Mardi 3 juillet 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'informe la commission que Mme Corinne Bouchoux allant à la commission de la culture, elle est remplacée par Mme Hélène Lipietz, et que M. Jean-Paul Amoudry partant à la commission des affaires sociales, M. Michel Mercier nous rejoint.
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne M. Bernard Saugey rapporteur sur la proposition de résolution présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.
Proposition de loi visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de M. René Vandierendonck sur la proposition de loi n° 595 (2011-2012) présentée par M. Thierry Repentin et plusieurs de ses collègues visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - La proposition de loi vise à abroger un texte qui, rejeté en mars par le Sénat avant la suspension de nos travaux en séance publique, avait été adopté in extremis par l'Assemblée nationale au cours de l'ultime séance de la treizième législature. J'avais eu l'honneur, comme rapporteur pour avis, de présenter alors nos arguments en défaveur de ce texte porté par le gouvernement d'alors, et d'en souligner les dangers : effet inflationniste sur les prix du foncier, logique recentralisatrice, risque de contentieux lié aux actes préparatoires, telle la note d'information. Toutes nos critiques d'alors restent d'actualité et sont corroborées par les statistiques recueillies auprès des collectivités locales.
L'article unique de la proposition de loi, déposée le 14 juin par le groupe socialiste, à l'initiative de Thierry Repentin alors sénateur, vise à revenir à l'état du droit antérieur à la loi du 20 mars 2012, dont je rappelle qu'il offrait déjà aux collectivités trois options de majoration des droits à construire dans le cadre de leur plan local d'urbanisme (PLU) : de 20 % dans les zones urbaines, à la suite de la loi de mobilisation pour le logement (article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme), de 50 % pour les logements sociaux (article L. 127-1 du même code), de 30 % pour la performance énergétique à la suite du Grenelle II (article L. 128-1 du même code), ces deux dernières majorations, à l'initiative des collectivités locales titulaires de la compétence d'urbanisme, pouvant se cumuler dans la limite du plafond de 50 %.
Lors de l'examen du projet de loi en mars dernier, nous étions en pleine période électorale, et à l'heure où les experts du logement guettent le glas du rapport de la Fondation Abbé Pierre : le constat d'une aggravation de la crise rendait plus que jamais nécessaire pour l'État d'afficher une volonté forte. Vint alors le discours de Longjumeau, que nous gardons tous en tête, où le président Nicolas Sarkozy appelait à « faire sauter les verrous de la construction par le relèvement de 30 % de toutes les contraintes des plans d'urbanisme fixés par les collectivités locales pour trois ans et sur tout le territoire national ». L'annonce a été reprise par le gouvernement, dans des conditions acrobatiques, avec l'adoption du texte en une seule journée après l'échec de la commission mixte paritaire.
Cette loi introduisait deux novations assez fortes. Elle introduisait une majoration à caractère automatique et général. Si nous en proposons aujourd'hui l'abrogation, c'est d'abord que la mesure est inefficace. L'aggravation des difficultés d'accès à la propriété tient à des problèmes d'ordre économique, à la détérioration du pouvoir d'achat, à l'augmentation du coût du foncier, lequel occupe une part non négligeable dans le coût du logement. Or, une majoration automatique a inévitablement des effets haussiers pervers sur la valeur vénale des terrains, avec leurs conséquences mécaniques sur la formation des prix. J'ai mené des consultations, notamment auprès de l'Association des communautés urbaines de France : aucune communauté urbaine n'a l'intention d'accepter cette majoration. Toutes sont animées par le souci de préserver un urbanisme décentralisé, et attendent l'abrogation comme la soif attend l'orange.
Ce texte contredit les principes posés par le Grenelle II, qui prônait une amélioration de la densité urbaine qui ne soit pas mécanique, mais épouse le contexte local - loin donc d'une norme automatique s'appliquant uniformément sur tout le territoire. Aurait-on l'idée d'aller construire des tours au bord d'un bassin minier classé au patrimoine mondial par l'Unesco ?
La loi contrevient encore au principe de spécialité des EPCI, lequel va de pair avec l'exclusivité de la délégation de la compétence. La décision prise par un EPCI titulaire de la compétence d'urbanisme peut, avec la loi du 20 mars 2012, être contredite par la décision contraire d'une commune, au risque de compromettre toute logique de cohérence territoriale entre plans locaux d'urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCOT) et programmes locaux de l'habitat (PLH).
Enfin, la fameuse « note d'information » n'est pas une étude d'impact. Que recouvre ce document « canada dry » ? En l'absence de précision sur son contenu, il y a un risque non négligeable de contentieux.
J'ai loyalement cherché les arguments qui pourraient ébranler les plus réticents. Ils m'ont été donnés par Dominique Braye qui, lorsqu'il était rapporteur de la loi Boutin, alors que le gouvernement était déjà saisi de la tentation d'instituer une majoration uniforme et autoritaire, plaidait à l'inverse pour qu'il soit permis aux communes, sur délibération, de délimiter des règles de majoration, afin de conserver aux collectivités leur rôle en matière de planification urbaine. Voilà très précisément ce qui nous anime, ici comme à la commission des affaires économiques : nous entendons préserver le titulaire de la compétence.
L'abrogation est d'autant plus cohérente que trois majorations restent possibles, et que les chiffres montrent qu'elles restent très largement utilisables : nulle part sur le territoire les droits à construire ne sont saturés. La proposition de loi ne prive pas les collectivités de marge d'initiative.
Dernier point enfin, une abrogation ne dispose que pour l'avenir ce qui justifie ma proposition d'amendement pour les communes qui ont appliqué la majoration.
M. Jean-Jacques Hyest. - Très bien !
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Des collectivités, certes en nombre très minoritaire, ont fait le choix d'aller vite : elles ont établi une note d'information, rendu compte devant l'organe délibérant, ce qui autorise mécaniquement une majoration de 30 % des droits à construire pour la délivrance de permis et le dépôt de déclarations jusqu'au 31 décembre 2015. D'autres communes, j'en connais, ont délibéré sans mettre en place la procédure de consultation, ce qui n'empêche donc pas la loi de s'appliquer. D'où l'urgence à l'abroger et à prévoir le cas théorique des communes qui ont choisi la majoration, en leur donnant la possibilité de revenir en arrière, que leur enlèverait la pure et simple abrogation. Mon amendement n'a donc d'autre objet, là encore, que de sauvegarder la liberté de décision des communes. Telles sont les raisons qui fondent ma démarche.
M. Yves Détraigne. - Une précision technique. Qu'en est-il des communes où la consultation n'a pas encore eu lieu, bien qu'une délibération ait été prise pour l'organiser ? Doivent-elles poursuivre la procédure ?
M. Philippe Bas. - Je suis sensible à votre argument sur le temps de la concertation, qui n'a pu être satisfaisant. Ce texte a néanmoins le mérite d'exister et j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas hostile par principe aux facultés d'assouplissement des règles en matière de construction. C'est pourquoi je regrette que vous proposiez son abrogation sans soumettre, dans le même temps, d'alternative. Mieux vaudrait soutenir des projets concrets en échange d'un texte qui a le mérite d'exister ? Il est dommage de ne pas lui donner sa chance. Les propositions avancées durant les dernières campagnes sont assez faibles et le discours de politique générale que nous venons d'entendre montre déjà un retrait, ainsi sur la mesure phare qu'était le doublement du plafond du livret A pour le financement du logement social - le gouvernement a d'ailleurs raison d'y renoncer car le montant moyen des dépôts sur ce livret ne dépasse pas quelques centaines d'euros. Le plafond actuel est donc loin d'être un verrou.
Souhaitons de ne pas voir se multiplier les textes de revanche, qui ne font pas avancer les choses sur des sujets aussi sensibles. Entre 2002 et 2007, 100 000 logements par an ont été construits, alors que l'on plafonnait, depuis 1997 à 43 000. Et l'on a atteint l'an dernier les 120 000, preuve que nos efforts ont porté leurs fruits, et méritent d'être poursuivis.
M. Christophe Béchu. - Je remercie le rapporteur de son effort pour rechercher des arguments susceptibles de nous convaincre, mais j'en ai un autre à lui opposer, et de nature transpartisane : celui de l'étalement urbain. Une ferme disparaît toutes les vingt-cinq minutes : en sept ans, c'est l'équivalent d'un département qui a été urbanisé. Or le texte que nous avions voté permet d'augmenter la construction sur terrain d'assiette inchangée, sans s'étaler sur des zones non encore ouvertes à l'urbanisme. L'enjeu alimentaire à l'échelle mondiale impose une politique agricole ambitieuse, qui accroîtra la valeur économique des terres agricoles. Veut-on respecter les règles posées par le Grenelle, avec les trames verte et bleue, les espaces protégés, qui réduisent inévitablement les zones constructibles ? Le texte que vous entendez abroger résolvait le dilemme.
L'augmentation des prix ? Construire davantage à foncier équivalent réduit le prix du mètre carré. Certes, les problématiques ne sont pas les mêmes à Paris et en province, mais la majoration reste un moyen. Le droit existant prend déjà en compte les disparités entre territoires, et la majoration ne fera que s'appliquer en fonction de ces disparités. Enfin, elle constitue, dans un contexte difficile, une mesure de soutien au BTP. Je comprends donc mal que vous vouliez l'abroger.
M. Christian Cointat. - J'avais émis des réserves, d'ordre architectural, environnemental, financier, sur le projet de loi lors de son examen, même si je l'avais voté par solidarité. Ces réserves ne sont toujours pas levées, même si je n'aime pas plus que M. Béchu un détricotage qui dessert la démocratie. Je m'abstiendrai donc.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je comprends l'attachement de nos collègues à l'héritage de l'ex-président de la République, dont ce texte qu'ils ont voté. Il n'en faut pas moins l'abroger. Outre que des outils existaient déjà pour améliorer la constructibilité, je suis las qu'on ramène la pénurie de logements à un simple problème réglementaire. Que fait-on de la disponibilité du foncier ? J'espère que ce gouvernement saura s'y attaquer en dynamisant les pouvoirs des établissements publics fonciers régionaux, et je pense tout particulièrement à l'Île-de-France et à ma région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Que fait-on, ensuite, du financement ? Un nombre toujours plus grand de plans de financement d'opérations immobilières, surtout à but social, ne sont pas équilibrés, d'où un appel croissant aux collectivités. Le maire doit user de toute sa diplomatie pour faire passer la pilule auprès de ses administrés et en plus, on le fait payer pour avoir des ennuis !
Le texte incriminé complique un droit déjà très compliqué. Un droit à majoration qui s'applique sauf délibération contraire ? C'est se moquer des élus ! Je m'étonne que certains s'acharnent à le défendre.
M. Alain Richard. - L'opposition a du mérite à jouer son rôle d'opposant. Reconnaissez que personne n'avait songé depuis vingt-cinq ans à un tel urbanisme d'État. Autoriser une modification automatique des règles d'urbanisme sauf délibération contraire ! C'est l'exemple même, pour le législateur, de ce qu'il ne faut pas faire. Et certains, ici, peuvent le croiser avec leur expérience de terrain. On peut être sûrs des dysfonctionnements ! Les règles de l'urbanisme restant les mêmes, chaque détenteur foncier se verrait donc doté d'une capacité de construction supplémentaires de 30 % ? C'est de l'urbanisme à la Riboud ! Inverser le sens de la délibération est absurde. Le droit antérieur était loin d'être déraisonnable : une délibération positive est l'occasion pour l'intercommunalité ou la commune d'expliquer les raisons de son choix, fonction des spécificités du territoire.
Mme Catherine Troendle. - Commencer par dresser un inventaire des collectivités qui ne souhaitent pas appliquer le dispositif aurait peut-être mis le gouvernement en responsabilité. Avez-vous songé aux communes qui ont dû recruter des cabinets d'étude pour préparer la note d'information avant le 20 septembre prochain ? Cela coûte aux plus petites d'entre elles entre 2 000 et 3 000 euros. Vous abrogez le texte sans même prévoir l'indemnisation des communes qui ont engagé des frais.
M. Alain Richard. - Personne ne les y obligeait !
Mme Catherine Troendle. - Elles avaient jusqu'au 20 septembre.
M. Patrice Gélard. - Je suis maire d'une commune qui ne voulait pas de ce texte. Il ruinait notre travail de deux ans : nous venions d'adopter notre PLU, en harmonie avec l'opposition municipale. Dès lors que l'on autorise 30 % de construction en plus, plus aucune des règles du PLU ne peut être respectée. Parce que c'était intolérable, j'avais engagé la procédure pour que le conseil municipal délibère, il y a trois semaines.
Je ne vois toujours pas l'intérêt de ce texte, d'autant qu'il existe déjà, dans le code, des mesures de dépassement. Je me rallie donc aux conclusions du rapporteur.
M. André Reichardt. - L'opposition joue son rôle d'opposant sans faire de l'obstruction systématique : elle a exprimé de véritables interrogations. Certains élus municipaux sont confrontés à un vrai problème. Vouloir revenir sans délai sur ce texte, c'est, de la part de la majorité, ne jouer que la majorité ! Quelles que soient les imperfections de la loi, il aurait fallu, comme l'a fait valoir M. Bas, lui laisser le temps de vivre, ne serait-ce que parce qu'elle obligeait les municipalités à mener une réflexion sur cet important enjeu. Dans ma commune, qui se trouve confrontée à la loi SRU, il constitue une réelle difficulté. Et ce n'est pas une seule discussion au conseil municipal qui lèvera les réticences de la population.
Une question au rapporteur, enfin. Pourquoi la proposition de loi prévoit-elle le retour à un taux de 20 % sur la majoration de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme ? Est-ce là un symbole destiné à montrer qu'il ne doit rien rester du dispositif voté en mars dernier ?
M. Hugues Portelli. - Je me range aux côtés du doyen Gélard. Mon seul regret est que ce texte n'ait pu être abrogé plus tôt. Car c'est une véritable atteinte à la libre administration des collectivités, obligée -c'est un comble !- de fonctionner à l'envers. Je ne comprends d'ailleurs pas comment il a passé l'obstacle du contrôle de constitutionnalité. J'ajoute qu'il est contraire aux objectifs du Grenelle II. Dans ma commune, surdensifiée, les seuls qui soient favorables à ce texte sont les promoteurs et les agents immobiliers ! Je voterai son abrogation des deux mains.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - N'est-ce pas Raymond Aron qui disait que « l'idéologie est l'idée de mon adversaire » ? Pour ma part, j'ai été guidé par une règle : ne pas me désolidariser de la position des territoires, je pense à l'AMF, à l'ADF, à l'ACUF.
L'abrogation, Monsieur Bas, n'a pas pour effet d'abroger les trois autres majorations qui existaient avant la loi du 20 mars 2012, et dont une enquête menée sur 71 départements a montré qu'elles étaient loin d'être utilisées à plein : 140 communes utilisent la majoration pour le logement social, 160 celle pour la performance énergétique et 30 celle de la loi Boutin. Il est vrai qu'il y a un débat à avoir sur la question du contexte local, mais c'est un débat de SCOT, de PLU, parce que les droits à construire ne sont aujourd'hui saturés dans aucune collectivité.
Une collectivité a toujours moyen, Monsieur Béchu, de mener une politique de densification. Pour être en charge du Scot pour Lille métropole, je puis vous dire que si on se contente de laisser venir la demande, on a tôt fait d'empiéter sur les terres agricoles. Nous ne sommes pas un modèle, mais qu'avons-nous fait ? Nous avons dit que quand les droits à construire n'étaient pas tous consommés, il n'était pas question d'ouvrir des terres agricoles à l'urbanisation : nous avons ouvert un compte foncier et essayé d'avoir un débat sur le Scot. Le niveau du vote Front national dans le périurbain montre bien qu'il est urgent de décloisonner les raisonnements, pour que densité cesse d'être synonyme de pauvreté. Mais ce n'est sans doute pas ici le lieu d'entrer dans ce débat. Quant à l'amendement, je l'ai déjà présenté.
M. Yves Détraigne. - Je n'ai cependant pas eu réponse à ma question.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - L'abrogation met fin à la procédure pour les communes, Monsieur Détraigne : la majoration ne pourra entrer en vigueur. Si les résultats de la consultation sont présentés, ce sera à titre purement informatif.
Mme Catherine Troendle. - Quid, une fois encore, des communes qui ont engagé des frais ?
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - On leur a déjà évité 30 000 euros de dépense : si la rédaction initiale du texte avait été votée, ce n'était pas une note d'information mais une étude d'impact qu'il fallait mettre en oeuvre.
Mme Catherine Troendle. - Mais elles ont mené, de fait, des études d'impact.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas de notre fait.
M. Christian Cointat. - Je voterai l'amendement, car si le texte doit être voté, il est important qu'il le soit avec cet amendement.
L'amendement n° LOIS 1 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement sera donc défendu par notre rapporteur devant la commission des affaires économiques.
La commission donne un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi.
Mercredi 4 juillet 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et de M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois -Application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 - Examen du rapport d'information
Ensuite, la commission procède à l'examen du rapport d'information de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-René Lecerf sur le bilan du contrôle de l'application de la loi pénitentiaire, en commun avec la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - La commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et la commission des lois ont décidé de confier en commun un rapport à Nicole Borvo Cohen-Seat et à Jean-René Lecerf sur le bilan de l'application de la loi pénitentiaire.
Je leur donne la parole pour qu'ils nous le présentent. Celui-ci a donné lieu à un très important travail et à de nombreuses visites sur le terrain.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, co-rapporteure. - En effet.
Je cède sans plus tarder la parole à Jean-René Lecerf, père de la loi pénitentiaire, avec qui j'ai travaillé en bonne intelligence...
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Merci.
Mes chers collègues, entrée en vigueur le 24 novembre 2009, la loi pénitentiaire a bien entendu marqué à la fois une profonde rupture et un véritable renouveau après que les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale eurent dressé, en 2000, un état très critique des prisons françaises. Je vous rappelle le titre de la commission d'enquête du Sénat présidée par M. Jean-Jacques Hyest : « Prisons en France : une humiliation pour la République ».
La situation n'a cependant évolué que bien lentement et le 28 juin 2009, devant le Congrès réuni à Versailles, le chef de l'Etat lui-même a dressé un réquisitoire tout aussi implacable. Je me permets de le citer : « Comment accepter que la situation dans nos prisons soit aussi contraire à nos valeurs de respect de la personne humaine ? La détention est une épreuve dure ; elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu'on aura privés pendant des années de toute dignité ? L'état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République, quel que soit par ailleurs le dévouement du personnel pénitentiaire ».
Le Parlement -et le Sénat en tout premier lieu- ont largement contribué à donner au projet de loi pénitentiaire une ambition dont il était initialement dépourvu, qu'il s'agisse de l'affirmation des droits des personnes détenues ou des dispositions sur le sens de la peine que je me permets de rappeler également : « Le régime d'exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions ».
Quant aux aménagements de peine, leur principe constituait sans doute l'aspect le plus abouti du projet de loi.
Même si une évaluation de la loi pénitentiaire dans toute sa portée suppose encore le recul de plusieurs années, vos co-rapporteurs peuvent déjà constater que l'application de cette loi n'est pas à la hauteur des espoirs qu'elle avait soulevés, pour de multiples raisons qui tiennent au retard dans la prise des décrets d'application -deux ans et demi après la promulgation de la loi, deux décrets importants sont encore attendus- à l'insuffisance des moyens, en particulier pour le développement des aménagements de peine -notamment l'insuffisance des personnels d'insertion et de probation- et à une certaine résistance de l'administration pénitentiaire par rapport à des dispositions qui marquent une novation par rapport aux pratiques habituelles. Je pense notamment aux problèmes des fouilles, de la consultation des personnes détenues ou du droit à l'image.
Il faut y ajouter les difficultés supplémentaires générées par l'augmentation du nombre de personnes détenues, passées de 61.656 à 66.915 entre le 1er juin 2010 et le 1er juin 2012 et les difficultés générées par les évolutions législatives récentes, conjuguées à une politique pénale tendant à ramener à exécution toutes les peines d'emprisonnement ferme. La loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines ne contredit-elle pas les orientations de la loi pénitentiaire, notamment quant à l'aménagement des courtes peines d'emprisonnement ?
Vos co-rapporteurs estiment que l'heure est venue de redonner souffle aux principes fondateurs de la loi pénitentiaire, non seulement en permettant une application plus satisfaisante de ses dispositions mais aussi en la complétant dans l'esprit et la logique qui avaient animé le législateur en 2009.
Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même vous parlerons successivement de l'organisation du service public pénitentiaire, des droits des personnes détenues, puis des conditions de détention et enfin des aménagements de peine.
S'agissant de l'organisation du service public pénitentiaire, je traiterai trois points : le développement du contrôle et de l'évaluation, l'implication limitée des collectivités locales et l'insatisfaction persistante des personnels pénitentiaires.
En matière de développement du contrôle et de l'évaluation, la loi pénitentiaire a prévu l'institution auprès de chaque établissement de conseils d'évaluation en remplacement des commissions de surveillance dont l'inefficacité avait été depuis longtemps dénoncée.
Il n'est pas sûr, néanmoins, que cette nouvelle instance, dont la composition est encore plus lourde que celle de la commission de surveillance, joue un rôle efficace.
Contrairement au souhait du législateur, le pouvoir exécutif n'a pas tiré les enseignements de l'échec des commissions de surveillance en donnant à ces nouvelles structures une composition allégée qui leur permette d'exercer à la fois un rôle d'évaluation et de proposition.
La loi pénitentiaire avait consacré le rôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et des délégués du Médiateur de la République, devenu délégués du Défenseur des droits. Vos co-rapporteurs soulignent le rôle éminent du contrôle extérieur joué par Jean-Marie Delarue et ses équipes et constatent qu'après quelques incertitudes liées à une période de transition, les délégués du Défenseur des droits reprennent leur rôle de relais, très utile dans le règlement des différends entre les personnes détenues et les administrations.
Enfin, vos co-rapporteurs regrettent qu'un des volets importants de la loi pénitentiaire ne puisse encore s'appliquer : il était prévu de confier à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales le recueil et l'analyse des données relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale, à la récidive et à la réitération.
La loi pénitentiaire assignait également à cet Observatoire la responsabilité d'élaborer un rapport annuel comportant les taux de récidive et de réitération par établissement pour peines.
L'intention du législateur n'a jamais été de créer je ne sais quel palmarès des établissements pénitentiaires mais d'avoir les éléments de réflexion nécessaires pour pouvoir juger de l'incidence des conditions de détention sur la récidive et sur la réinsertion.
Deuxième idée : l'implication limitée des collectivités locales. Le législateur avait souhaité marquer que le service public pénitentiaire ne soit pas l'affaire exclusive de l'administration pénitentiaire mais qu'il s'exerce avec le concours des autres services de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations et autres personnes publiques ou privées.
On retrouvera d'ailleurs la même idée dans la volonté de multiplier le travail carcéral : le faire sans les entreprises n'aurait guère de sens !
Or, on constate une visibilité réduite des collectivités territoriales au sein des instances d'orientation. Certes, le décret d'application prévoit bien que le Conseil d'évaluation compte le président du conseil général, le président du conseil régional, les maires des communes sur le territoire desquels est situé l'établissement et que ces autorités puissent se faire représenter.
Il n'est pas sûr qu'un président de conseil général ou un président de conseil régional ait assisté à ce jour à un seul conseil d'évaluation. N'aurait-il pas été plus efficace de prévoir tout simplement l'élection d'un représentant parmi les membres de ces assemblées ?
On constate également une participation embryonnaire à la formation professionnelle. L'expérimentation du transfert aux régions des actions de formation professionnelle des personnes détenues a rencontré un obstacle imprévu du fait de la nécessité d'indemniser les partenaires privés des établissements en gestion déléguée compétents en matière de formation.
Il a donc été décidé de borner le champ de l'expérimentation aux seuls établissements en gestion publique. Cela a entraîné le désistement de deux régions qui étaient d'accord pour jouer le jeu de l'expérimentation, la région PACA et la région Nord-Pas-de-Calais. Seules à ce jour les régions Pays de Loire et Aquitaine jouent le jeu.
Vos co-rapporteurs souhaitent donc que les régions puissent également s'impliquer dans la formation professionnelle des personnes détenues dans les établissements en gestion privée. Les marchés négociés avec les partenaires privés devraient prendre en compte cette évolution
Dernier point : l'insatisfaction des personnels pénitentiaires.
L'adhésion à la loi des personnels pénitentiaires reste mitigée. Nous avons notamment été fréquemment l'objet de critiques sur le travail du législateur concernant le raccourcissement du délai de quartier disciplinaire, pourtant l'un des plus élevés des pays européens, les fouilles et la consultation des personnes détenues. Les surveillants tendent à considérer que la loi n'est pas équilibrée et s'attache trop à la reconnaissance des droits des détenus.
Ces critiques ont cependant pour arrière-plan les inquiétudes des personnels, liées en particulier à l'insuffisance des effectifs dans de nombreux établissements confrontés à la surpopulation carcérale ainsi qu'à la reprise des missions d'extraction judiciaires, auparavant assurées par les services de police et de gendarmerie. Or, on sait bien que le compte n'y est pas en matière de personnel.
Notons que la question de la formation continue demeure sensible, dans la mesure où les nécessités de service -notamment dans les établissements où les effectifs sont en tension- interdisent en pratique aux personnels de s'absenter pour suivre des sessions de formation, ce qui est fort dommageable.
Quant à la réserve civile pénitentiaire, élément également important du dispositif, on note que moins d'une centaine de contrats de réservistes ont été signés à ce jour, ce qui est dérisoire !
Autre point important : les droits des personnes détenues. La loi pénitentiaire rappelle que l'administration pénitentiaire doit garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.
Il existe une interprétation parfois restrictive de certains droits. Si de réels progrès ont été accomplis en matière d'information des personnes détenues sur leurs droits, d'autres aspects posent questions : ainsi, en ce qui concerne le respect de la liberté de conscience et de l'exercice du droit de culte, les réponses sont encore inadaptées aux besoins de la population pénale.
Vos co-rapporteurs ont souvent constaté lors de leurs visites l'insuffisance du nombre d'aumôniers musulmans. Dans certains établissements, ils sont totalement absents, ce qui peut faire le jeu de quelques activistes prosélytes.
L'utilisation du droit de domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire reste marginale. Ainsi, en mai 2012, seules 275 personnes détenues s'étaient domiciliées dans leur établissement. Or, cette domiciliation avait un triple objectif : l'exercice des droits civiques -notamment le droit de vote- le bénéfice de l'aide sociale légale et la facilitation des démarches administratives.
Nous venons de vivre une période d'élections : extrêmement peu de personnes détenues ont fait jouer leur possibilité de voter, ce qui est dommageable à la fois en termes de citoyenneté et en termes de retour de ces personnes à une vie sociale.
Nous pensons que la seule solution pour qu'il en soit autrement est la mise en place d'un bureau de vote dans les établissements, qui permettrait de favoriser cette participation.
Quant au droit à l'image, nous nous heurtons à une interprétation très restrictive. Avant l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, le principe de l'anonymat s'appliquait de manière absolue pour tout reportage. Le législateur a autorisé l'identification des personnes détenues par l'image ou la voix à la condition que les intéressés donnent leur accord et que l'administration pénitentiaire ne s'y oppose pas au regard de la sauvegarde de l'ordre public, de la prévention des infractions, de la protection des droits des victimes ou des tiers.
D'une manière générale, vos co-rapporteurs ont pu constater l'extrême réticence de l'administration pénitentiaire à ouvrir les portes de la prison aux journalistes, encore plus lorsqu'ils sont munis de caméras. Cette opacité, que nous regrettons, entretient des préjugés parfois injustifiés sur la situation des prisons et la méconnaissance sur les progrès qui peuvent y être accomplis. Elle ne favorise pas non plus la prise de conscience, au sein de l'opinion, des enjeux posés par les questions pénitentiaires. Or, les prisons de la République appartiennent également aux citoyens...
En second lieu, lorsque des reportages sont autorisés, le visage des personnes détenues est systématiquement flouté, malgré l'accord donné par les intéressés. Cette pratique n'est pas toujours justifiée par les motifs de restriction légaux.
L'administration pénitentiaire invoque parfois, sans autre précision, l'intérêt de la personne détenue, fut-ce contre l'expression même de sa volonté. Une telle argumentation paraît renvoyer la personne détenue à un état de minorité alors même que la capacité à mener une vie responsable a été placée au coeur de la peine par la loi de 2009.
En matière de droits et d'obligations économiques et sociaux, le bilan est décevant. L'introduction de l'obligation d'activité introduite par le Sénat à l'initiative de votre commission des lois était inspirée par l'objectif de rompre avec le désoeuvrement dans lequel beaucoup de personnes détenues sont trop souvent laissées et de mettre à profit le temps en détention pour préparer la réinsertion de la personne.
Pourtant, l'emploi et la formation ne concernent aujourd'hui qu'une minorité de personnes détenues. Le taux d'activité global s'élève en effet à 39,1 % avec néanmoins de fortes disparités entre les maisons d'arrêt -34,7 %- et les établissements pour peine -48,4 %. 24.934 personnes détenues ont eu en moyenne mensuelle une activité rémunérée en 2011, soit moins de la moitié des personnes détenues.
Vos co-rapporteurs sont certes conscients des efforts déployés par l'administration pénitentiaire pour développer l'emploi en détention, notamment par les mesures mises en oeuvre dans le secteur de l'artisanat et celui de l'entreprise mais ils restent persuadés que des moyens d'action existent et que des efforts supplémentaires devraient être accomplis.
On constate par exemple l'insuffisance des locaux affectés au travail et cela même dans les établissements récents. Tel est le cas du centre pénitentiaire du Havre, ce qui est assez paradoxal !
Par ailleurs, le mode de gestion déléguée, qui inclut notamment la prospection d'entreprises concessionnaires, n'a pas donné les résultats escomptés. Le partenaire privé se borne à atteindre -parfois avec difficulté- le niveau d'emploi prévu par le contrat de délégation sans aller au-delà. Or, l'ardente obligation que représente le développement du travail en détention justifierait la mobilisation de toutes les énergies -concessionnaire privé, lorsqu'il est présent, mais aussi direction de l'établissement.
Selon vos co-rapporteurs, différentes pistes peuvent être explorées pour accroître le nombre d'activités rémunérées proposées en prison. L'expérience fructueuse d'emploi de personnes détenues à une plateforme de tri sélectif est en cours d'installation à la maison d'arrêt de Douai, après avoir été initiée au centre pénitentiaire de Lille-Loos, les personnes formées étant systématiquement embauchées à leur sortie pour six mois minimum par une société d'économie mixte qui travaille en liaison avec Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU).
En outre, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, j'avais souhaité, en tant que rapporteur, qu'une priorité soit donnée, dans le cadre des attributions de marchés publics, aux productions des établissements pénitentiaires et j'avais obtenu des engagements en ce sens du Gouvernement, notamment de la part de Mmes Dati et Alliot-Marie. Depuis, la chancellerie a précisé que le Service de l'Emploi Pénitentiaire (SEP), n'ayant pas de personnalité morale distincte de celle de l'Etat, n'était pas soumis au code des marchés publics lorsqu'il lui fournit des prestations. Cela étant, il pourrait fournir des prestations à d'autres personnes publiques que l'Etat, voire à des personnes privées. En revanche, le droit de préférence devrait être étendu aux entreprises concessionnaires des établissements pénitentiaires. Il s'agit d'un droit assez banal, comme le droit de priorité, dont bénéficient les Sociétés Coopératives Ouvrières de Production (SCOP).
Enfin, la loi pénitentiaire avait prévu l'implantation au sein des établissements pénitentiaires de structures d'insertion par l'activité économique. Si des discussions ont été engagées entre l'administration pénitentiaire et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, les textes d'application tardent, deux ans et demi après la promulgation de la loi !
Par ailleurs, je l'ai dit, la culture pénitentiaire demeure rétive à la consultation des personnes détenues. L'administration pénitentiaire s'était pourtant initialement montrée plus ambitieuse en confiant à une magistrate, Mme Cécile Brunet-Ludet, le soin d'esquisser des pistes de travail pour la mise en oeuvre d'un droit d'expression collective des personnes détenues et d'accompagner une expérimentation dans des établissements pilotes. Selon les témoignages recueillis par vos co-rapporteurs, l'expérience s'est révélée fructueuse dans plusieurs des sites concernés.
Vos co-rapporteurs regrettent que le rapport élaboré à l'issue de ce travail n'ait fait l'objet d'aucune diffusion. Ce document permettrait en effet de mieux déterminer dans quelles conditions il est possible d'élargir, dans une perspective de responsabilisation des personnes détenues et d'apaisement des tensions, le champ de la consultation aux aspects quotidiens de la détention. La loi ne prévoyait cette consultation que sur les activités proposées.
L'aide en nature ou en numéraire constitue une dépense très limitée. La loi pénitentiaire a prévu que les personnes détenues les plus démunies pourraient recevoir dans des conditions fixées par voie réglementaire une aide en nature. A l'initiative du Sénat, sur proposition de votre commission des lois, cette aide peut aussi être versée en numéraire.
Alors que l'aide est actuellement fournie prioritairement en nature -vêtements, nécessaires de correspondance, trousses de toilette- vos co-rapporteurs estiment qu'il n'y a pas lieu de privilégier l'aide en nature par rapport à l'aide en numéraire. Le Parlement aurait d'ailleurs précisé le contenu d'une telle aide, sous la forme d'un revenu minimal carcéral, s'il n'en avait été empêché par l'article 40 de la Constitution. Vos co-rapporteurs estiment que le principe d'un revenu minimal carcéral conserve toute son actualité. Son coût pour les finances publiques serait modique. Martin Hirsch, à l'époque, l'avait évalué à 8 millions d'euros. En outre, cette aide éviterait par exemple que de jeunes détenus qui souhaitent suivre une formation ne soient obligés d'y renoncer pour effectuer un travail d'intérêt général et porter des repas à leurs co-détenus.
Nous assistons, en matière de rémunération du travail, à quelques difficultés pratiques de mise en oeuvre. A l'initiative de la commission des affaires sociales, le Sénat avait introduit dans la loi pénitentiaire le principe selon lequel la rémunération du travail des personnes détenues ne pouvait être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance.
La mise en oeuvre d'une rémunération fondée sur un taux horaire au lieu d'une rémunération à la pièce rencontre de vives résistances -quelquefois assez fondées. Plusieurs des chefs d'établissement craignent que la généralisation du dispositif ne conduise à évincer des postes de travail les personnes détenues les plus fragiles afin de répondre aux objectifs de rentabilité des entreprises concessionnaires. La direction de l'administration pénitentiaire a indiqué que le dispositif législatif serait d'abord mis en oeuvre de manière expérimentale dans un nombre limité d'établissements afin d'en mesurer les conséquences.
Vos co-rapporteurs, s'ils ne sous-estiment pas ces difficultés, considèrent cependant qu'elles pourraient être surmontées, s'agissant des personnes détenues les plus vulnérables, par la combinaison d'un salaire horaire minimal et du revenu minimum carcéral préconisé plus haut.
Autre point important : la vie familiale et les relations avec l'extérieur. Depuis la loi pénitentiaire, on constate une augmentation du nombre des permis de visites. Selon les statistiques mensuelles communiquées par l'administration pénitentiaire, un rendez-vous parloir est désormais accordé à 54 % des personnes détenues contre 34 % en janvier 2010.
On doit cependant noter que le choix d'implanter les nouveaux établissements du programme « 13.200 places » à la périphérie souvent lointaine des centres urbains complique beaucoup l'organisation des visites.
Signalons une mobilisation des moyens autour de l'extension des unités de vie familiale et des parloirs familiaux. Ces initiatives avaient au départ rencontré l'hostilité du personnel pénitentiaire qui a désormais changé d'avis et qui y est aujourd'hui totalement favorable.
A l'initiative de vos co-rapporteurs, la loi pénitentiaire avait apporté une consécration législative aux Unités de Vie Familiale (UVF) et aux parloirs familiaux tout en élargissant le champ des bénéficiaires à toutes les personnes détenues et non seulement aux condamnés. L'objectif est de permettre, pour les parloirs familiaux, trois jours d'ouverture par semaine et une demi-journée à chaque parloir et, pour les unités de vie familiale, une ouverture six jours par semaine et une journée -voire davantage- à chaque visite.
Signalons également des progrès dans l'accompagnement social des mères détenues et un meilleur accès au téléphone. Nous regrettons simplement qu'il n'existe pas, dans les coursives ou dans les cours de promenade, des cabines permettant de préserver la confidentialité de la conversation.
D'autre part, la sécurité des personnes est encore mal assurée, en particulier dans des établissements surdimensionnés. La loi pénitentiaire fixait pourtant pour obligation à l'administration pénitentiaire d'assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs ou individuels. Or, les faits de violences entre personnes détenues ne cessent de croître du fait de la surpopulation carcérale : 7.590 en 2009, 7.825 en 2010, 8.365 en 2011.
Selon les comptes rendus d'événements transmis par les directions interrégionales de l'administration pénitentiaire, le nombre d'agressions dont sont victimes les personnels progresse également légèrement -775 en 2011, 764 en 2010. On sait en outre que pour les personnels, ces chiffres correspondent à une réalité ; pour les personnes détenues, ce sont les seuls auxquels l'administration pénitentiaire a eu accès. A la maison d'arrêt d'Orléans, que nous avons visitée, où trois à quatre personnes se partagent 9 m2, on ignore bien entendu l'essentiel de ce qui se passe à l'intérieur des cellules.
Je terminerai par le volet santé. Je ne l'aborderai que de manière rapide, la loi pénitentiaire n'ayant pas prévu grand-chose sur ce point. Ce volet avait été enrichi à l'initiative de notre collègue Nicolas About. Deux problèmes continuent à se poser. Le premier concerne la participation des médecins à la commission pluridisciplinaire unique, les médecins y étant dans leur grande majorité hostiles. Il faudrait trouver une solution pour assurer le respect du secret professionnel et permettre la sécurité des personnes.
Le second problème est celui de la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques, qui n'a pas été traité par la loi pénitentiaire.
Nous avons étudié cette question avec Jean-Pierre Michel et deux collègues de la commission des affaires sociales, dans le cadre d'un groupe de travail. J'avais déposé une proposition de loi, dont Jean-Pierre Michel était rapporteur, sur la responsabilité pénale des personnes souffrant de troubles mentaux. Cette proposition avait recueilli une quasi-unanimité au Sénat ; elle n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale !
Je crois pourtant qu'elle permettrait de gérer ce problème spécifiquement français, de nombreuses personnes souffrant de troubles mentaux très lourds dans nos établissements pénitentiaires. Nous avons estimé à 10 % le nombre de ceux pour lesquels la peine ne pouvait avoir aucun sens et qui n'avaient pas leur place dans ces établissements.
Cela explique en partie le nombre très élevé de suicides que l'on constate dans ces établissements. Une grande loi sur la santé mentale reste à prendre ; à tout le moins, on pourrait commencer par discuter de la proposition de loi que nous avions déposée !
Je passe à présent la parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, co-rapporteure. - Je partage ce qui vient d'être dit. Je rappelle que, lors de la discussion de la loi sur l'exécution des peines, en mars 2012, nous avions ici souhaité réintroduire dans notre corpus législatif la loi Lecerf-Michel, dont l'Assemblée nationale n'avait pas voulu. Je crois donc qu'il faut remettre cette nécessité sur le devant de la scène.
Je voudrais insister sur un double aspect concernant les conditions de détention et le respect de la dignité : j'aime à ce propos citer un Président de la République, qui n'est pas de mon bord, Valéry Giscard d'Estaing qui, en 1976, disait : « La prison, c'est la privation de liberté et rien d'autre ! ».
La question de la dignité des personnes est au coeur des règles pénitentiaires européennes que nous avons dû prendre en compte au bout de nombreuses années. Elle continue de nous guider. Les conditions de détention doivent permettre de s'intéresser à la sortie des détenus ; ce faisant, on doit renoncer à les infantiliser et chercher, en les responsabilisant, à les aider à se mettre en accord avec la société lorsqu'ils sortiront.
Jean-René Lecerf a évoqué les fouilles. Dans chaque établissement que nous avons visité, nous avons été interpellés sur cette question. Les préconisations de la loi pénitentiaire ne sont en effet pas suivies et restent très problématiques. Comme cela a été dit, c'est un sujet de crispation majeure avec les personnels.
En 2009, le législateur s'était inspiré de la jurisprudence du Conseil d'Etat et voulait encadrer cette pratique, sur le fondement des nécessités d'adaptation au motif poursuivi et à la proportionnalité. Or, le décret du 23 décembre 2010 interprète a minima les prescriptions de la loi pénitentiaire.
Il prévoit la nécessité d'adapter la nature de la fouille et sa fréquence au profil de la personne détenue mais aussi aux circonstances de la vie en détention et à la spécificité de l'établissement. L'administration pénitentiaire a donc entendu être maîtresse des circonstances et de la spécificité de l'établissement, ce qui laisse la porte ouverte à une interprétation extensive.
D'après l'administration pénitentiaire et les personnels que nous avons entendus, la fouille contribue à éviter l'intrusion d'objets dangereux au sein des établissements ; par ailleurs, le choix d'effectuer des fouilles intégrales sur l'ensemble des personnes détenues à l'issue du parloir, y compris sur celles ne présentant pas un comportement laissant penser qu'il fait courir un risque à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre de l'établissement, s'expliquerait aussi par la nécessité de protéger les personnes détenues les plus fragiles, qui pourraient servir de « mules » à d'autres détenus.
Saisie par certaines personnes détenues et par l'Observatoire international des prisons du caractère systématique des fouilles, la juridiction administrative a enjoint à plusieurs reprises à l'administration pénitentiaire de cesser ces pratiques.
Cependant, ces décisions n'ont qu'une portée individuelle. En outre, la jurisprudence admet que l'établissement pénitentiaire établisse de manière spécifique que sa situation justifie pour tous les détenus sans distinction, une fouille corporelle intégrale répétée à la sortie de chaque parloir autorisé. Aussi les chefs d'établissement continuent-ils de la pratiquer. Cette position ne nous paraît pas satisfaisante. L'administration pénitentiaire l'admet d'ailleurs et souhaiterait que la loi pénitentiaire soit corrigée pour lui permettre de continuer à pratiquer les fouilles à sa discrétion. Un tel retour en arrière ne nous paraît pas acceptable. Le recours aux fouilles intégrales, que la loi n'a jamais entendu écarter en cas de nécessité absolue, ne peut revêtir le caractère systématique que présentent les pratiques actuelles.
La conciliation des principes de sécurité et de respect de la dignité de la personne passe par le recours aux portiques à ondes millimétriques permettant de visualiser les contenus du corps et de repérer la présence à la fois de substances illicites ou d'objets dangereux sans que la personne détenue ait besoin de se dévêtir. Voilà ce que nous avons voulu, que vous avez voté et que nous voulons encore !
Aujourd'hui, il existe un portique millimétrique à la prison de Lannemezan. Un tel portique coûte 140.000 euros et l'administration pénitentiaire devrait acquérir une soixantaine de portiques dans un premier temps...
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - 140.000 euros représentent le prix d'une place de prison !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, co-rapporteure. - Merci de le préciser...
Si la mise en place de ces dispositifs techniques représente une réelle avancée, elle ne saurait à elle seule régler toutes les difficultés. Comme l'avait observé M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, les fouilles continueront de s'imposer sans considération de la personnalité des détenus tant que l'administration pénitentiaire sera impuissante à empêcher les rapports de forces entre co-détenus.
C'est donc un sujet qui dépasse largement le problème des objets qui peuvent passer par l'intermédiaire des détenus.
Il convient de rappeler que malgré les fouilles, de nombreux objets pénètrent à l'intérieur des prisons. La focalisation sur les parloirs ne doit pas conduire à occulter à cet égard le phénomène très préoccupant d'objets illicites projetés de l'extérieur dans l'enceinte pénitentiaire. Ainsi au cours du week-end précédant notre visite au centre pénitentiaire d'Avignon, 110 colis ont été introduits de cette façon à l'intérieur de l'établissement.
Il est donc indispensable de se préoccuper, en particulier dans ces nouvelles prisons, du risque de passage par la voie de projection de colis ou autres, qui pourraient faire l'objet de complicités internes.
En matière de discipline, la loi pénitentiaire avait introduit la présence d'assesseurs extérieurs au sein de la commission de discipline.
Néanmoins, aujourd'hui, certains établissements sont encore dépourvus d'assesseurs extérieurs. Or, les décisions prises en l'absence d'assesseur extérieur sont susceptibles d'encourir la nullité. Cette situation introduit en effet une rupture d'égalité entre les personnes poursuivies.
En outre, le rôle dévolu au chef d'établissement au sein de la commission de discipline n'est pas conforme au principe d'impartialité commandé par la Cour de Strasbourg. A minima, nous estimons nécessaire de conférer aux assesseurs une voix délibérative.
S'agissant de la procédure de recours contre une sanction disciplinaire, l'article 91 a prévu que lorsqu'une personne détenue est placée en quartier disciplinaire ou en confinement, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Encore faut-il que le juge admette la situation d'urgence...
Nous proposons que la condition d'urgence soit présumée remplie, comme l'avait initialement proposé M. Alain Anziani lors de l'examen de la loi pénitentiaire, ce qui avait été accepté par le Sénat mais refusé par l'Assemblée nationale.
Quant aux régimes de détention, ils comportent un écart entre les principes et les réalités. L'organisation des régimes de détention, telle qu'elle résulte de la loi pénitentiaire, s'articule autour de trois lignes directrices :
- l'homogénéisation des régimes de détention pour chaque catégorie d'établissements pénitentiaires ;
- la réaffirmation du principe de l'encellulement individuel sous réserve d'exceptions encadrées ;
- la faculté de différenciation des régimes de détention selon le profil de la personne détenue. Cette dernière disposition demeure encore aujourd'hui débattue. Personnellement, je n'y étais pas favorable au moment de la discussion de la loi pénitentiaire -mais elle avait été adoptée.
Je veux évoquer ici les règlements intérieurs type renvoyant pour les autres aspects au rapport écrit. A l'initiative de notre commission des lois, le législateur a souhaité que des règlements intérieurs type, adoptés sous la forme de décrets en Conseil d'Etat, déterminent pour chaque catégorie d'établissement pénitentiaire des règles de fonctionnement homogènes.
En effet, d'un établissement à l'autre, au sein d'une même catégorie -maison d'arrêt, centre de détention, maison centrale- les régimes de détention peuvent beaucoup varier selon la personnalité du chef d'établissement, l'histoire ou la culture propre à chaque prison. Il en résulte des différences de traitement parfois ressenties comme l'expression d'une forme d'arbitraire.
Le règlement intérieur type a vocation à limiter ces risques d'inégalité tout en permettant aux personnes détenues de mieux appréhender leurs droits et devoirs. Il s'agit par exemple de fixer un certain nombre de règles communes quant aux types de produits que peuvent commander les détenus -fixés parfois de manière restrictive selon les établissements.
J'en viens aux aménagements de peine. Je souligne que nous avons débattu ici de cette question lors de l'examen de la loi sur l'exécution des peines. La majorité sénatoriale a eu l'occasion de souligner combien l'accumulation des lois répressives contrarie la nécessité d'aménagement de peine que le législateur a voulu avec la loi pénitentiaire.
Concernant l'assouplissement des conditions d'octroi de certains aménagements de peine ou de leur mise en oeuvre, la loi pénitentiaire a posé deux principes fondamentaux :
- en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier recours ;
- lorsqu'une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'un aménagement de peine, selon l'article 132-44 du code pénal.
J'insisterai sur l'assouplissement des mesures d'aménagement pour les personnes détenues âgées ou malades.
La loi a supprimé tout délai d'éligibilité à la libération conditionnelle pour les condamnés âgés de plus de 70 ans dès lors que la réinsertion de la personne est assurée, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l'infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public.
Cependant, il semble que cette disposition rencontre des difficultés d'application, les juridictions considérant qu'elle ne peut s'appliquer tant que la peine exécutée est encore couverte par la période de sûreté prévue par l'article 720-2 du code de procédure pénale. Telle n'était pas l'intention du législateur. Aussi, nous vous proposons d'écarter explicitement l'application de l'article 720-2 du code de procédure pénale -comme tel est déjà le cas en matière de suspension de peine pour motif médical.
En second lieu, le recours aux procédures simplifiées d'aménagement de peine reste très prudent.
Tirant les conséquences du médiocre bilan de la nouvelle procédure d'aménagement des peines (NPAP) introduite par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le législateur a profondément remanié ces dispositifs par la mise en place d'une nouvelle procédure simplifiée d'aménagement des peines (PSAP) et le placement sous surveillance électronique de fin de peine (SEFIP).
La PSAP concerne les personnes auxquelles il reste à purger une peine égale ou inférieure à deux ans.
Si, comme dans l'ancien dispositif, le directeur du Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP) doit élaborer un projet d'aménagement de peine reposant sur un projet sérieux d'insertion, il incombe désormais au procureur de la République de saisir le juge de l'application des peines aux fins d'homologation. Le ministère public joue ainsi un rôle de filtre de ces propositions.
Les vives réserves exprimées par les magistrats lors de l'examen de la loi pénitentiaire n'ont pas été levées par les conditions de mise en oeuvre de la PSAP. En 2011, 18.881 dossiers ont été traités par les SPIP dans le cadre de la PSAP et 2.232 ont fait l'objet d'une proposition d'aménagement de peine au parquet, soit 12 % des dossiers. 820 mesures seulement ont été accordées.
Pour une majorité de nos interlocuteurs il est très délicat pour un juge de l'application des peines d'accorder un aménagement à un condamné qu'il n'a pas rencontré et pour lequel il n'a pas toujours la possibilité d'obtenir des vérifications complémentaires.
Concernant la SEFIP, la loi a autorisé le placement sous surveillance électronique en fin de peine pour les personnes condamnées auxquelles il reste quatre mois d'emprisonnement.
Ce placement est de droit sauf cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé ou de risque de récidive. Le placement est mis en oeuvre par le directeur du SPIP sous l'autorité du procureur de la République, qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre.
Votre commission des lois avait souhaité que ce nouveau mécanisme ne s'apparente pas à une « grâce électronique ».
Néanmoins le ministère de la justice en a envisagé le champ d'application de manière très souple et l'administration pénitentiaire n'hésite pas à y voir un moyen de régulation de la population sous écrou.
Cependant, en pratique, la SEFIP a reçu une application très limitée. En 2011, 28.876 dossiers ont été traités par les SPIP, 5.493 ont fait l'objet d'une proposition au parquet, 3.069 SEFIP seulement ont été accordées. Les parquets, dans leur ensemble, au prix d'ailleurs de certaines tensions avec les SPIP, sont très rigoureux sur les critères d'éligibilité à la SEFIP.
Le nombre limité de SEFIP et leur caractère sélectif expliquent un taux d'échec réduit dans l'exécution des mesures mais, selon nous, ce dispositif, s'il peut être maintenu, doit conserver ce caractère sélectif et surtout s'accompagner d'un suivi socio-éducatif -que le législateur n'avait pas imposé expressément- afin d'accroître les chances de réinsertion.
Aujourd'hui, les résultats de la PSAP et de la SEFIP paraissent modestes et décevants à l'aune de l'énergie déployée pour les mettre en oeuvre. Le découragement des conseillers d'insertion et de probation a pour arrière-plan une réelle incompréhension entre ces derniers et les magistrats. Cette situation connaît heureusement nombre d'exceptions mais n'en demeure pas moins préoccupante alors que le développement des aménagements de peine requiert la mobilisation de toutes les énergies.
Nous continuons de penser qu'il faut aller vers un nombre bien plus important d'aménagements de peine. C'est une nécessité et je voudrais insister tout particulièrement sur le fait que nous avons confirmation que les courtes peines n'ont aucun effet éducatif sur les jeunes détenus, ni sur leur sortie. Le législateur se doit d'empêcher que la prison soit, pour les jeunes, un lieu de passage sans aucun effet sur leur réinsertion et leur vie future. Le législateur a donc sa part de responsabilité et l'aménagement de peine doit être développé de façon bien plus importante.
Nos recommandations vous ont été remises : j'espère qu'elles vous conviendront...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Les rapporteurs ont fourni un important travail et ont repris nombre de points dont la commission des lois avait beaucoup discuté.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Je veux féliciter les deux rapporteurs pour l'important travail qu'ils ont réalisé sur le terrain. Il existe à ce sujet peu d'indicateurs fiables et c'est un sujet sur lequel il faudra revenir.
Je leur adresse tous mes remerciements avant d'ouvrir le débat...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - La parole est aux commissaires...
M. André Reichardt. - Merci à nos rapporteurs pour leur travail.
Tout d'abord, qu'entendez-vous par la mise en place d'un revenu minimum carcéral destiné aux personnes les plus vulnérables ?
En second lieu, pourquoi la libération conditionnelle que vous proposez s'applique-t-elle à toute personne de plus de 70 ans ? Cela correspond-il à une limite d'âge ?
Enfin, le remboursement sur une base forfaitaire et sous condition de ressources des frais de transports supportés par les familles correspond-il à une demande qui vous a été adressée ? Pourquoi le proposez-vous ? Si une telle démarche devait être mise en oeuvre, les familles de victimes pourraient le cas échéant réclamer la même chose pour visiter les victimes hospitalisées. Existe-t-il une raison objective à cette proposition ?
M. Yves Détraigne. - Je félicite et remercie les deux co-rapporteurs pour leur travail.
Je suis d'accord avec ce qui a été dit au Sénat au moment du débat sur la loi pénitentiaire mais la population ne partage généralement pas les mêmes idées que le législateur. Celui qui n'a jamais eu l'occasion de se pencher sur le problème de l'incarcération risque d'être en décalage avec nos propositions et l'on donnera toujours l'impression d'en faire un peu trop sur ce sujet.
Jean-René Lecerf a évoqué la problématique du floutage des visages lors des reportages télévisés, qui constituerait -pour simplifier- une sorte d'atteinte à la dignité des personnes. Cependant, si l'on ne floute pas ces images, la personne détenue pourra avoir de grandes difficultés de réinsertion si le public la reconnaît. C'est un exemple de la difficulté de cette question...
Il a également été dit que la culture pénitentiaire est rétive à la consultation des personnes détenues. Je crois en effet que, lorsqu'on est extérieur au monde carcéral, la vision que l'on peut en avoir est totalement différente de celle des professionnels ou du législateur.
La position de l'Assemblée nationale sur ce sujet a été d'ailleurs différente de celle du Sénat. Je ne sais si ceci est dû au fait que les députés sont davantage soumis que nous aux pressions de la population dans leur permanence mais je pense que cela peut jouer un rôle.
On ne parviendra à faire évoluer le monde pénitentiaire que si l'on réfléchit à la manière de changer l'image, dans la population, de l'incarcération et de la peine d'emprisonnement.
Je n'ai pas la solution mais il y a là une vraie dichotomie entre l'opinion publique et celle des personnes qui connaissent un peu mieux la question.
M. Alain Anziani. - Je voudrais également remercier nos co-rapporteurs qui ont accompli un travail positif, dans le droit fil de la loi pénitentiaire.
Celle-ci a fait l'objet d'un certain consensus -en tout cas au Sénat- et je souhaite, si nous devons reprendre nos travaux, qu'on retrouve le même état d'esprit. Ce consensus portait sur le respect des droits en prison, celle-ci ne devant pas être un lieu de non-droit !
Parmi ces droits fondamentaux figurent le droit à la dignité -toutes vos propositions sur le portique remplaçant les fouilles vont en ce sens- et le droit à l'intégrité physique. Ceci pose le problème de la violence et des suicides dans les prisons. Avons-nous aujourd'hui des statistiques précises ?
Mme Alliot-Marie avait eu l'idée de mettre en place des dispositifs anti-suicides ; l'un d'eux -qui ne m'avait pas totalement convaincu- consistait en un kit en papier rendant plus difficile le suicide par pendaison. Ce kit est-il toujours en vigueur ? Une autre de ses idées consistait à placer une sorte de co-tuteur auprès des prisonniers pour servir de référent...
Enfin, un des droits fondamentaux est le droit à une seconde chance ; en la matière, la formation et le droit à l'emploi me paraissent les plus importants pour éviter la récidive.
M. François Pillet. - Je ne peux que me féliciter, au nom du groupe auquel j'appartiens, de cette initiative de contrôle de ce qui fut une grande loi autour de laquelle le Sénat, à la suite du travail de Jean-René Lecerf, est parvenu à se fédérer, autour des notions d'éthique que vous avez rappelées. Nous nous réjouissons que ce consensus perdure.
Je me permettrai cependant deux réserves -qui ne sont pas des réserves de fond.
La première concerne le rôle de la famille. Il est évident qu'il faut préserver les liens familiaux dans une période très difficile pour le détenu, afin de lui éviter de se projeter davantage dans l'exclusion. Toutefois, il faut prendre beaucoup de précautions en matière de remboursement forfaitaire et sous conditions de ressources des frais de transport supportés par les familles de détenus.
On comprend fort bien l'humanisme qui sous-tend cette proposition mais les personnes économiquement éprouvées dont un parent se trouve à l'hôpital ou en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ne bénéficient pas institutionnellement de remboursements de frais de transport. Si nous entrons dans une telle voie, nous risquons de nous couper du peuple -sauf à être particulièrement pédagogues !
La seconde réserve est encore plus étroite : il faudrait savoir dans quel schéma s'inscrit l'expression collective des personnes détenues, afin d'apprécier les progrès qui doivent être faits dans ce domaine...
M. Pierre-Yves Collombat. - Je trouve ce rapport parfait et je le prends comme un modèle de ce que l'on peut faire. C'est tout à la gloire du Sénat mais la discussion m'amène à intervenir car je trouve que l'on passe à côté d'un point essentiel.
Bien sur, il s'agit de droit, d'humanisme, de civilisation mais même d'un point de vue pragmatique ! Que veut-on ? Dès lors qu'on considère que quelqu'un qui entre en prison en sortira un jour, il faut s'arranger pour qu'il en ressorte moins dangereux pour la société ! Le problème n'est pas d'arbitrer entre les victimes et les détenus ! On peut bien entendu discuter du dosage de la répression ou de l'absence de répression mais, dès lors qu'on se demande comment faire pour que la prison améliore l'insertion des personnes détenues lors de leur libération, toutes les propositions méritent d'être considérées -y compris celles destinées à améliorer la continuité de la vie familiale !
Mme Catherine Tasca. - Je remercie nos rapporteurs ; ce qu'ils ont fait là est exemplaire de ce qui doit se faire de manière continue. Nous n'en avons pas fini avec ce dossier, qui reviendra...
Je m'interroge sur le maintien du lien familial. Disposez-vous d'éléments sur le rapport de la mère à l'enfant, une fois passé le temps de l'enfermement ?
Mme Virginie Klès. - Je voudrais dire à M. Pillet que des expériences ont été menées en matière d'expression collective des détenus ; elles se sont révélées plus ou moins heureuses mais aucun bilan n'en a été tiré. A Vezin-le-Coquet, l'expérience a été par contre extrêmement bénéfique ; il serait profitable de mieux la faire connaître, voire de la reprendre ailleurs...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - La parole est aux rapporteurs...
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - A notre collègue Reichardt, je veux préciser que l'idée de revenu minimum carcéral est assez ancienne. On l'a développée largement lors du vote de la loi pénitentiaire...
M. Hugues Portelli. - ...ainsi qu'en loi de finances !
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Ce revenu minimum, nous l'estimions à environ 40 euros mensuels et non au niveau du RMI ou du RSA.
Il aurait plusieurs avantages ; le premier serait de faire entrer les services sociaux départementaux dans les établissements pénitentiaires. Cela me paraît important, ne serait-ce que pour assurer un certain suivi et pouvoir mettre immédiatement en place l'ensemble des aides sociales minimales. En effet, il existe généralement, entre la sortie du détenu et la mise en place de ces aides, une période intermédiaire, qui est la plus dangereuse en fonction du risque de récidive.
Nous n'étions pas parvenus à mettre ce revenu minimum carcéral en place du fait de l'article 40 et de l'irrecevabilité financière. Nous avions donc prévu -et ceci avait été accepté sans que l'on sache vraiment pourquoi- que certaines aides pourraient être accordées en numéraire et non en nature, ce qui revenait à la même chose, les sommes étant peu importantes. Martin Hirsch avait évalué un revenu minimum carcéral plus important que celui que je suggérais -8 millions d'euros sur les 10 milliards que cela représente aujourd'hui.
Le législateur a voulu instituer un salaire horaire minimal et cela pose un vrai problème. En effet, 50 % des personnes incarcérées sont illettrées ou analphabètes. Enormément de personnes n'ont jamais travaillé et souffrent de troubles mentaux. Leur rapidité au travail est donc extrêmement limitée. Lorsqu'elles sont payées à la pièce, elles touchent des salaires de l'ordre de 15 à 20 euros par mois !
L'idée était d'imposer ce salaire horaire minimal mais on nous a mis en garde contre le fait que les concessionnaires risquaient de ne plus vouloir de ces personnes qui, dès lors, n'auraient pu travailler ! C'est pourquoi nous avons voulu compenser cette situation par l'octroi d'un revenu minimal, qui existe plus ou moins aujourd'hui mais qui dépend de la générosité publique -Croix-Rouge, Secours Populaire, etc. Tout cela n'est pas acceptable dans des structures qui relèvent du pouvoir régalien de l'Etat !
J'en viens à présent au problème de la libération conditionnelle des détenus âgés de plus de 70 ans, prévue par la loi. Le projet de loi prévoyait qu'à compter de 75 ans, le juge pouvait apprécier s'il était opportun ou non d'accorder la libération conditionnelle. Lors du vote la loi, nous avions ramené ce seuil de 75 à 70 ans, la prison accélérant le vieillissement des personnes. C'est un constat que j'ai pu établir à de multiples reprises...
Il ne s'agit pas d'obliger à la libération conditionnelle mais de ne pas s'embarrasser, pour des personnes d'un certain âge, du respect obligatoire de la période de sûreté. Les conditions sont fixées par la loi : le trouble à l'ordre public -sur laquelle on pourrait s'interroger- faisait ainsi référence au procès Papon. Il aurait en effet été difficile, dans ce cas, de faire jouer la libération conditionnelle rapide...
Notre collègue Détraigne a attiré notre attention sur le fait que la population n'a pas la même vision du problème carcéral que le législateur. C'est à la fois vrai et faux. Je suis élu du Nord : j'ai constaté à ce sujet, après l'affaire d'Outreau, une mobilisation de la population qui a découvert que l'on pouvait être à la fois innocent et incarcéré. Le sort des personnes détenues leur est dès lors apparu plus proche.
Nous avons sur ce point une lourde responsabilité. La population ne sait pas, aujourd'hui, ce qui ce que passe à l'intérieur des établissements pénitentiaires, l'administration pénitentiaire interdisant la présence de la presse dans ses établissements ! Elle ne montre ce faisant que ce qu'elle veut bien montrer ! Si les journalistes pouvaient entrer dans les établissements pénitentiaires, ils décriraient ce qui s'y passe et cela dissiperait le phantasme des prisons quatre étoiles ! Les aumôniers nationaux passent plus de temps à accompagner les personnes détenues aux douches et à les raccompagner ensuite en cellule pour éviter qu'ils ne se fassent frapper ou violer qu'à leur parler de religion ! La réalité de l'établissement reste encore largement celle-là, surtout lorsqu'on est à quatre dans des cellules de 9 mètres carrés !
Nous qui visitons les établissements recueillons souvent les confidences des personnes détenues qui ne vont plus aux douches parce qu'elles s'y font violer. L'administration le reconnaît mais déclare qu'une enquête est en cours, sous-entendant ainsi qu'il n'y a pas de problèmes ! La réalité est particulièrement dure. On juge une société à l'état de ses prisons : je souhaiterais, pour la France, qu'on nous laisse encore un petit délai !
Quant à la consultation des personnes détenues, celle-ci est prévue par la loi. Pour une fois, l'Assemblée nationale était même allée plus loin que le Sénat ! La loi a prévu l'obligation de consulter les personnes détenues sur les activités qui leur sont proposées. Il faudrait la mettre en pratique ! Bien des directeurs de prison vont plus loin et consultent les personnes détenues sur les éléments quotidiens de la détention. La participation des personnes détenues entraîne une certaine baisse de la tension dans l'établissement pénitentiaire et une plus grande sérénité pour les personnels.
Je relève d'ailleurs que, s'agissant des points sur lesquels nous étions en désaccord, l'Assemblée nationale, en commission mixte paritaire, s'est ralliée à 99,9 % aux positions du Sénat, y compris sur le principe de l'encellulement individuel !
Concernant les suicides, nous ne disposons pas de statistiques fiables et sûres, si ce n'est le nombre de suicides comptabilisés par l'administration pénitentiaire -109 en 2010, 93 en 2007. Celui qui se suicide chez lui lors d'une permission de visite n'est pas comptabilisé. Celui qui meurt à l'hôpital des suites de sa tentative de suicide non plus... Le nombre exact est donc certainement plus important.
Pendant quelque temps, l'administration pénitentiaire avait mis en place un contrôle incessant des personnes les plus fragiles, y compris la nuit. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure façon de dissuader quelqu'un de se suicider. Le problème n'est pas d'empêcher le suicide des personnes détenues mais de leur donner une raison de vivre. Le kit anti-suicide n'a pas toujours été efficace !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, co-rapporteure. - Il a d'ailleurs été supprimé !
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - En revanche, pour assurer l'accompagnant d'une personne vulnérable, on maintient la présence -discutable- d'un co-détenu s'il est d'accord ; or, ce dernier devrait recevoir une formation d'accompagnement. C'est une lourde responsabilité et celle-ci peut constituer une obligation d'activité. Sans formation, on risque de créer des traumatismes importants.
En matière de famille et de transports, je précise qu'il n'existe pas de parité dans les prisons, où l'on compte 97 % d'hommes et 3 % de femmes. Il y a de ce fait très peu de prisons de femmes et l'éloignement de la famille peut donc être considérable. Cela pose un certain nombre de problèmes qui ne sont pas de la même nature pour une personne hospitalisée ou en maison de retraite...
Je rejoins enfin ce que M. Collombat a dit. Certains de nos collègues peuvent toutefois être contre la libération conditionnelle au motif qu'elle peut permettre la récidive et engendrer une victime supplémentaire. Cette première analyse est assez superficielle. Les chiffres de l'administration pénitentiaire indiquent que la récidive est incomparablement plus faible pour les personnes ayant bénéficié de libération conditionnelle ! Certes, on choisit les personnes qui paraissent présenter le moins de danger mais les chiffres sont si éloquents qu'il n'y a pas beaucoup d'hésitations à avoir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, co-rapporteure. - Il faut aussi que nous contribuions au rapport entre la société et la prison. Bien évidemment, le public est peu informé de ce qui se passe en prison. On a également, en fonction de l'environnement, une vision plus ou moins ouverte de cette question. Les pays nordiques ont ainsi une autre philosophie à l'égard des personnes détenues. Est-on moins civilisés qu'eux ? Il en va de même de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne. Les politiques doivent expliquer que la prison fait partie de la société. Autrefois, les prisons étaient dans les murs de la ville ; de nos jours, on les en éloigne le plus possible...
On se doit par ailleurs de rapprocher les détenus des familles. Or, l'administration pénitentiaire n'a pas aujourd'hui la capacité de le faire -éloignement, surpopulation carcérale, etc. La Grande-Bretagne a mis en place une contribution aux frais de transport en cas de fort éloignement des personnes détenues. La Grande-Bretagne n'est pourtant pas un modèle de générosité publique -c'est le moins que l'on puisse dire ! Cela peut poser d'autres problèmes mais l'on pourrait néanmoins y réfléchir. Certaines situations sont inadmissibles : ainsi, personne ne vient voir les jeunes détenus lorsqu'ils sont emprisonnés trop loin du domicile de leur famille. On ne peut l'admettre !
Quant aux enfants, le décret du 23 décembre 2010 a porté de 6 à 12 mois la durée pendant laquelle l'enfant de 18 mois peut être admis à séjourner pour de courtes périodes avec sa mère détenue. Au total, un jeune enfant peut demeurer en milieu carcéral avec sa mère jusqu'à deux ans, puis y séjourner de temps à autre jusqu'à ses trois ans. Ce serait une évolution positive. Nous nous rapprochons ainsi de ce que font d'autres pays, plus protecteurs de la vie familiale des enfants.
J'ajoute qu'en matière de floutage, en France, on veut protéger les victimes mais aussi les détenus malgré eux. Notre philosophie -j'espère qu'elle est partagée- repose sur la responsabilisation. Bien entendu, on ne peut photographier ou filmer des détenus qui ne le veulent pas mais cela relève du libre-arbitre de ceux qui sont d'accord. Si l'on n'y prend garde, l'infantilisation risque de devenir absolue en prison...
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - L'administration peut ordonner le floutage mais elle doit au moins en donner les raisons. La loi le lui demande !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le film de Catherine Rechard, « Le déménagement », n'a toujours pas été diffusé à la télévision, malgré le fait que tout le monde ait donné son accord !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Il nous faut maintenant autoriser la publication du rapport.
Je voudrais insister sur la qualité des travaux et des échanges qui viennent d'avoir lieu. On perçoit bien ici la différence qui existe, toutes sensibilités politiques confondues, entre les débats qui ont lieu en commission et ceux qui se déroulent dans l'hémicycle.
La publication du rapport est autorisée à l'unanimité.