Mardi 7 juin 2011
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président. -Nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements au texte n° 552 (2010-2011) qu'elle a établi pour le projet de loi n° 500 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.
Articles additionnels avant l'article 1er
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22, ainsi qu'aux amendements n°s 11 et 23.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - L'amendement n° 21 rectifié allonge les délais accordés aux préfets pour élaborer le schéma départemental, ce qui n'est pas l'objet du texte. De plus, une circulaire a été adressée aux préfets pour les cas particuliers. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 21 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement n° 16 rectifié qui traite de la continuité territoriale des établissements publics de coopération intercommunale. Nous avons déjà eu un long débat sur cette question qui a été tranchée. En outre, ce serait un cavalier.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il semblerait qu'il y ait un problème. Lors de nos débats, nous n'avions pas d'opposition sur le fond. Or, la loi indique qu'il ne doit pas y avoir de discontinuité territoriale.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cela a été acté par le Sénat !
M. Pierre-Yves Collombat. - Certes, mais si nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'existence d'un problème, cela ne figure pas dans le texte et les préfets ont tendance à appliquer la loi plus qu'à la lettre.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La question de la discontinuité ne peut-elle pas être réglée dans le cadre du schéma ?
M. Pierre-Yves Collombat. - La loi dit qu'il ne doit pas y avoir de discontinuités territoriales ; or il y en a, et cela affecte des communes qui appartenaient déjà à l'intercommunalité.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - On ne peut pas créer de nouvelles enclaves.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - M. Hervé était intervenu sur cette question.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Pour les mêmes raisons, avis défavorable sur l'amendement n° 33 rectifié.
M. Jean-Pierre Michel. - Les parlementaires ne siègent pas dans les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI).
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Nous avons déjà eu un long débat sur la question lors de l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Michel. - Ceux qui, comme moi, n'ont pas de mandat local, n'y siègent pas.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Les préfets doivent informer tous les parlementaires de l'évolution des schémas définis par les CDCI. Il est vrai qu'ils ont parfois oublié de le faire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Malgré mes mandats locaux, je ne siège pas au sein de la CDCI ...
M. Jean-Pierre Michel. - Dans certains cas, c'est peut être préférable.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Nous demanderons au ministre de rappeler aux préfets d'informer les parlementaires.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33 rectifié, ainsi qu'aux amendements n°s 15 rectifié, 26, 27 rectifié et 28.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - L'amendement n° 2 est satisfait : c'est l'application du droit. Retrait.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 2.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Je comprends le but recherché par l'amendement n° 19 rectifié, mais les préfets peuvent déjà déroger au seuil de 5 000 habitants compte tenu du contexte local. Une fois que le ministre aura rappelé en séance publique les dispositions en vigueur, un retrait serait le bienvenu.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 19 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - L'amendement n° 20 rectifié propose une modification qui est déjà prévue par une circulaire. Il pourra être retiré après que le ministre l'aura rappelé en séance publique.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 20 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement n° 1 qui traite des incompatibilités, dont nous devrons débattre lors de l'examen du projet de loi relatif au renforcement de la démocratie locale.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement n° 17 : le débat sur le seuil de passage au second tour a été long et il n'est pas nécessaire d'y revenir.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Les amendements n°s 24 et 25 sont dépourvus de portée normative : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 24 et 25.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements n°s 12 et 29 de suppression de l'article.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n°s 12 et 29.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Avec son amendement n° 3, M. Masson entend modifier totalement la répartition des conseillers territoriaux : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30, ainsi qu'à l'amendement n° 31.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - L'amendement n° 14 modifie le « plancher », mais le Conseil constitutionnel a validé le nombre de 15 conseillers territoriaux par département : avis défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi ne pas le modifier ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Parce que le Conseil constitutionnel a tranché !
M. Pierre-Yves Collombat. - Le seuil de 17 ne serait pas inconstitutionnel.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Certes !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Article 2 et annexe
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13, ainsi qu'aux amendements n°s 32, 34, 7 et 18.
Articles additionnels après l'article 2
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - L'amendement n° 6 traite des incompatibilités, ce qui n'a rien à voir avec ce texte.
M. Jean-Pierre Michel. - Il est quand même surprenant qu'un président de conseil général ne puisse être maire alors qu'un président d'EPCI peut l'être.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il y a effectivement un seuil à partir duquel la question est pertinente. Certaines communautés urbaines ont des responsabilités bien supérieures à celles exercées par des mairies. Or, aujourd'hui, on peut être président d'un conseil général et président d'une communauté urbaine, mais on ne peut cumuler la fonction de président de conseil général avec celle de maire d'un village de 500 habitants. C'est absurde. Nous devrons y réfléchir.
M. Jean-Pierre Michel. - En outre, lorsqu'on est maire et président d'un grand EPCI, comme Lyon ou Lille, les conflits d'intérêt sont permanents.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Dans les communautés de communes rurales, c'est aussi un maire qui préside. Il serait compliqué de faire autrement.
M. Jean-Pierre Michel. - Un adjoint ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Dans ce cas, c'est encore pire, car il est otage.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Que se passera-t-il pour les futures métropoles ?
M. Patrice Gélard. - La taille des communautés est extrêmement variable : ma communauté urbaine comprend 17 communes, mais l'une d'elles regroupe 80 % de la population. Il est impensable d'exclure de l'EPCI le maire de la grande ville.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il faudrait que la fonction de président d'un EPCI compte comme un mandat.
M. Patrice Gélard. - C'est vrai.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - On aboutirait à d'autres choix.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6, ainsi qu'aux amendements n°s 5 et 4.
Examen des amendements extérieurs
Mercredi 8 juin 2011
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président. -Mission en Nouvelle-Calédonie - Examen du rapport d'information
La commission examine le rapport d'information de MM. Bernard Frimat et Christian Cointat sur leur mission en Nouvelle-Calédonie.
M. Bernard Frimat, co-rapporteur. - L'objet de notre mission était d'examiner le déroulement des transferts de compétences résultant de la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa. Les transferts portant sur les compétences non régaliennes doivent s'achever en 2014. Ceux relatifs à la citoyenneté calédonienne et aux compétences de souveraineté seront décidés après le referendum sur l'autodétermination.
La première vague des transferts décidés en 1999 a été bien conduite. Les transferts de la seconde vague doivent être réalisés au cours de la période correspondant aux mandats du congrès commençant en 2004 et 2009, l'échéancier des transferts relevant d'une loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès. La loi organique du 3 août 2009 a étendu le délai pendant lequel le congrès peut adopter les lois du pays définissant les compétences transférées et l'échéancier du transfert, pour quatre domaines particulièrement lourds : le droit civil, les règles concernant l'état civil, le droit commercial et la sécurité civile. Le délai d'adoption des lois du pays a été différé au dernier jour de la deuxième année suivant le début du mandat du congrès commençant en 2009. L'échéancier du transfert pourra s'étendre jusqu'à la fin du mandat du congrès en 2014. Pour les autres compétences, le congrès disposait de six mois après le début de son mandat commençant en 2009 pour organiser le transfert. Il a ainsi adopté in extremis des lois du pays organisant le transfert des compétences relatives à l'enseignement du second degré, public et privé, à l'enseignement primaire privé, à la santé scolaire, à la police et à la sécurité de la circulation aérienne intérieure et à la circulation maritime dans les eaux territoriales.
Dans l'ensemble, les transferts se sont correctement déroulés. Cependant, toutes les difficultés ne sont pas réglées.
Dans certains domaines, des problèmes de personnels ou de moyens se posent. La loi organique prévoit que, dans le cadre de la compensation des charges correspondant à l'exercice des compétences transférées, l'Etat contribue fortement à la construction des lycées et assure jusqu'à leur terme la construction des lycées du Mont-Dore et de Pouembout. Toutefois, les crédits promis pour les lycées manquent à l'appel. Le calendrier des transferts sera difficile à tenir s'agissant du droit civil, de l'état civil, du droit commercial ou de la sécurité civile. Enfin, quelle solution sera apportée à la question de l'évolution des normes juridiques transférées ? L'exemple du droit des assurances confirme la crainte d'une « vitrification » du droit, pour reprendre l'expression employée par M. Philippe Gomes, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au moment de notre déplacement. Le risque est en effet que l'Etat n'apporte plus son aide pour l'actualisation du droit une fois la compétence transférée.
M. Christian Cointat, co-rapporteur. - Il y a un engagement très fort pour que les transferts réussissent. Comment sont-ils gérés ensuite ?
La justice fonctionne certes correctement en dépit de la pénurie de personnel -problème récurrent outre-mer- mais les magistrats que nous avons rencontrés nous ont alertés sur les risques d'insécurité juridique : tel est le cas du code de la route, qui n'a pas été mis à jour depuis 1977, ou le droit de l'environnement, qui relève de chaque province et varie sensiblement de l'une à l'autre. Ces magistrats craignent les conséquences du transfert de la compétence en matière de droit civil, s'il ne fait pas l'objet d'actualisations régulières. L'aide de l'Etat est nécessaire pour assurer à la bonne évolution des normes.
La situation du centre pénitentiaire de Nouméa, si elle s'est améliorée, reste préoccupante tant en raison de la surpopulation carcérale (400 détenus pour 218 places), que du non-respect par ce bâtiment des normes techniques requises, ce qui favorise les évasions. Le garde des Sceaux envisage d'abandonner ce bâtiment, situé sur un site exceptionnel, au profit d'une nouvelle construction supérieure en capacité.
Un mot résume l'action menée en Nouvelle-Calédonie, celui de rééquilibrage. Le rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud est patent et repose sur la création au Nord et à la pointe Sud de deux usines d'extraction de nickel. L'usine du sud, à Goro, produit encore peu : sa montée en puissance a été freinée par plusieurs avaries techniques, des difficultés temporaires liées aux regroupements industriels ainsi que certaines oppositions locales. Lors de notre déplacement en Nouvelle-Calédonie, dans la province Nord, nous avons assisté au montage des premiers modules de l'usine de Koniambo.
Le rééquilibrage culturel est en bonne voie. Plusieurs signes marquent que la culture kanak s'affirme de plus en plus comme un bien commun calédonien : l'accord s'est fait sur les effigies imprimées sur les billets de banque -le passage à l'euro, souhaité par les industriels, risque de poser problème sur ce point-, sur l'hymne calédonien et sur la devise -« terre de parole, terre de partage ». Le centre culturel Jean-Marie Tjibaou est un succès. La question du drapeau reste discutée : le drapeau kanaky, incontournable pour les indépendantistes, rappelle à d'autres la période des troubles civils. M. Pierre Frogier, président de l'assemblée de la Province Sud, a proposé une solution de compromis, qui s'inspire de la poignée de main de Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou et devrait s'imposer : présenter les drapeaux français et kanaky ensembles.
Le rééquilibrage politique actuellement en marche tend à donner une traduction concrète à l'esprit de l'accord de Nouméa, selon lequel toutes les tendances politiques doivent être représentées. Ainsi, le gouvernement est élu à la proportionnelle par le Congrès, son président étant issu de la majorité politique quand son vice-président est issu, lui, de la minorité. De la même manière, si l'une des tendances politiques n'est plus représentée, après la démission d'un membre du gouvernement et lorsqu'il n'y a plus de suivant de liste pour remplacer le démissionnaire, le gouvernement tombe. Cette règle a été récemment utilisée de manière abusive et systématique à l'occasion de dissensions au sujet du drapeau, ce qui a eu pour conséquence de priver la Nouvelle-Calédonie de gouvernement depuis le mois de mars. L'enjeu, que je vous présenterai dans le rapport sur le projet de loi organique qui suit, est de rétablir la collégialité au sein du gouvernement.
M. Bernard Frimat, co-rapporteur. - Je m'interroge sur la solution des deux drapeaux réunis. A la fois geste d'apaisement et rappel des positions antagonistes des loyalistes et des indépendantistes, elle repose sur une ambiguïté fondamentale, qui se concilie imparfaitement avec l'ambition de l'accord de Nouméa de forger un destin commun. Or, seul le succès de cette ambition est à même de lever les craintes qu'éveille la perspective du « dégel » du corps électoral et de la mise en large minorité des populations kanak. En dépit de la bonne volonté manifestée par chacun, la situation reste fragile. La mémoire des événements dramatiques de 1988 et celle de toutes les victimes nous commande d'examiner ces questions avec prudence. Il est de notre responsabilité de parlementaires de veiller à conserver l'esprit de l'accord de Nouméa pour éviter que le conflit ne ressurgisse.
M. Christian Cointat, co-rapporteur. - Je partage cette analyse en y ajoutant une note d'espoir : une grande proximité unit les responsables calédoniens européens et les responsables calédoniens mélanésiens, et l'osmose entre les premiers et les métropolitains ne doit pas être exagérée. A cet égard, le gel du corps électoral, exception transitoire aux principes démocratiques, ne pourra durer éternellement, ce qui imposera d'examiner à nouveau la question de la citoyenneté calédonienne. La solution des deux drapeaux est astucieuse. Il est vraisemblable qu'elle permettra à terme au drapeau kanaky, symbole de l'identité particulière de la Nouvelle-Calédonie, de s'imposer. En tout état de cause, l'Etat aura à jouer un rôle essentiel dans ces évolutions. Il est le garant essentiel du respect de l'accord de Nouméa.
M. Alain Anziani. - Nos collègues nous alarment régulièrement sur la situation pénitentiaire outre-mer. Monsieur le Président, la commission ne pourrait-elle pas constituer une mission sur ce sujet ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Des développements dans nos avis budgétaires « Outre-mer » y sont systématiquement consacrés. Par ailleurs, chaque déplacement outre-mer est l'occasion d'examiner cette question. J'ajoute que la situation pénitentiaire doit être appréciée en tenant compte des spécificités ultra-marines, notamment climatiques, qui élargissent le temps passé en dehors des cellules.
Messieurs les rapporteurs, pouvez-vous nous apporter des précisions sur les problématiques urbaines que pose l'arrivée massive des populations des îles à Nouméa ?
M. Christian Cointat, co-rapporteur. - Le manque de travail crée un exode des îliens vers Nouméa. Or, ceux-ci délaissent les logements sociaux créés à leur intention au profit de « squats » en bordure de la ville. La question se pose : faut-il continuer à créer de nouveaux logements ou viabiliser cet habitat précaire ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous donnons bien évidemment notre accord à la publication de ce rapport laquelle devrait intervenir le mois prochain.
Projet de déplacement à Bruxelles - Communication
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je vous propose d'organiser un déplacement de la commission à Bruxelles le 1er juillet, pour rencontrer les responsables européens dans nos domaines de compétences. Nous pourrons rencontrer le représentant permanent de la France, la commissaire chargée des affaires intérieures, pour évoquer les débats actuels sur le fonctionnement de l'espace Schengen et la réforme du système européen commun d'asile, le président de la commission des libertés civiles et des affaires intérieures du Parlement européen et le directeur de l'agence FRONTEX.
Nouvelle-Calédonie - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission procède ensuite à l'examen du rapport et du texte qu'elle propose pour le projet de loi organique n° 554 (2010-2011) modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Monsieur le rapporteur, nous passons à un projet de loi organique qui fait directement suite à votre rapport d'information.
M. Christian Cointat, rapporteur. - L'existence d'un gouvernement collégial oblige les différentes forces politiques représentées au congrès de la Nouvelle-Calédonie à travailler ensemble. Son fonctionnement a été efficace jusqu'à présent et il a obtenu des résultats. En application du statut, la démission collective des membres d'une liste entraîne automatiquement la démission de l'ensemble du gouvernement, mais c'était rare et ponctuel jusqu'à cette année.
A cause de l'affaire du drapeau, les membres du gouvernement élus sur la liste de l'Union calédonienne ont démissionné en bloc pour protester contre l'attitude du président du gouvernement, M. Philippe Gomes, et de son parti Calédonie ensemble, auxquels il était reproché de refuser que les deux drapeaux tricolore et kanaky, flottent côte à côte dans leurs communes. Cela a entraîné la démission de plein droit du gouvernement. M Harold Martin a ensuite été élu comme nouveau président du gouvernement. Pour susciter une nouvelle élection du congrès, les membres de la liste présentée par le groupe Calédonie ensemble, à l'exception de M. Philippe Gomes, ont démissionné, provoquant une nouvelle chute du gouvernement. Cette manoeuvre a ensuite été renouvelée deux fois, limitant les prérogatives du gouvernement démissionnaire à la gestion des affaires courantes. C'est pourquoi le congrès a demandé une modification de l'article 121 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, pour éviter ce détournement de procédure.
Le Conseil d'Etat a d'ailleurs été saisi pour avis, par M. Philippe Gomes, sur la question du maintien d'un gouvernement démissionnaire pour assurer l'expédition des affaires courantes : le Conseil d'Etat l'a approuvé, considérant que les démissions visaient à paralyser le gouvernement et constituaient une manoeuvre électorale.
Que propose le projet de loi organique ? Une fois que le gouvernement est déclaré démissionnaire, dans les conditions actuelles, il serait impossible de provoquer une nouvelle démission du gouvernement par des démissions collectives pendant dix-huit mois. Les membres démissionnaires du gouvernement pourraient être remplacés sur présentation par leur groupe d'une liste de candidats notifiée au président du congrès et au haut-commissaire.
Je vous propose deux amendements. Le premier vise à préciser que les membres d'une liste pourraient présenter simultanément leur démission pour protester contre une atteinte au principe de collégialité, tandis que le second, rédactionnel, concerne la procédure de remplacement des membres démissionnaires du gouvernement.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je m'interroge sur votre premier amendement, car il ne comporte pas de sanction en cas de démission pour un motif autre que l'atteinte au principe de collégialité.
M. Christian Cointat, rapporteur. - Il s'agit de déclarer que la démission collective n'est valide qu'en cas d'atteinte à la collégialité.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Déclarer, c'est une chose, mais l'écrire dans la loi, c'en est une autre ! Ce n'est pas très objectif d'évoquer une « démission afin de protester contre une atteinte au principe de collégialité ». A quoi cela sert-il d'écrire cela ?
M. Christian Cointat, rapporteur. - Nos interlocuteurs calédoniens nous ont tous dit que le projet de loi organique maintenait une possibilité de détournement de la procédure, car il offrait en quelque sorte un droit de tirage tous les dix-huit mois pour faire tomber le gouvernement. La démission collective ne doit être possible que dans le cas précis d'une atteinte à la collégialité, car il s'agit de préserver l'esprit de l'accord de Nouméa. Il appartiendra au juge administratif d'apprécier.
M. Bernard Frimat. - Le texte du Gouvernement est acceptable, d'autant qu'il a reçu l'accord des différentes parties prenantes, nos contacts l'ont confirmé.
La démission collective est devenue un instrument politique, utilisé en premier lieu par l'Union calédonienne, dont la démission a sans doute eu lieu avec l'accord tacite d'autres groupes du congrès. C'est ensuite l'attitude du président sortant, M. Philippe Gomes, qui a amplifié ce phénomène. Après-demain, le 10 juin, le congrès doit encore élire un nouveau gouvernement : nous verrons bien si les discussions en cours à Paris amèneront localement la constitution d'un gouvernement stable ou si, à nouveau, dans les heures suivant l'élection du gouvernement, une liste démissionne en bloc.
Le projet de loi organique préserve la collégialité et n'empêche pas les membres démissionnaires de revenir au gouvernement. L'impossibilité pour ceux-ci de revenir après une démission collective aurait été la négation du principe de collégialité. Après, on entre dans les pratiques politiques, par exemple une pratique de la part de certains groupes, de gouvernement majoritaire, qui imposerait ses vues au congrès en négligeant la collégialité.
Concernant le premier amendement du rapporteur, si un gouvernement élu est démissionnaire de plein droit après une démission en bloc, il faut attendre dix-huit mois pour que cette procédure puisse être renouvelée, ce qui peut maintenir l'instabilité pendant toute cette période. L'amendement a certes une valeur plus déclarative que normative, mais il rappelle l'esprit de collégialité qui est au fondement de l'accord de Nouméa. Faut-il écrire cela dans la loi ? Je n'ai pas la réponse.
M. Christian Cointat, rapporteur. - Je partage l'analyse de Bernard Frimat, mais compte tenu de ce qui s'est passé ces derniers mois, il faut empêcher un dévoiement de la procédure de démission d'office. Il y aura toujours quelqu'un pour saisir la justice afin de vérifier le motif de la démission. L'amendement est certes déclaratif, mais il est aussi incitatif à la vertu.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La formulation en est tout de même incertaine : il est question de « protester » contre une atteinte à la collégialité.
M. Christian Cointat, rapporteur. - Il y a un problème, de la part de certains groupes, de dérive majoritaire dans l'application de l'accord de Nouméa, alors que l'esprit de cet accord, c'est la collégialité, c'est-à-dire que chacun participe. L'amendement permet aussi de renforcer les droits de la minorité, en contrant cette dérive majoritaire.
Sur la formulation, on peut rectifier l'amendement pour mentionner la démission « en cas d'atteinte au principe de collégialité ».
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il faut un critère objectif, afin que la juridiction puisse apprécier la situation. L'histoire du drapeau, ce n'est pas objectif.
MM. Bernard Frimat et Christian Cointat, rapporteur. - C'était un prétexte !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La collégialité est une belle idée, mais elle est difficile à faire vivre.
M. Hugues Portelli. - Il me semble que l'essentiel du pouvoir appartient aux provinces et pas au congrès de Nouvelle-Calédonie, ce qui minimiserait le problème.
M. Christian Cointat, rapporteur. - Ce sont les lois de pays, préparées par le gouvernement et votées par le congrès, qui organisent les transferts de compétences. Le rôle du gouvernement et du congrès est donc fondamental.
M. André Reichardt. - Comment pourra-t-on savoir si c'est une atteinte au principe de collégialité qui motive une démission collective ?
M. Christian Cointat, rapporteur. - L'affaire du drapeau, par exemple, n'était pas une atteinte à la collégialité. Cet amendement est un signe fort pour éviter les dérives.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - On ne peut pas interdire à quelqu'un de démissionner, donc il n'y aura pas de sanction prononcée par le juge en cas de démission collective pour un motif autre que l'atteinte à la collégialité.
M. Christian Cointat, rapporteur. - C'est vrai ...
M. Bernard Frimat. - L'amendement rappelle un principe mais ne règle rien.
L'amendement n° 1 rectifié est adopté.
M. Christian Cointat, rapporteur. - Quant à l'amendement n° 2 rectifié, il procède à une clarification rédactionnelle selon laquelle la liste de candidats présentée par le groupe qui, à la suite d'une démission, ne participe plus au gouvernement est réputée approuvée à l'issue du délai de quarante-huit heures nécessaire pour le contrôle de l'éligibilité des candidats.
L'amendement n° 2 rectifié est adopté et l'article 1er est ainsi rédigé.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Si on veut créer de l'instabilité, on y arrive toujours malgré les textes. L'avenir de la Nouvelle-Calédonie peut être extrêmement positif, compte tenu de ses ressources.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :