- Mardi 21 février 2012
- Nouveau cadre européen de gouvernance économique et budgétaire - Audition de MM. Ramon Fernandez, directeur général de la direction générale du Trésor (DGT) et Pierre Heilbronn, secrétaire général adjoint du secrétariat général aux affaires européennes (SGAE)
- Loi de finances rectificative pour 2012 - Ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité - Examen des rapports
- Loi de finances rectificative pour 2012 - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
- Mercredi 22 février 2012
- Ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité - Explication de vote du groupe CRC
- Bilan de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels - Contrôle budgétaire - Communication d'étape de MM. François Marc et Pierre Jarlier
Mardi 21 février 2012
- Présidence de M. Philippe Marini, président et de M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères et de la défense -Nouveau cadre européen de gouvernance économique et budgétaire - Audition de MM. Ramon Fernandez, directeur général de la direction générale du Trésor (DGT) et Pierre Heilbronn, secrétaire général adjoint du secrétariat général aux affaires européennes (SGAE)
La commission procède tout d'abord, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l'audition de MM. Ramon Fernandez, directeur général de la direction générale du Trésor (DGT), et Pierre Heilbronn, secrétaire général adjoint du secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), conseiller chargé de l'Europe au cabinet du Premier ministre, sur le nouveau cadre européen de gouvernance économique et budgétaire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Cette réunion est une double séance à un double titre. D'abord parce que l'audition est conjointe avec la commission des affaires étrangères ; je remercie le président de commission des affaires étrangères qui a agréé le principe d'une réunion conjointe et accepté qu'en raison de leur objet essentiellement financier, les projets de loi de ratification des traités instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) soient rapportés par la commission des finances. Ensuite parce notre ordre du jour comprend en outre plusieurs rapports, sur le collectif et sur le MES.
Après avoir entendu le président de la commission des affaires étrangères, nous auditionnerons M. Fernandez, directeur général du Trésor, ainsi que M. Heilbronn, secrétaire général adjoint du secrétariat général aux affaires européennes et conseiller du Premier ministre pour les questions européennes, sur le nouveau cadre européen de gouvernance économique et budgétaire.
Le projet de loi de finances rectificative ouvre 6,5 milliards d'euros au titre de la part française des deux premières tranches du nouveau MES. Hier et cette nuit, a été négocié le plan qu'on dit ultime de sauvetage de la Grèce.
M. Jean-Claude Frécon. - On nous l'avait déjà dit.
M. Philippe Marini, président. - L'expression a en effet un goût de déjà vu... Depuis six mois, de nombreux textes ont porté sur la gouvernance au sein de l'Union européenne : two pack, six pack, FESF, MES, Euro-Plus, TSCG... Nous attendons de cette audition une clarification permettant de mieux comprendre les dispositifs à l'oeuvre ou en cours d'approbation, ainsi que leurs enjeux respectifs. Que MM. Fernandez et Heilbronn soient pédagogues !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères et de la défense. - Souvent à l'extérieur du palais, nous sommes très heureux d'être en son coeur, au sein de la si prestigieuse commission des finances.
Messieurs, nous vous écouterons avec grand intérêt nous exposer les mécanismes destinés à sécuriser la zone euro, que le Sénat examinera la semaine prochaine. J'attends des précisions sur la mécanique financière elle-même : pourra-t-elle résister si un ou plusieurs gros pays étaient mis en cause ? Que répondrons-nous à ceux qui jugent cette force de frappe insuffisante ? Les facilités accordées par la BCE expliquant la détente des marchés, pourquoi s'être privés des mécanismes plus efficaces de soutien via la BCE ? Enfin, l'obligation de ratifier le TSCG pour bénéficier du MES, qui ne figure dans aucun article du traité instituant le MES, est néanmoins prévue par son préambule. Un Etat de l'Union qui n'aurait pas ratifié le second traité pourrait-il néanmoins profiter du MES ? J'espère que vos réponses me permettront de dormir tranquille.
M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor. - La Grèce est l'actualité du jour. L'Eurogroupe a trouvé cette nuit un accord avec la Grèce, les autres pays membres de la zone euro, ainsi que les institutions membres de la troïka (Commission européenne, BCE et FMI). Nous avons constaté que la Grèce avait rempli les conditions justifiant le maintien de notre soutien. En effet, son Parlement a voté un plan de réformes destiné à remettre l'économie grecque sur le chemin de la croissance. La tâche est difficile, l'objectif étant de rendre à cette économie la compétitivité qu'elle a perdue en laissant dériver ses coûts.
La Grèce a fait ce qu'elle devait ; les dirigeants des deux principales formations politiques se sont engagés par écrit à appliquer ce programme, quitte à lui apporter quelques aménagements secondaires après les élections. En contrepartie, les Etats, les institutions internationales et le secteur privé feront eux aussi leur devoir. Le Premier ministre grec a bénéficié de l'appui de la troïka lorsqu'il a négocié avec les institutions privées. Le résultat va au-delà de ce qui avait été envisagé auparavant : les créanciers privés renoncent à 110 milliards d'euros de créances sur un peu plus de 200 milliards, soit une décote de 53,5 % au lieu des 50 % prévus. L'effort net actualisé du secteur privé atteint 75 % si l'on inclut les taux, revus à la baisse. Alors que l'Italie verse 5,5 % pour des emprunts à trente ans, la Grèce paye actuellement 3,46 % ; à l'avenir, elle versera des taux en moyenne fixés à 3,2 % - 3,3 % (de 2 % dans un premier temps à 4,3 % dans les périodes les plus éloignées). La décote correspond aux provisions passées par les banques françaises au titre de l'exercice 2011. Cette opération, qui sera lancée demain, sera clôturée à temps pour respecter l'échéance du 20 mars.
En outre, la Grèce bénéficiera de nouveaux crédits accordés par le FMI et par ses partenaires de la zone euro, soit 130 milliards d'euros, s'ajoutant aux 110 milliards prévus au printemps 2010 qui n'ont pas encore été totalement décaissés. Ainsi, la communauté internationale soutiendra la Grèce jusque fin 2014. Divers guichets publics ont été mis à contribution pour que la dette grecque soit ramenée à 120,5 % de son PIB à l'horizon 2020 : c'est le maximum acceptable pour le redémarrage d'une économie dont la dette publique excède aujourd'hui 160 % du PIB.
M. Philippe Marini, président. - Est-ce à dire que le problème grec est cantonné, qu'il ne devrait plus avoir d'effet contaminant sur le reste de zone euro ?
M. Ramon Fernandez. - L'essentiel a été fait. Tout dépendra de la capacité de la Grèce à mettre en oeuvre un programme très ambitieux incluant, par exemple, une meilleure collecte des impôts et la modernisation des entreprises publiques. Des dispositifs de suivi ont été mis en place.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Cela exige-t-il des modifications législatives en France ?
M. Ramon Fernandez. - Non. Le Parlement sera informé. La ratification du TSCG et du traité instituant le MES relève de perspectives différentes. Pour la Grèce, il ne sera pas nécessaire de compléter l'autorisation parlementaire déjà donnée dans le cadre du FESF, car le nouveau prêt ne va pas au-delà de la limite définie à propos de ses 440 milliards.
Le Mécanisme européen de stabilité n'est pas né d'hier : en mai 2010, il a fallu élaborer le premier programme grec et, simultanément, instituer un fonds européen destiné à soutenir d'autres pays pouvant être mis en difficulté, puisque la Grèce bénéficiait de prêts bilatéraux. A l'époque, la capacité théorique du FESF avait été fixée à 440 milliards d'euros, mais, pour conserver sa notation AAA, ce montant avait été ramené à 220 milliards. D'où la nécessité d'accroître les garanties supplémentaires fournies par les Etats, ce que vous avez fait en juillet 2011 et qui a été très difficile dans certains Etats. Il a fallu ensuite accroître les marges de manoeuvre de ce fonds, qui ne pouvait ni acheter des titres sur le marché, ce que la BCE a fait, ni agir par précaution comme le FMI, ni recapitaliser des banques. Cela nous a occupés pendant un an et demi.
Tout le monde a reconnu qu'il fallait remplacer ce fonds, qui reposait seulement sur la qualité de la garantie accordée par des Etats de l'Union économique et monétaire, par un autre fonds doté d'un capital de 80 milliards d'euros. C'est le Mécanisme européen de stabilité, dont le capital devrait rassurer les investisseurs - voilà sa valeur ajoutée. Pour le reste, il reprend les caractéristiques du fonds actuel modernisé et de plus il pourra, en cas d'urgence, prendre ses décisions à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité, ce dont certains Etats européens ont un peu trop usé.
Alors que l'on avait initialement envisagé de l'instituer en 2013, il a été décidé d'accélérer le calendrier pour qu'il entre en vigueur dès la mi-2012. Plus précisément, il sera effectif dès lors que les ratifications correspondront à 90 % des droits de vote. Ce niveau accorde implicitement une forme de droit de blocage à l'Allemagne, à l'Italie, à l'Espagne et la France : tant que ces quatre pays n'auront pas ratifié le MES, nous vivrons sous l'empire du FESF, dont la moindre robustesse ne permet pas d'affronter toute crise.
Certains Etats estiment que la solidarité doit avoir pour corollaire une meilleure gouvernance et une meilleure discipline dans la gestion des finances publiques au sein de la zone euro, d'où les clauses d'activation croisée : un État qui n'aurait pas ratifié le TSCG ne pourrait pas bénéficier du MES. Même si elles ne figurent pas dans les articles, il n'y a pas d'échappatoire possible.
M. Philippe Marini, président. - Il me semble que l'obligation d'inscrire la règle d'or dans sa Constitution figure dans le préambule du traité instituant le MES, pas dans son dispositif. Cela ne risque-t-il pas d'altérer la force contraignante de ce lien ?
M. Ramon Fernandez. - La rédaction est en effet juridiquement plus souple, pour éviter de se trouver dans une situation inextricable. Certains Etats membres, dont la France, ont défendu le maintien de marges de manoeuvre ; pour d'autres, la règle d'or est une condition sine qua non absolue, un lien totalement irrévocable. Or, les règles de majorité qualifiée confèrent un droit de veto à certains Etats.
M. François Marc. - Il n'y a pas de droit de veto.
M. Ramon Fernandez. - Si, de facto, à 15 %.
Le plafond de 500 milliards suffira-t-il ? Le Conseil européen des 1er et 2 mars 2012 devrait aborder ce sujet, puisque l'un des considérants du traité instituant le MES dispose que les montants peuvent être revus à la hausse. Le débat est en cours. La France estime que la stabilité de la zone euro exige une réévaluation des capitaux mobilisables pour étoffer les 500 milliards du MES grâce aux montants non décaissés du FESF.
M. Philippe Marini, président. - Quand verra-t-on clair sur ce sujet ?
M. Ramon Fernandez. - Nous espérons que le Conseil européen prendra une décision ; cependant, les mois ont parfois plus de jours et il s'agit d'une clause de revue et la seule obligation est d'examiner le sujet au mois de mars...
Nous avons construit un arsenal législatif européen très détaillé pour faire face aux causes de la crise. Le pacte européen de stabilité et de croissance n'a pas fonctionné, notamment parce qu'il n'était pas suffisamment incitatif, d'où la nécessité de clarifier ses règles et de donner un caractère moins discrétionnaire aux prises de décision. En outre, le système de surveillance européen était myope : il regardait le déficit et la dette, mais ignorait l'économie et la compétitivité. Or, malgré les chiffres de déficit et d'endettement affichés par l'Irlande et l'Espagne, la dégradation continue de leur compétitivité devait fatalement avoir des conséquences budgétaires. L'Union était dépourvue de mécanisme d'anticipation ; tel est précisément l'objet de textes comme six pack ou two pack, lequel a fait l'objet d'un accord au conseil Ecofin ce matin. Le TSCG va plus loin que le six pack avec des sanctions semi-automatiques et l'introduction de la règle d'or dans un texte à portée constitutionnelle, de préférence.
La BCE s'est engagée dans des opérations LTRO de refinancement du secteur bancaire à trois ans à 1 % pour 490 milliards d'euros, ce qui a apaisé les marchés. Il est significatif qu'elle ait pu le faire après que les gouvernements s'étaient engagés dans la voie du nouveau traité. Enfin, la recapitalisation du secteur bancaire européen se déroule bien. Elle devrait aboutir en juin.
M. Pierre Heilbronn, secrétaire général adjoint du Secrétariat général aux affaires européennes. - La succession ces dernières années de traités, d'actes et de plans d'assistance a de quoi donner le tournis, car nous devons résoudre une équation avec de nombreux paramètres, dans le cadre d'une négociation permanente qui se déroule sous la pression de l'actualité et avec la contrainte des marchés, dans un contexte de très grande sensibilité des citoyens.
Trois grands principes guident les autorités françaises : la réactivité ; l'équilibre et la cohérence ; la légitimité démocratique et la subsidiarité. La volonté d'être réactif explique pour partie la créativité institutionnelle ou juridique tendant à éviter tout blocage, qui serait dramatique pour les pays les plus exposés. La zone euro n'était pas prête : elle n'avait ni plan de bataille, ni état-major, ni plan de communication. Le prix à payer se traduit par une géométrie variable. Ainsi, nous avons le six pack à 27, le TSCG à 25, le Pacte euro-plus à 23, enfin des textes à 17 (article 136 du Traité). En outre, les règles d'entrée en vigueur sont différentes, avec l'importante innovation juridique de la douzième ratification. Les nouvelles règles de gouvernance expriment la volonté d'éviter les blocages que nous connaissons. D'où la majorité qualifiée des 85 % pour prendre une décision en urgence.
Les résultats obtenus sont impressionnants quant au champ d'intervention au titre de l'assistance, mais aussi pour l'organisation de la zone euro : le sommet du 13 octobre 2008, sous présidence française, était une première. Que de chemin parcouru depuis !
L'équilibre entre la discipline et la solidarité s'exprime dans le cinquième considérant du traité instituant le MES et dans le vingt-troisième du TSCG, subordonnant l'intervention du MES à l'adoption de la règle d'or. Ce principe de conditionnalité est à la base de tout programme d'assistance. Je mentionnerai également les propositions récentes sur les fonds structurels, ainsi que le lien entre discipline et croissance. Dans cet esprit, la France est le premier pays à envoyer des fonctionnaires en Grèce pour aider ce pays à réformer son administration, mais aussi à élaborer des programmes d'emploi et de croissance - et pas seulement les autoroutes dans le Péloponnèse ! Enfin, le six pack tend à résorber les déséquilibres économiques.
Au titre de la légitimité démocratique, les institutions européennes sont présentes même dans les textes intergouvernementaux comme le MES ou le traité à 25. Fortement défendue, notamment par M. Arthuis, l'association des parlements nationaux est matérialisée à l'article 13 du traité. De même, la résolution du Sénat adoptée en février 2012 sur le principe de subsidiarité dans le two pack a été prise en compte après beaucoup d'efforts : nous avons réussi à écarter la règle d'or du règlement qui a fait l'objet d'un accord ce matin au conseil Ecofin. Ajoutons-y la mise en place d'un conseil indépendant sur des prévisions macro-économiques.
Cette crise a mis à l'épreuve la crédibilité des Etats membres et de la zone euro. Par tâtonnements, nous sommes arrivés à un ensemble cohérent de textes à transposer.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je souhaite que vous nous éclairiez sur une difficulté constitutionnelle portant sur le MES : il est question d'un capital libéré et d'un capital appelable, qui s'apparente dans certains cas à une garantie d'État. La Lolf dispose que seule une loi de finances peut autoriser l'octroi d'une garantie dans le cadre d'engagements internationaux. Que vous ne l'ayez pas inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pourrait donc poser un problème de constitutionnalité. Parmi les questions que nous avons envoyées au ministre des finances, c'est d'ailleurs la seule à laquelle nous n'ayons pas eu de réponse à ce jour.
Autre question portant sur le MES : le pare-feu a-t-il une taille suffisante si l'Espagne, l'Italie ou la France font appel à ce mécanisme ? Pourquoi avoir abandonné le branchement d'une façon ou d'une autre sur la BCE ? Cette liaison aurait pu donner au MES un véritables accès à la liquidité.
Vous avez parlé de la conditionnalité en termes pesés. Cette question politique suscite bien des interprétations, puisque le Gouvernement estime, dans la réponse écrite qu'il m'a adressée, que « sans minorer le poids de la commune intention des parties en droit international public, cette mention n'est pas une condition juridique liant le conseil des gouverneurs dans sa décision d'octroyer une assistance financière ». Qu'en sera-t-il ?
La règle d'or : le fameux troisième traité dispose que le solde structurel des États doit tendre vers l'objectif de moyen terme. Mais qui fixe cet objectif ? Quand et sur quelle base ? Quel serait le rôle dévolu à la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre du TSCG ?
Enfin, comment la France se prépare-t-elle au Conseil européen de mars ? Il semble que ce sommet devrait enfin se pencher sur le problème crucial de la croissance.
M. Ramon Fernandez. - La réponse écrite vous parviendra incessamment, mais je vais vous fournir une explication dès aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'autorisation d'octroyer la garantie de l'Etat était prévue pour le FESF par une loi de finances.
M. Ramon Fernandez. - Lorsqu'il a examiné ce texte, le Conseil d'État a estimé que si le capital appelable devait être porté à la connaissance du Parlement, son approbation formelle n'était pas exigée. Il y a des précédents, comme le capital appelable des banques régionales de développement.
Nous nous sommes fondés sur l'analyse juridique du Conseil d'État.
M. Philippe Marini, président. - En somme, c'est en engagement hors bilan ?
M. Jean Arthuis. - Exactement, et c'est pourquoi il devrait apparaître.
M. Ramon Fernandez. - En tout état de cause, le dispositif sera présenté dans sa totalité.
Depuis le début de la crise, la France milite pour qu'il y ait un pare-feu, pour qu'il soit plus efficace et pour qu'on le renforce. Avons-nous toujours été satisfaits ? Sommes-nous toujours satisfaits ? Serons-nous toujours satisfaits ? Non. Après avoir été à l'origine du fonds créé il y a deux ans, dans une petite nuit du printemps, la France a porté le même message de façon permanente, mais nous sommes dix-sept et notre opinion ne fait pas l'unanimité. Certains pensent que l'existence d'instruments de précaution incite à l'imprudence, alors qu'à notre avis un pare-feu dissuade les pyromanes. C'est pourquoi la France veut le renforcer et invite à choisir une des quatre options sur la table, ce qui déclencherait un accroissement des ressources du FMI. Le sujet sera discuté au Mexique, à l'occasion du G20. Je rappelle enfin que 500 milliards d'euros c'est gigantesque rapporté à 40 milliards d'euros engagés en tout et pour tout par le FESF en faveur de l'Irlande et du Portugal. Cela explique qu'avant d'en faire plus, certains de nos partenaires veuillent s'assurer que cela est bien nécessaire.
M. Philippe Marini, président. - Pourriez-vous nous en dire plus sur la bancarisation et préciser si la position officielle de la France a bien été l'assimilation du fonds à une banque. Quelles ont été les positions de nos partenaires, comment la négociation a-t-elle évolué et où en sommes-nous ?
M. Ramon Fernandez. - Quel intérêt y a-t-il à ce que la BCE considère le fonds européen comme une banque ? Eh bien, il pourrait acheter de la dette italienne sur le marché, l'apporter à la BCE, retrouver de la liquidité pour acheter de nouveaux titres, qu'il apporterait à la BCE en tant que collatéral aux opérations de refinancement de la BCE... On dépasserait ainsi de plusieurs multiples la limite des 500 milliards d'euros.
La position officielle des autorités politiques françaises est connue ; elle consiste à ce que la BCE reconnaisse un statut de banque au FESF ou au mécanisme européen. Cela a été débattu avec nos partenaires, plusieurs d'entre eux, y compris les principaux intéressés, y étant défavorables au motif que des interventions déjà innovantes de ces institutions indépendantes en seraient compliquées. Ces dernières ont en outre considéré qu'elles en faisaient déjà beaucoup et qu'une telle faculté irait peut-être à l'encontre de leur mandat.
A ce stade, nous avons donc conclu que nous pouvions passer à d'autres sujets, tout en observant que les textes n'interdisent pas à la BCE de reconnaître, un jour, le MES comme une institution financière comme elle l'a fait pour la Banque européenne d'investissement à la fin des années 2000. Que le débat n'ait pas prospéré n'a d'ailleurs pas empêché la BCE de poursuivre son programme d'acquisition de titres sur le marché pour l'Italie et l'Espagne sans exiger de conditionnalité, aucun programme d'ajustements n'ayant été adopté pour ces deux pays. En outre, sa politique de refinancement à long terme et à bas prix du secteur bancaire a eu un impact massif sur la détente des marchés. Tenu à partir de positions exprimées publiquement, ce débat a permis d'aboutir à un compromis et il est appelé à se poursuivre.
Madame la Rapporteure générale, je n'enlève pas un mot à la réponse que vous avez reçue sur la conditionnalité et le lien entre le traité et le mécanisme européen. Nous avons obtenu que cela ne figure que dans des considérants, ce qui, juridiquement, n'est pas totalement liant. Toutefois, l'accord politique qui a été conclu repose à la fois sur la solidarité et la discipline. Les deux négociations ont été conclues en même temps, chacun des partenaires mettant l'accent sur l'un ou l'autre de ces principes.
M. Philippe Marini, président. - Et nous, nous sommes entre les deux ?
M. Ramon Fernandez. - Cela va ensemble.
La règle d'or ? Nous disposons déjà d'un OMT (objectif de moyen terme), désormais proposé par chaque Etat et validé par le Conseil. Nous en avions choisi un plus exigeant. Nous savons, depuis le traité à 25, que notre OMT peut être au plus un déficit structurel de 0,5 % du PIB.
Enfin, la croissance sera au coeur du Conseil des 1er et 2 mars, dans la continuité notamment de la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement du 30 janvier dernier annexée aux documents validés lors de la conclusion des négociations sur le Traité.
M. Aymeri de Montesquiou. - Je crains que la Grèce ne devienne bientôt l'unique objet de notre ressentiment. Les Européens vont payer pour les Grecs qui ont bu goulument au flot du fleuve Pactole et se sont gorgés au jardin des Hespérides. On leur demande maintenant de faire un carême orthodoxe, mais ils ont bénéficié de fonds structurels considérables !
Puisque vous avez cité le chiffre himalayen de 500 milliards, quel est le montant des dépenses budgétaires grecques et l'incidence des mesures de baisse du nombre des fonctionnaires et de leurs salaires et des retraites ? Quelles sont les recettes du budget et à quelle échéance permettent-elles d'espérer un remboursement ? D'ailleurs comment ? Par l'augmentation du tourisme ou l'exportation de féta ? Le tonneau des Danaïdes est en train de devenir réalité. Allons-nous poursuivre cet acharnement thérapeutique et, sinon, l'Union européenne et l'euro disparaitraient-ils dans le gouffre de l'Atlantide ?
M. Jean-Pierre Chevènement. - Est-il possible de rappeler le sens exact des termes six pack, two pack et euro-plus ? Cela peut se faire sous une forme écrite.
L'objectif est de réduire le déficit structurel en deçà de 0,5 % du PIB. Mais comment définit-on le déficit structurel ? S'agit-il du déficit public abstraction faite des éléments conjoncturels ou bien après déduction du service de la dette ?
Outre la fameuse règle d'or, il y a une clause de surendettement pour limiter la dette à 60 % - nous sommes à 90 %. Un désendettement de 1,5 % du PIB par an venant s'ajouter aux 4 % à 4,5 % de PIB de réduction du déficit, cela représente 120 milliards d'euros par an. Avons-nous bien mesuré ce que cela implique et dans quels délais cet objectif serait accessible ?
La capacité d'intervention du MES serait de 500 milliards pour un capital de 80 milliards : il sera amené à emprunter massivement sur les marchés financiers. Or, est-il raisonnable de penser qu'on va se bousculer pour souscrire les titres d'une structure venant au secours d'Etats en défaut ou menacés de défaut ?
Enfin, qu'en est-il du contrôle parlementaire des fonds mis à disposition du MES dont le capital appelable est tout de même de 142 milliards ? Cette question vaut aussi pour les 6,5 milliards inscrits dans le projet de loi de finances rectificative.
M. Richard Yung. - J'ai été étonné par l'obligation des Etats d'inscrire dans leurs nouvelles émissions une clause dite d'action collective à compter du 1er janvier 2013.
Pourquoi faire coexister le FESF et le MES, ce qui implique beaucoup de complexité du fait de la différence de nature de ces deux structures ? Vont-elles fonctionner en parallèle ? S'agit-il de répondre aux craintes et aux états d'âmes du Bundestag, ou de rendre plus facile l'octroi des prêts ? La matière étant déjà compliquée, on s'y perd un peu.
Enfin, comme Jean-Pierre Chevènement, j'aimerais savoir ce qu'il en est du contrôle des parlements nationaux et non seulement de la commission des finances du Bundestag. La loi de finances nous permettra-t-elle de suivre les déplacements à travers l'espace de cette masse de 500 milliards d'euros ?
M. Joël Bourdin. - Il y a une nuance entre la finance et la monnaie. Or, même si vous avez, monsieur le Directeur général, été pudique sur ce point, il me semble que si le MES était considéré comme une institution financière, il créerait de la monnaie parce que ses prêts susciteraient des dépôts. Vaut-il mieux le dire ? Je pense que oui. A-t-on évalué les conséquences de la création cette masse monétaire supplémentaire dans la zone euro qui, si elle s'accroissait plus vite que la production, déboucherait sur de l'inflation ?
M. François Marc. - L'architecture décrite est attrayante mais aussi très savante et je m'interroge sur les modalités de mise en oeuvre d'un certain nombre d'éléments. On ne peut aller plus loin pour l'instant sur le droit de veto. Je vous interrogerai donc sur les relations entre le MES et la banque centrale. Doit-on conclure, de la prise en pension de 490 milliards d'euros de titres de dettes opérée par la BCE, que celle-ci se sent autorisée à faire de la création monétaire ? La passerelle ainsi jetée résulte-t-elle d'un consensus implicite ?
Quel serait l'impact sur le MES d'une dégradation de l'appréciation des agences de notation ?
M. Éric Bocquet. - L'absence de contrôle parlementaire sur l'utilisation de ces fonds considérables constituerait une première dans notre histoire.
Le MES, doté du statut d'institution financière internationale, aura son siège au Luxembourg. Les vertus paradisiaques de ce territoire y seraient-elles pour quelque chose ?
Enfin, le Royaume-Uni et la République tchèque n'ayant pas signé ce texte, comment s'y applique-t-il et quelle est leur situation au regard des dispositions du traité ?
M. François Fortassin. - Sur quoi fondez-vous votre conviction que le système fonctionnera ? Et à l'inverse, quelles pourraient-être les raisons conduisant certains pays à traîner des pieds ?
M. Jean Arthuis. - Les fonds structurels ont pu constituer une cause d'endettement pour certains Etats compte tenu de la nécessité d'apporter des cofinancements locaux. Aussi dans le cadre de l'accompagnement de la Grèce, qui s'apparente à une forme d'administration judiciaire ou de tutelle, ne faudra-t-il pas envisager que les fonds structurels ne nécessitent plus un endettement supplémentaire du pays ?
M. Ramon Fernandez. - Pourquoi faut-il intervenir en faveur de la Grèce ?
M. Aymeri de Montesquiou. - Pourquoi ?
M. Ramon Fernandez. - Nous sommes appelés à vivre ensemble dans la zone euro ; chacun doit y respecter les règles de la famille, et le cas de la Grèce nous incite tous à être plus vigilants à l'avenir pour éviter de nouvelles dérives. Bien que la Grèce représente seulement 2 % du PIB de la zone euro, son imbrication est telle avec les autres pays membres que, dès lors qu'elle remplit ses obligations, il serait pour de multiples raisons extrêmement dangereux de ne pas assumer nos responsabilités.
M. Aymeri de Montesquiou. - Pourquoi ?
M. Jean Arthuis. - Nous sommes tous responsables...
M. Ramon Fernandez. - Le six pack est un ensemble de six textes adoptés à l'automne qui modifie le pacte de stabilité et de croissance, met en place la surveillance des déséquilibres macroéconomiques et renforce le semestre européen. Le two pack est constitué de deux propositions faites par la Commission à l'automne 2011 sur la discussion à 17 du budget des Etats membres, le renforcement de la gouvernance de la zone euro et, le cas échéant, des règles de surveillance des Etats. Il se lit à l'aune du récent traité signé à vingt-cinq. Lue intégralement au sein du groupe du Conseil, la résolution adoptée par le Sénat en février 2012 et soulevant un problème de subsidiarité a contribué à faire retirer ce qui figurait à l'article 4.
Le solde structurel est le déficit public correspondant à celui que nous aurions si le PIB était égal à son potentiel.
M. Philippe Marini, président. - Par qui est-il calculé ?
M. Ramon Fernandez. - Le juge de paix est la Commission européenne.
M. Philippe Marini, président. - Mais le comité budgétaire indépendant ?
M. Ramon Fernandez. - Des comités indépendants compétents en matière de prévisions économiques sont tout à fait envisageables et même recommandés par des textes sur lesquels nous aurons bientôt à nous prononcer.
Le MES, fonds doté en capital par les Etats, empruntera sur les marchés les sommes qu'il prêtera, ce qui ne donnera donc lieu à aucune création monétaire. Il est vrai que certains considèrent que ce serait un risque si la BCE considérait un jour le MES comme une entité bancaire. Il interviendra à un coût attractif. Il sera noté dans les mêmes conditions que le FESF, mais sa notation dépendra moins de celle des Etats, parce qu'il dispose d'un capital de 80 milliards. Pour autant, il serait faux de penser que sa notation en sera complètement déconnectée.
Monsieur Yung, les clauses d'action collective ont simplement pour objet d'inscrire dans les titres de dette des Etats de la zone euros les conditions dans lesquelles il serait possible de procéder en cas de difficulté à des opérations de restructuration. Ce type de clauses, que le parlement grec vote aujourd'hui même, devra en janvier 2013 être introduit par tous les Etats de la zone euro, comme cela se fait déjà pour la dette en devises.
M. Jean Arthuis. - N'est-ce pas un peu... formel ?
M. Ramon Fernandez. - Non !
Enfin, la coexistence entre FESF et MES est transitoire. Sous une apparence baroque, elle laisse au MES le temps de monter en puissance, tout en nous donnant, du fait des sommes mobilisables par les deux instruments, des pare-feux importants.
M. Pierre Heilbronn. - L'exigence de cofinancement pour des fonds structurels pouvant brider certains projets, elle a été très assouplie pour les pays sous assistance, dont la Grèce. Le verrou saute, au risque que les projets proposés présentent un intérêt économique et social moins évident. Aussi, le défi est-il celui d'un contrôle collectif afin de s'assurer que les projets répondent aux critères européens tels que ceux posés par la stratégie Europe 2020. Le Premier ministre grec a indiqué à son homologue français, qu'avec le recul, les fonds structurels auraient sans doute été mieux employés à améliorer le fonctionnement du marché du travail plutôt qu'à construire des autoroutes dans certaines régions.
Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons dans le cadre de la préparation du cadre financier, en réfléchissant à la fois au mode de gouvernance et à la conditionnalité de ces fonds. A l'enjeu financier, utiliser efficacement 500 milliards d'euros sur sept ans, s'ajoute un enjeu politique, les pays en tête du tableau des principaux bénéficiaires des fonds structurels étant aussi ceux faisant appel aux dispositifs d'assistance financière.
M. Philippe Marini, président. - Si l'on avait donné moitié moins de fonds structurels à ces pays, leur situation ne serait pas pire.
M. Pierre Heilbronn. - Même s'il se limite aujourd'hui aux pays sous assistance financière, le regard extérieur porté sur le choix des projets alors que ceux-ci ont une dimension parfois très locale pose un problème de démocratie. Il faut aussi tenir compte de la diversité des situations, un projet de musée du saumon n'ayant pas le même impact économique selon qu'il est réalisé en Grèce ou dans un pays en excédent budgétaire.
Quant au Conseil européen des 1er et 2 mars, il sera l'occasion d'une part, de faire le point sur la déclinaison des grandes orientations définies lors des Conseils précédents en particulier en matière d'emploi et d'autre part de faire avancer, notamment en fixant des calendriers d'adoption des textes, certaines propositions relatives au financement des PME, à l'innovation ou à la convergence fiscale.
M. Ramon Fernandez. - L'Assemblée nationale a adopté un amendement au collectif budgétaire auquel le Gouvernement était très favorable et qui prévoit un rapport trimestriel sur la situation financière et les résultats des opérations du MES ainsi qu'une information du Parlement sur chaque décision importante de son conseil des gouverneurs.
M. Philippe Marini, président. - Si nous examinions, les amendements au collectif budgétaire, peut-être pourrions-nous améliorer ces dispositions... Je vous remercie, messieurs, d'avoir répondu à nos questions.
- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Albéric de Montgolfier, vice-président -
Loi de finances rectificative pour 2012 - Ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité - Examen des rapports
La commission procède ensuite à l'examen conjoint des rapports de Mme Nicole Bricq, rapporteure, sur :
- le projet de loi n° 389 (2011-2012) de finances rectificative pour 2012 ;
- le projet de loi n° 396 (2011-2012) autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro, et le projet de loi n° 397 (2011-2012) autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES).
M. Philippe Marini, président. - Le texte du projet de loi de finances rectificative dans sa version votée par l'Assemblée nationale venant de nous parvenir, nous sommes en droit d'entendre Mme la rapporteure générale à son propos.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Tout d'abord, discuter, à deux mois d'élection présidentielle, d'un projet de loi de finances rectificative qui ne contient aucune disposition urgente ou d'intérêt national, constitue une entorse inédite aux principes républicains.
M. Philippe Dallier. - On a changé de siècle !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ensuite, alors que le texte devait être court, le président de la République avait même déclaré « pas de concours Lépine !», le projet de loi est passé de 9 à 37 articles. La croissance en 2012 sera faible. Pour ne désespérer personne, je ne parle pas de stagnation. Disons que la prévision révisée du Gouvernement, de 0,5 %, pourrait se révéler optimiste.
M. Francis Delattre. - Vous ne tenez pas compte du dernier trimestre 2011.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Rien ne vous est caché et la diapositive indique que l'acquis de croissance de 2012 est de 0,3 %.
Les recettes fiscales diminuent de 1,7 milliard d'euros, principalement du fait du recul de la croissance.
M. Philippe Marini, président. - C'est de la transparence, ce qui, en pareille période, est exceptionnel.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - N'inversons pas la causalité, ce n'est pas la révision de la prévision de croissance qui explique la loi de finances rectificative, mais celle-ci qui rend obligatoire l'actualisation de l'évaluation de la croissance.
M. Philippe Marini, président. - On peut se féliciter du fait que cette loi de finances rectificative existe...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Outre la baisse des recettes fiscales, est aussi prévu le transfert de 2011 à 2012 d'une perte de 900 millions d'euros de recettes liée à un contentieux. Ces baisses sont compensées par la reprise en base des dernières données de l'exécution de 2011 pour 1,1 milliard d'euros et quelques recettes supplémentaires tirées de l'intensification de la lutte contre la fraude représentant 300 millions d'euros, tandis que la taxe sur les transactions financières en rapporterait 400 millions à partir du mois d'août (1,1 milliard en année pleine) ; les recettes non fiscales sont quant à elles légèrement ajustées à la hausse pour un montant de 100 millions d'euros.
Les charges nettes du budget général augmentent de 4,8 milliards d'euros sous l'effet de la dotation de 6,5 milliards d'euros au MES et d'une dépense nette pour le budget général de 200 millions liée à la création de la banque de l'industrie. Cet accroissement des charges est compensé par une révision à la baisse de la charge de la dette de 700 millions et par 1,2 milliard d'euros d'annulations de crédits.
Le solde des comptes spéciaux s'améliore légèrement, de 200 millions, soit le montant d'annulations de crédits de ces comptes dans le cadre du financement de la banque de l'industrie, tandis que les recettes attendues de l'attribution des fréquences 4G, qui rapportera 500 millions, et les dépenses liées au décalage d'une tranche de prêt à la Grèce de même montant se neutralisent. Au total, le déficit prévu pour 2012 augmenterait donc de 6,2 milliards d'euros, ce que le Gouvernement a très peu mis en avant, cet écart étant même de 12 milliards d'euros par rapport à la trajectoire tracée par la loi de programmation pour 2011-2014.
Le Gouvernement n'a pas fait suffisamment oeuvre de pédagogie sur les 6,5 milliards d'euros consacrés au MES, ce qui peut encourager tous les réflexes anti-européens. En effet, il minimise leur impact en soulignant que cette opération en capital est neutre sur le solde public au sens de la comptabilité nationale et en la comptabilisant hors norme de dépense de l'Etat. Ce faisant, il allonge encore davantage les exceptions à cette norme, qui s'apparente aujourd'hui plus à un instrument technique dédié aux gestionnaires de la dépense ordinaire qu'à la traduction d'un engagement politique de maitrise des dépenses de l'Etat.
M. Philippe Marini, président. - Il aurait donc fallu un plan de rigueur de 6,5 milliards...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - C'est quand même un peu le cas. Mais ne soyez pas impatient, nous allons y venir...
Le 1,2 milliard d'euros d'annulations sèches hypothèque la fin de gestion. J'ai, sur ce sujet, un différend avec Mme Pécresse. Elle nous a indiqué le 25 janvier que le reliquat de crédits sur la réserve de précaution de 2011 s'élevait à 2 milliards d'euros, ce qui n'est pas vrai : le reliquat pour l'exécution budgétaire 2011 n'était que de 228 millions d'euros, celui de 2010 s'élevant à 114 millions. Chers collègues de la majorité actuelle, si jamais vous gagniez les élections et que vous parveniez à réaliser effectivement le 1,2 milliard d'annulations de crédits, vous seriez très forts, car cela ne s'est jamais fait !
M. Philippe Marini, président. - Mais vous pourriez être heureuse d'en bénéficier !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Non, la fin de gestion posera un problème à tout Gouvernement, c'est un fait, mais ne racontez pas que vous disposez de 1,2 milliard sans expliquer où vous les prenez. La réserve de précaution est un voile jeté sur un nouveau plan de rigueur : contrairement à ce que le Gouvernement prétend, les annulations dans la réserve de précaution ne sont pas indolores. En outre, un tel procédé manque de transparence vis-à-vis du Parlement. Quand viendra l'heure du bilan de cette gestion, nous verrons les effets de ces annulations !
En 2011, le déficit public pourrait être de 5,3 % de PIB et non de 5,7 % - nous n'en aurons la notification qu'à la fin du mois de mars. Selon le Gouvernement, aucune mesure supplémentaire ne serait nécessaire pour ramener le déficit 2012 à 4,5 points de PIB, l'impact de la moindre croissance évalué à 5 milliards étant compensé par la partie pérenne de l'amélioration du solde de 2011 par rapport à la prévision pour 3 milliards, et par les mesures du présent collectif pour 2 milliards.
La difficulté tient toutefois à l'existence de plusieurs aléas, qui peuvent être à la hausse, jusqu'à 2,6 milliards - possible sous-estimation de la part pérenne de l'amélioration du solde de 2011, possible surestimation de la charge de la dette en 2012 - ou à la baisse, jusqu'à 11 milliards - possible surestimation de la part pérenne de l'amélioration du solde de l'Etat en 2011 et nécessité d'ouvertures de crédits compensant le 1,2 milliard annulés, possible sous-estimation de l'impact de la révision à la baisse de la croissance ou croissance nulle.
M. Philippe Dallier. - On joue à se faire peur.
M. Francis Delattre. - On ne peut pas être d'accord !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - La balance penche du côté des aléas à la baisse, et si le chiffre de 5 milliards reste une hypothèse acceptable, c'est a minima.
M. Philippe Marini, président. - Allez au bout de votre raisonnement : est-ce à dire qu'il faudrait un plan de rigueur supplémentaire ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le problème n'est pas seulement de la conjoncture, mais du passif qui s'est accumulé depuis cinq ans. Et quand Gilles Carrez, le rapporteur général de l'Assemblée nationale, prétend que ce Gouvernement laisse les comptes en bon ordre, je m'inscris en faux... Vous vous exonérez de votre bilan.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - On se pose la question...
M. Philippe Marini, président. - On sait ce qu'il en est de ce type d'exercice : les chiffres...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Tous ceux que je cite sont vérifiables.
M. Philippe Marini, président. - Mais ils viennent pour servir une argumentation...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Excellente conclusion !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je préfèrerais de beaucoup que les hypothèses du Gouvernement soient bonnes.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - On est, fin 2011, au dessus de vos prévisions.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - L'OCDE prévoit toutefois pour l'Allemagne une croissance de seulement 0,4 % en 2012.
M. Francis Delattre. - Nous avons fait mieux qu'eux au dernier trimestre 2011.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Oui, on a vendu quelques Airbus...
Le 29 janvier, le président de la République a annoncé à la télévision la création d'une Banque de l'industrie. On a appris qu'elle serait dotée d'un capital de 1 milliard, puis qu'elle serait une filiale d'Oseo, puis que la part de l'État serait financée par redéploiement de crédits destinés aux investissements d'avenir. Un redéploiement qui représente 3 % du grand emprunt, lequel devient décidément une cagnotte vouée à financer les annonces électorales, procédé d'autant plus pratique qu'il est sans incidence apparente sur le déficit, puisque ses crédits sont débudgétisés. Après les investissements d'excellence en formations innovantes, le pôle de recherche hospitalo-universitaire en cancérologie et la sûreté nucléaire, voici un redéploiement au profit de la Banque de l'industrie. Redéploiement qui se fait au détriment des investissements d'avenir initialement dotés, comme le fonds pour la société numérique - et je puis vous dire que les entreprises du numérique ne sont guère satisfaites du sort qui leur est ainsi fait.
M. Philippe Marini, président. - Il faudrait leur donner plus pour les contenter.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Quel est le schéma de financement ? Ces crédits iront au compte d'affectation spéciale des participations financières de l'État et de là à Oseo, établissement public, qui ne versera dans un premier temps que 500 millions à Oseo SA, laquelle dotera la nouvelle filiale Oseo Industrie, les 500 autres millions étant réservés en l'attente d'une entrée au capital d'Oseo industrie - celle de la Caisse des dépôts et consignations, qui a accepté la semaine dernière. Mais si ces crédits résiduels demeuraient à Oseo établissement public, rien n'est dit de leur utilisation.
Sur le fond, s'il est utile de créer, au profit de l'industrie, un outil simple et efficace regroupant les prestations d'Oseo et de CDC Entreprises, on voit pourtant mal l'intérêt du Meccano retenu : non seulement la nouvelle structure juridique fournit les mêmes prestations que celles qui existent, mais encore on démembre Oseo quand, il n'y a pas deux ans, on procédait à des regroupements. Le directeur général d'Oseo, François Drouin, que nous avons entendu l'année dernière, nous a dit qu'une recapitalisation était nécessaire, à hauteur d'un milliard. Mais qu'entend-on par soutien à l'industrie, quand on prévoit que les aides pourront aller aux entreprises quel que soit le nombre de leurs salariés ? C'est dire qu'une réflexion est vraiment devenue nécessaire quant à la vocation d'Oseo. Sans compter que les sommes allouées sont prélevées sur des programmes importants pour la compétitivité de notre économie - numérique, innovation, économie verte.
Que nous demande-t-on, en somme, avec ce projet de loi de finances rectificative, sinon de nous prononcer sur les propositions d'un candidat à la présidentielle ? J'en veux pour preuve la TVA dite sociale, qui est à l'origine de ce texte. Le sujet n'est pas nouveau pour nous, il est sur les étagères depuis 1993 et la commission des finances en a bien souvent discuté, à l'initiative de MM. Arthuis et Marini. Au reste, une part de TVA a déjà été affectée au financement de la protection sociale, en compensation des allègements généraux de cotisations (TVA brute sur les produits pharmaceutiques, sur le tabac), à quoi s'est ajoutée la TVA sur les boissons alcoolisées pour la compensation des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires. Il en a été de même avec la réforme des retraites, pour toute une série de collectes, depuis celle des fabricants de lunettes jusqu'à celle des sociétés d'ambulance. Ce sont ainsi plus de 10 milliards de TVA qui se trouvent affectés à la sécurité sociale. On nous propose aujourd'hui d'y ajouter encore 13,2 milliards - j'y inclus le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Si j'ajoute à cela les 5 milliards de la taxe professionnelle, on voit que le montant d'exonérations dont bénéficient les entreprises est loin d'être négligeable...
Troisième volet de la réforme : la fiscalité sur le patrimoine, dont le taux global serait porté à 15,5 % par une augmentation du prélèvement social sur les revenus patrimoniaux qui fait suite à deux augmentations en 2011, de 0,2 point en début d'année et de 1,2 point dans le collectif de septembre. Cette réforme n'est ni juste, ni compétitive. Elle n'est pas compétitive, car avec le prélèvement libératoire de 24 %, on arrive à un taux global de prélèvement de 39,5 %, loin de la zone de compétitivité. Elle n'est pas juste, parce qu'elle n'est pas proportionnelle, les petits épargnants étant touchés à l'égal des grandes fortunes.
Quel est l'impact des mesures proposées sur le solde public ? Aucun, puisque l'augmentation de la TVA et celle du prélèvement social viennent compenser la baisse des cotisations patronales famille - 3,6 milliards en 2012 et 13,2 milliards en année pleine. L'augmentation de TVA n'est donc pas une mesure de rendement, puisqu'elle est censée être neutre sur les comptes publics.
L'allègement des charges patronales est ciblé sur les salaires supérieurs au salaire médian puisque, augmentant progressivement entre 1 et 1,6 Smic, il est maximal entre 1,6 et 2,1 Smic avant d'aller s'amoindrissant pour s'annuler au-delà de 2,4 Smic. L'objectif annoncé est de créer 100 000 emplois en trois ans, grâce à un gain de compétitivité sur les prix. C'est là, à mon sens, une erreur de diagnostic, car c'est la compétitivité hors prix qu'il faut améliorer. Dans les secteurs exportateurs, les écarts de coûts salariaux entre la France et l'Allemagne ne sont pas significatifs. On s'obnubile sur les salaires, considérés comme un handicap...
M. Francis Delattre. - Une charge !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Ce n'est pas le bon indicateur, j'y reviendrai. L'impact de cette mesure sur l'emploi sera à peu près neutre. En 2006, et en 2007, dans le « rapport Besson », le Gouvernement, se référant à une série de travaux de l'OFCE, de l'Ecole centrale et de la direction du Trésor, avait fini par renoncer. Ces études convergeaient pour faire apparaître qu'une augmentation de TVA de 1,5 point finançant un allègement uniforme et généralisé de charges ne créerait, à court comme à moyen terme, que quelques dizaines de milliers d'emplois, avec un impact plus ou moins fort sur l'inflation.
M. Francis Delattre. - Cela dépend du ciblage.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - En ciblant les allègements, l'effet pouvait être différent : création de 100 000 à 300 000 emplois avec un allègement sur les bas salaires, risque de destruction d'emplois, en revanche, en cas d'allègement sur des salaires relativement plus élevés.
M. Francis Delattre. - Il faut voir si les emplois sont délocalisables.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je ne sors pas ces chiffres de mon chapeau, mais de rapports très officiels.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ce sont des estimations. Trop, c'est trop !
M. Philippe Marini, président. - Votre présentation ressemble davantage à un pamphlet qu'à un rapport de la commission des finances, tant dans le ton que dans certaines présentations de fond. Il n'est pas sûr que ce soit le meilleur vecteur pour susciter le dialogue.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Si mon ton ne vous convient pas, je suis toute prête à le modifier, mais je ne saurais faire varier le fond, qui repose sur des estimations difficilement contestables puisqu'elles viennent de la direction du Trésor : je n'invente rien. Ainsi de la simulation conduite par cette même direction, qui fait apparaître que plus on altère la progressivité des allègements de charge, plus on détruit d'emplois.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Quand donc en viendrez-vous enfin à l'analyse de ce projet de loi de finances rectificative ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je suis précisément en train de vous en expliquer le mécanisme pour évaluer l'hypothèse du Gouvernement.
M. Francis Delattre. - Elle cible les emplois délocalisables.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Pour tester la pertinence de notre analyse, nous l'avons comparée aux scénarios déjà chiffrés : les conclusions concordent, nous sommes dans les mêmes ordres de grandeur, les chiffres de la direction du Trésor étant généralement plus proches de nos hypothèses les plus pessimistes. Où le Gouvernement prévoit la création de 100 000 emplois, nous concluons à un effet allant de 20 000 emplois détruits à 30 000 emplois créés, fourchette estimative inévitable dans la mesure où il n'est pas possible d'anticiper les réactions de toutes les entreprises, certaines, dont les marges sont très faibles, pouvant ne pas répercuter la baisse pour restaurer ces marges.
Selon la position où l'on arrête le curseur des allègements, les résultats varient. Or, le choix que fait le Gouvernement n'est pas le bon. Si l'on souhaite instituer une TVA sociale, c'est en tablant sur les bas salaires que l'on crée le plus d'emplois. Telle quelle, la mesure ne pourra être qu'à peu près neutre.
Mme Fabienne Keller. - Je comprends mal votre présentation : d'un côté, l'impact des allègements, de l'autre, celui de la TVA. Est-ce à dire que vous faites varier, parmi les hypothèses que vous présentez, non seulement le ciblage des allègements mais également le taux de TVA ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - La variante est dans le montant des transferts, selon quatre scenarii qui modifient la progressivité par rapport aux salaires.
Mme Fabienne Keller. - Vous auriez pu calibrer !
Mme Nicole Bricq, rapporteur générale. - Je n'ai pas créé ces scenarii, je les ai repris des études conduites en 2006. Et le calibrage ne peut pas être le même puisque les profils des allègements varient fortement d'un scénario à l'autre.
Mme Fabienne Keller. - Et comme par hasard, plus le volume du transfert est important, plus l'impact est négatif ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Si vous voulez qualifier de hasard les résultats des simulations de la direction du Trésor, libre à vous. Pour moi, cette corrélation doit d'autant moins être négligée que l'on a entendu, naguère, tel chef d'entreprise expliquer que 13 milliards n'étaient pas suffisants, mais qu'il en faudrait 40 !
Quel sera l'effet de la mesure sur l'inflation ? A chaque augmentation de la TVA, que ce soit en France ou en Allemagne, les prix ont augmenté. L'impact, cette fois ci, pourrait être de 0,5 point. C'est la position de plusieurs économistes d'entreprises ainsi que, selon la presse, celle de Bercy.
L'effet sur la compétitivité ? L'industrie ne profitera que pour 3,3 milliards sur les 13,2 milliards du transfert. Est-ce cela qui la fera renouer avec la compétitivité ? Si l'on s'en réfère au tableau qu'a tracé la Commission européenne, qui retient pour indicateur les parts de marché, la France a perdu, en cinq ans, 19,4 % de parts de marché. C'est bien cet indicateur...
M. Aymeri de Montesquiou. - Absolument !
Mme Nicole Bricq, rapporteur générale. - ... qui est pertinent : notre industrie n'a pas assez innové, nous ne sommes pas sur les bons secteurs de marché. Voilà qui nous invite à un effort autrement puissant pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.
La taxe sur les transactions financières est en réalité la combinaison de quatre mesures. En premier lieu, une taxe alibi, sur l'achat de CDS souverains « à nu », pratique de marché déstabilisatrice et hautement spéculative, qui consiste à acheter une assurance pour un risque que l'on ne court pas : mais c'est pur affichage, puisque cette mauvaise pratique va être proscrite par la Commission européenne fin 2012 ; prenant effet en août, cette taxe ne s'appliquera donc que quelques mois. On peut au reste se demander pourquoi la France n'a pas interdit cette pratique, comme l'Allemagne l'a fait en 2010. En deuxième lieu, une taxe sur le trading à haute fréquence, qui devrait pourtant être clairement distinguée de la taxe sur les transactions financières, ainsi que nous l'avions fait en proposant ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2012, puisqu'il ne s'agit pas d'une taxe de rendement mais de comportement, qui vise à décourager une pratique spéculative en taxant les ordres annulés.
Etait curieusement intégrée, en troisième lieu, la suppression du déplafonnement des droits d'enregistrement sur les cessions de parts de sociétés cotées et non cotées. A l'initiative de notre commission, le Sénat avait déplafonné ces droits et abaissé en contrepartie leur taux de 3 % à 2 % ; l'Assemblée nationale avait repris le principe du déplafonnement, mais en l'édulcorant. Le Gouvernement souhaitait supprimer cette mesure de taxation des transactions financières : il l'arase dans l'article de ce collectif censé créer une taxe sur les transactions financières en lui appliquant le taux extrêmement faible de 0,1 %.
La dernière mesure, enfin, emblème du dispositif, se contente de reprendre, sous forme allégée, le système anglais du droit de timbre. Son assiette repose sur cinq conditions cumulatives : elle porte sur des actions, admises aux négociations sur un marché réglementé, où qu'il se trouve, mais pour des sociétés dont le siège social est situé en France et la capitalisation boursière supérieure à 1 milliard au 1er janvier - ce qui n'est pas le cas en Angleterre - et donnant effectivement lieu à un transfert de propriété. Les exemptions, à l'image du stamp duty britannique, sont nombreuses et le taux - toujours 0,1 % - cinq fois inférieur à son équivalent britannique. Son avantage est qu'elle frappe les droits de propriété, et n'est donc pas délocalisable mais, contrairement au Royaume-Uni, aucune « exit tax » n'est prévue lorsque les transactions sont enregistrées auprès d'un dépositaire étranger.
Voilà qui est mieux que rien, m'objectera-t-on, et l'on ajoutera que cette avancée, fût-elle timide, aurait mérité d'être saluée, plutôt que vilipendée. Mais au vrai, une telle timidité donne tout à craindre. Qu'y a-t-il à craindre, puisque l'on rétablit là l'impôt de bourse contre la suppression duquel nous avions bataillé ? Tout simplement que cette initiative vienne faire échec au projet de taxe sur les transactions financières en préparation à la Commission européenne. Le président de la République a pris le soin d'indiquer qu'il s'agissait là d'un dispositif provisoire, appelé à disparaître dès qu'entrerait en scène la proposition de la Commission européenne. Sauf que... Deux logiques s'opposent ici. La taxe à la française - ou faudrait-il dire à l'anglaise ? - ne repose nullement sur une visée dissuasive, puisqu'elle épargne les transactions les plus spéculatives, sur les dérivés. Le projet de la Commission européenne, à l'inverse, porte sur une assiette très large, l'ensemble des transactions financières, c'est pourquoi, et pour aucune autre raison, son taux est faible. Elle est due dès lors qu'une partie se situe dans l'Union européenne, et non en fonction de la nationalité de la société émettrice. Notre crainte est que l'initiative française plombe la proposition européenne en devenant le plus petit commun dénominateur.
M. Aymeri de Montesquiou. - Le Premier ministre britannique lui-même a déclaré que la taxe sur les transactions financières française serait une catastrophe.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Sans doute vous référez-vous à une déclaration préalable à l'annonce du débat de ce dispositif. Car comment pourrait-il s'inquiéter d'un droit de timbre à l'anglaise, encore amoindri ? Les Anglais ne veulent pas de taxe sur les transactions européennes, ils ont là leur affaire : un timbre minuscule ! On peut comprendre l'ire des ONG. La taxe sur les transactions financières telle que la conçoit la Commission rendrait 57 milliards, d'après ses estimations. Elle pourrait être utilisée pour des programmes économiques structurants en même temps que, comme le voulait Tobin, pour l'aide au développement. Mais la taxe française est d'une tout autre logique de rendement.
Voilà qui m'amène tout naturellement à la lutte contre la fraude fiscale. Les deux mesures prévues - amendes renforcées en cas de dissimulation et relèvement de leur maximum en cas de fraude fiscale - sont insuffisantes : si les sanctions pénales prononcées par le juge pourront désormais être plus élevées, les moyens du contrôle fiscal ne sont pas adaptés, la lutte contre les paradis fiscaux est oubliée. L'information parcellaire du Parlement quant à l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale internationale est, au reste, un aveu d'impuissance du Gouvernement : nous attendons toujours l'annexe à la loi de finances qui devait nous être remise à l'automne.
Parmi les mesures censées contribuer à la stabilisation de la zone euro vient, au premier chef, le relèvement de 31,4 milliards du plafond des prêts de la France au FMI. Une création monétaire, en somme, où la BCE n'aura pas son mot à dire. Vient, ensuite, le versement anticipé de la contribution de la France au MES - 6,5 milliards dès 2012 -, conformément à l'engagement pris par la France et l'Allemagne de verser, dès 2012, la part des deux premières années. Si ces versements, au sens de la comptabilité nationale, augmentent la dette publique mais pas le déficit public, ils n'en auront pas moins un impact budgétaire.
Le capital appelable, à hauteur de 126,4 milliards, pourrait, à mon sens, poser un problème constitutionnel, même si le directeur général du Trésor se rassure en constatant que le Conseil d'Etat n'a pas tiqué. C'est pourtant bien un engagement hors bilan qui est ici souscrit, puisque ce capital de 126,4 milliards devra être versé au MES dès lors qu'il serait appelé. Ce serait d'ailleurs automatiquement le cas si le MES en avait besoin pour honorer ses obligations vis-à-vis de ses créanciers. Pour souscrire un engagement d'une telle hauteur et qui, dans ce dernier cas, constitue de fait une garantie, il faut, d'après moi, conformément à l'article 61 de la Lolf, une autorisation en loi de finances, comme cela a été le cas pour le FESF, avec la loi de finances rectificative de juin 2010. Le Gouvernement argue que le capital ici appelable n'est pas une garantie. Je ne le suis pas, puisque le versement, en cas d'appel, est automatique et destiné à permettre au MES d'honorer ses obligations vis-à-vis de ses créanciers. Je m'étonne que cela ne figure pas dans le texte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Après la ratification.
M. Philippe Marini, président. - A quelles conclusions en venez-vous, au terme de cet exposé ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Sans anticiper sur le débat, je compte vous proposer d'adopter la question préalable.
M. Philippe Marini, président. - Les choses sont plus claires ainsi. Je ne nie pas que votre exposé respecte les règles du jeu, mais observe qu'il comporte un certain nombre de contradictions internes.
Vous soulignez le fort impact budgétaire de la contribution au MES - 6,5 milliards d'euros - en laissant entendre qu'ils devraient être intégrés à la norme de dépense. Dieu sait que j'ai toujours plaidé pour que cette norme ne soit pas à périmètre variable. Vous dites également que l'annulation sèche de 1,2 milliard pourrait hypothéquer la fin de gestion de l'exercice. Un Gouvernement soucieux de la bonne exécution doit en effet veiller à l'éviter. Quelles conclusions, dès lors, tirez-vous de tout cela ? Faut-il donc réduire plus significativement encore les crédits du budget 2012 ? N'est-ce pas, de fait, ce que vous préconisez en creux?
On peut produire des analyses économiques contradictoires sur la TVA sociale. Reste que dans le contexte institutionnel européen, elle est le seul levier dont nous disposions pour améliorer un peu la balance courante sans nous mettre en contradiction avec le droit communautaire
Quant à la taxe sur les transactions financières, je comprends mal vos critiques. Vous aviez vous-même travaillé à faire adopter une sanction contre le trading à haute fréquence. Vous devriez vous réjouir que le gouvernement rejoigne enfin vos vues.
La lutte contre la fraude fiscale serait insuffisante ? Mais nierez-vous l'utilité des deux mesures proposées, même si vous les jugez insuffisantes ? Voilà une avancée, qui mériterait d'être appuyée.
Vous soulevez la question constitutionnelle. L'analyse juridique peut être menée, mais s'il s'agit bien d'un engagement hors bilan, il ne requiert pas, à la différence d'une garantie, l'appui d'une loi de finances. Au reste, la comptabilisation de tels engagements est si incertaine que nous avons éprouvé le besoin de faire intervenir la Cour des comptes pour nous aider à y voir clair.
Puisse, quoi qu'il en soit, le débat se dérouler, malgré la période, dans la sérénité, même s'il est légitime que nous affirmions nos différences.
M. Philippe Adnot. - Je salue l'effort de notre rapporteure générale pour tenter de nous rendre audible un texte complexe, mais j'avoue que je ne me sens pas beaucoup plus avancé au terme de son exposé. Ainsi sur la TVA sociale. J'aurais aimé vous voir vous concentrer sur les différentes mesures proposées à l'article premier, alinéa après alinéa, nous indiquer les montants correspondant, chaque fois, aux allègements proposés. Parce que vous ne l'avez pas fait, j'ai du mal à vous suivre quand vous dites que le texte n'allègerait pas les bas salaires.
M. Francis Delattre. - Il est audacieux pour un Gouvernement à la veille d'échéances électorales de présenter un projet portant tant d'innovations - car contrairement à ce que vous avez dit, il ne s'agit pas là d'un programme électoral à venir, mais bien d'un engagement concret : si le texte est voté, il sera appliqué. C'est que l'on ne peut pas, dans la situation que nous traversons, rester inactifs. La TVA sociale vise ainsi à créer plus d'emplois industriels, ceux qui sont délocalisables. Si la cible porte sur les salaires compris entre 1,6 et 2,4 Smic, c'est que ce sont là les emplois industriels, ceux de l'automobile, notamment. Les emplois de la grande distribution, où les salaires sont plus bas, ne sont pas, il est vrai, visés, mais c'est qu'ils ne sont pas délocalisables. Il s'agissait de définir des priorités.
Le coût du travail en Allemagne ne serait pas, dites-vous, bien éloigné du nôtre ? Nous nous situons pourtant au dessus de la moyenne européenne et, pour ce qui est de l'Allemagne, je vous renvoie aux chiffres qui ont été rendus publics par les grandes banques : pour 4 000 euros de salaire, une entreprise française verse 1 200 euros, quand une entreprise allemande n'en verse que 700.
Certes, le coût du travail n'est pas le seul handicap dont souffrent nos grandes entreprises, mais il reste un problème. Voyez ce que M. Valls, M. Le Guen préconisaient il y a peu encore. C'est bien la preuve que ces questions méritent d'être concrètement débattues.
M. Jean-Paul Emorine. - Il est naturel que ce débat soit vif, dès lors que nous ne partageons pas la même philosophie. Que de tels échanges puissent avoir lieu est à l'honneur de la grande démocratie qui est la nôtre.
Il n'y a pas de miracle : pour créer de l'emploi, il faut une croissance à 1,8 % ou 2 %. Si nous sommes aujourd'hui en panne, c'est que l'on a trop compté, et cela ne date pas d'hier, sur le tertiaire, au détriment de l'industrie. Nous avons planché, au Sénat, sur la désindustrialisation : le rapport Grignon montre assez clairement que le coût du travail fait partie des problèmes. Il y a bien sûr d'autres éléments, mais sur lesquels nous n'avons pas prise, comme l'appréciation de l'euro. La baisse des charges sur les bas salaires ? Elle a bien lieu, les chiffres que vous avez cités le montrent.
La réforme de la taxe professionnelle a apporté cinq milliards aux entreprises ? Mais c'était l'objectif, pour qu'elles renouent avec la compétitivité. Vous dites ensuite, d'ailleurs, que l'industrie ne bénéficiera, par le transfert sur TVA, « que » de 3,3 milliards : c'est bien qu'ils ne sont pas de trop. Mais ce qui reviendra à d'autres secteurs ne sera pas de trop non plus ; ainsi pour l'agriculture, où nos salaires, M. Le Maire l'a confirmé, sont beaucoup plus onéreux qu'ailleurs. Nous adaptons notre politique économique, en faveur des entreprises : les allègements de charges sont là pour leur rendre leur compétitivité et les aider à préserver ou à créer des emplois. Le taux de TVA ? Nous sommes dans la moyenne européenne et restons donc compétitifs de ce point de vue.
M. Albéric de Montgolfier. - Chiffrer les aléas n'est pas sans utilité dans le trouble que nous connaissons. Mais d'où viennent les chiffres et est-il bien honnête d'établir comme vous le faite l'addition de tous les aléas négatifs, comme si le pire était toujours sûr ?
L'analyse que vous avez faite de l'impact de la TVA sur les prix n'est pas sans intérêt, il me semble toutefois qu'elle ne tient pas compte du changement de situation : la faiblesse de la croissance pourrait bien absorber l'inflation.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous avez mené une démonstration politique. Ce n'est pas sans intérêt, mais le moment est-il bien choisi ? Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que vous nous présentez des prévisions apocalyptiques. Qui aurait pu croire, à s'en fier à vos prévisions de l'automne, que nous parviendrions, en fin d'année, à des résultats meilleurs que prévu ?
Nous retrouvons mal, dans votre exposé polémique, le texte de ce projet de loi de finances rectificative. J'aurais préféré un examen par article. Détérioration du solde public, dites-vous ? Avec un mieux de 0,2 point de croissance au dernier trimestre, le spectre de la récession s'éloigne, et nous sommes déjà à un acquis de croissance de 0,3 % et une prévision de 0,5 % apparaît raisonnable. Nous n'avons pas besoin d'un plan de rigueur.
L'impact budgétaire de la contribution au MES ? Il serait peut-être bon de rappeler que le MES est un pare-feu pour toute la zone euro. Cet énorme mécanisme est assimilable à la création d'un fonds monétaire européen. Ce n'est pas rien ! Il sera opérationnel en juillet 2012. Je vous invite à ne pas vous focaliser sur les 6,5 milliards en semblant regretter que cette somme ne pèse pas sur le déficit. Il ne s'agit pas d'un collectif classique...
Mme Nicole Bricq, rapporteur général. - C'est sûr !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - ... puisqu'il allège de plus de 13 milliards d'euros les charges pesant sur les entreprises, pour résorber notre déficit de compétitivité. J'aurais apprécié un tableau là-dessus.
Dernier point : la taxation des transactions financières mettra le monde de la finance à contribution pour redresser les finances publiques. Cette nouveauté préfigure la directive envisagée en septembre 2011 par la Commission européenne. C'est intéressant !
En cette période, les choses sont compliquées pour tout le monde. Faisons des démonstrations politiques ou économiques, mais ne mélangeons pas tout !
M. Jean-Pierre Caffet. - Notre débat de fond s'explique par un désaccord frontal sur la TVA sociale, qui procède d'une grave erreur d'analyse.
En effet, ce dispositif repose tout d'abord sur l'idée fausse que nos coûts salariaux dans l'industrie manufacturière seraient excessifs par rapport à ce qui se passe en Allemagne, alors que le coût salarial horaire moyen s'établit à 33,80 euros outre-Rhin et à 34,50 euros en France - il n'y a pas un euro de différence. De fait, notre pays souffre d'un défaut de compétitivité hors prix, parce que sa gamme industrielle fait une part insuffisante à l'innovation et que son tissu de PME n'atteint pas la moitié de ce que l'on observe en Italie par exemple. Dans ces conditions, diminuer le coût salarial est une stratégie vouée à l'échec.
La deuxième erreur d'analyse sous-jacente est le recours à la TVA pour compenser la baisse des cotisations sociales, d'autant que l'industrie manufacturière ne bénéficiera que de 3 milliards sur 13, le reste apportant un effet d'aubaine considérable à des activités non exposées à la concurrence internationale et non délocalisables. Il faut bien que quelqu'un paye la TVA : les ménages si les prix augmentent, les entreprises dans le cas contraire. Quand le Gouvernement affirme que les prix n'augmenteront pas, quelque chose m'échappe dans son raisonnement... Nul ne peut chiffrer avec précision l'effet inflationniste du dispositif, qui devrait être compris entre 0,5 et 0,7 point d'inflation. Inévitablement, les ménages perdront du pouvoir d'achat. Dans l'hypothèse inverse, à quoi cette mesure servirait-elle ?
Enfin, pour M. Marini, la hausse de la TVA est le seul moyen d'améliorer la balance courante. Or, pour que le renchérissement des produits importés améliore notre solde extérieur, encore faut-il disposer d'une production nationale de substitution, sauf à supprimer l'acquisition des écrans plats et des micro-ordinateurs ! En résumé, la TVA n'est pas un droit de douane. Au demeurant, si elle l'était, sa hausse serait contraire aux règles de l'OMC.
M. Philippe Marini, président. - Nul ne peut nier que la TVA sociale contribue à la politique globale de compétitivité. Si les coûts salariaux directs sont semblables en France et en Allemagne, nos entreprises payent bien plus pour un même salaire net versé. La TVA sociale traite ce problème structurel. Au demeurant, elle peut favoriser la progression des salaires, via le relèvement du plafond applicable à l'exonération Fillon.
M. Jean-Pierre Caffet. - C'est un autre moyen de faire payer les entreprises !
M. Philippe Marini, président. - Quant à l'effet sur les prix, nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses.
Mme Bricq a consulté d'excellentes études, mais on peut multiplier les références aboutissant à des conclusions opposées, toutes soutenues par des auteurs passionnés car le sujet passionne toujours.
M. François Fortassin. - Il n'y a rien de choquant dans le fait de prendre une position politique à propos d'un projet de loi de finances. Sinon, autant confier le budget de l'État à un club de percepteurs...
Pour la TVA, je ne suis pas certain que nos concitoyens s'y retrouvent : il y a quelques mois, on leur a dit que la baisse de la TVA sur la restauration allait créer des emplois et voici que l'on veut l'augmenter pour créer des emplois ! Où est la logique ?
Les entreprises créent des emplois pour satisfaire une demande. Or, comment vendre des appareils que l'on ne fabrique pas ? Je pense aux machines-outils ou même à des produits comme les poêles à frire.
M. François Marc. - M. Caffet a explicité les raisons de fond nous conduisant à repousser la TVA sociale.
Un malaise a été véritablement provoqué par l'improvisation d'un dispositif dont Mme Pécresse dit qu'il créerait 100 000 emplois, ce dont doutent Les Echos d'aujourd'hui. En fait, il n'y a pas grand-chose à espérer de ce côté.
Tout cela revêt sans doute une justification politique aux yeux du Président de la République, mais Mme Pécresse va un peu loin lorsqu'elle présente la politique du Gouvernement comme la seule envisageable. Dans le même esprit, le président de notre commission est sans doute excessif lorsqu'il envisage la TVA comme l'unique levier fiscal disponible.
Nous approuvons donc la position de Mme Bricq : ce projet mal ficelé ne mérite pas d'être débattu, c'est un texte de campagne électorale.
M. Philippe Marini, président. - Ce que j'ai dit, c'est que la TVA sociale était le seul mécanisme licite équivalant à un relèvement des droits de douane.
M. Jean Germain. - La présentation aurait pu être plus sévère envers un projet de loi de finances rectificative qui arrive à un moment très particulier. La France, qui était en excédent entre 1995 et 2002, accuse un déficit commercial sans précédent proche de 75 milliards d'euros, alors que l'excédent allemand atteint 100 milliards malgré des salaires analogues et un temps de travail moindre en Allemagne. Il est vrai que la politique industrielle n'est pas du tout la même, puisque la France laisse sans traitement deux grandes faiblesses de notre industrie : le rôle excessif des grandes entreprises et une gamme trop étroite laissant une place insuffisante à l'innovation. Notre déficit résulte de la stratégie industrielle.
Lorsque M. Copé a lancé l'idée de la TVA sociale, début 2011, le Premier ministre a déclenché un tir de barrage fondé notamment sur le fait que la TVA allemande venait de rattraper le niveau français. De son côté, M. Baroin faisait un tir de barrage en expliquant qu'il faudrait une baisse massive des cotisations sociales, compensée par cinq points supplémentaires de TVA. Il estimait que cette évolution aurait un effet destructeur sur la croissance. Enfin, Xavier Bertrand concluait qu'une hausse de la TVA pesant sur tous les Français n'était pas une bonne façon de réduire le coût du travail. Par quel mystère la mesure inefficace, lorsqu'elle était proposée par M. Copé, est-elle devenue efficace quand le président de la République l'a reprise ?
Enfin, la plus grande absurdité de ce dispositif est que 3,3 milliards seulement sur 13 bénéficieront à l'industrie. Le vrai secret de la compétitivité tient à l'innovation et à la spécialisation dans le haut de gamme. Nous refusons d'augmenter un impôt injuste qui pèse trois fois plus sur les ménages modestes. De surcroît, ce dispositif fera payer une seconde fois aux retraités les cotisations qu'ils ont versées pendant leur vie active.
J'en viens au rapport d'information n° 52 sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, fait par M. Marini pendant la session 2004-2005. Pour son élaboration, notre commission a auditionné le 4 mai 2005 M. Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances. Répondant à M. Arthuis, président de la commission et promoteur obstiné de la TVA sociale, le ministre a expliqué que « l'impact le plus récessif d'une hausse de la fiscalité des ménages provenait de la TVA, dont une hausse d'un point pouvait donner lieu à 0,9 point de croissance en moins », alors que l'allégement de cotisations sociales apporterait une contribution de 0,4 point de croissance. Résultat : un point de TVA supplémentaire compensant une baisse de cotisations sociales se traduit par un demi-point de croissance en moins. Enfin, le ministre d'alors a déclaré « craindre qu'une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne soit intégrée dans la marge, et donc intégralement répercutée sur le prix de vente ».
M. Philippe Marini, président. - Vous avez d'excellentes sources, mais il n'est pas à exclure totalement que les arguments présentés par le président et le rapporteur général de l'époque aient fini par influencer le futur président de la République. Qui n'évolue jamais ? Il serait aisé de mettre votre candidat en contradiction avec lui-même, puisqu'il a une longue vie politique derrière lui.
Mme Nicole Bricq, rapporteur général. - Vous le ferez pendant la campagne.
M. Aymeri de Montesquiou. - Faire une présentation politique d'un projet de loi de finances rectificatives est l'essence même de l'exercice.
MM. Germain et Caffet ont formulé des réflexions très justes sur les causes de notre déficit commercial, mais au total, c'est de 3,3 milliards que l'on allègera les charges pesant sur le secteur industriel. De plus, les deux tiers du déficit proviennent de l'Union européenne ; la TVA sociale peut donc avoir une incidence positive.
Mme Nicole Bricq, rapporteur général. - Contrairement à Gilles Carrez, je ne suis pas tombée dans la facilité en disant que cette mesure relevait d'un début de législature.
L'annonce faite par le président de la République impose au Gouvernement de proposer des mesures d'économie et de nouveaux prélèvements obligatoires dont il se serait bien passé. Je ne reproche pas au Gouvernement de ne pas comptabiliser les dotations dans la norme de dépenses, mais il faut, en conséquence, remettre cette norme à sa juste place. Les annulations de crédits hypothèquent la fin de gestion, et le Gouvernement ne dit malheureusement pas comment il ferait pour tenir ce budget s'il restait aux affaires.
On peut certes multiplier les références à la TVA sociale pour trouver ses partisans ou ses adversaires, mais - sur la question des effets sur l'emploi - toutes les études disponibles, y compris la plus récente, publiée par l'OFCE, aboutissent au même résultat. On ne peut donc pas me reprocher de m'appuyer sur des études antérieures, qui n'ont pas été démenties.
Philippe Adnot, comme plusieurs de nos collègues, trouveront des réponses à leurs questions aux pages 139 à 226 du rapport écrit, où est rappelé le principe assez simple du dispositif de l'article 1er consistant à augmenter la TVA et le prélèvement sur le capital en compensation d'une baisse de charges. Le reste est consacré à une analyse économique d'autant plus nécessaire que l'étude d'impact du Gouvernement évoque la création de 100 000 emplois, sans l'étayer. J'ai donc dû réaliser moi-même ce travail en me fondant sur les documents disponibles dont ceux de la direction du Trésor. On ne peut, comme le fait Mme Des Esgaulx, me reprocher à la fois de faire de la politique et de vous abreuver d'éléments techniques, dans la mesure où ces derniers sont nécessaires pour avancer une démonstration.
Vous verrez, les pages 222 et suivantes le rappellent, étude à l'appui, que l'industrie française n'a pas, au cours des dix dernières années, connu de dégradation de sa compétitivité prix liée au salaire par rapport à ses concurrents européens dont l'Allemagne.
Les données sur les conséquences de l'appréciation de l'euro, je le dis à M. Emorine, proviennent du programme de stabilité 2011-2014 préparé par le Gouvernement. Le FSI n'est aujourd'hui pas lié au projet de Banque de l'industrie, contrairement à la proposition de François Hollande de créer une banque publique d'investissement rassemblant l'ensemble des acteurs éventuellement au niveau régional.
M. Philippe Marini, président. - Ce n'est pas très différent d'Oséo-industrie.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je ne reviendrai pas sur le tableau infernal que j'évoquais tout à l'heure...
M. Philippe Marini, président. - On aurait cru le financement de la sécurité sociale...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Il y a sans doute quelque chose de plus simple et de plus opérationnel à mettre en place. Nous en reparlerons pendant la campagne.
Quant à la réforme de la taxe professionnelle, nous n'avons aucune preuve de son effet sur la compétitivité des entreprises.
M. Jean-Paul Emorine. - Il y a tout de même eu un allègement de 5 milliards d'euros !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous étions contre la suppression de l'impôt de bourse. Si l'on veut de nouveau taxer les mouvements de capitaux, reprenons le dispositif de la taxe anglaise... dans son intégralité. Nous ne faisons pas de faux procès car mon rapport distingue clairement la taxe sur le trading à haute fréquence d'un autre prélèvement qui serait plus complet et plus proche des recommandations de la Commission européenne.
M. Philippe Marini, président. - Vous devriez être pour cette taxe et moi contre...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Enfin, si j'ai évoqué les aléas à la baisse pesant sur la prévision de croissance, je ne les souhaite bien sûr pas du tout ! L'hypothèse retenue par François Hollande s'établit même à 0,5 %. Pourtant, à écouter les conjoncturistes, la croissance pourrait être nulle en 2012. Et une variation de la croissance de 0,5 point pourrait dégrader le déficit de 5 milliards ou davantage ; nous devons le prendre en compte, l'une des spécificités de la commission des finances du Sénat étant précisément de faire de la macroéconomie ainsi, d'ailleurs, que de suivre les sujets européens.
M. Philippe Marini, président. - Je propose que nous nous prononcions sur la question préalable au projet de loi de finances rectificative.
La commission adopte la motion présentée par Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, tendant à opposer la question préalable au projet de loi n° 389 (2011-2012) de finances rectificative pour 2012.
M. Philippe Marini, président. - Comme nous le ferons valoir en séance, il serait regrettable que le Sénat ne puisse pas jouer tout son rôle dans l'examen de ce texte.
Nous allons maintenant procéder à l'examen des projets de loi relatifs au MES.
- Présidence de M. Albéric de Montgolfier, vice-président -
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Nous revenons sur le débat amorcé durant l'audition. D'une capacité financière de 440 milliards, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a jusqu'à présent été relativement peu utilisé puisque, si le récent accord du 20 février sur la Grèce prévoit de débloquer 130 milliards en faveur de la Grèce, le FESF n'a, à ce jour, versé que 12,5 milliards (à l'Irlande et au Portugal). Ce qui compte, c'est la capacité dissuasive de ces fonds plus que leur utilisation effective.
La capacité de prêt résiduelle du FESF, d'un montant de 250 milliards permettrait, en y additionnant les 500 milliards attendus du MES, de disposer de 750 milliards d'euros, hypothèse évoquée par Christiane Lagarde, directrice générale du FMI. Toutefois, l'effet de levier de ces 250 milliards du FESF pourrait être seulement de deux, alors qu'un facteur quatre avait un temps été évoqué.
Conformément à l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le MES a vocation à n'être utilisé qu'au cas où la dégradation de la situation d'un Etat membre présenterait un risque systémique pour la zone euro, et son aide serait accompagnée de l'application stricte de la clause de conditionnalité. Son entrée en vigueur a été avancée à juillet 2012 et le FESF devrait cesser de fonctionner le 30 juin 2013.
Le mode de financement du MES pourrait, lui, justifier une notation « triple A », mais il convient de bien distinguer les 80 milliards d'euros de capital libéré, dont 16,3 milliards d'autorisations d'engagement pour la France proposés au PLFR, et les 620 milliards de capital appelable.
Pour la France, la mise en place du MES suppose l'adoption des deux projets de lois ordinaires dont nous débattrons en séance publique le 28 février, et du PLFR pour 2012 avec les deux premières tranches du mécanisme, sachant que nous aurons peut-être, par la suite, à nous prononcer sur la ratification du TSCG.
Quelles sont les limites du Mécanisme européen de stabilité ? Tout d'abord, sa taille, le montant certes considérable de 500 milliards risquant d'être insuffisant si un Etat important y faisait appel ou même pour jouer un rôle dissuasif. On peut envisager de pouvoir disposer d'une capacité d'intervention totale de 1 500 milliards d'euros si l'Allemagne acceptait que le FESF continue de fonctionner à côté du MES et si les Etats acceptaient d'accroitre leurs contributions au FMI.
Ensuite, se pose le problème de l'accès du MES aux liquidités de la BCE, ce qui supposerait que la BCE le considère comme une banque, hypothèse qui fait consensus en France, mais se heurte à l'opposition de l'Allemagne et de la BCE - vous avez noté la prudence d'expression du directeur général du Trésor.
Le considérant 5 du préambule du traité instituant le MES fait débat dans la mesure où il conditionne l'assistance financière du MES à la ratification du TSCG avant le 1er janvier 2013 et au respect de la règle d'or. Un long processus...
La valeur juridique du lien entre le TSCG et le MES est sujette à une interprétation qui n'est pas seulement politique.
Appelé à constituer le cadre global de la gouvernance budgétaire en Europe, le TSCG s'inscrit dans le prolongement du six pack adopté en novembre 2011 par le Parlement européen, avec l'opposition des députés socialistes européens. Il va plus loin que le pacte de stabilité en introduisant l'obligation pour les Etats de se doter d'une « règle d'or » contraignante de droit interne. Le directeur général du Trésor a fait allusion à la résolution qu'avait proposée Richard Yung sur la subsidiarité.
Le traité s'insère dans le cadre du two pack actuellement en cours de discussion, qui, dans sa version initiale, prévoit lui aussi l'obligation d'adopter une règle d'or contraignante. Le TSCG prévoit un renforcement de la discipline du pacte de stabilité en retenant la majorité qualifiée inversée à toutes les étapes de la procédure pour les Etats en déficit excessif. Ce faisant, il répond clairement à un objectif politique. En effet, aux règles du pacte de stabilité réformé entrées en vigueur en novembre 2011, s'ajouterait désormais une obligation de moyens. Est-ce à dire que l'obligation de résultat n'est pas suffisante ? Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Ce traité entrera en vigueur au 1er janvier 2013, un État pouvant, à partir du 1er janvier 2014, saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) au sujet de la transposition de la règle d'or par un autre État. Les modalités pratiques de la règle d'or française n'ont pas encore été fixées par le Gouvernement, la définition du solde structurel demeurant délicate.
M. Francis Delattre. - On le connaît, c'est un déficit de 0,5 % !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Certes, mais comment le calcule-t-on ? Il faudrait que tous les États s'accordent sur une méthode de détermination du PIB potentiel, sinon ça ne marchera pas !
J'ai eu l'occasion de le rappeler au directeur général du Trésor, selon les termes même de la réponse du ministre, le lien entre le traité instituant le MES et le TSCG n'avait pas de valeur juridique. D'ailleurs, si l'Italie, l'Espagne, ou même la France représentaient un risque systémique pour la zone euro, croyez-vous vraiment que l'on exigerait la transcription en droit interne de la règle d'or avant d'intervenir ? Nous travaillons sur des hypothèses d'école tant il est évident qu'en pareil cas, c'est l'intérêt supérieur de la zone euro qui primerait.
Il y a en revanche un lien politique entre le bénéfice des concours du MES et la ratification du TSCG, ce qui constitue un mauvais signal politique dans la mesure où ce traité incarne une politique d'austérité qui ne permettra pas de sortir l'Europe de la crise s'il n'est complété par une action en faveur de la croissance et de l'emploi.
Le lien établi entre les deux dispositifs de nature pourtant très différente est d'autant plus regrettable qu'il n'est finalement que le reflet de l'humeur du Conseil à un moment donné. Or depuis 2010, nous avons pu constater que cette humeur était changeante, les Etats européens ayant par exemple refusé le recours au FMI avant de l'accepter, et nos partenaires allemands ayant exigé une participation systématique du secteur privé, avant d'y renoncer en décembre 2011. Ce qui paraissait impossible à un moment a donc finalement été réalisé.
Le MES n'entrera en vigueur qu'en juillet 2012. La ratification du traité ne présente donc pas un caractère d'urgence. Les élections doivent permettre de préciser les positions de la France. Si le lien entre les deux traités est maintenu, le contenu pourrait évoluer pour tenir compte des renégociations du TSCG, que le Gouvernement, pour l'heure, instrumentalise.
La position d'abstention que je vous propose me paraît en somme, en pleine période électorale, la mieux appropriée.
M. Richard Yung. - Encore une occasion ratée. Tout le monde est favorable à un mécanisme de solidarité, mais le problème, c'est qu'il n'est jamais lié qu'à des mécanismes d'austérité : par une sorte d'autisme des gouvernants, rien n'est prévu pour l'emploi et pour la croissance.
Autre question, celle du contrôle parlementaire. La démarche reste purement intergouvernementale : ce sont les ministres des finances qui décideront. Ni le Parlement européen, ni la Commission, ni les parlements nationaux n'auront leur mot à dire. Il faudra y revenir.
M. Albéric de Montgolfier, président. - L'urgence exige l'intergouvernemental.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous avez exprimé cette fois un point de vue politique assumé, à la différence de votre exposé sur le collectif, où vous vous cachiez derrière des tableaux de chiffres. Je préfère cela. Mais ce qui me gêne, c'est que vous ne pouvez pas, de toute évidence, accepter la règle d'or. Nous avons le temps, dites-vous, mais avez-vous bien pris la mesure de la situation ? Elle exige de nous que nous avancions sans attendre. Faut-il donc que l'Europe se mette au point mort parce que le calendrier électoral de la France le veut ? Vous arguez que les moyens que l'on prétend mettre en oeuvre ne pourront pas l'être, mais voyez ce qui s'est passé avec la Grèce : des experts ont bien été dépêchés sur place pour contrôler ce qui va se passer.
Vous pensez gagner les élections et renégocier le traité. Si vous préconisez aujourd'hui l'abstention, c'est surtout pour ne pas vous mettre en porte-à-faux avec certains de vos alliés, tout en sachant bien que les textes seront votés : vous ne prenez donc aucun risque. Quant à moi, je voterai des deux mains ces textes, parce qu'il faut aller de l'avant.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Le lien avec le TSCG met en cause la crédibilité du MES car comment pourrait-il être un outil de réaction rapide à une crise systémique, alors qu'il ne pourra être vraiment crédible que lorsque tous les États se seront dotés d'une règle d'or contraignante. Croyez-vous donc que ces Etats vont ratifier ce traité et modifier leurs Constitutions sans en rediscuter ? C'est bien mal connaître le fonctionnement de l'Union européenne !
Le but du MES est de contenir. Il n'est aujourd'hui pas prévu qu'il intervienne pour aider la Grèce, où la situation n'a fait que s'envenimer depuis 2009, au point que tous les aléas sont loin d'être levés. On souhaite que nous mettions le doigt dans une machine infernale, qui nuit à la crédibilité du mécanisme. Si l'on veut qu'il soit efficace, force est de reconnaître que la condition qui a été posée, in fine, à la demande de l'Allemagne, est fort mal venue. C'est pourquoi je propose l'abstention sur les deux textes.
M. Jean-Paul Emorine. - Il va de soi que les membres de notre groupe voteront pour en séance publique, ce qui nous conduit à nous exprimer contre la position d'abstention préconisée par la rapporteure.
La commission décide de proposer au Sénat de s'abstenir sur le projet de loi n° 396 (2011-2012) autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro, et le projet de loi n° 397 (2011-2012) autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES).
Loi de finances rectificative pour 2012 - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
Enfin, M. Philippe Marini, Mme Nicole Bricq, MM. Yves Daudigny, Richard Yung, Mme Marie-France Beaufils, MM. Philippe Dallier et Aymeri de Montesquiou sont désignés comme candidats titulaires, et MM. Michel Berson, François Marc, Marc Massion, François Fortassin, Philippe Dominati, Roger Karoutchi et Francis Delattre sont désignés comme candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi n° 389 (2011-2012) de finances rectificative pour 2012.
Mercredi 22 février 2012
- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Yvon Collin, vice-président -Ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité - Explication de vote du groupe CRC
La commission entend, tout d'abord, l'explication de vote du groupe CRC sur le projet de loi n° 393 (2011-2012) autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro, et le projet de loi n° 394 (2011-2012) autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
Mme Marie-France Beaufils. - Le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) n'a pu assister hier soir à l'examen en commission du rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, sur le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité et sur celui autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les Etats membres dont la monnaie est l'euro.
Notre groupe est en désaccord avec ces textes européens et votera contre, d'autant qu'ils font référence au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire (TSCG). Nous ne souhaitons pas nous associer au vote d'abstention intervenu hier soir.
M. Philippe Marini, président. - Il vous est donné acte de cette déclaration.
Bilan de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels - Contrôle budgétaire - Communication d'étape de MM. François Marc et Pierre Jarlier
La commission entend ensuite la communication d'étape de MM. François Marc et Pierre Jarlier, rapporteurs spéciaux, sur le bilan de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Le 18 janvier dernier, le Gouvernement transmettait au Parlement, avec plus de trois mois de retard, le rapport sur la révision des valeurs locatives professionnelles, prévu par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010.
Nous avons immédiatement souhaité nous saisir de ce rapport en tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». En premier lieu, parce qu'il s'agit d'une question à la fois centrale pour les finances locales et ancienne puisque depuis plus de vingt ans, elle attend d'être traitée. En second lieu, parce que nous avions évoqué la nécessité de traiter des valeurs locatives lorsque nous avons débattu l'année dernière de la péréquation. Enfin, parce que pour aboutir, cette question nécessite un appui et un investissement particulier des sénateurs, représentant des collectivités territoriales, qui sont concernées au premier chef.
Bien entendu, il ne s'agit aujourd'hui que d'une communication d'étape dont l'objet est essentiellement informatif. Nous avons étudié le rapport établi par les services de l'Etat (la direction générale des finances publiques - DGFiP - en l'occurrence), nous avons rencontré ses auteurs qui ont très volontiers répondu à nos interrogations et nous avons pu mesurer leur implication très forte dans cette opération. Nous allons vous rendre compte des éléments qu'à ce stade nous avons rassemblés.
Au-delà, nous poursuivrons nos travaux et nos auditions pour vous présenter, à la fin du premier semestre, des propositions concrètes pour faire avancer ce dossier.
Notre présentation aujourd'hui se déroulera en quatre phases : un rappel de la situation existante et des choix retenus par la loi de finances rectificative pour 2010, une présentation de l'expérimentation qui s'est déroulée durant l'année 2011, puis un exposé des résultats de l'expérimentation et, enfin, un aperçu des questions soulevées et des initiatives qui pourraient être prises.
Quelques éléments rapides sur la situation existante, tout d'abord. Les valeurs locatives cadastrales servent d'assiette aux impôts directs locaux qu'ils soient anciens ou récemment institués. Elles sont utilisées ainsi pour le calcul de la taxe d'habitation et de la taxe foncière s'agissant des locaux d'habitation. Pour les locaux professionnels, elles sont la base de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) comme autrefois de la taxe professionnelle.
Ces valeurs locatives professionnelles ont aussi un impact direct sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la taxe sur les friches commerciales et, enfin, sur la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Les 3,3 millions de locaux professionnels, contre 33 millions de locaux d'habitation, sont évalués selon plusieurs méthodes, régulièrement critiquées pour leur complexité et leur obsolescence, comme en 2009 par le rapport public annuel de la Cour des comptes.
Les locaux commerciaux sont évalués selon trois méthodes :
- pour les locaux loués au 1er janvier 1970, on utilise le montant stipulé dans le bail en 1970. Cette méthode concerne environ 5,5 % du parc ;
- pour les locaux non loués au 1er janvier 1970, l'évaluation s'effectue par comparaison aux immeubles types présentant des caractéristiques similaires (cette méthode concerne 93 % des locaux) ;
- à défaut, le local fait l'objet d'une appréciation directe par les services fiscaux sur la valeur vénale (1,5 % des locaux).
Pour les locaux industriels, la valeur locative est déterminée selon une méthode comptable à partir du prix de revient des différents éléments des immobilisations industrielles. Cette méthode assure que les valeurs retenues sont conformes à la réalité.
Toutefois, pour les entreprises sans bilan (soit moins de 10 % du total des entreprises), la valeur locative est fixée comme pour les locaux commerciaux.
Enfin, pour les locaux des professions libérales, la méthode d'évaluation est identique à celle utilisée pour les locaux d'habitation et repose sur la comparaison.
Pour finir de brosser le tableau, rappelons rapidement les règles de mises à jour de ces évaluations telles qu'elles sont prévues par les textes en vigueur.
Le code général des impôts prévoit une revalorisation annuelle, une actualisation tous les trois ans et une révision générale tous les six ans.
Ces obligations ont été diversement appliquées puisque si les lois de finances ou les lois de finances rectificatives successives ont bien prévu des revalorisations annuelles, la dernière actualisation date de 1980 sur la base des valeurs 1978.
Quant à la dernière tentative de révision générale, engagée par la loi du 30 juillet 1990, elle s'est soldée par un abandon et nos valeurs locatives cadastrales s'appuient donc sur la dernière révision effectuée en 1970.
Venons-en aux principes retenus par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2010. Cet article pose les bases d'un nouvel exercice de révision générale qui tire les leçons de l'échec de 1990 et oriente le nouveau système à mettre en oeuvre.
Il présente cinq caractéristiques :
- le maintien d'un système fondé sur des valeurs locatives administrées. C'est le choix qui a été fait et qui exclut le passage à un système fondé sur les valeurs vénales ;
- le maintien du produit fiscal pour les communes. Il s'agissait bien sûr d'une condition de l'acceptabilité de la révision. Elle n'aura donc pas d'effet sur les recettes des collectivités, mis à part la hausse du produit de la taxe d'habitation dont nous reparlerons plus tard ;
- l'étanchéisation des locaux d'habitation et des locaux professionnels. C'est une des caractéristiques fondamentales de la révision 2011-2012. Pour chaque collectivité (commune, EPCI), un coefficient de neutralisation permet de conserver la proportion entre, d'une part, le montant global de TFPB acquitté pour les locaux d'habitation et, d'autre part, le montant global de TFPB acquitté pour les locaux professionnels et pour les locaux industriels ;
- des commissions locales décisionnelles. C'est un aspect essentiel de la nouvelle procédure. La loi a prévu la création de deux nouvelles commissions : la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, constituée en majorité de représentants des collectivités et d'EPCI, et la commission départementale des impôts directs locaux chargée de statuer sur les désaccords entre la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels et une ou plusieurs commissions communales ou intercommunales. Ce qui est important, c'est que les commissions départementales, qui se verront soumettre les propositions des services fiscaux, auront un rôle décisionnel, notamment pour délimiter les secteurs, fixer les tarifs de chaque catégorie, classer les locaux et décider de l'application de coefficients de localisation ;
- une mise à jour annuelle et automatique via les déclarations annuelles de résultats. C'est une nouveauté de la révision « nouvelle formule ». En conséquence, cette révision générale devrait être la dernière et désormais les valeurs locatives suivront les évolutions du marché.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Ce qui a fait l'originalité du travail mené à l'occasion de cette nouvelle opération de révision générale, c'est son expérimentation préalable à la phase de généralisation à l'ensemble du territoire. La méthode choisie s'est déroulée en cinq phases :
- tout d'abord, la récupération des données par enquête déclarative auprès des propriétaires des locaux professionnels ;
- puis, la définition d'une nomenclature de locaux permettant le classement de chaque local dans une catégorie. Au total 38 catégories de locaux ont été identifiées par décret. La 39ème catégorie regroupe les locaux évalués par appréciation directe ;
- la délimitation de secteurs géographiques locatifs dans le département a été une étape très importante. Au total, six secteurs ont été finement découpés, si nécessaire au niveau infra communal, utilisant même les sections cadastrales, c'est-à-dire le bloc de rues dans une zone fortement urbanisée ;
- on a ensuite créé une grille tarifaire au mètre carré, par secteur et par catégorie ;
- enfin, il a été possible de calculer la valeur locative de chaque local selon la formule : « VLP = surface pondérée du local x tarif de la catégorie x coefficient de localisation ».
Ce coefficient de localisation a pour objectif de tenir compte de disparités à l'intérieur d'un secteur, qui ne justifieraient pas un classement dans un secteur distinct. Il n'a pas été utilisé dans le cadre de l'expérimentation.
Pour son déroulement, cinq départements ont été choisis, représentatifs de la diversité des situations : l'Hérault, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, Paris et la Haute-Vienne. Ces cinq départements représentent 12 % du volume total des locaux professionnels.
Les opérations ont été dirigées par un comité de pilotage national regroupant la DGFiP (sous-direction du cadastre et de la fiscalité du patrimoine, direction de la législation fiscale, service informatique et service des collectivités locales) et la direction générale des collectivités locales, DGCL, (bureau de la fiscalité locale). Au niveau local, c'est la DDFiP qui pilote les opérations.
Le calendrier prévu par la loi était le suivant : en 2011, l'expérimentation ; avant le 30 septembre 2011, un rapport bilan est remis au Parlement ; en 2012, la généralisation de la révision à l'ensemble des départements ; en 2014, enfin, application des nouvelles bases d'imposition, la loi ne prévoyant pas a priori de lissage.
Cette phase d'expérimentation a eu beaucoup d'avantages. Elle a permis de valider les modalités techniques et les processus de la révision, comme le choix des 38 catégories de locaux ou la détermination des secteurs géographiques. Elle a aussi permis de démontrer la fiabilité des outils et la capacité des services fiscaux à les utiliser. C'est le cas, par exemple, de la télédéclaration ou de la lecture optique des formulaires de déclaration. De ce point de vue, les résultats sont très encourageants puisqu'on observe un taux de retour des déclarations, après relance, de 86 % et que 58 % de ces déclarations se sont révélées directement exploitables. Enfin, la phase d'expérimentation a fait apparaître certains sujets centraux que les services fiscaux se préparent à traiter de manière adaptée, comme celui des multipropriétaires, privés et surtout collectivités territoriales, qui feront l'objet d'une attention particulière et celui des changements d'affectation non déclarés des locaux, du statut de locaux professionnels vers celui de locaux d'habitation, qui sont révélés par les opérations de révision.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Quels sont les principaux résultats de l'expérimentation, présentés dans le rapport remis au Parlement ?
On note tout d'abord la prédominance, au sein des locaux professionnels, de la catégorie « MAG1 boutiques et magasins sur rue » qui représente 41 % de l'ensemble des locaux étudiés.
Si l'on ajoute les deux catégories de « BUR1 bureaux de conception ancienne » et « BUR2 bureaux de conception récente », on arrive même à 75 % du total des locaux.
Bien entendu, l'expérimentation a mis en évidence une très grande diversité puisque la grille tarifaire illustre les écarts du marché locatif des biens professionnels. Cette diversité existe entre départements et aussi au sein d'un même département ou d'une même commune. Deux exemples le montrent. La grille tarifaire de la catégorie « MAG1 » en secteur 6, soit le plus cher, s'étage de 223,55 euros en Haute-Vienne à 836,40 euros à Paris, et celle de la même catégorie dans l'Hérault s'étage de 70,90 euros en secteur 1 à 293,17 euros en secteur 6.
Si l'on en vient aux résultats sur les cotisations de taxe foncière, que constate-t-on ? D'abord et globalement, une grande hétérogénéité des résultats, marqués par les effets collatéraux du « coefficient de neutralisation ».
L'application de ce coefficient, qui agrège les valeurs locatives révisées à la hausse des locaux professionnels et les valeurs locatives stables des locaux industriels, conduit, en effet, à abaisser en masse le niveau relatif des cotisations des locaux industriels tandis qu'augmente le niveau relatif des locaux professionnels.
Les transferts de charge fiscale des locaux industriels vers les locaux professionnels sont très importants et d'autant plus forts que le territoire est industrialisé. C'est ce qui explique que la baisse des cotisations des locaux industriels soit plus faible à Paris où la part de locaux industriels est la plus réduite. Inversement, la baisse, donc le transfert vers les locaux professionnels, est la plus forte dans le Pas-de-Calais.
On constate parallèlement une hausse à due proportion des cotisations des locaux professionnels. Toutefois, il existe des exceptions. Ainsi, à Paris, les bureaux voient leur cotisation moyenne diminuer, notamment les bureaux de conception récente soit - 20 % alors que les bureaux de conception ancienne enregistrent une baisse de -7 %.
On remarque aussi quelques « anomalies » ou résultats extrêmes.
Tout d'abord des hausses très élevées touchent plus particulièrement certaines catégories, comme celle des maisons de repos et de retraite, pour laquelle la hausse atteint 313 % dans l'Hérault et 173 % dans le Pas-de-Calais. Il en est de même pour la catégorie des centres médicaux sociaux et crèches, qui subit une hausse de 138 % à la fois dans le Pas-de-Calais et le Bas-Rhin.
Les services fiscaux se sont penchés sur la hausse de la catégorie « maisons de retraite » et il en est ressorti que nombre de locaux de cette catégorie étaient très largement sous-évalués dans le système actuel. Il en est de même de certaines catégories concernant l'hôtellerie qui ne prenaient pas en compte les rénovations successives intervenues depuis 1970.
La seconde anomalie concerne les locaux professionnels mais qui sont néanmoins soumis à la taxe d'habitation, notamment lorsqu'ils sont utilisés par des associations à but non lucratif. Ce cas ne concerne que 74 000 locaux au niveau national, mais comme la loi n'a pas prévu de neutralisation des effets sur la taxe d'habitation, ils pourraient enregistrer des hausses très fortes liées à la prise en compte de la valeur locative révisée brute.
Le dernier sujet révélé par l'expérimentation, et qui constitue une bonne nouvelle pour les collectivités, est le nombre important de changements d'affectation de locaux, anciennement professionnels ou commerciaux et devenus locaux d'habitation. Ils représentent plus de 10 % des locaux et ce pourcentage est le même dans chacun des cinq départements. Bien évidemment, la régularisation de ces situations entrainera une récupération de bases de taxe d'habitation qui devrait représenter des montants assez importants.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - De manière générale, et ce point nous amène à évoquer les suites de l'expérimentation, il est clair qu'une opération de ce type est très importante pour la crédibilité des services fiscaux qui était mise en cause par l'obsolescence des informations qu'ils traitaient. Comme nous l'a dit la DGFiP, c'est une des raisons de la très grande implication des services dans cette révision générale.
Les deux questions principales à se poser au vu des conclusions du rapport du Gouvernement découlent de la constatation des transferts très importants en défaveur des locaux professionnels.
Elles amènent à envisager deux aménagements, qu'il conviendrait d'intégrer le plus rapidement possible dans la loi, afin de « rassurer » les perdants et de permettre la poursuite des opérations dans de bonnes conditions.
Le premier aménagement est celui de l'adoption d'un scénario B, d'ores-et-déjà testé par la DGFiP. Il consiste à isoler les locaux industriels par rapport aux locaux professionnels dans le dispositif du coefficient de neutralisation, afin qu'ils demeurent à l'écart des effets de la révision des locaux professionnels. Ainsi, les locaux industriels sont inclus dans le même ensemble que les locaux d'habitation et, par définition, leur cotisation est stable.
Il n'y a donc pas de baisse, comme dans le scénario A. Mais on peut se demander si cette baisse aurait été justifiée dans la mesure où les valeurs locatives des locaux industriels sont déjà celles du marché, par application de la méthode comptable.
En revanche, dans le scénario B, les hausses des cotisations des locaux professionnels sont bien moins importantes. Deux exemples peuvent être donnés : la hausse de cotisation des bureaux anciens en Haute-Vienne passerait de 35 % à 7 % et celle des magasins sur rue dans le Pas-de-Calais (+ 36 %) serait intégralement annulée.
Il serait aussi possible d'imaginer un scénario C permettant de modérer les hausses que peuvent enregistrer les locaux du secteur social et éducatif ou de distinguer selon le caractère lucratif ou non des activités. Nous poursuivrons nos travaux en ce sens, en collaboration avec la DGFiP.
Le second aménagement concerne le lissage de l'entrée en vigueur des nouvelles cotisations. Pour rester neutre budgétairement, il devrait concerner aussi bien les hausses que les baisses de cotisations. La loi, en effet, dans sa rédaction actuelle, prévoit simplement une application directe. Il conviendrait sans doute d'étaler les effets de la réforme sur une durée raisonnable, qui pourrait être de six ou sept ans.
Il faudra également redéfinir le calendrier de la révision. Un léger retard a été pris du fait de la publication tardive du rapport du Gouvernement. Cela était dû à la mise au point du scénario B. Actuellement, le Gouvernement a « quasi-gelé » les opérations de révision, dans l'attente d'un signe de confirmation du Parlement. Celui-ci ne pourra intervenir qu'après les échéances électorales de 2012. S'il est positif, il faudra alors mettre en place les commissions qui auront un rôle majeur à jouer dans la révision. C'est cet aspect de la procédure qui risque de ralentir les opérations. D'ailleurs, c'est pour cette raison que les commissions n'ont pas été sollicitées dans le cadre de l'expérimentation. Dans ces conditions, il est encore possible, mais ce sera difficile, que la révision soit définitivement entrée en application en 2020.
C'est pourquoi nous souhaitons être en mesure, dès la fin du premier semestre, de vous proposer les aménagements nécessaires à la poursuite d'une réforme que nous jugeons importante, nécessaire et fondée sur des méthodes solides et désormais éprouvées.
M. Philippe Marini, président. - Il est clair que cette révision générale entraine des effets de transfert importants et qu'elle sera difficile à gérer. L'entrée en vigueur progressive est indispensable et doit être intégrée dans les textes législatifs. Dans tous les cas, nous sommes bien là au coeur du rôle du Sénat. Je m'interroge encore sur l'acceptabilité de l'exercice. La réflexion ne doit-elle pas encore se poursuivre ? Peut-être pendant plusieurs années ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - J'ai participé à la réunion de présentation du rapport organisée par Valérie Pécresse. Nous avons le résultat d'un très gros travail de la DGPiP et la ministre a été claire lorsque je lui ai indiqué que la commission des finances du Sénat se saisissait de cette question. Elle a bien déclaré qu'elle n'avait aucune objection à ce que ses services collaborent à nos travaux. Nous aurions d'ailleurs pu faire sans cela. Mais c'est un signe que j'apprécie. D'autant que la question est très politique puisqu'elle engage à terme une révision également des valeurs des locaux d'habitation. J'apprécie le travail des rapporteurs et je pense également que nous pouvons proposer un scénario alternatif acceptable d'ici la fin du premier semestre 2012.
M. Philippe Marini, président. - Il faudrait alors sans doute s'orienter vers une scission de la taxe foncière, en distinguant celle portant sur les locaux professionnels de celle portant sur les locaux d'habitation.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Le lissage de la mise en oeuvre des nouvelles valeurs locatives est incontournable. C'est une condition de l'acceptabilité. Le scénario A, qui est celui de la loi actuelle, est impossible. La scission des taux de TFPB est compatible avec le scénario B. Mais pour certaines catégories, comme les équipements médico-sociaux, il nous faut probablement élaborer un scénario C.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Je suis convaincu également que notre réflexion peut intégrer la problématique des taux. J'attire également votre attention sur la nécessité de différencier des pourcentages d'évolution, qui peuvent étonner ou inquiéter, et les évolutions en valeur absolue des montants de cotisations qui sont parfois très modestes !
M. Philippe Marini, président. - Il est clair que le Sénat doit profiter de ce temps électoral, qui ne le concerne pas autant que l'Assemblée nationale, pour avancer !
M. Jean-Claude Frécon. - Le travail mené est effectivement très important. J'avais participé aux opérations de révision des années 1990 et aussi à l'essai de relance engagé par le comité des finances locales en 1996-1997. Nous en avons tiré des conclusions : on ne change pas les règles juste avant les élections et la question des logements sociaux a été déterminante. J'ai été déçu quand le Gouvernement a annoncé le principe d'une révision partielle, mais c'est finalement une très bonne approche. Mieux vaut faire un peu que pas du tout. J'associe mes félicitations à celles des rapporteurs : dans cette affaire l'administration et la DGFiP ont été remarquables. En conclusion, je m'interroge sur la façon dont seront calculées les surfaces ; il ne faudrait pas retomber dans une complexité trop grande et surtout j'y insiste, prenons garde aux échéances électorales !
- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président -
M. Yannick Botrel. - Il est important de prendre en compte le fait que les contribuables se comparent entre eux. Je souhaite savoir également si le cas des équipements sportifs a bien été traité dans le cadre de ces opérations de révision.
M. Gérard Miquel. - La méthode suivie est incontestablement la bonne. Mais les réformes en la matière ont souvent démontré l'absence de courage politique. La fiscalité locale est profondément injuste, surtout au niveau départemental.
M. Charles Guené. - Je veux féliciter les rapporteurs et l'administration fiscale qui est exemplaire dans ce dossier. La période actuelle est sans doute trop compliquée pour aller très vite. Le but ultime de l'opération de révision doit bien, à mon sens, être une harmonisation nationale des modes de taxation. Les valeurs locatives vont servir, ne l'oublions pas, au calcul de la CFE et à la péréquation. Le coefficient de neutralisation doit donc être transféré sur les taux. Je suis favorable au lissage sur une période longue, sans doute supérieure à six ans, bien sûr aussi au scénario C évoqué par les rapporteurs spéciaux, l'exclusion des locaux industriels étant déjà acquise par le scénario B. Et je tiens à souligner qu'il n'y a pas de catégories pénalisées, il s'agit juste d'un retour à l'équité.
M. Joël Bourdin. - Je considère qu'il y a trop de catégories de locaux professionnels. Ne pouvait-on faire plus simple ? Et je m'inquiète des conséquences sur la TEOM. Ont-elles été mesurées ?
M. Jean Germain. - Je ne suis pas convaincu qu'il faille traiter de la fiscalité locale par petits bouts. Il faut plutôt une grande réforme incluant un nouvel acte de décentralisation. Mais je soutiens les propositions des rapporteurs et je ne comprends pas la proposition de notre collègue Charles Guené concernant une valeur locative nationale !
M. Charles Guené. - Je ne souhaite pas une valeur unique au niveau national mais des modalités de fixation harmonisées !
M. François Marc, rapporteur spécial. - J'insiste encore sur l'importance de distinguer des évolutions en pourcentage et en valeur absolue. S'agissant des équipements sportifs, la méthode suivie et le découpage en 38 catégories des locaux professionnels permettront de les traiter correctement.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Il est très important d'avoir des catégories fines et détaillées pour traiter correctement de chaque type de local professionnel. Pour la TEOM, l'unification des valeurs locatives en fonction de la réalité constatée des loyers devrait grandement faciliter sa mise en oeuvre dans les intercommunalités. Enfin, en ce qui concerne la valeur locative nationale dont parlait notre collègue Charles Guené, certes les prix n'étant pas les mêmes sur le territoire, nous ne pouvons pas uniformiser les valeurs mais, effectivement, dans un second temps et après avoir procédé à la révision proprement dite, il faudra évaluer les conséquences, notamment sur la péréquation.
M. Yvon Collin, président. - Je constate que la commission, à l'unanimité, donne acte de leur communication aux rapporteurs et les invite à poursuivre leurs travaux ainsi qu'ils l'ont annoncé.