- Mardi 14 septembre 2010
- Mercredi 15 septembre 2010
- Conventions fiscales - Examen du rapport
- Mise en oeuvre des investissements financés par l'emprunt national - Audition de M. René Ricol, commissaire général à l'investissement
- Projet de décret d'avance - Communication
- Audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Mardi 14 septembre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Rapport d'information sur l'avenir des services à la personne - Communication
La commission entend tout d'abord une communication de M. Joseph Kergueris, rapporteur, sur le rapport d'information n° 589 (2009-2010) sur l'avenir des services à la personne, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, sur la proposition de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président. - En janvier 2009, dans le cadre de l'audition de Michèle Debonneuil sur le plan de développement des services à la personne, notre commission avait débattu de ses propositions sur l'essor de « l'économie quaternaire » et sur les perspectives nouvelles de créations d'emplois et de croissance offertes par les métiers de service au sens large. C'est pourquoi il est apparu utile, sur la proposition de notre commission, que la délégation sénatoriale à la prospective étudie des pistes novatrices de développement des emplois de services essentiellement non délocalisables.
L'année 2009 a été marquée par la crise économique mondiale et un questionnement sur les nouvelles formes d'industrialisation des emplois de services. L'essor des services à la personne s'appuie massivement sur les financements publics, or la commission des finances prône une baisse globale soit des allègements généraux de sécurité sociale, soit des dispositifs fiscaux dérogatoires. Ce débat est pleinement d'actualité à l'orée de la discussion budgétaire, et la parution du rapport d'information de Joseph Kergueris intervient fort à propos pour éclairer le débat sur la fiscalité des services à la personne.
M. Joseph Kergueris, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. L'ampleur du soutien public dévolu aux services à la personne et les espoirs que leur développement suscite appelaient en effet une analyse économique et prospective. J'ai tâché de dresser un bilan de la politique de soutien au secteur, puis d'en évaluer le potentiel et la soutenabilité - sachant que nombre de mes observations se fondent sur un outil statistique encore incomplet.
De 0,7 % de la valeur ajoutée de l'économie en 2005, les services à la personne approcheraient 1 % en 2010, soit 16 milliards d'euros : ce n'est pas le Big bang annoncé par le « Plan Borloo » de développement des services à la personne de 2005, qui agrège un ensemble de métiers dont l'utilité sociale est contrastée, tels que les services de confort et les services rendus à des publics fragiles.
Premier objectif du soutien à ce secteur : le travail dissimulé a bien connu une réduction, qui reste cependant difficilement mesurable. Deuxième objectif : la création d'emplois. La part des services à la personne dans l'emploi total est passée de 3,4 % en 2005 à 3,7 % en 2008, mais avec moins de 100 000 équivalents temps plein créés, on est loin de l'objectif de 500 000 emplois. Cette politique vise encore à accompagner l'augmentation de la dépendance, libérer la participation au marché du travail -notamment celle des femmes-, accompagner des évolutions sociétales comme la « care revolution » ou « l'économie quaternaire ».
Le plan Borloo misait sur la professionnalisation et la structuration de ces activités, et sur leur industrialisation : aides et exonérations devaient soutenir la demande de services inédits, satisfaits par des entreprises innovantes, réduisant ainsi les effets d'aubaine.
Ce faisant, la demande est largement financée : la charge publique totale passerait de 10 milliards d'euros en 2005 à 16 milliards en 2010. Outre les subventionnements directs, du type de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), on dénombre dix-huit niches fiscales et sociales, dont le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile qui représente, à lui seul, près de 3 milliards d'euros.
Le coût du soutien au secteur croît plus vite que son activité, limitant les effets de levier : en 2008, la valeur ajoutée du secteur atteint 15 milliards d'euros pour 14 milliards de soutien public. Sur la période 2005-2008, j'évalue le coût brut par emploi créé à 50 000 euros annuels, ce qui implique de puissants effets d'aubaine. Une analyse segmentée se heurte à des difficultés méthodologiques, les résultats publiés oscillant entre 7 000 et 120 000 euros.
Le bilan social paraît en revanche plus favorable : les aides départementales corrigent certaines inégalités ; la qualité des emplois créés serait moins mauvaise qu'on ne le dit, et les salariés eux-mêmes auraient une bonne image de leur emploi et de leur rémunération ; de très nombreux travailleurs ont, enfin, été déclarés et ont quitté le travail dissimulé.
Cette politique est-elle soutenable, sur le plan budgétaire et économique ? Dès les années 2020, avec le retour au plein emploi, ces services pourraient phagocyter des salariés qui, adéquatement formés, seraient plus productifs dans d'autres secteurs de l'économie.
Notre scénarisation a nécessité une exploration démographique. Le cycle de vie des individus a été découpé en six phases, dont chacune se caractérise par une certaine propension à recourir aux différents types de services aux ménages. Les résultats changent lorsque les bornes des phases du cycle de vie sont reculées : ainsi, l'allongement de la phase de « retraite active » étend d'autant la période durant laquelle une personne peut apporter soins et services à son entourage, et repousse la demande d'autres services. Conséquence de l'allongement de la vie, les besoins liés à la dépendance devraient refluer ces dix prochaines années, et ne croîtront qu'au cours des années 2020.
Les dépenses consolidées prennent en compte certains services collectifs -les crèches et les maisons médicalisées- qui sont substituables aux services à la personne. Ce champ élargi représente un soutien public de 40 milliards d'euros, soit 1 % du PIB. Les services à la personne sont ainsi moins coûteux que la prise en charge collective. Dans notre scénario tendanciel, la reconduction des mesures de soutien actuelles, au taux de recours observé, ferait passer le poids du soutien aux services de 2,1 % à 1,7 % du PIB. Un désengagement des aides publiques ne ferait gagner que 0,2 point de PIB. Enfin, dans le scénario d'un recours accru aux services aux ménages, le poids du soutien public dans le PIB resterait stable, mais cette part pourrait augmenter si la rigueur budgétaire se prolonge et rendre cette trajectoire insoutenable sur le plan budgétaire.
À court terme, la dépense publique dédiée aux services à la personne, même de confort, ne resterait soutenable que si la demande n'est pas trop dynamique. En cas de « rabotage » des aides, des gains de productivité pourraient cependant assurer la pérennisation de ces services.
Mais il est urgent d'optimiser la fiscalité, et donc de recalibrer certaines dépenses. Un élargissement du crédit d'impôt pour l'emploi à domicile, par exemple aux retraités, pourrait entraîner des créations d'emploi, alors qu'une baisse du plafond de réduction -actuellement de 15 000 euros avec deux enfants- n'emporterait qu'une perte marginale. Ce plafond pourrait être diminué progressivement, de sorte à tendre vers une certaine neutralité budgétaire, voire vers une diminution de la dépense fiscale pour un bilan neutre en termes d'emploi. Toute réforme nécessitera cependant une exploration fiscale préalable confirmant l'impact du crédit d'impôt sur l'emploi. En outre, les exonérations ou réductions de TVA dans le secteur coûtent près de 800 millions d'euros, pour une efficacité discutée, sachant que les répercussions sur les prix sont souvent incomplètes.
À plus long terme, dans un contexte de plein emploi, il faut anticiper une réduction des aides aux services de confort, car il conviendra de recentrer les moyens sur l'éducation et la recherche pour rester compétitifs et financer ultérieurement les besoins liés au vieillissement. À cet horizon, des innovations technologiques, notamment dans le domaine de l'information et de la communication, permettront sans doute une prise en charge de la dépendance au domicile à moindre coût.
Affecter indéfiniment une main d'oeuvre peu qualifiée dans des secteurs certes non délocalisables mais peu productifs serait la marque d'une société frileuse et inégalitaire, où ceux qui gagnent plus payent moins à d'autres pour assumer des tâches domestiques mal réparties dans le couple, le tout au prix d'une croissance sous-optimale dans une économie ouverte. Étudions plutôt l'exemple suédois où le recours aux emplois à domicile est peu développé.
Quoi qu'il advienne, il conviendra d'isoler la politique de soutien des services de confort de celle concernant les personnes fragiles, pour laquelle les dispositifs existants d'action sociale peuvent se substituer aux aides apportées à des services collectifs. Une mesure consolidée de la performance s'impose, non pas en termes de créations d'emploi mais d'accès au meilleur service pour un coût public et privé maîtrisé.
M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ce rapport très éclairant. Le gisement d'emplois annoncé n'a donc pas donné les résultats espérés : sans doute était-ce utopique d'attendre 500 000 créations d'emploi... Cette politique a un coût pour la collectivité. Quant aux emplois, ils ne sont pas délocalisables - sauf dans l'économie parallèle ! Cela mérite d'étudier avec vigilance toute modification sur les aides existantes.
Vous proposez de réduire le plafond ouvrant droit aux aides, mais de réinvestir ces économies en élargissant le public susceptible d'en bénéficier... Cela vaut qu'on y réfléchisse. L'aide fiscale est substantielle. Ne pourrait-on imaginer que les emplois à domicile viennent en déduction du revenu imposable, plutôt que de leur appliquer un crédit d'impôt de 50 %, cadeau bien généreux pour des personnes aux revenus déjà élevés ?
Mme Nicole Bricq. - Vous relevez le plafond tous les ans !
M. Joseph Kergueris, rapporteur. - En tant que président de conseil général, je comprends votre position. Admettons qu'un ménage sollicite une aide extérieure pour travailler efficacement et ainsi contribuer à l'économie nationale : cela s'apparente à une charge d'exploitation du ménage. Il est intéressant pour un ménage largement fiscalisé de déduire ces charges du calcul de son revenu imposable. Toutefois, de nombreux ménages peu ou pas fiscalisés ont recours à ces aides : la charge est alors supérieure à l'économie qu'ils peuvent espérer. Le crédit d'impôt actuel leur permet d'être remboursés d'une partie de la dépense.
M. Jean Arthuis, président. - Il y a donc des gens qui n'ont pas de revenu imposable mais qui arrivent à payer des salaires et perçoivent à ce titre un crédit d'impôt de 50 % ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur. - Les choses sont transparentes : il s'agit généralement de quelques heures de ménage ou de garde d'enfant, qui peuvent être prélevées sans peine sur le revenu du ménage.
M. Philippe Dallier. - Les titulaires de ces emplois ont une vision positive de leur situation, dites-vous. Cela tient-il à leur rémunération ? Dans mon expérience, il n'est pas simple de trouver quelqu'un qui accepte d'être déclaré, et le taux horaire a alors tendance à s'envoler, au motif qu'il y a une aide de l'État... Pourrait-on envisager de plafonner le taux horaire subventionné ?
Mme Fabienne Keller. - Je félicite le rapporteur, qui nous a apporté un éclairage nouveau sur les effets de levier de ces aides.
Avec le crédit d'impôt, le particulier perçoit, quoi qu'il arrive, la moitié de ce qu'il a dépensé, que ce soit sous forme de réduction d'impôt ou de remboursement. Il s'agit de supprimer les charges sociales pour lutter contre le travail au noir.
Je m'étonne que l'on évalue le coût moyen d'un emploi à 50 000 euros par an : c'est plus que le salaire total, charges incluses ! Y aurait-il des cumuls d'avantages ? Sous-estime-t-on le nombre d'emplois réellement créés ?
M. Éric Doligé. - A-t-on mesuré l'efficacité de ces aides publiques au regard des résultats escomptés ? Le coût moyen par emploi est colossal par rapport aux sommes versées au salarié. Peut-on soustraire de l'analyse les coûts administratifs ?
M. Roland du Luart. - Je m'interroge sur la possibilité d'obtenir des gains de productivité dans le domaine de l'aide aux personnes dépendantes.
M. Joseph Kergueris, rapporteur. - Ces dispositifs sont récents, et l'appareil statistique sujet à caution. Nous avons affaire à des chercheurs ou à de grandes associations qui peuvent infléchir les analyses selon leurs champs d'intérêt ou leurs expériences. Certains considèrent l'ensemble des aides fiscales, budgétaires et sociales de toute nature, en englobant les aides de la CAF. D'où des hypothèses qui vont de 16 à 40 milliards d'euros...
L'Agence nationale des services à la personne publie un baromètre de la qualité et de la professionnalisation de ces emplois, qui révèle que les salariés sont souvent plus qualifiés, et qu'ils se disent plus satisfaits de leur situation que ce que l'on imagine. Les études sont basées sur des équivalents temps plein, car tous les temps partiels ne sont pas contraints. En outre, les salariés raisonnent en revenu net et non brut : on peut ainsi préférer gagner moins mais éviter un long trajet quotidien... Le tableau n'est pas idyllique, mais il n'y a pas lieu de noircir la réalité de ces emplois plus que les salariés ne le font eux-mêmes ! Il est donc difficile d'apporter un chiffrage précis des coûts et de l'efficacité des aides publiques.
Régulation bancaire et financière - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis, la commission examine le rapport de M. Philippe Marini et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 555 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Depuis la faillite, il y a deux ans seulement, de Lehman Brothers, bien des mesures d'urgence et d'accompagnement de la sortie de crise ont été prises. Le Parlement français y a pris sa part, au travers du groupe de travail conjoint Assemblée nationale - Sénat, mais aussi des groupes de travail de notre commission des finances, l'un sur la crise financière, qui a donné lieu, l'an dernier, à 57 propositions, l'autre plus récent, sur le financement des entreprises, dont les conclusions sont intégrées au rapport sur ce projet de loi.
Réformer la régulation est une oeuvre complexe, qui requiert le temps de la concertation internationale et avec les acteurs professionnels, sachant que l'autonomie nationale, en cette matière, est contrainte par les normes mondiales, les pratiques professionnelles et le droit communautaire. Nous conservons cependant toujours la capacité d'exprimer notre volonté, voire d'orienter les évolutions du droit communautaire, ainsi que nous allons nous efforcer ici de le faire sur plusieurs points.
Au-delà, ce projet de loi comporte beaucoup de dispositions diverses qui l'apparentent à un DDOEF, un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier - ce n'est pas dans ma bouche une critique, tant je crois à la nécessité de tels rendez-vous devant le Parlement.
En matière de régulation, nous avons des failles à combler et une cohérence à retrouver. Le monde financier de l'après-crise n'est plus celui que nous avons connu : il a remis en cause ses certitudes, parmi lesquelles le postulat de l'efficience du marché ainsi que la confiance dans les capacités d'autorégulation des acteurs et de mutualisation des risques. Nous assistons à un retour de la norme - et pas seulement de droit public. Les évolutions répondent à trois principes : la transversalité et l'exhaustivité, pour joindre à des dispositions juridiques parfois un peu factices des mesures propres à prévenir et corriger les risques ; la transparence, qui a connu, depuis la crise, une puissante accélération ; la responsabilisation des acteurs, avec ses conséquences pour les banques et les établissements de crédit. Les modèles nationaux de régulation sont soumis à de fortes critiques. On reproche aux États-Unis une approche trop sectorielle, trop segmentée ; au Royaume Uni une structure trop unifiée, dont l'efficacité n'est pas toujours avérée.
La France, sans autosatisfaction, ne s'en est pas si mal sortie. Nos banques universelles ont bien résisté ; nous n'avons pas connu, à la différence de ce qui s'est passé dans les années 1990, de véritable crise immobilière et nous sommes loin de l'insécurité que recèlent les produits américains en ce domaine, du fait que l'endettement des ménages est chez nous globalement plus faible qu'aux États-Unis tandis que la titrisation n'a pas pris la même ampleur que dans d'autres pays.
Reste que notre modèle ne saurait rester immobile, d'où la mise en place d'une nouvelle Autorité de contrôle prudentiel et les mesures destinées à protéger les clients des investisseurs - je pense, ici, aux dispositions relatives aux métiers d'intermédiation financière. Ce texte veille aussi à assurer une bonne coordination entre l'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel.
Une nouvelle dynamique internationale est née de la crise : il importe qu'elle ne s'essouffle pas. La relative déception du G20 de Toronto montre qu'il n'est pas simple d'aborder, au-delà des mesures d'urgence, les questions structurelles, tant sont multiples les intérêts en jeu. La crise a conduit à modifier profondément les bilans des banques centrales, ce qui emporte d'importantes conséquences. Reste que l'écueil à éviter, en ces temps de retour à la normale, est la tentation du « business as usual ».
De nouvelles problématiques sont apparues dans la zone euro, notamment celle du risque souverain. Si la probabilité d'un scénario en W, dit « double dip », semble cependant écartée, les mesures d'accompagnement exigent un pilotage complexe, un « fine tuning ».
L'Europe est ambitieuse. Nous avons devant nous toute une série de textes communautaires. Certaines mesures sont déjà prises, d'autres en négociation, d'autres enfin en cours de mise en oeuvre. L'agenda législatif communautaire est au moins aussi chargé que le nôtre : nous sommes loin de l'époque où le commissaire McCreevy réclamait une pause législative...
En matière de droit de la concurrence, la Commission européenne, entre octobre 2008 et mars 2010, a approuvé des régimes d'aide au secteur financier et des mesures ponctuelles à hauteur de 4 131 milliards d'euros, preuve que le droit de la concurrence a été interprété différemment à la lumière de la crise...
Il existe toujours une compétition, en Europe, entre places financières : à nous d'utiliser au mieux les opportunités qui s'offrent à nous. Nous nous situons aujourd'hui quelque part entre transposition et recherche de solutions nouvelles. Les États-Unis, avec la loi Dodd-Frank, ont repris la main, ce qui renforce la nécessité d'y voir clair dans notre cadre européen. La place de Paris conserve des atouts, elle peut développer un nouvel écosystème compétitif. Il s'agit de trouver la bonne articulation entre attractivité et sécurité. L'attractivité ne réside pas dans le laisser-faire : la sécurité peut être un facteur d'attractivité. Parmi nos atouts, je compte la gestion collective, où il ne faudrait pas perdre l'initiative ; les infrastructures « post-marché » ; la localisation, à Paris, de l'une des trois futures autorités de régulation européennes, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) ; le développement de comportements nouveaux - rachat d'obligations, mise en place de nouveaux titres sécurisés, ici pour le financement de l'habitat.
Au plan international, de nouvelles thématiques apparaissent : réforme du système monétaire international et, leçon de la crise, encadrement des dérivés sur les produits de base. Pour la zone euro, des dispositions sont en préparation destinés à raffermir la confiance dans les instruments de dette publique.
Dans l'accompagnement de la reprise, la question du financement des entreprises est cruciale. L'État a été actif pendant et après la crise. Le groupe Oséo s'est imposé comme acteur essentiel. Ce texte doit accroître ses capacités et simplifier son organisation. Le Médiateur du crédit a montré son utilité : organisation « commando » qui a fait beaucoup en marge des instruments juridiques, grâce au dynamisme du premier titulaire du poste et à la souplesse des mécanismes mis à sa disposition.
Il est essentiel, aujourd'hui, de faire le point sur l'efficacité de l'existant. C'est ce que nous avons tenté de faire dans le cadre de notre groupe de travail interne à la commission, sur le financement des entreprises. Il en ressort, sur l'action des banques, un constat nuancé. Les encours des établissements de crédit aux entreprises ont reculé de 0,9 % en 2009, alors que l'objectif, pour les banques conventionnées, était une croissance de 3,5 %. La moyenne de la zone euro fait cependant apparaître une contraction de 2,3 %. Il faut rendre justice à l'État : la progression des encours pour les banques signataires d'une convention avec l'État a été de 2,7 %.
L'utilisation des fonds du livret A non centralisés à la Caisse des dépôts et consignations reste un sujet préoccupant. Nous en avions traité à l'article 145 de la loi de modernisation de l'économie d'août 2008, qui prévoyait l'affectation aux prêts aux PME ou pour des travaux d'économie d'énergie d'un quota de ces fonds. Selon l'Observatoire de l'épargne réglementée, les fonds restant au bilan des établissements de crédit ont augmenté de 12,5 milliards d'euros entre 2008 et 2009, pour s'établir, au 31 décembre 2009, à 85,6 milliards d'euros. Corrélativement, les encours de prêts aux PME ont progressé de 6,4 milliards d'euros, tandis que ceux pour travaux d'économies d'énergie augmentaient de 1,8 milliard d'euros, si bien que l'écart resté dans les bilans des banques, sans contrepartie, est de 4,2 milliards d'euros. Ceci appellera de notre part, madame la ministre, des interrogations, voire des initiatives...
Notre groupe de travail préconise de ne pas manquer le rendez-vous de la reprise. Chacun doit certes rester dans ses responsabilités, mais nous insistons sur le fait que les dispositions de la loi de modernisation de l'économie quant à la centralisation d'office de ces fonds et relatives à la rémunération de l'épargne réglementée doivent être clairement respectées. Nous appelons de nos voeux une augmentation du capital propre d'Oséo, afin que le groupe respecte les ratios prudentiels, et saluons la simplification des structures entreprise.
Je ne m'étendrai pas sur les apports de ce texte, qui vise à renforcer la supervision des acteurs et des marchés, puisque Mme Lagarde nous en a fait, la semaine dernière, une présentation exhaustive. L'Assemblée nationale a bien travaillé. Elle a étendu le champ de la régulation, en donnant compétence à l'AMF sur les produits dérivés et les contrats sur échange de défaut (CDS - credit default swap) ; fait prévaloir le principe de transparence sur les prêts de titres avant une assemblée générale ; amélioré certaines procédures de droit boursier ; sur les prêts à découvert et le délai de règlement-livraison, elle s'est montrée très volontariste... Pour assurer l'efficacité de la régulation, elle a ratifié l'ordonnance créant l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), veillé au contrôle du Parlement, relevé certains plafonds de sanctions, fait prévaloir la publicité des décisions de sanction de l'AMF et de l'ACP. Elle a souhaité, pour responsabiliser les acteurs, la création d'un comité des risques dans les établissements financiers et d'un comité des rémunérations dans les établissements de crédit et les entreprises d'investissement. Elle s'est montrée très offensive sur les agences de notation, en adoptant des dispositions destinées à rendre nulles de droit toutes clauses exonératoires et limitatives de responsabilité dans les contrats de notation. Elle a, enfin, adopté des mesures intéressant Alternext, la finance solidaire ainsi que l'outre-mer.
Le Sénat peut travailler à perfectionner encore ce texte. Pour améliorer la régulation, nous pourrons engager un débat utile sur la mise en oeuvre d'une procédure de transaction devant l'AMF ; aller plus loin sur la publicité des séances de la commission des sanctions de l'AMF ; instituer plus de symétrie dans les procédures respectives de l'AMF et de l'ACP ; travailler aux modalités du contrôle de l'AMF sur les conseils en investissement financier ; préciser le régime juridique des centralisateurs d'ordres sur OPCVM ; donner suite enfin, et cela réjouira Mme Keller, à nos positions récurrentes, confirmées par notre groupe de travail, sur la question environnementale, en instituant de vraies mesures de surveillance des marchés de quotas de carbone.
Afin de renforcer la transparence, la responsabilité des acteurs et la lutte contre les abus, nous proposerons un aménagement des clauses des contrats de notation. Je vous proposerai également des dispositions destinées à éviter les effets pervers des prêts de titres ; l'extension du champ de compétence des comités des rémunérations ; un dispositif réaliste sur le délai de règlement-livraison... autant de mesures destinées à lutter contre les trous noirs de la régulation.
Afin de rationaliser certaines procédures du droit boursier, nous vous proposerons des dispositions sur le retrait obligatoire, l'action de concert, le périmètre des titres à prendre en compte pour apprécier le seuil d'offre publique obligatoire, le régime de rachats d'action sur Alternext. Pour sécuriser le financement des entreprises, nous vous proposerons de préciser le régime des nouvelles obligations de financement de l'habitat. Afin de promouvoir la place de Paris, nous prévoyons un régime encadré de rachat d'obligations par les émetteurs en vue d'animer le marché secondaire. Nous aurons également à débattre du refinancement d'Oséo via des outils particuliers.
M. Jean Arthuis, président. - Je remercie notre rapporteur qui a su nous familiariser avec un texte dont les enjeux restent très techniques, et nous mettre en appétit...
M. Joël Bourdin. - Les transactions sur le marché à terme de matières premières sont-elles couvertes par le texte ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Tous les instruments financiers sont couverts. Nous allons même plus loin, en proposant d'y assimiler les transactions sur les quotas carbone, comparables à des matières premières.
Examen des articles
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 1 prévoit la participation au Conseil de régulation financière et du risque systémique de trois personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans le domaine monétaire, financier ou économique et nommées pour cinq ans par le Premier ministre. Les autres modifications sont rédactionnelles.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à l'investissement intellectuel et juridique de votre commission sur ce texte éminemment technique et de saluer le travail de votre rapporteur général. Cet amendement, cependant, m'embarrasse. Si toutefois vous y tenez, j'émettrai un avis de sagesse, mais il me semble qu'il vise deux objectifs. D'une part, il introduit au sein du Conseil de régulation financière trois personnalités qualifiées, dont, sans faire outrage au Premier ministre, il me paraîtrait plus naturel qu'elles fussent nommées par le ministre de l'économie ; d'autre part, il vise la participation de parlementaires à ce conseil, disposition introduite par l'Assemblée nationale, et à laquelle je suis réticente : autant on peut concevoir de distinguer entre réunions plénières et réunions restreintes, plus opérationnelles, autant tout rassembler en une seule instance, comme ce serait la conséquence de votre amendement, me laisse craindre une dilution du caractère opérationnel de la structure.
M. Jean Arthuis, président. - Notre doctrine est claire : elle tend, afin de préserver l'autorité du Parlement, à éviter de demander aux parlementaires de siéger dans des instances extérieures.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Peut-être pourrions-nous envisager, monsieur le président, de supprimer le 5°, qui vise la participation de parlementaires et faire du ministre de l'économie l'autorité de nomination des personnalités qualifiées ? (Assentiment) Je rectifie donc mon amendement n° 1.
L'amendement n° 1 rectifié est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 2 prévoit que le rapport annuel du Conseil de régulation est rendu public.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 2 et 2 bis sont adoptés sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 3 réécrit l'article afin d'améliorer le contrôle des conseillers en investissements financiers, qui doivent adhérer à des associations professionnelles agréées par l'AMF. Il supprime l'insertion, par l'Assemblée nationale, dans le champ du contrôle de l'AMF, des « conseillers en gestion de patrimoine », appellation commerciale qui ne recouvre ni un métier ni une catégorie juridique. En tout état de cause, ces activités sont incluses dans le champ de compétence de l'AMF. L'amendement permet à l'AMF de déléguer aux associations agréées de conseillers en investissements financiers l'exécution des contrôles et enquêtes sur leurs membres. Il lui ouvre, enfin, la faculté de contrôler, et le cas échéant de sanctionner, les associations professionnelles agréées.
Mme Christine Lagarde. - Clarifications bienvenues.
Mme Nicole Bricq. - Je ne suis pas favorable à cette suppression. Vous parliez tout à l'heure, monsieur le rapporteur général, de combler les trous noirs de la régulation. Il me semblerait utile, pour y contribuer, que les conseillers en gestion du patrimoine soient ici mentionnés.
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est une mention inopérante : l'AMF a compétence sur ces conseillers.
Mme Nicole Bricq. - Cela va mieux en le disant...
L'amendement n° 3 est adopté.
L'article 2 ter A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 2 ter est adopté sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 4 substitue aux termes de « commissaire du gouvernement », appellation trompeuse qui pourrait jeter le doute sur une autorité qui doit répondre, notamment au regard de la Convention de Strasbourg, à des critères d'indépendance, ceux de « directeur général du Trésor ou son représentant », ce qui correspond à la réalité, la présence de ce directeur étant destinée à assurer en temps réel l'information du ministère des Finances sur les interprétations du droit boursier qui pourraient être retenues.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 5 prévoit que les séances de la commission des sanctions sont publiques et rappelle le traditionnel codicille qui veut que le président de la formation saisie puisse interdire l'accès à la salle dans l'intérêt de l'ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d'affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l'exige.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article 2 quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel avant l'article 2 quinquies
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 6 crée une nouvelle procédure de transaction, dite de « composition administrative ». Ce n'est pas là une nouveauté en droit français, puisque l'autorité de la concurrence, qui contribue, comme l'AMF, au respect de l'ordre public économique, pratique déjà la transaction. Il s'agit, en somme, de renforcer l'efficacité du régulateur : la transaction est utile pour certains manquements qui peuvent relever de l'erreur ou de l'omission sans toutefois porter atteinte à la régulation du marché ; elle permettra au régulateur de concentrer ses moyens sur les affaires les plus complexes, étant entendu que les abus de marché seront exclus de cette procédure, qui ne vise que les manquements sans gravité.
Ces dispositions respectent l'organisation et les structures de l'AMF - elles ont à vrai dire été écrites en concertation avec elle. Le collège pourra notifier ses griefs en proposant une composition, laquelle suspendra le délai de prescription de trois ans. La personne mise en cause pourra s'engager à verser une somme au Trésor public, d'un montant maximum de deux tiers de la sanction pécuniaire encourue, dont la fixation pourra tenir compte de la réparation, totale ou partielle, du préjudice subi par les investisseurs.
L'accord de transaction est soumis au collège puis, s'il est validé, la commission des sanctions peut décider de l'homologuer et de le rendre public, afin d'officialiser et de renforcer la crédibilité d'une décision administrative qui n'aura pas été confiée au juge afin d'assurer la rapidité de la procédure. Il n'y a pas de reconnaissance préalable de culpabilité ; en revanche le refus d'homologation ou le non-respect de l'accord conduiront à revenir à la procédure normale devant la commission des sanctions.
Mme Christine Lagarde. - J'admire la construction à laquelle vous êtes arrivés, mais mon avis est partagé. Ce projet de loi a le mérite de renforcer le rôle et l'autorité de l'AMF, en conférant une crédibilité à des procédures qui en ont parfois manqué... Ma crainte, même si je sais que la composition permet d'aboutir plus rapidement et plus efficacement à une solution, est que votre amendement ne brouille le signal, alors que nous nous efforçons d'asseoir la réputation de l'AMF.
Je suggère donc, si cela vous convenait, de maintenir le texte en l'état et d'approfondir la concertation avec la place afin de revenir à votre proposition quand le travail de retour à la confiance sera engagé.
M. Jean Arthuis, président. - Vous souhaitez en somme un ajournement. (Mme Christine Lagarde le confirme)
Mme Nicole Bricq. - Je partage l'avis de la ministre. Ce n'est pas le moment, alors que l'on cherche à conforter l'AMF, de prévoir une procédure de transaction. Je suppose, au reste, que la commission des sanctions, dans son fonctionnement actuel, prend en compte la bonne foi de la personne. Mais vous faites plus, monsieur le rapporteur, qu'officialiser une pratique : vous êtes très précis sur la somme, quand il faudrait laisser à l'AMF la plénitude de son pouvoir de sanction. Tout ceci ne fera qu'entériner la suspicion : ce n'est pas rendre service à l'AMF.
M. Jean Arthuis, président. - La composition administrative n'est rien d'autre qu'une façon pragmatique de régler certaines affaires. Peut-être serait-il en effet judicieux de ne pas limiter le montant de la somme ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je suis prêt à souscrire à cette rectification. (L'amendement n° 6 est rectifié) La procédure répond au voeu de l'AMF dont nous avons entendu le président, le secrétaire général et le président de la commission des sanctions qui souhaitent, pour des raisons de sécurité juridique, que la loi leur permette de faire ce qu'aujourd'hui son silence leur interdit.
Mme Nicole Bricq. - La commission des sanctions a bien un pouvoir d'appréciation sur la sanction.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mais il n'existe pas de possibilité de composition, comme c'est le cas pour l'Autorité de la concurrence, où les enjeux sont aussi importants. On ne crée pas de risque nouveau, il ne s'agit que d'accélérer le traitement de certains manquements qui ne portent pas atteinte à l'ordre public.
Mme Marie-France Beaufils. - Je crains, toutes considérations techniques mises à part, pour l'image que nous allons donner, sachant que certaines situations ont été très mal perçues par le grand public... L'AMF doit pouvoir exercer la plénitude de ses prérogatives, hors toute procédure dérogatoire.
M. Jean Arthuis, président. - Des accords se pratiquent déjà en droit de la concurrence : l'important réside donc dans la transparence de la procédure.
Mme Nicole Bricq. - On sait que le ministre peut intervenir : il l'a fait.
M. Jean Arthuis, président. - Je suggère que nous laissions à l'Autorité, sous réserve de la rectification proposée, le moyen d'expédier les affaires mineures sans trop de formalisme dans les procédures.
L'amendement n° 6 rectifié est adopté et devient l'article 2 quinquies A.
Article 2 quinquies
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 7 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'expression « infrastructures de marché » est communément utilisée par les professionnels des marchés et désigne en particulier les chambres de compensation, mais aussi les entreprises gérant des marchés réglementés et les systèmes multilatéraux de négociation. Elle n'a cependant pas de fondement dans le code monétaire et financier : mon amendement n° 8 prévoit de leur donner une définition réglementaire.
Mme Christine Lagarde. - Amendement bienvenu.
L'amendement n° 8 est adopté.
L'article 2 quinquies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 2 quinquies
M. Philippe Marini, rapporteur. - Mon amendement n° 9 vise à renforcer l'encadrement et la régulation du marché au comptant des quotas d'émission de gaz à effet de serre, conformément aux recommandations du rapport Prada et à la position constante de notre commission. Sans revenir sur la définition des quotas, il vise à leur appliquer les règles qui régissent les échanges d'instruments financiers. Il autorise à cette fin la négociation de quotas sur le marché réglementé, ce qui permettra d'appliquer un cadre à ce marché non régulé et de le soumettre à la surveillance de l'AMF. La plateforme d'échange Bluenext deviendra ainsi un marché régulé, ce qui a l'avantage de répondre aux exigences du règlement européen, lequel impose des standards de robustesse aux plateformes. Nous servons ainsi la compétitivité de Bluenext.
L'amendement modifie également plusieurs articles du code monétaire et financier pour permettre à l'AMF d'exercer ses missions et pouvoirs de contrôle, notamment de l'accès au marché, et de sanction des abus. Il instaure, enfin, un système de supervision, que recommandait le rapport Prada, fondé sur une coopération de l'AMF avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Ces dispositions ont été soumises à l'une et l'autre autorité et semblent leur convenir. Une symétrie est instituée dans le code qui a pour effet d'étendre les missions de la CRE. Il est à noter que si la CRE surveille les transactions des entreprises relevant de sa compétence, seule la commission des sanctions de l'AMF est, dans tous les cas, chargée de sanctionner les manquements des acteurs du marché des quotas.
Mme Christine Lagarde. - Pour toutes les raisons qu'a dites le rapporteur général, je suis favorable à cette avancée majeure. C'est d'ailleurs la position que défend la France (nous avons saisi M. Barnier). Le travail juridique est également passionnant car les quotas étaient un objet juridique non identifié ; vous participez à leur qualification puisqu'ils s'échangeront sur un marché financier.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous orientons donc le droit européen.
Mme Nicole Bricq. - Nous pouvons suivre l'amendement, dont il faudra examiner les cinq pages, puisqu'aussi bien nous avions devancé la commission des finances par une proposition de résolution. Nous restons très favorables à l'encadrement de ce marché.
Mme Marie-France Beaufils. - Je prendrai une position différente car, si je comprends qu'on veuille encadrer les quotas, nous restons défavorables à leur principe.
M. Jean Arthuis, président. - L'amendement a le mérite de les encadrer.
Mme Marie-France Beaufils. - Ses cinq pages méritent surtout d'être analysées. Je ne participerai pas au vote.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je serais heureux d'un vote unanime. L'Etat va se faire avec les quotas, lorsqu'ils seront payants, un peu d'argent dont le budget a besoin. Quelles sont les perspectives à cet égard ?
Mme Christine Lagarde. - J'étais hier à Oslo et j'en ai profité pour consulter mon homologue norvégien : il n'était pas encore acheteur.
Mme Nicole Bricq. - Ils sont à 13 euros...
M. Jean Arthuis, président. - Les quotas payants en 2013, c'est demain !
L'amendement n° 9 est adopté et devient l'article 2 sexies.
Article 3
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 10 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'AMF continuera de publier un rapport annuel, qu'elle rédige en application de dispositions de 2003 dont le Sénat est à l'origine. Avec l'amendement n° 11, nous assurerons la soudure avec le droit européen.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
Mme Nicole Bricq. - J'y suis favorable, car cet outil reste utile. Compte tenu de la lenteur des contrôles, le dispositif européen ne sera pas opérationnel avant fin 2011.
L'amendement n° 11 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - J'ai beaucoup auditionné pour l'amendement n° 12. Je m'en suis longuement entretenu avec Jérôme Chartier, rapporteur pour l'Assemblée nationale, j'ai reçu les trois agences de notation et je rencontre demain une juriste réputée. Il s'agit en effet de supprimer l'interdiction des clauses limitatives de responsabilité dans les contrats entre les agences de notation et les émetteurs. Il convient de trouver un juste équilibre entre la responsabilité et l'indépendance des agences. Le règlement européen, qui dispose qu'une agence de notation ne saurait être tenue pour responsable lorsque son client lui a transmis des fausses informations, invite d'ailleurs les cocontractants à définir le régime de responsabilité de l'un et de l'autre. Si l'on interdit de telles clauses, l'agence ne sera-t-elle pas conduite à formuler une opinion moins argumentée et que le marché relativiserait ? Il en résulterait alors une plus grande insécurité. Si l'interdiction des clauses limitatives de responsabilité apparaît contraire à nos engagements communautaires, l'on peut renforcer l'interdiction des clauses exonératoires de responsabilité et l'amendement prévoit que cette interdiction s'applique même quand les parties ont entendu se soustraire à la loi française. Conformément au règlement Rome I de 2008, une « loi de police » est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique. J'ai encore besoin des lumières d'un professeur réputé de droit et j'aurais souhaité que la commission me donne mandat pour affiner éventuellement la rédaction.
Mme Christine Lagarde. - Je suis tout à fait favorable à l'amendement qui tempère les excès de la rédaction de l'Assemblée nationale, trop restrictive pour la liberté contractuelle. Votre amendement est plus conforme au droit communautaire et la notion de « loi de police » offre la bonne solution face à des acteurs qui peuvent très facilement se dérober.
Mme Nicole Bricq. - Je ne suis pas d'accord. Le principal argument est la non-conformité au droit européen, mais l'on passe d'un excès à l'autre. On a bien vu durant la crise comment le credit scoring traitait facilement des produits dérivés comme des produits simples. La France doit dire sa volonté d'obtenir une modification de la réglementation européenne : il n'y a plus de garde-fou. Il ne suffit pas de renvoyer aux contrats privés. Entendons-nous, je ne crie pas haro sur les agences de notation, mais j'aurais préféré qu'on améliore la rédaction de l'Assemblée. Politiquement....
M. Jean Arthuis, président. - Politiquement, on peut se donner le beau rôle, mais l'on peut aussi porter préjudice à certains émetteurs qui peinent à lancer certaines opérations !
Mme Nicole Bricq. - Il appartient aux agences de vérifier les informations.
M. Jean Arthuis, président. - L'idéal serait de s'en passer : que les professionnels fassent leur travail ! Qu'est-ce que ce panurgisme ?
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je comprends l'intention du rapporteur général, toutefois, certains contractants ne seront-ils pas incités à passer les contrats à Londres plutôt qu'à Paris ?
M. Jean Arthuis, président. - Ce qui est effrayant, c'est la rédaction de l'Assemblée nationale, qui cadenasse.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il s'agit du paragraphe II.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il est tout à fait possible que je sois amené à proposer une rédaction légèrement différente afin d'obtenir l'effectivité la plus grande possible.
Y a-t-il des prestations de services pour lesquelles la loi a interdit les exclusions de responsabilité ? Je n'en ai pas trouvé. Les commissaires aux comptes peuvent limiter leur responsabilité.
M. Jean Arthuis, président. - Ils peuvent exprimer des réserves, mais non s'exonérer de leur responsabilité.
Mme Christine Lagarde. - Les avocats non plus.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous verrons cela d'ici la séance.
M. Jean Arthuis, président. - Nous aurions dû mettre la disposition dans la loi LME en raison des achats effectués via des filiales. Faisons confiance au rapporteur.
L'amendement n° 12 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 13 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Les dispositions relatives au barème de facturation des agences de notation figurent dans le règlement européen. Nous avions constaté un peu de gêne des agences lorsque nous les avions interrogées sur leurs tarifs. Pour que la transparence prévale, il faut que le cadre de la tarification fasse l'objet d'une publication, d'où l'amendement n° 14.
M. Jean Arthuis, président. - C'est indicatif. L'amendement n'a peut-être pas une portée extraordinaire.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Cela participe de la transparence du marché.
M. Jean Arthuis, président. - La tarification restera sans doute à la tête du client.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Un peu moins. En bon européen, je lis le règlement...
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable, pour les motifs exposés par le rapporteur.
L'amendement n° 14 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Marini, président. - L'amendement n° 15 est rédactionnel.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
Mme Nicole Bricq. - L'AMF a une responsabilité envers les investisseurs de détail. Comment cela se passe-t-il avec l'ACP, compétente en matière d'assurance-vie et de crédit, et la concertation marche-t-elle bien ? Chacun fait ce qu'il a à faire dans un circuit de distribution. Il faudrait peut-être établir le bilan et informer le Parlement car l'assurance-vie, cela représente beaucoup d'argent et de nombreux produits.
Mme Christine Lagarde. - Je vérifierai sur les produits d'assurance-vie. J'ai souhaité ne pas laisser d'angle mort, qu'il s'agisse de l'assurance-vie ou des crédits. Les autorités bancaires et de l'assurance ont créé un pôle commun, qui comprend une vingtaine de personnes. On pourra d'ici un an leur demander de rendre compte.
Mme Nicole Bricq. - C'était l'objet de mon intervention.
L'amendement rédactionnel n° 15 est adopté.
L'article 5 A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5 B
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 16 est adopté.
L'article 5 B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5 C
L'amendement de précision du rapporteur n° 17, fixant à cinq ans la durée du mandat des membres du collège de l'ACP désignés par les présidents des assemblées parlementaires, est adopté.
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 18 est adopté.
Mme Christine Lagarde. - Grâce à l'amendement n° 69, les membres désignés par les assemblées parlementaires pourront recevoir des indemnités comme les autres membres.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n° 69 est adopté.
L'article 5 C est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 5 C
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il s'agit, avec l'amendement n° 19, d'appliquer à l'ACP les règles qui prévalent pour l'AMF. Un rapporteur, qui se tiendra à égale distance de la formation de jugement, des services de l'autorité et des personnes mises en cause constitue un gage d'impartialité. Il peut, dans sa mission d'instruction et d'information de la commission des sanctions, se faire assister des services de l'Autorité, entendre la personne et demander au collège d'étendre les griefs à d'autres personnes ; la formation de jugement peut également lui demander d'autres diligences.
Mon amendement s'inscrit dans le prolongement de l'article 3 du règlement intérieur de la commission des sanctions de l'ACP : le président peut demander à un membre de la commission d'approfondir un ou plusieurs points du dossier ; il est rémunéré en conséquence.
Rappelant que le collège de l'ACP décide d'ouvrir une procédure de sanction au vu d'un rapport établi par le secrétariat général, l'amendement précise que la décision de la commission des sanctions rend une décision motivée. Il assure également, avec la présence du directeur général du Trésor ou de son représentant, une coordination avec l'amendement n° 4.
Mme Christine Lagarde. - Favorable à cet amendement, je présente un sous-amendement pour que la commission ait un membre de plus : un nombre impair est plus approprié.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je propose un avis favorable.
Le sous-amendement n° 72 est adopté.
L'amendement n° 19, ainsi sous-amendé, est adopté et devient l'article 5 DA.
L'article 5 D est adopté sans modification.
Article 5 EA
L'amendement de suppression du Gouvernement n° 68 est adopté.
L'article 5 EA est supprimé.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Bâle III fera l'objet d'un accord à Séoul en novembre 2010. Pour que le dispositif prévu soit moins éphémère et dure au-delà, l'amendement n° 20 prévoit une obligation de transmission de rapports semestriels du Gouvernement aux commissions des finances. Il prend du relief après les décisions qui viennent d'intervenir.
Mme Christine Lagarde. - Avis tout à fait favorable.
M. Jean-Pierre Fourcade. - L'allongement des délais pour respecter les préconisations de Bâle III améliore-t-il sensiblement le sort des banques ?
Mme Christine Lagarde. - On a repoussé jusqu'en 2018 tout en renforçant légèrement le mécanisme sur les premiers exercices. Cela facilite la levée des capitaux par les banques européennes. Les Britanniques et les Allemands le souhaitaient ; nous demandions pour notre part une définition précise des capitaux propres et que l'augmentation des ratios soit compatible avec le financement de l'économie. L'accord intervenu, avec le passage de 2 % à 4,5 % et un coussin de 2,5 %, représente un bon compromis mais le débat reste ouvert sur les établissements à caractère systémique. Le renforcement des capitaux et des bilans répond à une exigence américaine mais nous devons avoir un deuxième et un troisième piliers, un bon superviseur intrusif utilisant toute une palette d'instruments. Si nous traitons aussi des établissements systémiques transfrontaliers, nous aurons fait un bon travail.
M. Philippe Dallier. - J'ai entendu ce matin sur RTL un représentant des banques françaises déclarer - c'est scandaleux ! - qu'il s'agissait d'une mauvaise nouvelle pour l'économie française car le coût du crédit allait se renchérir.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nos organismes corporatifs ont des progrès à accomplir...
M. Jean Arthuis, président. - Il faut revoir les représentations institutionnelles !
Mme Nicole Bricq. - Est-il inconvenant de demander au rapporteur général de formuler une appréciation sur le paquet qui doit faire l'objet de l'accord ? Cela fait partie du sujet !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous ferons tout notre possible.
Mme Nicole Bricq. - Il serait intéressant que la ministre réponde.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous ne sommes pas en mesure de donner une appréciation quantitative. On pourrait rectifier l'amendement pour inclure dans le rapport sollicité les conséquences pour l'économie française des nouvelles règles prudentielles.
Mme Nicole Bricq. - Je suis d'accord pour compléter en ce sens.
M. Jean Arthuis, président. - Quid de la dimension des établissements ? Nous ne pouvons pas laisser les activités financières se concentrer indéfiniment.
Mme Christine Lagarde. - Les exigences prudentielles répondent à ce risque d'excroissance du bilan.
M. Jean Arthuis, président. - Je ne suis sûr que cela réduise la concentration.
Mme Nicole Bricq. - Il peut y avoir un contrôle des rémunérations des dirigeants, ce qui est intéressant.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je rectifie donc mon amendement et le complète pour écrire : « Il apporte tous éléments utiles pour apprécier les conséquences de ces dispositions sur le financement de l'économie française ».
Mme Nicole Bricq. - Ce n'est pas plus mal.
L'amendement n° 20 rectifié est adopté.
L'article 5 E est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 6
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 21 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 22 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 7
L'amendement du rapporteur n° 23 sur l'échange d'information entre la Banque de France et les autorités étrangères est adopté et devient l'article 7 bis A.
Mme Christine Lagarde. - La directive du 16 septembre 2009 sur la monnaie électronique doit être transposée d'ici le 30 avril 2011, d'où l'amendement n° 64.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n° 64 est adopté et devient l'article 7 bis B.
L'article 7 bis est adopté sans modification, ainsi que l'article 7 ter.
Article additionnel avant l'article 7 quater
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'activité de centralisation d'ordres sur des parts ou actions d'OPCVM est centrale pour la sécurité de ceux-ci. Or les responsabilités y afférentes manquent de base légale. Nous en posons les fondements avec l'amendement n° 24, que complètera le règlement général de l'AMF. La responsabilité à l'égard des tiers ne peut être exercée que par l'OPCVM lui-même, s'il s'agit d'une SICAV, une société de gestion de portefeuille, le dépositaire ou un prestataire agréé de services d'investissement ; l'entité doit disposer de moyens adaptés et suffisants ; l'ordre transmis au centralisateur est irrévocable.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 24 est adopté et devient l'article 7 quater A.
Article 7 quater
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 25 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il s'agit, avec l'amendement n° 26, de limiter les ventes à découvert, et particulièrement les ventes nues, c'est-à-dire réalisées sans disposer des titres au moment de la transaction, ni disposer de l'assurance raisonnable de pouvoir les livrer dans le délai et qui ne donnent pas lieu à livraison effective dans ce délai. Rappelons ici le précédent allemand : le 19 mai dernier, l'Allemagne a interdit les ventes à découvert sur les actions des dix principales banques et sociétés d'assurance allemandes - une mesure introduite en France en septembre 2008. Compte tenu du potentiel spéculatif et des risques de ces pratiques, la France est aujourd'hui fondée à suivre l'exemple allemand de manière claire. Ce régime, qui a vocation à s'appliquer à tout instrument financier listé sur un marché règlementé s'inspire de la « locate rule » qui figure dans la proposition de règlement européen sur les ventes à découvert, qui sera présenté demain. Le vendeur doit disposer effectivement des titres ou avoir pris des assurances raisonnables pour en disposer effectivement au moment de leur livraison.
M. Jean-Claude Frécon. - Des « assurances raisonnables » ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est la bonne foi ! Il lui faut avoir pris des contacts, des dispositions pour détenir les titres dans les délais. La jurisprudence et les superviseurs préciseront cette notion. Des exemptions seront prévues pour éviter des conséquences dommageables.
Mme Christine Lagarde. - Je pense le plus grand bien de cet amendement. Le mécanisme de localisation assure en effet la traçabilité de l'engagement pris sur un titre : c'est une bonne étape vers la transparence.
M. Joël Bourdin. - Je ne reconnais pas la logique des marchés à terme de matières premières. Les opérations se font avec un dépôt initial...
Mme Christine Lagarde. - La marge...
M. Joël Bourdin. - ... que l'on peut augmenter.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ce sont des ventes à terme, pas des ventes à découvert.
M. Jean Arthuis, président. - L'on vend des marchandises que l'on n'a pas.
M. Joël Bourdin. - Je pense que le texte ne s'applique pas aux ventes à terme de matières premières et en ce cas, c'est un pan important de compétence qui échappe à l'AMF.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Clarifions le champ du dispositif.
Mme Christine Lagarde. - Les dérivés sur récoltes tombent sous le coup de cette réglementation.
M. Joël Bourdin. - Je suis ouvert à la proposition du rapporteur général.
M. Jean Arthuis, président. - Le G 20 va lutter contre la volatilité du prix des matières premières.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Vérifions le champ de cette disposition. Les ventes nues...
Mme Christine Lagarde. - A découvert et nues...
M. Philippe Marini, rapporteur. - ... ne peuvent plus se pratiquer, ce qui est un acquis non négligeable, que le règlement communautaire doit confirmer.
Mme Christine Lagarde. - C'est la vente d'un bien dont on ne dispose pas et que l'on doit avoir l'intention de se procurer.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous clarifierons cela.
Mme Nicole Bricq. - Le débat a pas mal agité les députés. Le rapporteur nous invite à suivre l'exemple allemand, mais lorsque l'Allemagne a pris ces mesures contre les ventes à découvert nues, vous nous aviez alors fait valoir que la France avait déjà pris les mêmes dispositions, ce qui n'était donc pas tout à fait le cas.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le champ n'était pas le même.
Mme Nicole Bricq. - On aurait pu traiter des trois amendements n°s 26, 27 et 28 consécutifs en même temps. Le rapporteur général nous propose de transposer une disposition d'un règlement communautaire qui n'est pas encore arbitré. Pourquoi pas ? Ce serait déjà mieux que la situation actuelle. On comprend bien ce qu'est une assurance raisonnable, toutefois il faudrait préciser que la charge de la preuve repose sur l'opérateur. En outre, prévoir des dérogations par décret est-il utile et opportun ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je ne suis pas emballé par cet alinéa, mais l'on m'a dit qu'il ne fallait pas porter préjudice à certaines émissions du Trésor.
M. Jean Arthuis, président. - Le décret peut aussi resserrer le dispositif.
Mme Nicole Bricq. - En général, les dérogations vont dans l'autre sens.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'avis du collège de l'AMF est un document public. Il peut être argumenté. On pourrait rectifier l'amendement pour préciser qu'il est motivé. (Le rapporteur rectifie son amendement n° 26)
Mme Nicole Bricq. - « L'assurance raisonnable » ressemble à une mauvaise traduction du charabia de Bruxelles.
M. Philippe Marini, rapporteur. - La notion est présente dans la jurisprudence financière. Il faut apporter le témoignage que l'on a eu l'intention, que l'on a fait ce qu'il fallait...
Mme Nicole Bricq. - Et qui en apporte la preuve ?
M. Jean Arthuis, président. - On pourra encore préciser l'amendement.
M. Jean-Claude Frécon. - Le vocable d'assurance raisonnable m'inquiète également.
L'amendement n° 26 rectifié est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'Assemblée nationale a réduit le délai de règlement-livraison des titres à un jour de négociation, au lieu de trois jours dans le régime actuel. C'est irréaliste et ce délai risque de manquer sa cible, les ventes à découvert nues : ces ventes et rachats sont fréquemment réalisés dans la même journée ; le dispositif de l'Assemblée nationale est de portée générale, que le vendeur dispose ou non des titres au jour de la transaction ; le nouveau délai est applicable dès la promulgation du texte, alors que des investissements lourds sont nécessaires pour adapter les systèmes d'informations ; le délai d'un jour n'est pas cohérent avec la record date de J-3, c'est-à-dire la date d'arrêté des positions sur des actions d'un émetteur qui détermine la qualité d'actionnaire et le droit de participer à l'assemblée générale ; ce délai d'un jour différerait de celui de nos partenaires européens, où le J+3 l'emporte ; enfin, le consensus européen paraît s'acheminer vers un délai de J+2, en particulier dans le projet Target 2 Securities conduit sous l'égide du système européen des banques centrales.
Je propose donc, par mon amendement n° 27, un délai de deux jours, à une échéance réaliste, soit le 1er janvier 2012.
Mme Christine Lagarde. - Favorable sur le principe, mais je souhaiterais que nous précisions encore la rédaction d'ici l'examen en séance publique, afin qu'elle ne joue pas contre l'attractivité de la place de Paris.
L'amendement n° 27 est adopté.
L'amendement de conséquence du rapporteur n° 28 est adopté.
L'article 7 quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7 quinquies
L'amendement de suppression du rapporteur n° 29 est adopté.
L'article 7 quinquies est supprimé.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ce rapport sur la possibilité d'interdire le recours des filiales de fonds spéculatifs aux ventes à découvert ne paraît pas opportun, notamment parce qu'il subsiste une incertitude sur la portée extraterritoriale de cette interdiction, si l'on se réfère au droit de l'investisseur plutôt qu'au droit du marché. L'amendement n° 30 supprime l'article.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 30 est adopté.
L'article 7 sexies est supprimé.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Cet article prévoit un rapport du Gouvernement sur les modalités de mise en oeuvre d'une régulation européenne et nationale du capital-investissement. Ce rapport ne nous paraît guère utile car la directive « Alternative Investment Fund Managers » (AIFM) relative aux gérants de fonds alternatifs, qui encadrera une large fraction du secteur du capital-investissement européen, est en cours de négociation. Le groupe de travail conjoint à l'Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière a exprimé une position proche de celle défendue par la grande majorité du Conseil européen, pour un passeport européen réservé aux seuls gestionnaires et fonds établis en Europe. La directive devrait être conclue dans les prochains mois, nous nous en saisirons alors. L'amendement n° 31 supprime l'article.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
Mme Nicole Bricq. - Cette directive est annoncée régulièrement pour bientôt, où en sommes-nous véritablement ? Faudra-t-il attendre quelques semaines, quelques mois, quelques années ? Pourquoi attendre alors que nous savons ces règles utiles ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous ne faisons ici que supprimer un rapport au Parlement.
Mme Nicole Bricq. - Certes, mais la France parvient-elle à faire partager son point de vue ? Dans les négociations, il y a toujours des compromis possibles : où en sommes-nous ?
Mme Christine Lagarde. - La directive devrait être prise dans les toutes prochaines semaines : la présidence belge souhaite un accord, mais la France ne veut pas d'un accord à n'importe quel prix, en particulier face à la demande britannique d'un passeport européen accessible non seulement aux fonds offshore, mais encore à leurs gestionnaires. Nous devons être particulièrement vigilants.
L'amendement n° 31 est adopté.
L'article 7 septies A est supprimé.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'Assemblée nationale a prévu utilement un comité des risques pour les établissements financiers. Nous précisons, avec l'amendement n° 32, la fusion de ce comité avec le comité d'audit, tout en ménageant la possibilité de deux comités distincts.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 32 est adopté.
L'article 7 septies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel avant l'article 7 octies
M. Philippe Marini, rapporteur. - La loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » a prévu que les institutions représentatives du personnel et les « parties prenantes participant à des dialogues avec les entreprises » peuvent présenter, dans le rapport annuel de l'entreprise, des avis sur « les démarches de responsabilité sociétale ». Les notions de « partie prenante » et de « responsabilité sociétale » nous paraissent floues et par trop extensives, d'autant qu'elles n'ont pas de définition réglementaire. Cette terminologie fait courir le risque à l'entreprise d'un préjudice de réputation disproportionné par rapport à l'objectif de transparence. L'amendement n° 33 supprime en conséquence ces notions que la loi Grenelle II a introduit dans les codes.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
Mme Nicole Bricq. - Je ne suis pas favorable à cet amendement. La notion de « partie prenante » est tout à fait usuelle dans le droit économique européen.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ce sont les stakeholders, chers à M. Breton, mais qui n'ont pas donné lieu à du droit positif.
Mme Nicole Bricq. - Si nous négociions davantage avec les parties prenantes, nous favoriserions l'application de notre réglementation !
L'amendement n° 33 est adopté et devient l'article 7 octies A.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 34 précise l'habilitation du Gouvernement pour transposer la directive OPCVM IV, dans un sens plus transparent et plus protecteur pour les investisseurs et les épargnants.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 34 est adopté.
L'article 7 octies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 7 nonies est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 7 nonies
Mme Christine Lagarde. - L'amendement n° 65 prévoit que le directeur général du Trésor devient membre du Haut Conseil du commissariat aux comptes et qu'il peut s'y faire représenter. C'est cohérent avec la fréquence des réunions de cet organisme.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je suis favorable à cet amendement.
L'amendement n° 65 est adopté et devient l'article 7 decies.
Division et article additionnels après l'article 7 nonies
Mme Christine Lagarde. - L'amendement n° 70 renforce les obligations des intermédiaires exerçant leur activité dans le domaine des services financiers, pour mieux protéger les consommateurs. Nous y créons une immatriculation unique, avec un registre unique, pour toutes les personnes exerçant une activité réglementée d'intermédiation ou de conseil dans le secteur des assurances, des services d'investissement, des opérations de banque et des services de paiement. Ce registre sera accessible au grand public et confié à l'Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance (ORIAS), qui s'assurera lors de l'immatriculation et annuellement, que les intermédiaires remplissent les conditions de compétences, d'honorabilité et d'assurance requises pour leur activité. Nous précisons également les règles d'accès à ces professions, ainsi que le code de bonne conduite, et nous encadrons plus strictement le régime du démarchage bancaire et financier, ceci pour empêcher tout démarchage sans statut.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ne conviendrait-il pas d'adapter le nom et la raison sociale de l'ORIAS, dès lors qu'on élargit à ce point son objet ?
L'ORIAS est une association de loi 1901, elle va se trouver délégataire d'un service public important : comment seront désignés ceux qui procèderont aux immatriculations ?
L'harmonisation en matière de démarchage est une bonne chose, mais pouvez-vous nous dire si la carte individuelle de démarcheur sera maintenue ? Il nous paraît important, comme en matière de crédit à la consommation, que le client puisse identifier la personne physique qui le démarche et pas seulement la personne morale. Une telle exigence suppose que, dans les banques mêmes, les agents aient leur carte individuelle, avec leur immatriculation.
Enfin, par le sous-amendement n° 71, nous proposons que l'ACP puisse, comme l'AMF, recourir à des associations professionnelles pour l'exécution de ses contrôles sur les intermédiaires en opérations de banque et les intermédiaires en assurance ou en réassurance.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable au sous-amendement n° 71.
L'ORIAS voit son champ élargi et je modifierai ses statuts par décret, puisqu'ils sont homologués par le ministre de l'économie. Les personnes qui immatriculeront les intermédiaires seront nommées par arrêté ministériel, que je prendrai également.
Enfin, la carte individuelle de démarcheur sera maintenue : le client doit savoir précisément qui lui propose un produit financier.
Mme Nicole Bricq. - Je salue votre intention de protéger le consommateur, mais je ne comprends pas pourquoi vous maintenez deux opérateurs, l'AMF et l'ACP, alors que l'AMF est responsable en cette matière. Nous avons regroupé la banque et l'assurance, mais vous maintenez les deux opérateurs : pourquoi ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'ACP est issue de la fusion de la Commission bancaire et de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, c'est le résultat d'un compromis et nous sommes loin d'un modèle parfait où une autorité serait chargée du contrôle prudentiel, et l'autre de la déontologie et de l'information. Cependant, nous en tenons compte.
Mme Nicole Bricq. - Si la réforme s'oblige à ménager les susceptibilités de l'ex-Commission bancaire, nous n'irons pas très loin...
M. Jean Arthuis, président. - L'ACP procède à des contrôles sur pièces et sur place, dans l'intérêt des consommateurs.
Mme Christine Lagarde. - Exactement, dans l'intérêt du consommateur. Nous voulons lui garantir, au-delà des distinctions professionnelles, que tout démarcheur et tout intermédiaire financier soit autorisé et enregistré, que ses produits financiers relèvent de la banque ou de l'assurance.
M. Jean Arthuis, président. - L'ACP contrôlera.
Mme Christine Lagarde. - Ou l'AMF, selon le statut de l'intermédiaire.
Mme Nicole Bricq. - Je ne suis pas certaine que la dualité durera...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Les fonctions évolueront, comme pour d'autres autorités de contrôle...
Le sous-amendement n° 71 est adopté.
L'amendement n° 70, ainsi sous amendé, est adopté, et insère un chapitre VII nouveau ainsi que l'article 7 undecies.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Avec l'amendement n°35, nous précisons la portée du rapport du Gouvernement prévu par l'Assemblée nationale sur la possibilité de généraliser le critère du nombre de droits de vote dans le droit des sociétés et le droit financier. Le franchissement des seuils, si important notamment pour l'obligation de procéder à des OPA, doit-il dépendre des droits financiers ou des droits de vote ? Les critères d'évaluation de l'importance des actionnaires sont hétérogènes, nous manquons d'une étude stratégique, qui fasse le point sur les pratiques étrangères et les perspectives d'harmonisation, compte tenu de la réalité des grands groupes français.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 35 est adopté.
L'article 8 A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le Gouvernement, avec cet article, modifie la définition de l'action de concert, en ajoutant au critère de politique commune celui, alternatif, d'intention de prendre le contrôle de l'entreprise. Cette définition ne nous paraît pas plus claire, non plus qu'aux éminents juristes que nous avons consultés. L'alternative suppose que la politique commune et l'intention de contrôle soient exclusives l'une de l'autre, alors que la cour d'appel de Paris puis la Cour de cassation, dans les affaires Eiffage-Sacyr et Gecina, ont estimé que le contrôle est une modalité parmi d'autres d'une politique commune. Nous pensons préférable de maintenir la définition actuelle de l'article L. 233-10 du code de commerce : c'est l'objet de l'amendement n° 36.
Mme Christine Lagarde. - Notre objectif est de prévenir les actions de contrôle rampantes. Dans la rédaction actuelle, l'action de concert nécessite une politique commune. Nous ajoutons le critère plus large de la volonté de prendre le contrôle de l'entreprise : c'est plus clair et plus efficace contre les actions rampantes.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je n'en suis pas convaincu. Le débat est très technique. Dans les affaires Eiffage/Sacyr et Gecina, le juge a estimé que la volonté de prendre le contrôle constituait une politique commune et les juristes que nous avons consultés vont dans le même sens : la définition actuelle suffit, mais ce n'est apparemment pas l'avis de la direction du Trésor.
M. Jean Arthuis, président. - Comment mettre en oeuvre une politique commune sans le contrôle de l'entreprise ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Par une action concertée entre actionnaires minoritaires : le simple fait de se concerter pour voter de la même façon fait une politique commune.
M. Jean Arthuis, président. - Et si ces minoritaires, ensemble, dépassent le seuil, il leur faut passer par des procédures plus onéreuses, comme l'OPA.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Tout comme les actionnaires majoritaires.
Mme Christine Lagarde. - Pourquoi la précision sèmerait-elle la confusion ? La définition est plus précise, le juge y trouvera un appui. Dans les affaires que vous citez, il lui a fallu bien des contorsions pour démontrer qu'il y avait action concertée, donc politique commune.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur le fond, mais pas sur la forme : je crois le texte actuel plus clair.
L'amendement n° 36 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 8 bis
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 37 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Cet article prévoit utilement plus de transparence pour les prêts-emprunts de titres en période d'assemblée générale, avec une déclaration auprès de l'AMF, au plus tard trois jours avant l'assemblée générale, lorsque les actions temporairement cédées représentent plus de 1 % des droits de vote. L'amendement n° 38 abaisse ce seuil à 0,5 %.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 38 est adopté.
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 39 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 40 renforce l'effectivité de la sanction encourue en cas d'absence d'information sur les emprunts de titres excédant le seuil de déclaration.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 40 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 41 renforce l'effectivité de la suspension des droits de vote susceptible d'être prononcée par le tribunal de commerce en cas d'absence de déclaration des titres empruntés.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 41 est adopté.
L'amendement rédactionnel du rapporteur n° 42 est adopté.
L'article 8 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'article 9 modifie le périmètre et le seuil de déclenchement des offres publiques obligatoires, qui est ramené de 33 % à 30 % du capital ou des droits de vote.
Des exceptions subsistent toutefois : les actions déjà émises ou les droits de vote que le détenteur peut acquérir à sa seule initiative, en vertu d'un accord ou d'un instrument financier, ce qui couvre les actions susceptibles d'être remises par la conversion ou l'échange d'obligations, ou résultant de l'exercice de produits dérivés ou de bons de souscription d'actions ; autre exception, les actions ou droits de vote possédés par un tiers avec lequel le détenteur originel a conclu un accord de cession temporaire, soit les titres transmis en application d'un prêt réglementé, d'une pension livrée ou d'une vente à réméré ; enfin, échappent à la nouvelle norme les actions dont le détenteur a l'usufruit mais pas les droits de vote.
L'amendement n° 43 supprime ces exceptions, pour plus de transparence dans le franchissement des seuils, et consacre ce seuil de 30 % dans le cas de déclenchement d'une offre publique obligatoire, alors que le seuil actuel figure seulement dans le règlement général de l'AMF. Nous allons dans le sens de la transparence, contre les prises de contrôle rampantes.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable à l'abaissement du seuil à 30 % pour le déclenchement d'une OPA, sous réserve d'une disposition protectrice particulière - la clause de grand-père - pour les actionnaires qui détiennent entre 33 % et 30 % du capital, qui doivent pouvoir agir sans être obligés, dans ces trois points de capital, d'en passer par une offre publique.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ce serait une exception bien particulière, ratione personae, pour n'être pas contraint d'engager une OPA sur ses vieux jours...
M. Jean Arthuis, président. - Si je comprends bien, elle vaudrait seulement à partir de la photographie actuelle du capital, sans rétroactivité ?
Mme Christine Lagarde. - C'est bien cela.
Je ne suis pas favorable, cependant, à l'inclusion de tous les types d'actions et de contrats dérivés dans le calcul du seuil, car je crains qu'elle ne défavorise la place de Paris, où les OPA deviendraient moins sûres qu'ailleurs. Notre droit boursier est déclaratif, mais assorti de sanctions pénales lourdes, il faut se garder de l'affaiblir en y introduisant des éléments d'incertitude.
M. Jean Arthuis, président. - N'y a-t-il pas lieu de craindre des abus ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Quid lorsqu'un actionnaire, qui aura 29,9 % des droits de vote, donnera instruction de voter dans un sens qui lui ferait en pratique passer le seuil de 30 % ?
Mme Christine Lagarde. - Il y aurait alors politique commune.
M. Philippe Marini, rapporteur. - N'est-il pas plus franc, vis-à-vis du marché, d'inclure tous les droits de vote directs et indirects ?
M. Jean Arthuis, président. - La proposition de notre rapporteur nous semble aller dans le sens de la transparence.
Mme Christine Lagarde. - Je crains que l'élargissement proposé ne sème plutôt de la confusion.
L'amendement n° 43 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 10 est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 10
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 44 propose d'abaisser de 95 % à 90 % du capital ou des droits de vote le seuil de retrait obligatoire consécutif à une offre publique, dans le cas où le détenteur de ces neuf dixièmes du capital souhaite en acquérir la totalité. Plusieurs pays européens ont adopté ce seuil de 90 %, c'est un facteur de progrès pour la maîtrise complète de la gestion de l'entreprise.
Mme Christine Lagarde. - Si l'on peut comprendre que l'actionnaire détenant 95 % du capital puisse exproprier les détenteurs des 5 % restant, en rachetant leurs parts, il me paraît excessif de porter le volet d'expropriation à 10 % du capital. Ce seuil existe certes en Europe centrale, mais chez nos partenaires les plus directs, comme l'Allemagne, l'Italie ou les Pays-Bas, le seuil est de 95 %, et le seuil est plus élevé encore en Grande-Bretagne. Il est donc plus raisonnable de se caler sur nos concurrents les plus directs, pour ne pas défavoriser la place parisienne.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je veux bien retirer l'amendement.
L'amendement n° 44 est retiré.
Article 11
L'amendement de coordination du rapporteur n° 45 et l'amendement rédactionnel du rapporteur n° 46 sont adoptés.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 12 est adopté sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 47 supprime cet article, qui étend le régime des rachats d'actions en vigueur sur les marchés réglementés aux marchés non réglementés comme Alternext. Il paraît en effet dangereux d'ouvrir ces opérations aux petites et moyennes entreprises. Alternext est soumis à de moindres contraintes que les marchés réglementés, mais offrirait des avantages identiques ! La frontière entre les deux types de marchés doit être claire : c'est une question de principe.
Mme Christine Lagarde. - Je suis défavorable à cet amendement. Pourquoi interdire aux PME ou aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) d'organiser leur financement selon les mêmes modalités que les grandes entreprises, dès lors que le marché est réglementé, sous l'autorité de l'AMF ? Certes, les obligations ne sont pas de même nature, car les entreprises ne sont pas de même dimension, mais Alternext n'est pas un marché sous-réglementé.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Disons simplifié !
Mme Christine Lagarde. - Il n'y a pas lieu de discriminer selon la taille de l'entreprise.
M. Jean Arthuis, président. - Si les banquiers se montraient plus compréhensifs envers le capitalisme familial, on pourrait s'affranchir de cette financiarisation...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Cette prime à la financiarisation est-elle dans l'intérêt économique des entreprises ?
Mme Christine Lagarde. - Ce système peut par exemple financer une émission d'obligations. Je reconnais que c'est une alternative au financement bancaire.
M. Jean Arthuis, président. - Les banquiers sont les premiers à monter ces opérations financières, qui sont bien plus juteuse que le crédit aux entreprises !
Mme Christine Lagarde. - Nous donnons aux entreprises le choix de s'adresser soit aux banques, soit au marché obligataire.
M. Jean Arthuis, président. - Est-ce une demande des PME ?
Mme Christine Lagarde. - Absolument.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Cela profitera surtout aux intermédiaires !
Mme Christine Lagarde. - Vous sous-estimez la qualité de jugement des patrons de PME.
M. Jean Arthuis, président. - Je vous soumettrai quelques cas précis ; nous en débattrons en séance publique !
Mme Nicole Bricq. - Mme la ministre peut-elle nous démontrer que ce système est favorable aux entreprises ? Est-il vraiment judicieux d'étendre un mécanisme qui a été à ce point perverti ?
M. Jean Arthuis, président. - On sait comment ces opérations se montent, via des « collaborateurs » influents... Tâchons de les calmer un peu et de rappeler que la priorité est au capitalisme familial.
Mme Nicole Bricq. - Ne rêvons pas non plus... Comment peut-on à la fois capitaliser Oséo à hauteur de 500 millions d'euros et faciliter l'accès des PME au marché financier ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ces opérations complexes visent à augmenter le bénéfice par action. Est-ce rendre service aux dirigeants de PME que de les inciter à s'entourer d'investisseurs financiers ?
M. Jean Arthuis, président. - Ils délocaliseront un peu plus rapidement, c'est tout ! Madame la ministre, vous aurez du mal à nous convaincre !
Mme Christine Lagarde. - Dans ce cas, je me réserve pour le débat public.
L'amendement n° 47 est adopté.
L'article 12 bis est supprimé.
L'article 12 ter est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 12 ter
Mme Christine Lagarde. - L'amendement n° 66 habilite le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive du 11 juillet 2007 concernant l'exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées.
Mme Nicole Bricq. - Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Ne voyez pas le verre à moitié vide !
Cette directive va notamment transformer le régime des pouvoirs dans les assemblées générales : la règle sera désormais de voter via un mandataire indépendant, et non plus de donner pouvoir en blanc au président.
Mme Christine Lagarde. - Cette habilitation avait déjà été accordée, mais censurée par le Conseil constitutionnel. Dans ce texte-ci, ce n'est pas un cavalier.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je préconisais déjà cette mesure dans mon rapport de 1996 ! J'y suis donc favorable.
L'amendement n° 66 est adopté et devient l'article 12 quater.
Article 13
L'amendement de précision du rapporteur n° 48 et l'amendement rédactionnel du rapporteur n° 49 sont adoptés.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le champ de compétences d'Oséo englobe-t-il les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ? Les articles 14 et 16 ne font référence qu'aux PME. Prenons l'exemple d'un entrepreneur qui reprend un site industriel ; son plan d'affaire prévoit que l'entreprise, partant de rien, comptera 400 salariés d'ici trois ans. Oséo pourrait-il lui refuser son aide au motif qu'il ne s'agirait pas d'une PME ? Pourrez-vous nous apporter des précisions ?
Mme Christine Lagarde. - Oséo a compétence pour offrir aux PME des prestations dérogeant à la réglementation européenne sur les aides d'État. Étendre cette exemption aux ETI serait encourir la sanction de Bruxelles. Toutefois, Oséo peut offrir ses produits au-delà du seul cercle des PME dans le cas de missions d'intérêt général : il faudrait voir si, dans l'exemple que vous évoquez, l'entreprise serait éligible à ce titre.
Les articles 14, 15, 16, 17 et 18 sont adoptés sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 50 étend à toutes les entreprises d'investissement le champ ratione personae des établissements financiers soumis à l'obligation de créer un comité des rémunérations.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 50 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 51 étend le champ de compétences du comité des rémunérations. Celui-ci a une mission d'information, non de contrôle ; les mandataires sociaux ne peuvent être dispensés de cet effort de transparence.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 51 est adopté, ainsi que les amendements de coordination du rapporteur n° 52 et n° 53.
L'article 18 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 54 revient au droit en vigueur. Les fonds dits solidaires ne le sont pas davantage avec 10 % d'actifs solidaires qu'avec 5 % ! Il s'agit d'étiquettes, de niches. Les gestionnaires de ces fonds, issus du milieu « solidaire » et donc bien relayés, s'en satisfont...
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 54 est adopté
L'article 18 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 18 ter A est adopté sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 55 supprime le rapport demandé au Gouvernement sur la possibilité de « répercuter » sur les banques européennes le coût de la crise.
Mme Nicole Bricq. - Un tel rapport pourrait pourtant éclairer le débat sur la taxe bancaire.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Laissons l'évaluation du coût de la crise aux universitaires, il y faudra des lustres !
Mme Nicole Bricq. - On nous demande pourtant d'y prendre notre part !
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 55 est adopté.
L'article 18 ter est supprimé.
L'article 19 est adopté sans modification.
Article 20
Les amendements rédactionnels du rapporteur n° 57 et n° 58 sont adoptés.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 59 clarifie et renforce les obligations faites au contrôleur spécifique dans les sociétés de financement de l'habitat. Si l'on n'y prend garde, le refinancement des prêts immobiliers peut virer au désastre des subprimes... Pour l'éviter, nous prenons modèle sur les obligations foncières, créées en 1999 : le contrôleur spécifique est nommé dans les mêmes conditions, et dispose des mêmes pouvoirs que dans les sociétés de crédit foncier. Le contrôle s'étend aux actifs apportés en garantie et non aux seuls actifs détenus par les sociétés de financement de l'habitat dans leur bilan. Le contrôleur spécifique se voit enfin chargé du contrôle de la méthodologie d'évaluation des risques de l'organisme de caution des prêts. Il faudra respecter les mêmes critères de surdimensionnement que dans le domaine des obligations foncières.
M. Jean Arthuis, président. - Qui est ce contrôleur spécifique ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - En pratique, c'est un commissaire aux comptes.
M. Jean Arthuis, président. - C'est un gage de sécurité.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il sera nommé après avis de l'Autorité du contrôle prudentiel.
Mme Christine Lagarde. - J'émets un avis favorable. Même en l'état, il ne s'agit aucunement de subprimes, car il n'est pas question de titrisation.
M. Philippe Marini, rapporteur. - En prenant le collatéral pour une valeur risquée ou excessive, on s'expose à de graves déboires.
M. Jean Arthuis, président. - Le contrôleur veillera.
L'amendement n° 59 est adopté.
L'article 20 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 60 refond les dispositions transitoires applicables aux établissements de crédit qui opteraient pour le statut de société de financement de l'habitat, afin de garantir un niveau élevé de sécurité.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 60 est adopté.
L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 21
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 61 crée les obligations sécurisées pour le financement des PME, sur le modèle des obligations de financement de l'habitat. Les banques pourront mobiliser les créances qu'elles détiennent sur les PME et ainsi lever des ressources, à un coût plus faible, qu'elles pourront ensuite réorienter vers le financement de l'économie.
Mme Christine Lagarde. - Cette mesure, pour laquelle milite le président d'Oséo, M. Drouin, n'a pas été suffisamment concertée. Je propose que le Gouvernement émette un rapport sur le bilan risques/avantages d'une telle mesure avant de l'inscrire dans la loi, d'autant que M. Drouin a malmené le principe hiérarchique en passant au-dessus de son ministre sur ce point.
Mme Nicole Bricq. - Ce texte donne déjà largement satisfaction à M. Drouin.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Soit. Nous demanderons à la place un rapport du Gouvernement sur le refinancement des crédits accordés aux PME. Je rectifie mon amendement en ce sens.
L'amendement n° 61 rectifié est adopté et devient l'article 21 bis.
M. Philippe Marini, rapporteur. - L'amendement n° 62 permet aux émetteurs de racheter, sans les annuler, les titres de créances qu'ils ont émis. Il s'agit de renforcer la compétitivité de la place de Paris en permettant aux émetteurs de mieux animer le marché secondaire. Cette pratique est encadrée par des garde-fous : pendant le temps de leur conservation par l'émetteur, les droits attachés aux obligations sont suspendus ; l'émetteur devra rendre public ses rachats ; il ne pourra détenir ses titres que pour une durée limitée, fixée par décret ; il ne pourra détenir qu'un maximum de 15 % d'une même ligne obligataire. Pour les titres de créances négociables, les conditions de rachat seront fixées par décret.
Mme Christine Lagarde. - Avis favorable.
L'amendement n° 62 est adopté et devient l'article 21 ter.
Les articles 22, 22 bis, 23 A, 23 B, 23 C, 23 D et 23 sont adoptés sans modification.
Article 24
L'amendement de coordination du rapporteur n° 63 et l'amendement de coordination du Gouvernement n° 67 sont adoptés.
Mme Nicole Bricq. - Ce texte reste bien lacunaire... Nous nous abstenons, en attendant !
L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé sans le tableau suivant :
CHAPITRE V SOUTENIR LE FINANCEMENT DES PRÊTS À L'HABITAT |
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ARTICLE 191(*) Régime des obligations foncières et des sociétés de crédit foncier |
|||
ARTICLE 20 Régime des obligations à l'habitat et des sociétés de financement de l'habitat |
|||
AUTEUR |
N° |
OBJET |
SORT DE L'AMENDEMENT |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
57 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
58 |
Clarification rédactionnelle |
Adopté |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
59 |
Renforcement du rôle des contrôleurs spécifiques |
Adopté |
ARTICLE 21 Dispositions transitoires concernant les actuelles obligations collatéralisées contractuelles |
|||
AUTEUR |
N° |
OBJET |
SORT DE L'AMENDEMENT |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
60 |
Transformation des sociétés financières ayant émis des covered bonds contractuels en sociétés de financement de l'habitat |
Adopté |
ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 21 |
|||
AUTEUR |
N° |
OBJET |
SORT DE L'AMENDEMENT |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
61 RECT. |
Création des obligations sécurisées pour le refinancement des prêts accordés aux PME |
Adopté |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
62 |
Rachat d'obligations sans annulation |
Adopté |
CHAPITRE VI DISPOSITIONS EN MATIÈRE D'ASSURANCE TRANSPORT |
|||
ARTICLE 22 Habilitation à prendre par ordonnance des mesures de réforme des assurances relatives aux risques de transport terrestres et non terrestres |
|||
ARTICLE 22 BIS Transposition par la Banque de France des actes juridiques de la Banque centrale européenne |
|||
TITRE III Dispositions relatives à l'outre-mer |
|||
ARTICLE 23 A Gestion par la Banque de France des comptes des établissements de crédit dans les départements d'outre-mer |
|||
ARTICLE 23 B Extension des missions de l'Institut d'émission d'outre-mer |
|||
ARTICLE 23 C Versement d'une rémunération à l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie au titre de la distribution du livret A |
|||
ARTICLE 23 D Régime transitoire des changeurs manuels dans les collectivités d'outre-mer du Pacifique |
|||
ARTICLE 23 Dispositions relatives à l'outre-mer |
|||
TITRE IV DISPOSITIONS FINALES |
|||
ARTICLE 24 Modalités spécifiques d'entrée en vigueur |
|||
AUTEUR |
N° |
OBJET |
SORT DE L'AMENDEMENT |
M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR |
63 |
Entrée en vigueur de l'article 18 bis A (comités des rémunérations) |
Adopté |
GOUVERNEMENT |
67 |
MODALITÉS D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉFORME DE L'ENCADREMENT DES PRATIQUES COMMERCIALES |
ADOPTÉ |
Questions diverses
M. Jean Arthuis, président. - Nous avions programmé un échange avec le Gouvernement sur la politique française de lutte contre les paradis fiscaux, mais M. Baroin s'est décommandé pour cause d'obligation impérative. Le débat en séance publique sur la convention France-Suisse prévu le 30 septembre sera l'occasion de vous entendre, Madame la ministre. Vu l'heure tardive, peut-être pourrions-nous renoncer à cette audition ?
Mme Nicole Bricq. - Je déplore la mauvaise organisation de nos travaux. Je souhaitais un échange avec le Gouvernement sur les conventions fiscales avant la présidence française du G 20.
M. Jean Arthuis, président. - C'est une grande frustration pour nous tous.
Mme Christine Lagarde. - J'accepte, même si j'avais préparé mon intervention ! Sachez en tout cas que le Gouvernement ne relâche pas l'effort en matière de lutte contre les juridictions non coopératives, négocie des conventions sur le modèle de la convention OCDE, et renforce l'échange d'informations. Nous allons aussi vite que possible. Nos représentants auprès de l'OCDE sont actifs : François d'Aubert contrôle le respect des accords. Il y a une détermination politique collective pour faire avancer les choses. Je suis à votre disposition et nous en reparlerons en séance publique lors du débat du 30 septembre.
Mercredi 15 septembre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis -Conventions fiscales - Examen du rapport
Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur les projets de loi :
- n° 664 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;
- n° 665 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn en vue d'éviter les doubles impositions ;
- n° 666 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- n° 667 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu ;
- n° 668 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous allons examiner le rapport d'Adrien Gouteyron, sur cinq projets de loi tendant à autoriser l'approbation d'avenants aux conventions fiscales entre la France et Bahreïn, la Belgique, le Luxembourg, la Malaisie et Singapour. Notre collègue se trouvant au Moyen-Orient, je le supplée pour présenter ce rapport.
En juillet dernier, le Sénat a déjà adopté douze projets de loi autorisant l'approbation d'autant d'accords pour l'échange de renseignements en matière fiscale. Dans les prochaines semaines, nous aurons encore l'occasion de nous prononcer sur un avenant à la convention fiscale franco-suisse et sur sept autres accords pour l'échange de renseignements fiscaux.
Cette « prolifération » de textes visant à promouvoir la coopération fiscale entre les Etats résulte de l'annonce faite au G 20 de Londres, en avril 2009, d'un renforcement de la lutte contre les « paradis fiscaux ».
Chacun des cinq avenants vise à mettre la convention fiscale à laquelle il se rapporte en conformité avec la norme définie par l'OCDE pour l'échange de renseignements à des fins fiscales. Cette norme est devenue le standard en la matière.
Pour l'OCDE, un pays est considéré comme « coopératif », et figure en conséquence sur la « liste blanche », s'il a signé au moins douze accords d'échange d'informations à des fins fiscales. La « liste noire » vise les Etats qui n'ont pris aucun engagement en termes d'échange de renseignements. Cette liste noire, qui comprenait quatre Etats en avril 2009, est aujourd'hui vide. Enfin, une « liste grise » identifie les Etats qui, bien que n'ayant pas signé le nombre minimal de douze accords, s'y sont engagés ; de trente-huit pays en avril 2009, elle en compte encore treize : Belize, les Iles Cook, le Costa Rica, le Guatemala, le Libéria, les Iles Marshall, Montserrat, Nauru, Nioué, Panama, les Philippines, l'Uruguay et le Vanuatu.
Les cinq Etats concernés par les avenants que nous examinons figurent donc tous sur la liste blanche de l'OCDE :
- Bahreïn et Singapour, reconnus par l'OCDE comme « paradis fiscaux » en 2000, mais inscrits sur la « liste grise » en avril 2009, ont intégré la liste blanche respectivement en juillet et novembre de la même année, à la suite de la signature de leur douzième accord de coopération fiscale ;
- la Malaisie, qui était encore inscrite sur la « liste noire » en avril 2009, a été admise sur la liste blanche en février 2010 ;
- la Belgique et le Luxembourg ont levé leurs réserves quant à l'application de l'article 26 du modèle de la convention fiscale de l'OCDE en 2009.
Les cinq avenants que nous examinons reproduisent le modèle OCDE pour l'échange de renseignements à des fins fiscales.
Actuellement, l'échange d'informations bancaires ou fiscales avec la Belgique est subordonné au respect du secret bancaire : la convention fiscale franco-belge ne permet pas d'obtenir des renseignements liés à l'application de la législation française ou aux impôts français.
De même, les pratiques en matière de secret bancaire au Luxembourg, et les restrictions en matière d'échange de renseignements prévues par la convention en vigueur, entravent la possibilité d'obtenir des renseignements dans le cadre d'un contrôle fiscal ou pour s'assurer du bien fondé des bases d'imposition.
En ce qui concerne la Malaisie et Singapour, les restrictions à l'échange d'informations portent sur la nature des impôts, le statut de résident des redevables et la disponibilité immédiate des renseignements. En particulier, il n'est actuellement pas possible pour la France d'obtenir des informations que les autorités malaises ou singapouriennes, faute d'en avoir besoin pour leur propre compte, n'auraient pas déjà collectées.
Dans chaque cas, l'introduction dans la convention fiscale d'une clause conforme au standard OCDE tend à donner à la France la possibilité de demander aux autorités de l'autre Etat contractant tous les renseignements qui s'avèreraient utiles pour la bonne application de notre droit fiscal, et de transmettre les informations ainsi recueillies aux autorités administratives et juridictionnelles.
La norme de l'OCDE prévoit que l'échange de renseignements doit être accordé, sur la demande de l'Etat requérant, lorsque l'information est « vraisemblablement pertinente » pour l'application de la législation fiscale interne de cet Etat ; elle précise que la nature des renseignements peut être bancaire ou fiduciaire et concerner la propriété d'une personne, par exemple celle de sociétés ; elle prohibe les restrictions à l'échange de renseignements motivées par le secret bancaire ou par des exigences tenant à l'intérêt fiscal national : l'Etat requis doit mettre en oeuvre ses pouvoirs afin d'obtenir les informations sollicitées, même s'il n'en a pas besoin pour lui-même ; enfin, le respect des droits des contribuables et de la confidentialité des informations échangées doit être assuré.
Les cinq avenants présentent des différences mineures avec ce standard, motivées par l'adaptation aux contextes nationaux et par la volonté de donner leur plein effet aux nouvelles dispositions.
Pour des raisons internes de procédure de ratification du texte, la Belgique a demandé à restreindre le champ des impôts belges couverts aux seuls impôts perçus pour le compte de l'Etat. Toutefois, cette modification ne limite pas le champ d'application de l'échange pour la France.
En ce qui concerne Bahreïn, la Malaisie et Singapour, les avenants comportent une modification rédactionnelle, pour éviter toute interprétation restreignant la communication des renseignements.
Par ailleurs, l'avenant conclu avec Bahreïn précise que les renseignements reçus par l'un des deux Etats contractants peuvent être utilisés à d'autres fins que des fins fiscales, sous la réserve que soit remplie une double condition : « lorsque cette possibilité résulte des lois des deux Etats et lorsque l'autorité compétente de l'Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation ». Cette extension des motifs de l'échange vise principalement à permettre d'utiliser les renseignements en cause pour la recherche de fraudes aux cotisations sociales.
Que peut-on attendre de ces avenants ?
Mme Nicole Bricq. - Pas grand-chose !
M. Jean Arthuis, président. - En 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé que le montant de la fraude aux impôts et cotisations sociales était de 29 à 40 milliards par an. Si nous ne connaissons pas la part qu'y représentent les cinq Etats dont nous parlons aujourd'hui, nous pouvons estimer qu'elle est importante.
La Belgique accueille environ 25 000 travailleurs qui résident dans la zone frontalière française et 132 421 résidents français. Cet Etat entretient des relations bilatérales étroites avec la France puisque la Belgique était, en 2007, son cinquième client et son troisième fournisseur.
Les services financiers constituent l'élément porteur de l'économie luxembourgeoise, la place financière y contribue pour plus de 30 % du PIB. La présence économique française au Luxembourg s'illustre par un grand nombre d'implantations d'entreprises, plus particulièrement dans le secteur financier. Les produits français y sont largement distribués. Plus de 64 000 travailleurs frontaliers se rendent au Luxembourg et environ 26 000 Français y résident.
Manama, la capitale de Bahreïn, est la première place financière du Golfe, devant Dubaï, c'est un pôle important de la finance islamique. Les filiales françaises présentes à Bahreïn en ont souvent fait leur siège régional, elles y emploient un nombre croisant d'expatriés, français notamment. Or il n'existe pas d'impôt sur le revenu des personnes physiques à Bahreïn et, en ce qui concerne les personnes morales, seuls sont imposables, au taux de 46 %, les bénéfices réalisés dans le cadre d'activités pétrolières.
Singapour et la Malaisie représentent respectivement le premier et le deuxième des partenaires commerciaux de la France au sein de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean).
En Malaisie, la France se classe au treizième rang parmi les investisseurs les plus importants, et au quatrième rang parmi les investisseurs européens. On dénombre 180 entreprises françaises implantées sur le territoire malais ; ces entreprises couvrent la plupart des secteurs économiques. Le secteur financier assurait 12 % du PIB malais en 2008, une part non négligeable du dynamisme économique du pays tient au centre financier de l'île de Labuan, doté d'un statut « offshore ».
La cité-Etat de Singapour, quant à elle, représente le quatrième excédent commercial mondial de notre pays, en particulier du fait d'importantes livraisons d'Airbus. Début 2008, on y dénombrait quelque 450 implantations françaises ; la plupart des multinationales françaises y sont présentes. La vigueur de l'économie du pays s'explique en partie par une stratégie volontariste d'attraction des investissements étrangers, et l'un des piliers de cette économie consiste dans les activités financières et de services aux entreprises : Singapour est la troisième place financière d'Asie.
Il y a donc lieu de se féliciter que ces cinq Etats aient entrepris de mettre fin à leur tradition de réticence dans le domaine de l'échange d'informations fiscales, en modifiant leur législation nationale et en concluant les accords bilatéraux qui leur ont permis de se voir reconnaître le statut d'Etats « coopératifs ».
Mais il faut se garder de tout « angélisme » et nous devrons rester vigilants sur la mise en oeuvre de ces accords par nos partenaires. Les évaluations de ces pays par le « Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale », structure issue de l'OCDE, constitueront un précieux élément d'appréciation.
C'est au bénéfice des ces observations, qu'il détaillera dans son rapport écrit, que notre collègue Adrien Gouteyron nous propose d'adopter les cinq projets de loi tendant à autoriser l'approbation des avenants que je viens de vous présenter en son nom.
Ces textes, si vous les approuvez, seront examinés en séance publique jeudi 30 septembre, selon la procédure d'examen simplifié. Le même jour, nous aurons un débat sur l'avenant à la convention franco-suisse, ce qui nous permettra de dresser le bilan que Mme Lagarde n'a pas eu le temps de faire hier soir sur la politique de la France en matière de lutte contre les paradis fiscaux.
M. Yann Gaillard. - Le rapport se défie de tout angélisme, mais le fait de contracter nous engage. Quelle est la position de nos partenaires européens, en particulier de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne : passent-ils aussi des conventions ?
M. Jean Arthuis, président. - Il y a un mouvement général de conventionnement, et même les paradis fiscaux conventionnent entre eux, mais cela ne nous dit pas que les pratiques changeront.
Mme Nicole Bricq. - Je regrette que nous n'ayons pas débattu hier soir des paradis fiscaux, car bien des questions se posent. Le G20 de Londres est suivi d'un élan pour le conventionnement, chacun sait pourquoi, mais les effets sont plus qu'incertains et nous voulons débattre des règles européennes mêmes. Tant que la directive de 2003 sur l'épargne sera inchangée, qui fait une exception pour le Luxembourg et pour l'Autriche, l'Union européenne elle-même ne sera pas exempte de complaisance envers les paradis fiscaux. Quelle est l'efficacité du florilège de conventions actuel ? L'OCDE fournit une convention type, mais celle qu'on a signée avec la Suisse est en retrait, et nous constatons que les avenants comportent encore des reculs.
Ensuite, quid du contrôle de l'application ? Les demandes de renseignements fiscaux doivent être « pertinentes », mais qu'en est-il quand elles font suite à des soupçons de fraude ? Il faut que la transmission des informations soit automatique, ou bien elle sera aléatoire : la France doit se battre sur ce point !
La question des transferts entre les filiales et les maisons mères doit être prise en compte, des milliards échappent à tout contrôle et tant qu'ils n'apparaîtront pas dans les bilans comptables, nous n'empêcherons pas les fraudes. Nous déposerons un amendement à la loi de régulation fiscale et financière, pour plus de transparence sur la composition des conseils d'administration, sur les bénéfices et sur les impôts payés.
Après la signature de l'accord avec la Suisse, le ministre du budget s'est enorgueilli du dispositif de contrôle que nous avons adopté dans le collectif, mais le décret d'application a attendu le 1er septembre dernier, c'est bien long, et le contrôle ne sera pas effectif avant 2011 : le petit monde qui envoie des capitaux dans les paradis fiscaux aura eu tout son temps pour s'organiser ! Nous sommes face à une criminalité sans criminels, ce sera difficile d'obtenir des résultats. Le Parlement doit être informé, nous devons suivre l'activité de la cellule mise en place pour le contrôle, ou bien toute l'énergie déployée depuis le G20 n'aura comme seul résultat qu'une liste blanche qui ne voudra pas dire grand-chose.
M. Jean Arthuis, président. - Je vous donne acte de vos propos. En mars dernier, nous avons conduit une série d'auditions sur les conventions fiscales, car nous savons bien que l'enjeu est de faire changer les pratiques, au-delà de la seule signature de conventions. Nous poursuivrons ces auditions, en invitant notamment François d'Aubert, président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives du forum global de l'OCDE sur la transparence, à nous présenter le bilan de ce groupe d'évaluation.
Je partage vos préoccupations. Cependant, je vous indique que les services fiscaux peuvent conduire des enquêtes sur le prix des transferts.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Les avenants disposent que les échanges portent sur des renseignements « vraisemblablement pertinents » : est-ce le vocable utilisé par l'OCDE ? Qui décide de la pertinence ?
M. Jean Arthuis, président. - L'expression est bien celle de l'OCDE. On peut effectivement vouloir plus, mais on risque alors de ne plus rien obtenir. C'est un début, nous mettons un pied dans la porte.
M. François Fortassin. - J'apprécie les précautions oratoires, mais je me demande si nous ne concluons pas là un marché de dupes. Notre signature participe à la respectabilité de pays avec qui nous signons ces contrats, alors même que nous disons que l'efficacité de la convention est douteuse : cela vaut-il la peine ?
M. Jean Arthuis, président. - Les habits juridiques recouvrent parfois bien des hypocrisies, et il nous arrive aussi parfois de voter des lois sans grande conviction, pour la communication davantage que pour leurs effets...
M. François Fortassin. - Cela ne nous rend pas glorieux pour autant !
M. Jean Arthuis, président. - C'est mieux que rien et nous prolongeons le G20, même si nous savons bien que nous sommes encore très loin d'une gouvernance mondiale.
Sur le Luxembourg, nous faisons preuve d'une indulgence coupable, d'autant moins nécessaire que le président de l'Eurogroupe, qui nous rappelle à nos obligations comptables, est aussi le Premier ministre du duché où s'évadent bien des capitaux, couverts par le secret bancaire. Cependant, des progrès sont réalisés : qui, il y a deux ans à peine, imaginait que l'Union européenne irait aussi loin dans la régulation financière ?
La commission adopte le rapport.
Elle adopte les cinq projets de loi tendant à autoriser l'approbation d'avenants aux conventions fiscales entre la France et Bahreïn, la Belgique, le Luxembourg, la Malaisie et Singapour.
Elle propose que ces textes fassent l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
Mise en oeuvre des investissements financés par l'emprunt national - Audition de M. René Ricol, commissaire général à l'investissement
La commission procède ensuite à l'audition de M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, sur la mise en oeuvre des investissements financés par l'emprunt national.
M. Jean Arthuis, président. - Nous sommes heureux d'accueillir René Ricol, commissaire général à l'investissement, accompagné de Jean-Luc Tavernier, commissaire adjoint. La première loi de finances rectificative de l'année a été consacrée à la mise en place d'une opération d'investissement exceptionnel de trente-cinq milliards d'euros faisant suite au rapport de MM. Juppé et Rocard sur les investissements porteurs d'avenir.
Le « programme d'investissements d'avenir » doit permettre d'accroître l'effort national en faveur de la recherche et de développer des positions compétitives dans des domaines stratégiques. Si la commission des finances a approuvé cette réhabilitation de la notion d'investissement public, elle n'en a pas moins regretté la voie choisie, avec la mise en place d'un financement public parallèle à celui du budget de l'Etat, ce qui prive le Parlement d'une partie de ses prérogatives habituelles. Un certain nombre d'amendements ont été adoptés à l'initiative de notre commission afin de mieux associer la représentation nationale au suivi de la mise en oeuvre des actions financées par l'emprunt.
Ce suivi s'est notamment traduit depuis le mois de mai par l'examen par la commission de trente-quatre projets de conventions entre l'Etat et les opérateurs chargés de la mise en place du programme d'investissements. A cinq reprises, la commission a fait part au Premier ministre de ses observations. Elle a pu constater avec satisfaction qu'une partie d'entre elles avaient été prises en compte.
Pour suivre l'utilisation des fonds de l'emprunt, nous auditionnons régulièrement les personnes en charge de ce dossier : c'est la troisième fois que nous entendrons M. Ricol depuis le début de l'année. Nous avons élargi notre audition, aux membres des autres commissions : je me réjouis d'accueillir notre collègue Bruno Retailleau, membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. René Ricol, commissaire général à l'investissement. - Je suis heureux de vous communiquer aujourd'hui le projet de rapport, qui dresse le bilan du travail accompli. Les remarques des commissions parlementaires nous ont été très utiles et nous en avons tenu compte autant que possible. Sur les trente-cinq conventions devant être conclues entre l'Etat et les opérateurs, trente-quatre ont été validées. La dernière, qui porte sur l'aménagement du plateau de Saclay, plus complexe vous sera prochainement communiquée.
La mobilisation dépasse de très loin les clivages politiques : les réunions organisées dans les préfectures de région nous ont permis de vérifier l'engouement des territoires pour les projets. Notre méthode est bien établie : nous présentons d'abord la procédure de sélection, avec le jury indépendant, puis nous organisons des ateliers thématiques pour approfondir les dossiers et leur donner les meilleures chances d'être retenus.
Votre commission m'a interrogé sur l'effet levier. Je peux d'ores et déjà vous dire que nous mobiliserons environ soixante milliards d'euros, dont vingt-cinq milliards d'euros par effet levier. Le critère de l'ancrage territorial est primordial. Avec les collectivités locales, nous nous attachons à tout mettre sur la table en amont, afin de garantir en aval les financements. Nous promouvons le fair play entre opérateurs, nous faisons attention à ce que chaque contributeur soit associé aux décisions et soit considéré comme un des porteurs du projet.
Nous nous attachons encore à bannir le terme même de subvention, qui paraît impropre à notre domaine d'intervention. Je prendrai l'exemple du véhicule du futur : la logique des subventions nous conduirait à financer des véhicules électriques, alors même que le bilan énergétique de ces derniers est nul, sauf en centre-ville. Le véhicule du futur, qui sera probablement plus hybride, nécessite une logique d'investissement et une prise de risque. Nous préférons donc être dans une position de co-investisseurs, avec l'exigence d'un retour sur investissement pour l'Etat.
M. Jean Arthuis, président. - Vous délivrez donc des fonds sous forme d'avances ?
M. René Ricol. - Nous faisons des « avances remboursables participatives », sur le modèle des capital-risqueurs, en participant chaque fois que possible au capital : c'est le meilleur moyen de bénéficier d'un retour sur investissement. Le secteur de la culture, attributaire de 750 millions d'euros, ne doit pas être écarté par principe de cette exigence : la numérisation des contenus, qui peut donner lieu à un service payant lors de leur diffusion, montre qu'un retour sur investissement est possible.
Nous procédons par vagues successives, pour investir progressivement lorsque les projets sont prêts.
Nous avons également imposé le changement du mode de rémunération des gestionnaires des fonds d'amorçage. Je rappelle que la Caisse des dépôts et consignations consacrera, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, 400 millions d'euros à l'amorçage, et que l'effet levier est potentiellement important. Les gestionnaires des fonds d'amorçage font souvent preuve de myopie en vendant immédiatement leurs brevets, sans se préoccuper des effets à long terme sur l'industrialisation et l'emploi. Le problème tient notamment à leur mode de rémunération, qui comprend un salaire fixe et des primes sous forme de carried interest. Nous avons interdit cette pratique par voie de convention : les gestionnaires ne pourront désormais toucher de bonus que lorsque les effets de leur action se seront fait sentir dans le tissu industriel du pays.
M. Jean Arthuis, président. - Il serait judicieux d'appliquer ce principe au crédit d'impôt recherche.
M. René Ricol. - En effet. Avec des sommes assez réduites, nous parvenons à faire bouger les lignes ; les responsables des pôles de compétitivité dialoguent entre eux, et tout le monde accepte que les présidents de régions jouent un rôle de coordination.
M. Jean Arthuis, président. - Vous avez évoqué un effet de levier grâce au soutien financier des collectivités territoriales. Mais celles-ci connaissent actuellement de fortes tensions budgétaires. Quel concours attendez-vous d'elles ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer les conditions de rémunération des fonds non consomptibles déposés au Trésor et le montant des intérêts versés ou à verser ?
M. René Ricol. - Le taux de rémunération a été fixé à 3,41 %, ce qui a permis de donner aux porteurs de projets plus de lisibilité. Je fais le pari que les taux remonteront d'ici deux ans, à la suite notamment de la nouvelle loi de régulation bancaire et financière.
J'en viens au concours des collectivités. Si le plan de relance n'a pas produit tous ses effets, c'est que certaines collectivités ont contracté des produits financiers risqués et rechignent à dépenser. Nous nous fondons sur une hypothèse basse qui semble raisonnable, en estimant le concours financier des collectivités entre 3 et 5 milliards d'euros d'ici 2015 ou 2017, date à laquelle les projets verront effectivement le jour. Il serait sans doute possible de rationnaliser les dépenses existantes.
M. Jean Arthuis, président. - Quels projets sont concernés ?
M. René Ricol. - Tous les projets qui relèvent des investissements d'avenir. Certaines collectivités pourraient par exemple participer au financement de sociétés de valorisation, dont le capital est ordinairement réparti entre des centres de recherche et des universités pour les deux tiers, et la Caisse des dépôts et consignations pour un tiers ; en contrepartie, elles seraient associées aux comités d'investissement. Des régions pourraient également contribuer à financer des internats d'excellence, des pôles de compétitivité ou des formations.
M. Yves Krattinger. - Un véritable effet de levier consisterait à attirer des fonds privés grâce aux fonds publics, et non à faire contribuer les collectivités locales dont les marges de manoeuvre fiscales sont très réduites : la fiscalité représente moins de 10 % des recettes des régions, 16 à 17 % de celles des départements.
Quant au véhicule du futur, ce n'est pas seulement la voiture électrique : des innovations sont possibles dans les domaines des chaînes de traction, des moteurs hybrides ou à l'hydrogène, ou encore des technologies de l'information et de la communication appliquées aux véhicules et aux infrastructures. Or on demande aux candidats un retour sur investissement au terme de cinq ans ; mais dans le domaine des nouvelles technologies, un projet n'est pas rentable avant dix ou vingt ans ! Nous sommes très en retard sur les Allemands dans la recherche sur les moteurs à hydrogène. Je vous engage donc à clarifier votre stratégie : votre perspective est-elle à court terme, auquel cas il n'y avait aucune raison de sortir de la budgétisation ordinaire comme le président Arthuis l'a bien dit, ou à long terme ?
M. René Ricol. - Nos tableaux présentent clairement le rapport entre les investissements de l'Etat - d'un montant de 35 milliards d'euros - et l'effet de levier attendu - près de 25 milliards d'euros, dont une faible fraction de la part des collectivités. Nous en avons discuté avec de nombreux présidents de région qui veulent s'impliquer.
Les projets ne seront pas réalisés avant 2015 et 2017. Même si l'on demandait un retour sur investissement au terme de cinq ans, cela reviendrait à l'exiger pour 2022 !
Nous sommes très soucieux du caractère novateur des projets. Nous avons par exemple rejeté le projet de l'Airbus A400M, mais nous sommes plus ouverts sur l'A350, dont la technologie pourrait avoir des retombées pendant vingt ou trente ans. Quant au véhicule du futur, il ne s'agit pas seulement de la voiture, mais aussi du train, et les recherches portent aussi bien sur les moteurs que sur les technologies numériques. Nous favorisons les collaborations afin d'éviter les doublons. En tant que médiateur du crédit, j'avais constaté que notre pays fourmille d'initiatives formidables, mais que les gens ne dialoguent pas suffisamment.
Nous tenons surtout à ce que l'Etat et les collectivités, au lieu d'accorder des subventions, investissent : il est légitime d'attendre un retour sur investissement, afin de pouvoir continuer à dépenser dans vingt ans. Mais nous n'exigeons pas de retour sur investissement sous cinq ans : c'est seulement en cas de restructuration de filières industrielles que nous voulons des résultats rapides.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je suis séduit par votre théorie des vagues. Les responsables des groupes hospitaliers de Paris, Lyon et Marseille ont chacun deux ou trois projets d'institut hospitalo-universitaire (IHU) ; s'y ajouteront d'autres projets à Caen, Nantes, Bordeaux ou encore Strasbourg. Or il n'est prévu que de financer cinq IHU, pour un montant de 850 millions d'euros. Cette somme est-elle définie ne varietur, quel que soit l'intérêt des projets ? Comment le commissariat général sera-t-il associé aux décisions du jury international qui sélectionnera les dossiers ?
A Saclay, la convention sera-t-elle signée avec l'établissement public Paris-Saclay ou avec les membres des pôles d'excellence et des campus universitaires ? Au milliard d'euro prévu dans le cadre de l'emprunt s'ajoutent les 850 millions du plan Campus. Est-ce l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui sera chargé de distribuer les fonds ?
M. Pierre Bernard-Reymond. - Vous souciez-vous de l'inscription des projets dans un cadre européen ? Il faut favoriser les synergies. Les pôles de compétitivité joueront-ils un rôle ? Quid du projet Iter ?
M. Joël Bourdin. - Je souhaiterai vous interroger d'abord sur la méthode. Nous avons beaucoup parlé de l'effet de levier. Mais selon moi, il ne devrait pas suffire que des acteurs privés participent au financement des projets pour que vous y contribuiez : il faut aussi se soucier des résultats.
Je m'inquiète également de l'avancement des projets qui regardent la Bibliothèque nationale de France. Je suis rapporteur de la commission de l'éducation de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, et lors d'une réunion à Dakar mes interlocuteurs se sont émus que les oeuvres de Victor Hugo soient bientôt disponibles en version numérique en traduction anglaise avant de l'être en français !
M. André Ferrand. - On a coutume de nommer « délocalisation des campus d'excellence » le projet qui consiste à créer des filières francophones dans des établissements d'enseignement supérieur étrangers, à partir du réseau des lycées français. Le Premier ministre, dans sa réponse au courrier du président Arthuis faisant part des observations de la commission des finances sur certains projets de convention, s'est montré très encourageant. Il est temps d'internationaliser nos universités et grandes écoles. Les sept mille bacheliers étrangers issus chaque année des lycées français constituent une véritable pépinière que le monde nous envie ; or la plupart d'entre eux ne poursuivent pas leurs études en France. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, nous souhaitons créer des collaborations entre des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), des lycées français à l'étranger et des universités étrangères : Bordeaux pourrait ainsi s'associer à des établissements d'Amérique latine, pour créer des filières bi-diplômantes. Ce projet est en bonne voie. Plusieurs groupes du CAC 40 pourraient s'y associer : les présidents de BNP Paribas, Total et EDF m'ont fait part de leur intérêt. Que puis-je leur dire ?
M. Bruno Retailleau. - L'effet de levier doit avoir un aspect qualitatif : les grands groupes ne doivent pas être seuls à profiter du grand emprunt, qui doit aussi irriguer le tissu des PME et revigorer ainsi notre économie. Le médiateur de la sous-traitance a d'ailleurs été chargé de veiller à ce que les grandes entreprises entretiennent des relations convenables avec leurs sous-traitants.
Quant aux infrastructures numériques, un premier appel à projets relatif au très haut débit a été lancé cet été à destination des collectivités locales. Comment comptez-vous faire en sorte que les décisions soient prises de manière cohérente et rapide, alors qu'au secrétariat d'Etat à l'économie numérique et au commissariat général, se juxtaposent le tout récent fonds pour la société numérique et le fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT) créé en 2009 par la loi relative à la lutte contre la fracture numérique ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Où en sont les projets de carburants d'origine agricole, dont les enjeux sont immenses ?
Il reste une somme non fléchée de 150 millions d'euros pour les internats d'excellence et la diffusion de la culture scientifique. Quand aurons-nous des précisions ? Les projets de conventions au sujet de la diffusion de la culture scientifique nous ont paru bien vagues. ( Mme Nicole Bricq renchérit) L'argent ne serait-il pas mieux employé ailleurs ?
Nous n'avons pas non plus de détails sur les frais de gestion de l'Agence nationale de la recherche, alors qu'une convention financière est annoncée. Ces frais doivent être transparents et raisonnables.
L'action « Ville de demain », dotée d'un milliard d'euros, reste nébuleuse. S'agit-il de construire des infrastructures ? Pourtant le grand emprunt devait avoir un autre objet.
M. Philippe Dallier. - Il est prévu de confier à l'Agence nationale pour la rénovation urbaines (ANRU) l'attribution des fonds affectés aux internats d'excellence et à la diffusion de la culture scientifique. Ce n'est pourtant pas son coeur de métier : cette agence, qui emploie environ 80 salariés, est chargée de la mise en oeuvre de programmes de rénovation urbaine. Le choix de l'opérateur doit-il être remis en question ?
M. René Ricol. - Comme M. Fourcade, j'estime que les médecins hospitaliers doivent apprendre à dialoguer, car les projets d'IHU sont trop nombreux. Un seul nous paraît mûr. Il est d'ailleurs possible de créer des laboratoires d'excellence plutôt que des IHU.
L'enveloppe globale ne sera pas modifiée, mais si nous constatons que dix projets méritent d'être soutenus, nous accorderons à chacun une somme moins élevée que prévu. C'est l'avantage de la méthode par vagues. Lors d'une réunion en Île-de-France, j'ai fait comprendre aux dirigeants des hôpitaux Necker et Pompidou que s'ils ne coopéraient pas davantage, leurs projets n'auraient aucune chance d'être retenus.
M. Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint à l'investissement. - Pour l'aménagement du plateau de Saclay, si l'ANR a d'abord été choisie, c'est parce qu'au moment du vote de la loi de finances rectificative et de la publication du décret relatif aux opérateurs, l'établissement public Paris-Saclay n'existait pas. Faut-il changer d'opérateur ? Certes, l'aménagement du plateau n'entre pas dans le coeur de métier de l'ANR, mais l'établissement public Paris-Saclay sera lui-même bénéficiaire des sommes distribuées...
Les moyens de l'ANR, comme ceux de l'Ademe, seront définis par convention. Pour les frais de gestion de l'ANR, sont prévus quatre millions d'euros, qui correspondent à la création d'environ vingt-cinq équivalents temps plein - compensée par la suppression d'autant de postes auprès du ministère de l'enseignement supérieur - et au défraiement des membres des jurys internationaux.
M. René Ricol. - Nous sommes évidemment soucieux de la dimension européenne des projets, que nous examinons au cas par cas. Les jurys internationaux nous y aideront.
J'en viens à la question des pôles de compétitivité et des démonstrateurs. Le commissariat général pourra s'opposer aux décisions des jurys s'il motive par écrit sa décision. Si les projets ne contribuent pas à la structuration de filières économiques et n'associent pas étroitement les PME, les grands groupes ne seront pas éligibles aux fonds de l'emprunt national. En attirant l'attention en tant que médiateur du crédit sur le comportement de ces derniers, j'ai contribué à la création d'un médiateur de la sous-traitance. Depuis, une quarantaine de grands groupes ont conclu une convention avec les petites entreprises pour éviter les abus. Ne nous laissons pas abuser par ceux qui nous demandent de faire des exceptions pour les entreprises locales !
L'Iter n'est pas concerné par les investissements d'avenir. Quant au nucléaire de quatrième génération, aucun projet n'a encore été déposé.
Le résultat des investissements sera évalué de manière aussi objective et quantifiée que possible, mais le rendement financier ne sera pas seul pris en compte : nous mentionnerons par exemple le taux de réussite scolaire dans les internats d'excellence. Nous avons fait appel à des consultants pour établir des modèles d'évaluation.
Le projet de filières francophones dans les établissements d'enseignement supérieur à l'étranger est excellent, mais il faut encourager les entreprises à ne pas seulement affirmer le principe de leur contribution, mais à préciser, dès maintenant, le montant de celle-ci ! Cela ne fera qu'accélérer les choses.
Dans le domaine du numérique, la gestion est simple : en l'absence d'opérateur, le secrétariat d'Etat à l'économie numérique et le commissariat général en assument les fonctions. Les fonds sont gérés par la Caisse des dépôts.
M. Jean Arthuis, président. - C'est une exception dans le cadre des investissements d'avenir.
M. Jean-Luc Tavernier. - En effet, mais comme les autres opérateurs, la Caisse des dépôts a ouvert un compte au Trésor public pour y déposer les sommes qui lui sont confiées.
M. René Ricol. - Il ne faut pas confondre le haut débit et le très haut débit : pour l'heure on ne sait pas encore utiliser les réseaux à très haut débit. Il faut coordonner les initiatives des collectivités et des entreprises, afin d'éviter les dépenses inutiles ou redondantes. C'est pourquoi nous avons lancé un projet d'expérimentation et nous tenterons d'obtenir un consensus sur un schéma directeur.
M. Jean-Jacques Jégou. - L'Arcep, l'opérateur historique, et les autres entreprises agissent en ordre dispersé : il faut y mettre bon ordre !
M. René Ricol. - Nous espérons qu'un vrai dialogue se nouera à la suite de l'expérimentation, et que les choses s'éclairciront d'ici à la fin de l'année.
Sur les carburants d'origine agricole, les appels à projets ont été publiés.
Je reconnais que les projets relatifs à la diffusion de la culture scientifique restent flous : nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur la question. Mais les besoins sont évidents. On peut imaginer de créer une fédération des bibliothèques scientifiques, comme dans d'autres pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Voilà qui est concret.
M. René Ricol. - Les plans de numérisation des collections de la BNF doivent encore faire l'objet de réflexions : rien ne sert de numériser des documents si l'on ne peut pas les diffuser. Google, pour sa part, se soucie peu de nos projets.
Il faut s'accorder une marge d'appréciation dans la distribution des fonds entre la diffusion de la culture scientifique et les internats d'excellence, qui coûteront peut-être plus de 300 millions d'euros au lieu des 200 millions initialement prévus.
M. Jean-Luc Tavernier. - Les sommes qui y sont consacrées ont déjà été réaffectées : 300 millions d'euros au lieu de 200 pour les internats d'excellence, 50 millions d'euros pour la diffusion de la culture scientifique, et 150 millions d'euros dont l'allocation reste à préciser. Il ne me paraît pas excessif d'investir 50 millions d'euros dans la diffusion de la culture scientifique, à laquelle la commission Juppé-Rocard était très attachée. Certains projets sont sérieux, et il faut renforcer l'appétence des jeunes pour les carrières scientifiques. Les sommes ne seront débloquées que si les projets sont convaincants.
En ce qui concerne les internats d'excellence, nous aurions pu choisir un autre opérateur, par exemple l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, mais les internats entrent également dans les compétences de l'Anru, puisqu'il s'agira de veiller à ce que ces projets immobiliers - auxquels seront associées les collectivités - ne coûtent pas trop cher.
M. Philippe Dallier. - Mais l'Anru ne construit rien !
M. Jean Arthuis, président. - Pourquoi ne pas solliciter les régions, qui ont en charge les lycées ?
M. René Ricol. - Nous sommes prêts à y regarder de plus près.
Quant à l'action « Ville de demain », elle comprendra nécessairement la construction d'infrastructures, mais ce sera marginal. Certains projets sont fascinants.
M. Jean Arthuis, président. - Songez-vous aux propositions de Mme Debonneuil ?
M. René Ricol. - C'est une femme douée de beaucoup d'intuition, qui a anticipé l'association des services et des produits dans la nouvelle économie.
M. Jean Arthuis, président. - Il est prévu de transférer les fonds aux opérateurs en cours d'année. L'argent ne doit-il pas être immédiatement reversé au Trésor public ?
M. René Ricol. - Si, mais les opérateurs en seront propriétaires. Toutefois, faute d'appel à projets, ils n'auront pas le droit de les dépenser.
Projet de décret d'avance - Communication
La commission entend enfin une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur un projet de décret d'avance transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le projet de décret d'avance qui nous a été notifié prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 729,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 701,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP) au titre du budget général, ainsi que de 570 millions d'euros en AE et CP au titre des comptes spéciaux.
Ces ouvertures à titre d'avance concernent le financement des opérations extérieures du ministère de la défense pour 218 millions d'euros, plusieurs dépenses d'intervention économique, dont le financement de la prime à la casse pour 127 millions d'euros, du bonus automobile pour 370 millions d'euros et de la compensation de la baisse du prix des carburants outre-mer pour 81 millions d'euros. Certaines ouvertures concernent le soutien à la filière agricole. Il s'agit ici de dépenses liées à un moindre remboursement communautaire au titre de la campagne de vaccination 2008-2009 contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) pour 14 millions d'euros, et au financement de la prime herbagère agro-environnementale pour 47 millions d'euros.
Sont également couverts les besoins liés au financement des conséquences de catastrophes naturelles, et plus précisément la prise en charge, pour les exploitants forestiers, des conséquences de la tempête Klaus à hauteur de 20 millions d'euros, ainsi que l'indemnisation des collectivités territoriales varoises touchées par les intempéries, soit 12 millions d'euros.
Le décret d'avance vise ensuite, et comme à l'accoutumée, l'abondement de dispositifs de prise en charge de publics vulnérables, soit 110 millions d'euros en faveur de l'hébergement d'urgence et 60 millions d'euros pour le financement de dépenses en matière d'asile. Sont enfin couvertes diverses dépenses de personnel, de contentieux, de frais de justice et à caractère immobilier.
Au total, neuf missions du budget général, un compte d'affectation spéciale et un compte de concours financiers font l'objet d'ouvertures de crédits. En proportion des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2010, les missions qui subissent l'impact le plus important en raison des présentes ouvertures sont la mission « Economie », dont la dotation est majorée de 4,1 % en AE et 4,2 % en CP pour compenser la baisse du prix des carburants outre-mer, la mission « Immigration, asile et intégration », dont les crédits augmentent de 10,5 % en AE et 10,7 % en CP afin de financer l'allocation temporaire d'attente des demandeurs d'asile, et le compte de concours financiers « Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres », dont la dotation en loi de finances initiale fait plus que doubler (+ 109 % en AE et CP) pour le versement du bonus automobile.
Sur le plan qualitatif, certaines dépenses couvertes par ce projet de décret répondent à des situations dont le caractère imprévisible peut être admis. Il en va ainsi des frais de contentieux, par nature dépendants de la survenue des litiges, ou des dépenses d'indemnisation de la FCO, qui semblent résulter d'une divergence d'interprétation de la règlementation communautaire entre le Gouvernement et la Commission européenne. De la même manière, les dépenses de soutien à la filière forêt-bois, faisant suite à la tempête Klaus, ou d'indemnisation des collectivités territoriales frappées par les intempéries dans le Var présentent, en tant qu'elles sont liées à la survenue d'aléas naturels, un caractère d'imprévisibilité incontestable. Enfin, certaines dépenses imprévisibles sont imputables aux effets difficilement quantifiables de réformes en cours ou ont résulté d'arbitrages postérieurs à l'adoption de la loi de finances pour 2010. On mentionnera, à ce titre, l'accompagnement des restructurations du ministère de la défense, dont le coût est fortement dépendant des décisions individuelles des agents, l'augmentation des frais de justice, due, selon le Gouvernement, à l'anticipation de la réforme de la médecine légale, ou les surcoûts liés à la prorogation des contrats de prime herbagère agro-environnementale (PHAE), arbitrée en février 2010.
Je relève, en revanche, que certains besoins de crédits, dont l'urgence est avérée, n'étaient nullement imprévisibles, voire résultent de sous-budgétisations patentes et souvent répétées en loi de finances initiale. Le budget des opérations extérieures (OPEX) du ministère de la défense fait l'objet d'une sous-évaluation persistante et délibérée, et ce malgré sa révision à la hausse dans le cadre de la dernière loi de programmation militaire. Le coût de la compensation de la baisse du prix des carburants outre-mer pouvait être anticipé, sinon dans son montant exact, au moins dans sa survenue, puisque le prix des carburants dans les DOM demeurait subventionné par l'Etat au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Il en va de même des dépenses immobilières liées à la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat, qui n'étaient pas imprévisibles, puisque leur principe était acté au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, et ce même si le périmètre exact de certaines opérations restait à définir.
La sous-budgétisation des crédits liés à l'accueil des demandeurs d'asile constitue une pratique répétée, conduisant à faire du décret d'avance une méthode traditionnelle d'abondement des crédits en cours d'exercice. La situation est analogue pour l'hébergement d'urgence, qui a vu son coût sous-estimé en 2008, 2009 et 2010, et l'augmentation constatée des besoins résulte autant d'une tendance pérenne, liée aux politiques mises en oeuvre dans ce domaine, que de facteurs conjoncturels ou climatiques.
Enfin, la sous-estimation du coût des mesures de soutien au renouvellement du parc automobile - prime à la casse et bonus - ne saurait être imputable aux seuls aléas conjoncturels. On observe en particulier que le bonus automobile est chroniquement sous-doté en loi de finances initiale et que la sévérisation du barème prévue en 2010 a, juste avant son entrée en vigueur, suscité un effet d'aubaine et inflationniste sur la demande dont la portée semble avoir été mal appréhendée.
J'en termine par les annulations à due concurrence, qui portent sur vingt-cinq missions du budget général et deux comptes spéciaux. Les annulations, hors réserve de précaution, atteignent plus d'un milliard d'euros, soit près des neuf dixièmes des ouvertures opérées. De fait, la réserve de précaution ne joue qu'un rôle résiduel qui invite à s'interroger sur la pertinence de son dimensionnement.
Cette observation, que j'avais avait déjà été formulée lors de l'examen du projet de décret d'avance notifié à la commission des finances au mois d'octobre 2009, plaide pour que les rapports de motivation explicitent de manière plus circonstanciée la nature et la destination des crédits qui font l'objet d'annulations hors réserve de précaution, ainsi que les raisons qui ont conduit à de tels arbitrages.
Dans ces conditions, je vous soumets le projet d'avis dont la teneur suit :
« La commission des finances,
« Vu les articles 13 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
« Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et les lois n° 2010-463 du 7 mai 2010 et n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificatives pour 2010 ;
« Vu le projet de décret d'avance notifié le 14 septembre 2010, portant ouverture de 1.299.400.000 euros en autorisations d'engagement et de 1.271.400.000 euros en crédits de paiement, et le rapport de motivation qui l'accompagne ;
« 1. Observe que les ouvertures prévues par le présent projet n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année ;
« 2. Constate que l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances n'est pas affecté, et que l'ouverture des crédits prévue, dès lors qu'elle est gagée par des annulations d'un même montant, n'appelle pas le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative ;
« 3. Considère que l'urgence à ouvrir les autorisations d'engagement et les crédits de paiement prévus par le présent projet de décret est avérée ;
« 4. Déplore que, si certaines dépenses résultant de contentieux, faisant suite à des catastrophes naturelles ou résultant d'arbitrages postérieurs à l'adoption de la loi de finances pour 2010, peuvent être légitimement regardées comme imprévisibles, il n'en va pas de même :
« a) des dépenses liées à la compensation du coût du carburant outre-mer et aux restructurations immobilières de l'administration déconcentrée de l'Etat, qui résultent de besoins identifiés, sinon dans leur montant exact, à tout le moins dans leur principe, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2010 ;
« b) des dépenses liées aux opérations extérieures du ministère de la défense, à la prise en charge des demandeurs d'asile, à l'hébergement d'urgence et aux mesures de soutien au renouvellement du parc automobile, qui font l'objet de sous-estimations importantes et répétées en loi de finances initiale ;
« 5. Invite en conséquence le Gouvernement à améliorer, dans ces domaines, la sincérité de la prévision budgétaire ;
« 6. Observe que près des neuf dixièmes des crédits ouverts sont gagés par des annulations de crédits intervenant hors réserve de précaution et souhaite, dans ces conditions, que les rapports de motivation explicitent désormais de manière plus circonstanciée la nature et la destination des crédits ainsi annulés, ainsi que les raisons qui ont conduit à de tels arbitrages ;
« 7. Emet donc un avis favorable au présent projet de décret d'avance, assorti de vives réserves, en raison de la répétition des dysfonctionnements rappelés ci-avant. »
Mme Nicole Bricq. - Je souscris à l'analyse selon laquelle les dépenses de restructuration immobilière n'étaient nullement imprévisibles au moment du vote de la loi de finances.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et adopte, à l'unanimité, l'avis sur le projet de décret d'avance.
- Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire-
Audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission procède, conjointement avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à l'audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Au nom du président Arthuis, qui nous rejoindra dans quelques instants, et de moi-même, je souhaite la bienvenue à M. le ministre Devedjian. La Cour des comptes, dans une récente enquête réalisée pour la commission des finances de l'Assemblée nationale en application du 2° de l'article 58 de la LOLF, a fait valoir que les dépenses au titre du plan de relance étaient plus importantes que prévu. Pour ma part, je me réjouis de sa mise en oeuvre. Je m'en tiendrai à un seul indicateur : les grands experts avaient osé imaginer une croissance annuelle de 1,6 % pour l'année 2010, elle est déjà de 1,4 % au premier semestre. Le plan de relance n'y est pas pour rien !
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance. - Merci de m'accueillir pour ce rendez-vous régulier... Le sixième rapport au Parlement sur la mise en oeuvre du plan de relance fait le point à la mi-2010 alors que nous entamons le dernier semestre du plan de relance pour un arrêt prévu à la fin de l'année.
Où en sommes-nous ? A ce jour, 37 milliards d'euros ont été injectés par le plan de relance dans l'économie française, soit 95 % des montants annoncés pour les années 2009 et 2010. L'action du plan est multiple : aider les entreprises et soutenir l'emploi ainsi que préserver la recherche-développement pour l'avenir, multiplier les investissements publics utiles afin de pallier la forte défaillance de l'investissement privé, qui vient seulement de redémarrer.
Plus précisément, du début 2009 à mi-2010, pas moins de 6,1 milliards d'euros ont été restitués aux entreprises innovantes sous la forme du remboursement accéléré du crédit d'impôt recherche. Quelque 5,3 milliards d'euros de garanties de prêts ont été distribués par Oseo à 23 000 entreprises. La Caisse centrale de réassurance a géré des assurances crédits, CAP et CAP+, pour 1,5 milliard d'euros au bénéfice de 76 000 entreprises, dont 3 000 dossiers à l'export. La prime à la casse a eu deux résultats simultanés : cette mesure de soutien aux ménages a eu un impact majeur sur les entreprises du secteur automobile qui, je le rappelle, représentent 10 % de l'emploi salarié en France. Elle a été un énorme succès : le 26 août dernier, nous avons atteint la millionième prime. Les constructeurs français en ont profité à plus de 60 %, la demande s'étant concentrée sur des petits modèles, plus écologiques, marché sur lequel la France est bien positionnée. En matière de soutien à l'emploi, le dispositif « Zéro charges TPE », clos le 30 juin dernier, sauf pour les apprentis, continuera à s'appliquer pour les recrutements effectués avant cette date. Ce système a bénéficié à plus d'un million d'embauches, dont 42 % en contrat à durée indéterminée. Le Fonds d'investissement social (FISO), qui finance l'activité partielle, des aides à l'embauche, des formations et des aides à la reconversion, a bénéficié à plus de 2 millions de personnes pour un coût de 1,3 milliard d'euros. Je veux d'ailleurs saluer les efforts consentis par les entreprises françaises en matière de formation des salariés. Le plan de relance y a également contribué en finançant la formation des demandeurs d'emploi ou des personnes mises au chômage partiel.
Le lancement de nombreux projets d'investissement publics avait pour but, je le rappelle, de soutenir le carnet de commande des entreprises. Nous avons anticipé la réalisation de projets déjà prévus qui, pour certains, avaient été écartés en raison de leur coût. Je vous garantis que tous étaient prêts, utiles et porteurs de valeur ajoutée à long terme. Les 1 500 projets lancés en 2009, contre 1 000 prévus initialement, sont, pour la moitié d'entre eux environ, terminés ; les autres sont encore en phase de travaux avec des paiements à mesure de leur avancement. Les intempéries de l'hiver dernier en ont retardé quelques-uns. Globalement, les deux tiers des crédits alloués aux infrastructures ont été dépensés à ce jour. S'agissant du logement, de la rénovation urbaine et de l'hébergement, les opérations continuent en 2010, après la construction de 130 000 logements en 2009. Ces efforts ont été relayés par ceux des grandes entreprises françaises chargées des services publics - EDF, La Poste, GDF-Suez, la RATP et la SNCF - qui ont engagé rapidement 3,8 milliards d'euros, dont 88 % ont été décaissés. Enfin, au niveau local, le remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) a donné de bons résultats en 2009 : les collectivités territoriales ont investi 45 milliards d'euros l'année dernière. Sans surprise, les résultats sont plus modestes en 2010 puisque 2 878 conventions ont été signées. Celles-ci prévoient 2,7 milliards d'euros d'investissement, soit une hausse de 100 % par rapport à la moyenne de référence des collectivités considérées.
Quel est le bilan économique du plan de relance ? Ce dernier a produit les effets escomptés. « Les mesures de relance mises en oeuvre en 2009-2010, temporaires et bien ciblées, ont contribué à maintenir la demande intérieure et à éviter une récession plus marquée », note le FMI dans son rapport. De fait, la France a enregistré un recul de son PIB de 2,5 %, contre moins 4,9 % en Allemagne - qui s'est révélée moins efficace dans la lutte contre la crise, bien qu'elle soit souvent plus brillante que nous - et moins 4,6 % en Grande-Bretagne. En 2010, la prévision de croissance est de 1,4 %, contre 2,2 % au deuxième trimestre en Allemagne grâce à son meilleur positionnement à l'export et au redémarrage de la demande dans les pays émergents. Ne nous y trompons pas : le dynamisme de l'économie allemande est bon pour la France, elle est notre premier partenaire. Son exemple doit nous encourager à poursuivre les réformes structurelles, après la suppression de la taxe professionnelle et, aujourd'hui, la réforme des retraites. En sus de la croissance, j'avais retenu deux critères en 2009 pour mesurer les progrès dans la sortie de crise : l'amélioration de l'emploi et le retour de l'investissement privé. Sur le front de l'emploi, le chômage est redescendu à 9,3 % en France métropolitaine au deuxième trimestre, avec la création de 35 000 emplois. Le dynamisme, comme toujours en sortie de crise, touche d'abord l'intérim et les postes de cadres, dont les offres d'emploi ont augmenté de 53 % entre juin 2009 et 2010. Nous devons poursuivre l'effort : la démographie française commande de créer beaucoup d'emplois.
En matière d'investissements, les administrations publiques ont été les seules à accroître leurs investissements l'an dernier. Pour autant, les pouvoirs publics n'ont ni la prétention ni l'intention de se substituer durablement à l'investissement privé, sans quoi nous changerions de modèle de société... Aussi, je me réjouis que l'investissement privé, après deux ans de baisse continue, enregistre au deuxième trimestre 2010 une hausse de 1,1 %. Même si cette tendance reste à confirmer, nous attendions cette bonne nouvelle. Enfin, si l'accent était mis sur l'investissement, 7 % des crédits du plan de relance ont été consacrés à soutenir les revenus des ménages modestes. Ils ont permis un redémarrage de la consommation de 0,6 % en 2009. A titre de comparaison, la Grande-Bretagne, qui avait construit son plan de relance autour d'une baisse non ciblée de la TVA ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ce fut une erreur.
M. Patrick Devedjian. - Il faut le croire. La Grande-Bretagne, disais-je, a connu, au contraire, un recul de la consommation de 3 %. Le nouveau gouvernement britannique, du reste, a choisi de rehausser la TVA de 15 % à 17,5 % et, l'an prochain, à 20 %.
Quelles sont les perspectives pour 2010, date prévue de la fin du plan de relance ? La grande majorité des crédits a été dépensée. Il est temps de dresser un bilan. Quelques chantiers sont encore en cours, certains paiements interviendront seulement début 2011 - il en va ainsi de la prime à la casse pour les véhicules achetés fin 2010. Je ferai tout pour respecter les engagements du plan de relance jusqu'à leur terme. Néanmoins, le succès du plan dépend de notre capacité à mener des réformes structurelles. Par exemple, la comparaison entre la reprise en Allemagne et en France au deuxième trimestre illustre la difficulté que pose la moindre compétitivité de nos entreprises, surtout à l'export. Après la réforme sur l'autonomie des universités et le lancement de la révision générale des politiques publiques en 2007, la création du Fonds stratégique d'investissement en 2008, le plan de relance, la suppression de la taxe professionnelle et la modification du crédit d'impôt recherche, il faut poursuivre, réformer nos retraites et maîtriser les dépenses courantes. Autre chantier en cours, le choix des investissements du Grand emprunt national. C'est également l'esprit du Single Market Act en préparation à Bruxelles, auquel je souhaite que la France s'associe.
Pour conclure, je suis heureux de cet échange qui donne au Gouvernement l'occasion de se faire entendre, ce qu'il n'a pas pu faire lors de l'audition à l'Assemblée nationale du président de la Cour des comptes. Au reste, la Cour a qualifié le pilotage du plan de « globalement bien assuré », observation plutôt rare. Nous l'avons connue moins bienveillante... J'espère que la représentation nationale soutiendra l'analyse positive de la Cour et que le Grand emprunt national confortera la bonne tendance actuelle. Aux côtés des aides aux banques, des stabilisateurs automatiques et de la protection sociale, je suis heureux et fier que le plan de relance ait permis un retour rapide à la croissance. La France ne s'est pas résignée. Pays cartésien, elle a été le seul pays à concentrer 75 % de son plan de relance sur 2009, l'acmé de la crise. Nos résultats prouvent que nous avons bien fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Pardonnez-moi de mon arrivée tardive. Je m'associe aux félicitations que vous a adressées le président Emorine. La Cour des comptes a rendu ses conclusions récemment. Sans flagornerie aucune, son appréciation est globalement positive, donc méritée. Permettez-moi quelques questions afin de dissiper quelques ambiguïtés. Les dépenses engagées par les ministères bénéficiaires relevaient-elles du plan de relance ou de la gestion courante ? La réponse n'est pas toujours évidente. D'après la Cour des comptes, la Justice et la Culture, en particulier, ont consommé leurs crédits de relance, mais non leurs crédits ordinaires. Quelle est l'ampleur de ce phénomène ? A l'inverse, la Cour estime que certaines mesures du plan de relance sont de nature pérenne, notamment les dispositifs de garantie d'Oseo et les dotations allouées aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale ainsi qu'aux centres d'hébergement d'urgence. Quel est le coût annuel de ces mesures pérennes ? Nous aimerions éviter une sous-évaluation des crédits dans la loi de finances initiale.
La Cour note un effet d'aubaine concernant le remboursement anticipé du FCTVA. A considérer la situation dans mon département de la Mayenne, ce n'est pas mon opinion. Qu'en pensez-vous ? Vous aviez prévu, dans le plan de relance, l'engagement de 4,1 milliards d'euros de crédits par les entreprises chargées de services publics. Selon la Cour, seuls 1,145 milliard d'euros ont été engagés à ce jour. Autrement dit, ces entreprises n'auraient pas répondu à l'attente du Gouvernement. Partagez-vous cette analyse ? Enfin, vous parlez de 400 000 emplois créés grâce au plan de relance. Nous avons une appréciation plus modeste : d'après les calculs de la commission des finances, le nombre d'emplois créés par un supplément de croissance de 0,6 point serait plutôt de l'ordre de 80 000. Comment justifier cet écart ? Nous manquons d'arguments consistants ...
M. Patrick Devedjian. - Tout d'abord, la Cour des comptes a évalué, non l'entièreté de la période 2009-2010, mais une partie seulement. C'est le reproche méthodologique que je lui adresserais : on ne peut pas calculer la dépense sur toute la période alors que tous les paiements n'ont pas eu lieu, et mesurer l'impact sur une seule partie de ladite période. En outre, la Cour n'a pas pris en compte le chiffre de la croissance pour 2010, puisque nous le connaîtrons seulement en fin d'année.
Les 400 000 emplois recouvrent les emplois sauvegardés et créés. Comment définir un emploi sauvegardé, me direz-vous ? Laissez-moi vous donner un exemple. Un grand sous-traitant automobile de la région Centre était au bord du dépôt de bilan en février 2009. Pas moins de 1 500 emplois étaient en jeu. En coordination avec le préfet, remarquable en cette affaire, nous lui avons accordé une avance sur le remboursement du crédit d'impôt recherche de 50 millions d'euros. Nous sommes parvenus à débloquer les fonds en huit jours ! Ultérieurement, le chef de cette entreprise m'a confié : « Vous avez sauvé l'entreprise ! Sans vous, c'était la pendaison. » L'entreprise a également bénéficié de mesures de trésorerie. Comptabilisez-vous ces emplois-là ? Moi, oui. L'évaluation est difficile quand le sinistre n'a pas eu lieu. Le maréchal Foch disait : « Je ne sais pas qui a gagné la guerre, mais je sais bien qui l'aurait perdue. » Il en va de même pour l'emploi : je ne sais pas si nous avons sauvegardé des emplois, mais je sais qu'il y aurait eu des chômeurs.
Un effet d'aubaine sur le FCTVA ? Je ne le pense pas. Les collectivités ont investi 45 milliards d'euros en 2009 et se sont engagées à investir 54,5 milliards d'euros, soit 19 milliards de plus que la moyenne des trois années de référence. L'investissement a bien eu lieu. Nous ne nous sommes pas contentés de rembourser la TVA sur les opérations qui auraient eu lieu de toute façon. En outre, on observe généralement un rétrécissement des investissements les années qui suivent des élections municipales. Certes, il y a des exceptions vertueuses ! Mais, tout de même, le phénomène inverse s'est produit en 2009 avec 19 milliards d'investissement de plus que la moyenne. Ce n'est pas moi qui le dis, mais l'Insee : les collectivités signataires ont augmenté leur investissement de 4,8 %, celles qui ne l'étaient pas l'ont réduit de 13,8 %.
J'en viens aux substitutions de crédits. La Cour évalue leur montant à 300 millions d'euros, soit une part extrêmement faible aux dires mêmes du président de la Cour lorsqu'il a été auditionné à l'Assemblée nationale. La Justice et la Culture ont peut-être sous-consommé leurs crédits. Nous avons arrêté la liste des opérations dès janvier, liste qui ne comportait pas de substitutions. Peut-être les ministères ont-ils renoncé à des investissements programmés, profitant du plan de relance... Mais laissez-moi prendre l'exemple, qui me tient à coeur en tant qu'ancien avocat, de la rénovation de la « souricière » du Palais de justice à Paris. Le plan de relance l'a entièrement financé, la Chancellerie n'avait rien prévu. Peut-être cesserons-nous enfin d'être stigmatisés par l'Union européenne, et d'ailleurs, à juste raison : c'était une honte !
Les entreprises chargées de services publics ont engagé plus tard que prévu leur financement. La Cour des comptes n'a donc pas pu en rendre compte. Au total, elles ont engagé 87 % de leur budget relance.
M. Michel Teston. - En février dernier, nous avons adopté une loi de finances rectificative consacrée à la mise en oeuvre du Grand emprunt. Il était prévu, pour les infrastructures de transport, de soutenir les programmes intégrés urbains les plus urgents. Je regrette que cela n'ait pas été l'occasion de lancer les lignes à grande vitesse actées dans la loi dite « Grenelle I ». A ma connaissance, seule la deuxième phase du TGV Est a été retenue. Ensuite, 4,5 milliards d'euros doivent être consacrés à un Fonds national pour la société numérique. S'agissant des projets urgents d'infrastructures, il est fait état, dans votre rapport d'étape, de 580 millions de crédits de paiement, alors qu'entre 2009 et 2010 avaient été inscrits 920 millions d'euros en autorisations d'engagement et la même somme en crédits de paiement. Comment expliquer cet écart entre les engagements et les réalisations ? Pour l'aménagement numérique, je ne trouve aucune indication dans le rapport d'étape. Qu'en est-il ? Le Fonds national pour la société numérique a-t-il été créé ?
M. Alain Chatillon. - Je vous adresse également mes félicitations, Monsieur le Ministre. Les pôles de compétitivité sont une innovation majeure pour l'irrigation industrielle et le développement de nos territoires. Cependant, le Fonds unique interministériel (FUI) vient à s'épuiser et les dossiers se multiplient. Faut-il réduire leur nombre ou accroître le FUI ? Le fonctionnement des pôles, durant la première période de trois ans, était financé par l'État et la région. Qu'en sera-t-il ensuite ? Au regard d'autres projets, les pôles présentent un bon ratio - peu de frais, beaucoup de développement. Bref, comment passer à la nouvelle étape pour les pôles de compétitivité ?
M. Daniel Raoul. - J'évoquerai un sujet proche des pôles de compétitivité : les PME innovantes. Ne pensez-vous pas que le plan de relance aurait dû être l'occasion d'optimiser le crédit d'impôt recherche et de mettre fin à des effets d'aubaine ? Les grands groupes en ont largement profité, surtout dans le domaine de la finance où ils font preuve d'une créativité dont nous avons ressenti ensuite les effets pervers, sans augmenter pour autant la recherche et développement. Or nos PME, contrairement aux allemandes, manquent de recherche et développement. Il aurait fallu provoquer des regroupements des moyens humains, des groupements d'employeurs, pour développer leur capacité en recherche et développement.
J'en viens aux substitutions de crédits qui, dans ma région, ont concerné le contrat de plan État-région et les programmes de modernisation des itinéraires routiers. Comment financerons-nous ces programmes dans les années à venir ? Nos collectivités sont debout sur le frein concernant les investissements de 2011, elles s'interrogent, car elles ne bénéficieront plus de l'effet one shot du remboursement anticipé du FCTVA. En outre, il y a de quoi s'interroger sur les ressources des collectivités territoriales en 2011 avec la suppression de la taxe professionnelle. Sans compter les simulations erronées de Bercy ! Dans ma commune, l'écart était de 6 millions d'euros entre les simulations et les crédits touchés en 2008. D'où notre prudence à investir.
Enfin, concernant le logement, les crédits ont disparu, sans parler du racket sur le 1 % logement. Quant à l'aide à la pierre, elle est en train de fondre.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Je salue la pertinence et la rapidité du plan de relance, ainsi que le respect exemplaire des règles, dont s'est fait l'écho la Cour des comptes. Plutôt que de vous poser une question, je formulerai une observation. Cela vous évitera de me répondre... Le ministre de l'Ecologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer agit à contre-courant sur certains dossiers. Pour l'heure, la France a renoncé à 2,2 milliards d'euros d'investissement sur un tronçon autoroutier entre Grenoble et Gap qu'il faudra bien réaliser un jour. Actuellement, on roule à 50 km/h quand l'on rejoint Genève depuis Marseille ou Lyon depuis Nice. Ce chantier devait créer 2 400 emplois durant six ans, dont 250 emplois permanents, sans oublier les emplois induits.
M. Patrick Devedjian. - Monsieur Teston, notre règle a été de sélectionner, pour les projets d'infrastructures de transport, les seuls projets qui étaient suffisamment prêts pour démarrer immédiatement. Autrement dit, ceux qui avaient déjà fait l'objet d'études, d'enquête publique, voire de déclaration d'utilité publique. Cela nous a permis de concentrer 75 % du plan sur 2009. Nous avons délibérément privilégié l'effet anticrise. En outre, les retards sont inévitables. Aujourd'hui, seule la moitié des chantiers est achevée. Attendons le rapport final pour nous prononcer.
Le plan de relance consacre 50 millions d'euros au numérique.
M. Michel Teston. - Mais il est prévu 4,5 milliards d'euros au total !
M. Patrick Devedjian. - Certes, mais il s'agit du plan numérique. Dans le plan de relance, 50 millions sont consacrés au numérique, notamment en milieu rural via le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Monsieur Chatillon, j'étais ministre délégué à Bercy lorsque les pôles de compétitivité ont été lancés. Ceux-ci fonctionnent bien, quoique je regrette leur nombre trop élevé. Certains sont formidables, d'autres moins. Il faudrait faire un tri. Les collectivités territoriales les financent largement, mais elles ont peu de visibilité sur l'effet de leur contribution. Bref, cette innovation est heureuse, malgré quelques déceptions. Nous devons l'améliorer, notamment concernant la gouvernance et la transparence, ce qui, je le pense, répondra au problème que vous soulevez. Les collectivités territoriales, qui, parfois, ne perçoivent même pas les effets des pôles sur leur territoire, doivent être mieux associées à leur gestion. Sans quoi elles se montreront pour certaines, c'est déjà le cas aujourd'hui, peu désireuses d'investir.
M. Alain Chatillon. - Un rapport sénatorial a préconise de réduire le nombre de pôles de 60 aujourd'hui à un chiffre compris entre 40 et 45. En revanche, la gouvernance ne semble pas poser problème. Les collectivités territoriales disposent d'informations suffisantes et participent activement aux pôles. C'est le cas du pôle toulousain dans ma région. Quid du FUI ? Le pôle toulousain était l'un des premiers bénéficiaires du FUI. Hélas, il n'y a plus d'argent !
M. Patrick Devedjian. - L'argent de la relance ne peut servir à cela...
M. Alain Chatillon. - Prenons garde à l'effet rebond !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - D'après le rapport de la commission de l'économie et l'audit d'un cabinet spécialisé, les pôles fonctionnent bien dans leur grande majorité. En revanche, les petites entreprises éprouvent des difficultés à développer leur recherche et développement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - On peut penser que le Grand emprunt prendra le relais de la relance. D'après M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, les subsides du Grand emprunt seront conditionnés à une meilleure coordination et à une plus grande synergie au sein des pôles.
M. Patrick Devedjian. - Le crédit d'impôt recherche doit être mieux encadré, quelques entreprises l'ayant utilisé pour financer des projets peu légitimes. Le cadrage vient. Mais retenons surtout que ce crédit d'impôt représente un avantage compétitif considérable pour la France. Le président de Microsoft m'a confié avoir choisi Issy-les-Moulineaux pour y installer son siège européen uniquement à cause de ce crédit d'impôt qui intéresse, hélas !, nombre de délégations étrangères désireuses de nous imiter. Localiser la recherche en France est une stratégie extrêmement favorable car si nous avons la recherche, nous avons l'état-major et la production.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La production est souvent réalisée en Europe centrale ou en Asie ! Et le crédit d'impôt finance parfois des recherches délocalisées en Europe centrale.
M. Patrick Devedjian. - D'où la nécessité de localiser le noyau fort de la recherche en France. Le contact avec la production excite l'imagination du chercheur. « Les pensées qui mènent le monde arrivent sur des ailes de colombe », disait Nietzsche. Autrement dit, elles naissent du subalterne, du très banal. Pour l'état-major, le contact avec le chercheur est capital. Voyez l'exemple de la direction de Kodak qui n'a pas vu arriver la révolution numérique. Incroyable !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le crédit d'impôt recherche a coûté 4 milliards d'euros en 2009, contre 1,5 milliard en 2008. Les crédits de recherche engagés par les entreprises, en revanche, ont peu progressé, de 200 millions seulement...
M. Patrick Devedjian. - Un retour sur investissement un an après, cela n'existe pas ! La France est un pays d'impatients !
M. Georges Patient. - Monsieur le ministre, d'après votre rapport d'étape, 840 millions d'euros ont été investis outre-mer via Oseo et l'agence française de développement au 31 décembre dernier. Cette dernière est destinée à financer les pays étrangers. Pourquoi y recourir outre-mer et comment expliquer cette différence de traitement avec la métropole ? Ensuite, combien d'entreprises ultra-marines ont bénéficié de la garantie de prêt et pour quel montant global ?
M. Yann Gaillard. - Une question flotte dans mon esprit. Monsieur le ministre, le plan de relance ne constitue-il pas une réponse modèle à un certain type de crise ? Un mémoire sur le bon usage du plan de relance serait fort utile.
M. Michel Houel. - Outre les pôles de compétitivité, il faut souligner l'efficacité du partenariat public-privé, le PPP, un outil créé en 2008, qui remporte désormais un franc succès, quelles que soient les couleurs politiques des collectivités territoriales. Il y en a 347, si je ne me trompe, aujourd'hui sur le sol national. Ne faut-il pas les utiliser comme un levier pour la relance ?
M. Gérard Bailly. - Les secteurs ruraux, plus fragiles, méritent davantage d'accompagnement. La relance aurait pu financer la construction de bâtiments d'élevage ou encore les dessertes forestières. A lire votre rapport, la ruralité est l'oubliée du plan de relance. Cette impression est-elle juste ?
M. Patrick Devedjian. - Monsieur Patient, je vous adresserai ultérieurement un récapitulatif précis des effets du plan outre-mer.
Monsieur Gaillard, vous m'avez posé une question presque métaphysique sur le concept de plan de relance. Bien que l'expérience comporte une part incontournable de pragmatisme, il est possible de la modéliser. Tout d'abord, le choix de l'investissement. Il fut possible dans notre pays en raison de stabilisateurs sociaux automatiques, qui ont soutenu la consommation. Ensuite, la notion d'immédiateté est décisive. Grâce à sa structure centralisée, la France a réagi rapidement, contrairement à l'Allemagne où les ministres doivent négocier avec les Länder après le vote au Bundestag ou encore aux États-Unis si bien que l'administration Obama parle d'un nouveau plan de relance ! Il est vrai qu'elle a pris les rênes au plus fort de la crise en 2009, d'où une certaine lenteur à monter dans le train. Le succès du plan de relance s'explique donc par des facteurs structurels. Prenons la prime à la casse : j'étais réservé, le Président de la République y croyait. En bon ministre, j'ai soutenu cette mesure sans état d'âme. Elle a bien fonctionné et a plutôt profité aux entreprises françaises...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - ...qui ont des usines en Europe centrale !
M. Patrick Devedjian. - Mais celles-ci réalisent seulement 50 % de la fabrication.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La France construisait 3 millions de voitures en 2002, contre moins de 2 millions aujourd'hui...
M. Patrick Devedjian. - Certes, mais les délocalisations ne sont pas seules en cause. Il y a également un problème d'offre : les constructeurs, faute d'une analyse pertinente du marché, n'ont pas anticipé le succès de la Logan.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'était une façon sympathique de nous leurrer sur les vrais objectifs !
M. Patrick Devedjian. - Les Logan sont en rupture de stock ! On ne peut tout de même pas se plaindre de cette demande ! Les constructeurs ne sont pas blanc-bleu !
Monsieur Gaillard, vous m'avez tracé le devoir d'être le Montesquieu du plan de relance. J'aurai peut-être bientôt des loisirs qui me permettront de répondre à votre sollicitation !
Monsieur Houel, deux dispositions facilitent les PPP dans la loi de relance. Le mécanisme est compliqué, mais intéressant. Pour un équipement public qui fera l'objet d'une délégation de service public, il permet d'associer, dès le début, le gestionnaire au projet, ce qui évite aux collectivités territoriales de coûteux réaménagements. Autre avantage, il coûte cher, mais il ne relève pas de la dette...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il y ressemble étrangement...
M. Patrick Devedjian. - Avec la mission PPP, nous travaillons actuellement à la constitution d'un marché des PPP entre compagnies d'assurances, banques et grands constructeurs. De fait, les banques hésitent à financer ces partenariats et à les garder dans leur bilan pendant toute leur durée. D'où l'idée que les PPP donnent lieu à une obligation transmissible, cessible, une fois le projet achevé. Les compagnies d'assurance pourraient ainsi se porter acquéreuses de PPP auprès des banques.
M. Michel Houel. - Y aura-t-il une garantie d'État ?
M. Patrick Devedjian. - Il y aura déjà une garantie de la collectivité, mais la question mérite débat.
Monsieur Bailly, la ruralité serait oubliée ? Le plan de relance comprend 30 millions pour la performance énergétique en milieu rural, ce qui comprend le photovoltaïque, des fonds pour l'équipement numérique des écoles en milieu rural, 8 millions pour l'enseignement agricole et d'autres mesures via le FNADT. Reconnaissons qu'il est difficile de trouver dans le monde rural des effets de levier immédiats pour la reprise, ce qui était l'objectif du plan de relance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Cette audition a suscité une certaine émotion. Peut-être pourrions-nous la dissiper en vous demandant si vous étudiez des crédits pour le projet de loi de finances pour 2011 ? En tous les cas, notre consolation est de savoir que nous aurons le plaisir de vous revoir à l'occasion du rapport final !
* 1 L'amendement n° 56 de M. Philippe Marini, rapporteur, a été retiré avant commission (devenu sans objet).