- Lundi 27 février 2012
- Mardi 28 février 2012
- Mercredi 29 février 2012
- Décision du Conseil constitutionnel sur la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi - Communication
- Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel - Examen du rapport et du texte de la commission
- Conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement européen relatif à la protection des données personnelles - Examen du rapport et du texte de la commission
- Registre national des crédits - Désignation des membres du groupe de travail
- Organisation des travaux de la commission - Communication
- Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet - Examen du rapport et du texte de la commission
Lundi 27 février 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -Formations supplétives des forces armées - Examen des amendements au texte de la commission
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Aucun amendement n'a été déposé sur ce texte, ni sur les deux autres textes que nous avions prévu d'examiner.
Mlle Sophie Joissains, rapporteur. - Si la proposition de loi est globalement satisfaisante, sa dernière formulation me pose toutefois une difficulté dans la mesure où, s'agissant des harkis, seuls ceux ayant combattu en Algérie sont inclus dans le champ d'application du texte, leurs descendants n'étant pris en compte qu'en qualité d'ayant-droit.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons effectivement tous été sollicités sur le point de savoir si le texte s'appliquait bien aux harkis.
Mlle Sophie Joissains, rapporteur. - Ce n'est pas exactement sur ce point que porte mon propos.
M. René Garrec. - Parmi ces forces supplétives, il y avait aussi les mokhaznis.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - S'il est clair que l'absence de mention des harkis ne les prive pas du droit de se défendre, je comprends que votre question porte sur la situation de leurs ayant-droits.
Mlle Sophie Joissains, rapporteur. - Oui, d'autant plus qu'après avoir supporté les conséquences de la guerre d'Algérie, ce sont eux qui subissent l'essentiel des insultes.
Certes, les associations peuvent se porter partie civile pour les défendre, mais une difficulté demeure quant à leurs droits exercés individuellement.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous pourriez encore déposer un amendement au nom de la commission, mais s'il était adopté, le texte voté par le Sénat ne serait pas conforme à celui de l'Assemblée nationale, et la loi risquerait de ne pas être adoptée avant la fin de la session. En voulant faire mieux, nous ferions donc moins bien.
M. René Garrec. - Notre rapporteur pourrait prendre la parole en séance pour indiquer quelle est sa conception du champ d'application de la loi : le juge consulte les travaux préparatoires pour apprécier l'intention du législateur.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est une proposition que je souhaitais faire moi aussi.
M. Jean-Pierre Michel. - S'agissant d'une loi sur la presse, la possibilité de défendre son honneur en justice est ouverte à toute association constituée depuis au moins cinq ans, déclarée d'utilité publique et dont les statuts prévoient la défense de ces anciens combattants et de leurs descendants.
Mlle Sophie Joissains, rapporteur. - Entendu pour les associations, mais quid des particuliers ?
M. Jean-Pierre Michel. - Ils sont aussi visés !
Par ailleurs, le fait de ne pas mentionner les harkis est logique dans la mesure où les membres de forces supplétives engagées lors de la guerre d'Indochine sont aussi concernés par le texte.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Rien n'empêche M. Michel de rappeler en séance ce qu'il vient de nous dire, ce qui ne pourra être que bénéfique, tandis que notre rapporteur fera part de son interprétation du texte et pourra éventuellement interroger le Gouvernement.
Pour le reste, restons en donc là, l'adoption d'un amendement risquant de remettre en cause l'adoption de cette loi. Il est important que nous ayons eu cette discussion ne serait-ce que pour répondre aux personnes qui nous saisissent.
Nomination d'un rapporteur
M. Jean-Pierre Sueur, président. - S'agissant de la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaires et aux biens qui en font l'objet. Ce texte, qui nous est arrivé in extremis, vise à éviter que des actifs de Petroplus ne partent en Suisse.
M. Jean-Pierre Michel. - S'agit-il d'un projet de loi ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Non, c'est une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par Mme Françoise Guégot et fortement soutenue par le Gouvernement qui a décidé de l'inscrire à notre ordre du jour.
M. Jean-Pierre Michel. - Il y a des propositions de loi TGV alors que d'autres sont des TER !
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais de quoi est-il exactement question ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il s'agit de l'affaire Petroplus.
M. Pierre-Yves Collombat. - Faut-il vraiment une loi pour cela ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous sommes dans l'obligation de rapporter sur ce texte inscrit à notre ordre du jour. Le Gouvernement étant dans son droit, nous appliquons la légalité républicaine.
M. Antoine Lefèvre. - Notre groupe félicite le président pour son dévouement.
M. René Garrec. - Nous apprécions votre longanimité.
Mme Esther Benbassa. - Et votre magnanimité !
M. Jean-Pierre Sueur est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 442 (2011-2012) relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaires et aux biens qui en font l'objet.
Mardi 28 février 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -Majoration des droits à construire - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de M. René Vandierendonck sur le projet de loi n° 422 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la majoration des droits à construire.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons décidé de présenter un rapport pour avis sur le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, qui touche directement nos compétences.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Comme elle le fait pour tous les textes touchant au droit de l'urbanisme et renvoyés au fond à la commission de l'économie, notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, transmis au Sénat après son adoption en première lecture le 23 février par l'Assemblée nationale. Le gouvernement ayant décidé la procédure accélérée, nous devons examiner dans des délais réduits l'article unique et emblématique, qui traduit sur le plan législatif l'annonce faite le 2 février par le président de la République dans son discours de Longjumeau. Le chef de l'État souhaitant « faire sauter les verrous de la construction par le relèvement de 30 % de toutes les contraintes des plans d'urbanisme fixés par les collectivités locales pour trois ans et sur tout le territoire national », l'objectif affiché est de « libérer le potentiel de constructibilité des terrains et bâtiments existants pour favoriser l'offre privée de logements ».
Le constat de pénurie de logements en France est amplement partagé, mais la réponse de circonstance apportée par le gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux. Pire, des auditions menées avec notre collègue M. Repentin, rapporteur pour la commission des affaires économiques, il ressort qu'aucun acteur de la construction ou de l'urbanisme ne considère ce dispositif comme efficace, adapté ou suffisant. Quant aux élus locaux, leurs associations n'ont même pas été consultées avant l'annonce du chef de l'État ! Les élus de terrain ne souhaitent pas la mise en oeuvre d'une réforme élaborée par le seul gouvernement. Tous soulignent l'improvisation de la mesure, l'absence de concertation et sa complète déconnexion par rapport aux réalités locales.
La principale mesure du texte consiste en une majoration de 30 % des droits à construire fixés par les plans locaux d'urbanisme (PLU), à savoir le gabarit, l'emprise au sol, la hauteur et le coefficient d'occupation des sols. Cette hausse généralisée prend deux voies : modifier l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme, introduit par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, pour porter la majoration maximale de 20 à 30 %, et introduire un nouvel article L. 123-1-11-1 majorant automatiquement de 30 % les droits à construire sur l'ensemble du territoire national pendant trois ans, sauf délibération contraire de l'autorité locale compétente.
Cette majoration ne s'appliquerait ni aux zones A, B et C couvertes par un plan d'exposition au bruit, ni aux secteurs sauvegardés ; elles ne pourraient contredire ni les servitudes d'utilité publique, ni les règles issues des lois littoral et montagne. Enfin, les deux majorations ne pourraient pas se cumuler entre elles, les majorations existantes et à venir restant en tout état de cause limitées à 50 %.
Pour respecter la Charte de l'environnement de 2004, notamment son article 7 qui exige la participation de la population aux décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, le texte prévoit une consultation destinée à recueillir les observations de la population pendant un mois. Les députés ont tenté d'atténuer le coût de cette procédure pour les collectivités territoriales, en précisant que le public disposerait d'une simple « note d'information », non d'une étude d'impact. L'Assemblée nationale a en outre voté un amendement rédactionnel disposant que l'organe délibérant se prononcerait « à l'issue de la consultation » et non « au vu des résultats », rédaction pouvant suggérer que l'organe délibérant devrait se conformer à l'avis de la population.
Je ne partage pas l'enthousiasme du gouvernement sur l'utilité de cette mesure, bien que la situation du logement soit incontestablement préoccupante : la fondation Abbé Pierre estime à 3,6 millions de personnes le nombre de nos concitoyens mal-logés, soit 5 % de la population, et à 700 000 les personnes non logées. Pour satisfaire les besoins, il faudrait construire 400 000 à 500 000 logements par an pendant dix ans, notamment en Île-de-France.
Le projet repose sur des postulats erronés. Le premier est que l'offre privée de logements serait limitée par la contrainte réglementaire des PLU. Le gouvernement espère que la majoration des droits à construire libérera ce potentiel inexploité, ce qui relancera la construction sans dépense supplémentaire pour le budget de l'État. Aux objections sur l'incidence inflationniste pour le prix du foncier, qui se fait déjà sentir, le gouvernement répond que le coût accru des terrains sera absorbé par la hausse du nombre de logements, dont le prix de vente final ne serait donc pas augmenté. Ce raisonnement, ou plutôt cette présomption simple d'enchaînement vertueux, n'a aucun fondement car elle suppose qu'aucun intervenant ne conservera une part de la plus-value. Au contraire, plusieurs raisons incitent à la prudence. En effet, le foncier représente une part déterminante du prix de vente final, supérieur à 50 % en Île-de-France. En outre, quand les constructions sont denses, leur coût marginal augmente de manière exponentielle, notamment quand il s'agit d'ajouter un étage à un immeuble existant. Aussi les ménages n'ont-ils pas, le plus souvent, la capacité financière d'utiliser les nouveaux droits à construire. En réalité, la prétendue saturation de droits à construire ne se rencontre que très rarement, alors que le décalage entre les revenus et la flambée de l'immobilier est le lot commun des ménages.
Quelle sera donc l'utilité finale de cette mesure en dehors des cas marginaux comme la division de parcelles, la construction d'une pièce supplémentaire dans les maisons individuelles, ou la transformation de bureaux en habitations ? Rien qui puisse satisfaire les besoins croissants de logements à prix raisonnables.
Le second postulat qui rend ce dispositif largement inopérant tient à la recherche d'une solution unique pour l'ensemble du territoire national, imposée aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Les PLU étant adoptés au terme d'une enquête publique et reflétant un équilibre politique local et une contextualisation urbaine, pourquoi la solution devrait-elle faire fi de la libre administration des collectivités territoriales ? Le caractère automatique et autoritaire du dispositif de la majoration des droits à construire motive ce projet : la majoration existe déjà à trois reprises dans le code de l'urbanisme, mais sous forme de dispositifs ciblés pour le logement social ou les bâtiments à haute performance énergétique, et à l'initiative des pouvoirs locaux, alors que le nouveau dispositif ne permet même pas de moduler le taux de la majoration. Pourquoi ne pas se contenter de l'alinéa premier, qui relève à 30 % la majoration introduite par la loi de mobilisation pour le logement ? L'introduction d'un dispositif parallèle et contraignant marque la défiance du gouvernement envers les élus locaux, puisqu'une commune voulant délibérer négativement devra consulter la population. Voilà une vision centralisatrice de la politique urbaine.
En outre, ce projet de loi contredit les objectifs affichés par le gouvernement. Il contrevient tout d'abord frontalement aux principes du Grenelle II, puisque l'article unique neutralise les dispositifs ciblés sur les logements sociaux et les équipements « verts ». La majoration inconditionnelle de 30 %, éventuellement cumulable, risque de pénaliser le logement social, puisqu'on pourra atteindre le plafond de 50 % sans avoir de logements sociaux.
Il contredit également les orientations du gouvernement en créant en matière d'urbanisme une intercommunalité à deux vitesses. On nous a expliqué, lorsque nous étions étudiants, que le sacro-saint principe de spécialité des établissements publics allait de pair avec l'exclusivité de la compétence déléguée. C'est une véritable novation juridique que la création d'une compétence partagée. Les communes pourront adopter une position contraire à celle de l'EPCI, pourtant seul titulaire de la compétence d'urbanisme. La Fédération nationale des SCoT a exprimé une grande émotion.
S'il faut incontestablement simplifier le droit de l'urbanisme, la note d'information constitue-t-elle vraiment une simplification ? Le statut juridique de ce document préparatoire est incertain. Elle n'évitera pas les recours contre les délibérations des communes et, quand il faudra satisfaire aux conditions de délai, elle provoquera des coûts, car il faudra faire appel à des bureaux d'étude.
Enfin, le projet de loi pèche par ses lacunes, puisqu'il n'aborde nullement les conséquences de son application pour les collectivités territoriales. Il reste muet, par exemple, sur l'intensification des infrastructures publiques, donc sur les surcoûts pour les équipements. Pourquoi les autorités locales devraient-elles les payer, alors que des propriétaires privés auront réalisé des plus-values ? De même, le dispositif n'envisage rien quant au droit de préemption urbain, alors que le coût de la maîtrise foncière publique sera augmenté, d'autant plus que la valeur vénale est calculée selon la méthode du compte à rebours, en anticipant une valeur spéculative issue de la modification du document d'urbanisme.
A de forts risques de contentieux entre voisins s'ajouteront les recours motivés par les notes d'information, dont l'insuffisance du contenu pourra provoquer l'annulation de toute la procédure. Le texte provoquera une instabilité juridique en contredisant des processus en cours de révision ou d'élaboration des PLU et des SCoT.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de donner un avis défavorable à un projet qui constitue un véritable cheval de Troie contre la décentralisation de l'urbanisme.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Quelles que soient nos préférences politiques, nous sommes nombreux à avoir appris que ce projet de loi serait prochainement examiné sans y avoir été préparés.
Mme Virginie Klès. - Je partage l'avis de notre rapporteur. Un détail trivial : il n'y a pas de logements urbains sans stationnement, mais le texte n'en dit mot. Un professionnel de l'immobilier m'a dit que ce texte inutile et néfaste était typiquement l'idée venue le samedi matin en se rasant et reprise le dimanche sans que la nuit ait porté conseil...
M. Yves Détraigne. - En tant que maire d'une commune bourg-centre dans la première couronne d'une grande ville, je me retrouve complètement dans les propos du rapporteur.
M. Philippe Bas. - Le rapporteur ne m'a pas convaincu. Nous examinons en réalité une faculté d'accroître les droits à construire en zone urbaine. Ce n'est pas la première, il n'y a donc pas à avoir d'objection de principe.
Au départ, j'étais sensible à l'argument fondé sur le caractère excessif une disposition générale et unilatérale, mais la décision finale reste confiée aux conseils communautaires et aux conseils municipaux. Il n'y a pas d'obligation irrémédiable.
Ce texte est-il présenté comme une solution unique ? Non, puisque l'on construit actuellement plus de 100 000 logements sociaux par an, contre 43 000 avant 2002. Quant au prix des logements, dans une logique de marché, plus il y a de biens disponibles, moins la pression inflationniste est forte. Je ne suis pas convaincu que tous les indicateurs iront dans le mauvais sens. Sans être la panacée, le dispositif proposé offre une chance supplémentaire de construire davantage dans certaines zones.
M. Alain Richard. - Je suis frappé par le nombre de sujets renvoyés à une mesure postérieure. Le pouvoir négatif de restriction confié aux conseils municipaux consiste à décider que la majoration s'appliquera sur une partie du territoire : rien n'est réglé pour les autres règles fixées par la collectivité.
Les règles d'écart à la limite séparative entre logements individuels dans les quartiers pavillonnaires ne sont, par exemple, pas touchées par ce dispositif, ce qui est d'ailleurs logique, puisqu'elles ont un caractère civil. Lorsqu'une limite séparative est déjà saturée, la seule option pour agrandir le logement consiste à relever le niveau d'une maison individuelle, ce qui est difficile sauf dans les rares cas de combles encore aménageables.
Dans les structures collectives, l'assemblée générale des copropriétaires doit prendre une décision pour autoriser l'application d'une éventuelle majoration, sous réserve que la structure porteuse de l'immeuble l'autorise. Et je vous laisse imaginer les conditions divertissantes de vie faites aux habitants d'un immeuble que l'on rehausse !
En définitive, le texte s'appliquera principalement aux terrains nus, ceux dont nous manquons dans nos villes, et avec un effet certain de renchérissement. Or, le projet de loi ne comporte aucune disposition sur les prix des terrains, ni sur les plus-values. Il est muet quant à la charge d'équipement pesant sur la collectivité. Enfin, France Domaine anticipe de façon très prononcée le potentiel de construction, donc la préemption se fera au nouveau prix.
La note d'information sera un élément de la procédure préparatoire. Comme elle devra indiquer toutes les conséquences liées à l'augmentation des droits à construire, j'y vois un nid à contentieux.
La concertation avec les associations d'élus locaux aurait permis d'arriver à un tout autre résultat, mais pas pour la même échéance...
M. Jacques Mézard. - En majorité, nous ne voterons pas ce texte à usage médiatique caractérisé. Il arrive comme un cheveu sur la soupe dans des conditions qui ne trompent personne. Il faut certes conforter la densification urbaine et mieux utiliser l'espace, y compris, malgré les discours écologistes, dans les bourgs-centres en zone rurale, mais ce dispositif, bien cavalier envers les collectivités territoriales, aura des conséquences évidentes sur le prix de la ressource foncière, partant sur le coût final des logements dans les zones tendues. En définitive, ce texte peu prospectif est mal préparé. Il est inutile de créer une usine à gaz dans les circonstances actuelles ! Ce projet ne vient ni au bon moment, ni dans les bonnes conditions.
M. Michel Delebarre. - Écoutant M. Vandierendonck, dans un premier temps, je me suis surpris à visualiser certains quartiers de Roubaix tels ces grandes villes américaines où l'on avait vu surgir des immeubles de grande hauteur. On se rend vite compte que la proposition a toutes les allures d'une fausse bonne idée, facile à présenter mais aux inconvénients nombreux. C'est une usine à contentieux.
Il faut incontestablement compléter notre législation pour accroître le nombre de terrains à construire, ainsi que la contribution de l'État, mais cette idée-là ne va pas dans le bon sens : ses effets pervers nourriront la spéculation.
Outre que ce texte s'assied sur la décentralisation, même si la commune peut dire non, je ne comprends pas l'innovation constituée par la « note d'information ». Qui sera son auteur ? Sera-t-elle adoptée par le conseil municipal avant la consultation ? Le délai d'un mois pour celle-ci est extraordinairement court, les seules réactions recueillies seront donc celle de lobbies. On se prépare bien des difficultés, alors que la loi ne pourra en pratique jouer que pour les nouveaux programmes, puisque l'on ne peut guère augmenter de 30 % le nombre de logements d'un bâtiment déjà construit.
M. Jean-Jacques Hyest. - On s'attache dans certaines zones à ne pas miter le territoire (2 000 hectares par an !). C'est un enjeu du schéma territorial de l'Île-de-France.
M. Michel Delebarre. - En Île de France, sûrement !
M. Jean-Jacques Hyest. - Cette loi s'appliquera peut-être surtout à l'Île-de-France, où le schéma territorial a besoin de terrains nouveaux. Contrairement à ce que pense M. Richard, on peut augmenter la hauteur d'un bâtiment collectif : je l'ai fait dans un HLM, sans gêne particulière pour les habitants.
Pourquoi l'EPCI et la commune entreraient-ils en conflit ? La compétence « urbanisme » est exercée par l'une ou l'autre, elle n'est pas conjointe !
M. Jean-René Lecerf. - J'avais compris le contraire, j'aimerais que le rapporteur réponde sur ce point. Les EPCI sont de plus en plus politiquement situés, la constructibilité supplémentaire risque de s'imposer dans une commune qui ne le voudrait pas.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - L'alinéa 11 de l'article unique dispose : « Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peuvent décider d'appliquer la majoration prévue au I du présent article sur leur territoire, nonobstant toute délibération contraire de l'établissement public, ou d'écarter cette application. »
M. Jean-Jacques Hyest. - En effet.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - C'est un précédent dans le partage des compétences.
L'excellent rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé de créer un document sui generis : la note d'information, dont M. Apparu a dit qu'elle ne ferait pas grief. On peut néanmoins exciper de l'illégalité de cet acte préparatoire dans le cadre d'un recours dirigé contre une délibération. Je présume que les services des communes ou des EPCI élaboreront ces notes, en s'inspirant d'une circulaire interprétative...
M. Alain Richard. - Il y aura un modèle national...
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - M. Bas, les trois majorations figurant dans le code de l'urbanisme relèvent toutes de l'appréciation des autorités locales ; elles ne sont pas limitées dans le temps et leur taux est modulable. Aucune de ces caractéristiques n'est reprise dans ce dispositif, très différent donc de ceux qui existent déjà.
M. Hyest, je suis aussi attaché que vous à la ville dense. Nous mettons en place une communauté urbaine associant 85 communes en aidant les maires à réaliser les études nécessitées par la traduction urbaine du projet approuvé par les électeurs, que nous contextualisons dans un cadre coproduit entre l'EPCI et la commune. Ici, le dispositif tombe d'en haut, avec des effets répulsifs. Surtout, il s'appliquera en l'absence de délibération. La commune peut s'opposer à l'application du dispositif, mais après consultation ; et le texte prévoit une application automatique, en cas de silence de l'autorité locale, dans le délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il est temps de voter sur l'avis négatif proposé par le rapporteur.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Ce texte hors normes doit être voté selon un calendrier tout aussi original : la commission mixte paritaire se réunira le 5 mars, en cas de succès le lendemain ses conclusions seront discutées à l'Assemblée nationale et au Sénat, sinon il y aura nouvelle lecture du texte devant chaque assemblée, les députés devant avoir le dernier mot le jour même.
M. René Garrec. - Belle journée !
M. Jean-Jacques Hyest. - Du temps réel !
La commission émet un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.
Mercredi 29 février 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -Décision du Conseil constitutionnel sur la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi - Communication
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Hier, le Conseil constitutionnel a censuré la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi, manière de prendre en compte la position majoritaire que notre commission a adoptée à deux reprises.
M. Jean-Jacques Hyest. - Certes !
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le président de la République a derechef demandé qu'un nouveau projet de loi fût préparé.
M. Jean-Pierre Michel. - Il n'est pas le seul ! M. François Hollande, lui, s'est engagé à reprendre, s'il était élu, la question du génocide arménien « dans l'apaisement et dans la concertation ». Est-ce mieux ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Au nom de la commission, j'ai cru bon de rappeler que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités de la République sans exception.
Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous allons examiner, en application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, le rapport de M. Simon Sutour sur la proposition de résolution européenne n° 406 sur la proposition de règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, un sujet qu'a éclairé l'audition de la commissaire européenne Viviane Reding. Nous verrons plus tard la résolution complémentaire sur la subsidiarité adoptée par la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Notre commission a en effet examiné la semaine dernière une proposition de résolution européenne ; jeudi, la commission européenne a adopté une autre proposition de résolution, dans le cadre de la subsidiarité.
Avant de passer à l'examen des amendements, rappelons les grands principes qui ont guidé notre réflexion. Sur le même sujet, il y a une proposition de règlement et une proposition de directive. Nous nous sommes intéressés à la première, parce qu'elle intéresse directement les citoyens de l'Union, plutôt qu'au second. Elle comporte 91 articles. Notre propos n'est pas d'adopter une position sur chacun. La proposition fait l'objet d'une procédure de codécision entre Conseil des ministres et Parlement européen, qui va durer plusieurs mois : il s'agit de peser dans le débat, en tant que Parlement national auprès du Gouvernement pour défendre au mieux nos concitoyens. Pour cela, il convient de préserver la lisibilité du texte. Ensuite, ne limitons pas l'analyse aux seules autorités de contrôle, même si nous avons à coeur, comme toujours, d'amplifier leurs capacités d'action.
Alinéa additionnel après l'alinéa 5
M. Yves Détraigne. - Par l'amendement n° COM-2, il s'agit de rappeler, en tête de la proposition, l'importance de la loi du 6 janvier 1978. Un visa supplémentaire, donc.
L'amendement n° COM-2, accepté par le rapporteur, est adopté.
Alinéa 16
L'amendement rédactionnel n° COM-3, accepté par le rapporteur, est adopté.
Alinéa additionnel après l'alinéa 18
M. Pierre-Yves Collombat. - L'amendement n° COM-1 conforte la position du Sénat sur le texte relatif à la protection de l'identité : lorsqu'il y a le choix entre différentes technologies, il faut retenir la plus protectrice des droits des personnes. Cet élément tangible donnera du poids à cette proposition de résolution. Sans quoi, nous nous limiterons à énoncer des droits dont personne ne sait qui les fera respecter.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Cet amendement ne renvoie ni à une disposition de la proposition de règlement, ni à un élément de droit national dont nous demanderions le maintien, ce qui est gênant. Retrait ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Oui !
M. Pierre-Yves Collombat. - J'avoue ma totale incompréhension. Si cet amendement passe à la trappe, l'exercice est totalement vain !
M. Jean-René Lecerf. - La « technologie la plus protectrice des droits des personnes » ? Autrement dit, la moins protectrice de la sécurité des personnes, c'est inacceptable. Je ne suis pas favorable à cet amendement.
Mme Virginie Klès. - Pas du tout d'accord ! Assurer la sécurité, c'est protéger le droits des personnes d'aller et venir en toute liberté et en tout anonymat.
M. Jean-Jacques Hyest. - La question de la technologie ne relève pas de ce projet de règlement européen, c'est un autre débat.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il n'y pas d'hostilité manifestée à l'égard de la proposition de M. Collombat...
M. Pierre-Yves Collombat. - Les intentions européennes sont magnifiques, les résultats sont calamiteux : casuistique imparable !
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mme Klès lui apporte son ardent soutien...
Mme Éliane Assassi. - Moi aussi !
M. Simon Sutour, président. - Cet amendement concerne davantage la proposition de directive, qui traite des fichiers de souveraineté et de recherche criminelle, que le projet de règlement qui se limite aux fichiers commerciaux.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'intention de M. Collombat pourra donc se manifester à l'occasion du projet de directive.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Bien sûr, on y reviendra.
M. Jean-René Lecerf. - L'objet de l'amendement n'est pas exact. Si nous suivions la logique de notre excellent collègue, il faudrait choisir systématiquement la technologie la plus protectrice des droits, soit celle sans fichier central qu'il n'a jamais souhaitée, contrairement à moi.
L'amendement n° COM-1 n'est pas adopté.
Alinéa 21
L'amendement rédactionnel n° COM-4, accepté par le rapporteur, est adopté.
Alinéa additionnel après l'alinéa 22
M. Yves Détraigne. - La proposition de règlement conditionne la possibilité, pour les autorités de protection, de mener des investigations à l'existence d'un « motif raisonnable » de suspicion, une restriction que le Sénat ne peut pas accepter. D'où l'amendement n° COM-5.
M. Simon Sutour, rapporteur. - En accord avec M. Amoudry, avec qui j'ai travaillé ce matin, je suggère de modifier la rédaction de l'amendement et de l'insérer plutôt après l'alinéa 19. Sous réserve de cette rectification de fond et de forme, avis favorable.
M. Yves Détraigne. - La rectification est acceptée.
L'amendement n° COM-5 rectifié est adopté.
M. Yves Détraigne. - Durant l'audition de la commissaire européenne Mme Viviane Reding, nous avons largement regretté les pouvoirs que la proposition de règlement confère à la Commission européenne. Elle seule déterminera et précisera les conditions de mise en oeuvre des dispositions et des droits nouveaux. D'après la Commission, l'application totale de ce règlement prendra une dizaine d'années. Nous entendons, par l'amendement n° COM-6, nous opposer à cette atteinte au principe de subsidiarité.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Nous partageons votre préoccupation, nous l'avons tous dit lors de l'audition de Viviane Reding. Il est tout à fait anormal que le projet de règlement renvoie à une trentaine d'actes délégués et à une vingtaine d'actes d'exécution. D'où la proposition de résolution portant avis motivé sur la subsidiarité que je vous présenterai dans un instant.
L'amendement n° COM-6 est retiré.
La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement européen relatif à la protection des données personnelles - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous en venons à la proposition de résolution n° 424 sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement européen relatif à la protection des données à caractère personnel que la commission des affaires européennes a adoptée le 23 février 2012 en application de l'article 73 octies.
Cette proposition de résolution, qui s'adresse aux institutions européennes, est complémentaire de celle déposée par la commission des lois sur le fondement de l'article 73 quinquies, qui, elle, est destinée au Gouvernement.
Compte tenu du délai de prise d'effet de ces propositions, qui est de huit semaines, si nous ne statuons pas rapidement sur le présent texte, il deviendra résolution du Sénat après la suspension des travaux, le 6 mars 2012. Pour toutes ces raisons, il serait judicieux de se prononcer dès aujourd'hui.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Jeudi dernier, après l'examen du texte que nous venons d'adopter, la commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution portant avis motivé sur la subsidiarité : l'objectif poursuivi peut-il être mieux poursuivi au niveau communautaire, l'intensité de l'action entreprise n'excède-t-elle pas la mesure nécessaire pour atteindre l'objectif ?
En l'espèce, l'idée est de rappeler que, s'agissant de questions touchant directement aux droits des citoyens, la proposition de règlement ne doit pas priver les Etats membres de la possibilité de maintenir transitoirement des dispositions nationales plus protectrices - c'est un point fort de notre proposition. Nous dénonçons également le nombre excessif de délégations législatives accordées à la Commission et le système du guichet unique. Au nom du principe de subsidiarité, conservons au citoyen la possibilité de saisir l'autorité de contrôle du pays où il réside.
Pour conclure, cette proposition, qui s'adresse aux institutions européennes à la différence de la précédente, poursuit le même objectif : assurer la protection la plus complète et la plus efficace des données personnelles de nos ressortissants. Son adoption renforcera la position du Sénat.
La proposition de résolution portant avis motivé est adoptée.
Registre national des crédits - Désignation des membres du groupe de travail
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous devons désigner deux membres de la commission pour nous représenter au sein du groupe de travail commun avec les commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales sur le désendettement, le fichier positif et les questions de crédit.
Mme Nicole Bonnefoy et M. André Reichardt sont nommés membres du groupe de travail sur la création d'un registre national des crédits.
Organisation des travaux de la commission - Communication
M. Jean-Pierre Sueur, président. - A l'initiative de M. Jean-Pierre Michel, notre commission s'intéressera pendant l'interruption des travaux en séance publique au fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'homme, un sujet auquel nous a également sensibilisés la presse. Des dispositions internationales devraient être prises dans des délais rapprochés. Un déplacement d'une journée à la Cour pourrait être ouvert à ceux des membres de la commission qui le souhaiteraient. Nous pourrions entendre auparavant en audition son ancien président, M. Jean-Paul Costa.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Notre commission se réunira mardi 6 mars à 9 h 30. Outre le rapport de M. Gaëtan Gorce sur la proposition de résolution européenne de M. Bernard Piras relative à la réforme des marchés publics et sur les contrats de concession de services que vous attendez tous, outre l'examen des amendements éventuels sur le texte relatif aux données personnelles, nous aurons l'honneur d'entendre la communication de M. Alain Richard sur le droit commun européen de la vente en sa qualité de rapporteur de la commission des affaires européennes.
- Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -
Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-Pierre Michel, président. - Nous passons à l'examen du rapport et du texte proposé par la commission pour la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet, adoptée par l'Assemblée nationale hier soir.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Les députés ont adopté le texte que j'ai l'honneur de rapporter, aujourd'hui à 1 h 30 ; c'est dire les conditions de grande rapidité dans lesquelles nous avons travaillé pour préparer son examen aujourd'hui.
Le dépôt rapide de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale - la semaine dernière ! - se justifie par les difficultés rencontrées par l'entreprise Petroplus de Petit-Couronne. J'ai travaillé de manière constructive avec son auteur, Mme Françoise Guégot, sur ces mesures de nature à sauvegarder les intérêts de cette société et de ses salariés.
Cette affaire, la presse s'en est fait l'écho, a fait l'objet de discussions entre le Gouvernement et l'opposition ; en l'espèce, entre MM. Fillon et Fabius. Cela peut paraître critiquable mais, après tout, n'est-il pas normal en démocratie que des responsables politiques appartenant à des formations politiques différentes puissent se parler et oeuvrer pour le bien commun ? Les salariés de l'entreprise, reçus lundi dernier par le président Bel, ont d'ailleurs clairement manifesté leur souhait de voir ce texte adopté.
Les six articles de cette proposition relativement technique modifient le livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises : sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire. Il autorise des mesures conservatoires à l'égard de biens appartenant à de tierces personnes à l'occasion de certaines actions judiciaires engagées dans le cadre des procédures collectives. Il est d'une portée générale, bien qu'il vise, dans l'immédiat, à protéger Petroplus Petit-Couronne.
Quelle est la situation ? La holding suisse Petroplus, dont l'avenir économique semble sérieusement compromis, dirigeait de fait Petroplus Petit-Couronne en raison de sa forte immixtion dans sa gestion. Or la filiale se trouve actuellement en redressement judiciaire. Dans ces conditions, son administrateur judiciaire pourrait engager une action en responsabilité contre la holding pour obtenir sa contribution à la procédure de redressement. Le pétrole qui se trouve dans les cuves de Petroplus Petit-Couronne, d'une valeur de 200 millions, serait bien utile pour oeuvrer à la poursuite de l'activité de la société française, mais son propriétaire, la holding Petroplus, peut vouloir le récupérer avant que le jugement au fond sur sa responsabilité dans la cessation des paiements ne soit prononcé.
La proposition de loi, examinée selon la procédure accélérée, prévoit, à ses articles 2 et 3, des mesures conservatoires à l'égard des biens des dirigeants, qu'ils soient de droit ou de fait, dans le cadre d'une action en responsabilité engagée en cas de redressement ou de liquidation. Concrètement, les biens saisis seraient indisponibles pour le propriétaire dans l'attente du jugement au fond sur sa responsabilité. L'article 1er prévoit des mesures conservatoires dans le cadre de l'action en extension, qui existe pour les trois procédures collectives ; cette action vise à étendre la procédure à d'autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui de la société ou de fictivité de la personne morale. Les voies de recours habituelles, prévues dans le code de procédure civile, seront possibles à l'encontre de l'ordonnance du président du tribunal de commerce qui décide les mesures conservatoires.
Pour mémoire, ces mesures conservatoires, qui dérogent à la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, sont actuellement limitées au seul cas de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, dans le cadre de la liquidation. La responsabilité, ce sera là ma seule considération critique, en revient au Gouvernement, dont l'ordonnance du 18 décembre 2008 a, pour des raisons qui m'échappent totalement, restreint le champ de cette action tel qu'il avait été prévu par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, rapportée par M. Jean-Jacques Hyest. Sans cela, rien n'empêchait sans doute d'engager une action en insuffisance d'actif contre la holding Pétroplus et d'ordonner la saisie du pétrole.
En pratique, les mesures conservatoires évitent la disparition des biens appartenant à un tiers mais susceptibles d'être joints à l'actif de la société en redressement. Elles donnent aussi un pouvoir de négociation avec ce tiers pour discuter de l'avenir économique de sa filiale. Enfin, si la responsabilité du tiers est reconnue, ces biens peuvent contribuer à la procédure de redressement et, donc, servir au paiement des créances et de toutes les obligations de la société en redressement : salaires et avantages sociaux ou encore obligations sociales et environnementales.
Dernier article important, l'article 4 qui concerne le droit de propriété. Parce qu'il est garanti par la Constitution, toute limitation - et c'est le cas ici - doit être encadrée. Nous éviterons ainsi qu'une question prioritaire de constitutionnalité mette en cause le dispositif.
Pour ce faire, le texte prévoit la cession des biens faisant l'objet d'une mesure conservatoire, lorsque leur conservation engendre des frais ou lorsqu'ils sont sujets à dépérissement. Celle-ci sera autorisée par le juge-commissaire chargé de suivre la procédure, au prix et aux conditions qu'il détermine. Le produit de la cession doit être consigné à la Caisse des dépôts et consignations dans l'attente du jugement au fond. Il est somme toute préférable de vendre les biens et d'en consigner le produit plutôt que de les laisser dépérir. Le même raisonnement vaut sans doute pour le pétrole. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, Mme François Guégot, j'y ai travaillé avec elle, a apporté des garanties sur les droits du propriétaire des biens, concernant les conditions de cession et la consignation du produit de la cession.
Autre atteinte au droit constitutionnel de propriété, l'affectation du produit de la cession aux frais engagés pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire des biens. Pour limiter la portée de la dérogation, l'affectation du produit de la cession résultera, elle aussi, d'une ordonnance du juge-commissaire. Afin de lever toute ambiguïté, un amendement, adopté majoritairement cette nuit, précise que la gestion des affaires du propriétaire des biens inclut le respect de ses obligations sociales et environnementales. Là encore, l'ordonnance du juge-commissaire sera susceptible des recours habituels du code de procédure civile.
L'information des salariés est une préoccupation légitime. Si le droit actuel des procédures collectives comporte déjà de nombreuses dispositions à ce sujet - notamment, les rapports de l'administrateur judiciaire au comité d'entreprise -, les salariés de Petroplus tenaient particulièrement à ce que la loi mentionnât explicitement une information spécifique. D'où l'amendement du groupe SRC adopté cette nuit à l'Assemblée nationale, qui vise l'article L. 621-2 du code de commerce relatif à la procédure de sauvegarde. Nonobstant les trois sous-amendements du Gouvernement, il reste quelque peu imparfait. Il eût été plus pertinent de faire également référence aux articles L. 631-10-1 relatif au redressement et L. 651-2 qui concerne les actions pour insuffisance d'actif. Nous le mentionnerons dans le rapport afin de garantir une bonne interprétation de l'amendement adopté hier soir par les députés.
Pour une application rapide de ces mesures à Petroplus, le texte prévoit, à l'article 6, une application aux procédures en cours dès la publication de la loi.
Compte tenu de la situation de l'entreprise, je propose d'adopter le texte de l'Assemblée nationale, nonobstant les améliorations que nous pourrions y apporter. Le délai-limite de dépôt des amendements est fixé demain au début de la discussion générale ; nous les examinerons donc après la discussion générale. Je précise d'emblée que les députés qui défendaient la reprise de certaines mesures de la proposition de loi de M. François Hollande et n'ont pas obtenu satisfaction, ont considéré opportun de voter le texte.
M. Jean-Jacques Hyest - Modifier ainsi le code de commerce est un peu léger après tout le temps que nous avons passé à définir les procédures collectives et à les améliorer. Le ministère public est mentionné, puis disparaît ; il a pourtant un rôle dans les procédures. Au nouvel article L. 631-10-2, il est question d'un administrateur ou, à défaut, d'un mandataire judiciaire. Ce n'est pas très bien écrit ! Mieux aurait valu faire référence aux articles relatifs aux diverses procédures.
Cela dit, le cas est particulier. Les dirigeants ont manifestement commis une faute, une procédure a été engagée. Mais, pour aller plus vite, il faudrait des mesures conservatoires afin de protéger le stock physique dans l'entreprise, qui doit être sous la main soit de l'administrateur, soit du mandataire ou du liquidateur. En fait, il aurait fallu lancer la procédure pour faute plus rapidement. Néanmoins, ce texte répond à un problème précis, encore qu'il faudrait le réécrire entièrement... au moyen d'une ordonnance ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - ... ou d'une proposition de loi Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. - Je regrette une certaine illisibilité de la loi.
M. Jean-Pierre Michel, président. - Le texte aurait été préparé en haut lieu !
M. Jean-Jacques Hyest. - Là aussi, il y a des juristes, paraît-il !
M. Gaëtan Gorce. - Ce texte me plonge dans l'embarras. Si je comprends la nécessité d'agir pour des raisons humaines et sociales, je ne peux méconnaître qu'il contrevient à des principes juridiques. Juridiques parce que nous légiférons pour un cas particulier, qui plus est en recourant à la procédure accélérée. Juridiques, aussi, parce que régler de tels problèmes par des mesures conservatoires ne peut pas nous satisfaire.
Je suis totalement interloqué, mais peut-être finirai-je par m'y habituer, de voir que l'on continue d'expliquer à nos concitoyens, particulièrement dans les périodes électorales, que nous pourrions garantir l'emploi par la loi. Si le législateur peut tout, c'est qu'il a méconnu auparavant ses responsabilités juridiques et politiques !
Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai, puisqu'il est permis, au Sénat, d'exprimer librement ses réserves tout en nourrissant peu d'espoir quant à la sagesse des divers candidats dans les mois qui viennent.
M. François Pillet. - Concernant Petroplus, une action en responsabilité ou en extension a-t-elle été engagée ?
Mme Éliane Assassi. - Je ne m'étendrai pas sur les raisons qui expliquent le dépôt précipité de cette proposition de loi. Nous avons nous-mêmes déposé une proposition de loi sur ces questions industrielles. Cela dit, je partage les réserves de M. Gorce sur ce texte d'opportunité. À l'Assemblée nationale, mon groupe avait déposé des amendements pour préserver les droits des salariés ; ils n'ont pas été retenus. J'entends ce que vous dites, nous envisageons de déposer des amendements demain et nous nous abstiendrons si le texte était voté en l'état.
M. Philippe Bas. - Monsieur le rapporteur, vous avez établi votre synthèse avec une rapidité admirable. Cette proposition de loi, de portée générale, me laisse perplexe, car ses conséquences, qui ne peuvent pas être toutes mesurées, me paraissent assez contraires au principe de sécurité juridique. Le droit de propriété doit être pris en compte de manière stable, dans l'intérêt du développement économique. Nous légiférons pour répondre, fût-ce légitimement, à une situation particulière : ce texte opportun demeure un texte d'opportunité. Il répond avec des manières de corsaire à un comportement de requins...
M. Michel Delebarre. - Vous voulez dire de pirates, les corsaires avaient une commission royale !
M. Philippe Bas. - Sans doute aurons-nous, une fois l'affaire Petroplus réglée, à revenir de manière plus complète sur cette législation que je soutiendrai.
M. Yves Détraigne. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. - Le groupe RDSE soutient cette proposition de loi, qui répond à un impératif social. Comme dans les hôpitaux, je suggère d'ouvrir un service d'urgence législative, jour et nuit, afin de traiter tous les cas pouvant se présenter...
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - ... jusqu'au 6 mai !
M. Pierre-Yves Collombat. - ... en période électorale ! Ainsi nous serions encore plus réactifs, pour sauver la France toutes les nuits !
M. Patrice Gélard. - Je suis le régional de l'étape, Petit-Couronne étant dans ma circonscription, en Seine-Maritime. Les parlementaires de tous bords se sont penchés sur le problème, afin de trouver une solution aux difficultés de cette entreprise, dont le propriétaire s'est comporté comme un voyou. Je partage les inquiétudes de Jean-Jacques Hyest sur la rédaction de ce texte, imparfaite à tous points de vue et susceptible de poser problème par la suite. Nous ne sommes pas à l'abri de mises en cause...
M. Jean-Jacques Hyest. - La Cour de cassation le dira !
M. Patrice Gélard. - Laissons les tribunaux agir ! Comme le rapporteur, j'observe que cette méthode de fin de session n'est pas terrible : nous sommes obligés de donner suite en 24 heures à un texte adopté par l'Assemblée nationale...
M. Gaëtan Gorce. - ... soutenu par deux anciens premiers ministres !
M. Patrice Gélard. - ... ce qui n'est pas enthousiasmant ! Je me mets à la place des salariés de Petroplus et je voterai cette proposition de loi, telle que le rapporteur nous la présente.
M. Nicolas Alfonsi. - J'avais compris que mon groupe s'abstiendrait, mais en fait il votera pour, comme moi.
M. Jean-Pierre Michel, président. - Le groupe socialiste suivra le rapporteur, partageant les réserves qu'il a énoncées, mais comprenant l'attente des salariés de l'entreprise. Nous voterons la proposition de loi en l'état, sous réserve des amendements dont nous prendrons connaissance d'ici demain.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - En écoutant le spécialiste qu'est M. Hyest, je n'ai aucun doute quant aux possibilités d'amélioration de ce texte, dont la lisibilité pourrait être accrue. Ce qu'il dit des stocks vaut pour les machines comme pour le pétrole.
Ce texte présente un caractère conservatoire. L'action pour insuffisance d'actif aurait pu être mise en oeuvre, si l'ordonnance de 2008 ne nous avait pas privés de moyens qui auraient été pertinents. Nous sommes là, en tant que législateurs, en face du réel. Je vois tout à fait le discours que je pourrais tenir sur les conditions d'urgence dans lesquelles nous travaillons : le vendredi, le ministre chargé des relations avec le Parlement est venu me voir dans mon bureau, le lundi, nous avons décidé de faire un rapport, que nous présentons aujourd'hui, avant d'examiner le texte demain en séance publique. Mais enfin, il y a un principe de réalité ! La majorité gouvernementale actuelle aurait pu décider de voter ce texte sous une autre forme. Il aurait fallu une commission mixte paritaire, qui aura peut-être lieu, avant que l'Assemblée statue en dernière lecture. Faire passer la concertation et l'intérêt général avant toute autre considération me paraît plutôt une bonne chose, dans le contexte que nous connaissons.
Monsieur Gorce, je vous comprends. Il est difficile, dans ce domaine comme dans d'autres, de faire croire qu'il suffit d'une loi pour régler un problème ! Comme l'a dit Pierre-Yves Collombat, nous pourrions ouvrir un service d'urgence législative, sur le modèle des services hospitaliers ! Je redis que ce texte est conservatoire. Personne n'est contraint de le voter, mais tout le monde peut l'améliorer par des amendements ou d'autres initiatives législatives dans le futur. Vous avez longuement parlé de votre liberté : nous y sommes attachés, comme nous le montrons les uns et les autres en certaines circonstances.
Monsieur Pillet, à ma connaissance, plusieurs actions civiles et pénales ont été engagées, peut-être M. Gélard pourra-t-il nous éclairer. Je vérifierai d'ici demain si une action en responsabilité a été engagée.
Madame Assassi, vous regrettez que la proposition de loi de votre groupe n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour. Elle aurait pu l'être par le Gouvernement - nous sommes en semaine gouvernementale jusqu'à samedi minuit, pas après... La proposition de François Hollande aurait pu être inscrite conjointement à l'Assemblée et au Sénat. Ces deux propositions de loi ne bénéficient pas du sort heureux de celle d'aujourd'hui. Nous examinerons les amendements demain.
Monsieur Bas, vous avez raison sur la sécurité juridique. Dans l'arbitrage entre les précautions juridiques qui pourraient être prises et le principe de réalité, nous sommes nombreux à avoir fait le choix qui est le vôtre. Quant aux corsaires, je rejoins M. Delebarre : attention aux légendes que l'on colporte sur leur compte, auxquelles on est particulièrement sensible à Dunkerque !
M. Michel Delebarre. - Très bien !
M. Patrice Gélard. - Je suis descendant de corsaire !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je remercie Messieurs Alfonsi et Collombat du soutien cohérent du groupe RDSE. Je remercie Monsieur Michel d'avoir indiqué le soutien du groupe socialiste et Monsieur Gélard de nous avoir éclairés à la lumière de réalités qu'il connaît parfaitement.
M. Jean-Jacques Hyest. - Dans le droit des difficultés des entreprises, un cas particulier a suscité un texte qui n'est pas très bien rédigé. Ne nous livrons pas à des initiatives échevelées, soyons raisonnables ! On ne peut faire n'importe quoi sur le droit de propriété. Certaines propositions, électoralement sympathiques, peuvent n'être absolument pas conformes aux règles de droit.
M. Jean-Pierre Michel, président. - Je vais mettre aux voix la proposition de loi issue de la coproduction qui a été signalée entre les rapporteurs des deux assemblées.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -
M. Alain Richard. - Ceux qui ont la curiosité de lire la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi visant à réprimer la contestation des génocides...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous l'avons évoquée avant votre arrivée...
M. Alain Richard. -... examineront avec intérêt son avant-dernière ligne : « sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs » y est-il précisé, ce qui signifie qu'il n'y avait pas forcément que ce motif d'inconstitutionnalité. Voilà qui mérite un peu de réflexion !
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le texte que nous venons d'adopter est inscrit à l'ordre du jour de la séance publique demain matin. Le délai-limite pour le dépôt des amendements sera donc le début de la discussion générale. Je demanderai une suspension de séance pour les examiner, sous la présidence de Jean-Pierre Michel.