Mercredi 17 novembre 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Loi de finances pour 2011 - Missions Action extérieure de l'État et Aide publique au développement - Examen d'amendements

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine deux amendements sur le projet de loi de finances pour 2011 déposés respectivement par M. Yves Dauge, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure, et M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de la francophonie.

M. Jacques Legendre, président. - Nous avions prévu la semaine dernière que les rapporteurs pour avis sur les crédits de la francophonie et des relations culturelles extérieures se concerteraient pour nous présenter des amendements sur un budget qui est loin d'être satisfaisant.

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis. - En examinant l'avis sur la politique extérieure culturelle de la France, la semaine dernière, nous avions relevé des incertitudes et des difficultés. L'une, portant sur la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger, est réglée partiellement par M. Gouteyron, avec lequel nous nous sommes réunis hier : son amendement tend à plafonner le montant des frais de scolarité pris en charge en patronales l'année 2007 comme référence.

L'immobilier de l'État, ensuite, devrait être loué par France Domaine à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), mais nous restons dans le flou : l'évaluation par l'AEFE de la remise à niveau de son réseau se situe entre 150 et 300 millions d'euros. Nous avons estimé hier qu'il serait important que les deux commissions mènent ensemble une mission de contrôle sur cet aspect important.

L'amendement que je propose, enfin, porte sur le transfert du paiement des contributions des employeurs au titre des pensions civiles des personnels détachés à l'établissement public administratif AEFE. Comme il ne se fait pas à l'euro près, l'écart se creuse d'année en année. L'amendement demande donc au Gouvernement de remettre avant le 30 juin 2011 un rapport au Parlement sur les conséquences de cette prise en charge comme sur la capacité de l'agence à supporter la croissance de cette dépense sur le long terme.

M. Claude Domeizel. - Le Gouvernement tire sur tous les fonds... On peut imaginer que l'Agence prenne en charge les « contributions » patronales pour le personnel détaché, ce qui est plus juste que les « cotisations », puisque l'État est son propre assureur. En outre, il n'y a pas que l'État : ne faudrait-il pas parler des fonctionnaires des différentes fonctions publiques plutôt que des personnels de l'État ?

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis. - Il y en en effet trois fonctions publiques.

M. Jacques Legendre, président. - On ne peut viser que la fonction publique d'État : les agents territoriaux ne sont pas à la charge de celui-ci.

M. Louis Duvernois. - Les fonctionnaires de l'éducation nationale sont a priori les seuls à intervenir. La compensation versée par l'État ne vise donc que les seuls personnels titulaires qu'il détache auprès des établissements de l'AEFE.

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis. - S'il faut parler des personnels titulaires de l'État, on peut écrire « contributions employeurs » plutôt que « cotisations patronales ».

L'amendement rectifié est adopté.

La commission émet un avis de sagesse sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - Un consensus s'est établi à la suite de la présentation du rapport sur l'état de la francophonie. Un premier choix avait alors été évoqué : la refonte du programme 209 pour différencier la francophonie et l'aide publique au développement. Nous souhaitons en effet que la francophonie apparaisse désormais comme vecteur de l'action extérieure culturelle au sein de la mission « Action extérieure de l'État ». C'est la position que j'ai défendue hier devant la commission des finances, qui l'a prise en compte. La question sera évoquée dans l'hémicycle le 25 novembre.

M. Jacques Legendre, président. - Il convient de parler très fort. La malheureuse francophonie disparaît à l'occasion du remaniement. Certes, M. Jospin l'avait oubliée initialement, mais quinze jours après le sommet de Montreux, cette absence constitue un très mauvais signe. J'ai réagi par différents canaux, mais il est bien que vous insistiez, monsieur le rapporteur. Si l'on ignore qui au Gouvernement s'occupe de ces crédits, c'est la marque que l'on ne s'intéresse pas à la francophonie.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - L'amendement que nous vous présentons ce matin rétablit les crédits de la francophonie multilatérale à leur niveau 2010. L'Agence universitaire de la Francophonie, dont le rôle est essentiel et la gestion exemplaire, est confrontée à une baisse substantielle de ses moyens. Il y va de notre engagement en faveur de la francophonie et de la promotion de notre langue.

M. Jacques Legendre, président. - J'approuve totalement votre proposition. Les crédits de l'Agence universitaire pour la Francophonie (AUF) diminueraient de plus de 10 % cette année. Ce n'est vraiment pas le moment - il ne suffit pas de réduire les dépenses d'en haut ; il faudrait analyser les crédits pour savoir si l'on peut utilement les réduire... L'Agence, qui vient de fêter ses cinquante ans, est bien gérée. J'ai reçu le recteur de l'AUF, il m'a expliqué qu'il pourrait faire face à une diminution de 5 % mais qu'au-delà de 10 % les répercussions seraient importantes. Montrons notre attachement au bon fonctionnement de l'Agence et engageons ce débat.

Mme Françoise Cartron. - A-t-on l'état des dépenses engagées dans ce secteur ?

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - Ce sera indiqué dans le rapport. La France, qui contribue à plus de 90 % au budget de l'AUF, lui a versé plus de 27 millions d'euros en 2010.

M. Jacques Legendre, président. - Il faut avouer que la France joue plus que son rôle dans le financement alors que la Suisse et le Luxembourg pourraient faire plus. Ne donnons pas le sentiment que nous voulons payer moins pour qu'ils versent plus. L'amendement ne porte d'ailleurs pas sur des sommes extraordinaires.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - 3 millions supplémentaires par rapport aux 24 millions prévus au bénéfice de l'AUF dans le projet de loi de finances pour 2011.

M. Jacques Legendre, président. - Ce n'est pas une affaire d'État. Nous avons un intérêt, y compris économique, à ce que des départements universitaires forment des étudiants brillants à notre langue et à notre culture, partant à nos technologies et nos produits.

Mme Maryvonne Blondin. - L'Agence universitaire de la Francophonie contribue-t-elle à des bourses pour les étudiants étrangers ?

M. Louis Duvernois. - Oui, à hauteur de 7,9 millions d'euros l'an dernier.

Mme Maryvonne Blondin. - Quelle procédure ces étudiants suivent-ils ?

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - Ils passent par leur université. L'Agence regroupe plus de 700 établissements et elle a connu une remarquable progression ces dernières années. A l'heure de la réforme de l'université française, ce réseau joue un rôle très important et il serait malvenu d'envoyer un message négatif. C'est tout le sens de cet amendement.

M.  Ivan Renar. - La bousculade devrait être plus forte : les problèmes restent malgré l'amendement.

M. Jacques Legendre, président. - Nous aurons ensuite à prendre une position globale sur le budget.

M. Ivan Renar. - En arriver à ce point-là est révoltant. Ne pouvons-nous inviter Mme Alliot-Marie à plancher devant la commission ? Nous avons approuvé le rapport d'information commun sur la réforme de l'action culturelle extérieure avec la commission des affaires étrangères, l'an dernier. Nous avons reçu le responsable de la Francophonie salle Clemenceau. Cela ne suffit pas. Nous parlions l'autre jour de bouts de ficelles, mais bientôt, il n'y aura plus de ficelle. Nous avons une responsabilité morale dans cette affaire, mais le ministère des affaires étrangères a une responsabilité matérielle.

M. Jacques Legendre, président. - Après le remaniement j'ai saisi le conseiller spécial du Président de la République pour la francophonie, son sherpa, M. Raffarin. Je lui ai fait part de mon désappointement. On peut penser à un rattachement à la ministre des affaires étrangères ou au ministre de la coopération. Je ne suis, pour ma part, pas favorable à la seconde solution. Pourquoi ne pas demander à la ministre de s'expliquer sur la francophonie ?

M. Claude Bérit-Débat. - Il serait intéressant de nous rapprocher de nos collègues des affaires étrangères, mais aussi de ceux des finances et de l'économie car, au-delà de la francophonie, l'enjeu est économique et financier. Il conditionne une politique offensive commerciale : des marchés peuvent se conclure... en français. Ne peut-il y avoir des passerelles sur les stratégies commerciales ?

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - J'ai évoqué mon rapport devant la commission des finances et j'ai obtenu que la question soit posée en séance. Le remaniement peut être une occasion de consacrer enfin la césure entre aide publique au développement et action extérieure de l'État : c'est le moment opportun pour obtenir le rattachement de la francophonie à la mission « Action extérieure de l'État » et donc de la distinguer de l'aide publique au développement et de la coopération. On y gagnerait en « lisibilité budgétaire » pour reprendre l'expression du président de la commission des finances. Combien coûte la francophonie dans le budget de l'État, m'a demandé M. Arthuis ? Quand nous avions interrogé M. Joyandet, nous avions eu les plus grandes difficultés à obtenir un tableau des engagements de l'État. Voilà le moment ou jamais d'avoir plus de lisibilité et plus d'engagement sur la francophonie.

M. Ivan Renar. - Ne pourrions-nous pas profiter du prochain débat de politique générale pour intervenir, chacun à sa sensibilité, et dire que l'on arrive à des situations aberrantes ?

L'amendement est adopté.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - Après le débat que nous avons eu la semaine dernière sur les crédits, et compte tenu du consensus qui s'est exprimé, je vous propose une position de sagesse.

M. Jacques Legendre, président. - Nous ne votons pas le budget : la sagesse marque notre inquiétude.

La commission émet un avis de sagesse sur les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Écologie, développement et aménagement durables - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Ambroise Dupont sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. - Les crédits relatifs à la politique de la nature et des paysages sont inscrits au sein de la mission « Écologie - développement et aménagement durables », dont le champ correspond au grand ministère conduit par Jean-Louis Borloo et aujourd'hui par Nathalie Kosciusko-Morizet. Il s'élève à 9,53 milliards d'euros en crédits de paiement et à 10,03 milliards en autorisations d'engagement.

Je souhaite exprimer un regret en ce qui concerne le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » : il a fallu que nous relancions plusieurs fois les cabinets ministériels pour qu'ils réalisent que notre questionnaire budgétaire n'avait jamais été transmis aux services compétents, de sorte que ces derniers n'ont pas été en mesure d'apporter toutes les réponses que j'aurais dû recevoir. J'espère que cet incident regrettable ne se reproduira pas.

Le projet de loi de finances pour 2011 reconduit globalement les crédits de ce programme, sous réserve d'un transfert au ministère chargé des départements d'outre-mer (DOM), afin que les dotations correspondantes soient mieux gérées. Les moyens du programme s'élèvent à 349,9 millions en autorisations d'engagement et à 345,6 millions en crédits de paiement. L'action 7, « Gestion des milieux et biodiversité », totalise 78,8 % des crédits, le reste allant à l'action 1, « Urbanisme, aménagement et sites-planification ».

La poursuite de la révision générale des politiques publiques (RGPP) se traduit par la suppression de 788 emplois dans l'ingénierie publique concurrentielle, à laquelle doit se substituer une ingénierie ciblée sur les domaines du Grenelle. En revanche, l'accent est mis sur l'utilité des architectes et paysagistes conseils de l'État, dont ni les effectifs, ni la dotation n'ont été remis en cause. Compte tenu de leur rôle dans la protection de nos paysages, on ne peut que s'en satisfaire.

Avec une augmentation de 24 %, l'affichage des priorités du Grenelle est très net. L'on observe de fortes hausses pour la ville durable (26 %) la préservation des espèces (56 %), les matières premières minérales non énergétiques (100 %), mais les baisses atteignent 7 % pour les parcs nationaux, 4 % pour les milieux marins, 19 % pour la prospective et la gestion de l'information, et 6 % pour Natura 2000. S'il faut faire des choix, il convient aussi de ne pas vider de leur sens certaines politiques, telles que celle des parcs nationaux, au motif qu'elles ne sont pas des priorités du Grenelle. J'y serai particulièrement attentif lors du prochain projet de loi de finances.

Les nombreuses mesures et politiques regroupées dans le programme ne font intervenir pas moins de seize opérateurs ou catégories d'opérateurs. A défaut de faciliter la lecture du budget, cette multiplicité a le mérite de donner une information exhaustive des moyens accordés. Une mission sur l'organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature a été confiée à l'inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement durable. Leur rapport, remis en juillet dernier, préconise la création d'une Agence de la nature, un établissement public administratif qui serait tête de réseau des opérateurs du secteur qu'il piloterait. Les parcs nationaux de France seraient concernés au même titre que les réserves naturelles nationales, l'Atelier des espaces naturels, le Conservatoire du littoral, l'Office national des forêts ou encore celui des eaux. Ce projet mérite toute notre attention. Le conseil d'administration du Conservatoire du littoral, où je représente le Sénat, a fait remarquer que le Conservatoire ne se bornait pas à gérer les sites mais qu'il acquérait des territoires à protéger. Il ne faudrait pas oublier la raison d'être initiale de ces organismes.

Concernant la deuxième partie de mon rapport, je souhaite rappeler que la 34e session du Comité du patrimoine mondial s'est achevée le 3 août dernier par l'annonce du classement de 21 nouveaux sites, dont la cité épiscopale d'Albi et les pitons, cirques et remparts de l'île de la Réunion. 35 sites français sont désormais classés. Pourtant, alors que les candidatures à ce label se multiplient, certains sites déjà classés sont en danger : c'est le cas de Provins, dont le conseil municipal a voté la révision des deux zones de protection du patrimoine architectural, urbanistique et paysager que l'Unesco avait identifiés comme des garanties de la protection du site lors de la présentation du dossier. D'où une procédure de mise en demeure ; quant à la baie du Mont Saint-Michel, les deux préfets ayant rendu des avis différents sur le projet d'implantation d'éoliennes, la France a été sommée d'apporter des réponses avant le 1er février 2011.

Dès lors, il m'a semblé urgent de réfléchir à ce que signifie pour notre pays le classement de 35 sites au patrimoine mondial. Comment donner à la France les moyens de tenir ses engagements ? L'État présente des dossiers de candidatures et il est ensuite responsable de la protection des sites classés, ainsi que le précise l'article 4 de la convention du 16 novembre 1972. Or, une fois le classement opéré, il ne semble plus avoir les moyens de garantir la protection de ses sites : la notion de patrimoine mondial est absente de notre corpus juridique et notamment du code du patrimoine ; la compétence en matière d'urbanisme a été transférée aux collectivités territoriales, qui n'ont pas d'obligations spécifiques liées au patrimoine mondial et dont les outils de protection ne sont pas nécessairement adaptés ; enfin, la France a favorisé la reconnaissance de sites de plus en plus étendus ou en réseaux : le site classé du Val de Loire s'étend sur 280 kilomètres, touche deux régions et quatre départements. Estimons-nous que la menace de déclassement n'est pas grave et que la pression médiatique suffira à régler les cas que j'ai cités, ou bien nous efforçons-nous de réaffirmer l'exemplarité du rôle de la France en lui donnant les moyens de son ambition ? C'est dans cette seconde hypothèse que s'inscrivent les pistes suivantes, qui complèteraient la signature, le 20 septembre dernier, d'une charte pour la gestion des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Ce document, que nous devons à Yves Dauge, permettra de préciser les engagements de l'État et des collectivités territoriales dans le cadre d'un plan de gestion et d'actions, dans une logique de développement durable.

Deux éléments clefs pourraient contribuer à redonner à l'État son rôle de garant de la protection du patrimoine mondial. Il paraît d'abord indispensable d'insérer dans le code du patrimoine une disposition mentionnant la notion de patrimoine mondial et rappelant la valeur patrimoniale des sites concernés. Ensuite, il est important que l'État retrouve sa place dans le cadre de l'urbanisme décentralisé en intégrant, dans le « porter à connaissance » prévu pour les syndicats mixtes du schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui vont être généralisés, les exigences de protection incombant aux collectivités et à leur groupements au regard des engagements pris pour le classement au patrimoine mondial. Le code de l'urbanisme offre un outil supplémentaire que le préfet doit porter à connaissance, le projet d'intérêt général, qui peut être un projet de protection du patrimoine naturel ou culturel. La combinaison de ces deux propositions, qui aurait le mérite d'imposer une réflexion sur les exigences qu'impose le classement de nos sites au patrimoine mondial, est respectueuse de la libre administration des collectivités, tout en donnant à l'État les moyens d'imposer le respect de la valeur universelle exceptionnelle des sites dont il est responsable. Le patrimoine mondial induit des bénéfices touristiques considérables. Un déclassement serait assez négatif pour la France, qui n'est pas le pays le mieux doté en sites inscrits au patrimoine mondial. J'espère donc que mes conclusions feront l'objet de débats.

En attendant, je vous propose d'adopter les crédits du programme 113 tout en restant vigilants sur les politiques qui ne font pas partie du Grenelle II.

M. Yves Dauge. - Je remercie notre collègue dont le rapport aborde chaque année un sujet spécifique, qu'il s'agisse du paysage, de la publicité à l'entrée de nos villes, ou des parcs naturels. Le thème retenu aujourd'hui touche au rayonnement de la France. Ce qu'il a exposé aujourd'hui rejoint ce que nous disions sur la politique culturelle extérieure. Au départ, la France joue toujours un rôle formidable pour le patrimoine, puis elle passe à autre chose et certains s'emploient à détricoter la protection mise en place pour obtenir le label. Cela dit, l'association des 35 sites français est extrêmement militante et les élus sont pour la plupart convaincus de la nécessité de tenir leurs engagements. L'Unesco ne nous demande pas d'appliquer un droit international, mais de parfaitement appliquer le nôtre. Or il ne s'agit plus de protéger un monument mais des zones : les deux tiers de la Réunion ont été classés ; de même, le Val de Loire, cité par le rapporteur, s'étend sur 280 kilomètres de long et deux régions. L'Unesco nous demande d'ailleurs de transmettre notre savoir-faire et nous travaillons avec les sites du fleuve Mékong et du fleuve Niger - deux beaux dossiers sur lesquels on peut faire valoir, en français !, une très belle politique.

Il est bon qu'un rapport du Sénat évoque cela car c'est une affaire d'autorité morale. Il est honteux que l'État se fasse donner des leçons à Brasilia sur le Mont Saint-Michel ou sur Provins alors qu'il ne devrait recevoir que des félicitations.

M. René-Pierre Signé. - Quand on parle de patrimoine, on pense plus volontiers à des sites qu'au patrimoine agricole, pourtant menacé. La France fonctionne verticalement et chaque ministre s'occupe de son département. Pourtant, 7 000 km² de forêt disparaissent chaque année, soit l'équivalent d'un département tous les dix ans, tandis que les maisons Scellier ou Robien se multiplient dans les lotissements et que les supérettes fleurissent à l'entrée des villes. Le paysage est attaqué de toutes parts. Et que dire des entrées de ville ? Harmonie n'est pourtant pas monotonie ! Ajoutez à tout cela la RGPP.

Le rapporteur a parlé des parcs nationaux, mais qu'en est-il des parcs régionaux ? Le concept se banalise. Il y en avait 25 dans le temps, 45 aujourd'hui - qui n'ont aucun pouvoir. On crée aussi des réserves naturelles un peu partout. Les terres agricoles et espaces naturels sont menacés par une urbanisation sans utilité.

J'ai interrogé hier M. Delors sur la politique agricole commune (PAC). Une diminution de 10 % des crédits causerait la disparition d'un tiers des agriculteurs : les friches s'étendront. L'enrésinement chasse les forêts de feuillus. Tout n'est pas rose...

M. Jacques Legendre, président. - Les demandes d'inscription au patrimoine mondial se multiplient. Or les engagements liés à l'inscription sont onéreux pour l'État et pour les collectivités concernées. Il faut faire acte de candidature avec discernement, en ayant à l'esprit la charte de M. Dauge. Le Mont Saint-Michel cerné par les éoliennes, c'est un saccage ! Et deux représentants de l'État affirment des points de vue contraires...

Les crédits des parcs nationaux sont en baisse, M. Paul Raoult a attiré mon attention sur ce problème. Si nous voulons des parcs, il faut débloquer les moyens de fonctionnement correspondants.

Je déplore les difficultés rencontrées par le rapporteur pour obtenir réponse au questionnaire budgétaire. Celui-ci a été envoyé le 10 juillet dernier, mais il est demeuré poste restante : nous n'avons pas obtenu toutes les réponses prescrites à l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Je vous propose de placer en début de rapport un encadré pour dénoncer cette manière inadmissible. La chose ne doit pas se reproduire : autant en avertir sans attendre le nouveau ministre !

M. Claude Bérit-Débat. - Les règles mises en place par les communes sont respectées, la plupart du temps, d'autant que le classement valorise le patrimoine et que chacun en mesure l'intérêt. Les retombées économiques sont certaines, mais le coût n'est pas négligeable et les collectivités territoriales, réforme après réforme, n'ont plus suffisamment de moyens ! L'État ne donne pas l'exemple en coupant dans les budgets. Je suis pessimiste pour l'avenir. Je connais la question pour avoir créé une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) dans un site majeur comportant une abbaye du XIIe siècle. Les collectivités auront-elles encore demain les moyens d'abonder les dotations des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ?

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. - Yves Dauge est un pionnier de la protection des paysages et du patrimoine. Je me réjouis de l'accueil qu'il a fait à ma proposition. J'ai parlé des parcs nationaux mais mon propos concernait toutes les zones de protection. Je le dis depuis longtemps : ne cherchons pas à créer des structures que nous ne saurons pas faire vivre.

Les crédits de la forêt sont certes stables en 2011, mais ils ont augmenté toutes ces dernières années. Je remercie notre président d'avoir marqué sa réprobation au sujet du questionnaire laissé sans réponse. Je veux dire à M. Bérit-Débat que je ne suis pas pour ma part favorable à une réglementation de plus ; et il n'est pas toujours vrai que le classement entraîne des dépenses supplémentaires, sur les grands sites, les monuments déjà classés... En revanche, il infléchit la discussion sur les nouveaux équipements envisagés et leur insertion dans le paysage - je songe aux douze ponts que l'on veut installer sur la Loire.

En 2017, des SCOT seront établis sur tout le territoire. Les zones classées au patrimoine mondial doivent à mon sens faire l'objet d'un « porter à connaissance » sur ces documents. Les périmètres sont de plus en plus vastes, il faut les signaler - de même que des ouvrages et des sites particuliers, les forts Vauban, par exemple. Les obligations incombent aux élus et à l'État, le demandeur du classement et garant du respect des règles.

M. Claude Bérit-Débat. - J'ai seulement dit que les problèmes proviennent du manque de moyens et non de la réglementation.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. - Au jour le jour, on a surtout besoin de vigilance et non forcément de beaucoup de moyens.

M. Jacques Legendre, président. - L'Unesco a classé hier au patrimoine mondial immatériel la cuisine gastronomique française. Mme Catherine Dumas en sera heureuse ! Cela flatte notre identité culturelle !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Médias, livre et industries culturelles - Presse - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. David Assouline sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles - Presse » du projet de loi de finances pour 2011.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Je souligne d'abord que le programme 180, auparavant consacré à la presse, inclut désormais les crédits affectés au livre et aux industries culturelles. Je ne saisis pas vraiment le sens et l'utilité de ce regroupement... Le soutien financier de l'État à la presse vise à garantir l'effectivité des principes fondamentaux de liberté de l'information et de pluralisme des expressions et opinions. Les subventions à l'édition et aux industries culturelles obéissent à des impératifs spécifiques à la création culturelle et à la protection des patrimoines. Le regroupement ne va pas dans le sens d'une meilleure lisibilité de la dépense publique...

Les moyens du plan de soutien exceptionnel de l'État en faveur de la presse sont maintenus en 2011, conformément aux engagements pris à la suite des États généraux de la presse écrite à l'automne 2008. Les crédits de paiement de la presse s'établiront à 420,5 millions d'euros, dont 115,4 millions pour les abonnements de l'État à l'agence France-Presse (AFP) et 305,1 millions d'aides à la presse.

M. Aldo Cardoso, dans son rapport sur la gouvernance des aides à la presse, fait un constat simple : le système, très ancien, est caractérisé par la fragmentation, voire le saupoudrage, et il est obsolète par rapport aux mutations du modèle économique des entreprises de presse.

Pour améliorer l'efficacité des aides, il me paraît important de conditionner leur octroi à la conclusion d'une convention entre l'État et l'entreprise de presse, sur la base d'une stratégie globale de redressement assortie d'engagements évaluables. L'accent devrait être mis sur les investissements structurels et d'avenir, favorisant l'innovation et la formation. Et nous avons besoin d'indicateurs pertinents et régulièrement réactualisés.

Il convient aussi de créer un fonds stratégique pluriannuel en faveur de la presse d'information politique et générale, qui regrouperait l'ensemble des aides à l'éditeur et qui serait consacré à la restructuration de la presse papier et numérique. Ce choix ambitieux rétablirait une cohérence des aides à l'éditeur, aujourd'hui éparpillées, voire contradictoires. M. Cardoso chiffre le montant idéal de ce fonds à 900 millions d'euros sur cinq ans, de 2011 à 2016. Le Gouvernement en aura-t-il la volonté, en ces temps de réductions budgétaires drastiques ?

Quant à renforcer les mécanismes de contrôle et d'évaluation, en mettant l'accent sur la vérité des coûts, cela n'aura de sens que si le ministère de la culture confie cette tâche à une structure indépendante, en faisant appel, le cas échéant, à l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes.

Le plan de soutien massif annoncé par le Gouvernement à la suite des états généraux de la presse écrite ne s'est pas accompagné d'une révision des objectifs ni des critères d'évaluation. On a ainsi injecté plusieurs centaines de millions d'euros dans un système qui manquait cruellement de cohérence. On a privilégié une logique d'affichage, sans souci de cohérence globale. M. Cardoso dénonce les contradictions entre diverses mesures. Par exemple, l'aide au portage et l'aide au transport postal de la presse ont représenté respectivement 70 et 269 millions d'euros : chaque secteur est servi, mais les aides pourraient se neutraliser puisqu'il s'agit de deux modes de distribution concurrents. Il faut savoir choisir !

Rien n'a été fait jusqu'ici pour s'assurer que les aides à la presse contribuent effectivement à renforcer l'indépendance et le pluralisme. Certaines aides continuent d'être accaparées par des titres ou des familles de presse qui brillent par leur haut degré de concentration. Ne faudrait-il pas moduler l'attribution des aides en fonction du degré de concentration ? Sinon, pourquoi dépenser 12 millions d'euros en faveur du pluralisme ? On verse les aides de façon à faire plaisir à tout le monde mais leurs effets s'annulent.

Ne faudrait-il pas plafonner la détention, par un groupe privé vivant de la commande publique, du capital d'un grand groupe de médias ? Le Gouvernement, qui a déjà écarté la proposition de loi du groupe socialiste sur la concentration dans le secteur des médias, refuse de répondre.

Il y a, cependant, des sujets sur lesquels nous pouvons avancer ensemble, si nous raisonnons à partir d'un diagnostic honnête et rigoureux. Tout le monde souhaite une meilleure autorégulation du secteur, ce qui suppose de transformer le Conseil supérieur des messageries de presse en une véritable instance professionnelle dotée de la personnalité morale et d'un pouvoir normatif, avec, en contrepartie, la création d'une « Autorité de régulation de la distribution de la presse » appelée à trancher les différends.

Autorégulation ou non, les principes fondamentaux de la loi Bichet doivent s'appliquer, en particulier l'égalité de traitement entre les titres de presse. Soyons vigilants donc sur l'éventuelle pérennisation de certaines dérogations, telles que le plafonnement des quantités et l'assortiment des titres servis aux points de vente.

Enfin, en ce qui concerne l'AFP, là aussi des avancées peuvent être réalisées dans une démarche constructive. Il n'est pas envisageable de toucher aux articles 1, 2 et 14 du statut de 1957, qui fondent l'identité, l'ADN même de l'agence. Nous pouvons donc nous féliciter que l'actuel président-directeur général (PDG) ait écarté la transformation de l'AFP en une société dotée d'un capital.

Dans un climat plus apaisé, nous pouvons travailler à la réforme de la gouvernance, et à la consécration des missions d'intérêt général de l'AFP afin de justifier au regard du droit communautaire le versement d'une compensation financière par l'État - 115,4 millions d'euros en 2011. Là encore, les principes d'indépendance et de pluralisme de l'information doivent guider nos réflexions.

Compte tenu de l'absence de réévaluation des objectifs et des mécanismes de contrôle, je ne suis pas en mesure de donner un avis favorable aux crédits de la presse au sein du programme 180.

M. Jacques Legendre, président. - Les délégués syndicaux de l'AFP avec lesquels vous vous êtes entretenu m'ont prêté des intentions sur le capital de l'agence...

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Dans une dépêche de presse, le ministre vous a mis dans une position difficile en vous attribuant des intentions que vous n'aviez pas : j'ai fait une mise au point et mes interlocuteurs ont été rassurés.

Nous avons voulu suivre les projets de réforme du statut et avons organisé une table ronde ici l'an dernier. Nous avons vu combien le sujet était sensible... Le projet de l'ancien PDG est tombé à l'eau puisque celui-ci est parti ; le nouveau président a tout de suite affirmé qu'il estimait obsolètes certains aspects de la gouvernance inscrits dans la loi fondatrice de 1957. Ce sont les représentants de la presse française qui dominent au sein de l'agence, ce qui les place dans une situation potentielle de conflits d'intérêt en poussant les prix à la baisse, alors qu'aujourd'hui l'essentiel de la clientèle est constitué par la presse internationale. Les syndicats, les politiques, tout le monde partage le diagnostic : il n'y a pas lieu de doter l'AFP d'un capital mais il n'en faut pas moins actualiser la loi de 1957 et réformer la gouvernance. J'ai demandé à l'intersyndicale de me donner son avis et les représentants syndicaux ont évoqué cette dépêche qui les avait choqués. Nous faisons un travail de dentelle ; mais M. Frédéric Mitterrand lors d'une audition à l'Assemblée nationale a affirmé que M. Legendre et le député M. Michel Herbillon travaillaient à une réforme du statut de l'AFP. Or cela n'est pas complètement vrai.

M. Jacques Legendre, président. - Plus exactement, c'est complètement faux.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - J'ai rassuré nos interlocuteurs mais je n'ai pas compris la communication ministérielle : peut-être s'agit-il de bloquer toute réforme ?

M. Jacques Legendre, président. - Je vous remercie des précisions que vous avez données : je n'ai jamais travaillé avec M. Herbillon sur le capital de l'AFP, je m'intéresse uniquement à la gouvernance.

M. Ivan Renar. - Monsieur le rapporteur, vous laissez entendre que le climat intérieur à l'AFP s'est apaisé : ce n'est jamais totalement le cas, car l'entreprise est fragile, la concurrence vive, on joue avec le destin d'hommes et de femmes en fermant des bureaux ici ou là. L'arrivée du nouveau PDG, venu de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), a apaisé un peu les choses. Mais dans ce groupe, tout se passe toujours à fleur de peau. Après le vote du budget, il serait bon de se pencher sur ce dossier.

Je signale que la mention « source : AFP » figure bien rarement à la fin des articles. Ouest-France affirme qu'il n'a plus besoin de l'AFP. Et pourtant, combien d'articles de politique générale reprennent les communiqués de l'agence ! Les titres n'ont plus de correspondants à Paris.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - J'ai indiqué que le climat avait été un peu plus apaisé à la suite des garanties apportées par le PDG sur la question du capital même si les tensions ont été ravivées par le déménagement. J'ai consacré dans mon rapport des développements à l'AFP pour exercer en quelque sorte un « droit de suite », mais ce n'est pas le sujet principal de ce rapport budgétaire. Nous pourrions aussi parler de déconcentration, car diversité de la presse ne signifie pas seulement diversité politique. La « PQR », presse quotidienne régionale, est garante de la diversité, par sa multiplicité et son enracinement local. Hélas, lorsque c'est un grand groupe qui détient plusieurs titres, les articles tournent et se ressemblent ! La diversité des rédactions tend à disparaître.

Je me réjouis que le montant des crédits promis après les États généraux soit respecté. Des garde-fous sont à imaginer contre la concentration. Si le climat s'est apaisé à l'AFP, c'est aussi que la situation était devenue explosive du temps de l'ancien PDG et que l'arrivée d'un nouveau président, Emmanuel Hoog, a rassuré.

M. Jacques Legendre, président. - Cela me fait penser à cette citation de Marivaux : « peser des oeufs de mouche dans des balances de toiles d'araignée »...

Mme Catherine Morin-Desailly. - Cette année, le bi-média a pris un essor considérable, modifiant le travail des journalistes. L'arrivée des tablettes a contribué à cette mutation. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Et quelles sont les retombées des abonnements offerts aux jeunes ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Les aides à la presse en ligne représenteront 18 millions d'euros en 2011. On observe une montée en puissance du support numérique à côté du papier, le sujet devrait être approfondi l'an prochain... Le téléchargement ne constitue encore qu'une part infime des ventes, mais la progression est exponentielle aux États-Unis... Et tant mieux car l'avenir de la presse se trouve là. Le nombre des utilisateurs de tablettes augmente. Cet instrument est pratique, il vous évite de descendre au kiosque le matin pour accéder à la presse... Il y a également la question du taux de TVA applicable à la presse numérique, nous avons préconisé une harmonisation des taux applicables au numérique et au papier.

Les crédits en faveur de la lecture de la presse par les jeunes devraient s'établir à 8,5 millions d'euros en 2011. La mesure destinée à offrir un abonnement gratuit à tout jeune à une publication d'information politique générale a débuté l'année dernière, il serait donc utile d'attendre encore un peu pour réaliser un bilan complet de son application.

Mme Françoise Laborde. - Mais les retombées sont-elles positives ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - La mesure est reconduite en tout état de cause, donc oui a priori. Mais une année d'application me semble un délai un peu court pour avoir le recul nécessaire.

Contrairement aux propositions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles - Presse ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Médias, livre et industries culturelles - Examen du rapport pour avis

Puis la commission procède à l'examen du rapport pour avis de MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - C'est un exercice un peu particulier auquel nous allons nous livrer puisque la lecture publique qui relevait auparavant de la mission « Culture » dont je suis le rapporteur a été partagée dans la nouvelle nomenclature du budget du ministère de la culture entre deux missions. C'est la raison pour laquelle Serge Lagauche présentera la partie « industries culturelles » et je présenterai la partie « patrimoine écrit et documentaire ».

Il s'agit, d'une part, de mettre en adéquation les programmes budgétaires et la nouvelle organisation administrative du ministère de la culture et de la communication et, d'autre part, de tenir compte de l'arrivée rapide des nouvelles technologies dans le domaine du livre. Cette évolution nous oblige à examiner le livre en tenant compte à la fois du passé et du présent.

Le programme 180 « Presse, livres et industries culturelles » se décompose en quatre sous-actions. Les trois premières relèvent du patrimoine écrit : la BnF, le « Quadrilatère Richelieu » et le « développement de la lecture et des collections ». La quatrième sera présentée par notre collègue Serge Lagauche ; il s'agit de la sous-action « Édition, librairie et professions du livre ».

Les crédits accordés à la BnF s'élèvent à 206, 22 millions d'euros environ en CP et AP, dont 190,361 millions au titre du fonctionnement et 15,89 millions au titre de l'investissement. Cette subvention d'investissement est censée être complétée par les 5,5 millions d'euros d'excédent dégagés du budget 2010 de l'établissement. Je rappelle que le budget de la BnF est construit de manière à dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour prendre en charge ses investissements, notamment ses acquisitions. Cependant cela ne suffit pas car, très régulièrement, la presse nous indique que la BnF lance des souscriptions, utilisant le système de la loi sur le mécénat, pour enrichir ses collections d'ouvrages particulièrement exceptionnelles et par conséquent très onéreux.

Les crédits de la sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu », lieu historique que la commission a visité il y a quelques années, destinés au financement de la rénovation et de l'aménagement du site de la Bibliothèque nationale de France, s'élèvent à 5 millions d'euros en crédits de paiement, tandis qu'un apport complémentaire de la BnF à hauteur de 12 millions d'euros est prévu pour la période 2010-2013. Les espaces du site seront partagés entre la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et l'École nationale des Chartes (ENC), contribuant ainsi à renforcer ce pôle scientifique et culturel en matière d'histoire de l'art. Le coût total du projet, qui s'élève à 177,6 millions d'euros, fait l'objet d'un financement interministériel, la participation du ministère de la culture s'élevant à 137,44 millions d'euros et celle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à 40,16 millions d'euros. Une visite du site permettrait de voir concrètement l'avancement des travaux.

Enfin, les crédits de la sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » s'élèvent à 19,27 millions d'euros en CP=AE, dont un peu plus de 7 millions destinés à la Bibliothèque publique d'information.

Ce budget marque l'importance donnée à la valorisation du patrimoine écrit en s'appuyant sur les richesses territoriales.

La conservation, l'enrichissement et la valorisation du patrimoine écrit sous toutes ses formes (manuscrite, imprimée, graphique et désormais numérique) constituent un objectif clairement identifié comme prioritaire de la politique culturelle de l'État. La politique du ministère de la culture et de la communication en la matière comprend deux volets principaux : d'une part, l'action de la Bibliothèque nationale de France qui conserve 35 millions de documents anciens, d'autre part, le soutien aux bibliothèques territoriales détenant des fonds patrimoniaux, à hauteur de plus de 30 millions de documents anciens et précieux, répartis sur environ 500 bibliothèques en France dont 54 bibliothèques municipales classées.

La Bibliothèque nationale de France reçoit une subvention spécifique pour les actions de coopération nationale de 3 millions d'euros. L'année 2009 a été marquée par la poursuite du développement des pôles associés régionaux, impliquant services de l'État et collectivités territoriales autour de projets patrimoniaux communs, en particulier en matière de signalement, dans 13 régions.

Le second volet de la politique patrimoniale est le soutien aux politiques patrimoniales des collectivités territoriales, en particulier des collectivités détenant des fonds d'État provenant principalement des confiscations de la Révolution française. Cette politique s'organise depuis 2004 au sein du plan d'action pour le patrimoine écrit. Ce programme s'organise autour de 2 actions, un site Internet « Patrimoine écrit » et un appel à projets « Patrimoine écrit » destiné à soutenir les projets patrimoniaux remarquables des collectivités territoriales, sur le modèle du dispositif expérimental créé en 2007. Cette mesure bénéficie de crédits d'un montant de 300 000 euros. En trois ans, ce sont 59 projets patrimoniaux dont une quinzaine de projets régionaux ou collectifs qui auront été aidés.

S'y ajoute le dispositif de mise à disposition par l'État d'une centaine de conservateurs généraux et de conservateurs aux collectivités territoriales en charge de bibliothèques municipales classées.

Enfin, dans le domaine de la numérisation patrimoniale, le service du livre et de la lecture (SLL) favorise la concertation entre de grands projets nationaux comme la bibliothèque numérique de la BnF Gallica, les politiques de numérisation définies en région par les collectivités territoriales, et éventuellement les initiatives privées qui peuvent leur être complémentaires et enrichir l'offre publique. C'est l'ambition du projet de schéma numérique des bibliothèques, confié en juin 2008 à Bruno Racine, dans le cadre des travaux du Conseil du livre. Le rapport présentant des propositions opérationnelles a été remis le 22 mars 2010 au ministre de la culture et de la communication, à l'occasion du Conseil du livre, l'arrière-plan étant le débat permanent sur la numérisation du livre et le dossier Google, dont nous avions parlé l'an dernier au moment du débat budgétaire.

J'avais eu l'occasion au nom de la commission d'exprimer quelques inquiétudes à l'égard de ce projet qui semblait mettre la culture au service de la numérisation et par conséquent d'une activité commerciale.

Or le projet présenté par le ministre de la culture et de la communication semble répondre à cette inquiétude. Il s'appuierait sur quatre principes fondamentaux :

- la numérisation intégrale du corpus aux frais de l'État via le grand emprunt ;

- un accord global sur un ensemble massif de titres, dépassant la négociation oeuvre par oeuvre mais avec des mécanismes souples d'entrée ou de sortie ;

- un accord sécurisé du point de vue juridique liant les trois parties ;

- un modèle de diffusion et d'exploitation commerciale des oeuvres avec des mécanismes de répartition des revenus à définir.

Ces orientations reprennent les préconisations du rapport remis par M. Marc Tessier qui prévoyait un système plus équilibré d'« échanges réciproques ».

Le deuxième point que je voudrais évoquer est l'action engagée par le ministère pour favoriser la lecture. En mars dernier, le ministre de la culture a énoncé 14 propositions pour le développement de la lecture. Le numérique, c'est bien mais la lecture c'est fondamental et cela contribue aussi très largement à l'égalité des chances.

Ces propositions s'articulent autour de 3 axes : l'adaptation des structures aux nouveaux usages, l'accompagnement des projets innovants, notamment des collectivités territoriales et la conception d'outils d'aide à la décision.

Le soutien au développement de la lecture bénéficie de 1,129 million d'euros en AE=CP en crédits centraux et de 7,63 millions d'euros en AE=CP en crédits déconcentrés.

L'adaptation des structures aux nouveaux usages constitue le premier axe autour duquel s'articulent les propositions pour le développement de la lecture.

La première proposition est de faire de la Bibliothèque publique d'information (Bpi) un établissement innovant en matière de lecture publique. Il s'agit en fait d'une bibliothèque qui a pour but d'améliorer les usages dans le secteur de la lecture publique, à travers la mise en oeuvre d'un projet d'établissement et une collaboration avec l'ensemble des bibliothèques ouvertes au public.

La Bpi disposera de 7,015 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2011.

La mission nationale de la Bpi couvre au profit des bibliothèques en région de nombreux champs. Elle fait des études à la demande du ministère de la culture, et procède à des enquêtes locales et à des évaluations. Elle a créé un consortium pour l'acquisition de ressources électroniques, et a élaboré un catalogue nationale pour l'audiovisuel, elle fait de la formation à l'usage de l'ensemble des bibliothécaires et a créé un réseau « bibliosésame », service de questions-réponses, à distance par courriel entre bibliothécaires.

La deuxième proposition doit permettre de développer l'action de la Bibliothèque nationale de France (BnF) en direction des populations éloignées de la lecture. Cela devrait se faire en s'appuyant sur le nouveau projet pour le haut de-jardin du site François-Mitterrand, avec l'objectif d'une diversification sociale de ses publics.

La troisième proposition est d'étendre les horaires d'ouverture pour les 50 bibliothèques municipales les plus importantes. L'appel à projets a été lancé en juin 2010 et l'opération est en cours avec un soutien financier de l'État dégressif sur trois ans. L'enveloppe réservée pour les candidats retenus en 2010 est de 200 000 euros.

Les propositions 4 à 7 tendent à proposer aux collectivités territoriales un contrat numérique pour les bibliothèques afin de les moderniser.

L'accompagnement des projets innovants passe par la proposition 8 : lutter contre les inégalités territoriales d'accès au livre et à la lecture par la création de contrats territoires-lecture. 2 millions d'euros seraient réservés en faveur de projets de territoire innovants en matière de lecture publique, plus particulièrement ciblés dans les quartiers périphériques et les zones rurales, et dédiés aux publics éloignés du livre.

La conception d'outils d'aide à la décision s'articule autour de la proposition 13 : rénover les outils de connaissance de l'activité des bibliothèques publiques sur l'ensemble du territoire national pour une meilleure évaluation de leurs activités.

Ces 14 propositions sont directement traduites dans le projet de loi de finances pour 2011 par les crédits correspondants. Nous aurons tout au long de l'année l'occasion de vérifier leur mise en application.

Compte tenu de l'intérêt que représentent ces programmes et de l'augmentation des crédits qui y sont affectés, je proposerai à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des sous-actions 1, 2 et 3 de l'action 3 « Livre et lecture » du programme 180 « Presse, livre et industries culturelles ».

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Monsieur le président, Mes chers collègues, les arcanes de la maquette budgétaire pour 2011 nous conduisent, Philippe Nachbar et moi-même, à nous répartir les crédits destinés au livre et aux industries culturelles dans le programme 180. Il nous faudra sans doute remettre à plat nos avis budgétaires à l'occasion du prochain renouvellement du Sénat, afin de retrouver une répartition plus simple.

Il me revient donc de vous présenter :

- d'une part, les crédits consacrés à l'édition, la librairie et les professions du livre, qui recouvrent 22,3 millions de fonctionnement et 19,3 millions d'euros de dépenses d'intervention, dont la majeure partie correspond au droit de prêt en bibliothèque, destinés à la rémunération des auteurs et éditeurs ;

- et d'autre part, les crédits alloués aux autres industries culturelles, avec 26 millions d'euros destinés à la musique enregistrée, le cinéma, le patrimoine cinématographique, et la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) qui recevra 12 millions d'euros, compte tenu de sa montée en puissance. J'ai néanmoins choisi de me concentrer sur le secteur musical, le cinéma et la Hadopi faisant l'objet d'un autre rapport, avec le spectacle vivant, que je vous présenterai la semaine prochaine.

J'évoquerai tout d'abord la mutation numérique de ces industries culturelles. A cet égard, j'ai trouvé beaucoup d'intérêt à participer, avec plusieurs collègues de la commission, au Forum d'Avignon qui s'est tenu du 4 au 6 novembre derniers. Nous avons pu ainsi mesurer l'impact de cette nouvelle révolution, qui concerne la « consommation » de biens culturels, mais aussi, bien entendu, leur mode de création et de diffusion. D'une certaine façon, le « consommateur » de biens culturels peut aussi en devenir le créateur.

Toutes ces évolutions ont pour conséquence :

- de créer le besoin d'une nouvelle intermédiation et éditorialisation, l'abondance de biens à disposition ne les rendant pas forcément plus accessibles à tous, dans toute la richesse de leur diversité ;

- de rendre indispensables un renforcement des actions éducatives, afin de former et d'aiguiser le regard critique des jeunes, et l'accompagnement des mutations économiques.

Pour ce qui concerne le livre, cet accompagnement relève surtout des missions du Centre national du livre (CNL). C'est la raison pour laquelle ses ressources doivent être confortées. Tel était l'objet de la réforme, en 2007, de la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction ou d'impression. Mais son produit a néanmoins baissé et, au total, sur l'ensemble de l'année 2010, 5 millions d'euros devraient manquer au CNL.

C'est pourquoi je demanderai au ministre de préciser les intentions du Gouvernement en vue de modifier une nouvelle fois l'assiette de cette taxe, en vue d'y inclure, le cas échéant les consommables, tout en réduisant le taux.

Il est vrai que si le secteur du livre représente la première industrie culturelle, il demeure la moins subventionnée.

Une politique ambitieuse a néanmoins été conduite ces dernières années en faveur de la filière du livre et nous y avons récemment contribué en adoptant la proposition de loi de nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre sur le prix du livre numérique.

J'insiste dans le rapport sur le fait que le numérique doit devenir un nouveau moteur de création de valeur, sachant qu'à l'horizon 2015, le marché du livre numérique devrait s'établir à 15 à 20 % du marché du livre, contre 1 % aujourd'hui. Une étude montre qu'il pourrait représenter 20 à 28 % des profits de l'industrie concernée.

Mais je m'interroge sur la répartition de cette valeur. Car, contrairement au secteur du cinéma, où les économies réalisées par le distributeur en raison du passage au numérique sont partagées avec les exploitants en vue de financer l'équipement des salles, dans le secteur du livre, le modèle de partage de ce « dividende numérique » reste à définir, de même, il est vrai, que le niveau de ces économies. Dans tous les cas, il conviendra de veiller à ce que les libraires et les auteurs s'y retrouvent...

J'évoque plus précisément dans mon rapport écrit l'ensemble des mesures de soutien aux librairies, car nous sommes tous bien conscients de l'importance de leur rôle culturel dans nos villes. Le projet de portail de la librairie indépendante sur Internet, baptisé « 1001libraires.com », sera lancé fin 2010. C'est essentiel s'ils veulent prendre le virage du numérique. Ce projet est aidé sous la forme d'un prêt économique à moyen terme d'environ 500 000 euros, accordé par le CNL.

S'agissant des autres industries culturelles, les préconisations du rapport « Création et Internet » de MM. Zelnik, Cerutti et Toubon, de janvier 2010, constitue une bonne feuille de route pour développer l'offre légale de contenus culturels sur Internet, améliorer la rémunération des créateurs et financer les industries culturelles.

La première concerne la mise en oeuvre d'une Carte musique pour les jeunes de 12 à 25 ans. Elle a été lancée le 25 octobre 2010 et près de 10 000 cartes ont été créées en une semaine. Elle sera subventionnée à 50 % par l'État, pour un budget total de 25 millions d'euros par an, pendant trois ans.

Nous pouvons soutenir cette mesure incitative qui vise à modifier les comportements des jeunes sur Internet en rendant l'offre légale plus accessible à leurs budgets contraints.

Il me semble néanmoins nécessaire qu'une évaluation de cette mesure soit réalisée à la fin de chacune des trois années de son application.

Après avoir perdu plus de 60 % de son chiffre d'affaires depuis 2003, le marché de la musique enregistrée semble en voie de stabilisation. Mais je relève que les différents acteurs de la filière musicale se sont historiquement moins structurés que d'autres secteurs en vue de solliciter de l'État une régulation.

Il semble qu'il ait fallu attendre la crise liée à la transition numérique pour qu'un dialogue s'engage entre eux.

C'est ainsi, par exemple, que le crédit d'impôt phonographique bénéficie à la production phonographique mais pas aux producteurs de spectacles vivants et de musique de variété. Ces derniers assument pourtant une part croissante des dépenses de promotion des nouveaux talents musicaux, notamment à l'occasion des tournées musicales. Dès lors, il pourrait être équitable d'étendre en leur faveur ce dispositif. Mais ce dernier étant peu opérant en l'état, son amélioration apparaît également souhaitable. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux des négociations interprofessionnelles, afin que les acteurs puissent présenter un projet cohérent aux pouvoirs publics.

Je rappelle, par ailleurs, que M. Emmanuel Hoog s'est vu confier par le ministre, en mars 2010, une mission de concertation et de médiation en vue de permettre aux producteurs et artistes-interprètes de trouver un accord concret pour un régime de gestion collective sous une forme volontaire. A défaut, la voie législative devrait s'imposer.

Enfin, je demanderai au Gouvernement de poursuivre une concertation avec les professionnels afin de réfléchir à une meilleure régulation du secteur. Notre commission pourrait aussi participer à cette démarche au travers d'une table ronde au premier semestre 2011.

Je prévois aussi un développement sur la numérisation des oeuvres dans le cadre des investissements d'avenir. Mais je n'y reviens pas, notre collègue Philippe Nachbar l'ayant déjà évoqué.

Enfin, je vous proposerai un amendement tendant à appliquer le taux de TVA à taux réduit au livre numérique, comme nous l'avions décidé à l'unanimité lors de l'adoption de la proposition de loi sur le prix du livre numérique.

En conclusion, je vous proposerai de donner un avis favorable aux crédits concernés par les actions que je vous ai présentées.

M. David Assouline. - La loi dite HADOPI est désormais entrée en vigueur. Les premiers mails d'avertissement ont commencé à être envoyés. Les rapporteurs n'ont sans doute pas encore d'éléments d'appréciation. J'aimerais qu'ils transmettent au ministère notre souhait de disposer de données sur l'application de la loi, par exemple sur le nombre de courriers envoyés. En effet, des prévisions avaient été faites en termes de fonctionnement, de personnels, de mise à disposition d'agents du ministère de la justice. Nous souhaiterions un premier bilan de l'application de la procédure.

M. Serge Lagauche. - La mise en oeuvre de la loi « HADOPI » sera abordée lors de l'examen du rapport pour avis sur le spectacle vivant.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je voudrais soutenir la démarche de notre collègue qui est de proposer pour le livre numérique un taux de TVA identique à celui qui s'applique au livre papier. Dans un marché émergent, il est nécessaire d'avoir un levier assez fort pour accompagner le développement de ce nouveau support et soutenir les libraires et les éditeurs. Par ailleurs, il faut absolument aider les petits libraires pour qu'ils puissent s'inscrire sur le site « 1001libraires.com », sinon leur sort sera vite scellé.

S'agissant de la carte musique, vous avez raison de proposer un bilan. Je suis assez sceptique sur cette manière de lutter contre le piratage. J'aurais préféré qu'on consacre ces crédits à des actions plus structurantes en matière d'éducation artistique et culturelle.

Mme Colette Mélot. - Je m'interroge sur les chances de voir aboutir notre proposition d'harmonisation du taux de TVA pour le livre compte tenu de la fin de non recevoir opposée à l'Assemblée nationale à l'amendement de M. Gouteyron.

M. Jean-Pierre Leleux. - A propos de cet ajustement du taux de TVA du livre numérique sur le livre papier, je voudrais introduire une réflexion supplémentaire. On s'est beaucoup inquiété de la « cannibalisation » du livre papier par le livre numérique dont on dit que le coût sera à terme réduit de 30 à 40 %. Dès que l'offre légale de livres numériques va s'amplifier, une grande partie des consommateurs va s'y diriger compte tenu du niveau de prix inférieur. Je me pose la question de savoir si le fait d'abaisser le taux de TVA ne va pas accélérer cette forme de « cannibalisation ». Quelle pourrait être l'influence de cette évolution ?

M. Jean-Pierre Plancade. - Notre groupe partage l'analyse faite par les deux rapporteurs. J'ai particulièrement apprécié le rapport de M. Serge Lagauche et son compte rendu du déplacement d'une délégation de la commission à Avignon. L'analyse est partagée.

Je suis favorable à l'abaissement du taux de TVA du livre numérique à 5,5 % pour le mettre en harmonie avec celui du livre papier. Il y a un débat. Vous avez à juste titre posé la question. Je n'aime pas beaucoup le mot « cannibalisation », car je pense qu'on n'arrêtera pas le progrès. Il faut plutôt l'accompagner. Certains estiment que l'arrivée du numérique remet les gens à la lecture. C'est un élément important que je n'avais pas mesuré qui existe aussi.

M. David Assouline. - Je veux vraiment soutenir cet amendement sur le taux réduit de TVA. Il n'y a pas de concurrence. Ce sont les mêmes acteurs, à part l'imprimerie et la fabrication du papier. Cela a été abordé lors du débat de la loi relative au prix du livre numérique. Au contraire, le fait d'avoir un autre support pour un même produit va tirer tout vers le haut. En tout cas, là où le livre numérique est un secteur significatif de l'industrie du livre, - ce qui n'est pas encore le cas en France mais cela va évoluer - en Amérique du Nord, en Asie, au Japon, où le niveau des ventes est déjà très élevé, le livre prend de l'ampleur. Ce n'est pas une concurrence. Le produit papier est en déclin.

On peut aussi se dire, sans être trop écologique, que si on règle le problème social de la fin de l'imprimerie ou de son déclin, les avantages pour la société humaine de ne pas être en situation de devoir dévaster des forêts ne sont pas négligeables ; il faut encourager le numérique. Il va falloir mettre en oeuvre des mécanismes de soutien à l'imprimerie et de reconversion professionnelle en amont.

M. Serge Lagauche. - Le Forum d'Avignon était une rencontre internationale. L'Europe était fortement représentée par des hauts responsables. Il est apparu la nécessité de se battre en Europe pour que tous les produits culturels bénéficient d'un taux de TVA réduit. Le fait de déposer cet amendement s'inscrit dans un cadre plus général. La commissaire européenne présente, Mme Nelly Kroes, était convaincue. Nos rapports devraient être envoyés aux responsables du Forum d'Avignon et des institutions européennes. Il faut encourager un comportement convergent au niveau européen.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article additionnel après l'article 11

M. Jacques Legendre, président. - Je suis saisi d'un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 11 présenté par M. Serge Lagauche que je cosignerai pour engager la commission.

M. Serge Lagauche. - Cet amendement propose, au dernier alinéa de l'article 278 bis du code général des impôts, après le mot « Livres », d'insérer les mots : « sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement ».

Il vise ainsi à établir le taux de TVA applicable au livre numérique au même taux réduit de TVA de 5,5 % que le livre papier.

L'amendement n° 1 est adopté à l'unanimité.

La commission donne un avis favorable aux crédits du programme « livre et industries culturelles » de la mission « Médias », le groupe CRC ne participant pas au vote.

Établissements d'enseignement supérieur - Examen des amendements au texte de la commission

Enfin, la commission procède à l'examen des amendements sur son texte pour la proposition de loi n° 671 (2009-2010) relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d'emploi du personnel enseignant et universitaire (Rapporteur : M. Jean-Léonce Dupont).

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels avant l'article 1er

M. Lagauche

2 rect. bis

Rapport sur la mise en oeuvre du transfert du patrimoine immobilier aux universités

Avis favorable si rectifié

M. Renar

4

Rapport sur l'application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités

Avis défavorable

M. Renar

3

Suppression du transfert du patrimoine immobilier aux universités

Avis défavorable

Article 1er

Exercice des droits réels par les universités sur le patrimoine immobilier qui leur est affecté
ou est mis à leur disposition par l'État

M. Renar

5

Suppression de l'article

Avis défavorable

Article 2

Délivrance de diplômes nationaux par les pôles d'enseignement supérieur et de recherche (PRES)

M. Renar

6

Suppression de l'article

Avis défavorable

M. Lagauche

1 rect.

Représentation des personnels et des étudiants au conseil d'administration des établissements publics de coopération scientifique

Avis défavorable

Article 2 bis

Élargissement des possibilités de rattachement entre différentes structures publiques ou privées d'enseignement supérieur

M. Renar

7

Suppression de l'article

Avis défavorable

Article additionnel après l'article 3

Gouvernement

8

Extension de la possibilité de créer des fondations de coopération scientifique

Favorable

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Par ailleurs, je vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer après le deuxième alinéa de l'article L. 719-13 du code de l'éducation un alinéa ainsi rédigé : « Les fondations partenariales peuvent recevoir, en vue de la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif se rattachant à leurs missions, l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources, sans que soit créée à cet effet une personne morale nouvelle. Cette affectation peut être dénommée fondation. ».

Cet amendement permet aux fondations partenariales d'abriter des fondations sans personnalité morale. A cet effet, il leur offre la possibilité de recevoir, en vue de la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif se rattachant à leurs missions, l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources. Cette affectation peut être dénommée fondation.

Cette faculté va permettre aux fondations partenariales d'offrir à ceux qui le souhaitent, entreprises, particuliers ou anciens élèves de l'établissement fondateur, la possibilité de concrétiser un projet d'intérêt général en créant une fondation sous l'égide de la fondation partenariale.

Ce dispositif vise à accroître le rayonnement et les moyens d'action des établissements qui se sont engagés dans la mise en place d'une fondation. Il donnera également la possibilité aux fondations partenariales qui ont déjà acquis une visibilité et une reconnaissance pour les actions qu'elles ont engagées, d'attirer des fonds supplémentaires.

Cet amendement s'inscrit dans l'orientation souhaitée par notre collègue Philippe Adnot.

M. Jacques Legendre, président. - Je suis un peu perplexe sur le fait qu'une fondation puisse abriter une autre fondation.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - L'amendement propose d'alléger le dispositif existant. Notre ancien collègue Pierre Laffitte y était très favorable.

M. Jean-Pierre Plancade. - J'approuve toute démarche de simplification. Je trouve cependant surprenant de créer une fondation sur une fondation, alors que je suis favorable au partenariat public-privé.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Il s'agit essentiellement d'un allègement en termes de coûts.

Enfin, la commission adopte un amendement, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, portant article additionnel après l'article 2.

Organisme extra-parlementaire - Désignation d'un candidat

La commission propose la candidature de M. Jean-Jacques Pignard à la nomination du Sénat pour siéger comme membre titulaire au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nomination d'un rapporteur

La commission nomme Mme Françoise Férat, rapporteur sur la proposition de loi n° 68 (2010-2011) relative au patrimoine monumental de l'État.

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, sur le projet de loi de finances pour 2011.

M. Jacques Legendre, président. - Nous allons auditionner M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur le projet de budget pour 2011, en le priant d'excuser une commission partagée entre un débat en séance publique et cette audition.

M. Yannick Bodin. - Je déplore l'organisation de notre travail, qui contraint une partie de nos collègues à ne pas pouvoir assister à nos travaux puisqu'ils examinent en séance publique un texte sur les activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur.

M. Jacques Legendre, président. - Je comprends, mais vous savez comme moi que le calendrier est très serré. Le débat en séance publique se prolonge au-delà de ce qui avait été prévu, et le ministre de l'éducation nous a demandé d'avancer l'audition compte tenu d'une triste actualité.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - Seize mois après mon arrivée au ministère de l'éducation nationale, deux mois après la rentrée et trois jours après avoir été reconduit dans mes fonctions, je suis heureux de vous présenter les grandes lignes du budget de l'éducation nationale, sachant que M. Daubresse vous a déjà présenté les crédits de la jeunesse et de la vie associative. Je vous présenterai également les innovations de cette année.

Une finalité conduit mon action depuis que j'ai assumé ces fonctions : passer de l'école pour tous à la réussite de chacun. Car si l'école est parvenue à s'ouvrir à tous les enfants de France - 66 % d'une génération se présente au baccalauréat - elle n'assure pas encore la réussite de chacun. Les tests PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves), les redoublements, les décrochages, l'inégalité des chances qui perdure, démontrent que nous avons encore des progrès à faire.

Pour assurer la réussite de chaque élève, nous personnalisons le suivi de chaque élève, pour répondre précisément à ses besoins ; nous donnons plus de responsabilité aux établissements, qui sont les mieux à même d'évaluer ces besoins ; enfin, nous proposons aux professeurs un nouveau pacte de carrière.

Nous personnalisons les parcours, dès la maternelle et le primaire avec les deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée ; plus d'un million d'élèves de primaire en bénéficient ; avec les stages de remise à niveau en français et en mathématiques; avec, à l'école et au collège, l'accompagnement éducatif entre 16 h et 18 h pour les élèves qui ne bénéficient pas chez eux de l'encadrement et du soutien propices à la réussite. Cette personnalisation est également au coeur de la réforme du lycée, j'y reviendrai.

Mais pour travailler au plus près des attentes des élèves, nous donnons davantage d'autonomie à ceux qui connaissent la singularité de chaque territoire éducatif : les recteurs, les inspecteurs d'académie, les chefs d'établissement mais aussi, bien sûr, les professeurs qui souhaitent s'engager dans des projets pédagogiques novateurs. C'est ce que préconisait la Cour des comptes dans son rapport : une différenciation des approches pour un gain d'efficacité.

Avec la réforme des lycées, nous allons renforcer cette autonomie avec les heures d'accompagnement personnalisé en seconde ; au total, le quart des dotations horaires des classes de seconde seront librement organisées par les équipes.

Dans certaines situations et pour des programmes spécifiques requérant une forte mobilisation (internats d'excellence, programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite)), nous irons plus loin, notamment dans le recrutement des personnels sur profil.

Enfin, le rapport que m'a remis le député M. Reiss propose de sortir du modèle de l'école unique, valable pour tous les territoires. En prônant l'esprit d'initiative des équipes, l'élaboration d'expérimentations à partir d'un projet commun, M. Reiss rejoint les orientations de notre politique éducative.

Pour mener à bien la personnalisation, il nous faut une politique de ressources humaines plus ambitieuse : c'est le sens du nouveau pacte de carrière que ce projet de budget traduit. D'abord avec une meilleure formation des enseignants, initiale et continue : le recrutement à bac+5, les 20 heures annuelles du droit individuel à la formation cumulables sur trois ans, le tutorat y contribuent. Ensuite, un meilleur accompagnement des enseignants tout au long de leur carrière : nous mettons en place, par exemple, un bilan de santé à 50 ans pour tous les enseignants, j'ai passé une convention dans ce sens avec la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) le 8 septembre. Nous renforçons la mobilité, l'évaluation des enseignants, et nous accordons une nouvelle place à l'entretien professionnel. Enfin, nous revalorisons les rémunérations, conformément à l'engagement du Président de la République d'y affecter la moitié des économies réalisées grâce au non-renouvellement d'un départ sur deux à la retraite. Dès septembre, quelque 190 000 enseignants en début de carrière ont vu leur rémunération augmenter, de 10 % pour les stagiaires : 196 millions y sont consacrés cette année.

Parmi les nouveautés de la rentrée, la réforme du lycée occupe une place de choix. Le Président de la République l'a annoncée en octobre 2009, elle conforte l'orientation choisie, les passerelles entre les séries générales et professionnelles, le tronc commun, elle reporte la spécialisation plus tard dans la scolarité, en particulier à la classe de terminale et elle met en place deux heures d'accompagnement personnalisé pour tous, que les élèves en difficultés consacreront au rattrapage et les élèves qui ont des facilités consacreront à l'approfondissement. La réforme passe également par l'ouverture du lycée à son environnement, en particulier culturel, avec la désignation d'un professeur chargé de l'animation culturelle, l'ouverture de la plateforme cinélycées et un accent mis sur le partenariat avec les régions pour les équipements culturels.

L'allongement à bac+5 de la formation initiale des enseignants étendra leur spécialisation : nous recrutons les meilleurs dans leur discipline, qui auront eu une année supplémentaire pour s'initier à la recherche et perfectionner leurs méthodes. L'excellence académique et la transmission des savoirs ne sont pas contradictoires : le nouveau concours réserve une place à chacune d'elle, à l'écrit, pour les connaissances, et à l'oral, avec une séquence d'enseignement. Il s'agit de développer la formation par la pratique professionnelle, et non pour la pratique comme le faisaient les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Les candidats se seront formés dès le master avec deux fois 108 heures de stage en observation et en responsabilité.

La réforme est appliquée depuis cette année, nous l'évaluerons et nous l'ajusterons si besoin est.

Nous nous mobilisons également contre l'illettrisme, à travers un plan de prévention. J'ai rencontré les correspondants missionnés dans les académies et nous nous concertons avec les associations. Des assises de l'illettrisme seront organisées dans chaque académie.

Nous utilisons toutes les possibilités offertes par la loi d'orientation de 2005 pour mener des expérimentations. Pour cette rentrée, nous avons ouvert onze nouveaux internats d'excellence, afin d'accueillir les élèves qui réussissent et dont on sait que la réussite sera confortée par un éloignement de leurs familles, souvent de condition très modeste : nous donnons tout son sens à l'école de la méritocratie. Nous expérimentons également sur les rythmes scolaires : j'ai installé en juin le comité de pilotage de la conférence nationale et j'ai lancé en septembre, après un déplacement au Danemark consacré au sujet, la grande consultation publique qui durera jusqu'en décembre et qui sera suivie de conférences régionales sur les rythmes scolaires. Parallèlement, nous avons mis en place l'expérience « Cours le matin, sport l'après-midi » dans 126 établissements scolaires, ce qui représente plus de 7 000 élèves. Enfin, nous lançons dans 105 collèges et lycées le programme CLAIR : le chef d'établissement choisit les enseignants sur profil de candidats volontaires et sur la base d'une adhésion au projet de l'établissement, les enseignants s'engagent pour cinq ans, les innovations pédagogiques sont nombreuses et un préfet des études coordonne la vie scolaire et les questions de discipline, en lien avec les familles.

En avril dernier, les États généraux de la sécurité à l'école ont ouvert sur un ensemble de mesures très concrètes et sur l'élaboration d'un tableau de bord, auquel j'attache une très grande importance. Nous développons la formation des enseignants à la gestion des conflits et à la prévention de la violence, avec un portail Internet de ressources et un DVD sur la tenue de classe pour les professeurs stagiaires. Le 30 septembre, j'ai présenté devant le Conseil supérieur de l'éducation des mesures qui remettent la règle au coeur de l'école, en particulier le rappel des règles de civilité et le déclenchement systématique de procédures disciplinaires en cas de violences verbales ou physiques visant les personnels, dans le sens préconisé par le rapport Bauer de 2009.

Pour les élèves très perturbateurs, nous avons créé des établissements de réinsertion scolaire : dix ont été ouverts, pour accueillir 150 élèves, car les solutions passent par l'école, surtout lorsque les jeunes concernés sont encore d'âge scolaire. Nous poursuivons le plan de sécurisation des établissements, avec un diagnostic de sécurité et le déploiement des équipes mobiles de sécurité lorsque c'est nécessaire.

S'agissant du schéma d'emploi, je veux concilier la construction d'un système éducatif qui mène chacun à la réussite et l'impératif de la responsabilité budgétaire. L'éducation nationale est le premier employeur de l'État. Nous appliquons la règle du non-renouvellement d'un départ sur deux en retraite, mais j'ai voulu qu'au lieu de décider d'en haut quels postes ne seraient pas renouvelés, nous partions désormais de l'analyse des acteurs de terrain, des chefs d'établissement et des inspecteurs d'académie. Nous recensons les bonnes pratiques de gestion et les solutions innovantes expérimentées, pour améliorer la qualité et l'efficacité de l'enseignement.

L'importance du budget et le nombre de nos initiatives démontrent que l'école demeure une priorité du Gouvernement, pour que l'école apporte à chaque élève une solution à la fin de la scolarité obligatoire.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - J'ai toujours considéré l'éducation moins comme une dépense que comme un investissement et je vous félicite, monsieur le ministre, pour vos priorités autant que pour vos nombreuses initiatives. A titre personnel, je me réjouis aussi que le remaniement vous ait maintenu à votre poste : la continuité est un atout pour la réforme. 

Les parents d'élèves, cependant, ne comprennent toujours pas pourquoi il est si difficile, dans l'école publique, de remplacer les professeurs absents, y compris lorsque l'absence est prévisible, comme dans le cas de congés de maternité. Les difficultés tiennent-elles à un manque de moyens, ou à des défauts dans l'organisation ? 

Ils s'inquiètent également des difficultés de recrutement sur les postes médico-sociaux, en particulier les infirmières, pourtant si importantes comme confidentes et soutiens lorsque les élèves rencontrent des difficultés. Comment rendre ces postes plus attractifs, sachant qu'un médecin scolaire débute à 1 700 euros par mois ? L'enveloppe de 80 millions supplémentaires sur l'action consacrée à la santé scolaire contribuera-t-elle à augmenter les rémunérations ? 

Je vous ai déjà interrogé cette année sur la formation des enseignants, en particulier sur l'équilibre à donner entre la formation académique et la préparation pratique au métier d'enseignant lui-même. Vous m'avez annoncé qu'un rapport d'étape vous serait rendu : où en est-on ? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait modifier la maquette des masters ? 

Enfin, vous prévoyez l'an prochain de supprimer 1 633 postes dans le privé et 16 000 postes dans le public, alors que les suppressions y ont été respectivement de 1 400 et 16 000 postes cette année. Pourquoi le rythme augmente-t-il dans le privé seulement ? Loin de moi l'idée de rallumer la guerre scolaire entre le public et le privé, chacun participe à la mission du service public de l'éducation, mais je m'inquiète, sachant que les moyens dans le privé sont très serrés, de voir la suppression de postes s'y accélérer : une centaine d'établissements seraient menacés de fermeture. 

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. - Je ne partage pas l'optimisme de mon collègue : ce budget poursuit le « dégraissage » dans l'éducation, alors que les effectifs d'élèves repartent à la hausse. Vous supprimez encore 16 000 postes dans le public en 2011, après 16 000 postes l'an passé, 13 000 en 2009, 12 000 en 2008 et 11 000 en 2007. Pour la première fois cette année, nous ne sommes pas informés de la répartition de ces suppressions entre la maternelle, le primaire et le secondaire. Lors des questions d'actualité, j'avais dénoncé le schéma d'emploi et les choses se passent exactement comme je l'ai craint : le Parlement signe pour un volume de suppression de postes, sans rien savoir de leur répartition. Il y aurait 4 800 postes supprimés dans le second degré : le Président de la République ayant annoncé que la réforme du lycée se ferait à moyens constants, les suppressions de postes vont devoir se faire au collège et dans les lycées d'enseignement professionnel, alors que vous affirmez que les filières techniques sont revalorisées et que vous savez que les effectifs y progressent. 

Vous annoncez ensuite, au détour d'une phrase, qu'une correction technique du plafond d'emplois vous le fait réviser de 20 359 équivalent temps plein travaillé (ETPT) en plus. Chaque suppression de poste étant douloureuse là où elle se produit, vous découvrez opportunément un « gisement » de plus de 20 000 postes : à croire que ces emplois fantômes n'étaient là que pour être supprimés au bon moment... On a de quoi s'interroger sur la sincérité de votre budget ! Depuis trois ans, je dénonce régulièrement l'insincérité du budget de l'éducation nationale. L'an passé, vous avez utilisé le fusil à un coup de la suppression des stagiaires en IUFM, cette année vous recourez à une révision technique du plafond d'emplois : si vous tenez vos objectifs, c'est par des artifices comptables ! Et pour les tenir dans les années à venir, vous allez devoir vous attaquer à la structure même de l'école, à la qualité de notre éducation nationale, que vous allez sacrifier pour des raisons comptables et, plus profondément, pour des motifs idéologiques. 

Sur le terrain, les répercussions de votre politique sont considérables. Si je comprends bien vos tableaux budgétaires, 12 000 enseignants vont quitter le 1er degré l'an prochain mais seulement 3 000 postes seront ouverts au concours : vous n'en n'êtes pas au non-remplacement d'un départ sur deux en retraite, mais de trois sur quatre !

Je m'inquiète, ensuite, pour les emplois de vie scolaire et les postes de réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). A force de faire pression sur ces postes, vous empêchez l'école publique de remplir ses missions, en particulier pour l'accueil des enfants handicapés. Les organisations syndicales le dénoncent, mais aussi la presse, qui rapporte, ce matin encore, le découragement de parents qui doivent renoncer à envoyer leur enfant handicapé à l'école.

Sur la formation des stagiaires, vous passez d'un système unifié à une différenciation par académie, au point que votre propre administration, dans un rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), déplore une « diversité kaléidoscopique » et souligne le risque de recours juridictionnel des stagiaires au motif d'une rupture d'égalité dans le traitement que vous leur réservez. 

M. Jacques Legendre, président. - Mme Férat, retenue par des obligations dans son département, s'excuse de ne pas pouvoir vous interroger dans le cadre de son avis sur l'enseignement agricole.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - Le remplacement des enseignants absents ne fonctionne pas bien à l'éducation nationale, M. Carle a raison : le problème n'est pas celui des moyens, mais de l'organisation. Si la proportion de titulaires sur zone de remplacement (TZR) occupés est passée de 60 à 80 %, il reste des disponibilités, mais des classes demeurent sans remplaçants : c'est bien la preuve que le système est trop rigide. Nous avons pris des mesures importantes, en prévoyant des mouvements entre académies, en supprimant le délai de carence de 15 jours pendant lequel le rectorat n'était pas censé intervenir, et en mettant à disposition du chef d'établissement, dès le premier jour d'absence, un vivier de remplaçants possibles où se trouvent des stagiaires, des enseignants retraités et des étudiants.

L'éducation nationale a encore du mal à pourvoir ses postes médico-sociaux puisque 10 % des postes de médecins - 120 sur 1250 - et d'infirmières scolaires - 650 sur 7 000 - sont vacants. Nous réfléchissons aux moyens de renforcer l'attractivité de ces postes, des négociations sont en cours. Nous préparions avec Mme Bachelot un vaste plan santé, avec des mesures de revalorisation salariale, j'espère pouvoir annoncer bientôt son lancement. Nous explorons également des possibilités d'échange avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) et d'accord entre les rectorats et les agences régionales de santé (ARS).

La formation initiale des enseignants comprend un volet académique et un volet pratique. La cinquième année d'étude aidera les futurs enseignants à se familiariser avec la recherche dans leur discipline, ce sera un acquis pour toute leur carrière. Mais elle sera aussi l'occasion d'approfondir leur expérience du métier, avec le tutorat, dont j'aurai bientôt un premier bilan. Nous n'écartons pas, également, la possibilité d'adapter la maquette du master pour introduire des séquences pratiques, voire de mettre en place un master en alternance.

J'invite chacun à ne pas caricaturer la « mastérisation ». Nous suivons de très près les effets de la cinquième année de formation et les premiers éléments dont nous disposons sont positifs. Une enquête réalisée auprès de la moitié des académies démontre que les stagiaires à bac+5 n'éprouvent pas plus de difficultés à prendre leurs postes qu'à bac+4 : le nombre de démissions ou de demandes de changement d'affectation est stable, le taux d'arrêt maladie passe de 5 % à 3 %.

S'agissant de l'enseignement privé, j'applique la règle non écrite et déjà ancienne consistant à proportionner les dotations au nombre d'élèves scolarisés dans le privé : le privé représente 20 % des élèves, il reçoit donc 20 % des dotations et les économies suivent la même règle. Pour 16 000 suppressions de postes dans le public, il faudrait donc s'attendre à 3 200 suppressions dans le privé, mais l'assiette n'est pas la même puisqu'il n'y a pas de surnombre dans le privé, ni de postes de RASED. Il y aura 1 633 suppressions de postes l'an prochain, c'est davantage que les 1 400 de l'an passé, car les suppressions portaient alors sur les postes de stagiaires.

Madame Gonthier-Maurin, je crois qu'il vaut mieux partager avec les acteurs de terrain les mesures de suppression de postes, plutôt que de les décider depuis la rue de Grenelle. Les recteurs et les chefs d'établissement sont les mieux placés pour mettre en place l'accompagnement personnalisé des élèves et pour mutualiser des moyens, ce qui fera gagner en efficacité sans rien céder sur la qualité de l'offre d'éducation.

Quant à la correction technique du plafond d'emploi, elle vient de Bercy et elle découle des nouveaux modes de calcul, à la suite notamment de l'introduction du système informatique CHORUS. Ces ajustements tiennent au fait que nos procédures deviennent plus transparentes : cela va dans le bon sens même si, effectivement, ces changements dans les chiffres n'ont pas d'impact sur les effectifs réels.

Dans le premier degré, il y aura 9 800 départs en retraite cette année et nous ouvrons 3 000 postes l'an prochain, mais il faut compter les 5 600 postes de candidats reçus mais qui sont en surnombre. Et nous avons pensé également que l'an prochain, du fait de la « mastérisation », les candidats auront pu se présenter deux fois, à bac+4 et à bac+5.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu 20 millions d'euros supplémentaires pour les emplois de vie scolaire, pour répondre aux besoins locaux des établissements.

Mme Françoise Cartron. - Vous nous dites devoir par solidarité faire des économies budgétaires au même titre que tous les budgets de l'État, mais Mme Pécresse, la semaine dernière, nous a confirmé que son propre budget échappait à cette obligation. L'université exige une mobilisation exceptionnelle, mais n'est-ce pas le cas aussi de l'école ? Toutes les études démontrent que notre école doit faire des progrès, que ses résultats ne sont plus ce qu'ils étaient, en particulier dans le primaire, comme le montrent les tests PISA !

Vous avez évoqué le modèle unique pour l'école, que M. Reiss souhaite réformer : pouvez-vous nous en dire davantage ?

Je déplore, ensuite, la baisse des crédits pédagogiques, en particulier dans le primaire. Ces crédits sont nécessaires aux expérimentations dont vous vantez les mérites : si vous les diminuez, les écoles devront y renoncer, ou bien elles devront se tourner vers les collectivités locales. Je déplore également la baisse des crédits pour la formation des enseignants.

J'avais critiqué la « mastérisation » et mes craintes s'avèrent fondées. J'ai la chance d'en avoir fait une expérience personnelle, avec ma petite-fille qui est au CM1 dans une école de la région parisienne : sa maîtresse partie en congé maternité a été remplacée par un enseignant formé à bac+5 qui a donné un devoir de géographie sur l'Europe dont je vous passe le détail, tant il confine au ridicule pour des enfants de 7 ans ! Je vous alerte sur les dangers de ce type de fonctionnement !

Je déplore, encore, que la scolarisation à 2 ans ne puisse que reculer, alors que ses effets bénéfiques sont partout reconnus et qu'elle passe pour une priorité.

J'attire votre attention, enfin, sur les effets de la réforme des retraites : je connais plusieurs enseignantes mères de trois enfants, qui vont prendre leur retraite en juin, pour ne pas être pénalisées par l'allongement de deux ans de la durée de service. Attendez-vous à des départs en retraite plus nombreux !

M. Jean-Pierre Leleux. - A plusieurs reprises, le ministre de l'éducation nationale a évoqué le lancement d'un vaste plan numérique pour l'école, pour équiper les établissements avec du matériels et pour former les enseignants. Les collectivités territoriales sont prêtes à jouer le jeu. Où en êtes-vous ?

M. Yannick Bodin. - Vous assurez la continuité, monsieur le ministre. M. Carle s'en réjouit ; moi, un peu moins... En vous écoutant, j'avais le sentiment que vous teniez le même discours que l'an dernier. On est seulement passé de deux à onze internats d'excellence. Cela dit, je ne m'attendais pas à vous entendre remettre en cause votre philosophie de l'éducation.

Nous n'avons jamais, au sein de cette commission, rallumé la guerre scolaire. Mais le fait de n'avoir pas de RASED à supprimer dans l'enseignement privé montre bien que les établissements publics et les privés n'ont pas les mêmes missions, pas le même métier !

Quand l'expérimentation des internats d'excellence et des programmes CLAIR s'achèvera-t-elle et donnera-t-elle lieu à évaluation, peut-être à généralisation ? Car, pour l'instant, l'affichage bat son plein, mais des centaines de milliers d'élèves attendent !

Le rapport de la Cour des comptes souligne comme une difficulté majeure pour les élèves la rupture brutale entre le primaire et la sixième. Y réfléchissez-vous ? Que comptez-vous faire ?

Entre 130 000 à 150 000 élèves, selon les estimations, sortent chaque année du système éducatif. Est-il vrai que ce chiffre est à la baisse ? Quant à l'orientation, quelles mesures vous autorisent à affirmer qu'elle est désormais « choisie » et non plus « subie » ?

La formation des maîtres est toujours perfectible, comme l'illustre l'anecdote sur ce jeune maître qui entreprenait de dresser une chronologie historique, Louis XIV, Napoléon, etc. dans une classe de petits qui ne comptaient pas encore jusqu'à 10.

La presse a rapporté des incidents dans les établissements de réinsertion scolaire (ERS). Si des élèves doivent être retirés du milieu scolaire, est-il judicieux de les déplacer de 500 kilomètres, pour les plonger dans un autre milieu scolaire ? Ne vaudrait-il pas mieux les isoler dans un beau chalet de montagne, plutôt que de créer d'autres perturbations dans un autre collège ?

M. Louis Duvernois. - Votre ministère comporte une dimension internationale, via les partenariats avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), la Mission laïque française et le Centre national de l'enseignement à distance. Or ce réseau est à la croisée des chemins. Le nombre d'inscriptions augmente régulièrement, mais le ministère des affaires étrangères n'est pas en mesure d'assurer correctement l'enseignement français à l'étranger, qui est sous-financé. Le nombre de Français qui s'installent à l'étranger croît de 3 à 4 % par an. Priorité d'inscription est donnée aux enfants français. L'AEFE fête ses vingt ans d'existence mais son fonds de roulement ne dépasse pas un mois de fonctionnement... Quel peut être le partage de l'effort financier entre l'État et les familles ? Des investissements de mise au niveau dans l'immobilier s'imposent aussi, pour 300 millions d'euros. Monsieur le ministre, comme partenaire de l'enseignement français à l'étranger, vous engagez-vous à faire tout votre possible afin que l'enseignement à l'étranger perdure à la satisfaction des familles ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - Si j'imitais Mme Pécresse, sachant que l'éducation nationale représente la moitié des effectifs de la fonction publique, le non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique n'aurait plus grand sens... Cependant, je vous rappelle que notre pays compte 45 000 enseignants de plus qu'au début des années quatre-vingt dix, mais 700 000 élèves de moins : le taux d'encadrement a considérablement augmenté.

Il ressort des tests PISA que les pays en tête de classement ne sont pas ceux qui consacrent les plus gros moyens au système éducatif ; du reste la Cour des comptes s'interroge plutôt sur la répartition des ressources et sur notre capacité d'intervention ciblée, par exemple pour combattre l'échec scolaire.

Tous les ministères doivent réduire leurs dépenses de fonctionnement : or les crédits pédagogiques n'étaient pas toujours consommés, vous connaissez ces trésoreries abondantes et dormantes, provenant des dotations de l'État et de la région. Je rappelle que, dans tous les budgets, selon la lettre de cadrage du Premier ministre, les crédits d'intervention doivent diminuer de 10 % ! Quant aux crédits correspondant à la formation initiale des enseignants, nous avons pu les réduire parce qu'une partie est prise en charge par l'enseignement supérieur dans la cadre des masters ; les financements des postes de professeurs stagiaires après le concours relèvent, eux, de mon ministère.

Rien n'a changé depuis 2005 quant à la scolarisation des enfants de 2 ans. Ceux qui ont atteint cet âge le jour de la rentrée scolaire peuvent être admis, dans la limite des places disponibles. Les moins de 3 ans sont accueillis, en priorité, dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP) et les milieux ruraux dépourvus de nombreux services aux familles. Il est vrai que l'accueil des petits tend, sur la longue période, à se réduire.

Je présenterai le 25 novembre prochain, au salon de l'éducation, le plan numérique. Certaines mesures m'ont été inspirées par le rapport Fourgous, comme les ressources pédagogiques et la formation des enseignants. Je travaille sur ce sujet avec l'association des régions de France et celle des départements. Tout le monde souhaite une meilleure coopération. Un accord cadre national sera élaboré, décliné ensuite par les présidents de région et les recteurs d'académie.

M. Bodin me rassure : je suis cohérent avec moi-même ! Je me réjouis de ma reconduction à la tête de ce ministère où l'action exige du temps et une volonté constante, pour vaincre les lourdeurs et les inerties administratives. Quintupler le nombre d'internats d'excellence, cela s'appelle du volontarisme, reconnaissez-le !

Les RASED n'ont pas été supprimés mais leur nombre réduit. Le secteur privé fonctionne sans ces réseaux mais il accueille lui aussi des élèves en grande difficulté éducative.

M. Yannick Bodin. - Les chiffres existent, donnez-les nous !

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - Les expérimentations en cours des programmes CLAIR seront évaluées par l'inspection générale de mon ministère et par les États généraux de la sécurité à l'école. Ces dispositifs ne concernent aujourd'hui que 5 % de privilégiés, mais seront étendus si les résultats sont probants. Souvenez-vous qu'avant la réforme des lycées, il y eut une centaine d'expérimentations ; ce fut l'occasion d'affiner les nouvelles mesures, l'accompagnement personnalisé ou le calcul des dotations horaires, en particulier.

Sur les collèges, oui, la réflexion a commencé. Je suis défavorable à un examen d'entrée en sixième qui accuserait encore la coupure avec le primaire et serait contraire à la loi de 2005. Je souhaite au contraire un accompagnement tout au long de l'année des enfants en difficulté sur les fondamentaux, rôle qui pourrait être assumé au collège par des professeurs des écoles.

M. Yannick Bodin. - Des stagiaires ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - Non, des professeurs en titre. La sixième est une année de bouleversement, huit professeurs au lieu d'un maître, changement d'établissement, changements de classes, etc. Et les professeurs qui reçoivent ces nouveaux collégiens entendent leur enseigner les mathématiques et non le calcul, la littérature et non la lecture.

Les nouvelles mesures touchant l'orientation ont été mises en oeuvre seulement depuis la rentrée scolaire, il est donc un peu tôt pour un bilan. Des professeurs - volontaires - accompagneront du début à la fin de l'année les élèves des familles qui ignorent tout du système éducatif, qui ne peuvent conseiller et soutenir leur enfant dans ce parcours. Les conseillers d'orientation sont des experts, non des accompagnateurs au quotidien.

Dans les lycées réformés, les orientations seront plus progressives, le choix plus tardif, les passerelles systématiques - avec un tronc commun renforcé, les changements de série, voire de filière seront plus aisés.

L'éloignement ne fait pas partie des principes régissant les ERS ! Simplement, en Seine-Saint-Denis, nous n'avons pas trouvé de structure susceptible d'accueillir les jeunes extraits de leur établissement. Avec les ERS, l'école est son propre recours pour les élèves perturbateurs... mais non délinquants ! Généralement ils ont été renvoyés une fois, deux, voire trois. Avec une certaine hypocrisie, on se les passe d'établissement en établissement.

M. Yannick Bodin. - Mais faut-il les envoyer à Craon où l'on n'a jamais vu à quoi ressemble un élève de Seine-Saint-Denis ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - La mixité est importante. Je dois dire que j'ai été choqué par certaines réactions de la part de certains acteurs de la communauté éducative. Nous cherchons à donner leur chance à des élèves qui n'ont pas dépassé l'âge de la scolarité obligatoire. Les moyens mis en oeuvre pour l'encadrement sont presque du « 1 pour 1 ». Je participerai prochainement à une réunion de travail avec les parents d'élèves et les professeurs de Craon. Le sujet est très délicat, mais persévérons.

Je suis très attentif, monsieur Duvernois, à l'enseignement du français à l'étranger, même s'il ne relève pas de la compétence directe de mon ministère. Quand je me rends à l'étranger, je m'efforce toujours de rencontrer la communauté éducative. Je serai vendredi à Dakar à la conférence des ministres de l'éducation nationale de la francophonie ; j'en profiterai pour inaugurer le nouveau lycée français. Une direction de l'international au ministère est consacrée aux questions internationales, l'AEFE en relève. Je suis responsable en outre de l'homologation de tous les établissements ainsi que du suivi de la carrière des enseignants. Une part importante du travail de l'Inspection générale de l'éducation nationale consiste à évaluer l'enseignement français à l'étranger.

M. Jacques Legendre, président. - Je préside le groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest ; à ce titre j'ai visité cette magnifique réalisation qu'est le lycée de Dakar. Tous les établissements ne comportent pas de pareils équipements ! Il manque, hélas !, un internat, qui dans cette région aurait été fort utile. C'est dommage.