- Mardi 11 décembre 2012
- Mercredi 12 décembre 2012
- Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels - Examen des amendements au texte de la commission
- Autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150.000 euros - Examen des amendements au texte de la commission
- Nomination de rapporteurs
- Groupe de travail sur la sécurité sociale et la santé des étudiants - Examen du rapport d'information
- Suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A - Examen des amendements au texte de la commission
Mardi 11 décembre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, la proposition de loi relative aux conditionnements alimentaires comportant du bisphénol A, dont le groupe socialiste a demandé l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du jeudi 13 décembre.
Je vous rappelle rapidement la chronologie de ce texte : il a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011 et au Sénat le 9 octobre dernier, puis en deuxième lecture à l'Assemblée il y a deux semaines, le 28 novembre.
Avant de vous présenter les modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte que le Sénat avait adopté, je souhaite vous rappeler en quelques mots le contexte.
Le bisphénol A est très largement utilisé dans les produits de la vie courante et il fait l'objet, depuis plusieurs années, de nombreuses études. Celles-ci permettent de tisser aujourd'hui un faisceau d'indices, que l'Inserm et l'Anses ont analysés en 2011 et 2012, et il existe dorénavant un certain consensus autour de quatre conclusions principales :
- la toxicité du BPA est avérée chez l'animal, elle est suspectée chez l'être humain ;
- l'alimentation en constitue la source principale d'exposition ;
- le BPA ne répond pas à l'approche toxicologique classique et peut notamment produire des effets à faibles doses, avec des mécanismes encore mal élucidés ;
- les périodes de grossesse et du début de la vie sont critiques et constituent une zone de vulnérabilité.
C'est dans ce contexte scientifique qu'intervient la discussion de la proposition de loi dont nous avons longuement débattu il y a deux mois maintenant et dont l'objectif principal est de supprimer le bisphénol A des conditionnements alimentaires.
Quelles sont les principales modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture ?
Commençons bien sûr par ce qui nous a beaucoup occupés, tout le monde s'en souvient : la date.
Premièrement, la suspension de la commercialisation des conditionnements destinés aux nourrissons et enfants de moins de trois ans avait été fixée par notre commission, puis par le Sénat, au 1er janvier 2013. L'Assemblée nationale a conservé ce principe mais, par prudence, au cas où le calendrier parlementaire ne permettrait pas une adoption définitive avant cette date, elle a prévu que cette suspension entrerait en vigueur le premier jour du mois suivant la promulgation de la loi.
Je vous rappelle que les industriels ont largement anticipé ce vote, ce qui démontre l'intérêt de tels débats parlementaires, et qu'il n'existe quasiment plus de conditionnements alimentaires pour bébés comportant du BPA.
Deuxièmement, en ce qui concerne les autres conditionnements, je vous avais proposé de conserver un délai de deux années entre la promulgation de la loi et la suspension de la commercialisation. Notre commission a ainsi défendu la date du 1er janvier 2015 et un débat a eu lieu, en séance, entre les tenants du 1er janvier, ceux du 1er juillet et ceux du 1er janvier 2016.
Ce débat, certes long, était nécessaire car il était utile d'entendre les différents arguments échangés et de mesurer la portée de la décision que nous allions prendre. Finalement, si vous me permettez l'expression, le Sénat a « coupé la poire en deux » et opté pour le 1er juillet 2015.
Je ne sais s'il s'agissait de la légendaire sagesse de notre Haute Assemblée, mais je milite toujours pour un objectif plus volontariste. Alors que les industriels travaillent depuis déjà plusieurs années sur la substitution du BPA, je ne suis pas certaine qu'ajouter six mois leur soit nécessaire. A contrario, ce délai serait un signal de relâchement ou d'incertitude, alors qu'au fond, nous sommes très largement d'accord sur l'objectif.
L'Assemblée nationale a finalement approuvé la date du 1er janvier 2015, qui me semble d'autant plus acceptable par le Sénat que l'Assemblée a fait elle-même un pas sensible vers le compromis, en adoptant deux mesures complémentaires :
- seuls les conditionnements entrant en contact direct avec les aliments seront concernés, alors que le texte englobait également, jusqu'alors, les surfaces externes des emballages ou des récipients. Cette précision importante conserve toute sa validité à notre objectif qui est, en cohérence avec le cadre scientifique aujourd'hui établi, d'éviter la migration de BPA dans les aliments ;
- par ailleurs, le Gouvernement remettra, avant le 1er juillet 2014, un rapport au Parlement pour évaluer les substituts possibles au BPA au regard de leur éventuelle toxicité. Ce rapport permettra, plus de six mois avant l'entrée en vigueur de la suspension, de faire un point d'étape et, le cas échéant, d'adapter notre législation, par exemple si nous nous rendons compte qu'il n'existe pas de substitut acceptable pour certains aliments, notamment ceux dont l'acidité est élevée.
En outre, l'Assemblée nationale n'a pas modifié l'habilitation que nous avions introduite pour que les agents de la répression des fraudes puissent contrôler effectivement le respect des dispositions de la proposition de loi.
Enfin, elle a confirmé la présence d'un avertissement sanitaire déconseillant l'usage des conditionnements alimentaires comportant du BPA aux femmes enceintes ou allaitantes et aux nourrissons et enfants en bas âge. Par cohérence, elle a repris la rédaction que je viens d'évoquer pour ne viser que les conditionnements entrant en contact direct avec les aliments.
Au Sénat et à l'Assemblée, le texte s'est enrichi de dispositions concernant les dispositifs médicaux ou certains produits destinés aux nourrissons.
A l'initiative de notre collègue Chantal Jouanno, le Sénat avait transposé le mécanisme applicable aux conditionnements alimentaires pour tous les dispositifs médicaux destinés aux femmes enceintes ou allaitantes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu'à trois ans : leur fabrication, importation, exportation et mise sur le marché auraient été suspendues, à compter du 1er juillet 2015, s'ils comportaient soit une substance cancérogène, mutagène ou reprotoxique, soit un perturbateur endocrinien.
L'Assemblée nationale a supprimé cette mesure, en estimant que son champ d'application très large est susceptible d'englober certains dispositifs indispensables au traitement ou à la prise en charge d'un patient et sans produit de substitution connu. Cette difficulté est d'autant plus forte que le nombre de substances concernées (environ 400) est très élevé.
Comme je l'avais indiqué en première lecture, je souhaite que le Gouvernement travaille concrètement sur cette question, notamment dans le prolongement des travaux de la récente mission commune d'information du Sénat sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, présidée par Chantal Jouanno et dont le rapporteur était Bernard Cazeau. D'ailleurs, le rapport demandé à l'article 4 de la proposition de loi permettra de disposer, dans un an, d'informations sur les conséquences de la présence de perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux.
Pour autant, l'autorisation d'un médicament ou d'un dispositif médical doit obligatoirement répondre à la question du rapport entre le bénéfice qu'il apporte au patient et le risque qu'il lui fait encourir. Autant il est possible de se passer d'un jouet ou d'un conditionnement alimentaire, autant un traitement médical présente toujours des risques qu'il est nécessaire d'évaluer pour estimer s'ils sont inférieurs aux bénéfices attendus pour la vie du patient.
Dans ce contexte, je ne crois ni sage ni pertinent de transposer tel quel ce que nous adoptons sur les conditionnements alimentaires aux dispositifs médicaux.
Dans le même esprit et à l'initiative de notre collègue Gilbert Barbier, le Sénat avait introduit une autre mesure, plus ciblée, qui consistait à interdire, à compter du 1er juillet 2015, dans les services de pédiatrie, néonatologie et maternité, l'utilisation de matériaux de nutrition parentérale, tubulures et contenants comportant un des trois phtalates suivants : le DEHP, le DBP et le BBP.
L'Assemblée nationale a conservé cet ajout du Sénat, l'estimant à juste titre pertinent, mais pour les raisons que j'ai évoquées au sujet de l'amendement de Chantal Jouanno, elle en a défini plus précisément le champ d'application : ce sont les tubulures comportant du DEHP qui seront interdites. Il semble en effet que le DEHP soit à la fois le plus fréquemment utilisé des phtalates et le plus nocif pour la santé. En outre, la notion de tubulures recoupe assez largement le champ des matériaux de nutrition ; surtout, l'expression « contenants » est trop imprécise : elle englobe par exemple les poches de sang pour lesquelles il existe une réelle difficulté de substitution car elles doivent être à la fois souples et solides, ce que permettent aujourd'hui les seuls plastifiants.
Au final, je crois que la rédaction trouvée à l'Assemblée ne dénature pas l'amendement adopté au Sénat et en respecte l'objectif. En outre, la demande de rapport dont je viens de parler a été complétée par une étude sur la présence des trois phtalates dans les dispositifs médicaux.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a inséré deux interdictions supplémentaires :
- les collerettes de tétines et de sucettes et les anneaux de dentition comportant du BPA seront interdits sans délai ;
- le Gouvernement a estimé nécessaire de procéder à une régularisation juridique, plus théorique que pratique. Selon lui, la loi de 2010 relative aux biberons en BPA ne couvre pas les biberons utilisés en établissement de santé car ils relèveraient du statut de dispositif médical. L'Assemblée nationale a donc explicitement interdit l'utilisation de biberons comportant du BPA comme dispositif médical. Je ne suis guère convaincue par cette présentation, mais il est évidemment préférable de lever tout doute éventuel. L'intention du législateur, à l'initiative du groupe RDSE et de notre collègue Gérard Dériot, était bien de supprimer tout biberon en BPA.
Un dernier point avant de conclure. A l'initiative du groupe écologiste, le Sénat avait demandé la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les perturbateurs endocriniens. Même si nous avons déjà eu plusieurs rapports de ce type, notamment celui de Gilbert Barbier pour l'Opecst, le Gouvernement pourra ainsi actualiser les données scientifiques et présenter la politique qu'il entend mener à ce sujet. Je le disais, ce rapport devra également contenir des informations sur les dispositifs médicaux, ce qui est tout à fait pertinent.
L'Assemblée nationale a apporté quelques modifications. Elle a notamment ajouté une étude sur l'opportunité d'interdire l'usage des trois phtalates mentionnés précédemment (DEHP, DBP et BBP) dans l'ensemble des dispositifs médicaux. Cette extension du rapport me semble également faire judicieusement écho aux préoccupations du Sénat.
En conclusion, je constate que la navette parlementaire a été fructueuse : nous avons eu des débats approfondis sur la date d'entrée en vigueur de la fin programmée des conditionnements alimentaires comportant du bisphénol A et nous avons enrichi le texte de mesures complémentaires.
A ce stade de la deuxième lecture, je crois que nous avons abouti à un compromis tout à fait satisfaisant, qui conforte nos ambitions dans un cadre réaliste.
Au regard des mesures restant réellement en discussion, il me semble inutile de reporter l'adoption définitive du texte de plusieurs semaines ou mois. En adoptant conforme le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale, construit à partir de celui que nous avons nous-mêmes approuvé début octobre, nous éviterions la réunion d'une commission mixte paritaire et une nouvelle lecture au minimum dans chaque chambre.
Surtout, le Sénat adresserait, dès jeudi, un puissant signal politique puisque notre pays serait alors le premier au monde à programmer effectivement la fin de l'utilisation du bisphénol A dans les conditionnements alimentaires. Tant à l'Assemblée qu'au Sénat, il existe une très large majorité, voire un consensus, sur le principe et les grandes modalités. Face aux risques contentieux qui peuvent survenir au sein de l'Union européenne et qu'il ne faut pas sous-estimer, nous nous devons d'être unis et rassemblés pour faire porter la voix des impératifs de santé publique.
Vous l'aurez compris, je vous propose d'adopter la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale sans modification.
Mme Annie David, présidente. - Merci pour cet exposé rapide mais qui nous rappelle bien l'ensemble des débats que nous avons eus sur le sujet.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Une question technique : les produits surgelés sont conditionnés dans des barquettes plastiques, éventuellement mises au four à micro-ondes. L'augmentation importante de température qu'elles subissent alors n'augmente-t-elle pas le risque que le BPA se diffuse dans les aliments, et ensuite dans le corps ? En l'absence d'interdiction plus contraignante, les industriels ne pourraient-ils pas inviter le consommateur à ne pas faire chauffer les produits dans les barquettes, mais à utiliser des ustensiles adaptés au four à micro-ondes ? Ce serait au moins un premier pas...
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Normalement, il n'y a pas de BPA dans ce type de barquettes. D'autres plastiques sont utilisés.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Dans aucune barquette, ni les noires ni les blanches ?
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Dans aucune. S'il devait y en avoir, devrait alors y figurer, selon les termes de la proposition de loi, un avertissement sanitaire.
Mme Annie David, présidente. - L'avertissement sanitaire sera rendu obligatoire par cette proposition de loi.
Mme Catherine Génisson. - Nous allons voter en suivant notre rapporteure. Mais le sujet des dispositifs médicaux reste entier, ce que je regrette...
Mme Isabelle Pasquet. - Tout à fait ! Il est dommage que les avancées du Sénat aient été balayées d'un revers de la main à l'Assemblée nationale. Il n'y a pas un mot qui manifeste un caractère volontariste, qui montre une vraie envie de progresser en fixant un délai dont on puisse voir le terme.
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Je suis en accord avec vous : il faut avancer dans ce domaine. Un rapport sera fait dans un an sur les dispositifs médicaux, qui proposera un état des lieux : ce sera une première étape pour pouvoir légiférer en toute connaissance de cause. Il nous reviendra, alors, de déposer une proposition de loi comportant des interdictions et à nous assurer que la loi soit appliquée à une date adaptée.
Mme Chantal Jouanno. - Vous avez à coeur que nous adoptions ce texte conforme, pour éviter, en y introduisant d'autres modifications, de prolonger la navette. Le Sénat était unanime sur le dossier des dispositifs médicaux ; depuis, nous avons rencontré le Réseau Environnement Santé, pour lequel le sujet central est celui des femmes enceintes, du foetus et du nourrisson. Il y a des dispositions de précaution concernant les contenants alimentaires, puisque la loi prévoit des adaptations possibles en cas d'absence de produits de substitution. Dès lors, pourquoi reporter ? Faire adopter une nouvelle proposition de loi serait long et compliqué... Je comprends votre situation, mais le Sénat avait fait progresser le débat, et de manière non partisane.
Mme Catherine Deroche. - Notre groupe votera dans le sens préconisé par le rapport. Nous avions, c'est vrai, réalisé des avancées, notamment sur la question des délais, mais le compromis trouvé par l'Assemblée nationale nous convient.
M. Jean-Noël Cardoux. - Je comprends la nécessité d'aller vite, pour ne pas perdre de temps. Mais assortissons notre accord d'une communication unanime de la commission des affaires sociales attirant l'attention sur ces problèmes, et expliquant pourquoi nous avons accepté, un peu à regret, le texte en l'état.
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Je suis d'accord avec Mme Jouanno, il faut avancer. Mais il y a un réel risque : se passer de dispositifs médicaux indispensables. Il faut prendre en compte tous les matériaux, et ne pas faire de bricolage. Il y aura bientôt une loi de santé publique, et ce sera à nous de faire avancer les choses.
MM. Alain Milon et Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'est l'Arlésienne !
Mme Annie David, présidente. - Merci. Ce compromis devrait nous donner satisfaction, même si l'on peut regretter les atermoiements sur certains aspects du texte. Avant de passer au vote, je voudrais souhaiter la bienvenue à une collègue qui nous rejoint aujourd'hui pour la première fois : Mme Anne Emery-Dumas, élue récemment dans le département de la Nièvre, remplace au Sénat M. Didier Boulaud, et dans notre commission M. Carvounas.
La commission adopte, à l'unanimité, la proposition de loi sans modification.
Mercredi 12 décembre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente - Première réunion tenue dans la matinéeCumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 555 (2011-2012) visant à autoriser le cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels dans le texte n° 182 (2012-2013) adopté par la commission le 5 décembre 2012 dont Mme Isabelle Debré est le rapporteur.
Mme Annie David, présidente. - Aucun amendement n'a été déposé sur la proposition de loi visant à autoriser le cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.
Autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150.000 euros - Examen des amendements au texte de la commission
Puis la commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 92 (2012-2013) visant à autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150.000 euros dont M. Ronan Kerdraon est le rapporteur.
Mme Annie David, présidente. - Un seul amendement a été déposé sur cette proposition de loi.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - L'amendement n° 1 rectifié présenté par Patrice Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) ne concerne pas l'allocation personnalisée pour l'autonomie (Apa) et ses règles d'attribution mais porte sur une question de droit successoral. Il a pour objet de permettre aux héritiers ayant renoncé à une succession de se voir remettre gratuitement des documents ou objets auxquels ils attachent une valeur affective ou d'acquérir au prix du marché des objets ou bibelots qui présentent pour eux un caractère de souvenir.
La question soulevée par l'amendement présente un intérêt certain, mais il s'agit d'une mesure de droit des successions qui est sans rapport avec l'objet de la proposition de loi. En d'autres termes, c'est un cavalier. Or l'article 45 de la Constitution subordonne la recevabilité des amendements à l'existence d'un lien, même indirect, avec le texte en discussion. Cette exigence est reprise par l'article 48 du règlement du Sénat, selon lequel « la commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements ». Sans nier l'intérêt que pourrait présenter cet amendement, je vous propose que la commission le déclare irrecevable. A défaut, nous risquerions de créer des difficultés lors de l'examen de textes futurs.
Mme Annie David, présidente. - Sans doute pourrait-on suggérer à Monsieur Gélard de déposer une proposition de loi sur le sujet. Mais en l'espèce, cet amendement n'a pas de lien avec le texte que nous examinons.
La commission déclare l'amendement n° 1 rectifié irrecevable en application de l'article 48 du règlement du Sénat.
Nomination de rapporteurs
La commission procède à la nomination de Mme Catherine Génisson et M. Alain Milon en tant que rapporteurs sur la répartition des compétences entre professionnels de santé et M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Chantal Jouanno, en tant que rapporteurs sur la situation sociale des personnes prostituées.
Deuxième réunion tenue dans la matinée, sous la présidence de Mme Annie David, présidente -
Groupe de travail sur la sécurité sociale et la santé des étudiants - Examen du rapport d'information
La commission procède à l'examen du rapport d'information du groupe de travail sur la sécurité sociale et la santé des étudiants dont M. Ronan Kerdraon et Mme Catherine Procaccia sont les rapporteurs.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Notre commission souhaitait apprécier si la sécurité sociale étudiante fonctionne de manière satisfaisante et évaluer l'état de santé des étudiants. Le groupe de travail, qu'elle a créé au début de l'année, a organisé une table ronde avec l'ensemble des organisations étudiantes représentatives, et procédé aux auditions des principaux acteurs. Il s'est rendu à Nantes, dans les agences parisiennes de la LMDE et de la Smerep - les deux mutuelles compétentes pour l'Ile-de-France -, sur une chaîne d'inscription administrative à l'université Pierre et Marie Curie sur le campus de Jussieu, ainsi que dans une mutuelle régionale à Lyon.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Commençons par la sécurité sociale étudiante, ce marronnier qui resurgit à chaque rentrée universitaire. Nous recevons de nombreux courriers sur ce thème : entre discours lénifiants et dysfonctionnements concrets, difficile de se forger une opinion.
Inspiré de la loi Morice de 1947 relative aux fonctionnaires, le régime délégué d'assurance maladie pour les étudiants, rattaché au régime général et géré par les mutuelles étudiantes, a peu évolué depuis sa création en 1948. Les prestations versées sont identiques à celles du régime général, lequel rembourse aux mutuelles le montant des prestations et leur verse des remises de gestion destinées à compenser leurs coûts de fonctionnement.
Les modalités de calcul de ces remises ont évolué au fil des décennies ; en 2011, elles s'élèvent à 52 euros par étudiant, soit davantage que celles des autres mutuelles gestionnaires du régime de base, qui ont consenti un effort, dans le cadre de l'enveloppe globale attribuée par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), pour parvenir à ce résultat.
Selon la Cnam, 82 millions d'euros de remises de gestion ont été versés aux mutuelles étudiantes en 2009. Les prestations versées au titre de la couverture de base s'élevaient à 687 millions d'euros et les cotisations étudiantes représentaient 162 millions d'euros.
En 1948, l'Union nationale des étudiants français (Unef) a créé la Mnef, compétente sur l'ensemble du territoire, sauf en Lorraine où existait déjà la mutuelle générale des étudiants de l'Est (MGEL). En 1972, le monopole a éclaté et le Gouvernement a autorisé des mutuelles à vocation régionale. Par la suite, la Mnef est devenue la mutuelle des étudiants (LMDE) à la suite du scandale bien connu. Pour gérer sa sécurité sociale, c'est-à-dire son régime obligatoire de base, un étudiant a le choix entre la LMDE (920 000 affiliés) et l'une des dix mutuelles régionales (850 000 affiliés). Chacune est indépendante, même si des accords de partenariat ont pu être noués, comme entre la LMDE et la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN). En outre, les mutuelles régionales forment le réseau emeVia (auparavant, USEM), qui est une structure de coordination et de représentation.
Le principe est que tout étudiant de l'enseignement supérieur s'inscrive au régime étudiant, mais l'âge d'inscription varie selon le régime des parents, lequel assure en 2011 un quart des étudiants. L'inscription est gratuite jusqu'à l'âge de vingt ans, et payante au-delà (207 euros pour l'année universitaire 2012-2013). Les boursiers, exonérés de cotisation, doivent la régler et se la faire rembourser s'ils ne disposent pas des justificatifs d'attribution au moment des inscriptions universitaires.
En outre, un étudiant qui poursuit une activité salariée « continue et régulière » tout au long de l'année universitaire est dispensé de l'affiliation et du paiement de la cotisation à la sécurité sociale étudiante si son contrat de travail couvre l'ensemble de l'année universitaire et qu'il effectue au moins 60 heures de travail par mois (ou 120 heures sur trois mois) ou justifie d'un salaire au moins égal à soixante fois le Smic horaire par mois. De même, les apprentis relèvent par principe du régime général et peuvent ainsi bénéficier des prestations en espèces, c'est-à-dire d'indemnités journalières en cas de maladie, alors que les affiliés au régime étudiant n'ont droit qu'aux prestations en nature, soit le remboursement des soins.
Autre complexité : la gestion du régime obligatoire de base est assurée par des « mutuelles », selon les termes du code de la sécurité sociale, qui commercialisent également des contrats de complémentaire santé. Cette double casquette, qui se retrouve aussi chez les fonctionnaires, se conjugue avec une autre particularité : les étudiants ont le choix, pour leur régime de base, entre deux organismes offrant des prestations identiques. Cette concurrence pour le régime de base existe également pour les affiliés du régime social des indépendants (RSI), pour les exploitants agricoles et pour certains professionnels de santé - dans ce dernier cas cependant, c'est le régime d'affiliation qui change, pas seulement le gestionnaire.
Le régime étudiant conjugue les paradoxes. Selon ses défenseurs, il autoriserait une première « appropriation » de la sécurité sociale par les jeunes. Pourtant, sa complexité apparaît contradictoire avec cette idée d'apprentissage. Il est d'ailleurs très mal compris par les étudiants et leur famille.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Le système fonctionne-t-il bien ? De multiples alertes laissent penser que le traitement des dossiers ne correspond pas toujours à sa mission de service public. Sans que nous disposions de sondage scientifique, les messages déposés sur le site internet du Sénat, ainsi que nos discussions avec des étudiants, mettent en avant, plus particulièrement pour la LMDE, de longs délais de remboursement et, surtout, la très grande difficulté à joindre un correspondant.
L'enquête plus exhaustive publiée par UFC-Que choisir en septembre dernier confirme cette impression : elle met en avant la complexité pour les étudiants, le coût pour la société, la qualité de service « en berne », une difficulté récurrente à joindre certaines plateformes téléphoniques et des courriers et mails restés sans réponse. Le taux de décroché, c'est-à-dire le pourcentage des appels entrants effectivement traités, varie du simple au double selon les mutuelles : 45 % pour la LMDE, taux confirmé par la Cnam, durant le premier trimestre 2012, soit pendant une période qui ne constitue pas un pic d'activité, contre 96 % pour la MGEL ou 90 % pour la Smerep. Lors de notre visite à la plateforme téléphonique de la Smerra à Lyon, les choses semblaient fonctionner.
En outre, un tiers des nouveaux étudiants seraient toujours sans carte Vitale trois mois après leur affiliation. Enfin, selon un questionnaire en ligne, les personnes ayant tenté de contacter leur mutuelle ont « difficilement » obtenu une réponse pour 83 % d'entre elles par téléphone, pour 80 % par courrier ou mail et pour 46 % en agence. Nos auditions montrent que ce constat est relativement partagé.
Le processus d'affiliation est une première cause de difficulté. L'étudiant indique le choix de son centre de gestion à l'établissement d'enseignement supérieur, qui transmet l'information aux mutuelles étudiantes sous des formats variables, le cas échéant par un formulaire papier, qui n'a pas été actualisé depuis presque trente ans. Selon la LMDE, la transmission papier représente environ 20 % du total. Lorsque la transmission est informatique, il n'y a pas de format type. Alors que les inscriptions s'effectuent le plus souvent au début de l'été, l'affiliation au régime étudiant ne débute qu'à compter du 1er octobre et les établissements transmettent les informations parfois plusieurs semaines après cette date. En outre, les inscriptions se concentrent sur une période courte, ce qui crée un pic d'activité.
Ensuite, le régime étudiant est un régime de transition : par définition, les jeunes n'y étaient pas inscrits avant de commencer leurs études supérieures. La « mutation interrégimes », c'est-à-dire la nécessité de récupérer les informations de la caisse antérieure, provoque une lourdeur administrative.
Depuis la réforme de l'assurance maladie, tout jeune dispose d'une carte Vitale à l'âge de seize ans, mais elle doit être actualisée au moment de l'affiliation pour être valide. Là encore, les échanges d'informations ne sont ni standardisés ni toujours informatisés. La création de la carte vitale 2 a entraîné des tensions majeures. Mieux vaut ne pas s'écarter du chemin tracé : pour les étudiants non ressortissants communautaires, la mutuelle doit, au préalable, demander un numéro d'immatriculation au service administratif national d'identification des assurés qui répond habituellement sous six mois...
Ainsi, la seule administration du fichier des bénéficiaires représente 15 % de ses coûts de gestion pour la Cnam, mais 44 % pour la LMDE.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nos recommandations privilégient une approche pragmatique. Premièrement, simplifions les conditions d'affiliation : tout le monde doit être affilié au régime étudiant au même âge.
Deuxièmement, uniformisons les modalités de recueil des informations par les établissements d'enseignement supérieur et de transmission aux mutuelles étudiantes. Le sujet a été longtemps négligé pas le ministère de l'enseignement supérieur. Que les établissements exercent pleinement leur compétence et de manière efficace pour tous ! Systématisons l'échange d'informations par voie électronique. Nous proposons également que les lycéens disposent d'une information claire et documentée sur la sécurité sociale étudiante fournie par l'éducation nationale au moment où ils choisissent leur filière d'enseignement supérieur.
Troisièmement, les opérations de mutations interrégimes doivent être lancées dès réception des informations pertinentes par les établissements d'enseignement supérieur. Inutile d'attendre le 1er octobre si les cours démarrent avant. Rendons également obligatoire la transmission électronique des informations entre régimes, par exemple pour le nom du médecin traitant.
Quatrièmement, évitons les réinscriptions annuelles inutiles. Les étudiants changeant rarement de centre de gestion en cours de cursus, leur affiliation demeurerait valide jusqu'à un changement réel de situation ou pour une durée de trois ans, sous réserve d'un changement de statut.
Cinquièmement, il faut développer les services disponibles sur internet, pour désengorger les plateformes d'accueil : consultation du dossier personnel et suivi des demandes de remboursement ; impression de documents comme la carte européenne d'assurance maladie ou l'attestation de droits...
Sixièmement, il faut limiter les allers et retours entre régimes, dans le cas des cursus en alternance. Pourquoi ne pas s'inspirer du maintien des droits, aujourd'hui dérogatoire ? Il faut également prendre en compte la couverture liée aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, lorsque l'étudiant travaille.
Autre point : selon les mutuelles, les remises de gestion sont trop faibles. Un turn-over important provoque des surcoûts, de même que la concurrence entre les deux centres de gestion. Nos propositions vont dans le sens d'une réduction des frais de fonctionnement et alors, nous pourrons évaluer correctement les charges réelles des mutuelles afin de déterminer le niveau des remises de gestion, qui a été légèrement revalorisé au 1er janvier 2011.
Enfin, le terme « mutuelle » prête à confusion ; il pourrait être modifié pour correspondre à la réalité de la gestion du régime de sécurité sociale.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Au-delà de l'urgence, nous souhaitons un débat raisonné et serein sur l'avenir du régime de sécurité sociale des étudiants. A la demande de notre présidente, le Sénat a réalisé une étude de législation comparée sur l'assurance maladie et les étudiants. Dans les huit pays expertisés (Allemagne, Belgique, Espagne, Danemark, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), les étudiants sont pour l'essentiel soumis aux dispositions du droit commun et ne relèvent pas d'un régime délégué.
A moyen terme, nous pourrions envisager un premier scénario alliant maintien d'un régime spécifique et mutualisation des tâches de gestion. En raison de leur taille, certaines mutuelles de fonctionnaires ont déjà fait ce choix pour les activités de liquidation et d'exploitation informatique : la CPAM des Yvelines gère le back office de la mutuelle générale de la police, celle des Hauts-de-Seine intervient pour la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières... Par exemple, les mutuelles étudiantes conserveraient l'accueil physique, les courriers et les réclamations ; l'assurance maladie liquiderait les prestations, assurerait les contrôles et la gestion des fraudes, voire gérerait les affiliations du répertoire national interrégimes ou les cartes vitales. Les mutuelles maintiendraient ainsi le lien avec les étudiants et leur identité propre. Une telle solution constitue un minimum : pas de big bang, mais une amélioration sensible des modalités de gestion.
A long terme, deux options s'offrent à nous : soit conserver le régime délégué pour préserver l'esprit fondateur d'une gestion par les étudiants, mais en ne confiant sa gestion qu'à un seul organisme, soit attribuer la gestion de la sécurité sociale des étudiants au régime des parents, à titre indépendant naturellement.
La complexité du système ne favorise pas l'autonomie de l'étudiant : les parents qui le peuvent sont obligés d'aider leurs enfants à se repérer dans ce dédale. La question du maintien ou de la disparition du régime étudiant n'est pas taboue, mais elle ne saurait masquer les problèmes urgents pour améliorer la qualité du service rendu aux affiliés. Les besoins des étudiants en santé sont globalement plus faibles que le reste de la population ; ce n'est pas une raison pour que le système fonctionne mal !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - En ce qui concerne la santé des étudiants, nous avons regretté de ne pas disposer d'informations fiables et complètes. Des études des mutuelles et des enquêtes triennales de l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE), il ressort que les étudiants sont dans leur très grande majorité en bonne santé. Si les chiffres divergent légèrement selon les enquêtes, huit étudiants sur dix se déclarent satisfaits, voire très satisfaits, de leur état de santé ; 1 % à 2 %, s'estiment à l'inverse en mauvaise santé. Très peu sont confrontés à des pathologies lourdes ou chroniques. Leur consommation de soins est par conséquent limitée. Cependant, comme pour la population en général, les rappels de vaccination souffrent de retards grandissants.
Plus inquiétant, la vie étudiante semble associée, pour un nombre non négligeable de jeunes, à une fragilité psychologique qui nuit à leur sentiment de bien-être général. Selon l'Observatoire, plus d'un étudiant sur trois, parmi ceux ayant répondu, déclarait en 2010 avoir rencontré des problèmes de sommeil ou éprouvé un sentiment de tristesse ou de déprime au cours de la semaine ayant précédé l'enquête. Un étudiant sur quatre disait s'être senti seul ou isolé, et quasiment la moitié nerveux ou tendus. Le degré d'exigence des études a une influence en la matière, tout comme les conditions de vie des étudiants et les inquiétudes face à l'avenir professionnel. Période de transition et d'apprentissage, la vie étudiante est aussi une période de ruptures, notamment avec le domicile parental, dont les conséquences ne doivent pas être sous-estimées. Le besoin de soutien psychologique constitue ainsi l'une des premières raisons de fréquenter les services de médecine préventive universitaire.
Enfin, certaines conduites à risques et addictives peuvent être aggravées au cours de la vie étudiante. Les professionnels de santé et des établissements d'enseignement supérieur sont préoccupés par la consommation démesurée d'alcool, notamment la pratique du binge drinking. La commission des lois y a consacré un récent rapport d'information, préparé par André Reichardt et Corinne Bouchoux.
Selon la LMDE et l'OVE, un tiers des étudiants a déjà renoncé à des soins. Parmi les motifs invoqués, le manque de temps et l'automédication arrivent avant les motifs financiers, évoqués par 29 % des étudiants dans l'enquête de la LMDE, mais seulement par 12 % dans l'enquête de l'OVE. Il serait intéressant de disposer d'une analyse plus précise. On peut en effet penser que les étudiants sont particulièrement affectés lorsque la part de la sécurité sociale de base dans le remboursement est faible, par exemple en odontologie ou en optique. De même, le taux de souscription à une complémentaire santé donne lieu à des divergences sensibles : 20 % des étudiants n'en disposeraient pas selon les organisations représentatives et mutuelles, moins de 10 %, selon l'OVE.
De telles divergences rendent difficile une analyse objective et fine des conditions d'accès aux soins des étudiants. Pour les mutuelles et les organisations représentatives, la précarisation croissante des étudiants les conduit à renoncer de plus en plus à des soins spécialisés et même à la consultation d'un médecin généraliste. Dans certaines régions, la faible part de médecins en secteur 1, par exemple, en gynécologie, accentue ces difficultés. L'OVE ne partage pas ce constat bien qu'il admette que l'étude menée en 2010 n'a peut-être pas pris totalement en compte l'impact de la crise économique et que les résultats de la prochaine enquête triennale pourraient être différents.
Nous proposons d'ailleurs que, comme les bénéficiaires de la CMU-c et bientôt de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), les étudiants bénéficient, de droit, des tarifs opposables dans certaines conditions, par exemple pour une consultation de généraliste ou de spécialiste, sur une période à définir.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Les étudiants qui, bien souvent, ne considèrent pas la santé comme une priorité, sacrifieront d'autant plus facilement le budget qui lui est consacré en cas de difficultés financières. Ils préfèreront, en renonçant à une complémentaire santé, prendre le risque d'une dépense future, peut-être importante mais hypothétique, plutôt que d'engager une dépense immédiate plus limitée.
En outre, ils ont le plus grand mal à appréhender le champ exact des remboursements, tant pour le régime de base que pour la complémentaire. Pourquoi, à cet égard, ne pas créer un label pour les contrats de complémentaire santé à destination des étudiants, afin d'assurer une plus grande transparence en définissant un panier de soins adapté et un niveau de remboursement adéquat ? A ces éléments, s'ajoutent la complexité du parcours de soins, notamment du choix du médecin traitant lorsque l'étudiant quitte le domicile familial, voire change de lieu d'études, et un manque d'information, par exemple sur l'ACS.
Les étudiants ont d'ailleurs peu accès à l'ACS ou à la CMU-c, car ils ne peuvent déposer une demande autonome que dans des conditions restrictives : ne plus habiter chez leurs parents, ne plus être rattaché à leur domicile fiscal et ne pas toucher de pension alimentaire de leur part.
Mme Annie David, présidente. - C'est insurmontable !
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Plusieurs collectivités territoriales ont mis en place leur propre dispositif, à l'image de la région Pays-de-la-Loire qui a lancé à la rentrée 2011 un « pass complémentaire santé », dont le montant peut s'élever jusqu'à 100 euros pour l'acquisition d'une première complémentaire ; 3 500 jeunes en ont bénéficié au cours de l'année 2011-2012. Si de telles initiatives méritent d'être saluées, elles posent cependant la question du risque de rupture d'égalité entre les jeunes selon leur lieu d'études. Sans doute la mise en place d'un chèque santé au niveau national, préconisation que le rapport de Laurent Wauquiez formulait déjà en 2006, devrait-elle être envisagée.
Il est difficile d'avoir une appréciation univoque de la situation de la population étudiante dans son ensemble, mais il apparaît clairement que certains étudiants sont dans une situation particulière de fragilité, notamment les étudiants étrangers, qui représentent aujourd'hui 12 % de la population étudiante. A Nantes, le président d'une association, qui apporte une aide alimentaire aux étudiants étrangers, nous a expliqué que la plupart d'entre eux sous-estiment largement les difficultés administratives et financières auxquelles ils vont être confrontés. Celles-ci deviennent parfois kafkaïennes et peuvent être une source importante de stress conduisant à la dégradation de leur état de santé physique et psychologique. Pour améliorer leurs conditions d'accueil en France, il conviendrait de simplifier leur parcours administratif, de limiter les visites médicales qui leur sont demandées et de faciliter leur accès au système de couverture maladie français.
Les structures qui, au sein des établissements d'enseignement supérieur, assurent le suivi sanitaire des étudiants et effectuent auprès d'eux des actions de prévention, sont confrontées à un manque chronique de moyens ainsi qu'à l'absence d'une véritable politique de santé publique. Les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (Sumpps) assurent ce suivi dans les universités. Au nombre de cinquante-neuf, répartis sur l'ensemble du territoire, ils ont pour mission d'organiser, en particulier, au moins un examen préventif par étudiant au cours des trois premières années passées dans l'enseignement supérieur. Le décret paru en 2008 les autorise à se constituer en centres de santé afin d'exercer une réelle activité de soins auprès des étudiants. Ce statut doit certainement être encouragé, même si les directeurs de Sumpps nous ont indiqué qu'il n'était pas indispensable pour remplir certaines missions.
Les Sumpps - quel sigle ! - souffrent d'un manque de visibilité. L'enquête de 2011 d'EmeVia sur la santé des étudiants révèle que seulement 1,9 % d'entre eux s'y rendent lorsqu'ils sont malades. De plus, ils s'adressent d'abord aux étudiants inscrits à l'université. Si 80 % des services ont signé des conventions avec d'autres établissements d'enseignement supérieur, ces partenariats ne suffisent pas à couvrir l'ensemble de la population étudiante, notamment les étudiants en BTS ou en classe préparatoire, qui continuent d'être scolarisés dans les lycées.
En outre, leurs moyens humains et financiers sont insuffisants pour qu'ils exercent leurs missions dans des conditions satisfaisantes. Moins d'un tiers des directeurs disposent d'un contrat de travail à durée indéterminée et seulement 15 % sont présents à temps plein. Or, le manque de stabilité à la tête des services nuit à l'engagement d'une dynamique de long terme et à la mise en place de projets ambitieux, comme de partenariats. La variabilité des statuts et la relative précarité des personnels se retrouvent du haut en bas de l'échelle.
Deux sources principales de financement viennent alimenter le budget des Sumpps : d'une part, une dotation budgétaire de l'Etat qui s'établissait à 5,2 millions d'euros pour l'année scolaire 2009-2010, son montant étant jugé largement insuffisant par l'ensemble des acteurs ; d'autre part, une participation des étudiants comprise dans leurs droits de scolarité, fixée à 5 euros depuis la rentrée 2012 après être longtemps restée figée à 4,57 euros, soit 6 millions d'euros en 2009-2010.
D'autres structures peuvent venir en aide aux étudiants, tels les bureaux d'aide psychologique universitaires, où des équipes pluridisciplinaires les accueillent gratuitement. Il n'y en a cependant que vingt sur l'ensemble du territoire, aux statuts et conditions de fonctionnement très variables. Leur action n'a fait l'objet d'aucun bilan.
Nos recommandations concernent le fonctionnement des Sumpps. En premier lieu, il convient de mettre fin à la situation de précarité dans laquelle se trouvent trop de leurs personnels. Le guide des bonnes pratiques pour le recrutement et la gestion des personnels non statutaires des services de médecine préventive, publié en 2010, doit être mieux appliqué et sa portée renforcée.
Etendons à tous les Sumpps le statut de centres de vaccination, une mission au coeur de leur rôle de prévention. Malgré les contraintes, une hausse de leur budget nous semble indispensable, à charge pour eux de nouer des partenariats avec les autres structures de soins sur le territoire.
Moins coûteux et très simple à mettre en oeuvre : remplacer l'acronyme peu harmonieux de « Sumpps » leur donnerait plus de lisibilité et indiquerait clairement leur mission de fournir des soins aux étudiants ; leurs méthodes de communication, notamment en ce qui concerne la visite médicale de prévention, gagneraient à être améliorées par la mutualisation des meilleures pratiques observées.
A plus long terme et avant toute mesure d'ampleur, il serait utile de disposer d'un rapport d'inspection évaluant la situation des Sumpps, leur positionnement et leurs perspectives d'évolution. Le principe d'autonomie des universités, qui fait dépendre les Sumpps du niveau d'engagement de leur président, ne devrait pas s'opposer à une meilleure coopération, à un échange des bonnes pratiques et à un pilotage stratégique au niveau national. La question du rattachement des Sumpps est ouverte ; une organisation étudiante prône leur gestion par les Crous pour assurer un guichet unique, mais aucune autre ne partage cette position.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Le groupe de travail a pleinement pris conscience de la pertinence d'actions dirigées spécifiquement vers le public étudiant. La vie étudiante étant une phase d'apprentissage avant l'arrivée à l'âge adulte, elle constitue un moment privilégié pour acquérir certains réflexes et de bonnes habitudes en matière de santé.
Les mutuelles étudiantes ont fait de la prévention un marqueur de leur légitimité ; on nous a souvent exposé « l'effet pair », selon lequel une information destinée à un étudiant sera bien mieux comprise et acceptée si elle est transmise par un autre étudiant. Cependant, de nombreux - trop nombreux ? - acteurs interviennent dans le champ de la prévention et les actions engagées apparaissent éparpillées et difficiles à évaluer. Il n'y a pas de coordination de la politique de prévention en France ; un rapport de la Cour des comptes parlait pudiquement l'an passé « d'insuffisance de pilotage de la politique et des acteurs de la prévention ». Commençons par réaliser un état des lieux des actions de prévention à destination des étudiants.
Pourquoi les agences régionales de santé (ARS) ne se verraient-elles pas confier un rôle de coordination et de pilotage des politiques de prévention sur leurs territoires ? Des appels d'offres pourraient être lancés sur différents thèmes auxquels répondraient les acteurs compétents.
Mme Annie David, présidente. - Merci pour cet éclairage sur un dossier complexe.
M. Georges Labazée. - Nous préparons le rapport sur la politique nationale de vaccination, dans le prolongement des observations que la Cour des comptes nous a remises. Nous apprenons beaucoup au fil des auditions. Nous nous efforcerons de conforter vos observations à ce sujet de manière à marquer la cohérence des travaux de la commission.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je salue le travail des rapporteurs. Nous sommes en France les champions de la complexité et chaque réforme, loin de simplifier, ne fait que l'accentuer. Vous avez montré que chez nos voisins européens les étudiants sont soumis au droit commun. Pourquoi ne pas envisager une solution semblable ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Les syndicats étudiants y sont hostiles.
Mme Catherine Deroche. - Bravo pour cet intéressant rapport ! Mes remarques sont identiques à celles de M. Daudigny. Le passage à un régime de droit commun semble être un élément de simplification.
Mme Chantal Jouanno. - Je n'avais pas conscience de cette complexité lorsque j'étais étudiante. La question du retour au droit commun a été soulevée, je n'y reviens pas. Je m'inquiète de la remise de gestion. Quoique d'un montant supérieur à celle d'autres régimes, elle ne se traduit pas par un bon fonctionnement. Mais vous l'avez dit, il faudrait une mission d'information sur cette seule question du fonctionnement.
Certaines spécialités comme l'odontologie ou l'ophtalmologie posent problème, à cause de la faiblesse du taux de remboursement. Vous avez également mentionné la gynécologie, est-ce pour les mêmes motifs ou en raison du nombre de praticiens ?
En matière de prévention, vous n'avez rien dit du sport, bénéfique sur tous les plans, y compris pour prévenir les conduites addictives. Votre idée de faire des Sumpps des centres de vaccination me paraît très bonne.
M. Jacky Le Menn. - Merci de cet excellent rapport. On justifie souvent la spécificité de gestion du régime en disant que les étudiants doivent être autonomes. C'est absurde ! Les jeunes étudiants n'ont pas l'expertise requise sur cette matière complexe. Des ratés sont inévitables. Il faut se rapprocher du droit commun, c'est le bon sens. Quitte à associer, comme en apprentissage, le monde étudiant.
Les Sumpps sont autonomes... à leur détriment. J'ai participé aux auditions de personnes pleines de bonne volonté, mais en situation précaire et sans guère de perspectives d'avenir. Cet à-peu-près donne le sentiment que les pouvoirs publics n'ont pas pris en compte la santé étudiante ni sa couverture financière. Une proposition de loi se justifierait, à mon sens, pour servir d'aiguillon, même si elle paraissait iconoclaste au regard des habitudes de fonctionnement du régime. Et que l'on ne vienne pas nous opposer, car c'est un argument, aussi absurde que le premier, qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, car les jeunes sont rarement malades.
Votre proposition sur les ARS va dans le bon sens. Toutefois n'est-il pas prématuré de leur confier cette mission ? Si une intégration à terme est envisageable, gardons-nous de tout renvoyer aux ARS, car on mesure mal les difficultés qu'elles rencontrent encore pour remplir leurs missions initiales. Quoi qu'il en soit, il serait bon de pousser l'exécutif, quel qu'il soit, à prendre plus au sérieux la sécurité sociale étudiante.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Souhaitons que ce rapport ne finisse pas sur une étagère. Car il n'est pas le premier sur ce sujet. Le rapport Wauquiez de 2006 faisait déjà des propositions, comme le rapport Nauche de 1993 qui était plus directement lié à l'affaire de la MNEF. Les étudiants et les professionnels de santé attendent de véritables changements.
Ce régime est une spécificité française, issue de la loi de 1948, mais sa gestion était alors déléguée à une seule mutuelle. Ce n'est plus le cas, et l'existence d'un réseau concurrentiel pose évidemment un problème. Nous avons interrogé la Cnam, qui n'est guère pressée de s'occuper de ce dossier...
M. Jacky Le Menn. - Bien sûr.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Il est vrai que le système n'est pas simple à gérer. L'hypothèse mérite cependant d'être examinée, sur le long terme et sans tabou.
L'idée de l'appropriation du système par les étudiants serait bonne si nous avions une information cohérente et complète dès le lycée. Or, seul un microcosme, et encore, peut faire face. Quant aux acteurs sur le terrain, c'est le plus total embrouillamini. Si nous pouvions mettre sur la table une boîte à outils, faite de mesures d'urgence et de long terme, pour améliorer le régime, ce serait une bonne chose, avec l'idée de mettre fin, à terme, à cette spécificité française.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nous avons voulu être pragmatiques : on ne fera pas la révolution. Il faut, en revanche, préparer les esprits. Commençons par regarder de près les coûts de gestion. La LMDE va enfin travailler avec la MGEN sur son système informatique. Il était aberrant d'avoir plusieurs systèmes informatiques pour un même régime. Il y a des économies à faire, et le système n'en fonctionnera que mieux.
Quel gouvernement aura le courage de négocier ? Si l'on s'achemine vers une affiliation jusqu'à vingt-cinq ans au même régime de base que les parents, les mutuelles pourraient s'attacher à faire fonctionner les complémentaires maladies avec de vrais contrats labellisés, correspondant aux besoins des jeunes - lunettes, soins de conservation dentaire...
Il faudra vraiment faire avancer l'informatique. On ne peut se satisfaire qu'une mutuelle annonce comme un exploit qu'elle offrira en téléchargement la carte d'assuré européenne - en 2012 ! Les étudiants ne trouvent personne au bout du fil, si bien que les parents sont souvent obligés de se déplacer.
Une politique de vaccination, monsieur Labazée ? Je ne sais si l'on vérifie le carnet de vaccination lors de la journée défense et citoyenneté, mais la visite médicale durant les trois premières années universitaires pourrait, en tout cas, être l'occasion de le faire. Beaucoup d'étudiants sont en stage ou en alternance : la visite médicale d'embauche devrait aussi être une occasion. Il faudrait rendre obligatoire la vérification de la vaccination. Les jeunes sont en bonne santé, ils ne se soucient pas d'aller mettre le nez dans leur carnet : il faut les y aider.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Une partie de la remise de gestion devrait aller aux actions de prévention. Or, seulement 1,90 euro y va réellement, parce que les moyens sont affectés au back office. Les remises de gestion sont une enveloppe fermée ; les mutuelles se battent pour avoir leur part, d'où l'accord sur les 52 euros. Se pose le problème de la taille des structures, mais aussi du turn over, qui entraîne des coûts supplémentaires.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Il faudrait aussi avancer sur l'affiliation. Elle a lieu en juillet, mais ne prend effet qu'en octobre, alors que la rentrée des étudiants intervient en septembre.
Mme Annie David, présidente. - Il serait regrettable que ce rapport reste lettre morte. Jacky Le Menn suggère le dépôt d'une proposition de loi. Ce peut être à l'initiative des groupes, mais si ces vues emportent une large adhésion, on pourrait imaginer une proposition de loi signée par plusieurs sénateurs de la commission. N'oublions pas, cependant, que 1 700 salariés sont concernés. Il faudra mener une réflexion qui ne laisse rien ni personne de côté, pour trouver les moyens d'assurer un meilleur service à nos enfants. Songez au montant dérisoire du remboursement d'une paire de lunettes, même en incluant la part complémentaire !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - La future loi de santé publique ne pourrait-elle pas être un véhicule adapté pour traiter quelques-uns des problèmes que nous avons soulevés ?
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - La logique voudrait qu'elle comporte un volet sur la santé des jeunes.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Troisième réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de Mme Annie David, présidente -
Suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 171 (2012 2013) visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A dont Mme Patricia Schillinger est la rapporteure.
AMENDEMENTS EXTÉRIEURS