Mardi 31 mai 2011
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Évolution de l'industrie de défense en France - Audition de M. Luc Vigneron, président-directeur général de Thales
Puis la commission entend M. Luc Vigneron, président-directeur général de Thales, sur l'évolution de l'industrie de défense en France.
M. Josselin de Rohan, président - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Luc Vigneron qui est président de Thales depuis le 18 mai 2009, c'est-à-dire pratiquement depuis deux ans. Quel premier bilan dressez-vous de votre présidence à la tête de cette entreprise et quelles sont les perspectives d'avenir ? Tout le monde sait que des manoeuvres de « rectification de frontière » sont en cours avec Safran. Elles ont pour objectif de concentrer les forces et de constituer une « équipe de France » dans des domaines particulièrement sensibles pour la défense nationale - je pense en particulier aux centrales inertielles. Pourriez-vous nous en décrire la délimitation ?
Au-delà, certains regroupements ont été évoqués, avec DCNS et avec NEXTER afin de faire de Thales l'équivalent d'un BAé français. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, Thales est particulièrement concerné par la DAMB - la défense anti-missile balistique, notamment pour ce qui concerne le projet d'un radar très longue portée - TLP - et les radars de détection et de conduite de tir GS 1000 et GS 1500. Vous savez que notre commission a missionné trois de ses membres, les Sénateurs Jacques Gautier, Xavier Pintat et Daniel Reiner qui rendront leur rapport le 6 juillet prochain. Ils ne manqueront pas de vous poser des questions sur le sujet.
M. Luc Vigneron, président directeur général de Thales - Le groupe que j'ai l'honneur de diriger est un leader mondial dans les hautes technologies. Il emploie 68 000 personnes dans le monde dont près de la moitié en France. Un peu moins de la moitié de ses activités est centrée sur l'aérospatial et le transport et l'autre moitié sur la défense et la sécurité. L'essentiel de ses activités se déroule sur des marchés duaux civils et militaires. Cela a l'air varié, mais en fait il y a de grandes similarités. Ce sont des marchés dont les clients sont essentiellement des gouvernements ou des grands opérateurs publics ou parapublics. Nous leur vendons des technologies qui les aident à maîtriser la complexité des systèmes qu'ils utilisent pour commander et/ou piloter leurs opérations.
Or, il s'agit là de l'un des enjeux de la mondialisation : les réseaux et les flux de données. Nous sommes dans un monde de plus en plus ouvert, avec une mobilité croissante des personnes et un flux croissant des capitaux, des biens, des services et des données. C'est un monde de plus en plus complexe, avec de nouvelles menaces, mais aussi de nouveaux risques systémiques du fait de l'interconnexion croissante des économies. Notre ambition est de donner à nos clients la certitude de pouvoir prendre les bonnes décisions dans des environnements complexes et critiques. Nous voulons simplifier la complexité pour nos clients.
Nous avons des atouts forts : une culture de l'innovation, des positions de leader sur nos marchés, civils et militaires, une présence internationale forte et historique.
Thales est le numéro un mondial des constellations de satellites de télécommunications, du contrôle de trafic aérien et des sonars. Il est le numéro deux mondial dans le contrôle de trafic ferroviaire, le multimédia de bord pour l'aéronautique, les radiocommunications tactiques militaires. Il est le numéro trois mondial dans l'avionique et les radars de surface.
Thales réalise 13 milliards d'euros de revenus par an et notre objectif est de passer à 20 milliards d'euros par an vers 2020. Il nous faudra faire face à la baisse des budgets de défense européens. Nous y arriverons grâce à la dualité entre les technologies civiles et militaires, en allant chercher la croissance dans les pays émergents, en développant les services et sans doute en consolidant aussi certaines activités.
Notre stratégie repose sur trois piliers : le développement à l'international ; le renforcement de notre offre ; l'amélioration de notre performance.
Afin de nous développer dans les pays en croissance, il nous faudra accepter d'accroître la part de la valeur ajoutée locale. Nos clients des pays émergents sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre en place des politiques industrielles sur leur propre territoire y compris pour ce qui concerne la R&D. Tous ceux qui ont une économie forte et des marchés importants le demandent. C'est une tendance lourde. Nous devons nous y plier, car il vaut mieux n'avoir que 80 % de quelque chose que 100 % de rien.
Il nous faut aussi mettre en place des actions favorisant l'innovation, notamment, pour développer des briques technologiques communes à plusieurs lignes de produit. Il nous faut également développer l'esprit d'équipe. Quand nous sommes face à des compétiteurs qui sont deux à trois fois plus gros que nous, nous devons être capables de regrouper nos énergies et de ne pas les disperser dans des organisations « en silos ». C'est pourquoi nous avons mis en place des organisations managériales matricielles, ce qui évidemment est toujours un peu compliqué mais est aujourd'hui reconnu comme très positif, notamment par nos clients.
Pour répondre maintenant aux questions du Président de Rohan, s'agissant de la rectification de frontières entre Thales et Safran, nous n'avons pas encore franchi à ce jour le stade d'un projet susceptible d'être présenté à nos actionnaires et aux partenaires sociaux. Cependant les grandes lignes d'un accord sont fixées: l'optronique serait regroupée chez Thales, tandis que la navigation inertielle et la génération d'énergie seraient concentrées chez Safran. Mais il reste le plus difficile à faire : valoriser chaque activité.
M. Daniel Reiner - L'avionique n'est donc pas concernée.
M. Luc Vigneron - Non l'avionique n'est pas concernée, car c'est ce qui avait fait échouer le projet d'accord l'an dernier. L'avionique est dans le coeur de métier de Thales. Le transfert de cette activité aurait été un démantèlement du groupe. Aujourd'hui nous sommes dans une démarche constructive. Chacun accepte le principe de transferts dans des domaines où l'autre est objectivement le plus fort. C'est une démarche « gagnant-gagnant », positive pour l'industrie française dans son ensemble. Il nous reste à nous mettre d'accord sur la valorisation, ce qui est toujours un processus difficile. Je reste prudent sur l'échéance à laquelle cette discussion pourrait être finalisée. Comme le volume des activités transférées par Safran devait être supérieur à celui transféré par Thales, il faudrait rétablir l'équilibre par une soulte à définir. Tout cela prend du temps et de la réflexion, mais avec les hypothèses actuelles, l'opération fait beaucoup de sens.
Pour ce qui est de DCNS, notre option pour un passage de 25 à 35 % dans le capital est ouverte jusqu'en mars 2012. Nous prenons le temps nécessaire pour analyser toute les données du problème avant d'arrêter notre décision.
S'agissant de Nexter, je ne suis officiellement saisi d'aucune demande. C'est à l'Etat, détenteur de 100 % du capital de Nexter, de voir comment il souhaite la consolidation du secteur, notamment de dire s'il faut la rechercher en national ou en européen. Bien entendu, cette question ne laisse pas Thales indifférent. Dans le domaine des armes, des blindés et des munitions, nos différentes activités en France, en Belgique et en Australie représentent environ 500 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elles ont donc également vocation à participer à de futures consolidations, ne serait-ce que parce qu'elles visent des marchés très difficiles à l'exportation, et qu'il convient de faire progresser notre rentabilité. Notre intérêt pour Nexter sera fonction du schéma que l'Etat retiendra éventuellement pour cette entreprise.
En tout état de cause, notre entrée au capital d'autres sociétés ne pourrait se justifier que si elle repose sur une véritable logique industrielle, c'est-à-dire sur des synergies commerciales, organisationnelles et technologiques. Thales se veut un groupe industriel, pas une Sicav de la défense.
Concernant la défense anti-missile balistique (DAMB), c'est un sujet d'intérêt majeur pour Thales. Notre joint venture avec l'américain Raytheon, Thales Raytheon Systems (TRS), développe le système de contrôle des opérations aériennes de l'OTAN : l'ACCS LOC-1 (Air Command and Control System). Il s'agit probablement du plus grand logiciel « temps réel » hors marché US. Il comporte plus de 10 millions de lignes de codes. Une étude décidée par l'OTAN au sommet de Lisbonne nous a été confiée pour commencer d'étendre les fonctionnalités de ces moyens de commandement à la défense antimissile. Le système ACCS LOC-1 deviendrait ainsi le noyau du système de communication-commandement d'une future DAMB.
La défense anti-missile balistique suppose des capteurs. Notre filiale des Pays-Bas, Thales NL, propose de faire évoluer les radars de surveillance SMART L des frégates de type Aegis néerlandaises, l'équivalent du S1850 qui équipe les frégates Horizon françaises et italiennes, pour le doter d'une capacité d'alerte contre les missiles balistiques.
De plus, avec notre projet de radar GS 1000, nous proposons à la France une évolution de nos radars terrestres de défense aérienne pour permettre la détection, l'acquisition et la poursuite de missiles balistiques.
Par ailleurs, le SAMPT, dont nous sommes avec MBDA les co-maîtres d'oeuvre, constitue un système d'armes apte à prendre à partie des missiles balistiques de courte portée. Il a en effet démontré récemment ses capacités de premier plan face aux missiles de ce type dont la prolifération est aujourd'hui la plus préoccupante.
Enfin concernant l'alerte avancée, nous travaillons également sur le projet de radar très longue portée (TLP).
M. Daniel Reiner - Vous nous avez confirmé que l'on avait renoncé à un regroupement dans l'avionique. Ces activités resteront donc réparties entre deux industriels.
M. Luc Vigneron - Oui, mais mise à part la navigation inertielle, où nous étions en situation de concurrence frontale et qui serait regroupée chez Safran, il n'y pas d'autre recouvrement significatif entre Thales et Safran. Thales est le troisième mondial sur l'avionique de vol (cockpit, réseau informatique de bord, gestion du vol). Safran intervient essentiellement sur un domaine différent, celui des calculateurs de contrôle des moteurs.
M. Daniel Reiner - Je souhaiterais des précisions sur les radars, en lien avec la défense anti-missile. A l'OTAN, la France a proposé comme contribution nationale un satellite d'alerte avancée et le SAMP/T. Nous n'avons pris aucun engagement sur les radars, qui sont pourtant indispensables à la veille, à la poursuite et à la conduite de tir dans un système de défense anti-missile. On peut d'ailleurs se demander si, en matière d'alerte avancée, le satellite n'est pas entré en concurrence avec le radar très longue portée. Pourriez-vous nous rappeler les propositions de Thales en précisant les coûts et les délais minimaux de réalisation sur lesquels vous pourriez vous engager.
De manière plus générale, je souhaiterais savoir comment votre entreprise se prépare et adapte sa stratégie à d'éventuelles restrictions budgétaires dans le domaine de la défense.
Enfin, quelles sont les perspectives ouvertes pour Thales, présent au Royaume-Uni, par les accords de renforcement de la coopération franco-britannique ?
M. Luc Vigneron - Sur la défense anti-missile, un triptyque constitué du SAMP/T, du radar GS 1000 et des moyens de commandement adaptés issus de l'ACCS fournirait déjà une première capacité de défense contre des missiles de portée intermédiaire jusqu'à environ 1000 km. Nous sommes ici dans une gamme de coûts se chiffrant en centaines de millions d'euros et non en milliards. Cette première capacité accessible d'ici 4 à 5 ans permettrait à la France de protéger ses forces projetées et ses bases avancées et de se positionner ainsi favorablement au sein de l'alliance.
Les Pays-Bas poursuivent sur une voie parallèle, avec l'amélioration de leur radar SMART L utilisable pour une composante DAMB navale. Le marché d'étude correspondant qui serait passé à notre filiale néerlandaise représenterait un montant significatif.
Concernant l'alerte avancée, nous considérons que le segment spatial avec SPIRAL et le segment terrestre avec le radar TLP sont complémentaires et non concurrents ; l'un détecte le départ du missile, l'autre permet de déterminer sa zone d'arrivée probable. La combinaison des deux permet d'optimiser l'alerte aux populations ou aux forces visées et de déclencher efficacement une éventuelle interception du missile assaillant.
Je crois que ces sujets méritent des discussions entre gouvernements européens.
S'agissant des perspectives budgétaires, nous sommes bien entendu inquiets, d'autant que dans les pays qui ont opéré des restrictions, les mesures effectivement arrêtées s'avèrent encore plus sévères que ce qui avait été annoncé. Face à cette situation, nous accentuons nos efforts à l'exportation, nous jouons de la dualité de nos activités, puisque le secteur aéronautique civil redémarre, mais nous sommes également contraints de réduire nos coûts. Nous avons mis en oeuvre, sur plusieurs de nos sites, un programme d'adaptation de l'emploi prévoyant des départs sur la base du volontariat, et nous conduisons à l'échelle du groupe tout entier un vaste programme d'augmentation de performance. Il n'en demeure pas moins vrai que nous avons absolument besoin que l'Etat maintienne un niveau d'effort très significatif en matière d'études amont sans lequel nous ne pourrons pas maintenir nos technologies à hauteur des besoins futurs. De plus, le maintien du dispositif actuel du crédit impôt recherche nous paraît tout aussi nécessaire pour favoriser l'exercice de la R&D par nos entités françaises et générer de l'emploi aussi chez nos fournisseurs, PME-PMI françaises pour une grande part.
La coopération franco-britannique découle d'une démarche pragmatique et logique. C'est le seul moyen, pour les deux pays, de conserver des compétences dans un certain nombre de domaines d'ici 15 à 20 ans. Mais cet objectif sera nécessairement long à mettre en oeuvre. Beaucoup de programmes d'armement sont déjà lancés et c'est essentiellement sur les études amont et les démonstrateurs qu'il y a des marges de manoeuvre.
Le Traité franco-britannique offre de grandes opportunités pour Thales qui, je le rappelle, emploie 33 000 personnes en France et 8 500 au Royaume-Uni.
Thales ne demande qu'à rationaliser plus profondément ses activités de part et d'autre de la Manche. Nous l'avons proposé dans le domaine des sonars, où la rationalisation a été réalisée pour les sonars de surface mais pas pour les sonars sous-marins. C'est aussi vrai dans le domaine des drones où nous proposons une coopération entre les deux Armées de Terre sur la base du système de drones tactiques Watchkeeper que nous développons avec la Grande-Bretagne, et qui sera opérationnel dès la fin de cette année. Nous espérons sur ce point des initiatives volontaristes des deux gouvernements.
M. Didier Boulaud - Lors de la dernière assemblée générale de Thales, vous avez évoqué des cessions d'actifs de l'ordre de 1 milliard d'euros. Est-ce que cela englobe les activités transférées à Safran et quelles sont les autres cessions envisagées ?
Par ailleurs, lors d'une audition devant la commission de la défense nationale de l'Assemblée nationale, votre actionnaire de référence avait mis en cause la précédente direction de Thales. Il avait notamment évoqué des opérations hasardeuses sur un certain nombre de contrats. De quels contrats s'agit-il et à combien se chiffrent vos pertes ?
M. Luc Vigneron - La liste des contrats en question figure dans le document qui vous a été distribué. Ces programmes antérieurs à 2009 ont donné lieu à plus de 1 200 millions d'euros de charges pour le groupe et ont justifié l'inscription de provisions dans nos comptes de 2009 et de 2010. Parmi eux figurent le contrat Meltem visant à fournir à la Turquie des systèmes aéroportés de patrouille et de surveillance maritime, ou encore le contrat Lorads III sur un système de contrôle aérien pour Singapour. Il y a également, comme vous le savez, le FMS de l'A400M. Dans ces opérations, nous n'avons pas correctement évalué les risques pris dans des domaines impliquant des défis nouveaux ou sur lesquels nous n'avions pas de compétences suffisantes. Toutes ces affaires sont maintenant sous contrôle même s'il reste encore beaucoup de travail à faire pour les mener à terme. Certaines ont déjà fait l'objet de mises à jour contractuelles avec le client, pour d'autres cela reste à faire.
S'agissant des cessions d'actifs, je confirme que le chiffre de 1 milliard d'euros environ englobe les activités qui seraient transférées à Safran. D'autres activités sont concernées, mais nous ne souhaitons évoquer leur cession qu'au moment opportun. Il n'y a pas d'urgence à cet égard. Notre souci est de donner à ces activités de meilleures chances de développement qu'au sein du Groupe et cela ne concerne que des activités plutôt périphériques.
M. Jean-Pierre Chevènement - Vous nous avez parlé de votre développement international, mais peut-on encore considérer que Thales reste une entreprise française ? Quelle est, dans le groupe Thales, la part de l'emploi, et de l'emploi le plus qualifié, située en France ? Quelle est la part de la recherche réalisée en France ? Quelle est votre contribution à notre balance commerciale ? Quelle est la part de la sous-traitance confiée à des entreprises françaises ? Par ailleurs, quels sont vos rapports avec les grandes écoles et les universités ? Arrivez-vous à trouver les ingénieurs dont vous avez besoin ? Quelles sont vos relations avec vos actionnaires de référence. Enfin, dans une formule ramassée, vous avez soutenu le principe des transferts de technologies, estimant qu'il valait mieux être propriétaire de 80 % de quelque chose que de 100 % de rien. Jusqu'où peut-on aller dans ce domaine et comment voyez-vous la place des pays émergents dans l'industrie d'armement à l'horizon 2025 ?
M. Luc Vigneron - Oui, Thales reste un groupe français pour de multiples raisons. Le pacte d'actionnaires (l'Etat et Dassault Aviation) représente à lui seul 53 % du capital. Les salariés, dont beaucoup sont français, détiennent 3 %. Pour une large part, l'actionnariat restant est constitué de fonds d'investissement répartis à parts à peu près égales entre la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
En ce qui concerne l'emploi, la moitié des effectifs est située en France (52 %), avec une forte proportion d'ingénieurs et cadres, de l'ordre de 69 %.
Plus de 60 % de notre R&D et près de 75 % de notre R&T est localisée en France, qui ne représente pourtant que 50 % du chiffre d'affaires total du Groupe.
Par ailleurs, Thales France réalise environ la moitié de son chiffre d'affaires à l'exportation, 3,4 milliards d'euros en 2010. Cette activité export génère de l'ordre de 500 millions d'euros d'activités pour les PME PMI, fournisseurs et sous-traitants français du Groupe.
Concernant la question de nos relations avec les PME, nous avons signé la Charte PME, qui notamment nous incite à éviter une dépendance excessive de ces entreprises à notre égard, pour ne pas les fragiliser. Nous avons mis en place au sein du groupe un médiateur PME. Nous les accompagnons également à l'international en particulier à travers les actions du Pacte PME. Dans ce cadre, THALES participe à une phase pilote de consolidation de vingt PME pour les aider à se mettre en perspective de devenir des ETI (Entreprises à Taille Intermédiaire). J'indique enfin que nous venons de soutenir le lancement en Aquitaine du « cluster » AETOS, regroupant avec nous des PME spécialisées sur les mini-drones.
Actuellement, nous ne rencontrons pas de difficultés de recrutement d'ingénieurs et nous développons nos relations avec les grandes écoles et les universités dans le domaine de la recherche. C'est le cas notamment pour notre centre de recherches de Palaiseau, situé en bordure du campus de Polytechnique, et qui voit se développer une excellente dynamique rassemblant nos ingénieurs, les chercheurs des laboratoires de l'Ecole ainsi que les étudiants mais aussi des chercheurs du CNRS, d'Alcatel-Lucent et du CEA-Leti.
Mes rapports avec mes actionnaires de référence sont bons, puisque je suis toujours là!
Enfin, vous m'avez interrogé sur les transferts de technologies. Nous ne pouvons pas nous y soustraire, car c'est une exigence croissante de nos clients. Nous privilégions la constitution de filiales avec des partenaires locaux, mais selon les pays, nos possibilités de contrôle sur le capital ou la direction sont très variables.
Nous adaptons notre organisation et les modalités de transferts de technologies aux spécificités locales, et bien entendu aussi à l'importance des marchés visés. De plus, nous veillons toujours à avoir « une technologie d'avance » dans nos pays domestiques.
S'agissant de l'industrie d'armement dans 15 ou 20 ans, je la vois, sur un plan mondial, beaucoup plus morcelée qu'aujourd'hui, avec une consolidation en Europe, mais l'apparition de nouveaux acteurs dans les pays émergents.
Mercredi 1er juin 2011
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Convention de sécurité sociale France-Argentine - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur le projet de loi n° 413 (2010-2011) autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République argentine.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga - L'Argentine et la France ont signé le 22 septembre 2008 à Buenos Aires la convention de sécurité sociale qui est désormais soumise à l'approbation parlementaire.
Notre commission connaît bien ce type d'accord bilatéral destiné à faciliter le règlement des questions de protection sociale en cas d'expatriation temporaire ou de plus longue durée. Hors de la zone européenne, où s'appliquent des règlements communautaires, la France a conclu de l'ordre de 35 conventions bilatérales qui permettent notamment de déterminer les règles d'affiliation aux régimes de sécurité sociale, de lever les éventuelles restrictions relatives à la nationalité ou à l'exportation des prestations, ou encore de garantir la continuité des droits et la prise en compte des périodes d'assurance au titre du pays d'origine comme du pays d'accueil.
La convention de sécurité sociale avec l'Argentine ne présente pas de particularités notables par rapport aux accords en vigueur entre la France et d'autres pays.
Elle rappelle le principe général selon lequel les personnes qui travaillent sur le territoire de l'un des deux Etats sont exclusivement soumises à la législation de cet Etat. Ce principe a pour corollaire celui de l'égalité de traitement qui écarte toute possibilité de restriction liée à la nationalité. La convention garantit donc aux Français affiliés à des régimes argentins un traitement équivalent à celui des affiliés argentins et il en est de même pour les Argentins affiliés aux régimes français.
La convention permet toutefois, en cas d'expatriation, le maintien temporaire de l'affiliation dans l'Etat d'origine, grâce à la mise en place du détachement. Le statut de salarié détaché, à la différence de celui de salarié expatrié, permet à la personne envoyée temporairement à l'étranger de continuer à relever du régime de protection sociale de son pays d'origine et de conserver l'ensemble des droits qui s'y attachent. Il s'agit d'une disposition classique dans les accords de sécurité sociale. Elle est généralement considérée comme favorable à l'expatriation, parce qu'elle est simple à mettre en oeuvre et s'avère le plus souvent avantageuse pour les Français, compte tenu du niveau de notre couverture sociale.
Chaque convention bilatérale fixe des règles spécifiques sur la durée du détachement et le type de risques concernés. L'accord franco-argentin prévoit une procédure de détachement tant pour les travailleurs salariés que pour les personnes exerçant une activité indépendante. Durant la période de détachement, l'intéressé reste rattaché à son régime d'origine pour l'ensemble des risques maladie, maternité, vieillesse, invalidité, accidents du travail, ainsi que pour les prestations familiales.
Pour les personnes exerçant une activité salariée, le détachement est possible à condition que la durée prévisible du travail ne dépasse pas vingt-quatre mois et que le salarié concerné ne soit pas envoyé en remplacement d'une autre personne parvenue au terme d'un détachement. Une prolongation de la durée du détachement est possible, par accord entre les autorités des deux parties, dans une limite maximale de vingt-quatre mois supplémentaires, si la durée du travail à effectuer se prolonge en raison de circonstances imprévisibles dûment justifiées au-delà de la durée initialement prévue. Les personnes exerçant une activité indépendante peuvent également bénéficier du détachement, mais sa durée est limitée à douze mois, avec prolongation éventuelle de douze mois aux mêmes conditions.
Par ailleurs, le détachement est conditionné à la garantie, par l'employeur ou le travailleur indépendant, d'une couverture prenant en charge l'ensemble des frais médicaux et d'hospitalisation pendant toute la durée du séjour dans l'Etat de détachement.
La convention comporte également une série de dispositions classiques sur la totalisation des périodes d'assurances passées dans les deux pays pour le calcul des droits aux différentes prestations, qu'il s'agisse des pensions de retraite et d'invalidité, des rentes d'accidents du travail ou des indemnités journalières d'assurance-maladie. Il s'agit là d'une avancée notable pour les personnes ayant été amenées dans leur carrière à relever successivement de régimes argentins et français.
Enfin, parmi les stipulations qui définissent les modalités de coopération entre les organismes français et argentins de sécurité sociale, il faut noter que la convention prévoit un dispositif destiné à lutter contre la fraude, grâce aux échanges d'informations sur la résidence effective des personnes et l'appréciation des ressources.
Le nombre de personnes potentiellement concernées par cette convention est difficile à déterminer, mais il sera en tout état de cause limité.
La communauté française en Argentine compte parmi les plus importantes d'Amérique latine, avec près de 15 000 inscrits et plusieurs milliers de personnes non enregistrées auprès des services consulaires. L'une des particularités de cette communauté est de comprendre une forte proportion de descendants des quelque 350 000 Français ayant émigré en Argentine tout au long de la seconde moitié du 19ème siècle, et jusqu'à la première guerre mondiale. Nés en Argentine, ces Français ont conservé la nationalité de leurs ancêtres sans nécessairement continuer à cultiver des liens réguliers avec notre pays. Largement issue des classes moyennes, cette communauté a été durement frappée par la crise économique du début de la décennie. L'Argentine est le quatrième pays au monde pour le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale versée aux Français établis hors de France.
S'agissant de la communauté argentine en France, elle se situerait, selon les estimations, entre 8 000 et 12 000 personnes.
Parmi les expatriés des deux pays, la convention apportera des améliorations significatives pour deux catégories principales de personnes.
Tout d'abord, celles ayant tour à tour résidé dans l'un et l'autre pays. Grâce à la levée de la clause de résidence, certains Français ayant travaillé en Argentine pourront percevoir à ce titre le versement d'une pension de retraite argentine en France. Par ailleurs, la totalisation des périodes d'assurances dans les différents régimes français et argentins permettra d'élargir la base de calcul des pensions. Il faut noter que cette disposition profitera à certains Argentins revenus dans leur pays après avoir résidé en France durant la période de dictature.
Les personnels en expatriation temporaire constitueront la seconde catégorie de bénéficiaires, puisque le statut de détachement leur permettra de conserver le bénéfice des régimes de sécurité sociale du pays d'origine dans une limite de durée. Cette possibilité est particulièrement intéressante pour les expatriés français qui seront placés sous statut de détachés, étant donné le niveau inférieur des prestations des régimes argentins, qui impliquait la souscription d'une assurance complémentaire, par exemple auprès de la Caisse des Français de l'étranger. Je signale cependant que nos grandes entreprises expatrient relativement peu de cadres vers l'Argentine. Elles trouvent en effet sur le marché local des personnels de même niveau, souvent d'ailleurs parmi les binationaux. A l'heure où certains mettent en cause la bi-nationalité, il faut souligner l'atout qu'elle représente pour les entreprises françaises dans de nombreuses régions du monde.
En 2007, la commission des Affaires sociales du Sénat avait publié un rapport d'information sur la protection sociale en Argentine, suite à une mission sur place. Il en ressortait qu'une forte proportion de la population ne disposait que d'une couverture maladie minimale, et que globalement, les régimes sociaux avaient été fortement affectés par la crise économique et financière du début des années 2000. Dès lors, le niveau des prestations y est notablement inférieur à celui dont nous bénéficions en France.
Pour conclure, je dirai que si le nombre de personnes intéressées demeure relativement modeste, ce type de convention bilatérale permet une réelle amélioration de leurs droits sociaux tout en contribuant à faciliter les courants d'échanges, notamment les investissements, qui nécessitent souvent l'expatriation de cadres ou de techniciens. Après un reflux consécutif à la crise, les investissements français en Argentine sont repartis à la hausse, environ 250 sociétés françaises étant implantées dans ce pays.
Jusqu'à présent, le Chili était le seul pays d'Amérique latine auquel nous étions liés par une convention de sécurité sociale, qui est entrée en vigueur en 2001. Il était important que nous puissions en faire de même avec l'Argentine. Je signale également que nous avons signé une convention de même nature avec l'Uruguay en décembre dernier et que des discussions sont en cours avec le Brésil.
Je vous invite donc à adopter ce projet de loi.
La commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Nomination de rapporteurs
La commission procède à la nomination de rapporteurs :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam est désignée rapporteur pour le projet de loi n° 372 (2010-2011) autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts.
Mme Bernadette Dupont est désignée rapporteur pour le projet de loi n° 534 (2010-2011) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la restauration du patrimoine architectural de la ville de L'Aquila.
M. Bernard Piras est désigné rapporteur pour le projet de loi n° 3390 (AN - 13e législature) autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de l'élimination des situations d'urgence.
M. Jean Besson est désigné rapporteur pour le projet de loi n° 402 (2010-2011) autorisant l'approbation de l'arrangement concernant les services postaux de paiement, en remplacement de M. Rachel Mazuir.