- Mardi 7 décembre 2010
- Mercredi 8 décembre 2010
- Nomination de rapporteurs
- Organisme extraparlementaire - Désignation de candidats
- Modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées - Examen des amendements au texte de la commission
- Réforme de la représentation devant les cours d'appel - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
- Simplification et amélioration de la qualité du droit - Examen des amendements au texte de la commission
- Evolution du régime de l'enquête et de l'instruction - Examen du rapport d'information
- Examen d'une pétition
- Exécution des décisions de justice et professions réglementées - Examen des amendements au texte de la commission en deuxième lecture
- Avis sur une candidature à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Résultats du scrutin
Mardi 7 décembre 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Audition de M. Eric Molinié, candidat à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
La commission procède à l'audition de M. Eric Molinié, candidat proposé par M. le Président de la République à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ainsi qu'au vote sur cette proposition de nomination.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Eric Molinié. Le Premier ministre nous a saisis de sa candidature à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances (Halde). Après l'avoir entendu, nous voterons dans notre salle de commission - les délégations de vote ne sont pas admises. Nous ne dépouillerons le scrutin que demain vers 17 h 30, en même temps que l'Assemblée nationale et ce, conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010.
Tous nos collègues connaissent votre parcours professionnel et associatif. Je vais vous laisser vous présenter et exprimer votre conception de votre rôle ; nous vous poserons ensuite des questions. Nous attendons que l'Assemblée nationale se prononce sur le Défenseur des Droits, mais, si la Halde n'a pas vocation à perdurer dans cette forme, ses missions, elles, perdureront.
M. Eric Molinié, candidat proposé à la présidence de la Halde. - Vous m'accueillez donc salle Médicis et non salle Clemenceau.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Ce qui prouve que l'accessibilité n'est pas parfaite.
M. Eric Molinié. - Vous avez jusqu'en 2015 ! Les élévateurs restent faits pour 200 kilos alors que les fauteuils deviennent plus lourds : les normes doivent évoluer. L'accessibilité passe aussi par ces éléments techniques.
Puisque vous avez eu la gentillesse de regarder mon parcours, je me contenterai d'en relever deux ou trois points saillants. C'est un grand honneur pour moi d'avoir été retenu il y a quinze jours à l'unanimité des membres du collège pour assurer l'intérim et rendre les avis les plus urgents en vue de décisions de justice, et d'avoir ensuite été proposé par le président de la République pour venir devant vous.
Je viens d'avoir cinquante ans. Je suis diplômé d'HEC. J'ai été victime de quelques discriminations dès ma jeunesse : en raison de la charge de travail et de l'accessibilité, le proviseur de mon lycée ne pensait pas possible que je suive une classe préparatoire - j'en ai heureusement trouvé une autre...
Je suis directeur adjoint du dialogue social à EdF et conseiller du président sur le handicap. Je participe au comité de suivi de la loi Hôpital Patients Santé Territoires présidé par M. Jean-Pierre Fourcade, comme j'avais siégé à la commission Larcher. J'avais déjà commis un rapport au Conseil économique et social en 2005 dans lequel il était d'ailleurs question d'agences régionales de santé, et de gouvernance.
Je suis vice-président de l'Association des paralysés de France (APF), au nom de laquelle je préside l'enseigne Handeo, de labellisation des services aux personnes handicapées.
Tous ces engagements sont marqués par une fertilisation croisée. Financier, j'ai été trésorier du téléthon ; attentif aux biotechnologies, j'ai conscience des enjeux de la génétique et des investissements d'avenir. Il en va de même entre EdF et l'APF, entre engagements associatifs et développement durable.
J'en viens à ce que j'ai vu et compris de la Halde depuis six mois. Elle travaille beaucoup : chaque juriste a 100 à 150 dossiers actifs et, sur 40 000 dossiers reçus depuis la création, 37 000 ont été traités. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, car nous avons toute une activité de médiation, de résolution à l'amiable grâce à l'intervention de nos correspondants locaux.
Notre expertise technique sur les dossiers de discrimination crée une jurisprudence, par exemple celle qui vient d'être reprise à Toulouse à propos d'une discrimination dans une entreprise de cette région, grâce à une approche quantitative par la caractérisation sans aller jusqu'à une statistique ethnique. On peut en effet, en regardant l'origine des noms, caractériser quantitativement une discrimination.
Cette expertise est reconnue par l'Union européenne et au niveau international, par le biais d'échanges avec nos homologues : hier encore, nous recevions nos confrères québécois à l'occasion d'un colloque à l'Institut d'études politiques de Paris.
Au-delà des décisions individuelles et des cas particuliers, la Halde apporte une contribution à des enjeux de société. Rendue à la demande d'entreprises, notamment de PME se demandant comment atteindre le quota de 6% de handicapés sans faire montre de discrimination positive dans les recrutements, la délibération du 14 juin présente de bonnes pratiques ; le guide dont elle sera suivie en renforcera le rôle pédagogique.
La Halde s'est également autosaisie de la réforme des retraites en montrant qu'on risquait une discrimination contre les femmes, offrant ainsi au législateur des pistes d'amélioration.
Cela nous renforce dans la conviction que le budget de la Halde, récemment commenté par la Cour des comptes, constitue un investissement de cohésion sociale et de développement durable, au même titre qu'un plan de cohésion sociale. Grâce à la Halde, un jeune issu de l'immigration peut se lancer avec confiance dans un parcours d'éducation et de formation : elle est créatrice de valeur sociale et économique.
Quel est mon projet pour la Halde ? Je veux être au service de missions d'intérêt général, des valeurs républicaines, et de la volonté populaire. Ces missions sont claires : lutter contre les discriminations et promouvoir l'égalité des chances, faire avec la même détermination du préventif et du curatif - notre pays avait plutôt la culture du curatif. La Halde doit statuer sur les cas particuliers dont elle est saisie, mais elle doit également, à partir de situations complexes, tirer des lignes de force et soumettre des propositions à la représentation nationale. Sans prendre de positions sur la loi, nous pouvons par exemple pointer un vide juridique. Au-delà du cadre juridique, qui relève de la représentation nationale, je ne conçois cette responsabilité qu'au travers de la collégialité, qui est la meilleure garantie au service des citoyens.
Deux outils sont nécessaires. Le comité consultatif, d'abord, a tissé des liens avec la société civile, et permet de prendre du recul ainsi au sujet des gens du voyage. Nous pourrions établir des relations plus fortes avec le Conseil économique, social et environnemental. La Halde a ensuite besoin de son réseau de correspondants locaux, qui sont à l'origine du tiers des saisines et du quart des solutions.
Si j'ai l'honneur d'être nommé, je fixerai une feuille de route pragmatique dans le traitement des dossiers. Faut-il traiter toutes les saisines, ou y a-t-il lieu de définir des priorités et de les hiérarchiser ? Il convient ici d'éviter les caricatures et d'accélérer le traitement des affaires.
Il convient en outre d'accroître les liens avec nos partenaires comme avec le monde de l'entreprise. Il convient de développer les bonnes pratiques. De même, les juristes de la Halde pourraient suivre des stages d'immersion pour découvrir la réalité économique de la vie en entreprise ; plusieurs entreprises, dont EdF, sont candidates pour les accueillir.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - M. Peyronnet, rapporteur du budget des autorités administratives indépendantes, posera les premières questions.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Je suis rapporteur de cette mission, mais j'appartiens aussi à une formation politique qui considère qu'il n'y a pas lieu de participer à un scrutin quand il faut réunir les trois cinquièmes des votants pour refuser une nomination. Cela n'a rien de personnel et j'ai trouvé votre propos plutôt satisfaisant.
Vous connaissez cette institution ; la collégialité en est consubstantielle. Avez-vous des garanties sur la collégialité à venir ?
S'agissant de la gestion, on a beaucoup parlé de certaines dépenses excessives de communication. Pensez-vous des économies possibles - je ne parle pas des loyers.
Comment voyez-vous l'avenir ? Avec l'institution d'un Défenseur des droits, quel sera votre avenir ? Deviendrez-vous son adjoint ou démissionnerez-vous dans quelques mois ? Même si vous ne pouvez nous dire quelles garanties vous avez obtenues, la question est légitime. Le Défenseur des droits fera ce qu'il voudra bien faire...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Dans le cadre de la loi organique !
M. Eric Molinié. - Je vais être très franc, je dirai ce que je sais et ce que je pense. En matière de plan de carrière, je n'ai rien demandé et l'on ne m'a rien proposé. Mon avenir n'est pas le plus important : j'ai une mission, assurer la pérennité de la Halde, et c'est mon seul combat. La structure actuelle me semble bonne, même si des aménagements me semblent possibles. Cela dit, c'est vous, membres de la représentation nationale, qui déterminez le cadre. Je n'en sais pas plus, la loi n'est pas encore votée, il y aura des amendements - je pourrais vous proposer quelques idées. La collégialité est indissociable de cette mission et j'y mettrai toute mon énergie.
S'agissant enfin de la gestion, il y a eu des indiscrétions dans la presse, mais un grand nombre de questions ont trouvé leur réponse dans le rapport définitif de la Cour des comptes. J'ai moi-même interrogé nos équipes : il y a eu 800 000 euros d'économies cette année. Si on cherchait à aller au-delà, on toucherait à la substance même de la Halde. Quelles économies de personnel pouvons-nous réaliser quand les demandes pleuvent et que le déploiement des correspondants locaux est une priorité ? Une communication est nécessaire, et l'économie n'ira pas loin. Enfin, nous n'avons pas à rougir de la comparaison avec nos homologues anglais ou danois : notre structure de lutte contre les discriminations coûte moins cher aux citoyens français.
M. François Zocchetto. - Vous pouvez présenter des observations ou être entendu par les juridictions, ce qui n'est pas neutre pour elles. Dans une affaire récente, il y a eu le point de vue de la Halde et celui d'un de ses membres. Puisque vous avez parlé de collégialité, comment élaborez-vous ces observations et comment les présentez-vous ? Que s'expriment des opinions divergentes au sein de la Haute autorité affaiblit l'institution.
M. Jean-René Lecerf. - L'on évoque souvent l'invisibilité statistique des minorités visibles : comment mesurer les discriminations liées à la couleur de la peau sans statistiques ? J'aimerais aussi connaître votre sentiment sur les discriminations au sein des prisons françaises.
Mme Catherine Troendle. - Ma première question rejoignant celle qu'a posée M. Zocchetto, je vous interrogerai seulement sur une situation qui me tient à coeur et sur laquelle j'ai essayé à plusieurs reprises d'attirer l'attention des ministres : comment atteindre les 6% de handicapés dans les cadres opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ? Ne pouvez-vous vous saisir de cette problématique ?
M. Eric Molinié. - La Halde apporte ses conclusions, elle transmet son avis aux juridictions. Cela ne porte-t-il pas atteinte au principe du procès équitable ? La Cour de cassation s'est exprimée là-dessus en juin et de nouveau en novembre, en considérant que dès lors qu'elle avait fourni ses conclusions aux deux parties et que celles-ci avaient toutes les données, le principe du débat contradictoire était respecté. Je suis assez serein sur ce point-là. Je ne puis quant à moi concevoir une position différente de celle du collège - j'ai été assez clair à cet égard. Pour répondre sur l'affaire de la crèche Baby Loup, nous en avons parlé hier au collège et, contrairement à ce qui a été dit, nous n'avons pas refusé d'ouvrir le dossier, nous avons choisi de le traiter loin des feux médiatiques. Le jugement de prud'hommes sera rendu lundi prochain ; nous pourrons d'ici l'appel apporter de nouvelles conclusions : le débat n'a pas été écarté mais traité dans la clarté et la sérénité.
J'ai donné tout à l'heure un exemple sur les statistiques ethniques. Nous sommes arrivés à démontrer une discrimination sans statistiques ethniques. Certes, nous avons accès à des données chiffrées et à des enquêtes que les entreprises ne peuvent pas mener mais, puisque les statistiques ethniques n'ont d'autre but, elles ne sont pas nécessaires dès lors qu'on y parvient autrement, comme cela a été jugé à Toulouse. Cela nous renvoie à la question des quotas : je n'y suis pas défavorable quoiqu'ils ne constituent qu'un pis-aller. L'objectif étant d'aller vers la non-discrimination, des mesures temporaires peuvent compenser une situation provisoire de déficit. A 20%, le chômage des handicapés est le double de celui des personnes valides, on peut donc considérer que des mesures sont utiles mais, dès que le taux de chômage sera identique, on n'aura plus besoin du quota de 6%. Je connais mal la situation des SDIS, mais je sais que la Halde ne peut traiter que des situations dont elle est saisie : il faudrait que des personnes concernées lui soumettent leur dossier. Je sais aussi qu'il y a tellement de situations de handicap qu'il faut raisonner au cas par cas. Certains postes ne sont pourtant pas disponibles pour les handicapés, à l'instar des moniteurs de skis mis à la retraite d'office. Notre position est au contraire qu'il faut que la médecine du travail statue sur l'aptitude car certains handicaps ne sont pas déterminants : je pense à ces sourds dont les tourneuses-fraiseuses sont équipées de signaux lumineux au lieu d'être sonores.
Je connais la situation des prisons par le biais de l'APF. On a fait état de conditions difficiles, mais, là encore, nous devons être saisis, ce qui n'est pas le cas à ma connaissance.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il me semble au contraire que la Halde a été saisie d'un cas de ce genre.
M. Eric Molinié. - Je n'en ai pas eu connaissance.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le premier président de la Halde souhaitait que celle-ci se substitue au juge pénal : le Sénat y a mis bon ordre. Mais en 2004 nous vous avons confié un pouvoir de transaction pénale, sous le contrôle du parquet. Or huit dossiers seulement ont été traités en 2009, le nombre d'observations émises à la demande du parquet ou d'un juge étant beaucoup plus élevé. Pourquoi ce retard ? Cette procédure est pourtant utile, par exemple dans les cas de discrimination salariale entre hommes et femmes.
M. Eric Molinié. - Si l'on compare les avis transmis par la Halde au parquet et ceux transmis à d'autres instances et juridictions -prud'hommes, tribunaux administratifs...- on n'observe pas de différence significative. En 2010, la Halde a procédé à douze transactions pénales et reçu du parquet vingt-et-une sollicitations pour avis. Nous cherchons à développer ce dispositif : plusieurs conventions ont été signées avec des parquets, comme celui de Grenoble, et d'autres sont en préparation, notamment avec celui de Paris ; un référent est alors désigné au parquet pour traiter avec nous. Si les chiffres restent encore modestes, c'est que les plaignants, plutôt que de s'orienter vers une procédure pénale hasardeuse, préfèrent souvent un règlement à l'amiable.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Merci de vos réponses.
L'audition terminée, les commissaires rejoignent la salle de la commission des lois pour procéder au vote.
VOTE SUR LA PROPOSITION DE NOMINATION
MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel sont désignés scrutateurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le groupe CRC-SPG ne participera pas au vote. Nous sommes hostiles à la création d'un Défenseur des droits telle qu'envisagée par la majorité sénatoriale, et notamment à l'absorption par cette nouvelle institution des anciennes autorités indépendantes, qui avaient montré leur autonomie et leur pertinence. Nous y voyons une tentative de reprise en main. Que les commissions des assemblées ne puissent s'opposer qu'à la majorité des trois cinquièmes aux nominations proposées par le Président de la République n'autorise pas un véritable contrôle du Parlement.
J'ai d'ailleurs depuis peu un autre sujet d'inquiétude : le Sénat avait décidé que la nomination des adjoints du Défenseur des droits, qui tiendront le rôle des anciens présidents des autorités indépendantes fusionnées, serait soumise à l'avis des commissions permanentes compétentes des assemblées parlementaires. Leur crédit en aurait été renforcé. Or la commission des lois de l'Assemblée nationale est revenue sur cette décision.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'intervention de Mme Borvo Cohen-Seat m'épargne un long discours. Pas plus qu'au précédent, notre groupe ne participera à ce vote. Les autorités indépendantes ont fait leurs preuves. Il serait exemplaire pour notre démocratie que le Défenseur des droits ainsi que ses adjoints soient désignés par les commissions compétentes des assemblées à la majorité des trois cinquièmes, ce qui obligerait la majorité et l'opposition à se mettre d'accord. Toutefois nous n'avons pas d'objection contre la candidature de M. Molinié.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je rappelle que jusqu'à la révision constitutionnelle de 2008, les présidents des autorités étaient nommés par le Président de la République, sans aucun contrôle du Parlement. Or vous avouez vous-mêmes que ces autorités ont fait la preuve de leur indépendance...
J'ajoute que le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits n'a pas encore été adopté définitivement. Le Sénat saura faire entendre sa voix.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je m'en réjouis.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je vous rappelle que nous procéderons au dépouillement demain après-midi car nous devons l'effectuer en même temps que l'Assemblée nationale dont la commission des lois entendra M. Molinié demain après-midi.
Mercredi 8 décembre 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, et de MM. Jean-René Lecerf et François Zocchetto, vice-présidents -Nomination de rapporteurs
Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède à la nomination de rapporteurs.
M. François Zocchetto est nommé rapporteur du projet de loi n° 2855 (AN) sur la garde à vue.
M. Patrice Gélard est nommé rapporteur :
- du projet de loi organique n° 1887(AN) relatif à l'élection des députés,
- du projet de loi n° 1894 (AN) ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 sur l'élection de députés par les Français établis hors de France (en remplacement de la nomination de M. Jean-Jacques Hyest, effectuée le 22 décembre 2009),
- de la proposition de loi n° 2562 (AN) portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.
Organisme extraparlementaire - Désignation de candidats
M. François Pillet a été désigné candidat titulaire et Mme Eliane Assassi, candidate suppléante, à la nomination du Sénat pour siéger au sein de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.
Modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine ensuite les amendements au texte n° 132 (2010-2011) qu'elle a établi pour le projet de loi n° 43 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.
Examen des amendements du rapporteur
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Je vous propose tout d'abord d'adopter quelques amendements de précision.
Article 1er AB
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Mon amendement n° 1 tend à permettre aux collaborateurs d'avoués titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avoué de bénéficier de plein droit de la spécialisation en procédure d'appel.
La commission adopte l'amendement n° 1.
Article 21
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Mon amendement n° 2 vise à compléter les modifications apportées par notre commission au régime des sociétés de participation financières interprofessionnelles : les fonctions de direction et les mandats sociaux ne doivent pas être réservés aux seuls membres des professions judiciaires et juridiques dès lors que les professions du chiffre et les conseils en propriété intellectuelle peuvent intégrer l'interprofession capitalistique.
La commission adopte l'amendement n° 2.
Article 23
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Mon amendement n° 3 complète les dispositions relatives à l'application de la loi dans les collectivités d'outre-mer.
La commission adopte l'amendement n° 3.
Examen des autres amendements
Article 1er A
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 1.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Articles additionnels
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 2, de même que le suivant, vise à assimiler les assistants parlementaires aux juristes d'entreprise s'ils remplissent les mêmes conditions de diplôme et d'expérience professionnelle, afin de leur permettre de bénéficier de la passerelle vers la profession d'avocat. Dans la mesure où l'ensemble des passerelles vers la profession d'avocat sont définies par décret, il me semble difficile, même si je suis favorable au principe, de définir cette passerelle-ci par voie législative. Il serait préférable de s'en tenir à la voie réglementaire, après consultation de la profession.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous sommes d'accord, mais nous souhaitons que cela soit dit en séance.
M. Jean-René Lecerf. - Nous avons dit notre inquiétude à voir s'ouvrir trop largement la profession d'avocat. Est-il bien utile d'ajouter encore aux raisons de s'interroger sur la réalité des compétences ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Des garanties sont prévues : quatre années d'études supérieures en droit et huit ans comme assistant parlementaire seront requis. Il ne s'agit pas d'admettre n'importe qui.
Mme Jacqueline Gourault. - Je m'étonne que ceux-là mêmes qui réclament que le concours prime dans la fonction publique territoriale entreprennent ici de faciliter l'accès sans concours à une profession...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La profession d'avocat ferait bien de s'interroger sur ce qui fait sa spécificité... Accepter l'ouverture tous azimuts dans l'espoir de se donner plus de poids n'est sans doute pas de nature à renforcer la considération pour cette très honorable profession...
La commission décide de demander le retrait de l'amendement n° 2 ainsi que de l'amendement n° 20.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 3 prévoit un rapport sur la formation initiale des avocats. La question est certes importante, mais je ne suis pas sûr qu'un nouveau rapport faisant suite au rapport Darrois soit indispensable. Défavorable.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous avons déposé trois amendements de même nature, dont nous savons que, sans le recours à la prescription d'un rapport, ils seraient tombés sous le coup de l'article 40. Ces demandes de rapport restent une façon d'ouvrir la discussion.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3, ainsi qu'aux amendements n° 4 et n° 5.
Article 1er
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 17 : on ne peut pas assimiler l'acte d'avocat à un acte authentique ; il n'a ni la même force probante ni les mêmes conséquences sur l'accès à la publicité foncière.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 18 est satisfait par la rédaction de l'article : le contreseing atteste que le conseil a bien été donné. L'obligation d'information et de conseil qui s'impose au praticien le conduit à informer le contractant sur son engagement. J'ajoute que le renversement de la charge de la preuve sera favorable au client. Reste qu'il sera utile de formuler tout cela en séance.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Même avis sur l'amendement n° 28, pour les mêmes raisons.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.
Articles additionnels
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Contrairement à ce qu'écrivent les auteurs de l'amendement n° 19 dans leur exposé des motifs, le contreseing ne peut s'analyser comme un monopole. J'en veux pour preuve l'avis du Conseil de la concurrence. Rien ne justifie donc de soumettre à un tarif une profession qui fixe librement ses honoraires dans le cadre des obligations déontologiques qui sont les siennes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Défavorable, également, à l'amendement n° 6 : l'intérêt d'un acte contresigné est d'offrir aux parties une sécurité, par la preuve de leur engagement. L'enregistrement informatique de ces actes n'ajoute rien.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - D'autant que si l'on se met à tenir un fichier national, on se rapproche de l'acte authentique...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n° 7, comme au suivant, qui demande encore un rapport.
M. Jean-Pierre Michel. - Ils sont de repli, sachant que les précédents encourent les foudres de l'article 40...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7, ainsi qu'à l'amendement n° 9.
Article 1er bis
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 16 rectifié bis, qui émane de nos éminents collègues de la commission de la culture, donnera lieu à un intéressant débat en séance. Il tend à supprimer les dispositions relatives aux avocats mandataires sportifs.
Rappelons que le texte voté en juin 2010 revenait sur la version initiale de la proposition de loi de notre collègue Jean-François Humbert, laquelle prévoyait que les activités d'agent sportif et d'avocat étaient incompatibles. La loi ayant finalement rendu compatibles ces deux activités, il convenait de préciser les conditions d'intervention de l'avocat dans les contrats concernés. L'avocat, qui est tenu par une déontologie spécifique et qui possède des qualifications professionnelles, peut agir comme mandataire sans licence d'agent sportif. Le dispositif est équilibré : les avocats doivent transmettre leurs contrats aux fédérations sportives pour les mettre en mesure de saisir, en cas de problème, l'autorité disciplinaire. Pourquoi vouloir les soumettre à un double régime disciplinaire en les obligeant à avoir cette licence d'agent sportif ? J'ajoute qu'un amendement n° 37 du Gouvernement prévoit des sanctions pénales en cas de transgression de ces règles.
M. François Pillet. - J'ai les mêmes réserves que le rapporteur sur cet amendement. D'autant que la pratique existe déjà chez les avocats spécialisés. Le Conseil national du barreau serait bien inspiré, à mon sens, d'inscrire tout ceci dans son règlement national unifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16 rectifié bis.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 10 soulevant le même problème appelle le même avis.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 37 prévoit de soumettre aux sanctions pénales applicables aux agents sportifs les avocats agissant en tant que mandataires d'un sportif, d'un entraîneur ou d'un club. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 37.
Article 2
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.
Article additionnel
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 22 demande un rapport pour la création d'un internat du barreau. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.
Article 2 bis
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 29 prévoit qu'en cas d'empêchement du bâtonnier, le vice-bâtonnier le remplace non plus jusqu'à la fin du mandat en cours, mais jusqu'à la tenue de nouvelles élections. J'observe que le vice-bâtonnier n'est pas élu pour assurer le remplacement du bâtonnier, mais pour alléger sa tâche. Il ne dispose pas de pouvoirs propres, mais seulement de pouvoirs délégués. L'amendement modifie cet état de choses.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - J'observe que la création d'un vice-bâtonnier suscite des difficultés nouvelles... C'était autrefois le doyen qui assurait l'intérim.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Je n'ai pu interroger les représentants de la profession. Le mieux serait peut-être de nous en tenir aux dispositions actuelles. Un avis de sagesse... plutôt négative, en somme.
La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 29.
Article 4
M. Laurent Béteille, rapporteur. -L'amendement n° 30 vise, d'une part, dans son I, à garantir la publicité foncière aux conventions homologuées par un juge ainsi qu'aux privilèges et hypothèques rédigées par les parties et, d'autre part, dans son II, à étendre l'accès à la publicité foncière à tous les actes et décisions pour lesquels la loi le prévoit.
Ce dernier point est inutile en vertu du principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale : les actes ou décisions concernés pourront faire l'objet d'une publicité foncière.
S'agissant de la référence dans l'article aux seules décisions juridictionnelles plutôt que judiciaires, j'observe que la rédaction retenue n'exclut pas qu'une décision d'homologation puisse avoir un caractère juridictionnel : il y a une différence selon qu'elle tranche un point de droit ou entraîne seulement un accord des parties dont le juge n'a pas eu à connaître. En revanche la modification proposée permettrait à une simple homologation de donner accès à la publicité foncière, ce qui autoriserait tous les détournements de procédure.
En ce qui concerne l'exception proposée pour les privilèges et les hypothèques, il est vrai qu'actuellement les parties peuvent, sans passer par un notaire, constituer un privilège, comme un nantissement sur un fonds de commerce, ou une hypothèque sur un bien immobilier par simple contrat, en le faisant ensuite enregistrer aux minutes d'un notaire pour en obtenir la publication à la conservation des hypothèques. Le nouvel article 710-1 du code civil remet cette possibilité en cause. Cependant, cette remise en cause est limitée dans la mesure où la plupart du temps les parties font d'ores et déjà appel, en ce domaine, à un notaire.
En outre, d'autres procédés existent pour obtenir l'inscription de son rang de créancier, comme l'enregistrement au greffe du tribunal de commerce, pour le nantissement d'un fonds de commerce. Il est vrai néanmoins que, pour les hypothèques conventionnelles, seule la publication à la conservation des hypothèques est possible. Quoique limitée, la remise en cause de cette possibilité offerte aux parties n'est pas nulle.
Souhaitant conserver l'équilibre entre les professions que sous-tend le présent article, j'aurai plutôt tendance à émettre un avis défavorable, mais la discussion reste ouverte sur le dernier point, qui pourrait être retenu dans un amendement rectifié.
M. Jacques Mézard. - Le texte prévoit, en somme, que tout ce qui relève des hypothèques et de la publicité foncière doit être entre les mains des notaires. Ce faisant, il remet en cause des possibilités existantes, au reste très circonscrites. Je n'entends nullement remettre en cause les compétences actuelles du notaire, mais je considère que cette rédaction va trop loin.
M. François Pillet. - Ôtez-moi d'un doute : le texte, tel qu'il est rédigé, ne peut-il conduire à interdire la publication d'une décision juridictionnelle alors que cette décision ordonne la publication ? (M. le rapporteur indique qu'il ne le peut)
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il est vrai qu'autrement, cela poserait problème pour bien des décisions, je pense notamment aux jugements après succession. Le problème tient à ceci que les homologations ne réglant pas un point de droit ne pouvaient conduire à inscription aux hypothèques. Se pose également le cas des hypothèques conventionnelles. Nous devons être attentifs aux interprétations que l'on voit publier ici et là. D'où cette nouvelle rédaction, destinée à sécuriser les choses. Je crois que cette partie de l'amendement qui les concerne peut être conservée, pour sécuriser les règles.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Pour les décisions juridictionnelles, je suggère que nous en restions au texte que nous avons adopté. En ce qui concerne les privilèges et hypothèques, pour rester à droit constant, il me semble que nous pourrions accepter une rédaction rectifiée de l'amendement, étant entendu que c'est l'alinéa 7 du texte qu'il convient de modifier en ce sens.
La commission émet un avis favorable sous réserve de rectification à l'amendement n° 30.
Article 5
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.
Article 6
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11, ainsi qu'à l'amendement n° 31.
Article 7
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 36 : l'acte de notoriété suppléant un acte de naissance n'étant pas un acte d'état civil, l'officier d'état civil n'a pas forcément à en connaître.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.
Article 10 bis
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 12 rectifié revient sur la question, décidément à rebondissements, du conseil en propriété intellectuelle. Nous avions, à l'initiative de M. Zocchetto, proposé la fusion de la profession avec celle d'avocat, conformément à ce qu'avait voté le Conseil national du barreau en 2008. Constatant que le consensus s'était depuis rompu, j'avais proposé de supprimer la barrière entre les deux professions, afin qu'un conseil en propriété intellectuelle titulaire des diplômes nécessaires puisse exercer à la fois son métier et celui d'avocat. Mais cette proposition ne semble pas non plus faire consensus. J'estime qu'il serait regrettable de sacrifier l'attractivité des juridictions françaises en matière de propriété intellectuelle. Mon avis est donc plutôt, sur le principe, défavorable à l'amendement, mais je m'en remets à votre appréciation.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La voie moyenne proposée il y a quinze jours par notre rapporteur a en effet suscité de vives réactions. Nous avons argué qu'il existe une interprofession capitalistique. J'ajoute que tous les conseils en propriété intellectuelle ne devraient pas être intéressés par l'exercice de la profession d'avocat. Nous en sommes là. Il n'y a plus qu'à s'en remettre à l'interprofession : ceux qui voudront se débrouiller à l'international devront créer des sociétés réunissant des conseils en propriété intellectuelle et des avocats.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous verrons ce que dit le ministre...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il sera peut-être favorable à l'amendement socialiste...
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 12 rectifié.
Article 19
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 24, comme le suivant, vise à maintenir le régime de responsabilité solidaire entre associés d'une société civile professionnelle. Je suggère que nous nous en tenions au texte que nous avons adopté : cela ne change rien pour le client, puisque l'avocat reste assuré.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24, ainsi qu'à l'amendement n° 32.
Article 20
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.
Article 21
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 33 revient sur l'extension de l'interprofessionnalité aux professions du chiffre : je n'y suis pas favorable.
M. Jacques Mézard. - Nous en débattrons en séance. Il ne s'agit pas de défendre des positions corporatistes mais d'éviter une confusion des genres, dont les conséquences sur le droit des affaires sont loin d'être anecdotiques.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le raisonnement est du même ordre que pour les deux professions d'avocat et de conseil en propriété intellectuelle. En tout état de cause, les ponts existent entre experts-comptables et commissaires aux comptes. Même si le cabinet Arthur Andersen en tant que tel a disparu dans la tourmente, le problème demeure des grands cabinets internationaux...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 13, contrairement à ce qu'indiquent ses auteurs, n'est pas purement rédactionnel, puisqu'il a pour conséquence de limiter l'interprofessionnalité, au sein des sociétés de participations financières, à deux professions. J'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
Article additionnel
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 27 revient sur les dispositions de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de la protection juridique, qui a renforcé la protection des assurés, et dont il ne me paraît pas souhaitable de remettre en cause l'équilibre.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
Article 21 bis
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 34 entend supprimer l'extension du rôle d'assistance des experts-comptables aux démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative des personnes physiques.
Il est exact que le Sénat, lors de sa séance du 10 juin 2010 sur le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, était revenu sur une rédaction adoptée par la commission de l'économie, qui tendait à donner la même possibilité aux experts-comptables. Il avait alors préféré limiter l'activité d'assistance des experts-comptables aux déclarations fiscales. Reste que depuis, les experts-comptables et les avocats ont confirmé leur accord sur ce point. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement.
M. Jacques Mézard. - Je note une évolution dans le discours du rapporteur et précise que l'accord auquel il fait allusion est antérieur à la discussion du projet de loi sur les réseaux consulaires. Il est concevable de permettre une extension du chiffre vers le droit, à condition que les choses se passent dans la clarté. Or, l'article 13 quater de la loi relative aux réseaux consulaires a été adopté à la faveur d'un amendement subrepticement introduit en cours de discussion, et qui n'avait donc pas été examiné par notre commission des lois (M. le président Hyest le confirme). Je cite le rapporteur, M. Gérard Cornu : « On m'avait parlé d'un accord global entre experts-comptables et avocats. Il est en effet fréquent que les experts-comptables réalisent pour des personnes physiques diverses déclarations, notamment fiscales. Or j'ai découvert hier que ce que l'on me présentait comme un accord global n'en était pas un ! Je vous remercie d'ailleurs de m'avoir alerté. » On est donc loin, monsieur le rapporteur, de ce que vous écrivez aujourd'hui dans votre rapport. C'est d'ailleurs parce que l'article avait été finalement modifié que mon groupe n'avait pas voté contre le texte, sur les réseaux consulaires se contentant d'une abstention. Et voilà que cette disposition, que nous avions chassée par la porte, revient par la fenêtre, dans cet article 21 bis. J'estime que, sur la forme, le procédé n'est pas correct. Il y a certes eu négociation entre le Conseil national du barreau - certes représentatif, mais qui a montré qu'il était divisé sur la question des avocats en entreprise - et les experts-comptables. Mais l'accord global auquel vous faites référence est remis en cause par une grande partie de la profession. J'estime donc que la méthode est déloyale.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La commission des lois n'est pas en cause, ainsi que je vous l'ai écrit.
M. Jacques Mézard. - Cela est vrai, mais le rapporteur parle dans son rapport d'une « omission » dans la loi sur les réseaux consulaires.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Je vous accorde qu'il est juste de s'entendre sur le sens des mots. Reste que la résolution prise le 18 juin par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux, soit après l'examen en séance par le Sénat le 10 juin, indique que le Conseil et l'ordre des experts-comptables s'accordent sur une modification de l'article 2 de l'ordonnance de 1945 pour permettre aux experts comptables d'assister les personnes physiques dans leurs démarches déclaratives.
M. Jacques Mézard. - C'est là toute l'ambiguïté. Quelles démarches vise-t-on ? Songez que le président du Conseil national des barreaux s'est vanté d'être l'artisan de l'accord ! Je regrette, sur le fond, le manque de clarté de cette disposition et, sur la forme, une manoeuvre déplorable !
M. François Pillet. - Je voterai l'amendement. Il est vrai que le Conseil national des barreaux est désavoué par sa base, par les syndicats d'avocats, mais ce n'est pas là, pour moi, ce qui doit nous déterminer. Je déplore l'inconstance dont fait montre la profession dans la défense de ses positions. Nous n'avons cessé de modifier, depuis ce matin, le champ d'intervention des avocats, qui feraient bien, ainsi que l'a observé le président Hyest, de se payer le luxe d'une réflexion sur ce qui relève de leur métier. On peut craindre, hélas, que sur 40 000 avocats, il y ait autant d'avis différents...
Sur le fond, j'estime que nous avons atteint l'équilibre en matière de partage entre le chiffre et le droit. La jurisprudence a d'ailleurs fixé le cadre d'intervention de chacun des deux monopoles : quand un expert-comptable déborde son domaine, il n'est pas assuré en responsabilité. Nous devons rester à droit constant, en prenant acte que les experts-comptables peuvent assister leurs clients dans les démarches déclaratives ayant un rapport direct avec leur mission. Or, le texte de la commission ne mentionne pas ce rapport direct avec la mission des experts-comptables. Tel est mon avis sur le fond et je ne suis pas loin, quant à la forme, de partager les remarques de M. Mézard.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement supprime la totalité de l'article adopté par la commission. L'adopter équivaudrait à revenir sur l'ensemble des mesures relatives aux experts-comptables. Cela serait dommageable. Nous n'engageons pas une révolution, puisque les experts-comptables exerçaient déjà cette mission. Mais il y aurait quelque chose d'absurde à leur permettre de le faire pour les questions professionnelles de l'entreprise, et pas pour les questions connexes, celles qui touchent, par exemple, la femme de ménage du chef d'entreprise. Ne nous déjugeons pas sur le texte que nous avons adopté (M. Mézard proteste)
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Rappelez-vous la bagarre autour de la loi de 1991. Au sein de la commission des lois de l'Assemblée nationale, entre les défenseurs des experts-comptables et ceux qui en tenaient pour les avocats, cela tirait à hue et à dia.
Le texte ne remet pas en cause les équilibres. On ne va pas obliger un commerçant à aller trouver un avocat pour régler de simples démarches administratives. Il y a eu accord. Evitons d'entretenir la guerre.
Mme Nicole Borvo- Cohen Seat. - Il nous revient surtout de faire prévaloir l'intérêt général.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - L'intérêt des petites entreprises n'est pas de devoir recourir à trente-six conseils différents.
M. Jacques Mézard. - J'entends que vous êtes sensible à l'accord, mais dire qu'il faut permettre aux chefs d'entreprises de régler simplement le problème de leurs femmes de ménage, c'est, franchement, un peu tiré par les cheveux !
M. Laurent Béteille, rapporteur. - C'est la réalité, même si elle est un peu terre à terre.
M. Jacques Mézard. - J'ai le sentiment qu'il y a deux poids deux mesures : on n'arrive pas aux mêmes conclusions sur la question du partage entre avocats et conseils en propriété intellectuelle, et sur celle du départ entre experts-comptables et avocats... (M. le rapporteur et M. le président le contestent)
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - L'amendement n° 15 demande un rapport. Accorder aux huissiers de justice la réalisation du recouvrement public à la place des huissiers du trésor est une proposition intéressante, mais prématurée.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Ce sera pour la prochaine réforme !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°15.
Examen des autres amendements
La commission adopte les avis suivants :
- Présidence de M. Jean-René Lecerf, vice-président -
Réforme de la représentation devant les cours d'appel - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
La commission examine ensuite le rapport de M. Patrice Gélard et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 43 (2010-2011), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.
M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. Patrice Gélard, rapporteur. - Après avoir excusé l'absence du rapporteur, rappelons que le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, dont notre commission est saisie en deuxième lecture, a été déposé il y a plus d'un an et demi sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 3 juin 2009. Entre sa première lecture au Sénat, le 22 décembre 2009, et son examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, le 13 octobre dernier, plus de neuf mois se sont écoulés. Je considère scandaleux d'avoir placé les avoués et les personnels de leurs études dans une situation aussi inconfortable. L'État, s'il décide de supprimer une profession juridique, doit le faire de manière respectueuse en prenant des mesures d'accompagnement et en maintenant le dialogue, dont je salue la reprise.
L'Assemblée nationale et le Sénat ayant respectivement adopté 10 et 12 articles conformes, 13 articles restent en discussion.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a confirmé la plupart des avancées que le Sénat a obtenues en première lecture. En premier lieu, la fixation, par le juge de l'expropriation, d'une indemnité au titre de l'ensemble -j'y insiste- des préjudices subis par les avoués près les cours d'appel. En deuxième lieu, le versement aux salariés des études d'avoués licenciés d'une indemnité calculée à hauteur d'un mois de salaire par année d'ancienneté. En dernier lieu, l'entrée en vigueur de la disparition de la profession d'avoué le 1er janvier 2012 afin de ménager une période transitoire d'environ un an. Parmi les autres points d'accord, citons l'intégration des avoués à la profession d'avocat et la spécialisation en procédure d'appel. Les députés ont approuvé que les anciens avoués devenus avocats puissent faire mention d'une spécialisation en procédure d'appel. Il doit en aller de même pour les collaborateurs d'avoués titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avoué. L'article n'étant plus en discussion, M. Béteille a déposé, au nom de la commission, un amendement à cette fin au projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementés.
J'en viens aux sujets restant en discussion, à commencer par le régime d'indemnisation des avoués. Si l'Assemblée nationale a conforté le dispositif, via la création d'une procédure d'offre préalable d'indemnisation présentée à chaque avoué par la commission nationale chargée d'examiner les demandes d'indemnisation et l'adaptation des délais dans lesquels l'avoué pourra demander à recevoir l'acompte prévu à l'article 17, elle a supprimé, à l'initiative du Gouvernement, les exonérations fiscales et sociales votées par le Sénat. Cette suppression aura un impact limité puisque les anciens avoués pourront bénéficier des exonérations de droit commun. Néanmoins, le Gouvernement, pour apaiser les dernières inquiétudes, devra confirmer en séance publique que les dispositions fiscales s'appliqueront dans un sens favorable aux avoués -et, entre autres, que la plus-value sera calculée sur la base de la valeur de l'office à la date d'acquisition des parts sociales- et que l'acompte, s'imputant sur la part de l'indemnisation correspondant à la perte du droit de présentation, relèvera du régime fiscal de la plus-value.
Deuxième sujet, les indemnités de licenciement des salariés des études d'avoués. Les salariés qui signeront une convention de reclassement bénéficieront d'indemnités majorées, a précisé l'Assemblée nationale. Toutefois, le Gouvernement doit préciser les conditions de recrutement dans les services judiciaires. De fait, à entendre les propos du Garde des sceaux lors de l'examen de la loi de finances pour 2010, tout était merveilleux : l'État allait reclasser 380 personnes dans les greffes des juridictions. La réalité, explique M. Détraigne dans son récent avis budgétaire, est que « quelques salariés seulement ont été reçus aux concours en 2010 ». En outre, la Chancellerie a précisé que ces recrutements seront étalés sur deux ans. Soyons vigilants : l'administration a une capacité de rejet des corps étrangers tout à fait extraordinaire ! J'en veux pour autre preuve la valorisation des acquis de l'expérience : on en parle beaucoup, mais elle est peu mise en oeuvre...
Troisième sujet, le double exercice. L'Assemblée nationale a réduit la période durant laquelle les avoués pourront exercer leur profession et celle d'avocat aux trois mois précédant le 1er janvier 2012, afin de limiter les distorsions de concurrence. La solution paraît équilibrée.
Enfin, la commission interrogera le Garde des sceaux sur la dématérialisation des procédures. De fait, l'informatisation, que les cours d'appel mettent en place progressivement, ne va-t-elle pas aboutir à une paralysie totale du dispositif de la procédure d'appel ? On peut le craindre, malgré le bel optimisme affiché par la Chancellerie.
Sous réserve que le Gouvernement prenne des engagements sur la fiscalisation des indemnités, la commission propose d'adopter le texte conforme.
M. François Pillet. - Grâce au Sénat, l'état de droit, que la réforme ignorait largement, a été rétabli quant aux dispositions fiscales appliquées aux avoués et aux personnels des études d'avoués. Nous devons effectivement obtenir des assurances du Gouvernement sur ce dernier point. Le Garde des sceaux s'était notamment engagé à en intégrer dans le corps de la magistrature. A ma connaissance, seule une candidature a été retenue... Enfin, les inquiétudes qu'a suscitées cette réforme me semblent relever du fantasme : circonscrire à trois mois la période de double exercice est plus réaliste.
M. Yves Détraigne. - L'Assemblée nationale n'a pas dénaturé le travail considérable du Sénat, je m'en réjouis. Reste à lancer un message à la Chancellerie sur le reclassement des personnels des études d'avoués. Pour l'heure, la réalité n'est guère brillante au regard de leur intégration au sein de la magistrature et des greffes. Pour terminer, j'ai déposé des amendements sur les modalités d'indemnisation des avoués.
M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement du rapporteur. - Des amendements d'appel !
M. Jacques Mézard. - Nous voterons contre cette réforme car nous ne croyons pas aux promesses du Gouvernement et de ses représentants. Sur le terrain, on recourt, une fois de plus, à des méthodes déloyales : sans même évoquer le problème des concours, les postes proposés sont de catégorie C, peu attractifs et éloignés des domiciles des personnes concernées. Tout est fait pour que les personnels des études préfèrent toucher l'indemnité. Que l'on n'affecte pas, ensuite, de s'étonner du nombre réduit de candidats ! Quant à l'intégration au sein de la magistrature, ces promesses de Gascon relèvent d'un pur exercice de communication en séance publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Notre groupe s'opposera à ce texte contestable qui laissera de nombreuses personnes sur le carreau. Alors que la justice a besoin de personnes qualifiées, tirer un trait sur les avoués est scandaleux !
M. Alain Anziani. - On nous a vendu la réforme comme une offre globale : une modernisation des professions judiciaires en contrepartie de l'accompagnement des avoués et des personnels des études. Le compte n'y étant pas, nous voterons contre.
M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement du rapporteur. - Soit, cette réforme n'était pas prioritaire. Peut-être s'apercevra-t-on qu'elle n'apportera pas d'amélioration pour le justiciable, que sa défense ne lui coûtera pas forcément moins cher. Pour autant, cette décision politique est cohérente : on évoque la disparition des avoués près les cours d'appel depuis 1991. Alors que les avoués de première instance ont été supprimés en 1971, comment le justiciable peut-il comprendre qu'il ait affaire à deux interlocuteurs en appel ? Pour autant, l'avoué près les cours d'appel avait l'avantage de présenter des tarifs...
Le Sénat ne se désavouera pas en deuxième lecture. Nous avons obtenu un régime d'indemnisation très favorable. Le reclassement pose effectivement des difficultés pratiques. Rappelons-nous l'exemple des magistrats à titre temporaire, ils n'ont pas été très bien accueillis par le corps des magistrats... Dernier problème à régler, la plus-value sur laquelle nous avions adopté une position maximaliste en première lecture afin d'obtenir des avancées. Si nous n'obtenions pas de réponse satisfaisante du Gouvernement sur ce point, peut-être verrions-nous les amendements de M. Détraigne prospérer. Des engagements précis du Gouvernement sont la condition du vote conforme.
Examen des amendements
M. Yves Détraigne. - Mon amendement n°COM-1 à l'article 13 rappelle le principe de l'indemnisation préalable. L'amendement n°COM-4, portant article additionnel après l'article 13, lève toute ambiguïté sur la fiscalisation des indemnités. Les amendements n°COM-2 et n°COM-3, à l'article 17, sont de conséquence.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En somme, comme en matière d'expropriation, vous proposez de consigner l'indemnité. L'acompte leur permettra tout de même de patienter, le temps de se reconstituer une clientèle. La présentation de vos amendements en séance confortera la position de la commission. Pour éviter que ceux-ci ne tombent sous le coup de l'article 40, mieux vaudrait les rectifier...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°COM-1, ainsi qu'aux amendements nosCOM-4, COM-2 et COM-3.
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -
Simplification et amélioration de la qualité du droit - Examen des amendements au texte de la commission
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dite « proposition de loi Warsmann », sera discutée en séance publique en début de semaine prochaine, lundi 13 et mardi 14 décembre.
M. Jean-Pierre Michel. - Je proteste. Ce point n'était pas inscrit à l'ordre du jour !
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est une « question diverse », mon cher collègue.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le 20 octobre dernier, la commission avait repoussé les amendements du Gouvernement. Celui-ci, je le rappelle, ayant eu l'outrecuidance de les déposer la veille de notre réunion, nous n'avions pu les étudier.
Depuis, un mois et demi a passé. Je propose de donner un avis favorable aux amendements rédactionnels ou de coordination nos 192, 193, 194, 195, 209, 210, 221, 220, 229 et 233. Sous réserve de rectification, nous pourrions également accepter les amendements nos212, 227 et 234. Le premier concerne le préfet compétent pour l'organisation des secours en cas de survenance d'un accident dans un tunnel ou sur un pont s'étendant sur plusieurs départements. A défaut d'un arrêté ministériel pour les tunnels routiers dont l'exploitation présente des risques particuliers pour la sécurité, le préfet compétent sera désigné à l'aune de la longueur d'implantation de l'ouvrage d'art. Le but est d'éviter les cafouillages que nous avons rencontrés, notamment, dans le tunnel du Mont-Blanc. Le suivant, sur la proposition de la commission de l'économie, concerne la légalisation de la concertation sur des projets ayant un impact environnemental et le troisième, le champ de l'habilitation législative pour transposer la directive sur la médiation civile et commerciale.
Enfin, je propose de sous-amender l'amendement n°216 pour supprimer seulement la commission de rémunération des auteurs en publicité, le conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés, la conférence de la ruralité et la commission chargée de donner un avis sur les conditions de délivrance du brevet de préparateur en pharmacie qui ne se sont jamais ou peu réunis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Que de « machins » ! Il y a de quoi s'interroger sur les raisons de leur création.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - En outre, j'ai déposé de nouveaux amendements. L'amendement n°258 n'ayant pas pu être étudié, faute d'avoir été diffusé lors de notre dernière réunion, la commission de l'économie propose de demander l'avis du Gouvernement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce texte est l'occasion de revenir sur le financement des écoles privées : les regroupements pédagogiques intercommunaux doivent bénéficier de la loi Carle. Celle-ci aligne la situation de l'enseignement privé sur celle du public. Elle oblige les communes qui n'offrent pas une capacité d'accueil suffisante à participer au financement de l'enseignement privé. Or le décret, auquel le sous-amendement de M. Charasse confiait le soin de définir les RPI, a retenu, après avis du Conseil d'État, les seuls RPI adossés à un EPCI dûment constitué, ce qui revient à éliminer 2 000 d'entre eux, soit la moitié des RPI. Cela est d'autant plus injuste que les RPI sont imposés aux communes. Cette capacité doit être évaluée au niveau intercommunal pour tous les RPI. D'où mon amendement qui élargit le dispositif aux communes ayant manifesté leur entente, forme primitive de la coopération intercommunale reconnue par le code général des collectivités territoriales.
A mon grand étonnement, la commission de la culture a donné un avis négatif à cette proposition, sans doute, par volonté de ne pas aller à l'encontre du Conseil d'État. Résultat, les petites communes, encore une fois, paieront les pots cassés ; celles-là même qui ont vu supprimer des classes, voire des écoles, par des mesures de carte scolaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je vous rappelle que nous avons décidé de déléguer des chapitres du texte aux commissions pour avis compétentes. Par conséquent, nous sommes convenus de suivre les rapporteurs pour avis. Néanmoins, je comprends parfaitement votre préoccupation. Ma commune appartient à un RPI, sans que nous soyons membre d'un syndicat ; ce qui est, en revanche, le cas pour le transport scolaire. La formule fonctionne sur un simple accord depuis vingt ans, sans avoir donné lieu à une entente : chaque commune gère son site, le RPI en comptant quatre.
M. Pierre-Yves Collombat. - Quel imbroglio cela va être avec la réforme qui supprime de nombreux syndicats ! L'entente est une solution minimale qui permet de s'en sortir élégamment.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Entente ou non, c'est l'État qui prend les mesures de carte scolaire pour le primaire, lui qui crée des RPI en fermant des classes. Sur le terrain, nous gérons l'existant. Le jour de la rentrée, j'ai appris qu'une classe était ouverte dans mon village; nous avons bricolé ; nous disposions, heureusement, de locaux.
M. Yves Détraigne. - Juste ! Malgré la généralisation des intercommunalités et le débat sur les EPCI à fiscalité propre, une partie des RPI restent à cheval sur deux EPCI. Admettons que la règle de financement s'applique également dans leur cas.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Je défendrai ce point de vue...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - ...mais non depuis le banc !
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Nous ne cherchons pas à ranimer la guerre scolaire entre le public et le privé...
Mme Jacqueline Gourault. - ...mais à l'apaiser ! La situation de ces EPCI est marginale, mais injuste. Au reste, « être adossé à un EPCI » qu'est-ce que cela signifie ? Celui-ci n'a pas les compétences...
M. Jean-Pierre Michel. - Je m'étonne que la rubrique « Questions diverses », qui figurait à la fin de l'ordre du jour de cette réunion, ait donné lieu à cette présentation des amendements à la proposition Warsmann. M. Sueur, responsable de ce texte pour notre groupe, a été retenu aujourd'hui...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous composons avec un ordre du jour chargé. Je me suis battu à la Conférence des présidents pour obtenir des garanties sur le délai-limite ! (M. Bernard Frimat le confirme.) Sans cela, il aurait fallu rouvrir le débat sur l'ENA...
M. Jean-Pierre Michel. - Soit, mais rectifier la convocation avant l'ouverture de la réunion restait de l'ordre du possible...
La commission émet un avis favorable aux amendements nos192, 193, 194, 195, 209, 210, 221, 220, 229 et 233.
Puis, la commission émet un avis favorable aux amendements nos212, 227 et 234 sous réserve de leur rectification ainsi qu'à l'amendement n° 216 sous-amendé par le rapporteur.
Enfin, elle adopte les amendements de coordination et de précision ainsi que la rectification de l'amendement n° 256 présentés par le rapporteur.
Examen des amendements du rapporteur
Le sort des amendements est retracé dans le tableau suivant :
Evolution du régime de l'enquête et de l'instruction - Examen du rapport d'information
Puis la commission procède à l'examen des conclusions du rapport d'information de MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel sur l'évolution du régime de l'enquête et de l'instruction.
M. Jean-Pierre Michel, co-rapporteur. - La procédure pénale doit concilier la défense des intérêts de la société et le respect de la protection des personnes mises en cause, un équilibre toujours fragile et rarement atteint. La loi Guigou de 2000, les lois Perben I et II l'ont modifié ; les rapports de MM. Truche, Léger et de Mme Mireille Delmas-Marty ont alimenté la réflexion ; la mise en oeuvre de certains d'entre eux a été reportée aux calendes grecques. Notre procédure inquisitoire, à l'origine contraire à la procédure accusatoire des pays anglo-saxons, a été mâtinée d'éléments contradictoires. La situation est devenue complexe. En raison du traitement en temps réel des affaires et de l'importance qu'a prise le parquet dans les poursuites, le juge d'instruction, qui cumule les fonctions d'enquêteur et de juge -confusion à laquelle aurait dû remédier le juge des libertés et de la détention-, se voit confier moins de 4% des affaires pénales, les affaires criminelles importantes, les grandes affaires de santé publique ou de terrorisme international. Au vrai, le débat se situe moins entre juge d'instruction versus enquête préliminaire par le parquet que dans l'équilibre à trouver entre défense des intérêts de la société et protection des personnes mises en cause.
La commission nous a confié avec Jean-René Lecerf un rapport sur l'avant-projet de loi qui avait fait l'objet de premières concertations à l'été 2009. Celui-ci était issu du rapport Léger, lequel avait provoqué une effervescence certaine en proposant la suppression du juge d'instruction, annoncée par le Président de la République en janvier. Nous avons donc exploré, dans ce cadre, les meilleurs moyens d'atteindre l'équilibre visé en procédant à une cinquantaine d'auditions de professeurs de droit, de chercheurs, de magistrats, d'avocats, de syndicalistes, de policiers ou encore de gendarmes. Nous nous sommes également rendus en Allemagne et en Italie. Ces deux pays, qui ont respectivement supprimé le juge d'instruction en 1974 et en 1989, ont opté pour des systèmes différents. Outre-Rhin, le parquet est composé de fonctionnaires, non de magistrats, mais jouissant d'une forte indépendance puisqu'ils sont nommés à vie par les chambres fédérales. De l'autre côté des Alpes, on a opté pour un parquet totalement indépendant (Mme Nicole Borvo-Cohen Seat nuance), composé de magistrats. Le système italien, nous a-t-il semblé, allonge les délais et les audiences, voire oblige à refaire l'instruction à l'audience. Les procès durent des années tant et si bien qu'ils aboutissent à la prescription...
Plutôt que d'anticiper sur le débat parlementaire, nous avons cherché, ce qui est la marque du Sénat, les voies d'un équilibre durable et acceptable. Il est temps de sortir du débat idéologique ! L'enquête unique prévue par le projet de loi peut représenter une alternative au système actuel à condition que soient actées quatre contreparties : la modification du statut du ministère public ; l'effectivité du contrôle exercé par le juge de l'enquête et des libertés -le fameux JEL- ; la reconnaissance des droits de la défense depuis la garde à vue ; et, enfin, l'affirmation de garanties au bénéfice des parties civiles.
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Première contrepartie, la modification du statut du parquet, question intimement liée à la suppression du juge d'instruction. De fait, l'affaiblissement du juge d'instruction, les auditions l'ont montré, est moins lié à la défaillance de l'institution qu'à des évolutions de fond. Le juge d'instruction aurait manqué le train du contradictoire, dit-on. La critique paraît excessive quand le législateur, par la loi du 4 janvier 1993 et la loi du 5 mars 2007, a renforcé le caractère contradictoire de l'information. Ses fonctions d'enquêteur et de juge sont souvent jugées incompatibles ; il serait « à la fois Maigret et Salomon », pour reprendre la formule de M. Badinter. Mais l'enquêteur ne doit-il pas analyser les éléments à charge et à décharge pour rechercher la vérité ? À considérer la proportion des décisions de non-lieu, une telle démarche est possible, d'autant que l'avant-projet de loi la confie au parquet. La confusion des fonctions d'investigation et des fonctions juridictionnelles est également critiquée. Elle est néanmoins moins décriée depuis la création du JLD. Demeure l'épineuse question de la faculté de renvoi devant la juridiction de jugement, qui peut apparaître comme un acte de mise en accusation. Dernière critique, l'isolement du juge d'instruction que la loi du 10 décembre 1985 de M. Badinter, puis la loi du 5 mars 2007, après le choc d'Outreau, ont tenté de rompre en instaurant la collégialité de l'instruction. Beaucoup regrettent aujourd'hui que cette dernière opportunité législative, que certains qualifiaient alors de « réformette », au grand dépit de Pascal Clément, n'ait pas été saisie.
Mais l'institution du juge d'instruction a surtout souffert du renforcement du rôle du parquet : le nombre de dossiers soumis à l'instruction est inférieur à 4% aujourd'hui, contre 8% en 1990. Le développement de l'enquête préliminaire tient à la priorité donnée à une réponse pénale rapide. Le parquet jouit d'une organisation hiérarchisée mais souple, ce qui garantit une grande réactivité dont témoigne le traitement en temps réel des affaires pénales, sans compter que la loi du 15 juin 2000 a étendu ses pouvoirs dans la conduite de l'enquête préliminaire. Dans le même temps, le renforcement des droits des parties a rendu l'information plus complexe : sa durée est passée de 11 à 23 mois entre 1990 et 2008. À l'aune de l'efficacité, l'instruction est apparue moins concurrentielle alors que nos voisins, notamment l'Allemagne ou l'Italie, l'avaient abandonnée.
L'attachement au juge d'instruction tient moins à ses mérites propres qu'au sentiment de défiance suscité par une enquête entièrement confiée à un ministère public dépendant du Garde des sceaux. Notons toutefois que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit désormais l'avis du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination de tous les magistrats du parquet et que les instructions individuelles du Garde des sceaux doivent être écrites et versées au dossier, le procureur restant libre de ses réquisitions à l'audience selon l'adage : « la plume est serve mais la parole est libre ». Malgré ces évolutions, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt du 10 juillet 2008 « affaires Medvedyev et autres c. France » a remis en question l'appartenance même du parquet à l'autorité judiciaire. Elle a confirmé sa position dans l'arrêt Moulin c. France du 23 novembre 2011 en jugeant les fonctions du parquet incompatibles avec le contrôle juridictionnel des arrestations et des détentions, qui implique une double indépendance tant à l'égard de l'exécutif que des parties.
Pour lever les suspicions, une première piste serait d'adopter le principe de la légalité des poursuites. Nous l'avons écartée car celui-ci fait obstacle, nous a expliqué le président de l'Union syndicale des magistrats, à une diversification de la réponse judiciaire ; il accentuerait la dégradation du travail des parquets tout en étant aisément contournable -il suffirait au procureur de ne pas considérer l'infraction comme constituée. Mieux vaut donc privilégier une réforme statutaire du parquet qui, nous ne l'ignorons pas, implique un renforcement du rôle du CSM et, partant, une révision constitutionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous avons raté le coche !
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Reprenons les principes de la réforme inaboutie de 1999. Celle-ci, issue du rapport Truche, avait fait l'objet de tels blocages politiques que la convocation du Congrès en janvier 2000 avait été annulée. Les temps ont changé : nous pouvons réunir un consensus autour de l'avis conforme du CSM sur les nominations des magistrats du parquet et d'un CSM exerçant la fonction disciplinaire. L'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif s'appliquerait donc aux carrières, non à la conduite de la politique pénale qui demeure du ressort des autorités politiques. La création d'un procureur général de Nation, proposée par M. Fauchon, n'emporte pas l'adhésion : des circulaires de politique pénale ou encore des instructions suffiraient à incarner le lien entre ministère de la justice et parquet. Ces orientations auraient d'autant plus de force si elles faisaient l'objet d'un débat annuel devant le Parlement, a indiqué Mme Delmas-Marty. Il n'y a donc pas lieu de modifier l'article 30 du code de procédure pénale. En tout état de cause, la réforme devrait être accompagnée d'un renforcement des effectifs, ce que reconnaissait le Garde des sceaux devant l'Assemblée nationale lors du précédent budget.
J'en viens à la deuxième contrepartie : la reconnaissance des droits de la défense de la personne mise en cause qui, j'y insiste, est présumée innocente jusqu'à sa condamnation. Un cadre unique d'enquête mettra fin à la distorsion actuelle entre les droits reconnus à la défense dans le cadre de l'enquête et dans le cadre de l'information. Des avancées avaient été obtenues dans l'avant-projet de réforme sur la garde à vue : caractère exceptionnel de la garde à vue, renforcement des droits à l'assistance d'un avocat, interdiction de prononcer une condamnation sur le seul fondement des déclarations d'un gardé à vue qui n'aurait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat, institution d'une audition libre de quatre heures avec l'accord de la personne. Pour autant, elles restaient insuffisantes au regard des exigences de la Cour de Strasbourg et de la décision du 30 juillet 2010 du Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité. D'où la réforme plus ambitieuse présentée par le Gouvernement qui prévoit l'information du gardé à vue sur son droit à garder le silence, la présence de l'avocat après douze heures de détention au maximum et l'accès de l'avocat au dossier.
Pour autant, en raison des dérogations prévues pour la criminalité organisée et le terrorisme, le dispositif devra être revu. En effet, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans ses trois arrêts du 19 octobre 2010, a rappelé que la restriction au droit d'être assisté par un avocat doit répondre à l'exigence d'une raison impérieuse, laquelle ne peut pas découler de la seule nature de l'infraction. À l'instar du Conseil constitutionnel, elle a différé l'application de ces principes au plus tard le 1er juillet 2011.
Un régime de garde à vue équilibré implique un contrôle par un juge indépendant, le respect de la dignité de la personne, l'efficacité de l'enquête.
Le projet de loi laisse le contrôle de la garde à vue au procureur de la République, ce qui n'est pas conforme à l'arrêt Medvedyev de la CEDH, ni à l'arrêt de chambre Moulin contre France du 23 novembre 2010. En tout état de cause, le contrôle de la garde à vue devrait revenir à terme au juge de l'enquête et des libertés (JEL), et entre-temps au juge des libertés et de la détention (JLD).
La reconnaissance des droits des personnes passe par le respect de leur dignité. La majorité des personnes que nous avons entendues se sont prononcées contre les fouilles à corps -position partagée par les représentants de la police et de la gendarmerie, à condition que des règles claires soient fixées. Le projet de loi sur la garde à vue proscrit les fouilles à corps intégrales, sauf lorsqu'elles sont indispensables pour les nécessités de l'enquête. Nous souhaitons toutefois que le dispositif soit aussi protecteur que celui retenu par la loi pénitentiaire pour la fouille des détenus. Enfin, nous nous faisons l'écho des constats dressés par les services de police eux-mêmes sur l'état des locaux de garde à vue.
Le droit à l'assistance d'un avocat ouvre-t-il la voie à une « judiciarisation » de la garde à vue, comme le redoutent certains ? Une telle évolution entraînerait une confusion entre la phase policière et la phase judiciaire de l'enquête. Plusieurs intervenants, dont M. Robert Badinter, ont estimé que l'assistance de l'avocat n'impliquait pas l'accès au dossier. Selon vos rapporteurs, celui-ci devrait être limité aux éléments provenant de la personne mise en cause, à savoir ses procès verbaux d'audition.
Le rôle de l'avocat dans le cadre de la garde à vue ne se confond pas avec celui qui lui revient dans le cabinet d'instruction. Il devrait laisser les officiers de police judiciaire conduire leurs interrogatoires sans y prendre part. Le projet de loi relatif à la garde à vue lui permet d'assister aux auditions et de présenter des observations écrites à l'issue de chaque audition : c'est le rôle « taisant » de l'avocat.
Pour éviter une justice inégale selon les moyens de l'intéressé, il faudra une forte mobilisation des barreaux, ainsi qu'une revalorisation de l'aide juridictionnelle.
En matière de terrorisme ou de grande criminalité, si l'assistance de l'avocat ne saurait être reportée, l'avocat pourrait être choisi par la personne gardée à vue sur une liste agréée par le barreau, voire, comme en Espagne, être désigné d'office par le bâtonnier.
L'audition libre répond sans doute au souci de limiter le nombre de gardes à vue, mais soulève nombre de critiques. La rédaction du projet de loi n'a pas levé toutes les ambiguïtés de l'avant-projet de réforme : l'audition libre et la garde à vue concerneraient l'une et l'autre « la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». Ne vaudrait-il pas mieux réserver l'audition libre aux convocations, et l'exclure à l'issue d'une interpellation ?
M. Jean-Pierre Michel, co-rapporteur. - Nous demandons, comme cela a été rappelé, quatre contreparties à la suppression du juge d'instruction. Premièrement : un nouveau statut pour le parquet. Deuxièmement : un renforcement des droits de la défense, notamment lors de la garde à vue. Troisièmement : la création d'une nouvelle juridiction de contrôle. Le JEL devrait être nommé en conseil des ministres, et affecté exclusivement à sa tâche d'arbitre. Les missions du procureur de la République doivent être bien distinctes de celles du JEL. Ce dernier pourra prolonger les délais imposés au parquet, mais ne pourra lui faire d'injonction.
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Le JEL sera le « maître du temps ».
M. Jean-Pierre Michel, co-rapporteur. - Cela suppose des moyens en personnels, des greffes pour le parquet... Pourquoi ne pas envisager une délégation de police judiciaire dans les tribunaux, sous la responsabilité du parquet, comme ce qui se fait en Italie ?
Quatrième contrepartie : la reconnaissance de la victime au sein du procès pénal. Les associations de victimes veulent pouvoir continuer à se constituer partie civile librement. Elles souhaitent également un interlocuteur unique : le procureur devrait désigner un substitut, qui mènerait l'enquête. Les personnes que nous avons entendues se sont dites favorables à l'institution d'une partie civile citoyenne, pour faciliter l'accès des victimes au procès pénal. Il faut clarifier les rôles, afin que la partie civile sache qui est responsable de l'enquête, qui du contrôle.
Si nous parvenons à traduire ces préconisations dans les faits, peut-être aurons-nous une procédure pénale enfin efficace, rapide, et respectueuse des droits des personnes.
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Le noeud gordien, c'est la réforme du parquet. Si nous la menons à bien, il sera plus facile d'élaborer un texte sur la garde à vue. Notre rapport aborde une dizaine de points essentiels, mais n'anticipe pas sur le rapport sur le prochain projet de loi.
M. François Zocchetto. - Au fur et à mesure que tombent les jurisprudences -Cour européenne, Conseil constitutionnel, Cour de Cassation- l'édifice se fissure. On colmate les brèches, en attendant une réforme plus que jamais nécessaire. Je comprends les contraintes du calendrier politique, la priorité donnée à la réduction des déficits, mais il faut être conscient de l'urgence qu'il y a à réformer notre procédure pénale. (Marques d'approbation).
Le Conseil constitutionnel nous accorde un délai, jusqu'au au 1er janvier 2011, mais sur le terrain, dans les juridictions, c'est le cafouillage complet ! On en revient toujours au statut du parquet. Le principe de la légalité des poursuites est à mon sens illusoire. Le problème est celui de la nomination des membres du parquet, de leur carrière, pas de la présence d'une hiérarchie. La situation actuelle, qui découle de l'article 30 du code de procédure pénale, doit être maintenue : c'est un des fondements de notre République.
Quant aux droits de la défense dans le cadre de la garde à vue, c'est un autre débat.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Vous y reviendrez, puisque vous venez d'être nommé rapporteur sur ce texte !
M. François Zocchetto. - Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale maintient le contrôle du parquet sur la garde à vue : à titre personnel, j'estime que ce n'est pas recevable. Nombreux sont ceux qui souhaitent l'assistance de l'avocat le plus en amont possible. Ce sera un défi pour le barreau : il ne suffit pas d'en faire une question de principe, il faudra assurer une assistance effective, sur tout le territoire. Quant à l'audition libre, qui pose des problèmes pratiques, elle devra être réservée à certains cas.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Concentrer les locaux de garde à vue dans les zones faciles d'accès pour les avocats reviendrait à dépouiller la gendarmerie de l'enquête judiciaire ! Je suis réservé sur la délégation de police judiciaire, même si j'estime que cette dernière ne doit pas rendre de comptes au seul ministère de l'Intérieur.
Nous n'échapperons pas au débat sur l'unicité de corps des magistrats. Il faudra trancher cette question sans trop tarder.
M. Alain Anziani. - Je félicite les rapporteurs pour leur travail, qui associe clarté, précision et vision globale. Je regrette toutefois que le ministre de la Justice annonce abandonner la réforme de la procédure pénale, pourtant intrinsèquement liée à celle de la garde à vue...
Le rapport rompt avec le projet de la Chancellerie sur trois points. Sur l'audition libre, tout d'abord : la Chancellerie n'en limite pas la durée, et ne permet pas le recours à l'avocat. Sur l'autorité qui place en garde à vue, ensuite : l'officier de police judiciaire pour la Chancellerie, le juge judiciaire pour vous - ce qui pose la question des moyens. Sur le régime dérogatoire enfin : vous appliquez le droit commun, qui ne prévoit d'exception qu'en cas de « nécessité impérieuse de l'enquête ».
Enfin, prévoir, pour les affaires de terrorisme ou de criminalité organisée, que l'avocat est choisi sur une liste, éventuellement par le bâtonnier, permet d'assurer le droit à l'avocat sans s'exposer à certaines dérives.
- Présidence de M. François Zocchetto, vice-président -
M. Laurent Béteille. - Il faut tirer toutes les conséquences de la récente jurisprudence de la CEDH et du Conseil constitutionnel, qui sépare clairement magistrats du siège et du parquet : le parquet a l'autorité de poursuite, pas l'autorité judiciaire.
L'édifice actuel s'écroule : il faut réformer, en allant jusqu'au bout de la logique, pour éviter d'avoir à y revenir.
M. François Pillet. - Je me félicite de ce rapport, et je suis résolument optimiste. Votre mission « bicéphale » met un terme à des débats passionnels, souvent mensongers, et apporte de la sérénité. Il était vital de faire comprendre que c'est tout le code de procédure pénale qui doit être réformé ! Le ministre n'a pas dit qu'il évacuait la réforme, mais qu'elle serait abordée par fragments : ce n'est pas la même chose. Vous ouvrez des pistes de consensus. Il faut dire clairement que l'on revient enfin à un débat technique, débarrassé de scories idéologiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce rapport est très intéressant, mais prend le contre-pied de la position exprimée par le gouvernement et la majorité lors de l'examen de notre proposition de loi sur la garde à vue ! Si vous aviez eu une autre attitude à l'époque, le Sénat serait aujourd'hui à l'avant-garde sur ces sujets !
Nul ne sait ce qu'il va advenir du projet du gouvernement ; c'est regrettable. Je note que vous abandonnez l'idée de collégialité, instaurée dans la loi de 2003. Sur la garde à vue, nous nous retrouvons : oui à la présence de l'avocat, quel que soit le chef d'inculpation. Reste le problème de l'audition libre. À qui sera réservée la garde à vue ? Il aurait fallu prendre en compte la peine encourue. Enfin, vous n'abordez pas le sujet des mineurs, qui me tient à coeur.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne reviens pas sur la question des moyens, ni sur l'indispensable indépendance du parquet.
Qu'en est-il des juridictions d'exception ? L'idée d'une délégation de police judiciaire me paraît dangereuse : il faut y regarder de plus près. Enfin, qui sera concerné par l'audition libre ? Quelles en seront les modalités, la durée ? Ne s'agit-il pas avant tout d'échapper aux conditions posées à la garde à vue ?
M. François Zocchetto, vice-président. - Nous n'allons pas ouvrir un trop large débat, mais les rapporteurs peuvent peut-être répondre brièvement.
M. Jean-Pierre Michel, co-rapporteur. - Madame Boumediene-Thiery, nous avons fixé de grandes orientations, sans rentrer dans le détail de l'avant-projet de loi. En ce qui concerne l'audition libre, nous revenons sur ce que prévoit l'avant-projet.
Madame Borvo Cohen-Seat, j'étais initialement favorable au maintien du juge d'instruction, et M. Lecerf et moi-même n'avions pas du tout les mêmes idées. Nous avons travaillé ensemble, entendu des gens très divers : les syndicats, des magistrats, Mme Mireille Delmas-Marty, M. Pierre Truche, ou encore M. Philippe Léger, qui s'est dit favorable à titre personnel à une modification du statut du parquet. Petit à petit, nous avons trouvé des terrains de consensus. M. Zocchetto sera en charge du rapport sur la garde à vue, mais on ne peut modifier la garde à vue sans que le reste ne suive... (Marques d'approbation).
Monsieur Béteille, à mon sens, la jurisprudence de la CEDH suppose que les parquetiers deviennent des magistrats. Je sais que ce n'est pas votre interprétation... Mais en faire des préfets judiciaires, c'est leur enlever toute prérogative judiciaire. Ce n'est pas l'option que nous avons retenue.
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -
M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur. - Je suis favorable à l'unité de corps des magistrats. Modifier le statut du parquet est une façon de préserver cette unité.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je propose à la commission d'autoriser la publication de ce rapport, qui ne l'engage pas. Il contribuera utilement à la réflexion et au débat. J'ai toujours dit que l'on n'échapperait pas à une réforme du statut du parquet dès lors que l'on supprime le juge d'instruction...
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Examen d'une pétition
Puis la commission entend une communication sur la pétition n° 70-251, inscrite sur le rôle des pétitions le 18 octobre 2010, en application des articles 87 et suivants du Règlement.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Mme Anne-Isabelle Trouville et 3 989 autres pétitionnaires contestent le projet de loi relatif à l'immigration en insistant sur certaines de ses dispositions. Je vous propose de transmettre cette pétition à notre rapporteur, M. François-Noël Buffet, pour nourrir sa réflexion et d'indiquer aux pétitionnaires les conclusions de la commission lorsque celle-ci aura adopté le rapport de M. Buffet.
Il en est ainsi décidé.
Exécution des décisions de justice et professions réglementées - Examen des amendements au texte de la commission en deuxième lecture
La commission examine ensuite les amendements au texte n° 130 (2010-2011) qu'elle a établi pour la proposition de loi n° 601 (2010-2011), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.
Examen des amendements
M. François Zocchetto, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n° 8. La mise à la charge du créancier des droits proportionnels de recouvrement se justifie par la nécessité de garantir le paiement de l'huissier en cas d'insolvabilité du débiteur. Ce régime ne se justifie pas pour les relations entre personnes privées.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Défavorable à l'amendement de suppression n° 9. Cet article reconnaît la force probante supérieure des constats établis par huissiers, mais préserve la possibilité pour la partie adverse de s'y opposer et d'apporter la preuve contraire.
M. Jacques Mézard. - Le Sénat avait pourtant voté cette suppression. Qu'adviendra-t-il quand le tribunal aura deux procès verbaux, avec chacun son interprétation ? C'est ce qui arrive dans la pratique ; le président de la Chambre nationale des huissiers de justice reconnaît d'ailleurs que c'est un problème. Plutôt que de simplifier, on complique !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
Article 4
La commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression n°s 1 et 5.
Article 16
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
Article 23
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 6, ainsi qu'à l'amendement n° 10.
Article additionnel
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 11.
Article 31
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 7.
M. François Zocchetto, rapporteur. - L'amendement n° 12 réduit le champ de la procédure participative, qui a été étendue au divorce. L'Assemblée nationale l'a pourtant assorti de garanties essentielles. Dès lors que le contrôle du juge reste intégral, pourquoi s'interdire une procédure qui peut dédramatiser les choses ? Avis défavorable.
M. Jacques Mézard. - On est allé très vite sur ce sujet. La convention de procédure participative prévoit un terme : l'un des conjoints pourra bloquer la procédure !
M. François Zocchetto, rapporteur. - La convention de procédure participative n'est pas imposée.
M. Jacques Mézard. - Nous savons comment se passent les divorces. Cette procédure ne va pas faciliter les choses, au contraire !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Elle ne se substitue pas à la procédure existante, mais peut faciliter les choses. Chaque partie est assistée par un conseil.
M. Jacques Mézard. - Cher confrère, vous savez qu'en cas de divorce par consentement mutuel, l'avocat oriente toujours l'un des époux vers un confrère !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12, ainsi qu'à l'amendement n° 3, et aux amendements de coordination n°s 4 et 13.
M. François Zocchetto, rapporteur. - L'article 4 de la proposition de loi peut avoir pour conséquence de supprimer la possibilité pour les organismes délivrant des prestations sociales d'obtenir directement des informations sur leurs débiteurs, ce qui les contraindrait à faire appel à un huissier. J'interpellerai le gouvernement sur ce point en séance publique, et demanderai qu'il dépose un amendement à la proposition de loi de simplification du droit pour rétablir la possibilité d'obtenir une communication directe. Je ne doute pas de la réponse du ministre.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Notre ordre du jour est bien compliqué : voilà qu'il faut encore amender la proposition de loi de simplification du droit !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Ce point avait échappé aux députés.
Examen des autres amendements
La commission adopte les avis suivants :
Avis sur une candidature à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Résultats du scrutin
Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède au dépouillement simultané du scrutin sur la proposition de nomination du président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité au sein des commissions des lois des deux assemblées.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous allons procéder au dépouillement simultanément avec la commission des lois de l'Assemblée nationale du scrutin sur la proposition de nomination du président de la Halde.
Je demande à Jean-René Lecerf de m'aider à dépouiller.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les résultats sont les suivants :
14 votants,
12 suffrages exprimés,
12 pour.