à la gravité de la situation, il faudra bien surmonter les tabous de la République et faire émerger des solutions avec pédagogie - c'est le rôle du Sénat et sa valeur ajoutée. Cet automne aura livré ses enseignements, à charge pour nous d'assumer nos responsabilités. Sortons des conventions et des visions dogmatiques : nous n'avons pas à jouer la même partition que l'Assemblée nationale. La situation extrêmement grave que nous allons connaître pourrait susciter des révoltes difficiles à contenir.
Je m'abstiendrai sur l'article d'équilibre, ce qui ne signifie pas que je voterai la loi de finances. J'aimerais que nous débattions de l'article 69 et que la position du Sénat sur les articles de seconde partie concernant les collectivités territoriales soit actée.
M. Albéric de Montgolfier. - Nous aurons une position similaire. Il serait dommage de se priver d'un débat sur la seconde partie. Le groupe UMP déposera des amendements et le rapporteur général est invité à le faire. Notre abstention en commission sur la première partie ne préjuge pas de notre vote en séance publique. Il ne signifie pas que nous désapprouvons le retour à l'équilibre des finances publiques, mais que nous refusons la trajectoire.
M. Philippe Marini, président. - Il n'y a pas qu'un seul chemin.
La commission décide tout d'abord de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2013, par 15 voix pour et 18 abstentions, après prise en compte des délégations de vote.
Puis, elle décide de proposer au Sénat de rejeter l'ensemble du projet de loi de finances pour 2013, par 18 voix contre et 15 voix pour, après prise en compte des délégations de vote.
M. Philippe Marini, président. - Allez-vous, monsieur le Rapporteur général, nous présenter des amendements sur la seconde partie et les articles non rattachés ?
M. François Marc, rapporteur général. - Dans cette configuration, j'ai proposé à la commission de voter le texte conforme. Nous avons eu un mois pour travailler ; ce travail ayant malheureusement été interrompu, il n'a pas été possible de le valoriser comme il le méritait. Comment pourrais-je, d'ici cet après-midi, procéder à un tri sélectif des amendements qui, d'ailleurs n'aboutirait pas puisque la colonne Sénat restera blanche ?
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est Sisyphe...
M. Philippe Marini, président. - Les votes du Sénat sur la première partie n'ont pas été d'un effet nul, l'Assemblée nationale en ayant repris une partie significative.
M. François Marc, rapporteur général. - Nous fournirons les éléments chiffrés dont nous disposerons cet après-midi. Je distingue bien le structurel, c'est-à-dire le travail de fond de notre commission, du conjoncturel, qui relève de la séance. Si le rapporteur général ne peut, dans la conjoncture présente, faire aboutir ce qu'il aimerait, le structurel se poursuit, et sa qualité reste reconnue.
M. Philippe Marini, président. - Un Sénat d'opposition est un Sénat utile, on l'a bien vu par le passé. Que la majorité apparaisse négative n'y change rien. Ce refus est un fait politique, mais nous gardons tous les travaux de contrôle et je compte bien proposer en début d'année une liste exigeante de travaux de contrôle et d'enquête.
M. Francis Delattre. - Une solution structurelle pourrait concerner les départements dont les difficultés vont crescendo. Pourquoi ne pas réfléchir à l'affectation d'une partie de la CSG aux conseils généraux ?
M. Philippe Marini, président. - Nous pouvons toujours réfléchir...
Loi de finances pour 2013 -- Examen d'une question préalable en nouvelle lecture
Au cours d'une seconde réunion tenue à la suspension de séance de l'après-midi, la commission procède à l'examen de la motion n° I-80 de M. François Rebsamen et des membres du groupe socialiste, tendant à opposer la question préalable à l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2013.
M. Philippe Marini, président. - Notre commission des finances est saisie d'une motion tendant à opposer la question préalable.
M. François Rebsamen. - La motion du groupe socialiste demande de ne pas poursuivre les délibérations sur le projet de loi de finances pour 2013 adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Avec d'autres de nos collègues, j'avais évoqué, le 28 novembre dernier, la possibilité donnée à l'opposition de poursuivre les débats. Plusieurs de ses représentants, comme Philippe Adnot, avaient alors décidé de ne pas rejeter la première partie, afin notamment de valoriser le travail effectué par les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, sans que le vote final n'en eût été changé.
A présent, le retour du projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale lui permettrait, selon l'opposition, d'avoir une deuxième vie au Sénat. Mais ce revirement de situation intervient bien tardivement, et il m'a semblé, ainsi qu'à mes collègues socialistes, qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre les discussions, alors que leur issue nous est connue.
Mme Marie-France Beaufils. - L'opposition souhaite un débat aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas il y a quelques semaines. Les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen sont totalement opposés aux modifications proposées par la droite. C'est pourquoi, même si nous partageons la volonté de continuer le débat, nous voterons la question préalable.
M. Albéric de Montgolfier. - Nous sommes dans une situation assez inédite où une motion de procédure est déposée par les représentants de la majorité gouvernementale. Par ailleurs, un certain nombre d'amendements importants du Sénat ont été repris par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, sans avoir été adoptés au Sénat, où le Gouvernement dispose pourtant d'une majorité.
Le dépôt de la motion n'est pas justifié par une situation d'obstruction, au regard du nombre d'amendements déposés, de l'ordre de soixante-dix, par l'ensemble des groupes politiques. Le débat mérite donc de se poursuivre.
En réalité, le Gouvernement a pris conscience qu'il ne dispose plus d'une majorité au Sénat, comme l'ont encore montré les votes intervenus samedi sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été rejeté par plus de 200 voix par notre assemblée, dont celles des sénateurs écologistes et communistes.
M. Aymeri de Montesquiou. - La proposition du groupe socialiste a le mérite d'être originale, puisqu'il n'est pas fréquent qu'un parti soutenant la majorité dépose une motion de question préalable.
Pour ma part, je crains qu'en refermant le débat on ne réduise encore davantage la place du Sénat dans nos institutions.
M. Pierre Jarlier. - Je ne voterai pas plus la question préalable que je n'avais souhaité clore les débats de première partie.
Nos électeurs attendent que nous nous préoccupions des collectivités territoriales, et tel est le sens de plusieurs amendements de finances locales que j'ai déposés avec notre collègue Jean Germain.
Le résultat de l'absence de débat en séance publique au Sénat est que l'Assemblée nationale décide du sort des collectivités territoriales, y compris par des initiatives malheureuses : la réforme proposée du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) a des conséquences indésirables pour tous les départements les plus pauvres de France.
M. Philippe Marini, président. - Dispose-t-on des simulations relatives aux DMTO ? Nous nous sommes engagés ce matin à les diffuser.
M. François Marc, rapporteur général. - Il a en effet été question des fonds de péréquation. Nous avons obtenu les éléments de simulation utilisés par l'Assemblée nationale que nous pouvons vous diffuser.
S'agissant de la motion, je préconise son adoption. Nous avons travaillé jour et nuit depuis le 3 octobre dernier, examinant ainsi six textes, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, le projet de loi de finances pour 2013 et le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012. Ces deux derniers textes nous ont conduits à examiner plus de deux cents articles.
La commission des finances, ses rapporteurs spéciaux et collaborateurs, ont travaillé de manière approfondie depuis le mois de septembre dernier. Je regrette que ce travail n'ait pas été autant valorisé. Je tiens à rappeler que treize journées d'examen en séance publique au Sénat ont été neutralisées. Treize jours de perdu.
Aussi, je reste perplexe devant la volonté de l'opposition de discuter à nouveau le texte en travaillant jour et nuit alors que treize jours ont ainsi été supprimés de notre ordre du jour. Je ne peux me satisfaire de l'intention de faire ainsi durer les débats. C'est pourquoi je soutiens la motion qui va dans l'intérêt de tous et préserve notre capacité pour l'avenir, sans nous engager dans l'examen d'amendements déjà déposés en première lecture. Je ne perçois pas le bénéfice d'une telle discussion.
Vous avez annoncé que vous voteriez contre le texte. Quel est cette logique qui consiste à vouloir poursuivre un travail qui ne servira a priori à rien ?
M. Philippe Marini, président. - Les treize jours auxquels vous faites référence n'ont pas été perdus puisqu'ils nous ont permis d'examiner le texte sur la Banque publique d'investissement !
M. Jean Arthuis. - Je suis étonné car, jusqu'au vote de l'article d'équilibre, on pouvait penser qu'il existait une majorité de gauche au Sénat. Ce qui me trouble, ce sont les adjonctions liées aux amendements du Gouvernement votés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. En effet, certaines d'entre elles modifient profondément la répartition de la dotation de la péréquation sur la valeur ajoutée, ainsi que la péréquation des droits de mutation. L'opposition souhaitait, lors de l'examen de la seconde partie, exprimer son opinion sur de telles novations. La majorité gouvernementale ne prend-elle pas un risque constitutionnel en votant le texte dans ces conditions ? Il pourrait y avoir une contestation qui consisterait à dire que le Parlement n'a pas pu s'exprimer. Introduire de telles dispositions en nouvelle lecture subrepticement alors que l'opposition est empêchée d'en débattre au Sénat par le biais de la question préalable conduit à m'interroger sur la constitutionalité des novations de la nouvelle lecture. Je fonde l'espoir qu'elles soient censurées.
M. Philippe Marini, président. - Monsieur le rapporteur général, votre argumentation serait acceptable si ces amendements étaient répétitifs. Toutefois, ainsi que l'a souligné notre collègue Jean Arthuis, des ajouts considérables au texte ont été adoptés par l'Assemblée nationale, notamment en matière de péréquation entre les départements. Les conditions dans lesquelles ces amendements ont été votés devraient vous permettre de comprendre notre souci d'aller plus loin dans la discussion. Nous sommes, en effet, loin de l'obstruction.
Il nous faut conclure maintenant par un vote. La proposition du rapporteur général est de voter la motion tendant à opposer la question préalable.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de la motion tendant à opposer, en nouvelle lecture, la question préalable au projet de loi de finances pour 2013, par 23 voix pour et 13 voix contre, après prise en compte des délégations de vote.
Mercredi 19 décembre 2012
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Loi de finances rectificative pour 2012 - Examen du rapport en nouvelle lecture
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport, en nouvelle lecture, de M. François Marc, rapporteur, sur le projet de loi n° 238 (2012-2013) de finances rectificative pour 2012.
M. François Marc, rapporteur général. - Le projet de loi de finances rectificative initial pour 2012 comptait 31 articles. L'Assemblée nationale l'a enrichi en première lecture de 59 nouveaux articles. Après que le Sénat a rejeté le texte, l'Assemblée nationale a maintenu sa rédaction de première lecture sur 61 articles et l'a modifiée sur les 29 articles restants. Parmi ces modifications, l'Assemblée nationale a repris 9 initiatives du Sénat en première lecture, portant sur 8 articles. Le principal apport du Sénat, sur la révision des valeurs locatives foncières, n'a pas été repris pour des raisons de procédure, mais le Gouvernement s'est engagé solennellement, en déposant cet amendement au Sénat, à organiser une concertation en 2013, afin d'inclure une disposition dans une loi de finances avant le débat de 2014 - si cette disposition figurait dans le projet de loi de finances pour 2014, nous disposerions des informations dès septembre et aurions le temps nécessaire pour les analyser. L'expérimentation débuterait en 2014. Je me félicite de cette avancée.
A l'article 17, reprenant une initiative de notre commission, l'Assemblée nationale a prévu l'indexation des tarifs des Ifer sur le taux d'inflation. Sur la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE), l'Assemblée nationale a également repris notre mesure mais la borne haute de la seconde tranche a été abaissée à 4084 euros. A l'article 17 nonies, le coefficient multiplicateur de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base a été porté de 1,1 à 1,3 comme le souhaitait Philippe Adnot. L'article 28 ter prévoit la remise au Parlement d'un rapport rendant compte de l'utilisation par l'Union d'économie sociale du logement (UESL) des prêts sur fonds d'épargne consentis pour financer le logement social - une disposition de même inspiration avait été adoptée par le Sénat, à l'initiative de notre commission.
Outre ces modifications, l'Assemblée nationale a modifié plusieurs articles par rapport à sa rédaction de première lecture. A l'article 4, les recettes fiscales ont été minorées de 50 millions d'euros en raison de la sortie progressive du dispositif de baisse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ce qui porte le déficit prévisionnel à 86,17 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, président. - C'est trop !
M. François Marc, rapporteur général. - Au sein de la mission « Défense », une ouverture de crédits du titre 2 de 195 millions d'euros, sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », a été décidée. Parallèlement, 100 millions du programme 146 font l'objet d'une annulation au sein de cette mission. Le solde est financé par des annulations sur les autres missions.
A l'article 15 bis, concernant les déductions pour investissement pour aléas, l'Assemblée nationale a rétabli une multiplication des plafonds identique pour les GAEC et les EARL et introduit un mécanisme incitatif destiné à encourager les éleveurs à constituer un stock de précaution hors périodes de calamité.
Le régime des sanctions relatif à la taxe locale sur la publicité extérieure a été uniformisé, à l'article 17 - jusqu'à présent, seule pouvait être punie d'amende une déclaration insuffisante, non l'absence de déclaration, qui entraîne une taxation d'office. Un amendement excluant les îles maritimes mono-communales du prélèvement au FPIC a été adopté.
M. Philippe Marini, président. - Il y en a cinq, je crois, dont deux au moins dans le Finistère ?
M. François Marc, rapporteur général. - Une seule, Ouessant.
A l'article 17 quater, les attributions de compensation dans le cadre de la mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale ont été clarifiées. A l'article 17 duodecies, concernant le fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, la pondération initialement proposée par le Gouvernement a été rétablie, à l'initiative du rapporteur général. Le critère de la population a été restauré pour le calcul du versement au titre de la première section du fonds. Les propositions, adoptées au Sénat, de notre collègue Gérard Miquel, visant à limiter le critère de population à 10 %, et celle de notre commission, prenant en compte la population âgée de plus de 75 ans, n'ont pas été reprises.
Un amendement du Gouvernement a rendu éligibles à la quote-part outre-mer les collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélémy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
A l'article 24 bis, il a été précisé, en cohérence avec la loi créant la Banque publique d'investissement (BPI), que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a également pour objectif de contribuer au financement de la transition énergétique. Deux amendements du Gouvernement ont, en outre, élargi le bénéfice du CICE à l'ensemble des entreprises ou organismes partiellement exonérés d'impôt, conformément à l'article 207 du code général des impôts, et précisé les conditions de pré-financement du CICE, notamment les conditions de cession de la créance. Les entreprises, notamment les PME, qui ont un besoin de financement, pourront céder leur créance fiscale future à un établissement de crédit, à titre d'escompte ou de garantie, dès 2013, sans attendre la déclaration spéciale de 2014.
M. Philippe Marini, président. - Dans le cas du dispositif Dailly, l'escompte concerne une créance réelle. Ici, il s'agit d'une créance future ? C'est une novation.
M. François Marc, rapporteur général. - Il s'agit d'une créance sur l'État.
M. Jean Arthuis. - C'est de la cavalerie fiscale. Je croyais que la mission de la BPI était de financer l'économie. Démonstration est faite qu'elle a davantage vocation à financer l'État.
M. Philippe Marini, président. - Si une créance est future, elle n'existe pas.
M. François Marc, rapporteur général. - Le crédit d'impôt recherche (CIR) prévoit déjà la cession d'une telle créance.
M. Jean Arthuis. - En réalité, le dispositif dissimule des milliards de déficit supplémentaire !
M. Philippe Marini, président. - La rédaction du Gouvernement semble incertaine. Nul doute qu'elle alimentera les réflexions de la doctrine et sera le sujet de nombreux colloques. Saluons cette prouesse d'ingénierie financière.
M. Jean Arthuis. - J'ai écrit au Premier président de la Cour des comptes pour connaître son opinion sur cette interprétation de la sincérité budgétaire...
M. Francis Delattre. - La qualité de la créance, future ou immédiate, est discutable dès lors qu'elle est soumise à des critères de conditionnalité. Pas moins de sept critères ! Le Gouvernement considère qu'il ne s'agit que de « repères », mais il est difficile de considérer qu'une créance est certaine dès lors qu'elle est suspendue à un contrôle fiscal éventuel.
M. Philippe Marini, président. - La conditionnalité figure dans le texte, bien que de manière floue : s'agit-il d'un commentaire, ou d'une limitation de la validité de la créance ? La situation est inédite.
M. François Marc, rapporteur général. - Cet amendement de l'Assemblée précise simplement que le mécanisme applicable au CICE pour les cessions de créances sera le même que celui valable pour le CIR. Il n'y a rien de nouveau.
M. Philippe Marini, président. - Rien de nouveau sous le soleil !
M. Jean Arthuis. - Des dispositions prévoient le remboursement immédiat de la créance, notamment pour les jeunes entreprises innovantes, celles placées en sauvegarde ou en liquidation judiciaire, sans compter les entreprises qui clôtureront leur exercice comptable au cours de l'année 2013. En ce cas il convient de modifier le solde budgétaire de l'année 2013 car ces remboursements devront être versés durant l'année.
M. Philippe Marini, président. - C'est une nouvelle démonstration que la loi de finances est insincère. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 modifie en outre l'équilibre pour les exercices budgétaires suivants. L'esprit de la loi organique relative aux lois de finances n'est pas respecté. Nous émettrons des réserves d'ordre constitutionnel.
M. François Marc, rapporteur général. - Votre interprétation n'apparaît pas fondée. Il n'y aura aucune incidence sur le solde en 2013.
M. Philippe Marini, président. - Alors, il s'agit d'un miracle budgétaire. Aucun crédit n'est inscrit mais les entreprises recevront de l'argent. Cela prouve que l'ingénierie financière n'est pas nécessairement satanique...
M. François Marc, rapporteur général. - En effet, si elle est utilisée à bon escient.
A l'article 24 sexies, le rapporteur général Christian Eckert a introduit un dispositif de lissage des effets de seuil induits par la nouvelle taxe sur les plus-values immobilières. Vous serez satisfait, M. le président.
Un amendement à l'article 32, à l'initiative du Gouvernement, a relevé le plafond des droits perçus par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) pour les produits bénéficiant d'une indication géographique protégée, autres que les produits vitivinicoles et les boissons alcoolisées.
Je ne ferai pas la liste des initiatives du Sénat non retenues.
M. Philippe Marini, président. - Ce serait trop triste.
M. François Marc, rapporteur général. - Beaucoup de nos amendements consistaient en articles additionnels qui ne pouvaient être repris en nouvelle lecture. La version issue de l'Assemblée nationale étant la seule à pouvoir être opérationnelle dans les délais, je vous propose d'émettre un avis favorable.
M. Francis Delattre. - Notre position n'a pas évolué. Si quelques aménagements ont eu lieu, le fonds demeure.
M. Jean-Claude Frécon. - Nous soutenons, quant à nous, la position du rapporteur général.
La commission procède au vote.
M. Philippe Marini, président. - Egalité des voix !
La commission rejette la proposition du rapporteur général tendant à proposer au Sénat d'adopter sans modification le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012, par 20 voix pour, 20 voix contre et 1 abstention, après prise en compte des délégations de vote.
En conséquence, elle décide de proposer au Sénat le rejet en nouvelle lecture du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen du rapport et du texte de la commission en nouvelle lecture
La commission procède ensuite à l'examen du rapport, en nouvelle lecture, de M. François Marc, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur le projet de loi n° 239 (2012-2013), de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
M. François Marc, rapporteur général. - Le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2012 -2017 comptait, à l'origine, 21 articles. En première lecture, l'Assemblée nationale en a supprimé un et adopté deux nouveaux. Le Sénat a rejeté le texte et la commission mixte paritaire a échoué.
L'Assemblée a adopté des amendements en nouvelle lecture, qui ont pour objet quasi-exclusif de tirer les conséquences du pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, annoncé le 6 novembre 2012 par le Premier ministre. Ces amendements, notamment pour instaurer le CICE, étaient attendus. Le 7 novembre, le Sénat avait rejeté un amendement du Gouvernement, malgré l'avis favorable du rapporteur général, prévoyant que le texte pourrait être modifié pour tenir compte des allègements des prélèvements obligatoires et de la baisse de la dépense publique inscrits dans ce pacte.
A l'article 2 bis, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement prévoyant un effort structurel supplémentaire de 0,5 point de PIB sur les dépenses en 2014 et 2015 : 0,2 % en 2014 et 0,3 % en 2015. Le rapport annexé a été modifié pour dégager des économies supplémentaires de 10 milliards d'euros, afin de financer le CICE : 4 milliards d'euros en 2014, 6 milliards d'euros en 2015.
A l'article 3, le taux de dépenses publiques par rapport au PIB a été porté, par coordination, à 53,1 % du PIB, contre 53,6 % auparavant, et le taux de prélèvements obligatoires à 46,3 %, contre 45,9 % auparavant.
A l'article 7 concernant les opérateurs de l'Etat et leur contribution au redressement des finances publiques, l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a complété l'article du projet de loi de programmation qui interdit aux opérateurs le recours à l'emprunt, en prévoyant qu'ils peuvent s'endetter auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI).
M. Philippe Marini, président. - Le recours aux partenariats public-privé (PPP) est-il considéré comme un emprunt ?
M. François Marc, rapporteur général. - Pas d'un point de vue juridique.
M. Jean Arthuis. - C'est insensé. Les PPP comme les baux emphytéotiques administratifs servent à dissimuler la dette. La dépense d'investissement est supportée par un tiers, mais les loyers grèvent, sur la longue durée, les dépenses de fonctionnement. Dans la loi de finances, l'autorisation de recours à l'emprunt que nous votons devrait inclure les emprunts indirects. L'amendement que j'avais déposé en ce sens, et qui avait été voté par le Sénat, a été supprimé en CMP.
M. François Marc, rapporteur général. - La loi de règlement comportera un compte rendu détaillé de la situation.
M. Philippe Marini, président. - C'est un progrès rétrospectif.
M. Pierre Jarlier. - Ce n'est pas suffisant.
M. François Marc, rapporteur général. - Il fallait sécuriser juridiquement l'implication de la BEI, acteur clé du pacte européen pour la croissance et l'emploi, dans le financement des projets en France, notamment le plan Campus. L'article 7 a été modifié en conséquence.
A l'article 10, la programmation triennale des crédits de paiement des différentes missions, hors contribution au CAS « Pensions », hors charge de la dette, hors remboursements et dégrèvements, a été relevée de 20 millions en 2013, 60 en 2014 et 50 en 2015, pour tirer la conséquence des votes intervenus en loi de finances pour 2013.
M. Philippe Marini, président. - Bref, de la coordination.
M. François Marc, rapporteur général. - A l'article 13, le plancher de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires a été diminué de 3 milliards en 2014 et de 6 milliards en 2015, car les moindres recettes d'impôt sur les sociétés au titre du CICE ne seront que partiellement compensées par des augmentations du produit de la TVA et de la fiscalité écologique.
M. Philippe Marini, président. - Les réductions de dépenses fourniront une compensation partielle. Quant à la fiscalité écologique, on y viendra... plus tard.
M. François Marc, rapporteur général. - Elle émergera bientôt et je me félicite de cette ambition du Gouvernement.
M. Philippe Marini, président. - Notre commission devrait anticiper sur ce point. Nous organiserons une table ronde en janvier, qui pourrait servir de point de départ à une réflexion de fond, technique - taux, assiette, conséquences, etc.
M. François Marc, rapporteur général. - Effectivement. La table ronde aura lieu le 23 janvier. Ensuite, il faudra organiser notre travail. La commission des finances sera à l'initiative sur ce thème qui lui est cher. Ses membres, quelle que soit leur appartenance politique, ont témoigné leur ambition sur ce sujet. Pourquoi ne pas constituer un groupe de travail transpartisan ?
M. Philippe Marini, président. - C'est une bonne idée. Si nous ne nous projetons pas dans l'avenir, si nous n'imposons pas nos thèmes grâce à nos travaux, il nous sera difficile d'exister par rapport à l'Assemblée nationale.
M. François Marc, rapporteur général. - La nouvelle rédaction des députés, à l'article 19, prévoit que le bilan annuel de la loi de programmation ne se limite pas à une appréciation globale mais détaille la mise en oeuvre de chacun des articles, à périmètre constant. Il s'agit de la reprise d'un amendement adopté en première lecture par notre commission. Je me félicite que cette exigence claire soit inscrite dans la loi.
Les modifications apportées au rapport annexé montrent que l'instauration du CICE n'affecte ni la trajectoire du solde budgétaire effectif, ni celle du solde structurel. Le taux de croissance des dépenses publiques en volume est ramené de 0,7 %, en 2013-2017, à 0,5 % en moyenne, après prise en compte des 10 milliards d'euros d'économies du pacte pour la croissance. Dans le détail, ce taux sera de 0,9 % en 2013, 0,4 % en 2014, 0,2 % en 2015, 0,7 % en 2016 et 0,8 % en 2018.
M. Pierre Jarlier. - Quels étaient les montants inscrits dans la précédente loi de programmation pour les concours financiers aux collectivités territoriales ?
M. Vincent Delahaye. - Sur le fond, nous restons hostiles à cette loi de programmation. Les dépenses de l'État continuent à augmenter en volume. Il faudrait qu'elles baissent. Sur les missions, l'ajustement le plus significatif concerne la direction de l'action du Gouvernement, avec une hausse de 40 millions. On passe de 1,08 % à 1,12 % en 2015. N'est-ce pas excessif, alors que cette mission ne correspond pas à une priorité ? Également, pourrions-nous disposer d'un tableau récapitulatif de l'évolution des crédits des missions sur les trois dernières années ? La prospective se fonde sur la rétrospective !
M. Jean Arthuis. - Est-il raisonnable de conserver une prévision de croissance de 0,8 % en 2013 ? Les économistes, de façon consensuelle, envisagent plutôt une croissance proche de zéro. N'y a-t-il pas un risque de dérive ? Et 2 % de croissance en 2014, ce n'est pas gagné !
M. François Marc, rapporteur général. - L'an passé, le projet de loi de finances, que vous aviez soutenu, se fondait sur une estimation de 1,75 % pour cette année. On en est à 0,3 %.
M. Francis Delattre. - Justement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous n'êtes pas obligés de faire pareil !
M. François Marc, rapporteur général. - Aujourd'hui, un consensus semble se dégager, mais certains économistes s'en dissocient et prévoient une croissance de 0,8 %.
M. Philippe Marini, président. - Total et Morgan Stanley...
M. François Marc, rapporteur général. - Comme l'indiquait Pierre Moscovici, on peut espérer des retournements de conjoncture et la croissance peut s'avérer meilleure que prévu. Un objectif de 0,8 % est réaliste.
M. Vincent Delahaye. - Non, il est optimiste.
M. Jean Arthuis. - Certes, il nous appartient de cultiver l'espoir. Quel serait, sinon, le sens de l'engagement politique ? Mais, à la vérité, nous ne pouvons nous enorgueillir de nos pratiques depuis une quinzaine d'années. Cessons de nous renvoyer les chiffres passés à la face, ce n'est pas ainsi que nous nous en sortirons. Ces estimations, en définitive, étaient surtout incantatoires. Notre commission, d'ailleurs, a toujours su conserver sa liberté et émettre une petite note dissonante.
M. Philippe Marini, président. - Les gouvernements, confrontés à des exercices d'arbitrage difficiles, préfèrent recourir à des hypothèses optimistes, plutôt que d'opérer des coupes et arbitrages dans les dépenses, au risque de mécontenter les ministres, les administrations et leurs différentes clientèles.
M. François Marc, rapporteur général. - N'oublions pas qu'à partir de mars, avec la mise en place du Haut conseil des finances publiques, ces controverses n'auront plus cours.
M. Philippe Marini, président. - En effet, la fonction du Haut conseil sera de fournir des éléments objectifs au débat dans le cadre d'une procédure publique, afin que le Gouvernement ne soit plus suspecté de céder à la facilité. Nous verrons s'il parviendra à occuper toute la place que lui confère la loi organique.
M. François Marc, rapporteur général. - Sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement, la hausse s'explique par une modification de périmètre : des moyens de la direction générale de la modernisation de l'État, placée sous l'autorité de la ministre de la réforme de l'État, sont transférés aux services du Premier ministre, conformément aux orientations du Gouvernement sur la modernisation de l'action publique, formulées le 1er octobre.
M. Philippe Marini, président. - Il va de soi que des économies réalisées sous l'autorité du Premier ministre sont plus intelligentes que celles réalisées à Bercy.
M. François Marc, rapporteur général. - Quant aux concours aux collectivités, la précédente loi de programmation les stabilisait en valeur. La nouvelle loi intègre une diminution de 750 millions en 2014, puis autant en 2015.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - J'espère que chacun se rend compte qu'entre le budget, le collectif, la loi de programmation, la majorité ayant explosé dans la navette, la situation est devenue incompréhensible pour nos concitoyens. Je comprends bien qu'il faille prendre en compte, dans la loi de programmation, les fameux 10 milliards d'économies, mais encore faudra-t-il nous dire où vous les trouvez. Tout est mélangé : des dispositions prévues pour 2013 ont été inscrites dès 2012, tandis qu'on anticipe sur 2014. Quel schmilblick !
M. Richard Yung. - C'est grâce à vous. Bravo !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est grave, car le budget doit être la traduction d'une volonté politique. Mais cette volonté, où est-elle ?
M. Philippe Marini, président. - A partir du mois de janvier, il nous faudra nous déployer dans les territoires pour expliquer les textes financiers en faisant preuve de pédagogie...
M. Jean-Paul Emorine. - Nous pouvons tous nous renvoyer la critique sur les taux de croissance prévisionnels. La croissance ne se décrétant pas, les taux prévus sont toujours inférieurs à la prévision. Hier, avec nos collègues de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, nous avons auditionné le ministre allemand des affaires européennes. Qu'en est-il ressorti ? Le taux de prélèvement obligatoire de l'Allemagne est de dix points inférieur à celui de la France. Les fonctionnaires y représentent 10 % de la population active contre le double en France. Tant que l'on ne reverra pas les missions de l'Etat et des collectivités territoriales, on ne pourra pas assainir la situation car une charge lourde et permanente pèse sur nos administrations publiques. Je n'ai rien contre les fonctionnaires, mais avec beaucoup moins de personnel, il ne me semble pas que l'Allemagne soit mal administrée.
M. Yves Krattinger. - Est-il possible de disposer de simulations sur la répartition des fonds de péréquation, notamment le fonds de soutien des départements en difficulté ?
M. Philippe Marini, président. - Un tableau a été distribué hier soir, mettant en évidence les effets de la « réforme Bartolone ».
M. Richard Yung. - M. Emorine, vous reprenez un refrain mille fois entendu sur le nombre de fonctionnaires, sans tenir compte du fait que l'Allemagne est un pays fédéral : 800 fonctionnaires travaillent au ministère fédéral de la justice à Berlin... mais 10 000 dans le Land de Bavière. A propos de la merveilleuse gestion allemande, voyez la situation du nouvel aéroport de Berlin : 5 milliards d'euros de déficit et pas encore un seul avion en vue sur le tarmac ! Que chacun balaie devant sa porte.
M. Philippe Marini, président. - Le paradis n'est pas plus outre-Rhin qu'outre-Atlantique ou encore outre-Manche.
M. Pierre Jarlier. - Les simulations évoquées par Yves Krattinger font apparaître une situation extrêmement difficile. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale est d'une violence inouïe. La situation est bloquée, que peut-on faire ? Notre commission des finances pourrait demander solennellement au Gouvernement de reconsidérer son texte, car c'est lui qui, par amendement, a complètement bouleversé la répartition des fonds DMTO.
Revenons aux propositions de notre commission et accordons-nous l'année 2013 pour évaluer les conséquences des modifications. Voyons ensuite comment améliorer le dispositif, en allant éventuellement jusqu'à la création d'un fonds de péréquation unique pour les DMTO et la CVAE. La réforme inscrite ici est catastrophique pour les départements les plus pauvres et les moins peuplés - le critère du nombre d'habitants a des effets pervers.
M. Philippe Marini, président. - Ce sujet sort du cadre de la loi de programmation mais la question se pose : que peut-on faire ? La commission est un corps politique. Si un consensus se dégage, nous pourrions tout à fait rédiger un communiqué ou adopter une motion.
Quant au point de savoir quels sont les territoires pauvres, ils peuvent être grands ou petits, ruraux ou urbains. A part Saint-Jean-Cap-Ferrat, il n'y a plus de collectivités riches !
Mme Michèle André. - Compiègne ?
M. Philippe Marini, président. - Savez-vous que le taux de logement social à Compiègne est de presque 40 % ? Et combien à Clermont-Ferrand ?
M. Jean Arthuis. - La loi de programmation ne peut être dissociée de la question de la péréquation, puisque les restrictions des concours de l'État aux collectivités ne pourront être réalisées sans une forte péréquation. Jusqu'à maintenant, notre commission plaidait pour la prise en compte du potentiel financier calculé à partir de l'ensemble des ressources. Le texte de l'Assemblée nationale est en rupture totale avec cette idée, puisqu'il remplace le potentiel fiscal par habitant par une référence à la population totale. Est-ce là ce que nous souhaitons ? C'est une novation insupportable et il serait fâcheux que la loi de programmation amplifie la tendance manifestée lors de la deuxième lecture de la loi de finances pour 2013. Tout ceci est donc lié.
M. François Marc, rapporteur général. - M. Arthuis, l'alinéa 154 du rapport annexé au projet de loi de programmation dispose déjà que « la participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement devra être conciliée avec l'impératif de péréquation ». Le Gouvernement propose de renforcer la péréquation et d'associer, à partir de 2014, les collectivités à la préparation du pacte de confiance et de solidarité. Les mécanismes de péréquation y seront consolidés, accentués. Que peut-on faire d'autre dans une loi de programmation que prendre des engagements ?
Comment le Sénat peut-il exister ? En faisant prévaloir son point de vue lors de la CMP.
La pédagogie est l'art de la répétition mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La trajectoire dans laquelle nous nous inscrivons est claire : consolider les comptes de l'année 2012 en ramenant le déficit à 4,5 %, puis à 3 % en 2013, pour atteindre au final l'équilibre. Les choses sont claires. Tous les Français en sont avisés et s'attendent à ce que des efforts soient faits, avec un souci de justice.
M. Philippe Marini, président. - La rédaction n'engage pas à grand-chose, il n'est pas question, par exemple, des modalités de calcul de la péréquation. Sur l'ensemble du texte, avez-vous des amendements à nous présenter ?
M. François Marc, rapporteur général. - Non, je n'en ai pas.
M. Philippe Marini, président. - Le texte sur lequel la commission va se prononcer est donc le même que celui transmis par l'Assemblée nationale. Nous aurions pu le modifier, au moins à propos de la péréquation, mais le rapporteur général ne le souhaite pas.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Le Sénat est à la remorque de l'Assemblée !
La commission adopte le projet de loi sans modification.
Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
Enfin, la commission procède à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Richard Yung, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur le projet de loi n° 224 (2012-2013) portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE).
M. Richard Yung, rapporteur. - Ce « DDADUE » tend à transposer la directive sur la monnaie électronique, la directive « Omnibus I » réglant les relations entre l'Autorité bancaire européenne et l'Autorité de contrôle prudentiel et la directive concernant la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales.
La France a près d'une année et demie de retard dans la transposition de la directive sur la monnaie électronique et se trouve sous la menace d'un recours devant la Cour de justice et d'une condamnation pécuniaire non négligeable, de l'ordre d'une vingtaine de millions d'euros. Il y a donc urgence à adopter ce projet de loi.
Pour cette seconde lecture, 23 articles sur 46 sont encore en discussion. L'Assemblée nationale a adopté 93 amendements rédactionnels, après que le Sénat a lui-même procédé à une large réécriture du texte initial.
L'Assemblée nationale n'ayant pas bouleversé l'équilibre du projet de loi, je vous propose, compte tenu de l'urgence, d'adopter conformes les 23 articles restant en discussion et d'établir ainsi le texte définitif de la loi. L'examen en séance publique interviendra à la reprise de nos travaux, en janvier.
M. Éric Bocquet. - Y a-t-il un lien entre ce texte et les discussions sur l'union bancaire et la supervision unique en Europe ?
M. Richard Yung, rapporteur. - Oui ! Au point que la partie d'Omnibus I qui organise les échanges d'informations entre les différentes autorités prudentielles est probablement déjà obsolète du fait de la mise en place de cette supervision. Nous sommes toutefois tenus de la transposer pour des raisons strictement juridiques.
M. Philippe Marini, président. - Les modifications adoptées par l'Assemblée sont essentiellement rédactionnelles ?
M. Richard Yung, rapporteur. - Purement rédactionnelles.
La commission adopte le projet de loi sans modification.
Loi de finances rectificative pour 2012 - Examen des amendements en nouvelle lecture
Au cours d'une seconde réunion, tenue l'après-midi, la commission procède à l'examen des amendements en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La commission adopte les avis suivants :
Loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen des amendements en nouvelle lecture
La commission procède ensuite à l'examen des amendements en nouvelle lecture sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
La commission adopte les avis suivants :
Loi de finances rectificative pour 2012 - Echange sur la péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)
Enfin, la commission procède à un échange de vues sur l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, à l'article 69 du projet de loi de finances pour 2013, modifiant les critères de la péréquation des ressources tirées des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
M. Gérard Miquel. - Je voudrais attirer votre attention sur un problème qui concerne nos départements. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, sur l'article 69 du projet de loi de finances pour 2013, en l'absence du ministre du budget, et sans aucune simulation ni concertation, risque de poser de réelles difficultés aux plus petits de nos départements, tandis que certains grands départements y gagneraient. Par exemple, les Bouches-du-Rhône bénéficieraient d'un surplus de l'ordre de 17 millions d'euros. Cet amendement modifierait radicalement l'équilibre actuel de notre système de péréquation, avec des conséquences dramatiques. Ne pourrait-on envisager de déposer un amendement au projet de loi de finances rectificative pour dénoncer cette situation ?
M. François Fortassin. - Les départements qui y perdraient le plus seraient les départements ruraux à faible population. Par ailleurs, j'observe que, au travers de la liste de simulations qui nous a été donnée, certaines évolutions demeurent inexpliquées : le Vaucluse, la Drôme ou la Gironde y gagneraient énormément, tandis que la Haute-Garonne, gros département, y perdrait beaucoup. Il n'y a aucune explication. J'en conclus que si les critères, quels qu'ils soient, aboutissent à des effets pervers, alors il faut les changer ! Ce vote est un vrai tour de passe-passe de l'Assemblée nationale qui revient sur le relatif consensus trouvé l'an dernier.
M. Gérard Miquel. - Les calculs relatifs aux conséquences de cet amendement ont été effectués à partir de la péréquation effectuée en 2012. Pour ma part, j'ai fait réaliser des simulations au titre de l'année 2013. Il s'avère que la situation serait encore plus dramatique. En effet, avec la baisse des DMTO, la masse à répartir entre les départements serait encore plus faible.
M. Roland du Luart. - J'approuve ce que dit notre collègue Gérard Miquel. Il faut revenir sur cette décision inique !
M. Philippe Marini, président. - La commission pourrait présenter un amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Cela dit, nous savons tous que ce texte risque d'être rejeté. A défaut de solution législative, cela permettrait au moins au Sénat d'exprimer sa position politique sur ce sujet.
M. Roland du Luart. - Cette fois-ci, le ministre sera présent en séance, il pourra nous donner des réponses.
M. François Marc, rapporteur général. - Je rappelle que la commission des finances a donné un avis favorable à l'amendement n° 33 de Gérard Miquel relatif à la péréquation, ce qui devrait donner l'occasion au Sénat de s'exprimer sur ce thème, tout à l'heure, lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012. Est-il possible d'en faire plus, en déposant un amendement à l'article 17 relatif à la nouvelle répartition des DMTO ? Je m'interroge. La séance accepterait-elle un tel amendement, sur le fondement du principe de « l'entonnoir »?
M. Philippe Marini, président. - Donnons mandat au rapporteur général pour voir comment déposer un amendement exprimant notre point de vue sur l'amendement relatif à la péréquation des DMTO voté par l'Assemblée nationale.
M. François Marc, rapporteur général - Je vais m'y employer.
M. Jean Arthuis. - Je crois qu'il faut que le Sénat fasse preuve d'une expression politique forte face à ce que l'on pourrait qualifier de « mauvaise manière ». Un amendement transpartisan donnerait plus de poids à cette expression.
Il en est ainsi décidé.