Mercredi 15 février 2012
- Présidence de M. Gérard Bailly, président d'âge -Constitution du bureau
M. Gérard Bailly, président d'âge. - Il me revient, en ma qualité de président d'âge, d'ouvrir la première réunion de la mission commune d'information consacrée aux pesticides, dont la création a été décidée le 8 février par la Conférence des Présidents et dont la liste de 27 membres, à la proportionnelle des groupes, a été ratifiée hier en séance plénière.
La constitution de cette mission fait suite à une demande exprimée par le président du groupe socialiste dans le cadre du droit de tirage prévu par le Règlement du Sénat.
J'ai demandé à faire partie de cette mission commune car ce sujet me tient particulièrement à coeur : jeune agriculteur, j'ai manipulé, sans précaution aucune, de l'atrazine. On nous disait cinq litres à l'hectare, on en mettait six pour faire bonne mesure. Heureusement, les choses ont beaucoup changé depuis les années 1970, et les agriculteurs sont désormais sensibilisés à la dangerosité de ces produits, et les tracteurs ont des cabines. Avant-hier encore, un agriculteur poursuivait le groupe Monsanto devant un tribunal.
A l'invitation de M. Gérard Bailly, président d'âge, la mission procède à l'élection de son président. La candidature de Mme Sophie Primas est présentée.
Mme Sophie Primas. - Pourquoi suis-je candidate à la présidence de cette mission commune alors que je ne suis sénatrice, élue des Yvelines, que depuis le mois de septembre ? Il faut rappeler que ce département est certes en partie urbain, mais avant tout, agricole, ce que peu de gens savent. Ingénieur agricole de formation, je suis particulièrement sensible aux problèmes soulevés par les pesticides, tant dans les domaines politique et social, que médical et environnemental. Cette question concerne au premier chef les agriculteurs, mais bien d'autres personnes, aussi.
Avec la présidence de cette mission, peut-être ne me ferais-je pas que des amis, mais nous devons, en tant que parlementaires, aborder cette question de santé publique sans tabous.
Mme Sophie Primas est désignée présidente à l'unanimité.
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
Mme Sophie Primas - Je vous remercie. Nous allons procéder à la désignation du rapporteur de la mission. La candidature de Mme Nicole Bonnefoy a été proposée.
Mme Nicole Bonnefoy. - Je suis candidate à la fonction de rapporteur de cette mission commune d'information, parce que j'en ai demandé à mon groupe politique la création, car il me paraissait indispensable que nos concitoyens soient informés sur les pesticides. Vous avez, monsieur Bailly, évoqué l'actualité récente à travers la procédure opposant M. Paul François, président de l'association Phyto-Victimes à la firme Monsanto. Sénatrice élue de Charente, je le connais bien et je sais que les agriculteurs souhaitent être mieux informés des conséquences sur leur santé de l'utilisation des produits chimiques. Je me suis engagée auprès des agriculteurs qui ont décidé de briser l'omerta de porter à la connaissance du Sénat les difficultés qu'ils rencontrent. Le travail de l'association Phyto-Victimes est exemplaire et je me félicite de la décision prise par le tribunal avant-hier dans le procès qui opposait M. Paul François au groupe Monsanto, même si le groupe a décidé d'interjeter appel.
Avec la présente mission commune d'information, il ne s'agit pas de faire le procès de l'agriculture mais de prendre en compte la situation des agriculteurs qui souffrent et qui parfois meurent de l'utilisation des pesticides. Nous devons nous saisir de cette question et voir dans quelle mesure il est possible d'apporter des réponses concrètes aux problèmes soulevés, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des maladies professionnelles et l'indemnisation des victimes. Pour toutes ces raisons, je souhaite être nommée rapporteur de cette mission.
Mme Nicole Bonnefoy est désignée rapporteur à l'unanimité.
La mission commune d'information complète son bureau, qui est ainsi constitué :
Vice-présidents : MM. Gilbert Barbier, Pierre Bordier, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Mme Michelle Meunier, M. Henri Tandonnet.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Merci de m'avoir désignée. Le sujet est à la fois vaste et important, puisqu'il touche à la fois à l'agriculture, à la santé, à l'environnement et à l'alimentation. Aussi, je vous propose de nous en tenir à un ou deux sujets plutôt que de nous disperser. Ainsi, nous pourrons faire des propositions concrètes plutôt qu'un rapport fleuve trop théorique. Je souhaite donc que nous nous en tenions, dans un premier temps, à cibler les pesticides dans la chaîne professionnelle. Nous commencerons par la production et par l'homologation des produits, puis nous examinerons la réglementation, notamment en matière de mise sur le marché. Ensuite, nous passerons à l'utilisation de ces produits par les agriculteurs, à l'information dont ils disposent, à la prévention, aux effets des cocktails de produits et, enfin, à l'impact des pesticides sur la santé des agriculteurs. Désormais, les médecins s'intéressent à l'action des pesticides sur les maladies neuro-végétatives et sur les cancers, mais ces maladies professionnelles ne sont toujours pas reconnues et donc pas indemnisées. Nous devrons également faire le point sur le plan Ecophyto, sur le Grenelle de l'environnement et nous comparer à nos voisins, puisque la France est le premier utilisateur de pesticides en Europe. Cet important travail devrait nous prendre environ six mois : au terme de ce délai, nous remettrons notre rapport. Ensuite, pourquoi ne pas demander la prolongation de cette mission afin de publier un deuxième tome sur les questions restées en suspens, comme l'alimentation ou l'environnement ?
Un colloque sur les pesticides et la santé va se tenir au Sénat les 23 et 24 mars : les thèmes que j'ai évoqués seront abordés et tous les acteurs de la filière interviendront. Je vous invite à y participer.
M. Rachel Mazuir. - N'oublions pas les professionnels de l'agro-alimentaire, notamment dans la filière viticole. Dans mon département, certaines zones spécifiques semblent touchées par une épidémie de cancers dont on peut penser qu'ils sont dus à l'utilisation de produits phytosanitaires.
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous avons prévu une quarantaine d'auditions afin d'entendre toutes les parties prenantes de façon équilibrée.
Mme Laurence Rossignol. - L'équilibre est-il souhaitable ? Nous devons, avant tout, essayer de comprendre. Comme le sujet est vaste, nous devons délimiter un périmètre et trouver un fil conducteur.
Pourquoi ne pas commencer par les salariés qui travaillent dans les usines de pesticides et par les agriculteurs qui utilisent ces produits ? Ensuite, nous devrions distinguer les filières agricoles, car toutes n'ont pas recours aux mêmes produits. Enfin, pourquoi ne pas chercher à savoir ce qui se passe dans l'agroalimentaire ? Avec ce rapport, il faut essayer de réduire les risques sanitaires, les usages et les expositions afin d'accroître la sécurité de tous ceux qui sont exposés, directement ou indirectement, aux produits phytosanitaires. Bien sûr, nous devrons rencontrer les représentants de la Mutualité sociale agricole (MSA) et identifier les professions au contact de ces substances.
M. Gilbert Barbier. - En 2010, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a publié un rapport sur les pesticides et la santé, sous les signatures de MM. Claude Gatignol, député, et Jean-Claude Etienne, sénateur. Il serait intéressant de nous livrer à une analyse critique de ce rapport.
J'ai été l'auteur, en 2011, d'un rapport de l'OPECST sur les perturbateurs endocriniens qui faisait le point, entre autres, sur les conséquences des pesticides sur la santé des femmes enceintes. Enfin, n'oublions pas le cas des jardiniers amateurs qui utilisent ces produits de façon inconsidérée.
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous parlerons aussi des agents territoriaux en charge des espaces verts qui ont été particulièrement exposés, même si les collectivités territoriales essayent depuis quelques années de réduire l'utilisation des pesticides.
M. Joël Labbé. - Comme l'a dit Mme Nicole Bonnefoy, nous n'aurons pas le temps d'épuiser le sujet. Pourtant, il ne faudra pas oublier de traiter de la qualité de l'eau et de l'action des pesticides sur le phytoplancton marin. De même, il serait intéressant de voir comment, par des procédés « alternatifs », réduire l'utilisation de produits chimiques afin de minimiser leur impact sur l'environnement.
M. Gérard Bailly. - Les auditions pourront-elles être groupées ? Allons-nous recevoir les représentants de l'INRA ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Les auditions seront regroupées en demi-journées dans toute la mesure du possible et celle de l'INRA est, bien évidemment, incontournable.
M. Yannick Botrel. - J'ai bien compris que vous vouliez vous en tenir à quelques sujets pour mieux les approfondir. Cependant, il serait regrettable de ne pas examiner l'impact des pesticides sur la chaîne alimentaire.
Mme Sophie Primas, présidente. - Ce thème devrait être abordé dans le tome II.
M. Henri Tandonnet. - Va-t-on étudier les différents produits phytosanitaires ?
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Le tome I sera consacré à l'impact des pesticides sur la chaîne professionnelle. Le tome II permettra d'élargir le débat.
Quant au rapport de MM. Claude Gatignol et Jean-Claude Etienne, je rappelle qu'il a été très controversé puisqu'il a pu être considéré comme un éloge des pesticides et une négation de tout impact de ces produits sur la santé.
M. Gilbert Barbier. - Je n'ai pas dit qu'il fallait en faire l'apologie, mais la critique !
Mme Sophie Primas, présidente. - C'est pour cette raison que je prône un examen équilibré de cette question.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Je vous invite vivement à participer au colloque sur les pesticides et la santé qui se tiendra au Sénat les 23 et 24 mars et dont je vais vous distribuer le programme. Ce colloque sera suivi d'un documentaire très intéressant intitulé « Les combattants de la terre ».