- Mardi 19 octobre 2010
- Mise en place du revenu de solidarité active et projet de loi de finances pour 2011 - Audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives
- Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur le Centre des monuments nationaux (CMN)
- Loi de finances pour 2011 - Mission Outre-mer et article 77 - Examen du rapport spécial
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
- Compte rendu des réunions du bureau de la commission
- Mercredi 20 octobre 2010
- Loi de finances pour 2011 - Mission Régimes sociaux et de retraite, compte d'affectation spéciale Pensions et article 100 - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Action extérieure de l'Etat - Examen du rapport spécial
- Contrôle budgétaire de la mise en place du revenu de solidarité active - Communication
Mardi 19 octobre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -Mise en place du revenu de solidarité active et projet de loi de finances pour 2011 - Audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives
Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires sociales, à l'audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives. - Le budget des solidarités actives affiche l'effort de solidarité de la Nation à l'égard des Français les plus fragiles avec la novation que constitue le RSA-activité, complément attribué aux travailleurs aux revenus les plus modestes et qui continue de monter en charge pour environ 100 millions d'euros par mois. Cet effort significatif consacre un droit ouvert : le nombre de bénéficiaires détermine le budget du RSA et pas l'inverse ; Bercy ne nous dit pas de nous arrêter quand un montant donné est atteint. Le RSA-activité est financé par une contribution de 1,1 % sur les revenus du capital ; en fonction de la réalité de la dépense, nous effectuons un ajustement budgétaire. Nul ne peut se voir refuser le bénéfice du RSA dès qu'il en remplit les conditions, qui sont déterminées par la loi.
Les prévisions budgétaires pour 2011 sont calibrées en intégrant la montée en puissance, la diversification des publics bénéficiaires et une simplification du dispositif. Dès ma prise de fonctions, j'ai en effet perçu la très forte demande des départements, confrontés à une rigidité formidable, d'où le plan que j'ai présenté en juillet. Ce plan se déroule normalement à une exception près, qui est l'harmonisation des fichiers informatiques entre la CNAF et les départements.
Nous voulons éviter que le parcours des intéressés se transforme en un saut d'obstacles et montons des plateformes communes entre Pôle emploi, les CAF, les départements, parfois les CCAS. Nous copilotons ce dispositif avec l'Assemblée des départements de France et nous aurons à la fin de l'année une journée sur les programmes territoriaux d'insertion.
En dehors du RSA, nous avons également une enveloppe de crédits de 5 millions d'euros consacrée à l'économie sociale et solidaire, dont nous allons installer le conseil supérieur la semaine prochaine.
Créé le 1er juin 2009, le RSA concernait au 31 juillet dernier 1 787 000 foyers, dont 1 145 000 pour le RSA-socle, pour un montant mensuel moyen de 429 euros, et 642 000 foyers pour le RSA-activité, pour un montant moyen de 170 euros. Le RSA-activité représente 1,3 milliard d'euros cumulés depuis sa création. En hausse substantielle, le nombre de ses bénéficiaires a fait un bond de 55 % en un an, alors que le RSA-socle a légèrement augmenté en raison de la dégradation du marché du travail (7 %). On constate également une progression de 42 % des bénéficiaires qui exercent une toute petite activité permettant de cumuler les deux. Le montant moyen est de 398 euros par mois pour ceux qui perçoivent le RSA-socle en même temps que le RSA-activité.
Le nombre de bénéficiaires du RSA n'est pas stable. Il existe une réelle fluctuation avec 114 000 entrées et 97 000 sorties par mois. Cette instabilité du dispositif est le signe qu'il joue son rôle puisque ces chiffres sont en ligne avec les entrées et les sorties sur le fichier des demandeurs d'emploi. La moitié des bénéficiaires perçoit entre 100 et 300 euros, le tiers moins de 100 euros, ce qui explique d'ailleurs que tous les bénéficiaires potentiels ne le demandent pas à cause de la lourdeur des démarches administratives. Au titre du RSA-activité, la tendance s'établit à environ 110 millions servis mensuellement tandis que la charge pour les départements est de 533 millions pour le RSA-socle.
La prévision délibérément haussière du budget 2010 répondait à la volonté de constituer un fonds de roulement pour les deux années suivantes. La dépense pour 2010 s'élève à 1 547 millions d'euros, dont 1 313 millions pour le RSA-activité, 20 millions pour le RSA-jeunes, 137,2 millions pour l'allocation de retour vers l'emploi et 77 millions de frais de gestion ; les recettes pour 2010 sont de 2 842 millions comprenant 1 223 millions de contribution additionnelle et 333 millions de créances sur l'ACOSS. La contribution de l'Etat était bien supérieure à la prévision de dépenses, ce qui explique la constitution d'un fonds de roulement que nous mettons en oeuvre pour les années suivantes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - En 2010, quel est le montant prévisionnel du fonds de roulement du Fonds national des solidarités actives (FNSA) ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - 1 386 millions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est gigantesque !
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il a été intégré dans les prévisions : 372 millions d'euros seront prélevés en 2011 et 564 millions en 2012, de manière à stabiliser la contribution de l'Etat à 700 millions en 2011 et 2012. Je l'indique clairement, la subvention d'équilibre a permis de combler une partie de l'écart entre dépenses et recettes, mais la marge de manoeuvre est extrêmement faible et il ne faudrait pas se laisser aller à la tentation d'utiliser cet argent ailleurs, sauf à jouer les « sapeur Camember ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La logique serait que le budget 2011 prenne en charge les dépenses 2011.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - La tentation de modifier cette prévision aurait une incidence sur l'équilibre budgétaire du FNSA. Le Premier ministre a tenu des réunions sur la situation financière des conseils généraux, mais l'APA et la PCH ont un impact plus important que le RSA. Nous avons surmonté la question du décalage dans le temps de la compensation du RSA majoré, ex-API. Le Premier ministre prendra les décisions utiles. Reste que la marge de manoeuvre du FNSA est très faible.
Les prévisions budgétaires prennent en compte le RSA-jeunes (5 600 demandes en septembre). Les vérifications pour ces dossiers sont longues ; nous estimons qu'il y aurait entre 15 000 et 20 000 RSA-jeunes. Le RSA-DOM, que nous avons traité avec Mme Penchard, a donné lieu à un arbitrage plutôt social, avec option entre le RSA et le RSTA. Nous avons observé la montée en puissance du prélèvement de 1,1 % sur les revenus de capital. Nous sommes dans les prévisions, avec une petite marge d'erreur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous étions tous extrêmement sceptiques lors de l'examen du budget 2010 ; nous voyions bien qu'il y avait là un gros coussin, mais je n'ai pas souvenance qu'on ait parlé de fonds de roulement à l'époque. Cette interprétation a posteriori n'est-elle pas un peu en marge du principe de sincérité budgétaire ? Comment justifier un tel fonds de roulement ?
Un mot de la prime pour l'emploi et du RSA, que l'on ne peut cumuler : les bénéficiaires de celui-ci ne préfèrent-ils pas celle-là ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il n'y a pas eu volonté de constituer une trésorerie artificielle sur le FNSA. On disait alors que le verre était à moitié vide et Martin Hirsch a voulu démontrer qu'on pouvait faire face à une rapide montée en puissance. On me dit aujourd'hui que le verre est à moitié plein, mais mes prévisions sont tenues, avec 640 000 bénéficiaires du RSA-activité. On peut accélérer la montée en puissance mais on voit bien qu'un certain nombre de personnes redoutent la complexité du dispositif. Nous constatons qu'il existe un fonds de roulement. Il n'est pas malsain qu'un fonds de roulement existe dans un fonds public. Comment pouvons-nous l'utiliser ? Le Gouvernement a décidé d'ajuster la contribution budgétaire venant du budget de l'Etat à 700 millions d'euros, tant en 2011 qu'en 2012. Nous allons donc servir un droit ouvert en nous adaptant à la réalité de la dépense.
La fusion de la PPE avec le RSA a fait l'objet de longues discussions au Parlement ; on a finalement décidé que le RSA viendrait en déduction de la PPE, et c'est ce qui se passe depuis juin 2009. Celle-ci est d'ordre fiscal, celui-là est une prestation sociale. Cette déduction a représenté une économie de 680 millions sur la PPE. Est-il souhaitable de revenir sur cette question ? Il faut établir un parcours et limiter les cloisonnements. J'y travaille dans le cadre de la simplification. Une plus grande lisibilité est-elle souhaitable ? Le débat est ouvert, que vous pourrez poursuivre à l'occasion de la réforme fiscale en 2011. Le Gouvernement est ouvert aux réflexions sur cette question.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je préfère votre réponse à ma seconde question. Quant à la première, vous vous servez de ressources non utilisées pour lisser le niveau de la dépense.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il n'est pas souhaitable de laisser un fonds de roulement à cette hauteur. Utilisons-le avec une vision claire de l'avenir et reprenons les choses avec une plus grande orthodoxie financière. Ce sont les principes que j'essaie d'appliquer à l'héritage que j'ai reçu.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - D'autres actions de cette mission sont sous-dotées.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Si vous n'arrivez pas à combler l'écart entre recettes et dépenses, la marge de manoeuvre est faible : quand on prend quelque chose ici, il faut pouvoir ajuster la dépense à la recette. Je fais confiance à la sagesse de la commission et me tiens à votre disposition pour vous montrer que nous avons évalué la dépense de manière très rigoureuse, y compris pour le RSA-jeunes et le RSA-DOM.
Mme Colette Giudicelli. - Quel est le bilan de l'allocation personnalisée de retour vers l'emploi (APRE) ? Comment les acteurs locaux se sont-ils répartis la compétence et est-il pertinent de distinguer deux enveloppes ?
Avez-vous un budget de communication pour le RSA et y a-t-il incompatibilité entre celui-ci et le statut d'autoentrepreneur ?
Je suis solidaire de ce qu'a dit le président Arthuis. Les conseils généraux éprouvent de grandes difficultés pour établir leur budget : il ne serait pas mal de les aider, par exemple par une compensation au plus près de la dépense réelle.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Représentant la commission des finances au conseil de surveillance de la CMU et de la CMU-c, je voudrais savoir si l'augmentation du nombre de personnes bénéficiant du RSA-activité se traduit également par une hausse des affiliations à la CMU et à la CMU-c, qui concernent déjà près de 4 millions de personnes. A-t-on cherché à faire le point pour améliorer la situation de ce public ?
Mme Isabelle Debré. - Quelle sera la vocation du conseil supérieur dont vous avez annoncé la création alors qu'il y a déjà un Conseil national d'insertion par l'activité économique (CNIAE) ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le nouveau conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire ne concerne pas le RSA.
M. Auguste Cazalet. - Certains conseils généraux estiment que le RSA tend à scinder trop nettement l'insertion sociale de l'insertion professionnelle. Par ailleurs, le Gouvernement entend-il reconduire la prime de Noël fin 2010 ?
M. Guy Fischer. - Le ministre, qui maîtrise toutes les statistiques, le sait bien, le nombre de bénéficiaires du RSA est moins important que prévu. Quand le chômage touche 25 % des jeunes, ne sous-estime-t-on pas les effets de l'explosion du chômage en tablant sur 15 000 à 20 000 RSA-jeunes ? Pouvez-vous en outre nous en dire un peu plus sur la normalisation des rapports avec les départements ?
Mme Anne-Marie Payet. - Je souhaite avoir des précisions sur les prévisions pour les départements d'outre-mer.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Il y a eu l'an dernier des amendements pour récupérer une partie de la subvention au FNSA : on parlait déjà d'un fonds de roulement, monsieur le Président...
La complexité des dossiers de RSA-activité est bien grande pour un public fragile et à l'emploi précaire. Ne peut-on optimiser les démarches ?
Vous avez demandé un rapport sur l'intégration de l'allocation de solidarité spécifique dans le RSA. A-t-il été publié ? Si oui, quelles sont ses conclusions ?
A qui va s'adresser le conseil supérieur que vous allez installer et ne va-t-il pas faire double emploi avec le CNIAE qu'a longtemps présidé Claude Alphandéry ?
Mme Patricia Schillinger. - Quelle sera l'évolution de la montée en charge du RSA par rapport au RMI ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - J'ai intégré la complexe question de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi dans le plan de simplification de juillet. Lors des débats législatifs, nous avons souhaité créer un cadre très souple pour établir un parcours d'insertion professionnelle sécurisé et personnalisé. Dans chaque territoire, les préfets ont engagé, avec les conseils généraux et Pôle emploi, une réflexion permettant de définir un règlement du versement de cette allocation avec des critères d'attribution, voire des montants d'attribution. J'ai constaté qu'il existe des formules et des solutions très différentes d'un département à l'autre, et même selon les antennes de Pôle emploi. Celui-ci éprouve en particulier des difficultés pour articuler son règlement national et les règlements départementaux. Comment pouvons-nous alors éviter les retards et une transformation inadmissible du parcours en un saut d'obstacles ? Nous tirerons le bilan de la réflexion engagée avec une cinquantaine de départements. Nous pensons qu'il faut conserver et faciliter l'octroi de cette allocation, par exemple en créant un chéquier-services. En ce qui concerne le volet financier de l'APRE, le projet de budget pour 2011 prévoit une enveloppe de 84,5 millions d'euros, soit un total de 110 millions avec les reports de l'année 2010 : 90 millions seront transférés aux départements et 20 millions à Pôle emploi.
Vous m'interrogez ensuite sur le budget de communication. Malgré la grande campagne menée par mon prédécesseur, la montée en puissance du dispositif n'a pas été celle que l'on pouvait espérer. J'ai mis en place un plan ciblé sur les travailleurs pauvres. Avec M. Pélissard, j'ai écrit à tous les maires de communes de plus de 5 000 habitants. Les employés de ma cantine, souvent des mères seules, ne connaissaient pas leurs droits, alors que cela leur aurait été bien utile... Chez moi, sur 60 personnels, 25 perçoivent désormais le RSA.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Organisez des assises départementales de l'insertion !
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Nous aurons à la fin de l'année, en lien avec les départements, des assises nationales sur les pactes d'insertion. En un mot, j'ai essayé de faire de la communication de prescription. Comme les bénéficiaires d'autres prestations peuvent être intéressés par le RSA, j'ai rencontré la CNAF et nous avons utilisé son journal, qui est très lu, pour expliquer la prestation à des personnes potentiellement concernées. Notre budget de communication demeure raisonnable car nos campagnes sont ciblées.
Le statut d'auto-entrepreneur n'emporte aucune incompatibilité avec le RSA. Les caisses d'allocations familiales apprécient la situation des intéressés en fonction des déclarations qu'ils leur remettent en application d'un décret de juillet 2009.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Quand ils déclarent...
M. Guy Fischer. - Y aurait-il de la fraude ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - De l'omission !
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - L'Etat a tiré les conséquences du droit à compensation des départements sur la base des extensions de compétence de 2004. Quand le chômage est revenu de 10,2 % à 7,2 %, le nombre de titulaires du RMI a baissé et certains départements ont reçu plus qu'ils n'ont versé - je ne parle pas de l'APA ou de la PCH, qui appellent une réflexion de fond. La crise est venue, et il y a eu un décalage de trésorerie sur le versement du RSA majoré, que le Gouvernement avait mal anticipé. On a donc prolongé le fonds de péréquation. Le sujet est désormais derrière nous. Pour le reste, le Premier ministre, qui a réuni des présidents de conseils généraux, dira ce qu'il convient de faire.
Les bénéficiaires du RSA ne perdent en aucun cas le droit à la CMU, la loi le garantit d'ailleurs noir sur blanc. Leurs démarches sont facilitées et l'on vérifiera au bout d'un an s'ils continuent de remplir les conditions.
Je répète que le conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire n'a rien à voir avec le RSA.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Il y a le CNIAE.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Vous en faites partie et j'en ai fait partie mais, quoique M. Alphandéry ait passé la main à Yves Censi, il n'y a rien de changé. J'étais hier à Londres ; M. Cameron prône une « Big Society », prenant en compte les corps intermédiaires. Là aussi on s'intéresse à l'économie sociale et solidaire.
Mme Isabelle Debré. - Ces conseils ne communiquent pas entre eux, il faudrait des passerelles.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je vais annoncer une série de mesures dans ce sens.
M. Cazalet m'a interrogé sur le clivage éventuel entre insertion sociale et insertion professionnelle. Le bénéficiaire du RSA-socle, ex-RMI, perçoit moins de 500 euros par mois ; il est tenu, en contrepartie, à une démarche personnelle d'insertion et il a droit à un accompagnement social et professionnel. C'est la loi. Il y a deux parcours, un parcours dit « social » pour les personnes en très grande difficulté et un parcours dit « emploi » pour les personnes potentiellement employables. La tentation est grande de renvoyer les personnes dans l'un ou l'autre de ces parcours ; d'où des va-et vient entre les deux alors qu'il est clair qu'il faut les traiter de concert. J'expérimente donc certains assouplissements, par exemple la progressivité des horaires dans les contrats uniques d'insertion - dont les normes ne doivent pas être trop contraignantes, sous peine d'interdire le passage du social au professionnel. De même le plafond des vingt-quatre mois peut être un handicap. Ces assouplissements répondent à la demande des présidents de conseils généraux. Des mesures de simplification sont à l'étude sur lesquelles nous ferons le point en décembre et je suis prêt à en discuter alors avec vos deux commissions.
La prime de Noël de 2009 avait fait l'objet d'un arbitrage interministériel et son montant avait été prélevé sur le FNSA. On m'a assuré que, pour cette année, il y aura également un arbitrage. Personnellement - je n'engage pas ici le Gouvernement - je pense que cette prime est hautement souhaitable car, si nous sortons de la crise économique, la crise sociale perdure.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Cette prime sera-t-elle inscrite dans le collectif budgétaire ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je ne peux pas vous répondre. L'année dernière, l'arbitrage n'a été fait qu'à quelques encablures de la date du versement de la prime.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est toujours comme ça. Donc, tout laisse à penser que, cette année encore, cette prime sera inscrite dans le collectif et financée par le FNSA. Cela altère un peu ce que vous avez dit sur la nécessité de maintenir son fonds de roulement.
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je pense hautement souhaitable de lancer, après les importantes réformes que nous sommes en train de mener, un plan de cohésion sociale. Une série de mesures semblent indispensables mais je m'exprime ici en tant que ministre des solidarités actives et je ne peux engager le Gouvernement avant les arbitrages ministériels.
Monsieur Fischer m'a interrogé sur l'emploi des jeunes. Nous comptons environ 23 % de jeunes au chômage. Même si ce pourcentage inclut un certain nombre d'étudiants ou de stagiaires, il est incontestable que la crise a augmenté le nombre des jeunes sans emploi malgré l'effet d'amortisseur social qu'a joué le plan « Emploi jeunes », avec les primes d'apprentissage, d'embauche ou d'alternance. Je souhaite que nous étudiions la possibilité d'un nouveau plan « Emploi jeunes ».
Le RSA-jeunes accorde la priorité aux jeunes actifs. A la fin septembre, 5 635 demandes avaient été déposées. Faut-il étendre ce dispositif ? Ces questions trouveront leurs réponses dans le nouveau plan Emploi-jeunes que j'appelle de mes voeux.
Sur les DOM, nous avons beaucoup travaillé avec le député de Saint-Denis de La Réunion, René-Paul Victoria, qui nous a remis un rapport pertinent - auquel vous avez collaboré, Madame Payet - et j'ai insisté pour que nous ayons, même dans le contexte budgétaire actuel, un arbitrage satisfaisant qui correspond aux souhaits de plusieurs parlementaires de La Réunion. Le RSTA était un complément de revenu d'activité individualisé, tandis que le RSA est un revenu d'activité par foyer, qui tient compte des charges de famille. Si on avait brutalement supprimé le RSTA pour appliquer le seul RSA, certaines personnes seraient sorties de l'un sans pouvoir bénéficier de l'autre. Nous avons donc décidé de laisser le choix de l'option la plus favorable, sans retarder l'entrée en vigueur du RSA dans les DOM où il est très attendu.
Le RSA s'appliquera donc outre-mer à partir du 1er janvier 2011 sur les mêmes bases qu'en métropole. L'ordonnance qui étend le RSA outre-mer porte à 55 ans l'âge où l'on peut bénéficier du revenu de solidarité, le RSO. Elle précise également le nouveau dispositif de contrat unique. Pour répondre au souhait de nombreux élus, toutes tendances confondues, elle laisse aux conseils généraux le choix de déléguer, ou non, des responsabilités aux agences départementales d'insertion, ou encore de les supprimer.
Pendant une période transitoire, les bénéficiaires devront opter soit pour le RSTA, soit pour le RSA. En revanche, il n'y aura plus d'entrée dans le RSTA au 1er janvier 2011, comme le préconisait le rapport Victoria. Le RSTA prendra fin au 31 décembre 2012. Tout cela nous amène à une prévision budgétaire de 200 millions d'euros pour 2011, ce qui est lourd mais indispensable pour rétablir l'équité en faveur de nos compatriotes ultramarins.
Mme Anne-Marie Payet. - Pour faire face à l'afflux des demandes, les effectifs des caisses locales seront-ils augmentés ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le RSTA étant géré par les caisses générales de sécurité sociale, il y aura un redéploiement de ces caisses vers les CAF, avec une plate-forme unique d'information copilotée par les deux, pour faciliter les démarches de personnes vulnérables et devant faire face à un système compliqué.
Sur l'articulation entre le RSA et l'ASS, un rapport a effectivement été demandé. Les deux prestations sont de natures différentes : avec l'ASS, on a une cotisation retraite tandis que le RSA tient compte des charges et revenus familiaux ; les montants sont différents. Je pense qu'il faut mettre en place un RSA adapté qui reprenne les spécificités de l'ASS, comme le RSA majoré le fait avec l'API. Sur le plan des principes, on peut arriver à une solution satisfaisante mais c'est techniquement très compliqué. Il va de soi que, dès que le rapport sera remis, je suis prêt à venir en discuter devant vos commissions avant que le Gouvernement ne statue définitivement.
Je vais faire un rapide rappel sur la montée en charge du RMI, qui est maintenant le RSA-socle. Lorsque Michel Rocard a créé le RMI, il a fallu cinq ans pour en doubler le nombre de bénéficiaires et dix ans pour le tripler. La crise a augmenté le nombre d'allocataires du RSA-socle mais je le pense maintenant à peu près stabilisé. En revanche, la montée en puissance du RSA-activité sera accélérée avec la reprise qui multipliera les emplois intérimaires ou à temps partiel. Je pense raisonnable d'estimer sa progression à 2 % par mois et c'est sur cette base que nous avons calibré les crédits. Quoi qu'il en soit, il faudra ajuster plus précisément les prévisions pour le budget du FNSA pour 2012, ce que je ferai en collaboration avec les commissions des finances des deux assemblées.
M. Michel Sergent. - Le service civique, ce sont 75 millions d'euros de crédits inscrits pour 2011, auxquels s'ajoutent 22 millions de compensations de charges versés à l'ACOSS, pour 15 000 volontaires. Quel est le rythme de montée en puissance du dispositif et à quelle échéance l'objectif des 75 000 volontaires fixé par le Président de la République pourra-t-il être atteint ?
Par ailleurs, les crédits du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) s'élèvent à 25 millions d'euros en 2011. Quel retour a le ministère sur les premières actions subventionnées ? Certaines méritent-elles d'être pérennisées et, dans ce cas, quelles en seraient les conséquences budgétaires ?
Enfin, l'heure est au rabotage des niches fiscales. La réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons coûte 1 milliard d'euros et celle accordée au titre de l'impôt sur les sociétés, 400 millions. Le Gouvernement a choisi de ne pas y toucher. A-t-il auparavant évalué l'efficacité de ces dépenses fiscales ? En particulier, quel est impact de cette réduction d'impôt sur la générosité des donateurs ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le budget 2011 du service civique s'élève à 97 millions d'euros pour une prévision de 15 000 volontaires. Nous avons lancé une première campagne dans les médias jeunes, laquelle a été couronnée de succès. Contrairement à ce que d'aucuns ont prétendu, cette campagne n'est pas interrompue. Les résultats sont là puisque 8 500 jeunes ont posé leur candidature et que le site a été visité 67 000 fois. Le service civique suscite un réel engouement : 74 % des jeunes se disent prêts à en faire un, à condition qu'il soit volontaire. Le problème n'est donc pas de susciter des candidatures mais d'activer l'offre, surtout au niveau local et nous allons démarcher les associations départementales de maires. Nous atteindrons les 10 000 volontaires mais, pour dépasser les 15 000, il nous faudrait des moyens supplémentaires. Le budget 2012 devra être réajusté en fonction des flux. J'ai relu le discours du Président de la République : il fixait l'objectif de 10 % d'une classe d'âge, soit 75 000 jeunes. Nous atteindrons les 10 000 ; 15 000 est encore un objectif raisonnable et l'objectif final de 75 000 n'est pas remis en cause.
Les crédits du FEJ n'ont pas été totalement dépensés mais c'est volontaire puisque l'essentiel des expérimentations se fera en 2011 et 2012. J'ai obtenu une augmentation de 24 millions d'euros pour les laboratoires territoriaux. Sur les quelque 300 expérimentations, une trentaine sont réellement structurantes - qui portent sur la formation, l'orientation, l'insertion et l'emploi, l'autonomie, le logement et l'emploi, l'engagement citoyen - et nous en concentrons le meilleur dans ces laboratoires. Le FEJ montera fortement en puissance en 2011.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Et son fonds de roulement ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le FEJ, c'est environ 150 millions d'euros d'argent public et 50 millions d'argent privé. Je suis en train d'agir en direction d'une dizaine de fondations et de grandes entreprises qui sont d'accord mais qui veulent que nous territorialisions notre action, ce que je fais avec nos laboratoires. Au total, le FEJ disposera donc de 220 à 250 millions d'euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Mais combien reste-t-il en stock ?
M Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il reste 30 millions.
Nous avons maintenu en valeur le budget associatif et, cet été, je me suis battu pour qu'on ne supprime pas la réduction d'impôt sur les dons - que je ne considère pas comme une niche fiscale puisqu'il s'agit de générosité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Les 50 millions du privé sont des dons ?
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Environ 44 millions proviennent de la fondation Total - qui avait sans doute quelque chose à se faire pardonner - et quelques millions proviennent de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Oui, mais la fondation Total est alimentée par un canal qui s'apparente à une niche fiscale. Et à chaque fois que vous faites appel au privé, les deux autres tiers sont pris en charge par l'argent public....
M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je me suis battu pour qu'on maintienne en valeur les dépenses associatives, mais je n'ai pas obtenu qu'on les augmente. Ce n'était donc pas le moment de tarir la source des dons privés. Les donateurs ne sont pas seulement de grandes entreprises. Cela dit, je suis d'accord pour étudier en détail l'efficience de ces dispositifs. Par exemple j'ai demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel, présidé par Michel Boyon, de lancer une réflexion sur les grandes campagnes télévisuelles qui captent d'énormes masses financières en faveur de certaines causes, alors qu'il existe d'autres besoins sur le terrain. Tout cela fait l'objet de travaux en cours.
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -
Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur le Centre des monuments nationaux (CMN)
Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le Centre des monuments nationaux (CMN).
M. Jean Arthuis, président. - Nous poursuivons nos auditions consécutives aux enquêtes confiées à la Cour des comptes en application de l'article 58, 2°, de la LOLF. L'enquête qui nous occupe aujourd'hui concerne le Centre des monuments nationaux (CMN). Elle a été réalisée par les magistrats de la troisième chambre et nous a été transmise, le 1er octobre, par le Premier président de la Cour. Nous en devons l'initiative à notre collègue Yann Gaillard qui va nous rappeler les raisons qui l'ont conduit à solliciter cette enquête.
Je salue la présence de nos collègues de la commission de la culture, et notamment de son président, Jacques Legendre, et de Françoise Férat, rapporteur du groupe de travail constitué en 2010 sur le CMN. Je souhaite la bienvenue aux membres de la Cour des comptes et aux représentants des ministères de la culture et du budget.
Je demande aux intervenants de concentrer leur propos liminaire sur l'essentiel, afin de ménager le temps du dialogue. Je rappelle que la commission aura ensuite à statuer sur la publication du rapport de la Cour au sein d'un rapport d'information.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Notre commission attache la plus grande importance à la politique du patrimoine, dont le CMN constitue un acteur essentiel. Nous serons donc très attentifs à la présentation des conclusions de la Cour et au débat qui s'ensuivra, le meilleur fonctionnement possible du CMN nous apparaissant comme le garant d'une bonne politique du patrimoine.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je travaille depuis longtemps sur la politique du patrimoine, sur laquelle j'ai produit plusieurs rapports. J'ai émis des préconisations dont la Cour observe qu'elles ont pu être facteur d'amélioration ou d'aggravation, selon les cas, de la situation.
Je considère que la politique du patrimoine est essentielle en matière culturelle, plus encore que la politique d'aide à la création, qui dépend non seulement des acteurs publics mais pour beaucoup, des créateurs.
J'ai le sentiment que le rôle du CMN, quelquefois isolé, est difficile et a besoin d'être précisé, et c'est pourquoi j'ai demandé à la Cour des comptes de diligenter cette enquête.
M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. - Je suis heureux de vous présenter les travaux que vous nous avez commandés. Cette enquête, très dense, n'est pas la première diligentée à votre demande, puisque nous vous avons transmis, il y a trois ans, les résultats de nos travaux sur l'EMOC, l'établissement public de maîtrise d'ouvrage culturelle. Nous savons donc tout l'intérêt que porte le Sénat aux questions culturelles.
Le Centre des monuments nationaux, avec un budget de 80 millions d'euros et 1 200 agents, constitue l'un des établissements publics culturels de l'État les plus importants. Nous avons conduit notre analyse dans une période marquée par de grands changements, dans les missions de l'établissement, dans son périmètre, certains monuments étant transférés tandis que d'autres y entraient, dans son organisation, remaniée, dans sa situation financière, redressée.
C'est sous ces quatre aspects que nous avons tenté de dresser le bilan des réformes entreprises et identifié les atouts qui promettent l'établissement à un bel avenir, pour autant que soient remplies certaines conditions.
Les missions du CMN ont été étendues, en 2007, à la maîtrise d'ouvrage sur les monuments dont le CMN a la charge. Le Centre est aujourd'hui un opérateur intégré, qui commande l'ensemble des fonctions de gestion des monuments nationaux, depuis l'ouverture au public jusqu'à leur entretien et leur conservation, en passant par leur valorisation culturelle et commerciale. Cela s'inscrit dans l'évolution logique d'un établissement qui, d'abord centré sur l'encaissement des droits d'entrée, a vu, au fil de l'histoire, s'élargir ses missions.
Pour autant, cette évolution laisse ouvertes un certain nombre de questions. En premier lieu, celle de la cohérence des missions confiées à l'établissement, sachant que l'intégration de nouvelles fonctions s'est faite par sédimentation et qu'outre ses activités sur les monuments, le CMN assure la gestion d'une agence photographique et n'a pas totalement perdu sa fonction de caisse.
Ce caractère composite, s'il n'est pas critiquable en soi, expose l'établissement à des remises en cause permanentes, dont la question soulevée, dans le cadre de la RGPP, des synergies entre le CMN et la Réunion des musées nationaux constitue la dernière illustration.
Se pose, en second lieu, la question de l'intégration du CMN dans la politique française du patrimoine, sachant qu'entre la réforme de 2003 et sa mise en oeuvre, en 2010, la gestion du patrimoine public a connu d'importantes évolutions. Des lieux culturels ont ainsi été transformés en établissements publics - le musée de l'histoire de France en constituant le témoignage le plus récent -, tandis que la réforme de la politique immobilière engagée par l'Etat repose sur la séparation entre le propriétaire, France Domaine, et l'administration occupante, toutes choses qui viennent percuter le CMN dans sa gestion du réseau des monuments et l'exercice de ses fonctions de quasi-propriétaire... D'où certaines interrogations sur l'avenir du réseau, qui appellent un arbitrage politique.
Dans ce contexte, l'absence d'un contrat de performances entre l'établissement public et l'État, qui lèverait les ambiguïtés sur les missions du CMN et les objectifs à lui assignés, constitue une regrettable lacune. Les indications qu'a recueillies la Cour sur l'état d'avancement du contrat d'objectifs et de moyens laissent penser que les délais de signature pourraient être encore longs, alors que notre enquête fait apparaître qu'il y a urgence à conclure, notamment au regard des perspectives budgétaires triennales pour la période 2011-2013.
J'en viens aux questions relatives à l'organisation, étant entendu que le « grand défi », ainsi que l'a souligné devant nous la présidente du CMN, tient dans la capacité de l'établissement à mettre en oeuvre les nouvelles compétences qui lui sont attribuées en matière de maîtrise d'ouvrage. Il est difficile aujourd'hui de juger des capacités du CMN à établir une programmation et à réaliser les travaux : ce point appelle donc un suivi.
Cependant, la Cour observe que le schéma d'organisation envisagé présente un risque. Entre 2003 et 2008, l'expérience a été menée d'une organisation plus décentralisée visant à rapprocher les fonctions support des compétences métiers afin de professionnaliser la gestion et répondre à la logique de transfert des personnels des DRAC vers le CMN. Elle a été abandonnée en 2008, l'organisation se recentrant sur les directions métiers du siège, ce qui permet certes, au sein de l'établissement, des arbitrages entre des considérations potentiellement contradictoires, mais laisse largement ouverte la question de l'articulation entre le siège et les monuments, à laquelle l'organisation antérieure tentait de répondre.
L'établissement s'appuie aujourd'hui sur les schémas directeurs des monuments et un réseau de référents locaux. Or, le retard pris dans la conclusion de ces schémas souligne les limites d'un processus fondé sur l'articulation de neuf directions et de quelque quarante administrateurs locaux. La pertinence du dispositif des référents locaux méritera, au vu de ces considérations, d'être vérifiée...
La question du périmètre du CMN conditionne l'avenir de l'établissement. De fait, le périmètre des monuments nationaux demeure susceptible d'importantes variations. L'identité du parc, laquelle n'est consacrée ni juridiquement ni par une décision stratégique, est fondée sur la diversité des monuments et s'appuie sur le principe de péréquation financière. Or, d'importantes variations sont intervenues, sous l'effet conjugué de la loi du 31 août 2004, qui a conduit au transfert à d'autres opérateurs culturels de monuments comme le château du Haut-Koenigsbourg, l'abbaye de Silvacane ou les Tuileries, et de la création d'établissements publics culturels nouveaux comme Fontainebleau ou Chambord.
Certes, ces modifications n'ont pas entamé la diversité du parc, qui compte toujours quatre-vingt monuments nationaux et une vingtaine d'autres monuments dont seule la gestion lui est confiée, très différents tant par leur nature que par leur localisation. Mais de fait ce sont les dix plus importants, comme le Mont-Saint-Michel, la Sainte-Chapelle et le Panthéon qui concentrent aujourd'hui les trois quarts des recettes, soit 45 millions d'euros sur 60, et seuls vingt monuments, dans l'actuel périmètre, sont bénéficiaires, tandis que soixante-dix-huit sont déficitaires. On voit par là que tout mouvement dans le périmètre du CMN fait peser des risques sur son équilibre financier.
Le CMN est ainsi dans une situation paradoxale. Comptant dans son giron les lieux les plus emblématiques et les plus touristiques du pays, il est un établissement solide, mais l'instabilité chronique de son parc le rend vulnérable : « un colosse aux pieds d'argile ».
Un tel constat ne peut qu'inciter la Cour à rejoindre les recommandations de votre commission de la culture et de Mme Férat sur les précautions dont devrait être entouré tout nouveau transfert de monuments vers les collectivités territoriales - encadrement du calendrier des transferts et autorisation préalable du ministère, notamment. Nous en ajoutons une autre : celle de faire aboutir la réflexion sur la cohérence d'ensemble du parc de l'établissement et de son modèle de financement. Il n'appartient pas à la Cour de dire si ce parc doit être resserré sur les monuments les plus emblématiques et les plus rentables, sur les plus méconnus et les plus déficitaires ou, comme c'est le cas aujourd'hui, sur un mixte propre à assurer l'équilibre. Mais la nécessité d'opérer un choix doit être claire dans l'esprit des responsables politiques et des parlementaires.
J'en viens à la gestion et à l'équilibre financier du CMN, qui assure, à l'heure actuelle, une redistribution des moyens de fonctionnement entre ses monuments, ceux qui sont rentables finançant ceux qui restent déficitaires, tandis que les investissements sont principalement financés par une subvention de l'Etat. A chaque définition du parc correspond toutefois une autre structure de financement possible. Recentré sur un parc proche de celui proposé par la commission Rémond en 2003, le CMN dégagerait des résultats encore supérieurs et pourrait se voir assigner d'ambitieux objectifs d'autofinancement de ses investissements. A l'inverse, recentré sur les monuments les plus déficitaires, cet établissement rejoindrait le giron des établissements majoritairement financés par le budget de l'Etat. La perspective d'un nouveau débat sur les monuments à transférer serait l'occasion de stabiliser de manière pérenne le parc et le modèle de financement du CMN. Sans attendre l'issue de ce débat, la Cour estime nécessaire que, dans le cadre du contrat de performances, deux aspects soient rapidement traités : assigner des objectifs de ressources propres et d'autofinancement précis au CMN afin d'encadrer l'emploi des marges actuellement dégagées par l'activité de l'établissement - plusieurs millions d'euros de résultat positif chaque année depuis trois ans ; déterminer l'objet précis et le calendrier de consommation des ressources d'investissement dont dispose actuellement l'établissement en sus des subventions d'investissement allouées par l'État, sachant que le fonds de roulement atteint 63 millions d'euros et que la capacité annuelle d'autofinancement est de plus de 11 millions d'euros.
La Cour estime également que le CMN devrait mieux maîtriser ses coûts de fonctionnement et se doter d'instruments de pilotage et d'analyse adaptés à ses missions, en particulier pour l'évaluation de l'efficience des manifestations et actions culturelles dont il a fait, ces dernières années, un des axes principaux de son développement.
Tel est le tableau que la Cour dresse du Centre des monuments nationaux, tableau réaliste mais relativement confiant pour autant que l'établissement et ses tutelles s'engagent sans délai dans les clarifications indispensables dont j'ai fait état.
Mais le rapport de la Cour comporte également une analyse du passé qu'il nous a paru nécessaire de porter à la connaissance du Sénat. Ce retour sur le passé permet de mieux comprendre la situation du CMN aujourd'hui et apporte une lumière crue sur la manière dont l'Etat a opéré, et qui appelle de la part de la Cour de très sérieuses critiques.
Le Sénat a suivi de près, dans le cadre des débats budgétaires, les péripéties de la politique en faveur du patrimoine. Il se souvient de la situation critique qu'ont connue les crédits du patrimoine en 2002. Le budget de la culture souffrait à l'époque d'une sous-consommation chronique des crédits d'investissement, encore aggravée par l'injection de crédits liés à la tempête de 1999, entraînant un niveau de report devenu incontrôlable. Le Sénat a également en mémoire la crise de 2006 qui a fait l'objet d'analyses de Philippe Nachbar et de son homologue à l'Assemblée nationale, Christian Kert, estimant notamment que la direction du budget avait usé, pour diminuer les reports, d'un remède « pire que le mal».
Le rapport de la Cour retrace les arcanes de cette histoire, qui est d'abord celle d'une réforme que votre commission avait appelée de ses voeux. Si ses effets ne peuvent encore en être mesurés, tous s'accordent aujourd'hui sur son intérêt pour l'établissement et ses monuments. En revanche, sa mise en oeuvre révèle des montages complexes et critiquables.
La réforme du CMN avait pourtant été engagée sur des bases solides. Intégrée dans un plan d'ensemble pour le patrimoine de l'Etat, elle aurait pu faire figure de modèle du genre. Sur le fondement de la décision annoncée dans le cadre du plan national pour le patrimoine de septembre 2003, l'établissement était prêt, début 2006, à recevoir cette nouvelle compétence de maîtrise d'ouvrage et les moyens de l'exercer - un projet de loi étendant ses missions, un projet de décret modifiant son statut et deux rapports d'inspection précisant les modalités pratiques de transfert des personnels des DRAC au CMN. Mais c'est à ce moment-là qu'est venue l'embardée. En raison de la crise de financement que traverse alors le patrimoine, le Gouvernement décide d'un dégel à court terme des crédits budgétaires, à hauteur de 24 millions d'euros et annonce pour l'avenir un financement pérenne des travaux sur monuments historiques du ministère de la culture par le biais d'une taxe affectée. Cela supposait une caisse, et le CMN fut choisi. Ses missions furent en conséquence étendues non seulement à la maîtrise d'ouvrage sur ses monuments nationaux, mais à l'ensemble du parc monumental du ministère, notamment les cathédrales.
La taxe affectée fut finalement abandonnée en 2007, les crédits rebudgétisés et l'on revint au schéma de 2003 : le CMN était recentré sur la maîtrise d'ouvrage de ses seuls monuments. Mais entre-temps, les conditions avaient changé : la réforme du CMN était désormais conditionnée par celle des DRAC et par la restructuration de l'EMOC et du Service national des travaux, le SNT, dans le cadre de la RGPP. Le transfert au CMN de la maîtrise d'ouvrage ne sera finalement effectif qu'en 2010, après une période transitoire aussi longue que complexe et au prix de 23 équivalents temps plein supplémentaires...
C'est dans ce contexte que deux montages budgétaires aussi baroques que sophistiqués ont été mis en place, en 2006 et 2007. Le premier dispositif - le plus connu puisqu'il a déjà été critiqué dans son principe par votre assemblée - a consisté pour le CMN à rétrocéder à l'Etat, par voie de conventions de mandat, la compétence de maîtrise d'ouvrage qui lui avait été attribuée par la loi, dans l'attente d'être doté des moyens de l'exercer lui-même. Les crédits correspondants ont été reversés par le CMN à l'État par la voie d'un fonds de concours créé à cet effet. Conçu pour ne durer qu'un an, ce dispositif transitoire produira ses effets au-delà de 2010. Dans ce cadre, 79,3 millions de crédits de paiement ont été versés au CMN entre 2007 et 2009 et 50,6 millions reversés par le CMN à l'Etat, le reste ayant été conservé par l'établissement à mesure qu'il était doté de capacités de maîtrise d'ouvrage propres. La critique de la Cour est triple : juridiquement fragile au regard de la loi de 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage, ce dispositif a également été difficile à suivre sur le plan financier et s'est révélé inefficace, puisque 28,7 millions seulement sur 79,3 millions de crédits de paiement ont été consommés pour la restauration des monuments nationaux entre 2007 et 2009, soit un montant proche du besoin de crédits estimé pour une année.
L'analyse par la Cour des pièces comptables du CMN et des pièces d'exécution de la loi de finances pour 2007 a fait apparaître un second dispositif, que nous qualifions à dessein de « furtif » puisqu'il a consisté à rattacher au programme « Patrimoines », par le biais d'un fonds de concours préexistant, l'essentiel de la taxe affectée au CMN pour financer, non pas ses missions nouvelles, mais des opérations engagées antérieurement sous maîtrise d'ouvrage de l'État, alors interrompues en raison d'une crise de trésorerie sans précédent que les 24 millions d'euros de dégel n'avaient pas suffi à résorber. C'est ainsi que 125 millions d'euros, sur les 140 affectés au CMN au titre des exercices 2006 et 2007, ont été reversés au budget général. Plus encore que le précédent, ce dispositif suscite les plus expresses réserves de la Cour. L'écart entre la destination de la taxe votée par le législateur et sa destination réelle, le rôle transparent joué par le CMN dans l'opération de reversement par voie de fonds de concours et l'ambiguïté entretenue sur ce montage dans les documents budgétaires procèdent d'une interprétation extensive de la LOLF, peu conforme à l'esprit du texte. Ce montage n'était pas de nature à garantir la bonne information du Parlement, qui n'a été avisé de l'emploi de la taxe qu'a posteriori, à la faveur d'une question parlementaire.
Ces découvertes montrent comment une interprétation extensive de la LOLF a pu permettre une opération de reversement contraire au principe d'universalité budgétaire, en même temps qu'elles témoignent de l'utilité des comptes pour contrôler l'exécution des lois que vous avez votées. C'est en effet le traitement comptable de l'opération, en compte de tiers, qui établit le mieux la contradiction de l'opération avec l'autorisation parlementaire. Ce cas d'espèce conduit en tout état de cause à considérer, à l'avenir, la combinaison de taxes affectées et de reversements par fonds de concours avec prudence et circonspection.
M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie de votre exposé qui met en lumière un certain nombre de questions sur le CMN. Nos monuments, qui présentent l'immense intérêt de n'être pas délocalisables..., peuvent du même coup faire l'objet de traitements très divers... puisqu'il ressort de vos observations qu'il est difficile d'identifier et de stabiliser le parc. Je m'étonne de l'absence de contrat de performances. J'observe, quant à la programmation de l'investissement, que le CMN dispose d'un important fonds de roulement, qui peut être source de tentation pour la Direction du budget, à la recherche de moyens. Je déplore que certains reversements, enfin, témoignent d'une lecture pour le moins déformée de la LOLF...
Sur toutes ces observations, pouvez-vous, madame la présidente, alors que vous êtes en charge du CMN depuis deux ans, nous fournir des réponses propres à apaiser l'inquiétude ?
Mme Isabelle Lesmesle, présidente du Centre des monuments nationaux. - Je me réjouis de l'étude de la Cour des comptes, qui souligne qu'en matière de monuments historiques, beaucoup de décisions politiques doivent être prises. Pour assurer les missions d'une institution dont plusieurs ont ici reconnu le rôle essentiel - je rappelle que nous ouvrons à la visite quelque cent monuments, ce qui fait de nous le premier opérateur touristique français et nous confère un poids économique supérieur à celui du musée du Louvre -, il est urgent que soit signé le contrat de performances, ainsi que le rappelle la Cour, qui relève que les multiples réformes qui ont eu un impact sur le CMN ont compliqué leur conclusion. Nous attendions les conclusions du groupe de travail présidé par Mme Ferat, et les vôtres, pour finaliser notre diagnostic, qui sera transmis dans les prochaines semaines : nous sommes donc résolument engagés.
Cependant, le contrat de performances, quelle que soit son utilité, ne constitue qu'un outil. En amont, nous devons apporter des réponses fondamentales sur les sujets que le président de la troisième chambre a soulevés.
Les missions du CMN sont claires. Il est désormais un opérateur intégré, compétent sur l'ensemble de la chaîne depuis l'ouverture aux visites jusqu'aux compétences qui engagent l'aménagement du territoire, la gageure étant de développer nos ressources propres pour multiplier nos moyens - dont la signature de conventions avec le ministère de la culture et le secrétariat d'État au tourisme visant à développer l'hébergement sont une illustration.
Reste cependant ouverte la question du périmètre de l'établissement et de sa pérennisation, qui engage la question complexe du périmètre de l'investissement... La péréquation joue au sein du CMN un rôle important : nous faisons acte de solidarité nationale à notre manière, puisque c'est le succès des grands monuments qui permet d'ouvrir le grand nombre des autres à la visite.
Or, l'identité de ce périmètre n'est nulle part inscrite dans la loi, dont l'initiative revient au Gouvernement... et au pouvoir législatif.
Le décret de 2008, en supprimant le régime d'affectation, nous a entraîné vers un dispositif qui se révèle non totalement adapté à notre mission. Le ministère de la culture se trouve exclu du processus par lequel l'État confie la gestion des monuments. Faisons-nous partie ou pas des cas de dérogation prévus par le décret dans ce domaine ? La question reste posée, sachant que nous estimons partager les mêmes objectifs de modernisation du patrimoine de l'État, étant entendu que nous ne sommes pas l'administration occupante...
C'est à toutes ces questions qu'il faut répondre, en amont, pour que les missions du CMN soient parfaitement claires.
Un mot d'apaisement sur les schémas directeurs. Il est vrai que le calendrier initial s'est révélé trop ambitieux. D'autant que nous passons en revue l'ensemble des missions, pour fixer des objectifs précis, en leur trouvant une déclinaison annuelle qui doit tout à la fois se raccorder au contrat de performances. Le dialogue stratégique avec nos tutelles est fort, car beaucoup repose sur la stratégie. Ainsi de la question de la réorganisation, où c'est la stratégie qui doit déterminer et redéfinir les modes de fonctionnement entre le siège et les monuments... Nous avons donc besoin de clarification et de stabilité.
M. Jean Arthuis, président. - Il ressort de votre intervention, comme de celle du président de la troisième chambre, que les tutelles sont un peu mises en cause dans le fonctionnement du CMN. Peut-être les remarques que souhaitait exprimer notre rapporteur général nous permettront-elles d'aller plus avant ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - J'ai en effet cinq séries de questions à adresser aux tutelles. Le rapport de la Cour des comptes émet des observations sur la gestion de l'établissement, mais aussi sur les modes de gestion des crédits qui lui sont alloués. En cette dernière matière, il me semble que le CMN est plutôt objet qu'acteur, la tutelle portant l'essentiel de la responsabilité.
Le CMN a du rétrocéder certaines compétences aux DRAC, Un dispositif de restitution à l'État de ressources fiscales par le moyen d'un fonds de concours a été mis en place. La Cour souligne que les modalités retenues ont produit une opacité dans la mise en oeuvre des crédits, tandis qu'une sous-consommation a conduit à abonder la trésorerie du CMN de 28 millions, sans que, du même coup, cela soit retracé dans les documents budgétaires... La direction peut-elle me répondre précisément sur l'état des choses ? La Cour des comptes fait état de 140millions de recettes affectées, dont 15 seulement ont été utilisées par les opérateurs dans le cadre de leurs nouvelles compétences, via des conventions de mandat. Il semblerait que les 125 millions restants soient venus financer des opérations déjà engagées par l'État sur ses propres monuments. Je n'userai pas, comme le président Picq, d'une litote pour qualifier de telles procédures, qui ne relèvent pas, à mon sens, d'une « interprétation extensive de la LOLF » mais sont bien en totale contradiction avec elle : appelons un chat un chat.
Les fonds de concours ont un caractère non fiscal. Amener le Parlement à voter des crédits pour en faire un autre emploi n'est pas acceptable. Que pense la direction du budget de cette opération ? Le CMN est-il une « boîte aux lettres » totalement transparente ? Quelle a été la vraie finalité de l'opération ? Sanctuariser des crédits, en faciliter le report ou les soustraire à la norme de la dépense ? Je veux recevoir ici l'engagement que de tels procédés ne se reproduiront pas.
La gestion financière du CMN a été qualifiée de confortable. Il est toujours heureux de trouver un établissement public dans une telle situation... J'ai cependant cru comprendre qu'il existait des marges de progression en matière de ressources propres. Je puis d'ailleurs témoigner que dans mon département, qui compte un monument entrant dans le périmètre de l'établissement, le CMN a progressé dans sa gestion. Je veux savoir si les tutelles assignent au Centre des objectifs d'accroissement de ses ressources propres. Un taux de couverture lui est-il fixé ? Quelle doit être la part respective des activités commerciales et des missions de service public ?
J'en viens à l'évolution des subventions budgétaires. La subvention de fonctionnement est passée, entre 2003 et 2009, de 5 à 19 millions d'euros, sous l'effet de la compensation du transfert de monuments nouveaux et des mesures de gratuité en faveur des jeunes et des enseignants. Or, les crédits destinés à compenser la gratuité en faveur des enseignants ont été surévalués, dans la proportion de 1,7 million en 2009. L'évaluation a-t-elle été revue à la baisse en 2010 ? Qu'en sera-t-il en 2011 ?
Le président Arthuis a évoqué le fonds de roulement, passé de 26,4 millions d'euros en 2003 à 63 millions en 2009, soit une trésorerie nette de 8,6 mois de dépenses. A compter de 2011, le CMN sera de surcroît affectataire, dans la limite de 10 millions, d'une part du produit du nouveau prélèvement sur les jeux en ligne.
M. Jean Arthuis, président. - A condition que les opérateurs le reversent...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelles hypothèses ont été retenues pour le budget 2011 ? La subvention pour charge de service public devrait être diminuée à due concurrence des recettes. Pourquoi la tutelle ne procède-t-elle pas à une ponction sur les réserves du Centre, à l'image de celle qui est opérée sur les réserves des offices HLM, qualifiées, selon une expression bien parlante, de « dodus dormants » ? Ne serait-il pas utile que la trésorerie du CMN fasse l'objet du même traitement amaigrissant, conformément à la méthode retenue par la direction du budget, que j'appuie totalement en cette période de convergence des finances publiques ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - J'apporterai un bémol aux observations du rapporteur général sur les relations financières entre le CMN et l'État. Ce que le CMN n'a pas dépensé est revenu à l'État : on ne peut pas dire que de l'argent public a été perdu, il a simplement été dépensé ailleurs. Si la méthode n'est guère louable, il n'y a pas là de scandale de gestion.
Pour le reste, je m'en tiendrai à quelques observations qui m'importent en tant que rapporteur spécial. Une erreur a été commise, que je signalais dans mon rapport, en matière de maîtrise d'ouvrage : je pense qu'elle ne sera pas renouvelée. A l'inverse, je dois battre ma coulpe sur une autre question, essentielle, qui tient au périmètre de ce qui appartient à l'État. J'ai été le premier à proposer que soit ouverte la possibilité de transférer certains monuments aux collectivités, considérant que c'était à la société entière, et non exclusivement à l'État, que revenait la responsabilité de gérer notre patrimoine. Il semble que cette proposition n'était pas si heureuse, puisque l'on a vu les monuments les plus rentables, comme le château du Haut-Koenisbourg, sortir du périmètre du CMN...
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Ce qui intéresse la commission de la Culture, c'est que soit menée une vraie politique du patrimoine, incluant l'Etat, les collectivités locales et le privé. Le périmètre des monuments nationaux fait l'objet de débats actuellement. L'Etat doit définir clairement le monument national. Or nous sommes loin d'avoir fait le tour de la question. La commission Aillagon, à laquelle je siégeais, a examiné le patrimoine du ministère de la culture, mais il existe des monuments historiques et nationaux qui relèvent d'autres ministères et qui mériteraient une réintégration dans le CMN. J'ajoute qu'à l'occasion des restructurations militaires, l'Etat ne saurait se défaire de bâtiments qui s'apparentent à des monuments historiques avant qu'une réflexion générale soit menée. Je vous renvoie sur ce point au rapport Férat.
Précisons aussi qu'il n'y pas d'affaire CMN, mais une interrogation sur le fonctionnement de cet organisme, comme nous en avons à propos d'autres organismes. Pour moi, le reproche de « dodu dormant » vaut lorsque l'argent n'est pas utilisé pour mener une gestion dynamique : alors, la façon de faire est répréhensible. Que le CMN ait des moyens est une bonne chose. Ce que nous devons souhaiter, c'est qu'il s'en serve, car nombre de monuments ont besoin de travaux. La pertinence de l'action menée par le Centre se mesurera à l'état de conservation des bâtiments et à l'attrait que ces monuments donneront à notre pays.
Notre commission s'est inquiétée des conditions dans lesquelles les monuments sont rapidement confiés aux collectivités, sans vérification de l'objectif poursuivi, ni de la capacité de la collectivité à atteindre cet objectif. Le passage de mains entre l'Etat et les municipalités ou le secteur privé n'est pas une catastrophe, si les garanties de conservation sont là. Il ne doit pas cependant affecter l'équilibre financier du CMN. L'Etat propriétaire doit décider une dévolution selon l'intérêt à en attendre et en fonction de la politique menée sur le patrimoine.
Mme Françoise Férat. - Un contrat de performances est indispensable pour définir une stratégie claire de l'établissement. Nous sommes attachés aussi au calendrier - nous serons vigilants !
Réactiver la liste de la commission Rémond, comme le propose notre commission, serait une manière de consolider le système car un certain nombre de monuments ne seraient plus transférables. C'est un premier pas dans la réflexion sur le périmètre. L'entrée de la villa Cavrois ou du domaine de Rambouillet dans le CMN aurait pour vertu de montrer que le centre est un outil souple.
Le rapport Montgolfier sur la valorisation du patrimoine contient des propositions audacieuses, qui ne laissent pas de nous inquiéter. Il est envisagé de créer des « paradors » à Versailles, Fontainebleau, Compiègne, Rambouillet, etc. ainsi que des partenariats avec la Française des jeux. Curieuse vision de la valorisation du patrimoine culturel ! Nous appliquons pour notre part un principe de précaution, n'écartant aucun projet a priori mais souhaitant que des experts du patrimoine et de l'histoire se penchent sur les projets, afin d'en estimer la valeur culturelle. Un hôtel, pourquoi pas, mais encore faut-il définir les règles d'accès au public et les conditions de diffusion des connaissances concernant le site. Le groupe de travail a apprécié, Madame la présidente, votre démarche et votre credo pour le CMN : l'économie au service de la culture.
M. Vincent Berjot, chef de service, adjoint au directeur du budget. - Il faut distinguer entre l'efficacité, appréciée a posteriori, des choix proposés au Parlement dans la loi de finances pour 2007 et la conformité à la LOLF des instruments qui ont été utilisés en 2007. La Cour des comptes décrit la complexité des mécanismes alors mis en place. Les interrogations formulées par le rapporteur général à l'automne 2006 étaient justifiées. Les choix opérés n'étaient pas les plus pertinents et la rebudgétisation est du reste intervenue dés l'année suivante...
Mais il faut se souvenir que l'attente était forte, chez les parlementaires, qui voulaient des assurances sur la consommation des crédits et leur affectation. Une réflexion était aussi conduite, depuis 2002 ou 2003, au ministère de la culture, sur la maîtrise d'ouvrage. Sans oublier que ces questions ont eu un impact sur l'organisation territoriale du ministère de la culture. On a alors cherché à répondre à toutes ces questions - tout en forçant la main du ministère de la culture sur la maîtrise d'ouvrage.
Ce qui a été proposé en 2006 n'était pas efficace. Je serai plus circonspect quant à la conformité des instruments à la LOLF. La taxe affectée au CMN n'avait rien d'irrégulier puisque de nouvelles missions de service public étaient au même moment confiées à cet établissement. Ses statuts l'autorisaient également à verser des fonds de concours à l'Etat, pour une politique d'intérêt général. Les reversements à l'Etat étaient donc réguliers. Il y avait deux types de fonds de concours, l'un déjà existant et déjà utilisé en faveur de politiques du patrimoine, l'autre créé pour les nouvelles missions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - On pourrait faire de même pour tout le budget, toutes les missions de service public !
M. Vincent Berjot. - Bien sûr mais en l'occurrence il existait des interrogations, qui ont présidé à ce choix. Il faut se souvenir des préoccupations de l'époque. Mais aucune irrégularité n'a été commise et les crédits ont bien été utilisés pour la préservation du patrimoine. Les 28 millions d'euros inscrits dans le document budgétaire ne retracent pas exactement tous les flux financiers. La Cour a donc réalisé un « travail de bénédictin », en dressant la liste de tous les versements de l'Etat au CMN, de tous les reversements du CMN à l'Etat, de toutes les utilisations de crédits publics, au niveau central comme aux niveaux déconcentrés. Elle a ainsi montré qu'il restait 28 millions d'euros en fonds de roulement. Mais dés 2006, des informations précises ont été données aux parlementaires et l'on savait, en toute transparence, que sur les 140 millions d'euros affectés au CMN, 130 étaient reversés à l'Etat par le biais des fonds de concours.
Quant à l'évolution des dotations budgétaires, des mesures d'ajustement ont dû être opérées en raison de la gratuité consentie aux enseignants. Le développement des ressources propres est une politique promue par le ministère du budget et partagée par le ministère de la culture. Il correspond à un indicateur qui peut être décliné pour l'ensemble des opérateurs, dans leur contrat de performances.
Je ne suis pas certain que l'on puisse transposer au patrimoine ce qui se passe dans le secteur des HLM - il s'agit de péréquation pour augmenter la production de logements sociaux...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais la même chose existe chez les agences de l'eau ou dans le domaine de la propriété industrielle ! Lorsque des établissements ont trop de trésorerie, il est bon de l'essorer !
M. Jean Arthuis, président. - Quid des jeux en ligne ?
M. Vincent Berjot. - Le prélèvement sur le poker en ligne commence tout juste à produire des résultats puisque les premières licences aux opérateurs ont été délivrées en juin dernier seulement. Il y aura des rentrées sur 2010, qui passent par le circuit du Trésor, sans difficulté, donc, de recouvrement.
M. Jean Arthuis, président. - Bercy n'a-t-il pas écrit aux opérateurs, leur indiquant que des difficultés avec la direction de la concurrence à Bruxelles l'obligeaient à surseoir au recouvrement ?
M. Vincent Berjot. - Cela concerne les paris hippiques seulement et ne joue pas pour le CMN.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais quel est le montant de la trésorerie, fin 2010, par rapport aux 63 millions d'euros de fin 2009, soit 8,6 mois de dépenses ? A-t-on accéléré le rythme des investissements en 2010 ? La direction du budget y veille-t-elle ? Nos données sont si lacunaires et difficiles à décrypter que nous apprécierions un peu plus de transparence !
M. Vincent Berjot. - Une des missions de toute tutelle est de s'assurer que l'opérateur conduit la politique dont il est chargé. Quant à la transparence, l'opérateur rend compte des chiffres dans son bilan et au conseil d'administration.
Mme Isabelle Lesmesle. - S'agissant des dépenses de maîtrise d'ouvrage, l'équipe n'est entièrement constituée que depuis juin dernier. Une part importante des crédits a donc naturellement été réservée.
M. Brice Cantin, directeur administratif, juridique et financier du CMN. - Le fonds de roulement de gestion est de 35 millions d'euros. Le reste correspond à des opérations différées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais de quel montant est ce « reste » ?
M. Jean Arthuis, président. - Combien avez-vous en caisse ?
M. Brice Cantin. - Autour de 60 millions d'euros.
M. Jean Arthuis, président. - Et au 31 décembre ? Vous devriez mettre en place des instruments de pilotage plus précis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Va-t-il falloir aller vérifier sur pièces et sur place ?
M. Brice Cantin. - A la fin de l'année nous serons à 10 millions d'euros en dessous du niveau de l'an dernier.
M. Jean Arthuis, président. - Vous avez quelques marges de progression dans la prévision de trésorerie...
Mme Isabelle Lesmesle. - L'établissement, alors qu'il ne disposait pas encore des moyens adéquats, s'est efforcé d'avoir une vraie programmation de travaux, sur les trois ans à venir. Il y a travaillé avec sa tutelle. Les études sont en cours, des marchés ont été passés, mais c'est en 2012 que les résultats apparaîtront vraiment, les grandes opérations arrivant à leur terme : réouverture du château de Champs-sur-Marne, rénovation de la villa Cavrois, fin des travaux dans l'aile du château d'Angers qui a brûlé... Je n'ai pas d'inquiétudes sur la consommation des crédits, dans le respect de leur finalité originelle.
Sur la trésorerie, nous vous adresserons une note dès demain.
M. Jean Picq. - Il est toujours plus facile de refaire l'histoire que de la faire. En l'occurrence, les évènements donnent raison à ceux qui soulignaient les inconvénients des mécanismes proposés. Mais la cause est bonne et la furtivité n'est pas détournement ! Les crédits ont servi. Souvenons-nous du climat de l'époque : il y avait urgence à rouvrir des chantiers précédemment arrêtés. Il ne s'est rien passé d'illégal.
Notre souci avec ce rapport a été l'information des parlementaires, confrontés à une certaine opacité mais qui ne disposent pas du même temps à consacrer à ces analyses de flux que les bénédictins...
Nous sommes fermes sur le constat, concernant la conformité à la LOLF : pris isolément, les articles 2 et 17 sont respectés, mais ce qui est contraire à la lettre du texte, c'est l'opération dans sa globalité, car elle a servi à combler les besoins de crédits du ministère, non à financer les travaux sur les bâtiments. Et les fonds de concours reversés n'ont pas totalement perdu leur nature de compte de tiers...
Nous avons été convaincus par un argument : les opérations sur le patrimoine exigent une vision de long terme. Les travaux sur le Panthéon représentent 100 millions d'euros. Il est donc judicieux de flécher les ressources disponibles. Nous nous sommes interrogés sur le modèle de financement et sur le programme pluriannuel de financements.
M. Jean Arthuis, président. - La trésorerie est-elle gérée par le Trésor public ?
M. Brice Cantin. - Oui, par le comptable public.
M. Jean Arthuis, président. - La situation ne pèse donc pas sur l'endettement de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Elle pèserait moins encore si 50 millions d'euros ne se trouvaient pas dehors...
M. Jean Arthuis, président. - Ils n'altèrent pas le service de la dette, puisque France Trésor les place et emprunte 50 millions de moins.
M. Pierre Hanotaux, directeur de cabinet du ministre de la culture et de la communication. - La Cour a produit un diagnostic précis et tracé une feuille de route ; son rapport nous donne des obligations. Le CMN est promis à un bel avenir, il est un acteur essentiel du ministère, grâce à lui la présence de l'Etat irrigue l'ensemble du territoire. Le ministre y tient beaucoup !
Les tumultes sont derrière nous et la gestion du Centre est aujourd'hui saine. Presque trop ! Les finances sont en très bon état, les missions tout-à-fait claires. On peut déplorer l'absence de contrat de performances, nous en sommes responsables, mais après tant de changements de périmètre, et de nouvelles missions assignées, il fallait un temps de stabilisation. Cette absence de contrat ne signifie pas absence de dialogue : nous avons tenu des réunions régulières mais il est vrai que le ministère a eu tendance, dans le passé, à confiner le CMN dans un rôle ancillaire. Je précise tout de même que le Centre est un démantèlement de l'Etat et qu'il n'est pas anormal, lorsque l'Etat modifie sa politique du patrimoine, qu'un temps d'ajustement soit nécessaire dans ces organismes également.
Nous avons entendu les remarques de la Cour et le contrat de performances est désormais une priorité pour nous. Le diagnostic de 2006 n'est plus pertinent et nous avons commencé à en construire un nouveau ; à cet égard le rapport Férat et le travail de la Cour nous fournissent des éléments précieux. Nous sommes engagés à élaborer rapidement un contrat... Mais pour le conclure, il faut être deux ! Or un contrat de performances n'est pas un contrat d'objectifs et de moyens, si bien que les opérateurs, sans garantie de moyens, sont moins enthousiastes à se fixer des objectifs...Telle est par exemple la position du Louvre.
Il faut établir un plan pluriannuel d'investissement comme M. Picq le suggère, car la trésorerie n'a pas vocation à se cumuler d'année en année et il faut l'utiliser pour entreprendre la réparation des monuments tels que le Panthéon. Dés lors que la maîtrise d'ouvrage a été confiée au CMN, le fonctionnement a été amélioré. La tutelle a longtemps éprouvé des difficultés à se positionner par rapport à l'établissement, perçu comme une caisse et qui ne se voyait assigner ni actions précises ni perspectives. Les choses ont évolué. Le Centre a une mission de développement culturel, de médiation, de démocratisation, une mission scientifique, sans compter la maîtrise d'ouvrage. Cette dernière a été décidée en 2007, mais est devenue effective en 2010 seulement. Quoi qu'il en soit, l'outil est complet, agile et il donnera satisfaction à l'Etat comme à la représentation nationale.
J'en viens au modèle économique : mutualisation, péréquation, politique du patrimoine. Voyez ce qui s'est produit pour les autres établissements publics nationaux muséaux : la RMN a été réduite à la portion congrue à mesure que l'on créait de nouveaux établissements. La mutualisation a disparu. Les effets ne sont pas tous négatifs, le Louvre est devenu le premier musée au monde, le Centre Pompidou et le musée d'Orsay figurent dans les vingt premiers.
Néanmoins, pour le CMN, nous avons le souci de conserver la mutualisation et la péréquation. Le ministre tient beaucoup, je l'ai mentionné, à la présence de l'Etat sur tout le territoire, qu'il s'agisse de petits ou de grands monuments. Le Centre gère une centaine de monuments. Vingt seulement sont bénéficiaires en coûts directs ; et six seulement financent tous les autres. La péréquation est donc essentielle et nous entendons y faire très attention. Quand le Haut-Koenigsbourg quitte le groupe, cela se traduit par des recettes en moins pour les autres... J'ajoute que le transfert de gestion sans le transfert de crédits ne serait pas raisonnable ; il est donc illusoire d'espérer réduire ainsi la dépense publique.
Nous rejoignons les conclusions de Mme Férat. Nous ne sommes pas fermés à l'idée de dévolution, encore faut-il s'entendre sur les critères - Mme le rapporteur propose la notoriété internationale, l'importance historique, etc.
Une mutualisation est peut-être envisageable avec la Maison de l'histoire de France, sur les activités d'édition ou la gestion des ressources humaines. Il a été choisi de faire de la Maison un service à compétence nationale, un réseau un peu mutualisé, orienté vers la fonction de musée et non le monument historique. La Maison a un pied dans l'histoire de l'art et un pied dans l'histoire de France.
Le CMN est dans une situation confortable ; nous sommes attentifs à l'augmentation des ressources propres, réinjectées dans la rénovation et l'entretien. Les subventions budgétaires sont en hausse, du fait de la compétence de maîtrise d'ouvrage et de la gratuité - dont les conséquences financières ont été exagérées en 2009, mais la balance a été rétablie en 2010 et en 2011 les choses seront rentrées dans l'ordre.
Le fonds de roulement est certes important, mais les besoins aussi : Panthéon, Champs-sur-Marne, Angers, il y a de quoi employer les fonds ! Le rapport Férat nous a beaucoup aidés, la question de la dévolution est claire à présent.
M. Jean Arthuis, président. - Le centre compte 1 200 agents dont un tiers mis à disposition par le ministère et deux-tiers de contractuels. Avez-vous le sentiment de pouvoir manager ces agents ? Le nombre de jours de grève avait diminué entre 2005 et 2007 mais il est reparti à la hausse. Qu'en est-il en 2010 ?
Mme Isabelle Lesmesle. - Je ne peux manager les agents du ministère, ils ne sont pas sous mon autorité, je n'ai pas choisi leur affectation, je n'ai pas sur eux de pouvoir disciplinaire. Cela tient au système, non à l'attitude de la tutelle. J'ai demandé que soit conduite une mission de réflexion à ce sujet. Avoir l'autorité sur le personnel afin de pouvoir le manager, c'est bien ce que nous appelons de nos voeux.
J'ai été nommée en mai 2008. Nous avons annoncé la réorganisation à l'automne 2008, ce qui a déclenché des mouvements sociaux. Le changement est anxiogène et la maison a déjà été bien ballotée par les réformes. La réorganisation consiste d'abord à mes yeux à identifier nos métiers, réintroduire de la hiérarchie ; nous avons remis 174 postes à la vacance, sur les 300 du siège... Nous avons tenu déjà 35 heures de concertation avec les organisations syndicales. Le dialogue est réel et constant. Nous discutons en particulier de la révision du statut des contractuels - le statut des contractuels du ministère a déjà été révisé. Les échanges sont vifs mais constructifs.
M. Denis Badré. - Le parc de Saint-Cloud n'a de parc que le nom, il est un peu plus petit qu'un parc national...
Mme Isabelle Lesmesle. - Tout de même, 460 hectares !
M. Denis Badré. - C'est un grand site, mais trop parisien pour être national ; un petit musée, qui traduit bien incomplètement les richesses du parc. Vous avez affirmé que la fréquentation du parc diminue, mais comment la calculez-vous et comment distinguez-vous le jogger du conducteur qui traverse le parc en voiture chaque jour, ou du visiteur qui se rend dans le village du Tour de France ? Quelles sont les dépenses engendrées par le parc ? Comment faire la part entre les dépenses d'entretien après passage des visiteurs et les dépenses de valorisation du patrimoine ? Pour parler du transfert des Tuileries, vous avez un interlocuteur, la Ville de Paris. Pour le parc de Saint-Cloud, un département et sept communes !
Quand le parc ferme, on demande : que fait le maire ? Celui-ci n'en peut mais. Quel que soit le niveau d'autorité choisi, il nous faudra un interlocuteur local pour le parc, au sein du CMN. Les autorités locales du parc changent tous les deux ans, on est toujours à la veille d'une réforme, à l'aube de bouleversements, si bien que l'on renonce à toute réflexion de fond et que l'on se replie dans la tentation de ne rien faire.
M. Jean Arthuis, président. - Je veux interroger le représentant de la direction générale des finances publiques sur la nouvelle politique immobilière de l'Etat. Comment jugez-vous les relations entre l'Etat propriétaire et le CMN ? Faudrait-il les faire évoluer ? La situation oblige-t-elle à avoir un statut dérogatoire ?
Mme Isabelle Lesmesle. - Monsieur Badré, bonne nouvelle ! Il existe, au parc de Saint-Cloud comme dans chaque monument, un administrateur chargé du dialogue avec les visiteurs et les élus et de la mise en oeuvre de la politique du centre. Le seul moyen de mesurer la fréquentation du parc de Saint-Cloud est la comptabilisation du nombre de passages au péage autoroutier, l'accès piéton au parc étant entièrement gratuit. Le parc connaît un déficit de gestion de 3 millions d'euros par an. Nous distinguons parfaitement l'entretien, c'est-à-dire le fonctionnement auquel 315 000 euros de crédits étaient consacrés en 2009, de la conservation, soit l'investissement. Depuis mon arrivée il y a deux ans, nous avons rompu avec la politique attentiste, qui était menée au parc de Saint-Cloud comme dans d'autres monuments, face à l'incertitude. Désormais, quand bien même le Parlement voterait un jour le transfert du parc à une collectivité, nous agissons : construction d'un schéma directeur de développement, investissement de 3 millions d'euros dans les travaux de voirie, lancement d'un dialogue avec les élus sur les circulations douces en lien étroit avec les territoires.
M. Jean Arthuis, président. - Le parc de Saint-Cloud n'est pas un cas type de monument transférable. Tout au moins, son transfert à une collectivité territoriale supposerait le strict respect d'un cahier des charges...
Mme Isabelle Lesmesle. - Qu'est-ce qu'un monument national ? Il faudrait d'abord répondre à cette question. Puissent les travaux de Mme Férat nous y aider ! La notion de monument transférable ou non avait été également abordée dans le cadre de la commission Rémond.
M. Vincent Mazauric, directeur adjoint chargé de la gestion publique à la direction générale des finances publiques. - Est-il concevable qu'un monument historique soit traité comme une cité administrative ?, s'interrogeait le président Picq. Non, évidemment. Le nouveau cadre institué par le décret de décembre 2008 - suppression du principe d'affectation et réunification de l'État propriétaire dans ses différentes fonctions, conformément aux voeux émis à de nombreuses reprises par le Parlement - doit être naturellement adapté à des cas particuliers, dont le CMN. Notre volonté - puisse cela apaiser la crainte de la présidente Lesmesle d'être entraînée dans un dispositif qui ne lui conviendrait pas - est de trouver, convention après convention, une approche adaptée aux spécificités de la centaine d'immeubles et des missions du CMN. Pour l'heure, aucune convention n'a été passée. Il appartient au CMN, j'y insiste, de gérer les monuments historiques qui lui sont confiés sous contrôle de son conseil d'administration et de ses ministères de tutelle, la culture comprise - le message a été entendu. Nos relations avec le CMN sont très bonnes. Nous avons d'ailleurs approuvé son schéma pluriannuel de stratégie immobilière, le Centre ayant réalisé de substantielles économies en installant de nombreux services à la Porte des lilas.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - Pour conclure, la commission de la culture envisage, à partir des travaux de Mme Férat, de déposer prochainement une proposition de loi pour animer la réflexion sur ce dossier.
M. Jean Arthuis, président. - Cet après-midi d'échanges est une parfaite illustration de l'intérêt des travaux de contrôle, grâce à l'éclairage de la Cour des comptes et des rapporteurs, y compris pour l'organisme sujet à enquête et pour ses ministères de tutelle.
A l'issue de ce débat, la commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.
Loi de finances pour 2011 - Mission Outre-mer et article 77 - Examen du rapport spécial
Puis la commission procède à l'examen du rapport de MM. Marc Massion et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer » et l'article 77 du projet de loi de finances pour 2011.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Avant de vous présenter le cadrage de la mission et le budget de son premier programme, permettez-moi de faire le point sur l'application de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM du 27 mai 2009. Faute de décrets d'application, quatre de ses mesures restent inapplicables : l'aide au fret pour les entreprises, le groupement d'intérêt public censé régler le problème de l'indivision, l'importante réforme de la continuité territoriale et, enfin, le dispositif de transparence des prix pratiqués par les transporteurs aériens. En outre, de nombreux décrets d'application étant parus seulement en 2010, nombre de mesures ne produisent pas encore leur plein effet.
Le projet de budget de la mission « Outre-mer » pour 2011, pour la première fois depuis la stabilisation de sa maquette en 2008, connaît une diminution de ses crédits par rapport à ceux votés l'an passé. Toutefois, cette baisse reste limitée, puisqu'elle est de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 2,3 % en crédits de paiement, et porte exclusivement sur le programme « Conditions de vie outre-mer ». En dépit de ce constat, le sort de cette mission reste enviable : entre 2008 et 2011, le montant des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement ont respectivement augmenté de 22,9 % et de 15 %. Une même rupture peut être relevée concernant les dépenses fiscales de la mission : depuis 2008 et, nonobstant la LODEOM, celles-ci n'avaient cessé de croître. Les mesures proposées dans la première partie du projet de loi de finances pour 2011 devraient conduire, pour la première fois, à leur diminution à compter de 2012. En 2011, la dépense fiscale outre-mer progressera de 1,9 % seulement pour s'établir à 3,24 milliards d'euros.
Le programme consacré à l'emploi outre-mer souffre d'une sous-budgétisation des crédits consacrés au remboursement à la sécurité sociale des exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer, estimée à 63 millions d'euros d'après les organismes de sécurité sociale. Elle conduira, comme en 2007, 2008 et 2009, le Gouvernement à ouvrir, en cours de gestion, les crédits nécessaires. Ensuite, l'augmentation des crédits de ce programme s'explique par la montée en puissance du service militaire adapté, le SMA. En 2009, le Président de la République avait annoncé le doublement du nombre de bénéficiaires de ce dispositif d'intégration des jeunes ultramarins non diplômés qui a fait ses preuves par le passé. Le projet de loi de finances pour 2011 apaise les inquiétudes que nous avions formulées sur le manque de crédits alloués au SMA : d'une part, les crédits augmentent de 40,5 % en autorisations d'engagement et de 37,1 % en autorisations de paiement pour s'établir respectivement à 201 et 181 millions d'euros. D'autre part, les nouveaux publics du SMA seront désormais des chômeurs de longue durée, parfois diplômés, qui recevront des formations d'une durée plus courte et donc moins coûteuse, par bénéficiaire, que les actuels volontaires du SMA, non diplômés. Il conviendra, toutefois, de vérifier que ce nouveau dispositif est aussi efficace que l'ancien.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », est composé d'actions très disparates. Ses crédits diminuent assez fortement en 2011 : de 6 % en autorisations d'engagement et de 10,4 % en crédits de paiement. Deux raisons à cela. Tout d'abord, les crédits consacrés au Fonds exceptionnel d'investissement, le FEI, créé par la LODEOM pour participer aux investissements des collectivités territoriales d'outre-mer, passent de 40 à 10 millions d'euros. Le Gouvernement justifie cette réduction par la sortie du plan de relance alors que la création du FEI, doté dès l'origine de 40 millions d'euros, a précédé ce plan. Ensuite, la fin des versements au titre de l'ex-Fonds pour la reconversion de l'économie de la Polynésie française, prévu par la convention du 25 juillet 1996 dans le cadre de l'arrêt des essais nucléaires. Cette fin, programmée pour 2011, conduit à une baisse des crédits de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 46 millions d'euros en crédits de paiement.
En matière de logement, les effets de la LODEOM ne se font pas encore sentir. Seuls 6 200 logements neufs ont été construits en 2009 pour des besoins estimés à 45 000. Outre la crise économique, cette situation s'explique, d'une part, par la parution tardive des décrets d'application de la LODEOM au début de l'année 2010 et, d'autre part, par le temps d'adaptation nécessaire à la nouvelle possibilité de cumul de la défiscalisation et des crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, pour le financement des opérations de logement. D'après le directeur de cabinet de Mme Penchard, les premiers chiffres disponibles pour 2010 indiquent un décollage par rapport à 2009. Espérons-le.
Dernier élément de ce programme : la réforme du dispositif de continuité territoriale, qui regroupe 51,6 millions de crédits, n'est pas encore entrée pleinement en vigueur, faute de parution des décrets d'application de la LODEOM. En outre, le nouveau fonds de continuité territoriale doit être géré par 1'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, LADOM, seul opérateur de la mission, dont le nom et les compétences ont été modifiées et dont les crédits vont quadrupler en 2011. Or, nous avons très peu d'informations sur cette agence dont la performance était jusque-là assez limitée. D'où notre souhait que la commission confie à la Cour des comptes une mission de contrôle sur LADOM, en application de l'article 58-2° de la LOLF.
J'en viens à l'article 77 qui réforme la dotation globale de développement économique, la DGDE, versée chaque année par l'État à la Polynésie française. Cette dotation, d'un montant fixe de 151 millions d'euros par an, fonctionne mal. Elle n'existe qu'en vertu d'une convention passée entre l'État et le territoire et, malgré cinq avenants en sept ans, le contrôle de l'utilisation des fonds s'est avéré difficile. L'article 77 propose de substituer à la DGDE trois dotations distinctes au montant total équivalent : une dotation globale d'autonomie attribuée à la collectivité de la Polynésie française pour financer son fonctionnement, qui évoluera au même rythme que la dotation globale de fonctionnement ; une dotation d'investissement versée directement par l'État aux communes polynésiennes - une grande nouveauté - afin d'éviter les effets pervers et le phénomène de clientélisme qui affectent, comme l'ont observé nos collègues Christian Cointat et Bernard Frimat dans un rapport fait au nom de la commission des lois, le financement des communes par la collectivité polynésienne ; enfin, un concours financier, dont les modalités resteront fixées par une convention, qui servira au seul financement des investissements structurants de la Polynésie française.
Cette réforme va dans le bon sens : elle pérennise l'effort de l'État envers la Polynésie en l'inscrivant dans la loi, et non dans une convention sujette à interprétation, elle distingue les fonds versés pour le fonctionnement et pour l'investissement, elle remédie partiellement aux problèmes de financement des communes polynésiennes. Néanmoins, je vous proposerai d'adopter trois amendements pour stabiliser le dispositif proposé par le Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ce rapport synthétique sur les crédits de la mission « Outre-mer ». Tout doit être fait pour stimuler l'économie ultramarine, qui peine à créer de la valeur ajoutée, et donner aux acteurs locaux les moyens de leur politique. Beaucoup d'aléas pèsent encore sur l'outre-mer. Je pense, entre autres, aux nombreuses dettes qui subsistent encore dans des collectivités territoriales qui ont du mal à faire leurs arbitrages.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Le rapport est particulièrement clair : les crédits de l'outre-mer diminuent, quoique moins qu'on aurait pu le craindre. Toutefois, à entendre ce rapport, je reste, comme toujours, sur ma faim. S'en dégage l'impression qu'il existe une nébuleuse d'acteurs que le chef d'orchestre, c'est-à-dire le ministère de l'outre-mer, peine à diriger. Les rapporteurs spéciaux partagent-ils ce sentiment ?
La réorganisation de la continuité territoriale me laisse sceptique. En réalité, le seul dispositif qui fonctionne bien en ce domaine est la lettre de moins de 20 grammes. Qu'on l'envoie de Marseille ou de Nouméa, elle coûte toujours le même prix. Il serait illusoire de chercher à obtenir un tarif unique de billet d'avion pour un Paris-Nice et un Paris-Papeete. Mais plutôt que d'allouer une aide à l'achat d'un billet d'avion, pourquoi ne pas avoir consacré ces sommes à la stimulation de la concurrence entre compagnies aériennes locales afin de parvenir à une offre de prix satisfaisante ?
Enfin, comment définir une véritable politique budgétaire et financière pour l'outre mer si nous ignorons les effets réels des aménagements de charges et des niches fiscales sur l'économie ? C'est un peu comme si l'on demandait à un automobiliste de trouver son chemin sans lui donner de carte routière...
M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Nous partageons votre sentiment sur le pilotage de la politique pour l'outre-mer. Depuis longtemps, nous prônons le rattachement de cette mission interministérielle au Premier ministre. Les agents de ce ministère, ai-je noté, ont l'impression d'être la « dernière roue du carrosse ». J'ai pu relever cette impression au cours d'entretiens menés dans le cadre d'un contrôle cette année, qui a fait l'objet, en septembre, de la publication d'un rapport intitulé « Administration centrale de l'outre-mer : une réforme à marche forcée et inachevée ». On les consulte lorsque le texte est presque déjà ficelé. Et rattachés au ministère de l'intérieur, ils ont fait plus particulièrement les frais de la révision générale des politiques publiques. Nous manquons d'informations fiables, notamment sur les niches fiscales, en raison de la faiblesse de leurs capacités d'évaluation : 3,5 personnes s'y consacrent quand 30 étaient prévues. Nous souhaitons, comme vous, une évolution de ce ministère.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Rapporter le budget de l'outre-mer est un exercice à la fois passionnant et frustrant. Si les propositions d'amélioration sont nombreuses, leur mise en oeuvre se révèle toujours extrêmement complexe. Résultat : à chaque fois, cela se termine par un apport financier, qui ne donne pas lieu à contrôle. Comment bâtir une politique globale pour l'outre-mer sans évolution de la gouvernance ? Le ministère de l'outre-mer est-il un simple alibi ? Depuis que nous sommes saisis de ce dossier, la seule évolution notable est que le secrétariat d'État a accédé au rang de ministère...
M. Jean Arthuis, président. - Il serait sympathique d'entendre les propositions des rapporteurs spéciaux et du rapporteur pour avis sur l'adaptation des niches fiscales pour l'outre-mer. Pourquoi ne pas limiter la défiscalisation au seul montant de l'investissement en excluant la rémunération des intermédiaires, laquelle représente parfois la moitié de la somme totale ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - On a créé les niches fiscales au fil des années pour répondre à un problème spécifique, satisfaire tel ou tel secteur économique. En l'absence de politique globale pour l'outre-mer, il est difficile de toucher à cet édifice d'autant que les situations sont très contrastées selon les territoires ultramarins. Prenons l'exemple de la Polynésie française : la dotation globale qui lui était versée ne parvenait pas aux communes. D'où la réforme prévue dans cette loi de finances. Nous sommes ainsi contraints d'avancer par à-coups, sans régler le problème global.
M. Jean Arthuis, président. - Toutes missions confondues, le budget de l'outre-mer est compris entre 15 et 20 milliards d'euros, dont 3,2 milliards d'euros de niches fiscales. Il manque, dans cette mission, 63 millions pour la compensation des charges sociales. La sincérité budgétaire n'en souffre-t-elle pas ? A l'heure où le mot économie est dans toutes les bouches, il faut faire des propositions !
Pouvez-vous nous présenter vos amendements sur l'article 77 rattaché ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Le premier amendement vise à sécuriser la dotation globale d'autonomie de la Polynésie française en l'inscrivant au sein du code général des collectivités territoriales. Par notre deuxième amendement, nous garantissons la stabilité du versement de la dotation territoriale pour l'investissement des communes. Quant au dernier amendement, il corrige une référence à la dotation globale d'équipement, désormais appelée dotation d'équipement des territoires ruraux.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Afin de couvrir la somme manquante de 63 millions pour les compensations de charges sociales, une solution serait peut-être de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités concernant l'agence de santé de Wallis-Et-Futuna. Pas moins de 24 millions lui sont consacrés dans la mission, alors que ce dossier relève du ministère de la santé.
M. Denis Badré. - Cela revient à un simple jeu d'écriture...
M. Jean Arthuis, président. - Je préférerais que l'on trouve une véritable économie de 63 millions plutôt que de se contenter de déplacer des crédits.
A l'issue de ce débat, la commission adopte les trois amendements proposés par les rapporteurs spéciaux à l'article 77 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer » ainsi que l'adoption de l'article 77 ainsi modifié.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, sous réserve de son examen par l'Assemblée nationale et de sa transmission, et nomme M. Jean-Jacques Jégou rapporteur pour avis sur ce texte.
Compte rendu des réunions du bureau de la commission
Enfin, le président rend compte des réunions du Bureau de la commission tenues les 5 et 13 octobre 2010.
M. Jean Arthuis, président. - Comme je l'ai indiqué au Bureau, la Conférence des Présidents du mercredi 29 septembre a envisagé, sur ma proposition, les trois principes d'organisation suivants :
- l'anticipation, dans le cadre de la semaine de contrôle du début novembre, des débats thématiques insérés, jusqu'à présent, lors de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances ;
- l'institution d'une discussion générale commune permettant de regrouper le débat sur les prélèvements obligatoires et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ;
- l'abandon, cette année, de la discussion sur les recettes des collectivités territoriales (l'un des quatre débats de première partie du PLF), compte tenu du débat, qui s'est déroulé en séance publique le 27 septembre dernier, sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales.
En conséquence, la Conférence des Présidents devrait valider le calendrier suivant :
- mardi 2 novembre, le soir : débat sur la participation de la France au budget de l'Union européenne ;
- mercredi 3 novembre, à 14 heures 30 et le soir : concomitamment, débat sur les prélèvements obligatoires et examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
Ce débat conjoint sera également l'occasion de faire le point sur l'évolution de la dette de l'Etat (qui est l'un des quatre débats de première partie du PLF et qui ne serait donc pas spécifiquement organisé cette année).
- mercredi 3 novembre, le soir, à l'issue du débat conjoint prélèvements obligatoires et projet de loi de programmation des finances publiques : débat sur les effectifs de la fonction publique.
Par ailleurs, deux nouveaux comptes d'affectation spéciale (CAS) sont créés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 :
- « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » : ce nouveau CAS se rattache au bloc « Aide publique au développement ». A ce titre, il pourrait être confié à Edmond Hervé qui a donné son accord.
- « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » : ce nouveau CAS se rattache à la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » et doit être confié au rapporteur plus spécifiquement dédié aux transports, qui était jusqu'à présent Alain Lambert. Nous attendrons donc de connaître le nom de son successeur pour le désigner.
Deux missions changent de périmètre :
- la mission « Médias » devient « Médias, livre et industrie culturelle ». Elle reprend l'ensemble des actions consacrées au livre et aux industries culturelles qui étaient autrefois traitées par le rapporteur de la mission « Culture ». Yann Gaillard a été prévenu de cette situation dès le mois de juillet, lorsque la nouvelle maquette budgétaire a été soumise au Parlement. Le Bureau propose donc le maintien de Claude Belot en qualité de rapporteur de cette mission ainsi remodelée ;
- le compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanctions automatisés des infractions au Code de la route », dont le rapporteur est Gérard Miquel, devient « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Il comportait deux programmes : radars et fichier national du permis de conduire ; il en comportera dorénavant cinq : les deux actuels ainsi que contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers, contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières et désendettement de l'État. Il devient ainsi majoritairement une mission placée sous la responsabilité de Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
En pratique, le nouveau CAS va recevoir en recettes l'ensemble du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation et portera dorénavant en dépenses des dotations en faveur des collectivités locales ainsi qu'une participation au désendettement de l'Etat.
La question peut donc se poser de son maintien dans le bloc « Ecologie, développement et aménagement durables », et de son transfert vers un autre bloc, « Relations avec les collectivités territoriales » par exemple.
A un an du renouvellement sénatorial, le Bureau propose, à titre conservatoire, d'agir comme à l'Assemblée nationale : maintien dans ses fonctions du rapporteur actuel Gérard Miquel, qui conserverait le compte d'affectation spéciale avec un périmètre élargi, et maintien de la discussion du CAS au sein du bloc « Ecologie, développement et aménagement durables ».
La commission adopte les propositions du Bureau tendant à maintenir les rapporteurs spéciaux dans leurs fonctions, nonobstant les modifications apportées aux périmètres des missions susmentionnées, et à conserver le rattachement de la discussion du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » à celle de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».
M. Jean Arthuis, président. - En ce qui concerne les relations avec la Cour des comptes, après consultation des rapporteurs spéciaux concernés et au terme d'un échange informel avec la Cour sur leur faisabilité, les études suivantes pourraient être demandées pour 2011 :
- la réforme des tutelles des majeurs (rapporteurs : Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Roland du Luart) : il s'agirait d'une suite d'un sujet qui concerne les départements et a été largement évoqué au tribunal d'Arras, lors du séminaire de la commission de mai dernier ;
- la fusion direction générale des impôts (DGI) - direction générale de la comptabilité publique (DGCP) (rapporteur : Bernard Angels) : il s'agit d'un cas concret de mise en oeuvre de la RGPP ;
- l'agence de l'Outre-mer pour la mobilité (LADOM) (rapporteurs : Eric Doligé et Marc Massion) : cette structure, budgétairement bien dotée, remplit des fonctions essentielles en matière de formation outre-mer et son fonctionnement a été assez profondément modifié par la LODEOM de 2009 (ex-agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'Outre mer) ; aucune enquête 58-2° n'a, par ailleurs, jamais été effectuée, à la demande de la commission des finances, en Outre-mer ;
- la gestion du patrimoine immobilier hospitalier (rapporteur : Jean-Jacques Jégou) : dans son récent rapport sur le fonctionnement de l'hôpital, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale relève que « le patrimoine immobilier des hôpitaux publics n'est pas précisément connu, mais [qu'] il serait d'une surface supérieure à celui de l'Etat et pourrait représenter plusieurs dizaines de milliards d'euros ». Alors que l'Etat tente de moderniser sa politique immobilière, la question peut se poser de savoir si l'on doit transposer la méthode à l'immobilier hospitalier. Ce thème est également en lien avec la politique de restructuration de la carte hospitalière qui stagne depuis plusieurs années... ;
- un premier bilan de la réforme des offices agricoles et de la création de l'agence de services et de paiement (ASP) (rapporteur : Joël Bourdin) : cette réforme a été mise en oeuvre à partir du premier semestre 2010 et doit permettre de rationaliser l'activité des principaux opérateurs du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Un premier état des lieux s'impose un an après.
La commission adopte les propositions du Bureau relatives aux sujets d'enquête susceptibles d'être demandées à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF.
M. Jean Arthuis, président. - Enfin, le Bureau a décidé de renoncer, en 2011, à son traditionnel voyage à l'étranger. Le séminaire de la commission pourrait donc avoir lieu pendant la suspension d'avril et être organisé autour des enjeux européens avec un déplacement, ouvert à tous les commissaires, à Bruxelles.
Mercredi 20 octobre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de finances pour 2011 - Mission Régimes sociaux et de retraite, compte d'affectation spéciale Pensions et article 100 - Examen du rapport spécial
Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite », le compte d'affectation spéciale « Pensions » et l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. - Il me revient de vous présenter ce matin, au nom de la commission des finances, les crédits pour 2011 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions », ainsi que l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ressortissants de pays autrefois placés sous la souveraineté française.
Bien que les sommes en jeu pour financer les pensions de l'Etat soient considérables, je serai très bref. Tout d'abord, je vous ai déjà présenté, le 29 septembre dernier, un premier bilan de la réforme de 2008 du régime spécial de retraite de la SNCF ainsi qu'un suivi des observations que j'ai formulées, il y a deux ans, sur la caisse de retraite du personnel de la RATP ; le rapport n° 732 (2009-2010) vient d'être mis en distribution. Ensuite, les dépenses de pensions des fonctionnaires sont des charges obligatoires pour l'Etat envers les ayant droits. Elles dépendent donc essentiellement de la démographie et du droit applicable.
Avant d'entrer dans le détail, dans le contexte actuel du débat qui agite notre pays sur la réforme des retraites, je souhaite, à titre liminaire et personnel, exprimer mon désaccord profond sur les points fondamentaux du projet de loi présenté par le Gouvernement, à savoir le recul de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture des droits et de 65 à 67 ans de l'âge permettant de percevoir une retraite à taux plein. Ce projet présente également des mesures sur la pénibilité très insuffisantes. Il pénalise les carrières longues, c'est-à-dire ceux qui commencent à travailler très jeune, et les carrières incomplètes, en particulier celles des femmes. Le dossier, important, de la réforme des retraites aurait mérité mieux qu'un projet débattu dans l'urgence au Parlement, mené sans concertation avec les partenaires sociaux, ni écoute de la population, et surtout profondément injuste envers les salariés qui assumeront quasiment seuls les sacrifices exigés par cette réforme.
Je reprends maintenant mes fonctions de rapporteur spécial de la commission des finances et j'en viens à la présentation des chiffres clés et des données de cadrage général des retraites des fonctionnaires de l'Etat qui relèvent du compte spécial « Pensions » et de certains régimes spéciaux bénéficiant d'une subvention d'équilibre de l'Etat dans le cadre de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Pour 2011, le coût global du compte spécial « Pensions » s'élèvera à 52,6 milliards d'euros, contre 51,12 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2010. Dans ce total, quelque 38,55 milliards d'euros seront consacrés aux pensions civiles et 9,52 milliards d'euros aux pensions militaires.
Afin d'équilibrer les recettes avec les dépenses, l'ensemble des taux de contribution employeur de l'Etat continuent à progresser :
- pour les personnels civils, le taux passera de 62,14 % en 2010 à 65,39 % en 2011 ;
- pour les personnels militaires, le taux passera de 108,63 % à 114,14 %.
En outre, j'ai noté que le projet de loi de finances anticipe l'application de la réforme des retraites en augmentant, dès 2011, de 0,27 point le taux de cotisation de 7,85 % applicable aux fonctionnaires, dans la perspective de la convergence vers le taux de droit commun de 10,55 %.
Or, malgré cette augmentation des recettes, le compte spécial « Pensions » est présenté en déficit de recettes de 200 millions d'euros, soit 0,4 % du total, qui sera comblé par la mobilisation à due concurrence du fonds de roulement d'un milliard d'euros qui lui est affecté.
S'agissant maintenant de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je précise que le motif qui a présidé à la création d'une telle mission budgétaire est de regrouper le financement d'un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique pour lesquels la nation exprime sa solidarité en apportant une subvention d'équilibre. Pour 2010, la contribution de l'Etat s'élèvera à 6,03 milliards d'euros, soit une progression de 5,4 % par rapport à 2010 (5,72 milliards d'euros). Ce budget soutient les régimes sociaux et de retraite de près de 800 000 pensionnés pour moins de 250 000 cotisants.
Les régimes les plus importants au regard du soutien de l'Etat sont au nombre de cinq :
- pour les retraités de la SNCF, la subvention de l'Etat s'élèvera en 2011 à près de 3,2 milliards d'euros, soit 61 % du montant des prestations de pensions vieillesse servies ;
- pour les mineurs : 1,2 milliard d'euros ;
- pour les marins : 789 millions d'euros ;
- pour les personnels de la RATP : 526 millions d'euros ;
- et pour la SEITA : 139 millions d'euros.
Certains régimes sont en voie d'extinction démographique et ne comptent plus de cotisants. Sont ainsi totalement subventionnés par l'Etat, au titre de la solidarité nationale, les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale (7 bénéficiaires), des régies ferroviaires d'outre-mer (228 bénéficiaires) et de l'ORTF (284 bénéficiaires).
Je ferai une observation de principe sur le périmètre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » car j'ai identifié un certain nombre de régimes spéciaux qui sont subventionnés par l'Etat en dehors de la présente mission. Il s'agit notamment des caisses de retraite de la Comédie française et de l'Opéra de Paris. Outre les 17 millions d'euros attribués à ces deux établissements sur les crédits de la mission « Culture », quelque 675 millions d'euros de prestations sociales et de retraite, issus de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable », financent l'après crise des mines (charbonnages de France, houillères, mines de fer, ardoisières, etc.) et les retraites des anciens électriciens et gaziers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie. Afin d'améliorer la lisibilité d'ensemble de la contribution de l'Etat aux régimes spéciaux, je propose que le rattachement à la mission « Régimes sociaux et de retraite » du financement de ces régimes soit mis à l'étude pour l'élaboration des prochains budgets.
Au total, le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux dont l'Etat assure l'équilibre financier mobilisera, en 2011, 58,63 milliards d'euros, soit près de 20,5 % des dépenses de l'Etat. Selon les projections de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014, l'évolution des dépenses de retraite sur la période 2011-2013 continuera à être très dynamique, suivant une progression de l'ordre de 8 %.
Avant de conclure cette intervention, je souhaiterais dire un mot de la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ressortissants de pays autrefois colonies ou protectorats de la France. Ils sont encore 32 000 à pouvoir prétendre à une pensions équivalente à celle de nos concitoyens. A la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a institué la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a rendu sa première décision, le 28 mai 2010, et a considéré comme « contraires au principe d'égalité » les dispositions légales instituant la cristallisation des pensions de ces anciens combattants. L'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 propose au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité en alignant les droits à pensions quelle que soit la nationalité du bénéficiaire. Le coût de cette mesure, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier prochain, serait de 150 millions d'euros en année pleine. Pour 2011, le Gouvernement estime que cette charge serait limitée à 82 millions d'euros du fait de la montée en charge progressive des demandes de reconstitution de carrière par les intéressés. J'appellerai naturellement le Gouvernement à la plus grande diligence dans la mise en oeuvre de la mesure et dans le traitement des dossiers compte tenu de l'âge élevé des intéressés.
Pour terminer, et considérant que le paiement des droits à pension constitue pour l'Etat une obligation, je vous propose, au nom de la commission des finances et au bénéfice de mes observations, d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Je vous propose également d'exprimer un avis favorable à l'adoption de l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011, rattaché au compte spécial « Pensions », relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite, sous réserve d'une modification rédactionnelle et de simplification.
Je vous rappelle que l'article 100 prévoit la remise chaque année par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.
Outre une modification purement rédactionnelle, mon amendement vise donc à simplifier et à rationaliser le travail d'information du Parlement par le Gouvernement. Le souci de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions est à la fois louable et nécessaire. J'attire l'attention sur le fait que la réussite pleine et entière des mesures de décristallisation dépendra en premier lieu des conditions d'application : il faudra que l'administration fasse une publicité suffisante auprès des bénéficiaires et qu'elle produise des formulaires de demande les plus claire et simple possible.
La demande de remise d'un rapport spécifique semble donc inutile car le Gouvernement est déjà tenu par ailleurs de publier en annexe du projet de loi de finances de l'année un rapport sur les pensions de retraite. Il suffit que celui-ci comporte une section consacrée au bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.
M. Jean Arthuis, président. - Cet exposé éclaire le débat sur les retraites et souligne l'injustice d'un système dans lequel l'Etat se porte garant de l'équilibre de régimes spéciaux offrant à leurs bénéficiaires des droits plus favorables que ceux des régimes de droit commun.
Mme Nicole Bricq. - Je rappelle toutefois, ainsi que l'a déjà fait notre rapporteur spécial dans son rapport sur le bilan de la réforme de 2008 sur le régime de retraite de la SNCF, que les régimes spéciaux sont en voie de convergence avec le régime de la fonction publique.
Par ailleurs, je constate que les dépenses de pensions seront très dynamiques, avec 8 % de progression de 2011 à 2013 ainsi que l'a souligné Bertrand Auban, alors que le Gouvernement projette de revenir vers l'équilibre à l'horizon 2014. Cela devrait nous amener à nous interroger sur la question des recettes du budget de l'Etat et de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Le déclin démographique du nombre des pensionnés des régimes spéciaux devrait à long terme entraîner une diminution des subventions de l'Etat.
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. - Cela est vrai à très long terme, et pas avant 2021 en ce qui concerne la SNCF. Pour les prochaines années, le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014 prévoit que la contribution de l'Etat à la mission « Régimes sociaux et de retraite » progressera de 6,03 milliards d'euros en 2011 à 6,24 milliards d'euros en 2012 et 6,53 milliards d'euros en 2013, soit une augmentation de 8,29 %.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Combien d'anciens combattants sont-ils susceptibles de bénéficier de la décristallisation des pensions ?
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. - L'administration compte actuellement 32 000 bénéficiaires potentiels. Mais je souligne que compte tenu de leur âge élevé, ce nombre risque de diminuer rapidement. C'est pourquoi j'appellerai l'administration à traiter les dossiers de revalorisation dans les meilleurs délais.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par le rapporteur spécial à l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, elle décide de proposer au Sénat :
- l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions »,
- ainsi que l'adoption de l'article 100 ainsi modifié.
Loi de finances pour 2011 - Compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat - Examen du rapport spécial
Puis, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » retrace principalement, en recettes, les produits de cession des immeubles de l'Etat et, en dépenses, des versements contribuant à financer des opérations immobilières de l'Etat, ou réalisées par ses opérateurs sur des immeubles domaniaux, et une contribution à son désendettement. Vous vous souvenez qu'à mon initiative, le principe de cette contribution au désendettement a été consacré, dans la loi de finances pour 2009, à hauteur de 15 % sauf exceptions.
Cette organisation doit faire l'objet, en 2011, de modifications substantielles.
Tout d''abord, l'article 30 du projet de loi de finances propose deux aménagements du régime de la contribution au désendettement de l'Etat de ses recettes de cessions immobilières.
En premier lieu, il s'agit d'affecter les produits de la vente d'immeubles occupés par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) au désendettement du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Ce budget annexe connaît en effet un niveau d'endettement préoccupant (plus d'un milliard d'euros fin 2009). Les versements attendus du fait de la mesure (7 millions d'euros par an, en moyenne, sur la période 2011-2013) ne dispenseront pas des nécessaires réformes internes par ailleurs entreprises par la DGAC.
En second lieu, il est prévu d'exonérer de contribution au désendettement les cessions d'immeubles domaniaux dont disposent certains établissements publics, notamment les universités, qui ont demandé la dévolution de ce patrimoine sur le fondement de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. À ce jour, aucune dévolution n'a encore été effectuée, mais une dizaine d'universités se sont déclarées candidates. Pendant la période transitoire qui s'étend de la demande de ce transfert de propriété à sa réalisation juridique, l'Etat entend ainsi reverser l'intégralité des produits aux établissements cédants. L'impact financier, d'après le Gouvernement, est difficile à évaluer.
La même mesure d'exonération vise les établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche implantés sur le plateau de Saclay, que la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris entend constituer en pôle scientifique et technologique. Il s'agit là de favoriser les projets immobiliers permettant le développement du campus.
Par ailleurs, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, au début de ce mois, a fait part de son souhait d'intensifier la contribution au désendettement de l'Etat des produits de cessions immobilières. Il a annoncé le dépôt en ce sens d'un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances. Notre visibilité, en la matière, devrait être meilleure à l'issue de l'examen de la première partie de ce projet de loi par l'Assemblée nationale.
Pour ma part, j'ai régulièrement souligné la faiblesse de la contribution au désendettement des produits de cessions immobilières de l'Etat. En pratique, entre 2005 et 2009, en moyenne, 14 % seulement de ces recettes ont été affectées à la réduction de la dette, notamment du fait de l'existence de régimes d'exemption. J'estime que le doublement du taux minimum actuel, qui serait ainsi porté à 30 % des produits, dès 2011, serait significatif d'une volonté politique de mieux lier les ventes d'immeubles de l'Etat à la résorption de sa dette.
Surtout, je préconise de planifier la disparition des régimes d'exemption de contribution au désendettement qui, actuellement, bénéficient aux produits des cessions du ministère de la défense et d'immeubles situés à l'étranger. La pérennité de ces régimes risquerait, en effet, d'entretenir les administrations dans un statut de « quasi-propriétaire », à rebours de la volonté affichée par le Gouvernement d'affermir l'unité de l'Etat propriétaire.
Ainsi, en ce qui concerne les cessions du ministère de la défense, je recommande de ne pas renouveler la dispense de contribution au désendettement au-delà du 31 décembre 2014, échéance actuellement prévue par la loi, ou, au plus tard, au-delà de la fin d'exécution de la loi de programmation militaire en vigueur, si celle-ci devait être prorogée. En ce qui concerne les biens situés à l'étranger, il me paraît nécessaire de borner la dispense dans le temps, ce qui n'est pas fait en l'état du droit, à la même date que pour les biens militaires, dans un souci d'égalité entre ministères. Je me réserve de prendre l'attache de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, pour traduire ces préconisations sous la forme d'amendements.
J'en viens aux crédits prévus par le projet de loi de finances.
La prévision de cessions immobilières de l'Etat, pour 2011, s'élève à 400 millions d'euros de produits, soit 0,7 % de la valeur du parc immobilier inscrite, au 31 décembre 2009, dans le bilan de l'Etat (60,4 milliards d'euros). Cet objectif est le moins élevé depuis qu'une telle prévision se trouve inscrite dans la loi de finances, c'est-à-dire 2005. En particulier, il s'avère nettement plus modeste que celui des deux précédents exercices (1,4 milliard d'euros pour 2009, 900 millions pour 2010), car la prévision a été adaptée aux nouvelles modalités de cession des implantations parisiennes du ministère de la défense (d'abord escomptées à hauteur d'un milliard d'euros en 2009, puis de 700 millions en 2010).
Je vous rappelle que ces ventes sont liées à la perspective du regroupement des services centraux du ministère, à la fin de 2014, sur le site « Balard », dans le XVe arrondissement de la capitale. J'entends d'ailleurs suivre de très près l'évolution de cette opération, dont je tiens à souligner qu'elle a fait l'objet de fortes critiques de la Cour des comptes : elle ne s'est pas inscrite dans la continuité des premiers efforts de planification immobilière entrepris par le ministère au cours des années précédentes, et elle ne semble pas avoir été précédée d'une recherche de solutions alternatives...
En tout état de cause, la prévision du projet de loi de finances apparaît comme plus sincère que celle des deux dernières lois de finances initiales, vu les réalisations récentes de cessions (375 millions d'euros de recettes en 2008, 475 millions en 2009), et compte tenu du rétablissement du marché immobilier. L'exécution en cours le confirme : la prévision de recettes afférente, pour 2010, aux cessions des ministères autres que celui de la défense (soit 200 millions d'euros), devrait être dépassée, et de ce fait plus de 400 millions d'euros de produits sont attendus à la fin de l'année. Les ventes seront d'ailleurs fondées sur le plan pluriannuel de cessions, visant quelque 17 000 biens immobiliers, rendu public en juin dernier par le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Cependant, l'objectif de céder pour 400 millions d'euros d'immeubles de l'Etat conserve un caractère ambitieux, si l'on considère la raréfaction des biens de prestige disponibles à la vente. Certes, au début de cette année, la cession de l'ancien immeuble de Météo-France a donné lieu à une recette de 73 millions d'euros montant qui n'a d'ailleurs été porté que très tardivement à ma connaissance, alors que la presse s'est faite l'écho de conditions de vente qui paraissent discutables... Mais la conclusion de prix semblables se trouve appelée à devenir de plus en plus exceptionnelle. L'atteinte de l'objectif de cessions pour 2011 est donc conditionnée à des réalisations nombreuses.
La contribution des produits au désendettement de l'Etat est fixée par le projet de loi de finances à 60 millions d'euros, soit 15 % du total. Ce montant, toutefois, demeure quelque peu incertain, eu égard aux projets de réforme que j'ai indiqués. Du moins, l'orientation est bien à l'intensification de cette contribution, puisque c'est 15 % de l'ensemble des recettes des cessions immobilières de l'année qu'il est ainsi prévu d'affecter à la réduction de la dette, nonobstant les régimes d'exemption précités. Du reste, l'ampleur des cessions du ministère de la défense et d'immeubles situés à l'étranger attendues pour 2011 n'est pas précisée par la documentation budgétaire, et je compte donc interroger le Gouvernement, sur ce point, en séance.
Le solde de 340 millions d'euros sera affecté à des dépenses immobilières, pour des opérations qui devront satisfaire à l'exigence d'une gestion performante. L'emploi concret de ces ressources reste toutefois à justifier, faute de précision suffisante, là encore, des éléments fournis par la documentation budgétaire.
À présent, comme les années précédentes, je voudrais élargir mon propos aux avancées récentes et perspectives à court terme de la politique immobilière de l'Etat, laquelle, de mon point de vue, ne saurait se limiter aux cessions. Le but véritable, en la matière, est en effet de rationaliser les coûts et les implantations. Il faut souligner le caractère essentiel que revêt ici la volonté politique, et sa réitération, tant peuvent se révéler prégnantes les réticences au changement...
Tout d'abord, la « refondation » de cette politique doit encore être menée à bien.
En premier lieu, l'amélioration de l'inventaire et de la valorisation du patrimoine immobilier constitue toujours une tâche importante pour assurer la sincérité du bilan de l'Etat. Je rappelle que la Cour de comptes, dans son rapport de certification pour 2009, a maintenu la réserve substantielle qu'elle avait formulée, à cet égard, pour les exercices précédents.
En deuxième lieu, la substitution des nouvelles conventions d'utilisation au régime de l'affectation des immeubles domaniaux connaît une mise en application difficile. France Domaine est tenu d'avoir conclu l'ensemble des conventions d'ici la fin 2013, et le nombre d'immeubles soumis à convention est estimé à 60 000. Or, au 30 juin dernier, seules 225 conventions d'occupation avaient été signées, sur 1 201 projets envoyés aux administrations occupantes. La « révolution culturelle » s'avère lente à se concrétiser !
En dernier lieu, la mutualisation interministérielle du produit des cessions immobilières est à généraliser. En effet, dans le régime actuel, et pour s'en tenir au droit commun, cette mutualisation est limitée à 20 % des produits, tandis que 65 % reviennent au ministère cédant, 15 % étant affectés au désendettement comme je l'ai indiqué. Ce régime, aménagé par le Gouvernement au titre de l'intéressement des ministères aux cessions, ne se justifiait, à mes yeux, que dans les premiers temps de la rationalisation du parc immobilier. Désormais, la consécration de l'Etat propriétaire passe par la mutualisation complète des recettes patrimoniales.
Cette mesure permettrait à France Domaine de piloter les opérations immobilières de ministères qui, aujourd'hui, au-delà des contrôles de conformité aux critères de performance auxquels ils sont assujettis, se révèlent pratiquement souverains sur des budgets d'investissement établis à partir des produits de « leurs » cessions. Le cas échéant, l'intéressement des ministères à la rationalisation doit changer de niveau : elle ne doit plus s'opérer sur le plan des cessions, mais sur celui des conditions de leur occupation immobilière, par des mesures incitatives à une gestion optimale.
Par ailleurs, l'extension du champ d'application de la politique immobilière de l'Etat est à poursuivre.
C'est vrai, d'abord, sur un plan institutionnel.
Je fais là référence, d'abord, aux services déconcentrés, désormais réorganisés dans le cadre de la réforme territoriale de l'Etat (RéATE). Tous sont redevables, aujourd'hui, d'un loyer budgétaire pour leur occupation d'immeubles domaniaux, et tous seront dotés, d'ici la fin de cette année, d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).
Je fais également référence aux 643 opérateurs de l'Etat, qui commencent seulement à être intégrés à sa stratégie immobilière. L'inventaire et l'évaluation de leur parc immobilier reste en cours ; chacun d'entre eux doit se doter d'un SPSI entre 2010 et 2011. D'ailleurs, je rends hommage au précédent ministre chargé du budget d'avoir fait preuve, pour obtenir ces résultats, de la fermeté nécessaire.
Sur un plan opérationnel, l'entretien des bâtiments de l'Etat et la gestion des baux qu'il supporte constituent deux domaines encore seulement à l'orée d'un meilleur suivi.
À ce propos, je rappelle que mon contrôle sur pièces et sur place, l'année dernière, a établi la méconnaissance par l'Etat de son parc locatif et le caractère coûteux de celui-ci (près de 190 millions d'euros par an en Ile-de-France). D'évidence, il fallait mettre en place une gestion active en la matière ; mon rapport tendait à appuyer, dans cet effort, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. De fait, dès l'année dernière, le Gouvernement a fait valoir deux séries d'initiatives.
D'une part, des mesures ponctuelles de réorganisation des conditions d'implantation de certains services ont été prises. Par exemple, le bail du secrétariat d'Etat aux sports et celui des services du Médiateur de la République ont été renégociés. De même, je signale à l'attention particulière du Président Arthuis, attentif au sujet, qu'une lettre du ministre chargé du budget a été adressée au président de la Cour de justice de la République, en vue de trouver une solution au coût excessif du bail de cette institution. Toutefois, cette recommandation, à ce jour, semble être restée sans suite.
M. Jean Arthuis, président. C'est regrettable !
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. D'autre part, et surtout, des mesures « structurantes » ont été décidées pour la gestion du parc locatif de l'Etat. En particulier, un marché de renégociation des baux franciliens a été lancé. Toutes opérations confondues, aujourd'hui, le ministère met en avant une économie globale de 36,5 millions d'euros par an. C'est un bon début.
En outre, des normes commencent à être fixées pour encadrer les baux qui seront contractés, dans l'avenir, par les services de l'Etat. Ainsi, en Ile-de-France, les loyers supportés par ce dernier ne pourront plus dépasser 400 euros par mètre carré, hors taxes et hors charges. En ce qui concerne les autres agglomérations, le Gouvernement devrait soumettre prochainement au Conseil de l'immobilier de l'Etat, pour avis, ses propositions.
Il faut soutenir, bien sûr, ces avancées. C'est dans cette perspective que je vous présenterai un amendement, qui vise à améliorer l'information donnée au Parlement sur la performance immobilière des différents ministères.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose l'adoption sans modification des crédits du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».
M. Denis Badré. Je remercie la rapporteure spéciale pour la clarté de sa présentation.
Il me semble qu'une fois prélevé, le cas échéant, le montant nécessaire au financement du relogement des services, les recettes de cessions immobilières de l'Etat devraient contribuer au désendettement par principe, et n'être affectées à des dépenses immobilières que par exception, pour des investissements dûment motivés. Il resterait à motiver les ministères pour qu'ils rationnalisent leurs moyens immobiliers ; la rapporteure spéciale a indiqué la voie à suivre à cet effet.
Par ailleurs, la diminution des surfaces de bureaux occupées par l'Etat devrait se traduire par des économies de fonctionnement. Qu'en est-il ?
M. Jean Arthuis, président. - Les administrations ne sont parfois guère incitées à réduire leur emprise immobilière... Par exemple, les universités ont longtemps été réticentes à le faire, parce que leur dotation de fonctionnement était précisément calculée sur la base de la surface des bâtiments qu'elles occupaient !
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. La proposition de notre collègue Denis Badré relative à l'affectation des recettes de cessions immobilières, qui tendrait à donner la priorité à la contribution au désendettement sur la contribution à des investissements immobiliers, me semble prématurée. En effet, les services déconcentrés sont seulement sur le point d'être tous dotés de SPSI ; ces documents, élaborés à partir des diagnostics dont les bâtiments ont fait l'objet, vont permettre de dresser un bilan de la situation, en identifiant les besoins, et de tracer les perspectives de rationalisation à moyen terme. Attendons la mise en oeuvre, évaluons ses effets. L'affectation de principe des produits au désendettement constitue certainement l'objectif final, mais ne brûlons pas les étapes.
L'effet des réductions d'occupation de surfaces de bureaux sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat, aujourd'hui, est encore mal établi. De mon point de vue, cela tient notamment à la déconnection de deux réformes : d'une part, la RéATE, menée sous l'autorité des préfets ; d'autre part, la révision générale des politiques publiques (RGPP), dont la mise en oeuvre est suivie par le ministère chargé du budget. Le Gouvernement n'a pas articulé l'une à l'autre, comme il convenait.
L'amendement que je propose, qui tend à créer un article additionnel après l'article 100 du projet de loi de finances, est de nature à permettre d'y voir plus clair. Il prévoit en effet que la surface utile nette, les ratios d'occupation par poste de travail et le coût global d'occupation des bâtiments de l'Etat à usage principal de bureaux, ainsi que tous les autres indicateurs qui permettraient d'apprécier la performance immobilière, se trouvent retracés, par ministère et en distinguant l'administration centrale et les services déconcentrés, en annexe au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion de chaque exercice.
M. François Fortassin. Je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle. J'ai été amené à négocier, pour le compte du conseil général auquel j'appartiens, l'acquisition d'un bâtiment de l'Etat occupé par le ministère de la défense. Après avoir obtenu un accord de principe sur cette vente, je me suis heurté, pendant plusieurs mois, à un blocage complet de la part du ministère. Or il s'est avéré que la difficulté résidait, pour l'essentiel, dans un motif aussi futile qu'inacceptable : ce bâtiment, bien qu'il ne soit plus utile aux armées, restait utilisé par les militaires, à titre de commodité d'hébergement, à l'occasion de leur passage dans le département ! En me fondant sur cet exemple concret, je crois qu'il existe un certain nombre de réticences au changement dont les causes véritables ne sont pas dites, parce qu'elles ne sont pas avouables...
M. Jean-Pierre Fourcade. Au cours de la période 2005-2009, l'Etat a réalisé 3,1 milliards d'euros de produits de cessions immobilières. Sur ce montant, il a consacré à son désendettement moins de 440 millions d'euros, soit 14 %. J'observe la même sous-affectation au désendettement en ce qui concerne les recettes issues de la cession de participations financières. Ce sont des choix que je déplore. Les objectifs, en la matière, sont souvent ambitieux ; les résultats s'avèrent décevants.
Par ailleurs, je suis préoccupé par le coût que représentera, ex post, le regroupement des services centraux du ministère de la défense. D'une part, comme presque toujours dans le cas de grands chantiers, les opérations de construction vont vraisemblablement se révéler plus onéreuses que prévues. D'autre part, je doute que l'on parvienne à vendre les plus prestigieux des immeubles que le ministère est supposé quitter. L'expérience montre, en effet, que la tentation des administrations est très forte de conserver les fleurons du patrimoine immobilier qu'elles occupent... Quel devenir, par exemple, pour l'Hôtel de la Marine ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. Le sort exact de ce bâtiment n'est pas encore déterminé. Une location par voie de bail emphytéotique est envisagée ; peut-être certaines activités commerciales seront-elles autorisées au preneur.
D'une manière générale, il est malaisé de voir clair dans les opérations immobilières du ministère de la défense. Les cessions, d'ailleurs, sont souvent complexes et difficiles à négocier. À Paris, elles sont susceptibles de faire intervenir la Ville, qui peut faire jouer, en vue de la réalisation de logements sociaux, un droit de priorité d'acquisition des immeubles.
La maîtrise des coûts, en tout cas, est aux mains du ministère, qui jouit d'une certaine autonomie...
M. Jean Arthuis, président. - La RGPP, qui s'applique aux administrations déconcentrées d'une manière tangible, doit s'imposer également aux administrations centrales.
M. Jean-Pierre Fourcade. Du moins, la réduction des surfaces de bureaux occupées par l'Etat va dans le bon sens.
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. Certes ; encore faut-il pouvoir en mesurer le résultat en termes d'optimisation de la gestion immobilière. C'est l'objet de l'amendement que je vous propose, partant du principe que les cessions sont loin de résumer la performance qu'il est légitime, sur ce plan, d'attendre de l'Etat.
M. Edmond Hervé. Les difficultés que peuvent rencontrer les cessions immobilières du ministère de la défense trouvent leur origine, pour une part, dans le renouvellement relativement rapide des équipes. En effet, une vente importante exige du temps ; or les agents du ministère occupent rarement les mêmes fonctions pendant plus de deux années. De ce fait, les interlocuteurs des acquéreurs potentiels changent souvent. Il y a là un problème d'organisation du ministère, qui doit assurer une meilleure continuité dans le suivi de ces opérations.
À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par la rapporteure spéciale, tendant à ajouter un article additionnel après l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et de l'article additionnel ainsi ajouté.
Loi de finances pour 2011 - Mission Action extérieure de l'Etat - Examen du rapport spécial
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur la mission « Action extérieure de l'Etat » et l'article 67 du projet de loi de finances pour 2011.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - En ces temps de rigueur budgétaire, un premier regard sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pourrait donner l'impression que le ministère des affaires étrangères et européennes est relativement privilégié. En effet, à périmètre constant, les crédits de la mission progressent de 2,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 3,7 % en crédits de paiement (CP). Ils s'élèvent ainsi à 2,962 milliards d'euros pour les AE et à 2,965 milliards d'euros pour les CP.
Cependant, ce constat mérite d'être relativisé.
Tout d'abord, parce que le Quai d'Orsay, qui a commencé à réduire ses effectifs dès 2006, soit trois ans avant l'application à l'ensemble des ministères des mesures de la révision générale des politiques publiques (RGPP), poursuit son effort en la matière. Pour 2011, il sera dans la norme commune : 135 suppressions d'emplois, hors mesures de périmètre, soit environ la moitié des départs en retraite prévus cette même année (282 équivalents temps plein travaillés - ETPT). Mais, bien que depuis 2006, il ait déjà perdu 10 % de ses effectifs, il ne sera pas exonéré de la deuxième vague de la RGPP : ainsi, il devra supprimer 450 nouveaux emplois sur les deux années 2012 et 2013.
En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j'ai déjà salué cette démarche, qui s'est accompagné d'importantes réorganisations que je vous ai décrites lors de l'examen des derniers budgets, tant au niveau central que dans les postes. Je me demande néanmoins si nous n'allons pas bientôt atteindre les limites de l'exercice. Ainsi, selon les informations qui m'ont été communiquées, les missions de la trentaine d'ambassades qui ont été transformées en « postes de présence diplomatique » n'ont pas été redéfinies, alors même que les réductions d'effectifs se sont concrétisées. A mes yeux, nous n'atteindrions pas notre but si nous nous contentions d'avoir le même type de prestations qu'auparavant, simplement dégradées par la diminution des emplois.
En somme, si des marges de progression existent sans doute encore, notamment dans le réseau culturel, voire dans le réseau consulaire à condition d'être prêt à assumer la fermeture de certains petits postes, à moyen terme, la question du maintien de l'universalité du réseau va se poser. Je compte aller voir à Londres ce qu'on fait nos amis britanniques et en rendre compte à notre commission.
M. Jean Arthuis, président. - Il s'agit là d'un débat fondamental. Nous n'avons plus les moyens de notre politique.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Cependant, monsieur le président, vous connaissez mon attachement à l'universalité de notre réseau diplomatique. Serons-nous pris au sérieux si nous fermons nos ambassades ?
M. Jean Arthuis, président. - Nous ne le serons pas non plus si nos ambassadeurs prennent des engagements que nous n'avons pas les moyens de tenir...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Sur les autres crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », le mouvement le plus notable concerne les participations de la France aux organisations internationales (OI) et aux opérations de maintien de la paix (OMP). Les crédits affectés à ce titre passent de 738,6 millions d'euros en 2010 à 842,6 millions d'euros en 2011, soit une hausse de plus de 14 %. La principale cause de ce recalibrage est la prise en compte d'un taux de change euro-dollar plus réaliste (1,35 dollar pour un euro au lieu de 1,56 dollar auparavant). J'ai assez insisté sur la nécessité de présenter des chiffres sincères au Parlement pour ne pas m'en féliciter. Toutefois, il s'agit là de crédits contraints, reflétant des obligations auxquelles la France ne saurait se soustraire et dont le Quai d'Orsay ne peut disposer librement.
En matière culturelle, plusieurs points sont à signaler.
En premier lieu, la maquette et le nom du programme 185 ont été modifiés. On ne parle plus de « Rayonnement culturel et scientifique » mais de « Diplomatie culturelle et d'influence ». En outre, ce programme rassemble tous les crédits dédiés à cette politique tandis qu'auparavant, seuls les crédits culturels destinés aux pays développés y figuraient, les actions conduites dans les pays en développement relevant alors du programme 209. Le nouveau découpage m'apparaît plus pertinent et je souscris donc à ce changement.
En termes opérationnels, 2011 verra la mise en place concrète des deux établissements publics créés par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat de juillet dernier.
Il s'agit, d'une part, de l'Institut français, qui succédera à CulturesFrance. Plaidant de longue date, tout comme Yves Dauge et Louis Duvernois, pour une réforme profonde de notre politique culturelle extérieure, je ne peux que me féliciter de ce changement dans le paysage administratif. Néanmoins, comme dans toute réforme, la mise en oeuvre effective est au moins aussi importante que le cadre législatif défini par le Parlement. En l'espèce, il faudra que le ministère de la culture s'implique réellement dans la définition des actions menées par l'Institut français, même si seul le MAEE détiendra la tutelle de cet établissement public. Cette implication paraît s'amorcer, avec notamment le détachement de huit emplois du ministère à l'Institut français, et surtout la présence de Sylviane Tarsot-Gillery, issue du ministère de la culture, à la direction générale déléguée. De plus, j'estime qu'à terme, le réseau culturel à l'étranger devra être rattaché à la nouvelle agence. Les postes semblent prêts à s'engager dans cette voie, une quinzaine d'entre eux s'étant portés candidats pour une expérimentation, ce qui est une bonne nouvelle.
Il s'agit, d'autre part, de CampusFrance, qui regroupera l'association Egide et l'actuel groupement d'intérêt public (GIP) CampusFrance. Après notre audition pour suite à donner à l'enquête que nous avons commandée à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le 13 octobre dernier, je me contenterai d'appuyer, une nouvelle fois, les recommandations de la Cour. Ainsi, dans l'immédiat, il convient d'assurer au mieux les conditions matérielles de la fusion, en particulier le choix du siège. Les relations financières de l'opérateur avec l'Etat devront ensuite être redéfinies dans un cadre conventionnel de manière appropriée. Enfin, les tutelles de l'opérateur devront apprendre à travailler ensemble sur ce sujet d'importance qu'est l'attractivité de notre enseignement supérieur. De ce point de vue, il vaudrait d'ailleurs mieux que les tutelles ne soient que deux, et donc que le ministère chargé de l'immigration n'obtienne pas ce statut.
S'agissant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), sa subvention reste fixée à 420,8 millions d'euros. Comme je l'ai détaillé dans le rapport écrit, ce niveau, élevé dans l'absolu, ne permet pas à cet opérateur d'absorber une charge pour pensions civiles qui devrait passer de 142 à près de 160 millions d'euros en 2013. En conséquence, une forte dynamisation des ressources propres et en particulier de la participation à la rémunération des résidents, c'est-à-dire une contribution adossée aux frais de scolarité, apparaît inéluctable. En l'état actuel des estimations de l'AEFE, l'accroissement devrait être de près de 24 % ce qui représente un effort considérable en recettes. De plus, ces recettes nouvelles seront affectées à la couverture de la pension civile au détriment d'autres besoins de dépenses de l'agence, je pense en particulier à l'immobilier.
A propos du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », je me contenterai de souligner la progression continue de la prise en charge des frais de scolarité (PEC) et des bourses, dont le coût devrait passer de 107 millions à 119 millions d'euros l'an prochain. Cette hausse continue, tirée notamment par la forte augmentation des frais pratiqués par les établissements, apparaît difficilement supportable dans un cadre budgétaire contraint. Je vous proposerai d'insérer un article additionnel dans ce projet de loi de finances afin de traiter cette question.
Je terminerai cette présentation par quelques mots sur le programme 332 « Présidence française du G 20 et du G 8 », dont la création est proposée par le présent projet de loi de finances. Comme son nom l'indique, ce programme doit permettre de retracer les dépenses engagées au titre de la préparation et de la tenue des sommets, sur le modèle de ce qui a été fait, au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », pour la présidence française de l'Union européenne en 2008. Hors dépenses de sécurité, le budget prévu s'élève à 60 millions d'euros en AE et à 50 millions d'euros en CP, ce qui semble raisonnable, voire ambitieux. Selon le Quai d'Orsay, l'Elysée a passé des consignes de l'Elysée pour que cette enveloppe soit strictement respectée.
Au terme de cette analyse et dans l'attente du vote de l'Assemblée nationale qui pourrait modifier certains équilibres, je vous invite à proposer au Sénat d'adopter ce budget sans modification. J'aurai néanmoins une initiative à vous proposer dans le cadre de la discussion des articles.
M. Jean Arthuis, président. - Peut-être pourriez-vous évoquer dès à présent l'article rattaché, ainsi que votre proposition d'amendement portant article additionnel.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Si vous le souhaitez, monsieur le président.
L'article 67 du projet de loi de finances, rattaché à la mission, concerne le financement des adhésions au régime d'assurance maladie-maternité de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) de nos compatriotes les plus démunis résidant hors de France, et même plus précisément dans un Etat situé hors de l'Espace économique européen.
Lorsque ces Français souhaitent adhérer à ce régime, une partie de leur cotisation est prise en charge, à leur demande, par le budget de l'action sanitaire et sociale de la CFE. Mais, pour le financement de cette action, la Caisse reçoit un concours de l'Etat. En pratique, c'est donc l'Etat qui doit prendre à sa charge la totalité du coût de 2,5 millions d'euros des adhésions dites « de troisième catégorie » à cette caisse.
L'article que nous examinons propose de modifier ces dispositions de sorte que le budget de l'action sanitaire et sociale de la CFE soit financé, pour ce qui concerne les adhésions de « troisième catégorie », « par la Caisse des Français de l'étranger et par un concours de l'Etat ». Ainsi serait affirmé un principe de solidarité interne à la CFE qui pourrait être complété par une contribution nationale.
Je vous propose d'adopter cet article sans modification car il paraît normal que la CFE assume une partie de la charge résultant des adhésions de troisième catégorie avant le concours éventuel, si nécessaire, de la solidarité nationale au travers d'un concours financier de l'Etat. En outre, d'après les éléments transmis par le MAEE, la CFE dispose des réserves nécessaires pour assumer cette charge, son fonds de roulement s'élevant à 42 millions d'euros au 31 décembre 2009. Pour votre parfaite information, sachez que la ligne affectée à la CFE à ce titre dans le projet de budget 2011 s'élève à 500 000 euros.
Quant à mon amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 67, il concerne, une nouvelle fois, la question de la PEC. Il s'agit, là encore, de proposer de plafonner la prise en charge, en termes de montant et indépendamment du niveau de ressource des foyers bénéficiaires, contrairement à ce que nous avons tenté de faire il y a deux ans.
Une maîtrise des coûts permettrait, à mon sens, de garantir la pérennité de cette mesure. Je voudrais souligner qu'une telle initiative, déjà votée à deux reprises par le Sénat en première délibération, me semble raisonnable et relativement mesurée. Elle revient à étendre aux établissements conventionnés ou « à gestion directe » une pratique déjà en vigueur pour ce qui concerne les établissements homologués.
En outre, elle devrait permettre de limiter l'inflation des frais de scolarité, qui a également des conséquences sur le montant des bourses scolaires versées à partir du programme 151 et de maîtriser un budget qui progresse chaque année de manière significative dans un cadre contraint.
M. Jean Arthuis, président. - Je remercie le rapporteur spécial pour la qualité de son travail, qui pose des questions de fond, notamment celle de la dimension du réseau, ainsi que pour sa constance.
M. Denis Badré. - A propos d'éventuelles fermetures d'ambassades, elles me paraissent exclues en ce qui concerne nos représentations auprès de nos vingt-six partenaires de l'Union européenne, ainsi que des institutions bruxelloises. Les ambassadeurs des Etats de l'Union en poste dans ces Etats exercent, dans une large mesure, un métier très différent de celui de leurs collègues, au vu de l'étroitesse de nos liens et de notre communauté d'intérêts.
En revanche, dans les pays tiers, nous devrions envisager une mutualisation avec certains de nos partenaires, par exemple dans le domaine consulaire.
M. Edmond Hervé. - Tout comme le rapporteur spécial, j'ai été attristé par l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur Egide.
Par ailleurs, à propos du rôle des ambassadeurs, il me semble qu'ils devraient être, avant tout, des animateurs de présence. Or, je ne pense pas que nous tenions une comptabilité correcte de notre présence à l'extérieur. Par exemple, nous ne prenons pas en compte l'activité de nombreux universitaires français hors de nos frontières alors que cela serait important. Comme le sait Yves Dauge, cette remarque vaut également pour l'activité de nombreuses associations compétentes en matière d'urbanisme.
M. Yves Dauge, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - J'approuve la présentation du rapporteur spécial.
Mais je tiens à insister sur le fait que la réussite de l'Institut français dépendra de la réalité de l'implication des ministères autres que la MAEE, c'est-à-dire le ministère de la culture, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faudrait également impliquer nos grands établissements publics culturels, jusqu'à présent pas assez associés à notre politique culturelle extérieure. Nous devrons pousser en ce sens car il y aura des résistances.
D'autre part, les transferts d'emplois du MAEE vers la nouvelle agence impliqueront des changements de contrats, qui auront un coût. Il me semble indispensable de bien l'évaluer avant d'approfondir l'expérimentation prévue par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je souscris également aux propos du rapporteur spécial.
Notre diplomatie d'influence, assumée jusque dans l'intitulé du programme 185, s'inscrit désormais pleinement dans notre stratégie extérieure. J'apprécie, par ailleurs, que le ministre des affaires étrangères et européennes, ait réuni, hier, les parlementaires les plus impliqués dans le débat afin que nous effectuions ensemble le suivi de l'application de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat.
S'agissant du réseau de l'AEFE, je crois que nous n'avons plus les moyens de nos ambitions. Pour autant, nous ne saurions brader notre réseau d'écoles et de lycées français à l'étranger. Nous devons donc trouver autre chose. Une réflexion profonde sur notre offre éducative à l'étranger s'impose d'urgence.
Enfin, je soutiens l'amendement d'Adrien Gouteyron sur la PEC. La prise en charge est une bonne mesure mais elle doit être régulée, comme le propose l'amendement. Le rapport que Geneviève Colot et Sophie Joissains viennent de remettre au Président de la République sera instructif à cet égard.
Mme Nicole Bricq. - Le rapport auquel Louis Duvernois vient de faire référence n'étant pas connu, je préfère ne pas me prononcer de manière définitive. Néanmoins, je regrette que l'amendement proposé par le rapporteur spécial ne prenne pas en compte les revenus des parents des élèves. La PEC a, dans une large mesure, déplacé une charge assumée par les entreprises vers l'Etat, ce qui n'est pas satisfaisant.
M. Jean Arthuis, président. - Cet amendement est volontairement mesuré. Je n'exclus pas d'aller plus loin, à titre personnel.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Je prends bonne note de l'ensemble de ces interventions, dont certaines n'appellent pas de réponse.
J'adhère au souhait de Denis Badré en faveur d'une meilleure coordination des diplomaties nationales et du Service européen d'action extérieure (SEAE), tout en observant que la création de ce service prend du temps et que nous nous trouvons un peu « dans le flou ». D'autre part, je le renvoie aux conclusions du rapport d'information n° 502 (2009-2010) que j'ai rédigé avec Jean-Louis Carrère sur les implantations communes du réseau diplomatique. Il pourra y découvrir les pesanteurs administratives qui freinent la création de telles structures, lesquelles ne permettent, d'autre part, pas de réaliser de réelles économies.
Je souscris aux propos d'Edmond Hervé relatifs à la nécessité de bien comptabiliser les activités de nos « forces vives » hors de France. J'ajouterai que cette remarque vaut également pour la coopération décentralisée, dont on ne tire pas suffisamment partie.
Je suis également d'accord avec Yves Dauge pour souligner l'importance du suivi des coûts du transfert de personnels du réseau culturel vers l'Institut français.
Je remercie Louis Duvernois pour son soutien à mon amendement. Je souligne que le Sénat s'est, le premier, intéressé à ce sujet et que nous avons déjà obtenu, à mon initiative, le « moratoire » grâce auquel la PEC n'a pas été étendue aux collèges.
Enfin, je voudrais dire à Nicole Bricq que j'ai déjà proposé, dans le passé, de plafonner la PEC en fonction du revenu des parents d'élèves. J'ai volontairement choisi, cette année, de proposer une démarche pragmatique ayant des chances d'aboutir.
À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par le rapporteur spécial, tendant à insérer un article additionnel après l'article 67 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » et de l'article 67 ainsi que l'adoption de l'article additionnel ainsi inséré.
- Présidence commune de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -
Contrôle budgétaire de la mise en place du revenu de solidarité active - Communication
Au cours d'une seconde séance tenue le matin, la commission entend, conjointement avec la commission des affaires sociales, une communication de M M. Albéric de Montgolfier, Auguste Cazalet, rapporteurs spéciaux, et Mme Colette Giudicelli, rapporteure, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - La commission des affaires sociales et la commission des finances sont à nouveau réunies ce matin pour la présentation des conclusions du contrôle budgétaire sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), que nous avons mené avec Colette Giudicelli et Albéric de Montgolfier.
Le RSA a succédé au RMI. Mais il a aussi considérablement innové par rapport à celui-ci. Tout d'abord, il a permis l'harmonisation de deux minimas sociaux en fusionnant le RMI et l'allocation de parent isolé, l'API. Pour ce motif, il est calculé en fonction des charges de famille.
Plus encore, la réforme a introduit un cadre conceptuel nouveau. En effet, le RSA a été conçu pour que la reprise d'activité entraîne, à coup sûr, une hausse de revenus pour ses bénéficiaires. Auparavant, pour un Rmiste, la reprise d'emploi pouvait se traduire par une perte de ressources. En effet, ce statut lui permettait aussi de bénéficier des droits connexes attachés à l'allocation, comme la couverture maladie universelle (CMU), l'exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, sans compter les nombreux droits connexes complémentaires tels que la gratuité des transports ou de certains services publics. Aussi la reprise d'activité entraînait-elle, outre la perte du RMI, la disparition des avantages liés au statut d'allocataire que ne compensaient pas les revenus tirés du travail.
Pour corriger cet effet de « trappe à inactivité », le RSA permet à celui qui reprend un emploi d'améliorer sa situation financière. La loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d'insertion a refondé notre politique d'aide sociale pour répondre non plus à une logique de statut mais à une logique de ressources, permettant ainsi d'englober les « travailleurs pauvres ». Ainsi, contrairement au RMI, une personne qui travaille mais qui retire des revenus trop faibles de son activité sera éligible au RSA.
Deux cas doivent être distingués : pour les personnes privées d'emploi et sans ressources, la solidarité nationale garantit un revenu minimum, que nous appelons le RSA-socle ; celles qui travaillent, ou qui viennent de reprendre un emploi, mais dont les ressources sont inférieures à un seuil, perçoivent un complément de revenus, que nous appelons RSA-activité ou RSA-chapeau. Le dispositif est conçu pour que celui qui passe de la première à la seconde catégorie voie le niveau global de ses ressources augmenter.
Prenons quelques exemples : un célibataire, sans enfant et sans ressources, est assuré de percevoir environ 460 euros. Un couple avec deux enfants dans lequel aucun des deux époux ne travaille recevra un peu moins de 1 000 euros. Si, dans le même couple, l'un des conjoints trouve un emploi et gagne 600 euros par mois, le foyer percevra un complément de RSA-activité d'environ 738 euros, ce qui portera ses ressources totales à plus de 1 300 euros. Il y a donc un réel gain à la reprise d'un emploi, même à temps partiel.
Bien évidemment, le dispositif est dégressif : plus le salaire augmente et plus le complément de RSA diminue jusqu'à un point de sortie. Pour un célibataire sans enfant, le point de sortie est légèrement supérieur au Smic net à temps plein.
Comme nous le disait hier, en audition, le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, les dernières données disponibles montrent que 1,1 million de ménages sont bénéficiaires du RSA-socle pour un montant moyen d'environ 427 euros par mois et 650 000 bénéficiaires perçoivent le RSA-activité pour un montant moyen d'environ 170 euros par mois.
En fait, nous distinguons les deux types de RSA car le socle est financé par les conseils généraux tandis que le RSA-activité est financé par l'Etat ou, plus précisément, par le fonds national des solidarités actives (FNSA). En réalité, pour les bénéficiaires, il s'agit d'un dispositif unique : leur dossier est instruit dans les mêmes conditions. Le président du conseil général octroie l'allocation et elle est servie, suivant les cas, par la Caf ou la MSA. Ensuite, les Caf ou les MSA se retournent soit vers les conseils généraux, soit vers l'Etat, pour obtenir le remboursement des sommes versées.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Le RSA a d'abord été un dispositif expérimental prévu par la loi Tepa de juillet 2007. Au vu des premiers retours d'expérience très positifs, il a été décidé de le généraliser, ce qui a été fait par la loi du 1er décembre 2008. Le RSA généralisé est entré en vigueur le 1er juin 2009 en métropole et sera étendu le 1er janvier prochain dans les Dom.
Voilà donc un peu plus d'un an que le dispositif fonctionne et l'on imagine aisément qu'une réforme d'une telle ampleur puisse créer des complications, des tensions, voire des incompréhensions. C'est dans ce contexte que nous nous sommes rendus, à plusieurs reprises, sur le terrain pour apprécier les difficultés persistantes, ce dont Colette Giudicelli rendra compte dans quelques instants.
Le RSA, c'est également un enjeu financier considérable. En 2007, lors d'une audition devant la commission des finances, Martin Hirsch avait estimé que, en régime de croisière, il pourrait coûter jusqu'à 9 milliards d'euros. Dans un contexte de crise, cette prédiction s'est, hélas, réalisée. Ainsi, en 2009, les départements ont versé près de 7 milliards au titre du RSA-socle. Ce montant pourrait atteindre plus de 8,4 milliards en 2010, soit une augmentation de 23 %. Le FNSA, au titre du RSA-activité, aura décaissé, à fin 2010, 1,3 milliard. Au total, ce sont donc 9,7 milliards qui seront redistribués, cette année, par la solidarité nationale.
Dans le cadre de ce contrôle budgétaire, nous n'avons pas abordé la question de la compensation par l'Etat des transferts aux départements du RMI puis de l'API.
M. Bernard Cazeau. - C'est dommage...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - En effet, malgré l'actualité que nous connaissons tous, il est apparu que la compensation du RMI est un sujet ancien qui n'est en rien affecté par la mise en place du RSA. Avec la crise, nous aurions connu un effet-ciseaux identique si le RMI était resté en l'état.
Le RSA a néanmoins entraîné un transfert de compétence : celui de l'API. Cette ancienne prestation d'Etat représentait un budget d'environ 1 milliard. La compensation définitive de l'API sera arrêtée en loi de finances pour 2012 après deux ajustements, l'un en 2010, l'autre en 2011 prévu à l'article 25 du PLF. Nous n'avons donc pas inclus cette question dans notre contrôle mais il va de soi que nous resterons très vigilants, l'année prochaine, au respect d'une juste compensation.
En revanche, le FNSA a retenu toute notre attention. Ce fonds, qui gère les crédits destinés à financer le RSA-activité, est alimenté par la contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des placements que nous avions spécifiquement votée pour neutraliser le coût de la mise en place du RSA. Si la ressource fiscale n'est pas suffisante pour couvrir les dépenses du fonds, une dotation d'équilibre de l'Etat lui est également versée.
En 2009, pour sa première année d'activité - et plus précisément demi-année - le FNSA a décaissé environ 100 millions par mois. En 2010, ce montant s'élève à peine à 110 millions. La montée en charge du RSA-activité est donc très lente alors que le FNSA a été largement doté en vue d'affronter l'afflux massif de demandes en 2010.
Ainsi, à l'heure où les départements sont de plus en plus asphyxiés par les dépenses sociales, le FNSA accumule des excédents de trésorerie qui, à mon sens, ne sont pas prêts de se résorber. A la fin de l'année 2010, le FNSA disposera d'un fonds de roulement d'environ 1,2 milliard. Fin 2011, d'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, il s'élèverait encore à près de 950 millions. Cela suppose, de surcroît, une montée en charge du RSA-activité deux à trois fois plus rapide que le rythme actuel, ce qui paraît peu crédible. Certes, 2011 devrait être une année de reprise économique mais le ministère ne nous a toujours pas transmis des chiffrages détaillés justifiant cette hypothèse, que nous pouvons qualifier d'optimiste.
Concrètement, je crains que le fonds ne soit encore largement excédentaire l'année prochaine et les suivantes. Le Gouvernement argue d'un lissage sur une période de trois ans pendant laquelle la trésorerie du FNSA serait réduite peu à peu. Il ne s'agit que d'une justification a posteriori de l'excédent constaté. En tout état de cause, sans une montée en charge plus rapide, le fonds restera structurellement excédentaire.
Nous proposons par conséquent de réaffecter une partie de sa trésorerie aux départements afin de desserrer la contrainte de financement qu'ils connaissent actuellement. Nous déposerons des amendements en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.
Nous nous interrogeons également sur l'existence même du FNSA. Initialement, il avait été mis en place afin de flécher l'utilisation de la nouvelle contribution de 1,1 % vers le seul RSA-activité. Il s'agissait donc d'un outil de transparence. Force est de constater qu'aujourd'hui, il est devenu un instrument d'opacité budgétaire que le Gouvernement utilise notamment pour contourner la norme d'augmentation des dépenses. Il faudra peut-être envisager la suppression de ce fonds dont l'existence est contraire aux principes d'unité, d'universalité et de sincérité budgétaires et dont les avantages sont, à l'usage, peu évidents.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Nous avons effectivement parlé hier au ministre, Marc-Philippe Daubresse, de la possibilité de réaffecter une partie des fonds du FNSA aux départements. Il a d'abord été catégorique : c'est impossible ! A la fin de la réunion, il s'est montré moins affirmatif...
Après l'exposé des enjeux budgétaires, je souhaite vous présenter les conditions dans lesquelles le RSA s'est mis en place et les questions qui se posent aujourd'hui. L'ampleur du sujet nous a conduits à nous en tenir aux points essentiels.
Il faut tout d'abord souligner que la multiplicité des acteurs, voulue dès l'origine, est source de difficultés persistantes : juridiquement, le RSA est attribué par le président du conseil général, lequel finance en grande partie l'allocation, supervise l'ensemble du dispositif et, en raison de ses compétences traditionnelles, s'occupe du volet insertion sociale ; parce qu'elles instruisent le dossier et versent l'allocation, les Caf, et dans une moindre mesure la mutualité sociale agricole (MSA) ont le rôle de guichet d'accueil ; Pôle emploi est chargé d'assurer un accompagnement professionnel adapté. Pour autant, d'autres acteurs peuvent être amenés à intervenir selon les spécificités locales de l'action publique, soit au niveau du dépôt des dossiers, soit dans les volets d'insertion professionnelle ou sociale : les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les associations du type mission locale ou Plie (plan local pour l'insertion et l'emploi), les organismes de placement professionnel, etc.
Cette multiplication des acteurs est une constante du monde social et le législateur a souhaité utiliser cette richesse tout en incitant à un travail collectif. Ainsi, diverses conventions doivent être signées, principalement entre le conseil général, les Caf et Pôle emploi.
On peut déjà relever, comme première difficulté, que les ressorts territoriaux de ces différents acteurs ne coïncident pas toujours : toutes les Caf ne sont pas encore départementales ; Pôle emploi a maintenant une structure fortement régionalisée ; les conseils généraux s'organisent parfois en divisions territoriales disposant d'une grande latitude et n'étant pas nécessairement liées hiérarchiquement au service central qui est en contact direct avec la Caf.
Au-delà de cette observation, on peut citer trois conséquences potentiellement négatives de cette complexité. D'abord, l'éventuel cloisonnement entre les approches sociale et professionnelle. Au moment de l'attribution, le conseil général oriente le bénéficiaire soit vers Pôle emploi ou un autre organisme de placement en vue d'une insertion professionnelle - c'est la voie « prioritaire » -, soit vers un organisme compétent en matière d'insertion sociale. Certains conseils généraux estiment que cette première orientation peut segmenter l'accompagnement des bénéficiaires et ne s'effectue pas dans une complémentarité suffisante. Entre six mois et un an après la première orientation, une équipe pluridisciplinaire, constituée à l'initiative du conseil général, peut être amenée à examiner le dossier des personnes qui restent durablement sur la voie d'une insertion sociale. L'intervention de cette équipe est peut-être trop tardive. Ce sentiment est conforté par ce qui nous a été dit lors de nos déplacements, à Bordeaux ou à Grenoble : il apparaît que les bénéficiaires du RSA orientés vers Pôle emploi relèvent du droit commun des demandeurs d'emploi et ne sont pas suivis par des conseillers spécifiques ou des procédures adaptées.
Ensuite, des problèmes persistants d'échanges informatiques. Un dispositif comportant autant d'acteurs ne peut correctement fonctionner que s'ils sont tous suffisamment informés des dossiers des bénéficiaires, ce qui impose des contraintes techniques : le système informatique des Caf, unique pour l'ensemble des prestations qu'elles gèrent, est l'un des plus volumineux de France alors que les conseils généraux utilisent différents logiciels, par nature plus modestes.
Selon les conseils généraux, qui remboursent les Caf, les factures émises par elles ne sont pas toujours individualisées, ce qui peut alimenter des doutes sur la fiabilité des données et, dans le contexte financier actuel, susciter une fébrilité inutile. Qui plus est, la loi a mis l'accent, par exemple en créant un référent unique par allocataire, sur l'individualisation du traitement des dossiers, si bien que le partage des informations doit bien être le plus large possible.
Des groupes de travail ont été constitués pour améliorer la situation mais on peut déjà s'interroger sur les modifications structurelles que la Cnaf engage mensuellement sur sa base de données et qui semblent à chaque fois obliger les conseils généraux à actualiser leurs systèmes informatiques. La caisse nationale ne pourrait-elle pas y procéder moins fréquemment ? Ces bases de données nécessitent-elles toujours des modifications telles qu'elles empêchent la récupération des informations par les collectivités ?
Enfin, on le voit plutôt avec Pôle emploi, certaines difficultés sont apparues dans le traitement des données personnelles. Elles semblent en voie de résorption mais le législateur ne pourrait-il autoriser l'automatisation des flux de transmission ? Il en résulterait une meilleure gestion de l'allocation grâce à un traitement plus précis des dossiers.
Troisième conséquence : le RSA reste complexe pour les bénéficiaires, dès le stade de la demande, puis lors des différentes démarches exigées. Si d'importants progrès ont été réalisés, notamment informatiques, il n'y a pas encore de guichet unique personnel, qui supposerait une évolution majeure du système de prise en charge et son décloisonnement. Cela peut partiellement expliquer une montée en charge du RSA-activité, plus lente que les estimations qui en avaient été faites.
Cependant, la complexité administrative ou la difficulté de diffuser des informations simples à des publics cibles ne sont pas suffisantes pour comprendre ce phénomène ; on peut également estimer que des bénéficiaires potentiels choisissent de ne pas solliciter l'allocation, par exemple parce que le montant estimé serait faible au regard des démarches à effectuer ou parce que le RSA reste assimilé au RMI, ce qui peut amener un sentiment de stigmatisation ou de disqualification sociale pour des gens qui travaillent, même s'ils n'en retirent que des ressources faibles. Il faudra approfondir l'analyse de ces comportements individuels dans le cadre d'une évaluation à moyen terme du RSA.
Finalement, ce contrôle budgétaire met en exergue le délicat équilibre entre efficacité des politiques publiques, justice sociale et juste niveau des dépenses. Par exemple, l'obligation pour les allocataires de fournir une déclaration trimestrielle des revenus part d'une idée positive : adapter l'allocation au plus près de la situation personnelle, au bénéfice de l'allocataire quand sa situation se dégrade, au bénéfice des finances publiques quand sa situation s'améliore. Pour autant, à quel moment la mesure entraîne-elle un coût disproportionné, tant pour les individus que pour les gestionnaires ? Le Gouvernement l'a bien compris, puisque cette déclaration qui tenait sur deux pages et contenait seize catégories de ressources est depuis peu limitée à une page et cinq catégories. Coûteuse en termes de gestion, cette obligation est également lourde pour les allocataires et elle a des conséquences immédiates : remboursements demandés aux allocataires ou réductions d'allocation pour indu.
Il y a là matière à réflexion ; je pense qu'il faudrait garder un peu de souplesse et éviter, autant que possible, la rétroactivité des décisions.
Rapidement, trois autres points. D'abord, les retards dans la mise en place de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi (Apre). Cette allocation a été créée pour compléter les aides existantes et répondre à des besoins spécifiques du retour à l'emploi, en matière de transport, d'habillement, de logement, d'accueil des jeunes enfants, d'obtention d'un diplôme ou d'une certification. Elle peut être distribuée par le référent unique, prévu par la loi pour accompagner les allocataires, c'est-à-dire le plus souvent par Pôle emploi. Des crédits de 75 millions étaient prévus en 2009 mais très peu ont été consommés cette année-là : l'aide a été volontairement laissée à la discrétion des acteurs locaux, pour lui donner toute son efficacité, mais cela a pu entraîner une certaine inertie ou une peur de la dépense de la part de gestionnaires peu habitués à ce type de liberté... En outre, les différents arrêtés permettant de « faire descendre » les fonds au niveau local ont beaucoup tardé : par exemple, en Isère, l'arrêté du préfet pour répartir les fonds a été signé le 27 novembre 2009 pour les crédits 2009. Il s'agissait certes de la première année mais, dans ce même département, l'arrêté 2010 n'était pas encore signé lors de notre déplacement début juillet. Les crédits de l'Apre s'élèvent à 150 millions en 2010. Le projet de loi de finances pour 2011 propose un montant de 84 millions, qui nous semble suffisant vu la montée en charge, plus lente que prévue, de cette allocation : en Isère toujours, les crédits 2009 n'ont été consommés qu'à hauteur de 20 % à la date du 30 juin 2010. Au final, nous croyons que l'Apre peut apporter un coup de pouce réel aux bénéficiaires du RSA, mais elle doit être simplifiée et sa gestion plus réactive. Alors que le code du travail ne le prévoit pas explicitement, elle est de fait divisée en deux enveloppes : une nationale, gérée par Pôle emploi qui la redistribue dans ses antennes locales ; une départementale, attribuée par le préfet aux différents organismes compétents. Il semblerait plus opérationnel de confier directement l'ensemble de l'Apre à Pôle emploi.
Deuxième sujet : la récente mise en place du RSA jeunes. Le RSA a été étendu aux moins de vingt-cinq ans depuis le 1er septembre, à la condition qu'ils aient travaillé suffisamment dans les trois ans qui précèdent la demande. Il est encore trop tôt pour évaluer la mise en place de cette mesure, mais le législateur y sera naturellement attentif.
Enfin, l'extension aux départements d'outre-mer, qui aura lieu le 1er janvier prochain. Il s'agit d'une mesure de justice et d'équité. Il faudra veiller à ce que les moyens humains et techniques des caisses soient ajustés pour gérer l'afflux certain de dossiers. Le passage du RMI au RSA est à peu près automatique mais la partie activité de l'allocation risque d'entraîner de très nombreuses demandes sur ces territoires où l'activité économique est particulièrement tendue. Par ailleurs, nous avons pris acte du choix du Gouvernement de conserver parallèlement le revenu supplémentaire temporaire d'activité, pour ceux qui en sont aujourd'hui bénéficiaires et qui ne souhaitent pas passer au RSA. Ce RSTA a été créé il y a un an et demi, au moment de la crise sociale dans les Antilles. Ses caractéristiques sont différentes de celles du RSA, puisqu'il tend à apporter un complément forfaitaire de rémunération à ceux qui travaillent mais dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil. Bien sûr, on ne pourra pas cumuler les deux allocations. L'idée du Gouvernement est que les bénéficiaires choisissent l'allocation la plus adaptée à leur situation individuelle ; il n'est pas certain que la population soit à même de faire ce calcul. Qui plus est, cela fait coexister deux dispositifs proches et assez complexes.
Pour conclure, nous souhaitons saluer l'impressionnant travail des personnels des Caf qui ont fait face à un pic d'activité très important pendant environ un an : 14 % de visites supplémentaires et 40 % d'appels téléphoniques en plus. Les caisses se sont adaptées : des recrutements ont eu lieu mais, en raison des délais de formation, les personnels sont parfois arrivés « après la bataille » ; de nombreuses heures supplémentaires ont été réalisées ; des caisses ont fermé leurs bureaux certains jours pour traiter le stock de dossiers en attente ; une régulation nationale a été organisée.
Ces graves difficultés, qui appartiennent - espérons-le - au passé, doivent nous amener à réfléchir sur les délais d'expérimentation de la mise en place d'une allocation telle que le RSA. Le temps de la décision politique et celui de la capacité à mettre les choses en place sur le terrain sont nettement différents et notre pays oublie trop souvent cet impératif.
Cela étant, nos observations ne doivent pas réduire l'importante avancée que constitue le RSA ; c'est un peu la particularité d'un contrôle budgétaire que de mettre en avant les difficultés pour mieux les résorber et il ne faudrait pas que vous retiriez de celui-ci une image négative de ce RSA.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Grâce à vous, nous n'en retirerons pas une image négative.
Sur le plan statistique, s'il est vrai que 1,1 million de ménages bénéficient du RSA-socle et 650 000 du RSA-activité, il y en a, parmi ces derniers, 200 000 qui perçoivent un peu de RSA-socle car le niveau de leurs revenus d'activité reste inférieur à l'ancien RMI.
Par ailleurs, on dit que serait peut-être allouée une prime de Noël dont les 350 millions seraient prélevés sur le FNSA, ce qui allègerait un peu son excédent de trésorerie.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - C'est ce qui s'est passé pour la prime de 2009, mais il restera quand même un excédent, sauf augmentation considérable du nombre des bénéficiaires du RSA-activité. On a voulu créer un dispositif de financement transparent et il est logique que le FNSA finance le RSA, qu'il soit socle ou activité, afin de soulager un peu les départements.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le parlementaire souhaite surtout soulager le budget de l'Etat.
M. Jacky Le Menn. - Albéric de Montgolfier nous a dit que, devant les premiers résultats positifs du RSA, on a souhaité le généraliser. Alors qu'initialement l'expérimentation devait durer trois ans, elle n'a été que de six à sept mois en Ille-et-Vilaine. Avant même cette expérience, nous connaissions le public concerné et nous avions vu ce qui allait se passer. Mais on ne nous a pas laissé le temps de donner l'alerte. Nous anticipions déjà les difficultés informatiques et de convergence entre les départements et les Caf. Nous ne sommes donc pas du tout étonnés de voir surgir ces problèmes qu'on aurait pu désamorcer en amont. Si on nous avait laissé poursuivre l'expérimentation pendant deux ans, on aurait pu lancer la généralisation sur de bons rails. Nous étions volontaires pour le faire. Qui veut voyager loin, ménage sa monture...
Mme Gisèle Printz. - Je rencontre des personnes qui ignorent qu'elles peuvent bénéficier du RSA. Je les envoie à Pôle emploi mais je ne sais pas si c'est la bonne démarche.
M. Jean Desessard. - Je remercie Mme Giudicelli d'avoir noté dans son rapport les problèmes informatiques et l'insuffisant délai d'expérimentation. Tout cela, je l'avais dénoncé en séance publique. J'avais aussi soulevé la question des déclarations trimestrielles qui ne conviennent pas du tout à ce genre de public. Si l'opposition avait été écoutée, on aurait évité ces difficultés.
Albéric de Montgolfier dit « craindre » que le FNSA soit largement excédentaire. Quel mot aurait-il employé s'il était déficitaire ? Et pourquoi ce fonds serait-il devenu un « instrument d'opacité budgétaire » ? Au contraire, je trouve intéressant qu'on ait permis un fléchage du financement du RSA.
M. Jean-Louis Lorrain. - Toute nouvelle politique nécessite de nouveaux outils et de nouvelles formations. Un « guichet unique » aura des conséquences sur l'utilisation des crédits. Entre les Caf et les départements, la pratique du conventionnement s'est-elle répandue ? L'interférence avec l'API, c'est encore une complexification pour les départements.
La sous-utilisation des crédits ne signifie pas qu'une politique est mauvaise, mais seulement que des ajustements sont nécessaires.
M. Marc Laménie. - Comment aider les départements à faire face à l'explosion des dépenses liées au RSA ? Par quels moyens lutter contre les fraudes, qui coûtent des sommes non négligeables ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Comment la question des droits connexes a-t-elle évolué avec la mise en place du RSA ?
Comme Jean Desessard, je m'interroge sur l'expression d'« opacité budgétaire » employée par le rapporteur. Il me paraît aussi plutôt judicieux d'avoir attribué des ressources spécifiques au financement de l'allocation.
Le rapport indique que la solidarité nationale contribue au financement de l'allocation pour un montant de 9,7 milliards d'euros. Ne devrait-on pas plutôt parler de solidarité départementale ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - L'Etat en finance une part importante.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Mais le RSA-socle, responsable de la plus grosse partie des dépenses, est financé par les conseils généraux.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Jacky Le Menn a raison : la mise en place trop rapide du RSA a occasionné des dysfonctionnements, notamment dans les Caf, mais ils ont été réglés.
M. Jacky Le Menn. - Au prix de quels efforts !
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - La montée en puissance du dispositif a été plus lente que prévu, mais le même phénomène avait été observé pour le RMI.
Marc Laménie, nul ne dit que les dépenses liées au RSA sont excessives, mais qu'elles mettent les départements en difficulté : dans les Alpes-Maritimes, elles s'élèvent à 120 millions d'euros par an, qui s'ajoutent au coût des autres allocations versées par les conseils généraux, alors que les droits de mutation ont baissé.
S'agissant de la communication, une campagne a été lancée en 2009. Mais je suis d'accord pour dire qu'il faut maintenant privilégier une communication ciblée, par exemple par le biais de courriers plutôt que de spots télévisés. En outre, les services sociaux savent bien qui sont les bénéficiaires potentiels du RSA.
Mme Muguette Dini, présidente. - Le ministre Daubresse nous a assurés hier que des courriers étaient adressés à ces personnes en même temps que ceux de la Caf, mais on pourrait envisager d'autres modes de communication ciblée, moins coûteux et plus efficaces.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Jean Desessard évoquait une déclaration mensuelle, ce qui présenterait des avantages et des inconvénients. Les Caf, les conseils généraux et Pôle emploi ne disposent pas des moyens adéquats pour partager leurs informations, et un tiers des dossiers fait l'objet, chaque mois, d'une actualisation de son contenu.
M. Jean Desessard. - Nous l'avions bien prévu au moment du vote de la loi.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Les fraudes doivent être distinguées des indus involontaires, rapidement détectés et recouvrés à 88 % selon la Cnaf. Pour lutter contre la fraude proprement dite, nous disposons désormais d'outils juridiques et techniques, les organismes gestionnaires ayant par exemple accès aux données du fichier national des comptes bancaires ; en outre, depuis fin 2008, les Caf reçoivent systématiquement les déclarations fiscales de leurs allocataires. Il faut mieux mobiliser les acteurs et diversifier les moyens de prévention et de répression. Un rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale préconise de simplifier les dispositions relatives à l'échange d'informations entre administrations et organismes sociaux.
Quant aux droits connexes, ils ont fait l'objet d'un excellent rapport de Sylvie Desmarescaux en mai 2009.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Sont-ils pris en compte dans le calcul des ressources des allocataires ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Naguère le statut de RMIste donnait droit à certaines exonérations, par exemple de la taxe d'habitation. Aujourd'hui on ne prend en compte que le niveau de ressources.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Mais peut-être certaines collectivités territoriales continuent-elles à attribuer des droits en fonction du statut.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Que Jean Desessard ne se méprenne pas : je serais très heureux, en ces temps de disette financière, qu'un poste budgétaire fût excédentaire ! Mais il n'est pas satisfaisant de voir coexister un RSA- socle, structurellement déficitaire, à la charge des conseils généraux, et un RSA-activité, structurellement excédentaire, à la charge du FNSA. Martin Hirsch avait promis l'an dernier que le dispositif monterait bientôt en puissance, mais on attend toujours.
Je reviens sur la notion d' « opacité budgétaire ». Je me réjouis que le FNSA jouisse de ressources affectées mais celles-ci devraient être exclusivement dédiées au financement du RSA, et non pas à la prime de Noël ou à des prélèvements budgétaires, comme ce fut le cas lors de la loi de finances rectificative relative au « grand emprunt ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La dotation budgétaire est manifestement supérieure aux besoins.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Pourquoi ne pas diminuer le taux du prélèvement sur les revenus du patrimoine qui financent le FNSA ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - D'un autre côté, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est structurellement sous-financée : le manque est de l'ordre de 100 millions d'euros par an, alors que ces crédits appartiennent à la même mission « Solidarité ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - C'est l'Etat qui finance la plus grande partie du RSA. La question renvoie au débat sur le RMI. Même si une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est affectée aux départements, l'Etat occupe une part majoritaire dans leurs ressources. La montée en puissance du RSA suit avec un décalage d'un an la courbe du chômage. La progression de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) a été de 8 % ; le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) n'a pas bougé : 500 millions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le conseil général étant en l'occurrence l'opérateur de l'Etat, ne peut-on imaginer que ces trois prestations (Apa, AAH et RSA) fassent l'objet d'un budget annexe des départements ? On déduirait ces 4,7 milliards des 12,5 que l'Etat leur verse et ils évolueraient sur la base de la dépense réelle.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - On s'intéresse alors au delta. Qui le finance ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ces dotations évolueraient en fonction de la dépense réelle, le reste en fonction du contexte budgétaire et de la volonté du Parlement.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Curieux raisonnement que celui qui considère que les transferts expriment la solidarité nationale. Avec la réforme de la taxe professionnelle, les régions vont être les opérateurs de l'Etat pour toutes leurs compétences puisqu'elles n'ont pratiquement plus de ressources propres. Il faut y être attentif !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Les régions perçoivent 25 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; les 75 % correspondent aux impôts qu'elles levaient auparavant.
Mme Michèle André. - Vous observez que l'API a été transférée en deux temps et que vous resterez vigilant sur la compensation. Avez-vous des inquiétudes ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - On verra précisément ce que sera la compensation à l'issue de la loi de finances pour 2012 et l'on fera le compte.
Mme Patricia Schillinger. - Si l'on veut éviter des effets pervers, il faut travailler en réseau. Je suis élue d'une région frontalière et l'on sait bien que certains allocataires du RSA vont travailler au noir de l'autre côté de la frontière. Leurs ressources sont en réalité bien supérieures à celles des personnes éligibles au RSA et qui en ont vraiment besoin. Il faudrait sans doute pouvoir contrôler la situation réelle des personnes, ce que feraient les assistantes sociales si elles étaient plus nombreuses.
Mme Muguette Dini, présidente. - M. Daubresse a écrit aux maires des villes de plus de cinq mille habitants pour les sensibiliser et les informer des procédures du RSA.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Il faut en effet s'appuyer davantage sur les structures qui oeuvrent au contact des publics, comme les centres communaux d'action sociale (CCAS).
Mme Patricia Schillinger. - Les agents chargés des opérations de recensement ont parfois découvert des situations stupéfiantes, des enfants cachés non déclarés par les parents, des couples se déclarant parent isolé... Cela fait mal quand on pense à ceux qui auraient vraiment besoin d'être aidés.
Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous propose, mes chers collègues, d'autoriser la publication de ce rapport.
A l'issue de ce débat, les commissions des affaires sociales et des finances donnent acte de leur communication aux rapporteurs et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - C'est le premier rapport que je suis amenée à établir et je veux dire ma joie et ma satisfaction de siéger à la commission des affaires sociales.