Mercredi 7 septembre 2011
- Présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de M. Joël Bourdin, vice-présidentDeuxième loi de finances rectificative pour 2011 - Examen du rapport
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n°s 3713 et 3717 (2010-2011), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
M. Jean Arthuis, président. - Mes chers collègues, je me réjouis de votre présence à l'occasion de cette session extraordinaire imprévue durant la campagne sénatoriale. J'en profite pour saluer, avec émotion, ceux de nos collègues qui rejoignent notre commission pour la dernière fois -car ils n'ont pas souhaité revenir devant les électeurs- et les remercier de leur contribution à nos travaux.
Les circonstances sont exceptionnelles : nous allons entendre le rapporteur général sur un texte qui n'a pas encore été voté par les députés, sans avoir auditionné les ministres, retenus à l'Assemblée nationale.
Afin de parer à tout aléa, mieux vaut peut-être nous retrouver demain matin pour nous prononcer définitivement sur le texte transmis.
Mme Nicole Bricq. - Une proposition sage compte tenu du retard qu'ont pris les députés !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'y suis très favorable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avec ce collectif, rendu nécessaire par la crise des dettes souveraines dans la zone euro, la France est le premier État de la zone euro à tirer les conséquences de l'accord européen du 21 juillet, ce qui en dit long sur l'attitude des autres pays. Pour autant, ce texte ne se limite pas à la mise en oeuvre du nouveau plan d'aide à la Grèce. Cela dit, venons-en à l'essentiel, car le plan Fillon n'est que la conséquence du contexte très troublé sur les marchés financiers, qui accentue notre besoin d'inspirer la confiance dans une situation volatile, de convaincre que nous atteindrons les objectifs de solde en 2011 et en 2012.
L'essentiel, donc, c'est d'abord une crise de la dette souveraine qui s'étend désormais à l'Espagne et à l'Italie. La comparaison des taux d'intérêt à dix ans en juillet 2011 montre des écarts jamais enregistrés entre les Etats de la zone euro : 2,1 % pour l'Allemagne, contre 16,2 % pour la Grèce. La France, elle, fait mieux qu'en janvier dernier : 2,7 %, contre 3,3 %. Pour autant, l'écart avec l'Allemagne s'accroît : 0,6 point contre 0,4 en janvier dernier.
Quid de la Grèce ? Elle semble mal partie, en particulier pour des raisons de gouvernance... En mai, la Commission européenne a annoncé que le pays ne tiendrait pas plus l'objectif des dépenses en 2011 qu'en 2010, en raison de recettes moindres que prévu. Malgré le plan supplémentaire de juin 2011, la récession, a annoncé le ministre des finances grec le 2 septembre, sera de l'ordre de 5 % quand l'objectif était 3,5 %. Pour s'en tenir à une présentation pudique, l'hypothèse d'un réel défaut de la Grèce, et non celle d'un défaut partiel de 30 milliards sur laquelle est bâti le nouveau plan d'aide, paraît dès lors vraisemblable.
Le nouveau plan d'aide à la Grèce est extrêmement complexe. Il n'en existe d'ailleurs aucun document public de synthèse. A la lecture de la déclaration du 21 juillet et de la proposition de l'Institute of International Finance, qui sont les principales sources d'information à son sujet, on estime les pertes pour le secteur privé à environ 30 milliards d'euros. Ce montant représente 21 % des 135 milliards d'euros qui doivent être renouvelés d'ici 2021, raison pour laquelle les agences de notation considèrent la Grèce en défaut sélectif. Les dispositifs actuels d'aide aux États en difficulté, qui sont dimensionnés pour aider l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, sont insuffisants pour venir en aide à la fois à l'Espagne et à l'Italie.
Quelles sont les mesures proposées ? L'article 2 modifie les modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière (FESF) alors que l'accord du 11 mars n'est toujours pas en vigueur six mois après. Dans ces conditions, il est facile de s'y perdre. De fait, l'amendement du 13 juillet a été signé par tous les Etats, mais certains de nos partenaires reculent sa ratification au prétexte de cette nouvelle réforme dont on ne sait quand elle sera appliquée. Nous avons eu écho, cet été, des exigences finlandaises ou encore des atermoiements allemands auxquels la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe met fin aujourd'hui. Je me réjouis de cette position de la Cour d'autant qu'elle a manifesté les plus extrêmes réserves à l'égard de tout projet de fédéralisme budgétaire européen.
Cet article 2 étend le champ de la garantie de la France, initialement limité aux financements apportés aux Etats de la zone euro, à l'ensemble des interventions du FESF « pour assurer la stabilité financière » de la zone euro telles, que l'achat de titres sur le marché secondaire ou la recapitalisation des banques.
Quelles sont les incidences budgétaires de la participation de la France à la solidarité européenne ? Celle-ci prend trois formes. D'abord, les 8,9 milliards d'euros de prêts directs déjà versés à la Grèce conformément au premier plan d'aide. Constituant des opérations financières, ceux-ci impactent notre déficit budgétaire, mais non le déficit maastrichtien. Fin 2013, notre dette, dont le gardien vigilant est encore Jean-Pierre Fourcade, aura été majorée de 16,8 milliards, lorsque l'ensemble des prêts auront été accordés. Ensuite, viennent les garanties accordées aux émissions du FESF. Eurostat, malgré toutes ses imperfections, les inclut dans la dette des Etats, ce qui correspond à une majoration de 8,6 milliards d'euros pour la France à ce jour. Enfin, les 16,3 milliards d'euros de dotations en capital que la France devra verser au Mécanisme européen de stabilité (MES) à compter de 2013. Cette dépense budgétaire, analogue à un investissement financier dans une entreprise du secteur public, ne jouera pas sur le solde maastrichtien...
Mme Nicole Bricq. - ...mais il faudra bien la payer !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle sortie de crise ? Prenons garde de ne pas alimenter une spirale récessive en Europe. La zone euro n'améliorera pas la situation de ses finances publiques si les efforts de consolidation budgétaire sont annulés par leurs retombées sur la croissance. Si certains pays doivent impérativement respecter la trajectoire de convergence, les Etats en meilleure position doivent tenir compte des conséquences de leur politique budgétaire sur la croissance de l'ensemble de la zone euro. L'enjeu est loin d'être théorique : une politique de réduction massive du déficit emportera moins de conséquences négatives sur la croissance d'un pays si elle est menée isolément par un État. Le multiplicateur keynésien, d'après les calculs des économistes, pourrait même atteindre 2 dans la zone euro, ce qui veut dire qu'une réduction de 1 % du déficit se traduit par une baisse de 2 points du PIB. En bref, si la France doit se remettre dans les clous -c'est l'objectif du plan Fillon-, l'Allemagne pourrait parfois mener une politique plus expansive...
Mme Nicole Bricq. - Vous parlez d'or, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelles sont les pistes pour éviter la folie des marchés ? Certains, la foi chevillée au corps, défendent les euro-obligations. L'idée est de remplacer une partie des dettes nationales -correspondant à 40 % ou 60 % du PIB, afin d'inciter les Etats à diminuer leur dette- par une dette européenne, contractée par une agence européenne qui se financerait sur les marchés. Si un État faisait défaut, les autres se substitueraient à lui. Le schéma est, hélas !, trop beau pour être vrai ! Ce mécanisme, qui nécessiterait une unification permanente de la politique budgétaire des Etats, signifierait que chaque État se porte garant pour la totalité de la dette des autres Etats. Les taux d'intérêt en seraient renchéris, et leurs niveaux supérieurs à ceux obtenus actuellement par l'Allemagne et la France. Surtout, un tel mécanisme imposerait une modification du Traité sur le fonctionnement de l'UE, soit l'unanimité des Etats membres. Les euro-obligations, sur lesquelles des propos plus que réservés ont été tenus lors de la dernière réunion franco-allemande, seront peut-être, un jour, le point final d'une évolution qui n'a pas encore commencé... En l'état actuel, penser y parvenir par un coup de baguette magique serait totalement irréel.
Pour ma part, je préconise plutôt la création d'un Fonds monétaire européen (FME) à partir du FESF. Doté de 2 000 milliards, celui-ci permettrait de venir également en aide aux autres pays en difficulté que les quatre mis en cause. Les Etats continueraient de se financer en émettant des titres de dette, expliquent MM. Gros et Mayer dans un article d'août, que le FME, qui jouirait d'un statut de banque auprès de la banque centrale européenne (BCE), leur rachèterait en cas de crise de liquidités. Cette solution a, de plus, l'avantage d'être compatible avec l'article 123 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Certes, elle suppose que la BCE change de pratique. Est-ce trop lui demander ? Mieux vaut que ce soit elle qui « mange son chapeau », pour reprendre l'expression de l'économiste Patrick Artus, que l'Allemagne, où la Constitution fait obstacle à tout fédéralisme budgétaire. Sans compter que ce système sera plus propre qu'une monétisation pure et simple de la dette. Monsieur le président, vous nous invitez à formuler des propositions qui donnent de l'espoir ; je souhaite vivement que celle-ci soit approfondie !
Pour respecter la trajectoire de convergence, nous avons besoin des 11 milliards de mesures nouvelles du plan Fillon. Après avoir tenu l'objectif en 2010, le Gouvernement s'est fixé des objectifs plus ambitieux que la programmation pour les deux années suivantes : 5,7 % du PIB contre 6 % voté pour 2011, 4,5 % contre 4,6 % voté pour 2012. Les mesures supplémentaires, annoncées par le Gouvernement le 24 août, consistent en 10 milliards d'euros sur les recettes et 1 milliard sur les dépenses par rapport au droit actuel. Si les mesures entrant en vigueur en 2012 figureront logiquement dans les lois financières pour 2012, la moitié du rendement attendu relève de ce collectif : 6,2 milliards d'euros sur 11 avant le vote de l'Assemblée nationale. Dernier élément à souligner : le Premier ministre a annoncé que l'effort prévu dans la programmation pour 2013, soit 3 milliards d'euros, sera intégralement prévu par les lois financières pour 2012, notamment par l'utilisation d'un outil que j'affectionne particulièrement : le rabot. Puisse-t-il être manié sur une surface aussi large que possible...
M. Jean Arthuis, président. - ... et d'une main ferme !
Mme Nicole Bricq. - Il faudra faire mieux que l'actuel travail de manucure !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'ordre de grandeur est analogue à celui que j'indiquais à notre commission des finances en avril en parlant d'une fourchette de 10 à 15 milliards d'euros, puis de 11 milliards en juin. En somme, plus la situation devient difficile, plus on écoute la commission des finances du Sénat ... Avec la révision de l'hypothèse de croissance fin août, les 20 milliards d'euros environ qu'il faut trouver pour réduire le déficit de 5,7 % à 4,5 % du PIB entre 2011 et 2012 devront provenir en totalité de l'effort structurel, puisque l'on ne peut plus rien attendre de la conjoncture. Si l'on combine les 11 milliards d'euros annoncés le 24 août aux mesures déjà prévues par la programmation, on constate que l'effort se partage, de façon équilibrée, pour moitié entre maîtrise des dépenses et amélioration des recettes. Il n'est donc pas exact d'affirmer, comme on l'entend parfois, que le Gouvernement fait porter l'effort sur la recette et non sur les dépenses. Le plan Fillon du 24 août est un additif. Il faut l'analyser en le replaçant dans la cohérence d'ensemble.
Pour finir, venons-en à la révision de l'équilibre budgétaire. Ce collectif devrait acter un surcoût de déficit de 3,4 milliards d'euros qui s'explique par la diminution des recettes de l'impôt sur les sociétés et la hausse de l'inflation, en partie compensées par de nouvelles mesures fiscales. Le dérapage des dépenses de 1 milliard n'est pas gagé car l'inflation offre une marge de manoeuvre supplémentaire de 2,8 milliards pour respecter la norme « zéro volume ». C'est toute l'ambiguïté de la situation : l'inflation est une bonne nouvelle pour les administrations dépensières. Quant à la norme « zéro valeur », nous restons dans les clous grâce à l'annulation de crédits de 460 millions d'euros pour solder l'affaire des frégates de Taiwan. Ces observations devront naturellement être révisées à la lumière de l'éventuelle augmentation des charges du secteur social en raison du surcroît d'inflation et du montant final des Opex. En attendant, ce surcoût de déficit ne remet pas en cause la trajectoire de la charge de la dette de l'État.
Quelles seront les principales variations affectant le tableau de financement de l'État ? D'abord, un besoin de financement qui croît de 1,4 milliard. Puis des ressources de trésorerie en augmentation sans qu'il soit besoin d'accroître les émissions de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF), grâce, notamment, à la prudence des collectivités territoriales. La ligne « Autres ressources de trésorerie » est majorée de 1,5 milliard, correspondant essentiellement à la hausse de la provision pour charge d'indexation incluse dans le déficit budgétaire.
Pour autant, des tensions se font jour sur la dette de l'État. J'en veux pour preuve le creusement de l'écart des taux d'intérêt à dix ans entre la France et l'Allemagne durant l'été en raison d'une aversion de plus en plus marquée pour le risque, compte tenu des incertitudes pesant sur la dette grecque qui a profité à la France mais encore plus à l'Allemagne. La dégradation de la note des Etats-Unis et la contagion de la crise à l'Espagne et à l'Italie ont concentré l'attention des investisseurs sur la France, considérée parfois comme le pays noté triple A le plus fragile en raison de son déficit et de l'exposition, supposée ou réelle, de ses banques aux pays du Sud de l'Europe. En outre, les contrats d'assurance contre le défaut de paiement ou CDS ont atteint des niveaux record pour la France durant l'été. La prime de risque sur la dette française est deux fois plus importante que celle sur la dette allemande. Notre niveau de CDS est supérieur à celui de la Finlande, des Pays-Bas, de l'Autriche, des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Japon, de la Norvège, du Danemark ou encore de la Suède. Une information significative ! Il est donc urgent de relativiser les considérations corporatistes dans lesquelles notre monde politique semble s'être embourbé ces derniers jours !
M. Jean Arthuis, président. - Cette situation exige courage et lucidité ! Merci à M. Marini de sa proposition de créer un FME. Ce débat, qui porte au juste sur la gouvernance européenne, doit avoir lieu. Le pacte de stabilité, à force de transgressions et d'audaces, est devenu un pacte de menteurs et de tricheurs. Nous avons toléré les tricheries de la Grèce, notre responsabilité est engagée ! Il n'est pas question de laisser tomber ce pays. De fait, les pertes des créanciers ne seraient pas sans conséquence sur nos banques, nos compagnies et contrats d'assurance, le crédit de l'euro et sa pérennité. Chacun reprendrait sa monnaie nationale. Et tous ceux dont la monnaie, comme nous, serait dépréciée par rapport à l'euro verraient leur dette exploser. Nous serions dans la situation de l'Argentine quand le peso a décroché par rapport au dollar.
Point n'est besoin d'inscrire la règle d'or dans la Constitution, l'important est de la mettre en pratique tout en veillant, autre élément essentiel, à rétablir la compétitivité de notre pays.
Mme Nicole Bricq. - La crise de cet été a été révélatrice : l'Europe est un bateau ivre sans boussole. Tout le monde sait que l'accord du 21 juillet a été mis en place pour ne pas s'en servir. Pour m'en tenir à un exemple parmi d'autres, l'Allemagne réclame un engagement des créanciers privés ! Monsieur le rapporteur général, si ceux qui peuvent ne font rien, on aggravera effectivement le déficit dans la zone euro. Finalement, vous êtes plus keynésien que nous ! Mais n'oublions pas que l'Allemagne a payé une crise d'austérité pendant dix ans. Dans ces conditions, on peut comprendre qu'elle exige des garanties...
Cette considération m'amène aux eurobonds, que le SPD et le PS, qui se sont mis d'accord dès le 21 juin sur une stratégie globale, défendent sans en faire un talisman.
M. Jean Arthuis, président. - Trois ans de bonheur, et puis plus rien !
Mme Nicole Bricq. - Ils sont inséparables d'une taxe sur les transactions financières, que vous n'avez pas évoquée, d'une politique financière coordonnée. La gouvernance économique, c'est là où le bât blesse. Il est symptomatique que la déclaration de Mme Merkel et de M. Sarkozy ne l'évoque même pas, quand elle est sur la table du Parlement européen ! Nous avons besoin d'une gouvernance économique qui tienne la route !
M. Jean Arthuis, président. - C'était le pacte de stabilité. Hélas, les gouvernements l'ont torpillé en 2003 !
Mme Nicole Bricq. - Relisez le texte de Schröder dans Le Monde d'hier. J'en viens à la seconde partie. M. le rapporteur général a fait preuve de clairvoyance en annonçant un besoin de financement de 11 milliards d'euros dès juin. Mais, au juste, quelle est votre stratégie fiscale ? Vous avez utilisé la plus mauvaise méthode, celle qui recourt à des recettes de poche et vise certaines « niches ». Résultat, on vous a mordu la main et le Gouvernement a reculé. De toute façon, avec une croissance révisée à 1,75 %, ces mesures ne suffiront pas pour combler le déficit. Il vous faudra bien, un jour, vous attaquer aux recettes !
M. Yvon Collin. - Je n'aurai pas la cruauté de rappeler que M. Bourdin et moi-même, dans un rapport de 2007, demandions déjà une gouvernance économique européenne. L'idée a, depuis, gagné du terrain...
La monétisation de la dette est, sans doute, une piste à explorer. Sans remuer le couteau dans la plaie, rappelons que l'histoire a donné raison à ceux qui ont refusé de s'associer à la loi TEPA. Ne réitérons pas cette erreur qui consiste à engager une politique à contre courant du cycle économique. Pas de contraction en période de ralentissement économique ! Une telle politique, qui signifierait moins de richesse et plus de chômage, ne serait bonne ni pour la France ni pour l'Europe qui, contrairement à ce qu'affirment certains, ne nous l'impose pas.
M. Aymeri de Montesquiou. - Monsieur le rapporteur général, est-ce par souci d'autres corporatismes que vous n'avez pas évoqué le rapport de l'inspection générale des finances sur les niches fiscales et sociales ? Si toutes étaient frappées, la mesure serait peut-être mieux acceptée.
Monsieur le président, s'agissant du défaut de la Grèce, pourquoi ne pas envisager une chirurgie lourde qui consisterait à baisser la valeur de l'euro ? Ce serait bénéfique à notre commerce extérieur face à une Chine dont le yuan, d'après les économistes, devrait être évalué à 0,21 euro plutôt qu'à 0,11.
Pour finir, certains ont poussé des cris d'orfraie lorsque nous n'avons pas respecté les critères de Maastricht par facilité. J'en faisais partie...
M. Jean Arthuis, président. - Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale populaire de Chine me confiait, lors d'une récente visite à Paris, que la Chine allait bientôt acheter de l'euro. Ce n'est pas ainsi que nous ferons baisser la valeur de notre monnaie !
M. Claude Belot. - Nous devons voter ce collectif pour la Grèce dans l'urgence, mais aussi dans l'ignorance de la situation réelle dans la zone euro et notre pays, ce qui est choquant. Certaines banques, tel le Crédit agricole, ont prêté jusqu'à plus soif à la Grèce, pays qui a la particularité de ne pas avoir d'épargne propre ... A nous de sauver le soldat Crédit agricole, sinon tous les prêts en euros, qui constituent le socle de l'assurance-vie, sauteront.
Pourquoi se situer dans la seule perspective d'un euro fort ? Après un dérapage initial, l'euro s'est hissé à un niveau élevé, les Etats-Unis n'y sont pas pour rien. Résultat, la zone euro ne connaît pas de croissance structurelle depuis dix ans ! Avec un point de PIB supplémentaire, tous nos problèmes actuels seraient réglés grâce au produit fiscal. Les Suisses ont décrété, eux, une parité entre le franc suisse et l'euro de 1,20 ; tous les autres laissent filer leur monnaie. Nous sommes les seuls à ne pas nous protéger ! La valeur d'une monnaie doit être fixée en fonction de la capacité exportatrice du pays ; un point, c'est tout. Agissons vite, sinon tout s'écroulera comme un château de cartes !
M. François Fortassin. - Aider la Grèce est tout à fait normal. En revanche, je suis choqué, en tant que citoyen, que l'Europe ne lui demande pas de contreparties. Là-bas, ne pas payer d'impôts est un sport national. Faut-il l'accepter ? Malgré un ton martial, aucune mesure draconienne n'est prise... Je crains en outre la cure d'amaigrissement qui nous est proposée : elle pourrait diminuer le niveau des investissements dans notre pays. Ce sont eux qui ont permis de renouer avec la croissance après-guerre. Les fonctionnaires de l'État, dont je reconnais les grandes compétences, passent leur temps à retarder les investissements des collectivités territoriales. Va-t-on les laisser nous empoisonner ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très juste !
M. François Marc. - Avant la suspension des travaux, le rapporteur général avait eu raison d'évoquer le risque d'un texte adopté à la hâte durant l'été. « Tout va bien, la croissance est repartie », répétait de son côté le ministre lors de son audition sur le premier collectif à l'unisson avec les commissaires que nous avions rencontrés à Bruxelles. Nous aurions pu mieux anticiper.
Monsieur le rapporteur général, vous avez dressé un tableau sévère des eurobonds... Mais quel sera le statut des obligations du Fonds relevant de l'accord de juillet dernier ? S'ils sont perçus comme des produits spéculatifs par les agences de notation parce qu'ils reposent sur la garantie d'États comme l'Italie et l'Espagne, les conséquences seront gravissimes. Que penser de cet outil qui peut se révéler très risqué ?
M. Joël Bourdin. - J'approuve les mesures prises par le Gouvernement. Toutefois, le coup de rabot aurait pu être plus sévère quand la priorité absolue est de réduire notre risque financier. Que représente une moindre croissance par rapport à un déclassement de notre notation ?
Un débat sur la monétisation de la dette est utile. Néanmoins, les banques centrales, pour apporter des liquidités, se sont historiquement appuyées sur des titres solides -l'étalon-or-, puis, à partir de 1970-1971 avec le Gold Exchange Standard, sur l'or et le dollar. Avec le système proposé, tout reposerait sur l'achat de dettes pourries. Comment cela peut-il fonctionner ? Nous savons quel a été le résultat pendant la Révolution : on ne transforme pas de la mauvaise dette en or !
M. Jean Arthuis, président. - Au fond, le FME s'approche de la Société de financement de l'économie française.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Certes ! Pour autant, la banque centrale américaine, la FED, a absorbé des montants fantastiques de créances de qualité variable sans mettre en péril tout le système ! Seuls les banques centrales sont autorisées à devenir des...
M. Jean Arthuis, président. - Bad banks !
Mme Fabienne Keller. - Je remercie le rapporteur général et le président pour la clarté de leur présentation, mais je m'interroge sur la crédibilité, pour les marchés financiers, de ces plans qui se succèdent... Le chiffre de couverture du risque n'est pas suffisant, et nous sommes dans une spirale infernale.
Ne risque-t-on pas une dépression si tous les Etats européens appliquent de concert des restrictions budgétaires ? Reste que l'assainissement des finances publiques est nécessaire -même l'Allemagne estime, selon ses propres critères, qu'elle a un déficit important - afin de pouvoir bénéficier d'un rebond. L'équilibre à trouver n'est pas simple, les facteurs sont à la fois financiers et psychologiques, si l'on veut que les acteurs économiques continuent à investir, à créer de l'emploi et de la croissance.
Je plaide pour une taxe sur les transactions financières, seule ressource externe pour doter le budget national et européen d'une marge de manoeuvre supplémentaire et vertueuse. On nous disait l'interdiction des ventes à découvert impossible ; depuis le 12 août, des mesures ont été prises !
Enfin, ce sujet n'appelle-t-il pas une coopération renforcée entre parlementaires des pays concernés, sur la lancée des déplacements européens effectués par notre commission au printemps dernier ? Les traités européens nous permettent d'imposer à la Commission européenne de travailler sur certains sujets : utilisons cet outil !
M. François Trucy. - Ce débat marque une étape importante dans la réflexion de notre commission, Cassandre trop rarement entendue...
Quand on se marie, on n'est pas sûr d'être trompé ; en prêtant à la Grèce, on est certain qu'elle ne pourra jamais remplir ses obligations ! N'ayons pas d'illusions : la morale économique des pays du Sud de l'Europe n'est pas celle des pays du Nord, et ils n'ont aucune intention d'adopter une politique de rigueur !
M. Yann Gaillard. - Une question au rapporteur général : quand pensez-vous que la note de la France sera dégradée ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je n'ai pas entendu la question !
M. Yann Gaillard. - Et ne risque-t-il pas de venir à l'esprit d'une agence de notation de noter la BCE ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela ne se fait pas.
Deuxième loi de finances rectificative pour 2011 - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État
La commission procède ensuite à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
M. Jean Arthuis, président. - Madame la ministre nous rejoint, l'article d'équilibre a été voté à l'Assemblée nationale. Je dois vous quitter pour m'entretenir avec le Premier ministre de la réunion éventuelle du Congrès pour le vote de la « règle d'or ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Madame la ministre, nous avons surtout évoqué la conjoncture économique et financière européenne et internationale, et l'article 2 du projet de loi, plus que les mesures du plan d'ajustement.
Je remercie madame Bricq de ses appréciations élogieuses. Une loi de finances rectificative, a fortiori en fin de législature, se contente d'ajuster et de corriger ; elle n'exprime pas une stratégie fiscale, qui suppose un débat, une adhésion de l'ensemble du corps électoral... La loi de finances rectificative permettra de respecter la trajectoire de convergence, via des mesures techniques, de rendement, déjà préparées par l'administration. Ce n'est pas une stratégie fiscale globale qui suppose de consulter directement le peuple.
Monsieur Collin redoute des effets pervers du plan d'ajustement sur la croissance. Mais une éventuelle remise en cause de la notation de la France aurait des conséquences infiniment pires que toute mesure de rigueur dans la gestion des dépenses ! Rester sur notre trajectoire de réduction des déficits, voilà la seule manière d'éviter l'enchaînement irrationnel, la crise auto-réalisatrice qui frappe l'Italie ou l'Espagne - enchaînement qui ne pourrait être corrigé qu'au prix de sacrifices bien plus lourds !
Monsieur de Montesquiou a cité le remarquable rapport de l'IGF, qui vient compléter le nôtre. Il est courageux de demander à une petite catégorie de rendre tout son avantage, quitte à susciter l'ire de groupes d'intérêt, mais cela rapporte moins que d'écorner un peu tous les avantages. Si l'effort était réparti sur une base plus large, en frappant tous les régimes, la discipline serait sans doute mieux acceptée. Ce n'est pas la voie qui a été choisie...
Messieurs Marc et Belot ont évoqué le risque de défaut de la Grèce et la question de la parité monétaire. La BCE a atteint les limites de son rôle : l'euro fort nuit à l'économie réelle. Face à la politique monétaire plus accommodante des Etats-Unis, l'Europe s'inflige des contraintes qui nuisent à sa compétitivité.
Monsieur Fortassin, je sais l'irritation que les fonctionnaires de l'État provoquent chez les élus locaux, mais c'est un autre débat...
Monsieur Marc m'a reproché d'avoir dressé un portrait à charge des euro-obligations. Mais un tel système supposerait de changer les règles du jeu en Europe, d'obtenir une impossible unanimité, de bousculer l'Allemagne en lui demandant ce que sa loi fondamentale interdit, comme l'a rappelé ce matin même la cour de Karlsruhe. C'est un arrêt de mort.
Mme Nicole Bricq. - Pas du tout.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une formation politique ne peut proposer un outil de financement aussi manifestement contraire aux obligations constitutionnelles de notre principal partenaire, clé de voute de la zone euro !
J'ai répondu à monsieur Bourdin sur la Réserve fédérale américaine. S'agissant de la taxe sur les transactions financières, évoquée par madame Keller, madame la ministre peut-elle nous dire comment elle entend cheminer vers ce louable objectif ?
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. - Veuillez excuser François Baroin, retenu à l'Assemblée nationale. Ce collectif fait suite au plan de sauvetage de la Grèce annoncé le 21 juillet et au plan anti-déficit présenté par le Premier ministre le 24 août dernier. Le Gouvernement est conscient des contraintes que ces délais d'examen très courts font peser sur votre commission et sur le Sénat, en cette période de renouvellement. Nous avons associé votre Président et votre Rapporteur général aux discussions préalables, afin que votre commission puisse d'ores et déjà se faire entendre.
Cette réactivité traduit l'implication très forte de notre pays dans le traitement de la crise grecque, ainsi que sa détermination à respecter ses engagements de réduction de déficits, quelles que soient les circonstances.
Premier volet de ce texte : la transposition des nouvelles modalités de soutien à la Grèce. D'une série de crises de la dette restées à l'échelle domestique, la situation évoluait vers un problème systémique qui menaçait la stabilité de toute la zone euro. Les taux de refinancement des pays périphériques atteignaient des niveaux historiques. Il fallait contenir la menace pour éviter une grave perte de confiance dans notre monnaie. D'où ce plan inédit de stabilisation de la zone euro, dont les fondamentaux économiques sont par ailleurs solides, visant à rétablir le calme sur les marchés en renforçant le FESF.
Lors du sommet du 11 mars 2011, les chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro avaient déjà porté la capacité effective de prêt du FESF à 440 milliards d'euros, et l'avaient autorisé, à titre exceptionnel, à souscrire des titres des Etats bénéficiaires sur le marché primaire, mesures traduites en France par le collectif du 7 juin. Face à l'aggravation de la crise de la dette souveraine, ils ont décidé le 21 juillet 2011, sous l'impulsion du Président de la République et de la Chancelière allemande, de nouvelles mesures, poursuivant plusieurs objectifs : traiter le cas spécifique de la Grèce, en améliorant la soutenabilité de sa dette ; aligner les conditions des prêts à l'Irlande et au Portugal sur les nouvelles conditions de prêt à la Grèce ; conforter les stratégies de redressement des finances publiques dans la zone euro ; renforcer la gouvernance économique européenne ; enfin, doter la zone euro d'une véritable force de frappe, en renforçant les capacités d'action du FESF.
Une disposition législative était nécessaire pour étendre la garantie française aux nouvelles prérogatives du FESF. Désormais, celui-ci pourra intervenir de manière préventive, aider un Etat à recapitaliser son secteur bancaire et surtout intervenir sur le marché secondaire. Le Parlement recevra désormais une information semestrielle, avec un récapitulatif précis des opérations du Fonds. Les prêts accordés par le Fonds aux Etats en difficulté constituent une opération financière neutre. La dette de la France sera augmentée au fur et à mesure des emprunts contractés par le FESF, à due proportion de sa participation au Fonds, mais elle est essentiellement comptable et ne se traduit pas par une charge d'intérêt supplémentaire pour l'Etat.
Les chefs d'Etat et de Gouvernement ont souhaité que les décisions prises le 21 juillet soient mises en oeuvre au plus vite. Les inquiétudes des investisseurs plaident aussi en ce sens. Les Etats de la zone euro se sont engagés à soumettre des textes à leur parlement aussi rapidement que possible. Plusieurs dispositions devront être précisées, notamment sur l'implication du secteur privé, la participation du FMI, ou les collatéraux demandés par la Finlande.
L'Allemagne présente actuellement son projet de loi de transposition des décisions du sommet et, ce matin même, la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe a déclaré conforme le plan d'aide à la Grèce. L'engagement de la France et de l'Allemagne sera un signal fort pour nos partenaires et pour les investisseurs. La France est le premier pays à entamer le processus de ratification des accords du 21 juillet, preuve de notre détermination à rétablir la confiance des marchés.
Ce collectif témoigne également, dans son second volet, de la détermination du Gouvernement à respecter ses engagements de réduction des déficits. Nous tirons immédiatement les conséquences de l'évolution des perspectives de croissance. C'est la condition de notre crédibilité. Le Premier ministre a donc annoncé un effort supplémentaire de 1 milliard d'euros en 2011 et 11 milliards en 2012, que ce collectif traduit en partie.
Premier principe, ce plan garantit le respect de notre trajectoire de réduction du déficit : 5,7 % en 2011, 4,5 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % en 2014. Nous avons pris en compte l'effet de la révision de nos hypothèses économiques sur l'ensemble des administrations publiques. Elle pèse au premier chef sur l'Etat, dont les recettes et les dépenses sont plus sensibles aux évolutions de la conjoncture. Le produit de l'impôt sur les sociétés est ainsi révisé à la baisse de 3 milliards d'euros. L'inflation étant supérieure aux prévisions, la charge de la dette liée aux obligations indexées sera accrue de 1,4 milliard. Dans le même temps, nous estimons que les recettes des administrations de sécurité sociale seront supérieures de 2 à 2,5 milliards à ce que nous attendions. La création de 126 000 emplois au cours du seul premier semestre 2011 se traduira par une augmentation du produit des cotisations sociales. Nous prévoyons également une amélioration de la situation des operateurs publics et, dans une moindre mesure, des collectivités locales, pour un minimum de 1,5 milliard d'euros.
Afin de sécuriser notre objectif de réduction du déficit, le Premier ministre annonce un effort supplémentaire de 1 milliard d'euros dès 2011, qui améliorera le solde budgétaire de l'Etat en redressant ses recettes. Les dépenses respecteront strictement la norme du « zéro valeur », grâce à l'annulation de 460 millions d'euros pour compenser la dépense liée aux frégates de Taiwan. Nous limitons ainsi la dégradation du solde à 3,4 milliards d'euros. C'est une dégradation temporaire : grâce à l'effort demandé aux Français, l'objectif de réduction du déficit public sera tenu.
Deuxième principe : ne pas casser une croissance convalescente, donc ne pas remettre en cause les niches qui favorisent la compétitivité et l'emploi, et faire porter l'effort sur l'épargne plutôt que sur la consommation ou l'investissement. Il faut d'abord compenser l'impact du ralentissement de la croissance sur les recettes publiques. Bien entendu, nous poursuivrons notre effort de maîtrise des dépenses publiques en 2011 et nous l'accélérerons en 2012. Je compte sur votre soutien en la matière ! Grâce au respect des normes de dépense, au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, au respect de l'Ondam, nous sommes parvenus, en quatre ans à peine, à freiner la progression continue des dépenses publiques depuis trente ans. Cela représente 16 milliards d'économisés chaque année ! Pour 2012, le Premier ministre a annoncé 1 milliard d'euros de dépenses en moins, dont nous aurons à déterminer ensemble la répartition. C'est la condition sine qua non de la réduction des déficits.
Troisième principe : l'équité. Ceux qui ont plus contribueront davantage : 45 % de l'effort annoncé reposera sur les grandes entreprises et 37 % sur les hauts revenus et le patrimoine. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont conforté cette juste répartition des efforts.
Juste répartition entre les entreprises, tout d'abord. Ainsi de la limitation de la possibilité offerte aux entreprises bénéficiaires de reporter leurs déficits, première étape de la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne. Cette mesure, qui revient à créer une imposition minimale pour les grandes entreprises, réduira l'écart d'imposition entre grands groupes et PME, et générera une recette supplémentaire d'un demi-milliard dès 2011 et de 1,5 milliard en 2012. Elle accélérera le redressement des recettes de l'impôt sur les sociétés et le rendra moins volatil. C'est aussi par souci d'équité que nous avons proposé la suppression du bénéfice mondial consolidé, qui aboutissait à une sous-taxation des grands groupes.
L'équité fiscale est également au coeur de la répartition des efforts demandés aux ménages, avec l'augmentation de 1,2 % du taux des prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine. C'est un nouveau pas vers le rapprochement de l'imposition des revenus du capital et des revenus du travail. Nous en attendons 190 millions dès 2011, 1,3 milliard en année pleine. Les 5 % des ménages les plus aisés acquitteront à eux seuls plus de la moitié de la recette supplémentaire.
Taxer le patrimoine, c'est aussi poser la question des plus-values immobilières. Aujourd'hui, à partir de la cinquième année, les détenteurs d'un bien immobilier bénéficient chaque année d'un abattement de 10 % supplémentaires sur leurs plus-values en cas de cession. Ce dispositif extrêmement favorable conduit de nombreux propriétaires à attendre avant de vendre, ce qui entretient la pénurie de logements et donc la hausse des prix.
Le Gouvernement en avait donc initialement proposé la suppression. Nous avons travaillé avec les parlementaires, et notamment avec Gilles Carrez, avec pour but de ne pas déstabiliser le marché et de ne pas pénaliser les Français dont la résidence secondaire correspond à un projet de vie. Ce travail a conduit l'Assemblée nationale à décaler l'entrée en vigueur du dispositif au 1er février 2012. Nous compenserons le manque à gagner, estimé à 180 millions, par la mise en oeuvre anticipée du doublement de la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values sur les titres de participation détenus depuis plus de deux ans par les entreprises. Nous avons également repoussé la date de l'exonération totale des plus-values à trente ans, avec un abattement progressif à compter de la cinquième année de détention. La courbe -pas d'abattement pendant cinq ans, puis 2 % par an pendant douze ans, 4 % pendant sept ans, 8 % pendant six ans- a été établie en tenant compte des taux d'inflation observés sur les vingt-cinq dernières années.
Ainsi amendée, la mesure rapportera 1,975 milliard d'euros, au lieu des 2,2 milliards escomptés. La différence sera compensée par la suppression de l'abattement forfaitaire de 1 000 euros pour les plus-values immobilières, pour un montant de 40 millions, par l'instauration de droits d'enregistrement sur les cessions de parts de SCI réalisées a l'étranger sur des biens immobiliers en France, pour 100 millions, et par la suppression du bénéfice mondial consolidé.
Nous poursuivons également notre politique de réduction des niches fiscales et sociales qui ont perdu leur justification. L'exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d'assurance pour les contrats dits « solidaires et responsables », qui visait à en favoriser l'émergence, a-t-elle encore lieu d'être, une fois l'objectif atteint, puisque ces contrats constituent la large majorité des contrats signés ? Nous vous proposons de la supprimer, et, pour éviter un report sur d'autres types de contrats, d'appliquer un taux majoré de 9 % à ceux qui ne répondent pas à ces critères. Cette mesure, qui générera 100 millions d'euros en 2011 et 1,1 milliard en année pleine, ne concernera en aucun cas les Français les plus fragiles. Les 4 300 000 bénéficiaires de la CMU ont une complémentaire gratuite, et je rappelle que nous avons mis en place une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé et augmenté de 70 % le nombre de ses bénéficiaires entre 2005 et 2010.
Enfin, ce collectif prévoyait le rétablissement du taux normal de TVA sur les entrées des parcs à thème. L'application du taux réduit de TVA, en 1986, devait alors encourager l'émergence d'un secteur encore embryonnaire. Depuis lors, le succès des parcs à thème ne se dément pas et ils ont su dégager d'autres recettes fort dynamiques : la restauration, qui bénéficie toujours d'une TVA à 5,5 %, l'hôtellerie ou les produits dérivés. Dès lors, il y avait lieu de s'interroger sur le maintien d'un régime dérogatoire qui, au surplus, crée une distorsion de concurrence avec les parcs aquatiques ou les activités en plein air.
Le Gouvernement a entendu les réserves des uns et des autres sur cette proposition. Nous avons travaillé avec les parlementaires, avec pour exigence que toute modification soit intégralement compensée. La commission des finances de l'Assemblée nationale a ainsi proposé une taxe de 14 % sur le prix des nuitées dans les hôtels de 4 étoiles et plus, pour un rendement de 700 millions. Cela nous a paru être une ponction excessive sur un secteur soumis à une forte concurrence internationale, et qui a beaucoup investi. Sur proposition du Gouvernement, cette taxe a été limitée à 2 % des nuitées dont le prix est supérieur ou égal à 200 euros.
Ce collectif marque une nouvelle étape sur le chemin vers le désendettement. La France est réaliste et crédible, plus qu'elle ne l'a jamais été en année préélectorale ! Grâce à ce texte, la France sera au rendez-vous de ses engagements. A l'issue des discussions que nous avons eues avec le président et le rapporteur général, toutes les conditions me paraissent réunies pour qu'il puisse être adopté en l'état par la Haute assemblée.
M. Joël Bourdin, vice-président. - Merci, Madame la ministre, pour cet exposé clair et complet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'impact budgétaire des amendements adoptés à l'Assemblée nationale représenterait, pour l'ensemble des administrations publiques, des recettes supplémentaires de 135 millions pour 2011, et pour 2012, de 22 millions. La proposition de Jérôme Chartier sur les conditions fiscales d'acquisition d'investissements immobiliers en France par des SCI à capitaux étrangers se traduirait en particulier par une augmentation des droits de mutation à titre onéreux de 19 millions pour les collectivités territoriales. Confirmez-vous ces chiffres, Madame la ministre ?
M. François Marc. - Je remercie Madame la ministre de nous avoir apporté des précisions techniques qui nous manquaient. Aurons-nous connaissance du projet de loi de finances pour 2012 plus tôt que d'ordinaire, dès le conseil des ministres du 21 septembre ?
La sphère financière s'interroge sur la crédibilité du FESF comme outil de soutien aux économies en difficulté. On muscle le Fonds en l'appuyant sur des garanties nationales : cela ne revient-il pas à aider la Grèce avec des fonds qu'elle garantit elle-même ?
D'accord pour supprimer le bénéfice mondial consolidé, mais votre effort en matière de convergence fiscale entre entreprises est bien modeste : un demi-milliard seulement ! Notre proposition de loi sur l'impôt sur les sociétés aurait généré 2 milliards d'euros par an, avec un dispositif d'impôt minimum.
S'agissant de la charge de la dette, la situation est grave. On table sur les recettes de la sécurité sociale et des collectivités locales pour préserver la trajectoire, mais reste que le solde de l'Etat s'est dégradé de 3,4 milliards ! Les graphiques que nous a présentés le rapporteur général sont bien inquiétants...
M. Yvon Collin. - La politique monétaire de la BCE reste trop conventionnelle, malgré le rachat de certaines dettes souveraines. Ne devrait-elle pas s'engager dans des opérations de monétisation des dettes publiques ? L'équilibre macroéconomique de la zone euro ne permet-il pas une telle politique, l'inflation étant essentiellement importée ? Que pensez-vous de cette solution ? Je pense qu'elle finira par être adoptée, mais peut-être sera-t-il trop tard...
Mme Valérie Pécresse. - Monsieur Marc, nous nous étions mis en situation de présenter le projet de loi de finances initiale le 21 septembre, mais la situation a changé avec le dépôt de ce collectif... Aussi je ne pourrai présenter les articles fiscaux du PLF dès le 21 septembre : ils doivent avoir été préalablement soumis à l'examen du Secrétariat général du gouvernement et du Conseil d'Etat. Nous pourrons travailler en amont sur les articles budgétaires, qui sont prêts et sont déjà devant le Conseil d'Etat, mais la Direction de la législation fiscale, qui dépend de M. Baroin, étant très sollicitée actuellement, le PLF sera plutôt déposé lors du conseil des ministres du 28 septembre. J'en suis désolée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pouvons-nous en déduire que des mesures prévues pour le PLF pour 2012 se trouvent dans le collectif ?
Mme Valérie Pécresse. - Le collectif comprend plus de 6 milliards d'euros de mesures du plan Fillon, dont certaines relèvent du PLFSS. Nous allons voter dans ce collectif l'essentiel de l'accroissement de l'effort en matière de recettes. Il faudra prendre le temps d'examiner les mesures votées dans ce cadre, et analyser les évolutions de la situation entre le collectif et le PLF pour 2012.
Monsieur Marc, le FESF est lui-même noté AAA, et emprunte donc à 3,5 %.
M. François Marc. - Jusqu'à présent !
Mme Valérie Pécresse. - Il est noté AAA car il est garanti par des Etats eux-mêmes notés AAA ! Les Etats auxquels on prête, comme la Grèce, ne garantissent plus la levée de fonds. Le FESF prêtera au taux auquel lui-même se finance : c'est une bouffée d'oxygène pour la Grèce.
S'agissant de la convergence fiscale entre PME et grandes entreprises, vous oubliez d'ajouter aux 500 millions d'euros les 150 millions que représente le bénéfice mondial consolidé (BMC). En 2012, le total sera de 1,7 milliard, dont 200 millions du BMC, auxquels il faut ajouter le doublement de la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values sur les titres de participation détenues depuis plus de deux ans, qui concerne essentiellement les grands groupes : c'est la niche dite Copé. Etant donné que dix-sept Etats européens défiscalisent la vente des titres détenus par les entreprises, une taxation trop lourde des plus-values entraînerait une évasion de l'assiette. Nous ne pouvons faire plus que ce frottement fiscal.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pourquoi parle-t-on de « niche Copé » ? C'est moi qui l'ai proposée !
Mme Valérie Pécresse. - Raison de plus pour la conserver !
Les mesures de convergence fiscale sont donc déjà importantes, et M. Carrez veut aller encore plus loin dans le PLF. Rassurez-vous, la France n'est pas un paradis fiscal pour les grands groupes !
Les recettes des collectivités locales sont moins sensibles que celles de l'Etat à la conjoncture : nous nous réjouissons de les voir augmenter, notamment grâce à la forte progression des droits de mutation à titre onéreux, dont nous escomptons une accélération d'ici la fin de l'année, avec le report de la taxation annoncée des plus-values immobilières.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les vendeurs vont se précipiter !
Mme Valérie Pécresse. - Cela pourrait se traduire par une baisse des prix immobiliers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les notaires pourront nous remercier !
Mme Valérie Pécresse. - Ainsi que les collectivités locales, qui, contrairement à l'Etat, n'ont pas vu leurs recettes baisser pendant la crise.
M. François Marc. - C'est Perrette et le pot au lait...
Mme Valérie Pécresse. - La bouteille de champagne, plutôt !
M. François Marc. - Ce n'est pas ce que disent les agents immobiliers...
Mme Valérie Pécresse. - Ils anticipaient l'adoption du projet initial du Gouvernement ! Ce serait un comportement irrationnel que de retirer son produit de la vente en ce moment !
Nous suivons scrupuleusement notre trajectoire d'endettement, mais nous ne nous désendetterons pas tant que le déficit ne sera pas inférieur à 2,2 % c'est-à-dire à compter de 2014. L'objectif doit être celui de l'équilibre budgétaire : d'où l'importance de consacrer la « règle d'or »...
Monsieur Collin, la BCE est indépendante. Elle gère la politique monétaire de la zone euro en tenant compte de son histoire, de l'intérêt de l'ensemble des États membres, et du pacte anti-inflation qui est son mandat constitutif. Loin d'être inactive, elle intervient sur le marché secondaire, réduit les dysfonctionnements, évite les spéculations, les attaques injustifiées sur tel ou tel pays. Elle doit rester crédible.
M. Joël Bourdin, vice-président. - Je vous remercie. Le rapporteur général ne proposant aucun amendement, je vous propose d'adopter ce projet de loi de finances rectificative sans modification. Nous verrons demain matin si nous maintenons cette position, au vu des ultimes votes qui seront intervenus à l'Assemblée nationale.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'ensemble des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Jeudi 8 septembre 2011
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Deuxième loi de finances rectificative pour 2011 - Examen définitif du rapport
Au cours d'une première réunion, la commission procède à l'examen définitif du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 786 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
M. Jean Arthuis, président. - Suite à la suspension de nos travaux hier soir après l'audition de Valérie Pécresse, nous sommes réunis ce matin pour l'examen définitif du rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 adopté par l'Assemblée nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale n'a adopté en début de soirée d'hier aucune disposition de nature à modifier la position prise par la commission, à savoir une adoption sans modification. Nous pouvons donc confirmer notre vote d'hier.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'améliorer le solde des administrations publiques en 2011 de 135 millions d'euros, répartis en une amélioration du solde de l'Etat de 206 millions d'euros et une perte de recettes pour les autres catégories d'administrations publiques de 71 millions d'euros. L'amélioration provient essentiellement des mesures relatives à l'impôt sur les sociétés : l'anticipation en 2011 de la revalorisation de la quote-part pour frais et charges relative aux plus-values de cession de titres de participation et la suppression du bénéficie mondial consolidé.
Pour 2012, les modifications apportées par l'Assemblée nationale procurent des recettes en hausse de 22 millions d'euros par rapport au plan annoncé le 24 août, répartis en une amélioration des recettes de l'Etat de 83 millions d'euros, une réduction des recettes de la sécurité sociale de 80 millions d'euros et une amélioration des recettes des collectivités territoriales de 19 millions d'euros.
Les débats à l'Assemblée nationale ont également conduit au retrait de l'une des mesures figurant dans le plan du 24 août (la suppression du taux réduit de TVA sur les parcs à thème), à la modification d'une autre (le régime des plus-values immobilières), à l'anticipation d'une troisième (la quote-part pour frais et charge précitée) et à l'ajout de deux nouvelles mesures (la suppression du régime du bénéfice mondial consolidé et la création d'une taxe sur les nuitées d'hôtel de plus de 200 euros). Le texte prévoit aussi la remise d'un rapport sur l'opportunité de modifier la convention fiscale franco-suisse.
S'agissant de l'équilibre du projet de loi de finances rectificative (PLFR) proprement dit, l'Assemblée nationale a donc amélioré le solde du budget de l'Etat de 206 millions d'euros, portant le déficit à 95,5 milliards d'euros. Cette amélioration résulte :
- d'une minoration de 109 millions d'euros des recettes d'impôt sur le revenu attendues des dispositions de l'article 1er A, relatif au régime des plus values immobilières. Le détail de la ventilation en 2011 de cette moins-value entre les différentes dispositions de l'article n'est pas fourni ;
- d'une majoration de 170 millions d'euros des recettes d'impôt sur les sociétés du fait de l'adoption de l'article 1er CA, qui prévoit l'augmentation de la quote-part pour frais et charges relative aux plus-values de cession des titres de participation pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. Dans la version initiale du « plan Fillon » présenté le 24 août 2011, cette disposition ne devait entrer en vigueur qu'en 2012 ;
- d'une majoration de 150 millions d'euros des recettes d'impôt sur les sociétés, en raison de l'adoption de l'article 1er CB, qui abroge le régime du bénéfice mondial consolidé dès 2011 ;
- d'une minoration de 13 millions d'euros des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en raison de la suppression de l'article 1er C, relatif à la TVA applicable aux droits d'entrée dans les parcs à thème ;
- d'une majoration de 8 millions d'euros des « recettes diverses », en raison de la création de la taxe sur le chiffre d'affaires relatif aux prestations d'hébergement due par les personnes exploitant un établissement hôtelier dont le prix de la nuitée est supérieur à 200 euros.
En conséquence de ces modifications, le tableau de financement est modifié et la variation nette des bons du Trésor à taux fixe (BTF) est réduite de 0,2 milliard d'euros.
Mme Nicole Bricq. - Merci au rapporteur général d'avoir détaillé le dispositif gouvernemental pour trouver des « recettes de poche ».
Sans anticiper sur le débat en séance publique, je m'interroge sur le nouvel article 5, issu d'un amendement de nos collègues députés du Nouveau centre. Il prévoit un rapport sur la possibilité d'instaurer un système visant à récupérer quelques milliers d'euros sur les dépôts en Suisse de ressortissants français, à l'instar de ce qu'a fait l'Allemagne et de ce que s'apprête à faire le Royaume-Uni.
Ces dispositions sont à l'antithèse des positions défendues par la commission des finances dans la lutte contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale. Je déposerai donc un amendement.
C'est la porte ouverte à l'avalisation de la fraude fiscale alors que j'entends dire que 90 milliards d'euros seraient cachés sur des comptes en Suisse.
Ce n'est pas la bonne méthode pour trouver de nouvelles recettes budgétaires.
M. Jean Arthuis, président. - Il est dommage que le Royaume-Uni et l'Allemagne aient déjà négocié avec la Suisse, ce qui montre la faiblesse de la gouvernance européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Permettez-moi d'apporter quelques précisions techniques, en précisant qu'il s'agit d'une initiative de nos collègues députés membres du Nouveau centre.
La loi du 12 octobre 2010 a autorisé l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Elle a notablement amélioré les principes sur lesquels repose l'échange de renseignements fiscaux entre nos deux pays.
Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article 28 de la convention prévoit un alignement sur les standards de l'OCDE. En effet, comme pour les autres accords que la France a récemment signés, il prévoit que « les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. » De ce fait, l'échange d'information n'est plus limité, comme auparavant, à la seule application de la convention.
D'autre part, ce même article prévoit qu'« en aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne. Aux fins de l'obtention des renseignements mentionnés dans le présent paragraphe, nonobstant le paragraphe 3 ou toute disposition contraire du droit interne, les autorités fiscales de l'Etat contractant requis disposent ainsi des pouvoirs de procédure qui leur permettent d'obtenir les renseignements visés par le présent paragraphe ». En clair, ce texte interdit à la Suisse de refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement son secret bancaire.
Enfin, l'article relatif aux modalités de l'échange de renseignements :
- prohibe la « pêche aux renseignements », et, de manière générale, ne prévoit pas d'échange de renseignements spontané ou automatique ;
- mais, sur la forme de la demande, ces lettres ouvrent la possibilité de communications d'informations relatives à un contribuable dont le fisc français n'aurait pas déterminé la banque ; ainsi, il est prévu que « dans le cas exceptionnel où l'autorité requérante présumerait qu'un contribuable détient un compte bancaire dans l'Etat requis sans pour autant disposer d'informations lui ayant permis d'identifier avec certitude la banque concernée, elle fournira tout élément en sa possession de nature à permettre l'identification de cette banque. L'Etat requis donnera suite à une telle demande, à la condition que celle-ci soit conforme aux dispositions de la convention.
Nos partenaires allemands et britanniques ont suivi une autre logique dans le cadre de leurs négociations avec la Confédération helvétique, en signant, respectivement le 10 août et le 24 août 2011, un accord privilégiant le prélèvement à la source (selon le système dit « Rubik » en Suisse) par rapport à l'échange d'informations.
L'idée force de ces accords consiste à élargir la technique du prélèvement libératoire introduite dans le cadre de la directive européenne sur l'épargne à d'autres catégories de revenus : intérêts, dividendes, plus-values, fonds, voire patrimoine des contribuables européens localisés dans les institutions financières de la Confédération, sans révéler pour autant l'identité des titulaires de comptes. Pour le moment ne seraient concernées que les personnes physiques, mais également les personnes morales sans activité commerciale comme les sociétés « de domicile » de nationalité suisse ou étrangère.
Dans ce schéma, et sous réserve de précision, les institutions financières teneuses de compte, devraient devenir des agents payeurs comme dans le cadre de la fiscalité de l'épargne. Il leur reviendra de collecter l'impôt libératoire à taux proportionnel prélevé sur les avoirs de leurs clients européens en appliquant des taux de même ordre que ceux pratiqués dans leur pays d'origine. Ensuite, ces sommes seront intégralement reversées à l'Administration fédérale des contributions (AFC) sans identifier les possesseurs de comptes mais en indiquant leur nationalité. A charge pour les autorités fiscales suisses de transmettre l'ensemble des sommes, une fois l'an, à leurs homologues dans les pays signataires.
Selon les renseignements fournis par le Gouvernement, la Suisse a proposé à la France de s'engager dans une démarche de ce type. Le Gouvernement a, jusqu'à présent, refusé, préférant se donner le temps de juger l'efficacité du système d'échanges d'informations qui vient d'être mis en place.
Il est à noter que les démarches entre la Suisse, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont sensiblement affecté les négociations au sein de l'Union européenne au sujet de la révision de la directive épargne. Ainsi, les deux derniers pays réfractaires à l'échange de renseignements, l'Autriche et le Luxembourg, exigent une égalité de traitement complète avec la Suisse et veulent donc à tout prix maintenir les dispositions actuelles de prélèvement à la source si « Rubik » devait se substituer à un système d'échanges en bonne et due forme entre des Etats européens et la Suisse.
Dans ce contexte, le rapport proposé par le présent article constitue une opportunité utile pour que le Parlement dispose d'un point précis sur cette situation complexe avant le vote des textes budgétaires de fin d'année. Il mérite donc d'être soutenu.
M. Jean Arthuis, président. - S'agissant de la taxe sur les nuitées d'hôtel de plus de 200 euros, ce prix inclut-il celui du petit déjeuner ? Si tel n'est pas le cas, il existe un risque d'augmentation du prix du petit déjeuner parallèlement à la diminution du prix de la chambre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est aux hôteliers de décider de leur politique commerciale, dès lors que n'est pas modifié le produit de la recette attendue pour cette mesure fiscale.
A l'issue de ce débat, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'ensemble des articles du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Deuxième loi de finances rectificative pour 2011 - Examen des amendements
Au cours d'une seconde séance, la commission procède à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 786 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
La commission émet tout d'abord un avis défavorable sur la motion n° 22, présentée par M. Thierry Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG, tendant à opposer la question préalable.
Puis, la commission procède à l'examen des amendements et adopte les avis suivants :