- Mardi 22 juin 2010
- L'éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves - Audition de M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes
- Audition de Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
- Mercredi 23 juin 2010
Mardi 22 juin 2010
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -L'éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves - Audition de M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes
M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. - Notre rapport a été publié le 12 mai dernier. L'accueil a été unanime parmi les professionnels, les observateurs, l'opinion. Quant à vous, parlementaires, vous avez un rôle éminent à jouer pour provoquer les changements profonds qui nous sont apparus nécessaires durant ce travail de trois années. Ces changements exigeront de la patience, du doigté, de la persévérance, ainsi que le soutien des élus de la nation.
Si la Cour des comptes a pu se livrer à cette évaluation d'une politique publique, c'est que le législateur a pris deux initiatives. En 2001, la LOLF a créé les objectifs et indicateurs qui nous ont servi d'instruments d'évaluation ; en 2005, la loi sur l'avenir de l'école a renforcé cette capacité d'évaluation en posant des objectifs clairs, 100 % de jeunes sortant diplômés ou qualifiés du système scolaire, 80 % des enfants d'une classe d'âge titulaires du baccalauréat, 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur. En outre, depuis dix ans, des comparaisons internationales sont disponibles, ouvrant un nouvel horizon à l'évaluation. Les enquêtes du programme PISA, Program for international student assessment, ont été contestées à l'origine, mais font aujourd'hui autorité. Le système éducatif français peut donc être situé.
On a tendance, dans notre pays, à invoquer l'exception française pour hésiter à changer le système. Or c'est un bouleversement total qui s'impose. Nous avons demandé aux meilleurs experts - et ils sont nombreux en sciences de l'éducation - sur quelles questions il nous fallait nous concentrer. Ils nous ont conseillé de nous intéresser au parcours des élèves, afin de comprendre pourquoi la régulation est si mauvaise, pourquoi les résultats sont moins bons qu'ils ne devraient. Nous nous sommes rendus dans six académies et cinquante établissements ; nous avons échangé avec le ministère et les échelons déconcentrés.
Nous avons voulu, avant de publier le rapport, entendre les acteurs concernés - c'est une première - pour vérifier que nos constats étaient partagés et tester nos recommandations. Depuis le mois de février, nous avons donc eu soixante heures d'auditions, parents, professeurs, chefs d'établissements, inspecteurs d'académie... Nous avons formulé en fin de rapport treize recommandations.
Les constats sont préoccupants. L'école ne remplit pas les objectifs que la loi lui assigne. Elle ne parvient pas à réduire les inégalités de départ entre enfants de catégories sociales différentes, elle les aggrave au contraire. L'échec scolaire se définit par la sortie du système scolaire sans diplôme ni qualification. Ils sont 130 000 par an dans ce cas, soit un enfant sur cinq ! Or cette situation est source d'exclusion sociale. Les ministères de l'éducation nationale et de la défense indiquent que 21 % des jeunes manifestent des difficultés sérieuses de lecture à la fin de la scolarité obligatoire. Telle est la faiblesse de notre système qui ne s'est pas donné les moyens de traiter la difficulté scolaire. La performance française est moyenne, parce que 60 % des élèves ont de très bons résultats mais 40 % de mauvais ou très mauvais résultats. Le système sélectionne, il ne sait pas porter le plus grand nombre à la réussite. Trop d'élèves sont laissés pour compte. La théorie des climats ne saurait expliquer pourquoi les Allemands ont rattrapé les Français à la dernière enquête PISA, alors que notre voisin est lui aussi confronté à des problèmes d'intégration culturelle et sociale. La Pologne, en retard d'une année scolaire selon les précédentes enquêtes, nous a maintenant dépassés. La France est le pays de la prédestination sociale, la réussite y est largement corrélée aux origines sociales. Plus des trois-quarts des enfants des catégories favorisées obtiennent le bac général ; moins de un cinquième dans les catégories défavorisées. En classes préparatoires aux grandes écoles, 55 % des élèves ont un père cadre, chef d'entreprise, profession libérale ou professeur - trois fois plus que leur proportion dans la cohorte des élèves de sixième -, tandis que la proportion des élèves d'origine ouvrière en classe préparatoire est quatre fois moins importante qu'en sixième.
L'objectif de 80 % au baccalauréat masque trop souvent celui de 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur, objectif que nous n'avons pas atteint ; nous en sommes à 41 % actuellement, mais 27 % seulement à bac + 3, le standard international. La mondialisation exige de hisser le niveau de l'intelligence collective ! Il n'y a pas suffisamment d'entrants dans l'enseignement supérieur : moins de 80 % des bacheliers. Et il y a trop d'échec. Les titulaires de bacs professionnels ou technologiques ont des résultats très inférieurs à ceux de leurs condisciples issus du bac général. Pour porter la proportion des bacs + 3 à 50 %, il convient d'élargir le vivier des bacheliers capables d'aller loin dans l'enseignement supérieur.
Pourquoi de tels résultats ? Quelles sont les causes ? Je rappelle que nous ne nous sommes pas placés sur le plan pédagogique ; nous nous sommes penchés sur l'organisation du système. Nous avons mis en évidence une mauvaise allocation des moyens. Ce n'est pas une question de niveau - à 3,9 % du PIB, nous sommes dans la moyenne de l'OCDE - mais de difficulté à rendre des arbitrages. L'allocation suit une logique de distribution d'heures et de postes. Or il est indispensable que le ministère connaisse les coûts. Il résiste en inventant « l'euro éducatif », qui recouvre des dotations globales en heures et emplois. Mais quel est le coût de la lutte contre l'échec scolaire ? Et celui de la multiplication des options au lycée, offertes aux élèves des bons lycées, rarement aux élèves en éducation prioritaire ? Il faut répartir les moyens en fonction des objectifs. Les indicateurs issus de la LOLF montrent que le taux de redoublement a diminué ; mais le ministère persiste à répartir les moyens en fonction du nombre d'élèves, quel que soit leur retard scolaire. Où est l'incitation ? Il n'y a pas non plus de différenciation suffisante selon les zones, entre Paris centre ou Lyon centre et les banlieues des grandes métropoles. Chacun s'accorde à estimer que les difficultés scolaires naissent au primaire, voire au cours préparatoire. Or le primaire est moins financé qu'il ne l'est dans des pays comparables au nôtre. Enfin et surtout, les moyens sont répartis comme si l'offre devait être uniforme.
Certes, des évolutions significatives ont eu lieu : je songe à la réussite de la massification. Mais un même nombre d'heures d'accompagnement personnalisé est attribué aux établissements prestigieux et à ceux où la réussite au bac n'atteint pas 60 %. Du reste, le directeur de l'enseignement scolaire a reconnu que le ministère ne savait pas si les dotations se transformaient en soutien personnalisé ou en permanences pour les devoirs. Il est temps de passer d'une logique d'offre uniforme à une réponse plus subtile aux besoins.
L'organisation du système date de 1950 et elle est inadaptée aux besoins des élèves actuels. Un enseignant sur deux débute dans un poste de remplacement, un sur cinq dans un poste d'éducation prioritaire, particulièrement difficile, où l'expérience serait bienvenue. On recrute sur profil les enseignants de classes préparatoires, mais non ceux qui doivent enseigner aux élèves en plus grande difficulté. En 1950, 7 % d'une classe d'âge parvenaient au bac. Les conditions d'enseignement ne peuvent être les mêmes aujourd'hui. La loi de 2005 a inscrit, parmi les missions de l'enseignant, le suivi et l'accompagnement personnalisé, ainsi que le travail en équipe pédagogique.
J'en viens au parcours des élèves. L'année scolaire est en France plus courte qu'ailleurs, 144 jours en primaire, contre 210 en Allemagne et en Italie. La journée est en revanche plus longue. Les élèves français, pour des résultats qui ne sont pas meilleurs, effectuent 10 à 12 % d'heures de plus que leurs petits voisins européens.
Des points de vue divers ont été exprimés sur le suivi des élèves - nous leur avons consacré des encadrés dans le rapport, ainsi qu'aux expériences étrangères, en Ecosse, Espagne et Suisse. Le guidance teacher écossais suit les élèves de la sixième à la troisième. Nous n'avons pas de parcours scolaire autre qu'une addition d'appréciations. Entre le primaire et le collège, le dossier ne suit pas l'enfant. Au final, on connaît mal les élèves et leurs besoins. Le ministre a souligné l'importance de l'hétérogénéité des classes ; or 50 % des classes sont des classes de niveau. On est loin du collège unique. A quatorze ans, quatre élèves sur dix ont déjà redoublé une fois, alors que le ministère estime le redoublement inutile et coûteux - deux milliards d'euros.
L'orientation des élèves se fait surtout par l'échec. Et en fin de troisième, elle est largement conditionnée par l'offre de l'académie. Dans l'une, un tiers des élèves est orienté vers la filière professionnelle ; dans l'autre, un cinquième. L'orientation est imposée en fonction de l'offre et non des capacités des élèves. En outre, l'enfant d'un ouvrier non qualifié a cinq fois moins de chances qu'un enfant de cadre de passer un bac général.
Le rapport traite aussi des modes de prise en charge des élèves en difficulté, de la multiplicité des dispositifs. Nous avons relevé une grande inventivité pédagogique mais les résultats n'ont pas été évalués ou paraissent insatisfaisants. Le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE), instauré en 2005 pour éviter le redoublement, profite à 8 % seulement des élèves alors que l'échec scolaire touche un enfant sur cinq. Dans les zones d'éducation prioritaire, la proportion est de 16 % mais les difficultés scolaires beaucoup plus répandues.
Nous suggérons donc un véritable renversement du système, afin de quitter une logique de l'offre pour une réponse fine à la demande. Il faut connaître les besoins d'accompagnement personnalisé des élèves, allouer de façon plus différenciée les moyens et cesser de financer des pratiques inefficaces. L'autonomie des établissements permettrait à la communauté éducative d'infléchir le nombre d'heures consacrées aux cours ou au soutien, au suivi, à la méthodologie. Elle est la mieux placée pour estimer les besoins, sous réserve d'une évaluation - car en France, on évalue les enseignants mais pas les établissements. Or il faut s'assurer que les dispositifs légaux sont bien en place et que les résultats sont probants. Pour les zones d'énorme difficulté scolaire, il faut un traitement particulier. Nous recommandons le recrutement sur profil et la stabilité dans le poste. A quoi doivent s'ajouter une programmation pluriannuelle des moyens et une reconnaissance du pays à l'égard de ceux qui assument une mission difficile. En Seine-Saint-Denis ou dans les quartiers nord de Marseille, le traitement ne peut être « normal », étant considérée l'extrême difficulté de la tâche.
Les constats sont préoccupants. Un effort collectif est indispensable. Les passions sont grandes sur ces questions. Nous n'avons pas voulu stigmatiser qui que ce soit mais reconnaître les efforts accomplis et prendre en compte également une forme de lassitude des enseignants. Les esprits sont mûrs pour le changement. Une révolution est nécessaire, pour instaurer un système non pas piloté par le haut mais collant aux réalités, avec une autonomie des établissements et une régulation afin de s'assurer du respect des objectifs nationaux fixés par la République.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Vous estimez que les causes résident, non dans le volume des moyens, mais dans leur mauvaise allocation. C'est un grand débat... Pouvez-vous revenir sur la notion d'euro éducatif ?
M. Jean Picq. - A 3,9 % du PIB, la France est dans la moyenne et peut s'en tenir à ce niveau. Mais l'emploi des fonds n'est pas optimal. Le redoublement coûte deux fois plus cher que l'éducation prioritaire, le coût d'un élève du primaire est très inférieur à celui d'un lycéen alors que chacun est conscient des lacunes de financement du primaire.
La logique de distribution, celle de dotations globales transformées en heures et en postes, a du sens. Mais il nous semble que l'on ne peut en rester là. Il faut cerner le coût d'une politique éducative. On a tout au plus une estimation grossière de ce que représente l'éducation prioritaire. Nous prônons de passer de ce que le ministère appelle « l'euro éducatif » à l'euro tout court !
M. Yves Dauge. - Que pensez-vous des préconisations de l'institut Montaigne ?
A Chinon, le contraste est saisissant entre une administration - rectorat, académie - assez obscure et des coopérations tout à fait constructives entre les établissements, les associations, la ville. Nous apportons des moyens pour cela.
Quelque chose ne colle pas. Tout se passe si bien sur le terrain : pourquoi la machine institutionnelle, elle, fonctionne-t-elle aussi mal ? Pourquoi les relations entre le ministère et cette institution sont-elles aussi tendues ? Peut-être faut-il plus de décentralisation, ce qui ne signifie pas un démantèlement ? Le ministre est-il capable de comprendre tout cela ? Il passe à côté du problème en nous affirmant que tout va bien, ou que tout ne va pas si mal. Nous avons une vraie discussion avec vous, ou avec les représentants de l'institut Montaigne. Mais pas avec le ministre. La situation devient incompréhensible, elle décourage les enseignants. Comment mettre en oeuvre ce que vous préconisez et que nous souhaitons tous ?
Mme Françoise Cartron. - Votre analyse ne peut que nous inquiéter. Tant de jeunes sans qualification et qui ne maîtrisent pas la lecture : on imagine les dégâts ensuite... Le ministre, comme vous, estime que ce n'est pas un problème de moyens, mais de manière dont est construit le système. Ce dernier vise à fabriquer une élite : les moyens vont naturellement aux établissements susceptibles de la produire. Les lycées de centre ville recrutent les élèves de bon niveau éducatif et social, auxquels ils offrent des options rares ainsi que les enseignants les plus expérimentés et diplômés. Et ce au détriment des lycées de ZEP, qui obtiennent le même quota d'heures, rien de plus ! Il y a là une anomalie.
Le challenge, à présent, c'est la redistribution des moyens. Les grands lycées doivent consentir des efforts au profit des mal-lotis. Mais vous avez souligné aussi le manque de financements du primaire - et j'ajouterai : de la maternelle. Comment, à moyens constants, rétablir l'équilibre ?
M. Yannick Bodin. - Les symboles sont parfois puissants. La logique qui devrait prévaloir est celle que vous suggérez, celle de la demande. Mais l'éducation nationale n'a pas compris quels étaient les véritables objectifs. Pourquoi, quand un élève quitte le CM2, dit-on qu'il rentre en sixième année ? Sixième année avant le bac ! Les étrangers rient de nous voir compter à l'envers... Vous n'avez pas parlé de la carte scolaire. Un mot enfin de la RGPP Pour individualiser le suivi de l'enfant, un professeur pour trente élèves ne suffit pas. Si 20 % des élèves lâchent prise, qui ira les chercher ? Comment articuler vos recommandations avec la RGPP ?
M. Jean Picq. - La responsabilité de la Cour s'arrête lorsqu'elle remet son rapport public et je ne suis pas en situation de commenter les initiatives récentes ou de prendre position dans des débats relatifs, par exemple, à la RGPP. La Cour s'est efforcée de contribuer à situer les enjeux, à identifier les leviers du changement. Nous avons découvert que l'institut Montaigne travaillait à un rapport lorsque nous avons achevé le nôtre et auditionné le directeur des études de l'OCDE, qui a largement contribué à la réflexion de l'institut, lequel s'est intéressé exclusivement au primaire et s'est penché sur les aspects pédagogiques - nous nous en sommes gardés. Il suggère des solutions fondées sur l'institutionnalisation de l'enseignement primaire local ; nous sommes convaincus, pour notre part, qu'il faut surtout réfléchir à la continuité entre primaire et collège. Dans les académies qui fonctionnent bien, les chefs d'établissement sont en contact les uns avec les autres, afin d'éviter toute rupture ; cette rupture qui, soit dit en passant, mettait Philippe Séguin très en colère. Il estimait qu'il fallait penser la continuité entre le primaire et le secondaire. Je le dis avec un peu d'émotion parce que j'ai le souvenir du soutien qu'il a apporté à notre travail. Et il avait raison. Plutôt que de stratifier, mieux vaut assurer la continuité administrative et pédagogique.
L'institut Montaigne dit des choses que nous ne pouvons pas récuser. Nous considérons que l'idée de transformer l'école en établissement public n'est pas bonne. Nous nous sommes interdit de parler de revalorisation parce que ce n'est pas à nous de le faire mais si l'on veut faire un effort pour le primaire, il faut savoir d'où on dégage les moyens.
« Comment faire bouger les choses ? » a demandé M. Dauge. C'est une question éminemment politique. Nous pensons que notre travail met à jour certains leviers de changement. Nous mettons en évidence qu'il s'agit de passer d'une logique de gestion uniforme et centralisée, qui navigue sans jauge à essence et sans vision réelle des besoins, à une gestion plus soucieuse de répondre à des demandes différenciées selon les territoires, les établissements et les classes. Ce passage à un système davantage décentralisé qui donnerait aux chefs d'établissement et aux équipes pédagogiques le pouvoir de proposer ce que doivent être les allocations suivant les besoins est bien entendu à expérimenter, à évaluer puis à valider. Il est à noter que l'éducation nationale dispose de nombreux outils informatiques qui pourraient être utiles à ces expérimentations. Mais il s'agit d'un changement radical qui irait contre le confort intellectuel que procure tout système centralisé, persuadé que l'on est d'agir pour le bien général. Etre dans un système attentif à la demande locale crée un risque d'inégalité mais, si l'objectif est de répondre aux besoins des élèves, on ne peut plus s'en tenir à l'uniformité. Le programme personnalisé de réussite éducative, par exemple, est devenu, dans certains établissements de centre ville, la dernière sanction avant le blâme ou l'exclusion alors qu'il avait été institué pour éviter les redoublements. A décider depuis Paris que ce PPRE sera généralisé partout, on risque de l'appliquer dans d'excellents établissements où il est inutile, et il ne sera pas suffisant là où l'échec scolaire est le plus fort. Cela dit, certains considèrent qu'il est également nécessaire d'aider de bons élèves dans les grands établissements afin qu'ils soient encore meilleurs. Passer d'un système d'allocation uniforme à un système d'allocation différenciée, c'est un chantier considérable mais, monsieur Dauge, c'est ce passage qui nous est apparu comme le plus grand levier de changement.
Vous posez une autre question, d'ordre plus politique au sens noble du terme, celle des conditions de faisabilité dans le temps. Mais songez au nombre de ministres de l'éducation nationale qu'un élève a connus entre sa classe maternelle et son bac : pas loin d'une dizaine ! Pourtant, la stabilité qui vaut pour les équipes éducatives vaut tout autant pour le ministre qui aurait à mener un tel chantier.
Personne ne conteste la difficulté scolaire et les chiffres justifient que tout le monde se mobilise. Les acteurs de terrain sont les premiers à souffrir car un système uniforme qui ne répond pas à la demande est un système qui peut décourager. Nous avons étudié plus particulièrement six collèges de quartiers sensibles, dans les Yvelines, les quartiers nord de Marseille et à Lille. Les principaux de ces collèges sont des hommes admirables, confrontés à des violences et des taux d'échec considérables. Ils ne sont pas maîtres de ce qui se passe entre le collège et le domicile des élèves et donc, sur les questions de sécurité, ils n'y peuvent rien. Nous avons été émerveillés par leur engagement quotidien et leur volonté d'affronter ces difficultés. Devant l'objectif majeur d'aider ceux qui décrochent à ne pas décrocher, personne ne baisse les bras.
Madame Cartron, en effet, nous vivions avec l'idée que notre école était faite pour sélectionner les meilleurs et il est vrai que nous savons le faire. Mais les chiffres de PISA nous montrent que notre élite est importante mais pas suffisante. Les très très bons sont plus près de 10 % que de 20 %. Il faut changer notre regard sur un système qui ne doit plus seulement sélectionner mais aussi amener le plus grand nombre à la réussite. C'est comme pour un apprentissage du tennis, où il ne s'agit pas de ne former que des Federer mais de faire que le plus mauvais soit capable de renvoyer la balle. Cela ne signifie pas que le plus grand nombre devra intégrer l'ENA ou Polytechnique mais qu'il devra pouvoir affronter dans la vie les problèmes d'un citoyen ou d'un agent économique.
Monsieur Bodin, je ne sais franchement pas comment articuler la RGPP avec les recommandations de notre rapport. C'est une question à poser au ministre de l'éducation nationale....
M. Yannick Bodin - Elle lui a été posée et n'a pas reçu de réponse...
M. Jean Picq - Sur l'appellation de « la sixième avant le bac », nous n'avons pas eu l'audace de recommander de changer les appellations. On entend dire que l'objectif de mener 80 % d'une classe d'âge au bac n'est pas raisonnable, le bac de ceux qui sont appelés à aller dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Bien entendu. Et cet objectif a pu conduire l'éducation nationale à augmenter le nombre de bacheliers professionnels sans qu'existent les débouchés suffisants. Et prenons garde que l'arbre de l'objectif des 80 % ne cache pas la forêt de l'objectif des 50 % ! Une meilleure orientation au niveau du secondaire devrait permettre de porter plus de 30 % d'une classe d'âge à bac+5 et 50 % à bac+3.
S'agissant de l'avenir de la jeunesse, donc du pays, ce projet s'impose de lui-même mais c'est là, à nouveau, une question politique.
M. Ivan Renar - J'ai eu beaucoup de plaisir à vous écouter, tant pour la forme que pour le fond. Je suis en effet d'accord avec le constat que vous dressez, et vous le faites dans une superbe langue et avec une grande honnêteté intellectuelle, ce qui est devenu rare. A vous entendre, on comprend, excusez-moi l'expression, que « tout n'est pas foutu ».
Mais le drame, c'est que la situation n'est pas maîtrisée et qu'elle va s'aggraver, l'école n'étant pas épargnée par les effets de la fracture sociale. Sur les questions politiques, vous vous êtes prudemment retiré sur l'Aventin. Mais nous n'échapperons pas à l'obligation de prendre des mesures inégalitaires pour réduire les inégalités. Comme dans le domaine de la santé. Je connais des zones du Nord-Pas-de-Calais qui cumulent tous les handicaps.
On diminue, voire on supprime, certains enseignements qui, précisément, pouvaient être mis à profit par les élèves de milieu défavorisé : l'enseignement artistique, par exemple, ou l'histoire, ne devraient pas devenir optionnels. Je préside un grand orchestre avec un chef prestigieux qui va dans les classes et je constate avec eux le moment magique où des jeunes découvrent qu'il n'y a pas de talent sans un gigantesque travail - 5 % de talent pour 95 % de travail. Cela change leur rapport au travail et j'ai connu une classe de CM2 - sur laquelle France 3 a fait un film « Les enfants de la musique » - une classe toute entière en échec scolaire qui, collectivement, a changé d'attitude et dont les enfants sont devenus facteurs d'équilibre partout où ils sont passés.
Alors que le monde est devenu un grand village, nous restons nuls en langues vivantes, à commencer souvent par le français.
La grande majorité des enseignants fait plus que correctement son travail. Mais dans quelles conditions et à quel prix pour leur santé physique et mentale ? D'autant que leur formation initiale recule et reculera encore avec la mastérisation et que leur formation continue n'est pas au niveau qu'exigerait l'évolution du monde et des technologies.
Je demeure convaincu qu'on peut s'en sortir mais qu'il y a un virage à prendre, et si vous étiez ministre de l'éducation nationale, le dialogue pourrait s'instaurer avec l'ensemble des enseignants. On ne peut pas séparer éducation et enseignement.
M. Serge Lagauche - J'avais noté que Philippe Séguin n'appréciait pas l'absence de responsable dans les établissements primaires. Un directeur d'école primaire n'a pas les mêmes responsabilités que son homologue du secondaire. Il ne peut pas demander à son collègue d'arriver cinq minutes avant la rentrée ou de recevoir les parents. Il serait bon de lui donner davantage d'autorité, autre que pédagogique. Les collectivités territoriales y gagneraient d'avoir un interlocuteur responsable et qui pourrait en référer à l'Inspection.
La mobilité pédagogique devrait être obligatoire : lorsqu'une équipe pédagogique est constituée depuis cinq à six ans, l'Inspection devrait suggérer un renouvellement accompagné d'une formation continue adéquate car la trop longue fixité fait prendre des habitudes et tourner en rond.
Les élus ont du mal à comprendre le fonctionnement des rectorats, qui nous renvoient à l'inspection, laquelle nous dit ne rien pouvoir faire. Et nous ne disposons d'aucun chiffre, d'aucun bilan ! Dans ces conditions, comment savoir sur quoi faire porter l'effort ? Le rôle des inspecteurs est à redéfinir et les rectorats à restructurer afin que le remplacement des enseignants ne donne plus l'impression de n'être que du bricolage.
M. Jean-Léonce Dupont - J'ai apprécié l'expression « réguler et non pas piloter ». Il est en effet nécessaire d'augmenter l'autonomie des établissements.
En quoi la structure est-elle capable de s'attaquer à la redistribution des moyens ? On sait que notre enseignement supérieur dispose de moins de moyens que ceux des grands pays comparables au nôtre. On fait le même constat pour le primaire. Or le montant total de l'effort d'enseignement reste comparable. C'est donc que nous mettons trop d'argent dans le secondaire ! Comment faire pour que la structure n'empêche pas la redistribution des moyens ? Nous avons des corps entiers qui n'ont plus la même utilité qu'autrefois : les professeurs d'allemand, par exemple, n'ont plus d'élèves. Comment pouvons-nous remettre en cause la distribution des moyens ? Comment pouvons-nous remettre en cause un problème statutaire ? Hier par exemple, des agents de La Poste - laquelle dans mon département a perdu 12 % de son chiffre d'affaires du fait de la diminution de son activité courrier - m'expliquaient qu'ils étaient prêts à faire des prestations à domicile, d'ordre social. Sans aller jusque-là dans l'éducation nationale, ayons le courage de poser la question des structures car, sinon, nous en resterons aux voeux pieux.
M. Jacques Legendre, président. - J'avais exactement la même question à poser...
Mme Bernadette Bourzai - Pour renforcer le primaire, il faudra prendre les moyens ailleurs... Il ne faudrait pas déshabiller la maternelle pour habiller le primaire car cela détruirait la continuité entre les deux cycles, notamment dans les quartiers sensibles ou en zone rurale. Avez-vous noté des différences importantes dans les dotations et les résultats entre zones rurales et urbaines ?
M. Jean Picq - Merci de votre appréciation, monsieur Renar. Vous avez noté une lacune de notre rapport : la formation des enseignants. La mastérisation est en route et nous mènerons une enquête à son sujet dès cette année. Vous avez raison de souligner l'importance de la formation continue : c'est aussi un point aveugle de ce rapport.
Si j'étais ministre, je ne serais pas ici. Cependant, je noterais la question-clé du débat : comment lancer le chantier d'une réorganisation, profonde et novatrice, du système pour le faire passer d'une logique qui uniformise au nom de l'égalité, à une logique qui différencie, au nom de l'égalité également. La confiance accordée aux chefs d'établissement et aux équipes pédagogiques implique une surveillance régulatrice afin de ne pas en arriver à creuser les inégalités.
Monsieur Lagauche, il est inutile de changer le statut des établissements primaires pour donner à leurs directeurs davantage d'autorité et la capacité de discuter avec les élus. Leur décharge n'est peut-être pas suffisante. C'est encore un chantier à ouvrir...
Nous n'avons pas traité de la mobilité car ce rapport, s'il est important, n'est pas le dernier. Il faudra traiter de nouveaux chantiers : la mobilité, la formation, la gestion des personnels. Intuitivement, on peut déjà affirmer que la mobilité est trop forte en début de carrière et trop faible en fin de carrière. La stabilité ne doit pas conduire à l'immobilisme.
Nous aborderons aussi la question des rectorats pour mieux comprendre leur fonctionnement. Il est clair que, si les pouvoirs publics décident de s'engager dans la voie d'une logique de redistribution, les échelons intermédiaires de l'éducation nationale - recteurs, inspecteurs d'académie, chefs d'établissement - plutôt que de demeurer de simples échelons déconcentrés devront avoir davantage de responsabilités dans cette redistribution.
Monsieur Dupont, le principal obstacle, c'est notre ignorance des coûts. Si nous voulons passer à un système d'arbitrage, il nous faut impérativement les connaître. Un exemple, la réforme des lycées : la décision d'allouer à tous les lycées de France deux heures d'accompagnement personnalisé a un coût. Or il n'est pas évident qu'il doive être le même à Henri IV que dans un lycée où 60 % des élèves sont en échec scolaire. La connaissance des coûts est la condition nécessaire des arbitrages et du passage à une logique de régulation.
Madame Bourzai, il y a deux ans, nous avions présenté à votre commission des finances un rapport sur l'école maternelle dont les sénateurs se demandaient s'il s'agissait d'une variable d'ajustement. Sur cette école et ses deux dimensions, la pensée a beaucoup évolué. Sur la scolarisation des enfants de deux ans, les données de l'éducation nationale nous avaient laissé songeurs et le tableau des taux de cette scolarisation était à première vue incompréhensible. En revanche, en Seine-Saint-Denis, on ne scolarisait pas les enfants de deux ans car les parents le refusaient. Vos collègues du Finistère ou d'Auvergne expliquaient que chez eux, la scolarisation précoce était une tradition.
Au total rien n'est plus utile que de mener un tel débat avec vous qui êtes observateurs d'un système et contribuez à ce que notre travail aide à corriger les dysfonctionnements et à traiter la difficulté scolaire.
M. Jacques Legendre, président. - Merci monsieur le président, nous continuerons à approfondir notre réflexion à partir de vos travaux.
Audition de Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
M. Jacques Legendre, président. - Merci, madame, d'avoir accepté de faire avec nous le point sur l'enseignement agricole. Notre commission y accorde un grand intérêt et nous avions, l'an dernier à la même époque, déjà dialogué avec votre prédécesseur pour l'entendre lui aussi en un moment où les budgets ne sont pas encore arrêtés.
L'enseignement agricole est utile non seulement à l'agriculture mais aussi à nombre de jeunes qui y trouvent une formation de qualité débouchant sur des emplois, ce qui vaut mieux que de les retrouver ultérieurement dans des systèmes de secours mis en place à grands frais.
J'ai personnellement vérifié votre disponibilité lorsque cet hiver, vous êtes venue dans le département du Nord : votre visite n'a pas été oubliée.
Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. - C'est bien volontiers que j'ai répondu à votre invitation. En effet, les arbitrages budgétaires ne sont pas encore rendus. La rentrée prochaine est importante, non seulement pour les familles des élèves mais, au-delà, pour tout le tissu économique auquel concourt l'agriculture et son enseignement, tissu qui embrasse de nombreux métiers tant en amont qu'en aval de la production : agro-alimentaire, commercialisation, hippisme, aménagement paysager, gestion de l'eau etc. De nombreuses filières ont été adaptées ou créées, ce qui garantit le taux élevé d'insertion professionnelle offert par cet enseignement ; en moyenne ce taux est de 85 % et de 92 % pour les bacheliers. Nous nous employons à préserver la réactivité de cet enseignement par un dialogue constant avec les professionnels.
La loi a fixé un rôle spécifique d'insertion socioprofessionnelle à cet enseignement en l'absence duquel, comme vous l'avez dit, monsieur le président, beaucoup de jeunes sombreraient dans l'échec scolaire. Dans nos discussions avec Bercy, nous mettons en avant nos priorités et nos fondamentaux et faisons valoir nos spécificités.
Cette rentrée 2010 sera marquée par la poursuite et le lancement de réformes que l'enseignement agricole mène avec la même détermination et le même calendrier que les autres enseignements : réforme de la voie professionnelle, réforme du lycée et mastérisation. En 2009 ont été mises en place les secondes professionnelles. A la prochaine rentrée, nous devons donc les poursuivre en première et, en même temps, prendre en compte les « doubles premières » : les secondes années du Brevet d'aptitude professionnelle agricole (BEPA) et ceux qui sortent de seconde. En attendant l'extinction du BEPA 2, nous aurons en première un double flux temporaire qui justifie que l'on maintienne des moyens en conséquence.
Pour la mastérisation, nous avons largement discuté avec les représentants des personnels en vue d'arriver au maximum d'efficacité et de souplesse et nous sommes parvenus maintenant à un dispositif, à mon avis, satisfaisant.
La réforme des lycées vise l'individualisation des parcours et c'est un objectif que nous approuvons. Son adoption, discutée avec l'éducation nationale, aura un impact sur nos modules.
Les conditions d'emploi pour la rentrée prochaine sont liées à la mastérisation. La mobilisation des marges techniques disponibles devrait couvrir les besoins. Nous finalisons les choses avec les directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, nos « recteurs verts », afin que la rentrée se déroule dans les meilleures conditions. Il faut développer les synergies, les partenariats, avec pragmatisme. Les établissements ne sont pas inquiets. La réforme de la voie professionnelle a déjà amélioré le recrutement ; elle facilite notamment la poursuite des études. Il faudra en tirer les enseignements à la rentrée.
M. Jacques Legendre, président. - Depuis la LOLF, la mission « Enseignement scolaire » comprend le programme 143, dévolu à l'enseignement agricole. A trois reprises, il a fallu financer celui-ci par prélèvement sur les crédits de l'éducation nationale. Le ministère de l'agriculture serait-il tenté d'arbitrer en interne contre l'enseignement agricole, dans l'idée de faire financer ce dernier par le ministère voisin ? Le programme 143 doit être doté des crédits nécessaires dès la préparation budgétaire, sans devoir aller chercher ailleurs. Cette évolution de la maquette budgétaire de la LOLF est-elle confirmée ? L'enseignement agricole conservera-t-il ses moyens de fonctionnement actuels ? Sa spécificité pédagogique, son implantation particulière permettent à des jeunes, parfois en situation difficile, de devenir des acteurs du monde rural. La commission est très soucieuse de ne pas voir ses effectifs reculer et elle attend du ministre de l'agriculture que son budget apaise nos craintes.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis pour les crédits de l'enseignement agricole. - Avez-vous une estimation des effectifs de l'enseignement agricole ?
Les arbitrages budgétaires ne sont pas encore rendus, mais je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait à extraire le programme 143 de la mission. J'ai vécu l'avant-LOLF : à la première crise, le ministère de l'agriculture piochait dans le pot commun ! La LOLF a apporté un semblant de tranquillité, mais la disproportion dans les crédits au sein de la mission - 98 % pour l'éducation nationale, 2 % pour l'enseignement agricole - est facteur de déséquilibre.
M. Jacques Legendre, président. - C'est le cheval et l'alouette !
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - J'ai vécu les gels de crédits - 30 millions pour l'enseignement agricole, autant que pour toute l'éducation nationale ! Il faut en finir avec ces grandes manoeuvres que nous connaissons depuis trois ans. Assez de cette mascarade ! Un budget de rigueur peut quand même garder toute sa place à l'éducation, comme en Allemagne. C'est l'avenir que nous préparons.
Le Premier ministre, en qui j'ai toute confiance, m'a dit être surpris de cette rumeur concernant le retrait du programme 143. Tant qu'il n'aura pas donné sa position, la discussion n'est pas tranchée. Grâce à l'enseignement agricole, des jeunes qui ont besoin de remédiation peuvent ensuite profiter de passerelles, y compris vers l'enseignement supérieur. Cessons de le présenter comme une voie de garage ! On ne peut faire fi de la réussite aux examens, de l'intégration professionnelle, et tout confier à un ministère de l'agriculture sans cesse confronté à de nouvelles crises...
Les effectifs de l'enseignement agricole fondent : moins deux mille élèves en trois ans. C'est la chronique d'une mort annoncée ! Je n'y participerai pas. Pourquoi certains enfants de la République seraient-ils privés d'un vrai choix ?
Mme Bernadette Bourzai. - L'exposé de Mme Zalay était assez stratosphérique... Nos préoccupations sont plus terre à terre ! J'ai été longtemps présidente du conseil d'administration de l'École forestière de Meymac et représentante de la région Limousin au conseil d'administration du lycée agricole de Neuvic. Pour des raisons essentiellement comptables, ces deux établissements - sur les quatre que compte la Corrèze - ont été fusionnés, entraînant la suppression de postes d'encadrement. Si je peux comprendre les motivations de ce rapprochement, je regrette que la souplesse et l'originalité de l'enseignement forestier aient été abandonnées au profit d'un retour à des méthodes pédagogiques plus conventionnelles. La pédagogie originale propre à l'enseignement agricole est pourtant particulièrement adaptée à des jeunes en difficulté...
Je n'ai pas voté le budget 2010 de l'enseignement agricole, car je l'estimais injuste. Les moyens de l'enseignement agricole seront-ils reconduits a minima en 2011, ou ajustés pour faire face aux besoins réels ? Enfin, y aura-t-il un effort pour les contractuels payés dix mois sur douze ?
Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche. - L'enseignement agricole est une filière de progrès, porteuse d'emplois. L'École de Meymac et le lycée de Neuvic étaient géographiquement proches et proposaient une offre similaire. Les assises de l'enseignement agricole public ont insisté sur la méthodologie et l'ancrage territorial de l'offre de formation. Chaque directeur régional a été chargé d'élaborer un projet, autour de pôles de compétences, pour structurer l'offre régionale en favorisant les synergies, sans nécessairement fusionner. L'établissement valorise son point fort principal. Il s'agit de donner la main au terrain, afin d'éviter les redondances.
Nous sommes conscients du problème des contrats dix-douze ; pour la mastérisation, nous avons prévu des contrats douze-douze. M. Le Maire a engagé une négociation avec les différentes catégories de personnel pour réduire la précarité.
Il ne m'appartient pas de commenter les propos du Premier ministre, mais M. Le Maire a confirmé que l'enseignement agricole était une priorité, y compris dans la discussion budgétaire. Je le vérifie tous les jours dans les discussions techniques avec Bercy ! À la suite des difficultés apparues lors des deux derniers exercices budgétaires, un arbitrage a été sollicité sur le programme 143. Je n'ai pas connaissance qu'une décision ait été prise. La position du ministère est claire.
Madame Bourzai, si les méthodes pédagogiques ont changé, je le déplore. Les termes d'« expérimentation » et d'« innovation » figurent dans le code rural, et le ministre tient à ce que l'enseignement agricole conserve son rôle de « laboratoire » technique et pédagogique. C'est un sentiment partagé par l'éducation nationale.
Nous partageons l'ambition et l'orientation de la politique de l'éducation nationale, même si des dispositions spécifiques peuvent être nécessaires pour l'enseignement agricole. Par sa diversité, sa territorialité, celui-ci enrichit et complète le réseau éducatif général, et offre des solutions adaptées à certains élèves à travers le contact avec la nature. Nous avons par exemple avancé sur l'accueil des jeunes de moins de quatorze ans. Grâce aux synergies et aux échanges au niveau local, enseignement agricole et éducation nationale travaillent dans la meilleure intelligence. Nous ne pouvons que plaider pour le maintien du programme 143 dans la mission « Enseignement scolaire », qui préserve la cohérence du système. Bien sûr, il faut travailler en amont pour harmoniser le cadrage budgétaire...
L'effet structurant de la rénovation de la voie professionnelle sur l'offre de formation ne se fera pas sentir de suite. Il faut gérer le double flux d'élèves, les premières en 2010 et les terminales en 2011 ; la capacité d'absorption des réductions d'emploi sera donc transitoirement limitée. Le mécanisme technique a été expliqué, et compris par les acteurs.
En matière de crédits, la lettre de cadrage s'impose. Nous avons fait valoir certains points, comme les engagements de l'Etat envers le privé, la question des accidents du travail ou encore celle du maintien des assistants d'éducation, indispensables dans un système qui compte 60 % d'internes.
L'enseignement agricole est une priorité du ministre. Nous discutons de façon responsable et réaliste. Il n'est pas question de nous reposer sur d'autres : cette méthode m'est tout à fait étrangère !
M. Jacques Legendre, président. - Ne voyez aucune suspicion a priori dans nos propos. Nous sommes tous profondément attachés à l'enseignement agricole. Le problème n'est pas celui de la maquette budgétaire, mais des moyens effectifs pour assurer son bon fonctionnement, dans l'intérêt des élèves et du pays tout entier. Il est bon que vous puissiez relayer cette volonté de notre commission ; ensuite, au gouvernement de s'organiser. Nous savons que les temps sont difficiles...
Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche. - Chaque département ministériel doit participer à l'effort collectif.
M. Jacques Legendre, président. - Essayons déjà d'assurer la réussite des élèves, avant d'avoir à financer des dispositifs de secours...
Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche. - Je sais pouvoir compter sur le soutien de votre commission. Nous sommes mobilisés, dans l'intérêt de tous les jeunes. On ne résout pas un problème budgétaire en changeant les missions : il faut préserver la cohérence du système.
Mercredi 23 juin 2010
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -Application de l'article 40 de la Constitution - Communication
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - Je remercie M. Jean Arthuis d'avoir trouvé la possibilité de venir devant notre commission pour nous présenter les règles qui régissent l'application de l'article 40 de la Constitution. J'avais vivement souhaité que vous veniez nous commenter ces règles car je crois qu'il est bon que chacun d'entre nous soit clairement informé de son application. Je vous donne tout de suite la parole.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Merci monsieur le président et permettez-moi de vous dire que je suis heureux de vous saluer tous, chers collègues, en ce début de matinée pour évoquer les conditions de l'application de l'article 40 de la Constitution. C'est une responsabilité que le président de la commission des finances partage avec ses collègues présidents des autres commissions permanentes. Lorsque nous devons prononcer l'irrecevabilité d'un amendement, c'est toujours un moment délicat et ce peut être un motif de crispation pour l'auteur de cet amendement. Je voudrais que nous puissions nous familiariser avec ces dispositions constitutionnelles pour éviter toute incompréhension. Je tiens à vous dire que l'obligation qui m'incombe de prononcer la recevabilité ou l'irrecevabilité d'un amendement est un exercice dont je me dispenserais volontiers.
Je voudrais rappeler tout d'abord les conditions d'application de ce fameux article 40. L'article 40 prévoit que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Il est possible de gager la diminution des ressources publiques. Il n'est jamais possible de gager la création ou l'aggravation d'une charge. D'autre part, le gage doit être opérant : il doit y avoir une compensation exacte de la perte de recettes et au profit de la personne publique qui la subit.
Quelques définitions à présent :
- une charge publique ne s'entend pas seulement d'une dépense au sens strict, mais également d'une compétence assignée à une personne publique ou d'un droit détenu sur elle ;
- les personnes publiques entrant dans le champ de l'article 40 sont l'Etat, les collectivités territoriales, les administrations de sécurité sociale et les organismes divers d'administration centrale (ODAC), c'est-à-dire tous les organismes pris en compte dans l'évaluation de la dépense publique.
Je voudrais revenir un instant sur la notion de charge publique, qui recouvre tout d'abord une réalité plus large que celle des dépenses stricto sensu imputées aux personnes publiques. En effet, la charge publique englobe :
- les dotations publiques : amendements instituant ou augmentant une subvention, par exemple une majoration de la participation financière de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;
- les droits détenus par les administrés sur une personne publique et notamment les droits à diverses prestations ou allocations ;
- les créations de structures ayant vocation à dépenser, par exemple la création de « fonds » publics ou l'augmentation du nombre des délégations territoriales de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;
- les transferts ou extensions de compétences des personnes publiques, par exemple un amendement étendant les missions du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et des centres de gestion à la prise en charge des fonctionnaires territoriaux privés d'emploi à la suite de la cession du patrimoine d'un office public de l'habitat ;
- les dispositions intéressant l'emploi public, par exemple, tout recrutement opéré par une personne publique, qu'il concerne des agents titulaires ou non, est constitutif d'une création de charge.
Toutes ces dispositions ne sont donc pas recevables au titre de l'article 40.
Ainsi, l'article 40 s'applique, non seulement à l'Etat, mais à l'ensemble des administrations publiques, définies de manière précise en comptabilité nationale. C'est vous dire combien l'article 40 entraîne une application rigoureuse et qu'il est toujours un exercice délicat de déclarer l'irrecevabilité.
Ceci étant, l'interprétation que nous faisons est toujours favorable à l'initiative parlementaire :
- il s'agit tout d'abord d'évoquer le choix de la base de référence la plus favorable à l'amendement, qui permettrait d'échapper à la censure. Nous partons du droit existant, du droit proposé - projet ou proposition de loi, texte de la commission - voire de situations de fait ou d'intentions formelles du Gouvernement. Par exemple, pour reprendre ce dernier cas, si l'on peut retrouver une intention exprimée par un membre du gouvernement, dans les procédures ou devant le Parlement, à l'occasion d'une intervention en séance publique ou en commission, prévoyant la création d'une autorité administrative ou la mise en place d'une prestation complémentaire, alors on peut considérer qu'il s'agit là d'une base juridique et que dans ces conditions, l'article 40 ne s'appliquera pas. Nous essayons, croyez-le bien, d'aller le plus loin possible dans la recherche de bases de références pour nous éviter d'avoir à censurer l'initiative prise par nos collègues ;
- les cas où la charge n'est pas constituée : charges de gestion, faible normativité, charge pesant indifféremment sur les personnes publiques et privées. Par exemple, si l'on institue une cotisation sur les salaires, pour l'Etat employeur, il s'agit d'une charge publique. Mais dès lors qu'il s'agit d'une charge qui s'applique à l'ensemble des salaires, aussi bien ceux de la sphère privée que de la sphère publique, dans ce cas-là, il n'y a pas censure au regard de l'article 40 ;
- enfin, je voudrais vous dire que s'il y a doute sur la portée d'un amendement, le doute profite systématiquement à son auteur.
M. Jacques Legendre, président. - Mes chers collègues, avez-vous des questions à poser sur la première partie ? M. Renar a une question.
M. Ivan Renar. - L'exposé est limpide, néanmoins, ce qui me préoccupe, c'est le paradoxe d'avoir la possibilité de défendre un amendement à toutes les étapes de l'élaboration de la loi et de risquer qu'il soit déclaré irrecevable. Lorsque l'on parle des gages, c'est presque une plaisanterie. Par exemple, est-ce qu'un gage sur un des éléments du bouclier fiscal est recevable ?
M. Jean Arthuis, président. - Le bouclier fiscal n'est pas une recette en soi, c'est une limitation des recettes. On ne vous opposera donc pas l'article 40 si vous proposez la suppression du bouclier fiscal.
M. Claude Domeizel. - M. Renar a soulevé une question que je voulais également poser, donc je ne vais pas y revenir. J'en ai une autre : peut-être que le plus simple aurait été de nous expliquer quels sont les amendements qui ne sont pas frappés par l'article 40 ; autrement dit, qu'est ce qu'on peut faire ?
M. Jean Arthuis, président. - Si vous proposez de réduire les charges publiques, par exemple, il n'y aura pas de difficultés.
M. David Assouline. - Ce qui a provoqué les choses, c'est qu'il nous semble qu'il y a de l'arbitraire. Peut-être que nous nous trompons, mais au moins, avant, en séance, il y avait un échange et une justification. Aujourd'hui, j'ai été confronté par deux fois à une situation où, sur une batterie d'amendements quasi similaires et qui auraient pu tous tomber sous le coup de l'article 40, certains ne le déclenchaient pas et d'autres le déclenchaient. De plus, nous avons uniquement une signature de votre part et l'on peut se demander même parfois si vous avez eu le temps de les étudier vous-même. Nous savons bien que vous êtes assisté d'administrateurs qui traitent ces amendements. Cela s'est passé au moins une fois en tout cas, j'en suis sûr, puisque vous n'étiez pas là et que vos administrateurs sont restés travailler très tard la veille d'une séance. Ce que je veux dire, sans exagération, c'est que depuis que l'examen de la recevabilité des amendements ne se fait plus en séance, nous ressentons des injustices et nous avons besoin, peut-être, de quelque chose de motivé. Nous savons que vous pouvez ne pas motiver, mais le bon fonctionnement entre nous ne peut-il pas faire qu'il y ait à chaque fois au moins trois lignes nous éclairant sur les raisons de l'irrecevabilité de l'amendement ou au moins nous expliquant pourquoi sur deux amendements quasi similaires, l'un est déclaré irrecevable et l'autre non ?
M. Serge Lagauche. - Vous avez donné comme exemple une taxe sur les salaires. Je comprends que la taxe sur les salaires touche l'ensemble des salaires, publics et privés, et est donc une sorte de compensation pour l'État...
M. Jean Arthuis, président. - Je vous arrête car la compensation ne joue pas. C'est la théorie de l'Etat employeur et l'on considère que dès lors qu'une taxe s'applique à l'ensemble des salariés, qu'ils soient salariés de la sphère publique ou de la sphère privée, dans ces cas-là, l'article 40 n'est pas applicable. Mais ce n'est pas parce qu'il y a une compensation.
M. Jacques Legendre, président. - S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons maintenant passer au deuxième point concernant les procédures.
M. Jean Arthuis. - Tout d'abord, pourquoi un contrôle a priori de la recevabilité financière ?
Le 14 décembre 2006, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le Conseil constitutionnel a précisé son interprétation de la recevabilité des amendements parlementaires au regard de l'article 40 de la Constitution. Il a ainsi précisé que « si la question de la recevabilité financière des amendements d'origine parlementaire doit avoir été soulevée devant la première chambre qui en a été saisie pour que le Conseil constitutionnel puisse en examiner la conformité à l'article 40, cette condition est subordonnée, pour chaque assemblée, à la mise en oeuvre d'un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt de tels amendements ».
Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que deux des douze dispositions considérées comme « cavaliers sociaux » auraient dû, de surcroît, être déclarées irrecevables dès leur dépôt pour cause d'aggravation d'une charge publique.
Jusqu'à cette décision du Conseil constitutionnel, le Sénat, contrairement a l'Assemblée nationale, n'effectuait pas de contrôle a priori de la recevabilité des amendements, que l'on laissait venir en discussion. Certains ministres en faisaient d'ailleurs bon usage. Il pouvait ainsi arriver que les dits ministres aient été battus en arbitrage à Matignon ; ils ne présentaient pas les amendements à l'Assemblée nationale ; ils trouvaient de la compréhension chez certains de nos collègues qui déposaient des amendements ; le ministre s'abstenait d'invoquer l'article 40 ; l'amendement était voté. L'affaire aboutissait de la sorte et c'était donc une pratique qui devenait facteur de confusion et à laquelle il fallait mettre bon ordre.
Le Conseil constitutionnel s'en est chargé en censurant le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2007. En effet, rappelant sa jurisprudence en la matière, il a estimé que la règle du « préalable parlementaire », c'est-à-dire la condition d'une invocation de la question de l'irrecevabilité financière devant la première assemblée saisie, était « subordonnée, pour chaque assemblée, à la mise en oeuvre d'un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt de tels amendements ». Soulignant qu'« une telle procédure n' [avait] pas encore été instaurée au Sénat », le Conseil constitutionnel a donc appelé à un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt de l'amendement.
Le sens de cette décision, qui avait valeur « d'avertissement » de la part du Conseil constitutionnel, était clair : tant que le Sénat ne mettrait pas en oeuvre un contrôle de recevabilité effectif et systématique des amendements au moment du dépôt, le Conseil pourrait les invalider, même si l'article 40 n'avait pas été invoqué au cours des débats.
Tirant les conséquences de la décision du Conseil, la Conférence des présidents du 20 juin 2007 a décidé, sur proposition de votre commission des finances, de mettre en oeuvre, à compter de l'été 2007, un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l'article 40 de la Constitution, identique à celui de l'Assemblée nationale. Cette nouvelle procédure, applicable depuis le 1er juillet 2007, tend à déclarer, lorsqu'il y a lieu, l'irrecevabilité financière dès le dépôt de l'amendement.
Cette pratique a pu créer de l'incompréhension au départ. J'étais venu dans votre commission à l'époque pour évoquer cette novation. Je suis bien conscient qu'il n'est pas agréable, lorsque l'on a mis beaucoup de foi et de conviction lors du dépôt d'un amendement, d'entendre qu'il ne sera même pas appelé en discussion puisqu'il est déclaré a priori irrecevable.
Voilà ma charge, bien délicate, et d'ailleurs, pour m'exonérer de tout soupçon, lorsqu'est venue en discussion la révision de la Constitution, j'avais pris l'initiative, devant le Sénat, de déposer un amendement tendant à supprimer l'article 40, mais à l'issue d'une discussion âpre, le Sénat a souhaité maintenir l'article 40.
Je disais cela car, au fond, en dépit de l'article 40, il y a malgré tout du déficit public et de l'endettement public. Peut-être faudrait-il dans ce cas également un article 40 qui soit opposable aux initiatives gouvernementales.
Quelle est la portée pour le contrôle a priori de la recevabilité financière ?
Les amendements déclarés irrecevables ne sont ni diffusés, ni discutés en séance publique.
En application du Règlement du Sénat, le contrôle a priori porte également sur la conformité des amendements à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). L'irrecevabilité organique concerne principalement :
- les cavaliers budgétaires, c'est-à-dire que si vous déposez, sur une loi de finance, un amendement qui n'a rien à voir avec la loi de finance, il est déclaré irrecevable ;
- les amendements imputés à tort en première ou seconde partie, selon qu'ils ont ou non un impact sur le solde budgétaire.
Qui applique l'article 40 au Sénat ?
Depuis la dernière révision constitutionnelle, le partage des rôles en matière de recevabilité financière a été établi de la façon suivante :
- au stade de l'élaboration du texte de la commission, c'est le président de la commission saisie au fond qui statue, avec demande d'avis possible au président de la commission des finances ;
- sur les amendements déposés en vue de la séance publique et sur le texte de la commission discuté en séance, la décision appartient au président de la commission des finances ;
- sur les propositions de loi, le Bureau du Sénat est compétent. Le Bureau du Sénat ne s'est pas mis ici à l'abri de tout reproche car il laisse venir systématiquement les propositions. Il peut en résulter une incompréhension car un certain nombre de propositions sont totalement irrecevables au regard de l'article 40. Avec leur meilleure inspiration, certains de nos collègues peuvent considérer que ces propositions de loi sont amendables et ils déposent des amendements qui vont tout à fait dans le sens de la proposition de loi, qui elle n'a pas été déclarée irrecevable. Ces amendements sont soumis à l'appréciation de la commission des finances, qui ne peut faire autrement que de les déclarer irrecevables et je vous laisse à penser ce que peut être l'incompréhension de l'auteur de l'amendement s'il n'est pas, comme vous, un familier de l'article 40. En effet, il voit une proposition de loi qui prospère, il dépose des amendements allant dans le sens de la proposition de loi et les amendements sont censurés, ce qui peut être un moment de crispation.
En ce qui concerne la procédure mise en oeuvre à la commission des finances, seul le Président statue sur la recevabilité financière, sur la base d'une instruction approfondie menée par le secrétariat de la commission. La décision d'irrecevabilité est donc politique et n'appartient nullement à des fonctionnaires. J'assume donc totalement la décision qui est prise et le procès en arbitraire. C'est inhérent à la fonction.
Les trois étapes de l'instruction témoignent du soin apporté et du temps consacré à cette tâche délicate, de sorte qu'un maximum de précautions entourent les décisions d'irrecevabilité :
- il y a tout d'abord un examen par un collège de quatre administrateurs spécialisés dans l'application de l'article 40 ;
- il y a validation par le responsable de secrétariat des amendements à soumettre au Président ;
- vient enfin la décision du Président de la commission sur l'ensemble des amendements potentiellement irrecevables. Je suis donc assez fréquemment saisi des amendements qui posent problème. Si je ne suis pas au Sénat, on me fait parvenir à ma permanence en Mayenne une copie desdits amendements et nous organisons alors une conférence téléphonique où nous statuons sur la recevabilité des dits amendements.
Lorsque l'irrecevabilité est prononcée, les auteurs sont systématiquement informés des décisions, qui sont motivées. Je reconnais que, parfois, la formulation des décisions est quelque peu laconique et si elle vous paraît excessivement laconique - j'implore ici votre compréhension car il se peut que l'on reçoive soudainement plusieurs dizaines d'amendements déclarés irrecevables -, je vous invite à me téléphoner, à m'écrire un courriel pour que nous puissions en discuter et pour vous éviter l'impression d'arbitraire qui peut être un stress insupportable. Cela n'apporte pas, en effet, la sérénité dont le sénateur a besoin pour accomplir sa mission.
Enfin, le secrétariat de la commission s'efforce d'avoir un rôle de conseil auprès des Sénateurs, des groupes et de leurs collaborateurs. Ainsi, si nous pouvons « sauver » votre amendement, nous téléphonerons à votre assistant pour vous proposer une autre rédaction, de telle sorte que l'amendement ne soit pas irrecevable et que vous puissiez, au moins en séance, prendre la parole sur la problématique qui vous préoccupe et qui est au coeur de votre amendement.
L'application de l'article 40 reste, au demeurant, raisonnée. Sur la période du 1er juillet 2007 au 4 mai 2010, seulement 3,9 % des amendements ont été déclarés irrecevables. Les taux d'irrecevabilité les plus élevés affectent les amendements des groupes de la majorité sénatoriale. La commission des finances n'est donc pas suspecte d'opérer sur des considérations qui seraient plus favorables à la majorité qu'à l'opposition.
En outre, s'agissant des commissions, les commissions saisies au fond ont très peu d'amendements déclarés irrecevables, les commissions pour avis un peu plus. En ce qui concerne les groupes politiques, c'est le groupe de l'Union Centriste qui a le plus d'amendements déclarés irrecevables, relativement au nombre d'amendements déposés. En ce qui me concerne, je ne cache pas que si les groupes pouvaient avoir leur propre cellule de recevabilité, cela m'arrangerait beaucoup.
Nous arrivons au bilan de la mise en oeuvre.
Aucun problème de divergence entre les décisions de la commission des finances et les décisions des commissions saisies au fond n'a été relevé pour l'heure. Cela se passe vraiment très bien, en particulier avec la commission de la culture.
La possibilité ouverte aux présidents de commissions saisies au fond de solliciter l'avis du président de la commission des finances sur la recevabilité financière des amendements est peu utilisée.
Dernier point sur les propositions de loi : il faut être conscient qu'un traitement différent est appliqué aux propositions de loi et aux amendements :
- la recevabilité des propositions de loi est examinée par le Bureau, et on tolère de gager les créations ou aggravations de charges. Dans ces conditions, aucune proposition de loi n'est déclarée irrecevable au moment de son dépôt ;
- la recevabilité des amendements est examinée par la commission des finances, et les charges ne peuvent être gagées.
Il existe, dès lors, le risque qu'un dispositif coûteux, censuré lorsqu'il a été proposé sous forme d'amendement, arrive en discussion s'il est redéposé sous forme de proposition de loi. En effet, la commission des finances ne déclarera l'irrecevabilité d'une proposition de loi que si celle-ci est soulevée par un sénateur ou le Gouvernement en séance.
M. Jacques Legendre, président. - La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. - J'ai deux questions :
- irrecevable est-il synonyme de non défendu ?
- n'y a-t-il pas un risque de voir la commission des finances se transformer en une sorte de police des amendements ?
D'autre part, j'ai bien noté que, comme dans le football et l'armée, il y a des problèmes dans la chaîne de commandement. Enfin, je dois donner acte au président de la commission des finances que la lettre que l'on peut recevoir, même s'il elle arrive un peu tard, est très aimable, même si elle se termine par « Frères, il faut mourir » !
M. Jean Arthuis, président. - Je n'ai d'autre ambition que de défendre la Constitution. Tout d'abord, je tiens à préciser qu'un amendement irrecevable est un amendement qui n'existe pas. Sur la police des amendements, il s'agit de maintenir l'ordre constitutionnel et puisqu'il faut que quelqu'un s'en charge, ce sont la commission des finances et son président qui en assument la responsabilité. Il y a donc forcément un risque d'arbitraire puisqu'il y a ce qui est blanc, ce qui est noir, et ce qui est entre les deux. Mais je le répète, s'il y a un doute, le doute profitera toujours à l'auteur de l'amendement. Et ainsi, le sénateur est protégé contre lui-même puisqu'il aurait trop mauvaise conscience à accroître les charges publiques et à porter atteinte au pacte de solidarité intergénérationnel.
M. David Assouline. - Je reviens sur la question de l'arbitraire. En effet, le président de la commission des finances est nécessairement partisan, c'est un élu. Il s'agit de parler de constitutionnalité, or ce n'est pas un juge constitutionnel. Le problème réside dans le fait qu'il n'y ait pas réellement besoin d'argumenter et que déclarer l'irrecevabilité ne soit pas une décision prise à l'issue d'un échange avec le sénateur qui a déposé l'amendement. Je regrette que nous n'ayons qu'une sentence du sort de l'amendement, sans possibilité d'échange et d'explication. Vous décrivez un processus idyllique, or je le répète, j'ai moi-même eu le cas de deux amendements semblables qui auraient pu être déclarés irrecevables de la même façon mais dont un seulement l'a été.
Il y a une dernière chose que je ne comprends pas. On dit que c'est d'abord le président de la commission qui est saisie au fond et se trouve en amont de la décision et qu'en deuxième instance, il vous demande un avis. La décision, c'est donc vous qui la signez.
M. Jean Arthuis, président. - La délégation à la commission des finances résulte de la réforme constitutionnelle de 2008 et de l'instruction désormais par les commissions des textes qui viendront en discussion. Dans la procédure antérieure, la commission proposait des amendements et ceux-ci étaient mis en discussion en séance publique. Aujourd'hui, c'est le texte issu des délibérations de la commission qui vient en séance publique. Autrement dit, la commission se prononce sur un certain nombre d'amendements et les intègre ou non dans le projet qui sera discuté en séance publique. La recevabilité de ces amendements, qui sont mis en discussion devant la commission, est appréciée par le président de la commission saisie au fond. C'est uniquement s'il y a doute que le président de la commission saisie au fond consulte le président de la commission des finances. C'est ensuite sur l'avis du président de la commission des finances que le président de la commission saisie au fond se prononcera, mais il n'est pas tenu par l'avis du président de la commission des finances. Lorsque le texte vient en séance publique, les amendements qui sont déposés en vue de la discussion en séance publique sont soumis à l'appréciation de recevabilité par la commission des finances.
M. Jacques Legendre, président. - Mes chers collègues, vous entendez aujourd'hui le président Arthuis pour que vous sachiez sur quelles bases, éventuellement, je serai amené à appliquer l'article 40 sur les amendements déposés en commission.
M. Jean Arthuis, président. - Je voudrais ajouter un mot pour notre collègue M. Assouline. Ce que vous souhaiteriez, c'est qu'il y ait une juridiction indépendante dont les membres seraient à l'abri de tout soupçon, tandis que nous nous trouvons actuellement face à une instance qui est forcément partisane. Je suis membre de l'Union centriste, je suis engagé en politique, je peux être inspiré par mes pulsions partisanes... J'essaye toutefois de me préserver contre de telles dérives. J'en appelle de plus à votre propre jugement et s'il y a doute, que nous puissions en parler.
L'autre problème est un problème de faisabilité. Il y a très peu de temps entre le moment où les amendements sont déposés et le moment où leur irrecevabilité est prononcée. Il est donc difficile de réunir la commission des finances à chaque fois. Il y a forcément un pacte de délégation et un pacte de confiance.
M. Claude Domeizel. - Je voudrais revenir sur la partie de l'exposé affirmant que les amendements déclarés irrecevables ne sont ni discutés ni diffusés en séance publique. S'ils ne peuvent être discutés en séance publique, ils peuvent toujours être défendus indirectement par une intervention sur l'article auquel ils renvoient et ainsi être présentés.
M. Jean Arthuis, président. - Une fois qu'un amendement est déclaré irrecevable, il n'existe plus. La problématique contenue dans l'amendement peut parfaitement faire l'objet d'une intervention en séance, c'est-à-dire sur l'article sur lequel vous souhaitiez déposer votre amendement. Vous pouvez tout à fait prendre la parole et exprimer votre regret de n'avoir pas d'amendement sur cet article contenant telle ou telle disposition.
M. Claude Domeizel. - Je voudrais revenir sur la précision « ni diffusés ». Cela pose un problème car cela signifie que l'on ne pourra pas consulter, sur le site du Sénat, des amendements déposés sur tel projet de loi et déclarés irrecevables, dans la mesure où les amendements jugés irrecevables disparaissent. Je pense qu'il devrait y avoir une liste d'amendements jugés irrecevables. Pourquoi ? Parce que toute personne a le droit de connaître les amendements déposés par un sénateur, quelle en a été la teneur et de savoir qu'ils ont été jugés irrecevables. Cela me paraît être un droit d'information qui doit être donné à tout citoyen. Cela peut aussi être intéressant pour les sénateurs eux-mêmes. Moi-même, j'ai voulu un jour rechercher un amendement dont j'avais oublié qu'il avait été frappé par l'article 40. Je voulais le retrouver, ne serait-ce que pour prouver à mes interlocuteurs que je l'avais déposé mais qu'il n'avait pas abouti. Je ne l'ai plus retrouvé ! Il serait pourtant pratique de pouvoir retrouver des amendements, alors qu'aujourd'hui, ils disparaissent totalement.
M. Jean Arthuis, président. - La règle est qu'un amendement irrecevable est un amendement qui disparait instantanément. Faire le recueil des amendements irrecevables n'est pas forcément gratifiant pour l'auteur de l'amendement car cela signifie qu'il s'obstine à déposer des amendements contraires à la Constitution alors qu'un sénateur doit être garant du respect des institutions.
M. Jean-Pierre Plancade. - En ce qui me concerne, je n'ai aucun doute sur votre sincérité dans l'examen des amendements. Ceci étant dit, j'estime que, malgré tout, le rôle d'un parlementaire est de faire savoir ce qu'il veut et que déposer un amendement traduit une volonté politique, une orientation politique. Si l'amendement n'est pas constitutionnel, il a au moins le mérite de traduire l'intention de l'auteur. Je pense que mon collègue a parfaitement raison car quelque part, on faillit à la démarche démocratique de transparence.
M. Jean Arthuis, président. - Je suis attentif à l'observation de notre collègue M. Domeizel et je vais y réfléchir avec le service de la séance pour voir si l'on peut publier les amendements déclarés irrecevables. Après tout, nous sommes dans l'exigence de transparence et cela ne me pose, à titre personnel, aucun problème. Je vous remercie infiniment de m'avoir invité ce matin pour que nous gommions les éventuels malentendus du fait de l'article 40.
M. Jacques Legendre, président. - Je peux porter témoignage de ce que le président de la commission, M. Arthuis, avait souhaité la suppression de l'article 40. Il n'a pas été suivi et par conséquent, il faut bien appliquer la loi constitutionnelle.
- Présidence de Mme Colette Mélot, vice-présidente -
Réforme des collectivités territoriales - Examen du rapport pour avis en deuxième lecture
Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur le texte de la commission des lois pour la deuxième lecture du projet de loi n° 527 (2009-2010), modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Le 8 juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, en modifiant profondément l'économie de son titre IV consacré à la « clarification des compétences des collectivités territoriales ». À l'origine, l'article 35 se limitait à poser les principes directeurs qui devaient guider l'élaboration et l'adoption par le législateur, dans un délai d'un an, d'une loi de clarification des compétences des collectivités territoriales. Au nombre de ces principes figuraient la spécialité et l'exclusivité des compétences des départements et des régions qui auront ainsi vocation à exercer les compétences qui leur auront été expressément attribuées par la loi, à titre exclusif.
Toutefois, la rédaction initiale de l'article 35 fixait un cap politique pour le législateur dépourvu de portée normative immédiate. C'est la raison pour laquelle nos collègues députés ont souhaité lui donner un contenu normatif dès le présent projet de loi. En conséquence, le titre IV limite le jeu de la clause de compétence générale du département et de la région, et encadre le recours aux financements croisés entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales.
Or ces modifications ne sont pas sans effet sur l'intervention des départements et des régions dans les domaines de la culture et du sport ; les associations s'en sont émues, et j'ai proposé qu'elles soient entendues par notre commission à l'occasion de leur manifestation à Paris. J'ai également demandé que notre commission soient saisie pour avis en deuxième lecture du titre IV du projet de loi, démarche inhabituelle qui a surpris certains membres de la Conférence des Présidents.
En premier lieu, il faut rappeler que, jusqu'ici, la culture et le sport ont toujours constitué des compétences partagées entre les communes, les départements et les régions. Au titre de la clause de compétence générale, chaque niveau de collectivité territoriale était habilité à participer à la mise en oeuvre d'un projet culturel ou sportif dès lors que celui-ci représentait un intérêt public au bénéfice des administrés de la collectivité concernée. Or le nouvel article 35 du présent projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, limite la clause de compétence générale aux seules communes. Toutefois, à la suite d'un long débat, nos collègues députés ont pris soin de préserver explicitement le caractère de compétence partagée entre les communes, les départements et les régions pour la culture et le sport. C'est une décision sage dont nous pouvons nous féliciter et qui est de nature à rassurer les milieux professionnels. ( M. Jean-Pierre Plancade approuve) En effet, il nous faut garder à l'esprit que la culture et le sport constituent des éléments indissociables des politiques d'action sociale, de solidarité et de proximité, pour lesquelles le rôle de chef de file des départements a été constamment consacré par le législateur. Ils font souvent partie intégrante des politiques de formation professionnelle et de développement économique et touristique pour lesquelles les régions détiennent une compétence de principe.
Le maintien de ces compétences partagées ne fait pas obstacle à ce que, dans la mise en oeuvre d'un projet culturel ou sportif local, une collectivité territoriale soit désignée chef de file, en application du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution. C'est dans cette logique que l'Assemblée nationale a prévu la possibilité pour une collectivité de déléguer l'exercice d'une de ses compétences à un autre niveau, par voie conventionnelle. Je vous rappelle qu'il n'existe aucune hiérarchie constitutionnelle entre les collectivités territoriales.
Nos collègues députés ont également introduit la notion de « schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services ». Notre commission des lois a précisé que ce schéma fixe d'une part les délégations éventuelles de compétences entre région et départements, d'autre part l'organisation de leurs interventions financières. Il s'agit de coordonner leurs actions dans différents secteurs, certains étant visés expressément par l'article 35 bis, d'autres étant facultatifs : c'est le cas de la culture et du sport. Pourtant il me semble que régions et départements auraient tout intérêt à les intégrer dans leur schéma, dans le respect des spécificités locales. La souplesse ne doit pas empêcher la coordination. N'est-ce pas l'objectif majeur des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ? Notre collègue Ivan Renar ne me démentira pas... Il s'agit bien d'encourager la participation de différentes collectivités territoriales, et si possible de l'Etat, pour porter un projet culturel commun.
Tous les projets ne nécessitent pas que l'on frappe à toutes les portes. Nous souffrons parfois d'un trop grand enchevêtrement des compétences, pouvant entraîner un manque de cohérence entre les interventions. C'est pourquoi, selon les secteurs et les territoires, il me paraît souhaitable que les collectivités s'accordent soit pour construire des politiques publiques communes, soit pour se répartir les rôles, dans le dialogue et le respect mutuel. Ceci me semble tout à fait compatible avec la notion de compétences partagées, dans les secteurs qui nous intéressent. L'élection de conseillers territoriaux devrait être de nature à faciliter l'organisation des compétences et des financements sur le territoire, puisqu'ils seront tout à la fois les élus du département et de la région. La structuration des réseaux culturels n'étant pas nécessairement la même dans toute la France, ils pourront prendre en compte les spécificités de leurs territoires.
Je ne vous cache pas que la coordination avec les métropoles me semble plus délicate. Notre commission des lois a prévu que les métropoles seront « associées de plein droit à l'élaboration, au suivi et à la révision » du schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services, ce qui est logique. Encore faudra-t-il que les conseillers territoriaux - qui ne siégeront pas au sein des conseils de métropoles - soient vigilants pour concilier le souhait d'affirmer des pôles européens forts et la nécessité d'éviter que les métropoles cannibalisent les territoires qui les entourent.
M. Jean-Pierre Plancade. - Merci de le souligner.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - En effet, comme me le rappelait à juste titre M. Florian Salazar-Martin, vice-président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), les petites collectivités rurales innovent souvent autant que les grandes villes, même si leurs actions sont moins connues. C'est le résultat très positif de la décentralisation culturelle de notre pays et de la politique volontariste de nombreux élus locaux.
Enfin, le titre IV encadre désormais le recours aux financements croisés entre différents niveaux de collectivités territoriales. Je rappelle, à cet égard, que le cumul des concours financiers des régions et des départements a représenté environ 1,3 milliard d'euros pour le sport en 2009. La commission des lois du Sénat a eu la sagesse de supprimer l'article 35 quater adopté par l'Assemblée nationale, qui aurait eu pour effet de limiter, voire d'ôter la possibilité de cumuler les subventions départementales et régionales en faveur d'un projet local soutenu par une commune ou un groupement. Cette interdiction de cumul aurait pu sembler contradictoire avec le maintien de certaines compétences partagées entre les communes, les départements et les régions.
Le texte adopté par la commission des lois au titre IV du projet de loi me paraît bien répondre à nos préoccupations. Je vous proposerai seulement deux amendements. Le premier rendrait obligatoire l'élaboration conjointe par le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux, dans les six mois qui suivent l'élection des conseillers territoriaux, d'un projet de schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. Le second visant à inscrire explicitement dans la loi que les collectivités peuvent accorder des subventions aux associations dans les secteurs de la culture, du sport et du tourisme.
M. Claude Bérit-Débat. - Je proteste contre la méthode du Gouvernement : alors que le mode d'élection des conseillers territoriaux et les compétences des collectivités devaient faire l'objet de projets de loi distincts, leur définition a été introduite dans ce texte par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, et nous n'avons l'occasion d'examiner ces articles qu'en deuxième lecture.
D'ailleurs, nous nous penchons sur les compétences des collectivités dans un contexte où leurs ressources ont été amputées par la suppression de la taxe professionnelle. Les communautés d'agglomérations perçoivent le produit d'un nouvel impôt sur les ménages dont elles ne voulaient pas. Les communes, qui se voient reconnaître une compétence générale, auront-elles les moyens de l'exercer ?
M. le rapporteur prétend que la création des conseillers territoriaux renforcera la coordination des politiques départementales et régionales : qu'il nous permette d'en douter. Les recommandations de la commission Belot auraient permis d'améliorer la gouvernance locale sans bouleverser l'architecture institutionnelle.
Dans les domaines du sport et de la culture, les amendements qui nous sont soumis visent à apaiser les inquiétudes des professionnels et des élus. Mais il aurait été plus simple de laisser aux départements et aux régions leur compétence générale. Hostiles aux principes mêmes de cette réforme, nous ne pouvons que nous opposer aux propositions du rapporteur.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Le Sénat n'a pas pris position en première lecture sur les compétences des collectivités, qui devaient faire l'objet d'un projet de loi spécifique. Les députés ont souhaité les définir dans le cadre du présent texte : c'est pourquoi j'ai souhaité que la commission de la culture puisse s'exprimer à ce sujet. Nous ne débattons pas du texte initial, mais de celui que la commission des lois a adopté, et nous ne sommes saisis que du titre IV : la création des conseillers territoriaux a d'ores et déjà été entérinée.
M. Claude Domeizel. - L'exception prévue pour la culture et le sport confirme la règle, à savoir la fin de la compétence générale des départements et des régions. Or la compétence générale assure la solidarité entre les territoires riches et les pauvres, peuplés et moins peuplés, au niveau des régions comme des départements. C'est le cas dans ma région, où les six départements ont un niveau de richesse et une densité de population très inégaux. J'ai longtemps été conseiller régional ; si la région n'avait pas aidé les petites communes à acheter des tables et des chaises pour leur salle des fêtes, ces lieux de vie auraient disparu !
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Je suis moi aussi un élu de terrain, et je sais que dans les petites communes, les aides à l'acquisition d'équipements même rudimentaires sont indispensables à la vie associative, sportive et culturelle. Mais il faut mettre fin à la superposition des guichets : c'est pourquoi je propose d'obliger les départements et les régions à se mettre d'accord sur une répartition des rôles, ce qui sera d'autant plus facile que les mêmes élus siégeront dans les conseils régionaux et généraux. La collectivité compétente disposera de moyens renforcés pour accorder des subventions. Deux dossiers et deux délibérations sont-ils vraiment nécessaires ? Il faut responsabiliser les départements et les régions.
Je rappelle en outre qu'un de mes amendements vise à combler une lacune en ajoutant aux compétences partagées les aides aux associations.
M. Yannick Bodin. - Tout ça pour ça ! L'annonce de la fin de la compétence générale des départements et des régions a suscité la panique parmi les associations sportives et culturelles, et l'on est aujourd'hui obligé de la rétablir subrepticement, car les compétences actuellement exercées devront bien l'être à l'avenir... Au lieu de la simplification annoncée, ce texte n'engendre que confusion. Vous proposez que l'aide aux associations, à la culture et au sport soit une compétence partagée : à la bonne heure ! Elle l'est déjà. Quant aux schémas d'organisation des compétences, ils n'apporteront rien de neuf : les régions et les départements passent déjà des accords pour se répartir les tâches.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - La compétence générale fait qu'actuellement tout le monde fait tout, son travail et celui du voisin. Il faut apporter de la souplesse au dispositif proposé, mais aussi éviter la multiplication des dossiers et des délibérations. L'aide d'une commune, d'un EPCI et de la région ou du département est bien suffisante pour monter un projet ! C'est pourquoi il me semble souhaitable d'obliger les départements et les régions à se mettre d'accord.
M. Yannick Bodin. - Comment le nouveau conseiller territorial arbitrera-t-il entre les intérêts régionaux et départementaux ? Ce sera en permanence la tempête sous un crâne !
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Il arrive déjà que des conseillers généraux siègent au conseil régional. Aux dernières élections dans ma région, votre propre parti a choisi d'investir prioritairement des élus départementaux. Le nouveau conseiller territorial aura certes des pouvoirs très étendus, mais il sera à même d'organiser la répartition des tâches entre les différents niveaux de collectivités.
M. Jean-Jacques Lozach. - Le titre IV est censé clarifier les compétences des collectivités, mais la création des conseillers territoriaux est source de confusion. D'ailleurs le débat est biaisé, car les collectivités sont aujourd'hui financièrement asphyxiées : plusieurs départements de toutes tendances politiques ont réduit de 30 à 35 % leurs dépenses culturelles !
Les départements et les régions ne dépensent que 10 % de leur budget au titre de leur compétence générale, tandis que 90 % des dépenses sont contraintes.
L'amendement du rapporteur les obligerait à se répartir des compétences qui ne sont pas obligatoires : il y a là un paradoxe ! S'il existe un schéma régional de développement économique et un schéma départemental de prise en charge de la dépendance, c'est parce que ces compétences sont obligatoires.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Il sera obligatoire d'établir un schéma d'organisation des compétences, non d'exercer des compétences facultatives. Si les départements et les régions décident de ne pas les exercer, rien ne les y obligera !
M. Ivan Renar. - Il est judicieux de faire de l'aide aux associations une compétence partagée, comme le propose M. le rapporteur. Mais le contexte de cette réforme est pour le moins inquiétant. Le temps n'est pas loin où le Président de la République accusait les régions de « folles dépenses », alors qu'elles ne sont responsables que d'une bien faible part de l'impôt acquitté par les contribuables !
Il faut privilégier les partenariats entre l'Etat, garant de la liberté de création et de l'égalité entre les territoires, et les différents niveaux de collectivités, car une politique culturelle est impossible sans la coopération de tous les pouvoirs publics : un orchestre symphonique ou une scène nationale coûte cher. Aujourd'hui l'Etat se désengage ; il y a quelques années, il a même envisagé de ne subventionner qu'une ou deux grandes structures par région. Il cherche aussi à confier aux collectivités l'entretien du patrimoine. Pourtant, la culture doit être une de nos priorités !
M. le rapporteur a eu la gentillesse de faire allusion au travail que j'ai animé il y a quelque temps et qui a conduit à la création des EPCC. Ceux-ci permettent de faire aboutir de nombreux projets artistiques. Il faudrait tirer le bilan des deux années écoulées.
M. Jean-Jacques Lozach. - L'Etat refuse d'appliquer les textes.
M. Ivan Renar. - Il refuse en tout cas de participer aux projets. Aujourd'hui, 75 % des dépenses culturelles sont assumées par les collectivités, en particulier par les communes. A cet égard, je crains que les métropoles n'affaiblissent l'autorité des communes, qui contribuent à la vie culturelle des compagnes en achetant des livres ou en invitant des compagnies de théâtre. Dans le Nord-Pas-de-Calais, il existe de nombreuses sociétés musicales, qui ne pourraient survivre sans l'appui des collectivités locales ; la région finance chaque année un instrument par compagnie. Voilà qui contribue au développement de notre pays : Joseph Stiglitz ne suggérait-il pas de prendre en compte le bonheur dans la mesure de la croissance ?
La création des conseillers territoriaux entretiendra la confusion. Dans certaines régions, le nombre de personnes siégeant au conseil régional va doubler !
La politique culturelle ne doit pas être isolée de l'ensemble de la politique sociale des collectivités, menacée par cette réforme. Que M. le rapporteur me pardonne, mais nous ne pouvons nous satisfaire d'un rapiéçage. J'espère que ce projet de loi sera rejeté, ou que la gauche, revenue au pouvoir en 2012, soumettra à référendum son abrogation.
M. Yves Dauge. - Après les députés, c'est au tour du président Legendre de chercher à sauver les meubles... Le projet du Gouvernement témoigne d'une méconnaissance choquante des réalités locales : heureusement que les parlementaires veillent. Ce projet a inutilement inquiété élus et citoyens. Les collectivités se répartissent d'ores et déjà les tâches : dans la région Centre, Orléans et Tours se sont mises d'accord, ainsi que Chinon. J'espère que nous irons au bout du processus législatif, et que le Gouvernement ne cherchera pas une nouvelle fois à nous imposer ses vues.
Le texte qui nous est soumis risque de poser des problèmes de frontières. Le Centre et l'Indre-et-Loire financent par exemple concomitamment une association d'éducation à la lecture, Lire et Dire. Est-ce qu'elle entre dans le champ des politiques culturelles ? En cas de conflit d'interprétation, qui tranchera ? Le préfet, voire le tribunal administratif ! Quel gâchis !
M. David Assouline. - Je ne reviendrai pas sur notre opposition de principe à la création des conseillers territoriaux. M. le rapporteur cherche à désamorcer une bombe qui menaçait de tuer le mouvement associatif. Les associations connaissent aujourd'hui leurs interlocuteurs, et savent comment s'y prendre pour obtenir des subventions : car la région ne les aide que si le département et la commune les aident aussi. Les départements et les régions coopèrent parfois.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Parfois seulement.
M. David Assouline. - S'ils doivent se mettre d'accord pour établir un schéma d'organisation des compétences, cela prendra encore plus de temps qu'auparavant. A Paris, on ne sait ce qu'il adviendra.
Mme Catherine Dumas. - Paris est soumis à un régime dérogatoire.
M. David Assouline. - Certes, mais les associations ne savent si elles pourront compter à l'avenir sur l'aide de la ville, du département et de la région. Or elles ont besoin de visibilité.
M. Serge Lagauche. - Les travaux de la commission Belot ont montré que nous pouvions discuter sereinement à ce sujet ; si nous avions continué à suivre sur le même chemin, nous aurions pu aboutir à une réforme consensuelle. Hélas, le Gouvernement n'a pas respecté l'ordre de la discussion, ni ses engagements au sujet du mode de scrutin. Dans ce contexte, même si nous approuvons la décision de la commission de se saisir pour avis et avons assisté par courtoisie à la présentation du rapport, nous ne pourrons prendre part au vote.
M. Jean-Pierre Plancade. - Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles cette réforme est menée. Quoi qu'il en soit, les propositions de M. le rapporteur sont bienvenues : les collectivités coopèrent déjà, et il propose d'officialiser cet état de fait. On ne peut se dire attaché à la compétence générale des collectivités et renâcler à ce qu'elles s'imposent des obligations ! Il faut désigner dans chaque domaine un chef de file, pour mettre fin aux financements croisés. Contrairement à David Assouline, je ne crois pas souhaitable que les collectivités financent des projets à condition que les autres en fassent autant : cela les autorise à se défausser de leurs responsabilités.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Les commissaires centristes soutiennent la démarche du président Legendre. En réaffirmant que les régions et les départements disposent d'une compétence partagée dans les domaines de la culture, du sport et de la vie associative - sans parler du tourisme, très lié à la culture - nous rassurerons les milieux concernés, que certains ont délibérément affolés en période préélectorale... J'appartiens au Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, et lors de ses auditions je n'ai jamais entendu le ministre annoncer la spécialisation des compétences dans ce domaine. Si les subventions ont baissé, c'est parce que la crise a réduit les recettes des collectivités.
Toutefois le groupe Union centriste regrette la méthode choisie par le Gouvernement : nous souhaitions qu'un projet de loi spécifique définisse les compétences des collectivités, afin de mener une réflexion approfondie sur le « millefeuille ». Il aurait fallu se pencher en particulier sur les compétences des EPCI : la carte de l'intercommunalité sera achevée en 2013, et 60 % des EPCI ont acquis les compétences culturelles des communes. En préparant un rapport sur la décentralisation des enseignements artistiques, j'ai constaté la nécessité de simplifier le système actuel et de désigner des chefs de file.
M. Jacques Legendre, rapporteur. - Je souhaitais moi aussi un texte spécifique sur les compétences des collectivités. Les députés en ayant décidé autrement, il était du devoir de la commission de la culture de se saisir du texte en deuxième lecture. Nous sommes tous des praticiens, et nous connaissons l'inquiétude des milieux sportifs et culturels, sincère bien qu'elle ait parfois été entretenue à dessein.
La réduction des dépenses culturelles et sportives n'est pas liée à la réforme, mais à la crise et à baisse des ressources, qui oblige les collectivités à tailler dans leurs dépenses facultatives. Je crois moi aussi que la culture est un élément essentiel du développement humain et économique, mais dans une période où l'argent est rare, il faut rationnaliser la dépense.
Pour ma part, je suis favorable à la création des conseillers territoriaux, non par esprit de parti, mais parce que je crois qu'elle facilitera la coopération des départements et des régions. Je fais confiance aux élus et à leur sens des responsabilités. Il faut leur laisser la liberté de s'adapter aux spécificités géographiques et administratives de leurs territoires. La répartition des rôles entre Paris et la région Ile-de-France, par exemple, est unique. Finissons-en avec le centralisme à la française, où tout le monde fait à peu près la même chose sous l'oeil vigilant du préfet !
Mme Colette Mélot, vice-présidente. - Je vais mettre aux voix les deux amendements, puis l'avis de la commission sur le titre IV.
M. Ivan Renar. - La partie ne peut être séparée du tout. Le groupe CRC-SPG, comme le groupe socialiste, ne prendra pas part au vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Les commissaires centristes voteront les propositions de M. le rapporteur, mais cela ne préjuge en rien de la position du groupe en séance sur ces articles.
La commission adopte les deux amendements du rapporteur et donne un avis favorable au titre IV du projet de loi, les groupes CRC-SPG et socialiste ne prenant pas part au vote et le groupe RDSE s'abstenant.
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -
Nomination d'un rapporteur
M. Serge Lagauche est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 563 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.
Communications diverses
M. Jacques Legendre, président. - Faute de temps, nous n'examinerons qu'à la prochaine réunion de la commission prévue le 30 juin 2010 le rapport de Mme Catherine Morin-Desailly sur le contrat d'objectifs et de moyens 2010-2014 de l'Institut national de l'audiovisuel (INA).
M. Yannick Bodin. - Je souhaite que nous auditionnions bientôt les responsables du football français.
M. Jacques Legendre, président. - J'avais eu la même idée. Nous les recevrons le moment venu.
M. Pierre Martin. - Il faudra dresser le bilan de la Coupe du monde, mais aussi évoquer la préparation de la Coupe d'Europe !
La commission autorise la publication, sous la forme d'un rapport d'information, des actes du colloque sur les classements universitaires.
- Présidence de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -
Contrôle budgétaire de la dévolution du patrimoine immobilier aux universités - Communication
Puis la commission entend, conjointement avec la commission des finances, une communication de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs, sur le contrôle budgétaire relatif à la dévolution du patrimoine immobilier aux universités.
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Jean-Léonce Dupont et moi-même avons souhaité consacrer notre troisième mission de contrôle commune au volet immobilier de l'autonomie des universités, découlant de la loi LRU de 2007.
Je vous rappelle que, contrairement à l'accès aux responsabilités et compétences élargies en matière de gestion budgétaire et des ressources humaines, la dévolution du patrimoine immobilier est, aux termes de cette loi, une compétence optionnelle tant pour les universités que pour l'Etat.
Si l'on veut faire un état des lieux on constate que le patrimoine immobilier universitaire est important, mais dégradé et sous-optimisé.
Au 31 décembre 2009, la surface hors oeuvre nette de l'ensemble des universités s'élevait à 18,7 millions de m2, dont 15,3 millions de m2 propriété de l'Etat. Cette surface a augmenté de 20 % par rapport à 2002.
Je précise que 35 % de ce patrimoine seraient vétustes ou en mauvais état. En outre, il est trop souvent inadapté aux besoins : les surfaces ne sont pas optimisées, ce qui résulte notamment d'une faible responsabilisation des universités et d'une gestion corporatiste des locaux par leurs composantes.
En effet, les établissements ont été peu incités à une bonne gestion des locaux qui leur ont été affectés ou ont été mis à leur disposition par l'Etat.
Par ailleurs, l'ancien modèle d'allocation des moyens budgétaires aux universités (SAN REMO) et les contrats de projets Etat-région (CPER) ont encouragé une course au m2, plutôt qu'un entretien convenable et une rationalisation de l'utilisation des surfaces existantes.
Pourtant, l'Etat a consacré des moyens conséquents à l'immobilier universitaire. Mais, jusqu'à une date récente, ils ont été mis en oeuvre sans véritable vision globale et stratégique, aussi bien de la part des établissements que de l'administration centrale. Ils l'ont été de façon dispersée, par le biais de canaux de financement multiples.
De 2000 à 2010, l'effort moyen annuel de l'Etat en faveur de l'immobilier, hors crédits de maintenance, s'est ainsi élevé à un peu plus de 500 millions d'euros en crédits de paiement. Cet effort est passé à 580 millions d'euros par an entre 2007 et 2010. En outre, des évolutions qualitatives se dessinent depuis 2008 : réforme du modèle d'allocation des moyens, mise en place d'une programmation des mises en sécurité, évolution qualitative des CPER, développement d'une approche par site et globale.
Depuis cette date, l'allocation de nouvelles enveloppes exceptionnelles a permis d'accélérer la remise à niveau du patrimoine immobilier (avec le plan de relance, l'opération Campus ainsi que les opérations Campus prometteurs et innovants).
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Je vais pour ma part vous présenter le contexte juridique et les objectifs de la dévolution du patrimoine immobilier universitaire.
Dans ce contexte, passer d'un « Etat propriétaire » à des « universités propriétaires » répond tout d'abord à l'objectif général d'amélioration de la gestion publique.
Je rappelle que, depuis la loi du 10 juillet 1989, les établissements d'enseignement supérieur exercent les mêmes droits et obligations que ceux du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation des biens. La loi LRU, en autorisant sous certaines conditions la dévolution du patrimoine immobilier aux universités, leur permettra de disposer désormais des droits réels sur leurs biens. Elles devront notamment avoir accédé préalablement aux responsabilités et aux compétences élargies (RCE) en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. Elles devront aussi :
- avoir défini une politique immobilière ;
- avoir remis à niveau leur comptabilité patrimoniale ;
- avoir organisé la fonction support immobilière ;
- et consacrer à cette fonction les moyens adéquats.
Derrière et au-delà des volets juridique et financier du sujet, l'enjeu est bien entendu stratégique. C'est pourquoi cette évolution vers des « universités propriétaires » est une étape fondamentale de leur autonomie, dans un contexte mondial où la compétition entre les systèmes d'enseignement supérieur s'est exacerbée.
Le processus de transfert du patrimoine aux universités constitue pour elles une nécessité et une opportunité. En effet, l'autonomie immobilière leur permettra d'inscrire la stratégie immobilière dans leur projet d'établissement et de renforcer leur identité, leur image de marque et leur attractivité.
Elle permettra également de responsabiliser les établissements grâce à de nouvelles compétences, notamment en les encourageant à procéder à des choix stratégiques, dans le cadre de modalités de financement redéfinies.
Leur schéma immobilier stratégique devra prendre en compte leur projet d'établissement, en termes d'enseignement, de recherche et de vie étudiante. Elles seront incitées à mieux répondre aux besoins de leurs usagers, ce qui pourra passer par une rationalisation des locaux et une cession des immeubles inutiles. C'est pourquoi, elles pourront disposer d'une marge de manoeuvre non négligeable.
Pour ce qui est des contraintes, le modèle retenu pour la dévolution devra, selon nous, apporter des réponses à différentes préoccupations :
- il devra permettre aux établissements à la fois d'amortir les biens reçus et de supporter la contrainte de leur renouvellement. Ce n'est qu'à cette condition que les universités saisiront l'opportunité qui leur est offerte, mais qui constitue aussi un risque pour elles ;
- l'allocation des moyens aux universités propriétaires doit être vertueuse et correctement calibrée. Or, la traduction comptable et budgétaire de cette dévolution est délicate : compte tenu de l'apparente faible valorisation du patrimoine universitaire, une budgétisation de la seule dotation comptable aux amortissements ne permettrait pas de faire face aux besoins réels de renouvellement des immeubles. La dévolution aura donc un coût pour l'Etat et la définition de sa contribution constitue un enjeu majeur dans le contexte contraint de nos finances publiques ;
- le modèle devra permettre une certaine équité entre établissements. Ceci recouvre deux sujets :
. la nécessité de procéder à des rééquilibrages, en raison de la diversité des situations immobilières, liée à « l'héritage » du passé ;
. la question de la soutenabilité financière pour l'Etat, le processus de dévolution se déroulant sur plusieurs années. L'Etat devra pouvoir assumer la charge du transfert de propriété, qui représente un double coût pour lui : la mise en sécurité préalable et le versement d'une contribution aux nouvelles charges immobilières des universités.
- en outre, l'Etat devra contribuer au développement futur des universités, le cas échéant ;
- enfin, nous souhaitons que la méthode retenue pour la dévolution du patrimoine comporte des critères qualitatifs.
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Pour ce qui est de la méthode proposée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que nous venons de le dire, en devenant propriétaires, les universités devront amortir les biens reçus et supporter la charge de renouvellement de ces derniers. La contribution de l'État à ces nouvelles charges comprendrait :
- une contribution annuelle, rapportant l'activité de l'établissement aux surfaces cibles nationales définies par étudiant présent aux examens et enseignant-chercheur publiant ;
- le cas échéant, une soulte d'un montant variable selon les établissements et d'une durée limitée, et comprenant notamment les travaux préalables de mise en sécurité prévus par la loi LRU.
Voici les propositions que nous souhaitons avancer :
- bien que cette méthode ne tienne pas compte de la valorisation des biens transférés, il est toutefois indispensable que le travail effectué par France Domaine soit fiabilisé aussi bien dans l'intérêt de l'État, que dans celui des universités, qui doivent pouvoir disposer d'une évaluation correcte dans le cadre de la rationalisation du parc immobilier ;
- le mode de calcul de la contribution annuelle recueille notre approbation, dans la mesure où la référence à une surface cible permet de prendre en compte l'hétérogénéité des situations et de procéder à des rééquilibrages ;
- toutefois, il pose la question de la prise en compte des surfaces dont la construction est programmée (CPER 2007-2013). En effet, le modèle semble figer la surface nationale de référence (15,3 millions de m2 en 2010), ce qui signifierait que les établissements devraient alors assumer sur leurs ressources propres les charges afférentes aux nouvelles surfaces ;
- les modalités de la soulte pouvant être allouée lors de la dévolution ne sont pas précisées à ce jour. Nous souhaitons que ce « coup de pouce » soit défini en fonction de critères qualitatifs formalisés, prenant aussi bien en compte le passé que l'avenir : état du bâti transféré, qualité et crédibilité du schéma directeur immobilier et du projet d'établissement, capacité d'autofinancement de l'établissement ;
- nous préconisons la mise en place d'un dialogue régulier entre l'Etat et chaque université, notamment dans le cadre du contrat quadriennal, afin d'évaluer le processus et de prendre en compte la dynamique de l'établissement ;
- la capacité d'autofinancement des établissements doit être renforcée, non seulement grâce aux ressources propres dégagées sur d'autres actions (valorisation des brevets, fondations), mais aussi par la rationalisation de leur parc immobilier, transféré ou détenu en propre. Néanmoins, s'agissant des produits de cession, nous suggérons, dans un souci d'équité, qu'une partie de ces produits soit mutualisée afin de contribuer au financement du coût global de la dévolution.
- le coût d'un transfert global du patrimoine immobilier est incertain, mais il nécessiterait, en tout état de cause, un effort supplémentaire de la part de l'Etat d'au moins 125 millions d'euros par an, en l'absence d'autres sources de financement ;
En effet, la contribution annuelle serait de 725 millions d'euros par an si l'on consacre 50 euros par m2 aux 15,3 millions de m2 propriété de l'Etat. L'effort d'investissement actuel de l'Etat étant, sur les trois dernières années, proche de 600 millions d'euros, le coût net est de 125 millions d'euros. Cependant, cette somme ne comprend pas la dépense liée aux travaux de mise en sécurité préalable ni l'enveloppe spécifique négociable au moment de la dévolution.
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Nous nous interrogeons sur la soutenabilité financière d'un tel schéma :
- s'agissant de l'Etat, la situation particulièrement contrainte de nos finances publiques, tout comme le terme de l'engagement présidentiel concernant le niveau de financement de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) sur 2007-2012, suscitent des interrogations quant à la possibilité d'augmenter encore l'effort de l'État en faveur de l'immobilier universitaire, qui n'est pas la seule priorité de cette mission budgétaire ;
- transférer la part « collectivités territoriales » des CPER vers le financement des charges immobilières de bâtiments dont elles n'ont pas la responsabilité apparaît délicat. En outre, nous nous inquiétons de la faiblesse des marges de manoeuvre financières des collectivités, en raison de l'augmentation de certains postes de dépenses et des perspectives d'évolution des dotations de l'Etat à leur endroit.
- au demeurant, le transfert du patrimoine immobilier à l'université doit favoriser une confiance mutuelle entre les différents acteurs. A cette fin, il convient de :
. clarifier les modalités de la dévolution ;
. soumettre l'université à la preuve qu'elle a mis en place tous les moyens d'assumer pleinement ses responsabilités, ce qui suppose un renforcement de sa capacité de gestion, mais aussi la définition d'une stratégie pertinente ;
. mieux associer les collectivités territoriales à la définition du paysage universitaire ;
. privilégier le pragmatisme s'agissant du rôle des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) en matière immobilière.
- nous souhaitons un suivi du processus de dévolution : le Parlement doit être tenu informé, chaque année, de l'application de ce volet essentiel de la loi LRU. Le comité de suivi de la loi - dont nous sommes membres - devra être associé à cette évaluation.
- la conduite de stratégies immobilières doit être possible et encouragée indépendamment du processus de dévolution. Nous souhaitons un assouplissement du cadre juridique afin que les universités puissent rénover leur patrimoine le plus efficacement possible, dans le cadre de partenariats public-privé ou public-public. Nous déposerons sans doute d'ailleurs une proposition de loi à cette fin.
Je précise que notre réflexion vient compléter celle engagée par le ministère dans la phase actuelle d'expérimentation du processus de dévolution du patrimoine immobilier universitaire. Notre objectif est de tenter de lui apporter une certaine valeur ajoutée car c'est aussi le rôle du Sénat de participer aux réflexions afin d'influer sur les prises de décision.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je partage votre constat et juge, comme vous, nécessaire que le Parlement suive ce processus de dévolution. Nous sommes tous frappés par la complexité de la situation et par le mauvais état du patrimoine immobilier universitaire. Les établissements n'ont globalement pas très bien géré leur patrimoine et l'autonomie doit se traduire par une saine politique d'entretien des bâtiments. Mais comment faire en sorte que les universités vertueuses en la matière ne fassent pas les frais de l'impéritie des autres ?
M. Ivan Renar. - Je suis préoccupé par la situation actuelle et je me pose la question suivante : comment, en quelque sorte, apporter des réponses inégalitaires pour retrouver une égalité de situation entre les universités sur l'ensemble du territoire ? Il convient à la fois de favoriser l'excellence et d'assurer l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur. Comment le patrimoine immobilier peut-il y contribuer ?
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - La principale valeur d'une université dépend, certes, de la qualité de ses formations et de ses équipes de recherche. Mais l'amélioration de la politique immobilière doit permettre d'augmenter les moyens afin de les consacrer à l'essentiel.
M. Serge Lagauche. - Je crois qu'il faut partir du bilan de l'existant et identifier les problèmes qui sont de la responsabilité du propriétaire. Mais cette démarche relève-t-elle du ministère ou des universités elles-mêmes et ne pourrait-on pas simplifier le dispositif ? En tout état de cause, tous les établissements doivent se voir appliquer les mêmes critères.
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Le système actuel s'avère pervers et inefficace car les conditions de développement du patrimoine relèvent de critères peu rationnels et incitent à une course au m2, en raison notamment d'une absence de vision globale de l'Etat. Le transfert du patrimoine s'accompagnera de la définition de schémas directeurs immobiliers et d'une convention de dévolution encadrant à la fois les besoins et les moyens.
La difficulté de répondre à notre double souhait de ne pas handicaper des établissements vertueux et de permettre l'équité, montre bien la complexité de la situation, notamment liée à la diversité des situations selon l'état du bâti. C'est pourquoi nous proposons une mutualisation partielle des produits de cession, une partie d'entre eux devant bien entendu être conservée par l'université concernée.
M. Jean-Claude Etienne. - Il serait nécessaire que les moyens immobiliers permettent de mieux servir la stratégie des universités. Il conviendrait de retenir des critères assurant une répartition juste des moyens en fonction de l'appréciation portée sur la stratégie de développement des universités. Il est néanmoins difficile d'apprécier le niveau de performance à venir ; d'où la nécessité de critères afin de tenir compte de la disparité des situations et des sources de performance qu'il conviendrait de valoriser, toutes les universités comportant des pépites. Par ailleurs, quelle place devrait être accordée aux PRES, notamment dans le cas d'universités présentes sur un même site mais dont seules certaines appartiennent à un PRES ?
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Il nous semble légitime qu'un PRES dit fusionnel - c'est-à-dire doté d'une gouvernance unique - conduise les affaires immobilières et bénéficie de la dévolution des biens immobiliers ; en revanche, tel ne devrait pas être le cas pour les autres types de PRES. La question se pose aussi dans le cadre de l'opération Campus, conditionnée à la constitution d'un PRES - même non fusionnel -, alors que la mise en place d'un partenariat public-privé entre deux universités n'opérant pas les mêmes choix stratégiques s'avère compliquée. Pour nous, en l'absence de PRES fusionnel, la compétence immobilière doit rester de la responsabilité de chaque université. En fait, il convient de partir du projet et non pas du périmètre administratif.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - J'ai quelques préoccupations d'ordre comptable : l'apport d'immeubles de l'Etat vers les universités doit-il être considéré comme une cession ou comme une dotation en capital ?
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Il s'agit d'une cession à titre gratuit.
M. Jean Arthuis, président. - Le transfert de la propriété du patrimoine augmente les capitaux propres de l'établissement, soit la valeur de l'ensemble de ses actifs. Dans ces conditions, pourquoi ne pas constituer, à la place du dispositif envisagé, des fonds de dotations pour gérer ces actifs ? Ou, pourquoi ne pas envisager que l'Etat garde la propriété des bâtiments et perçoive des loyers de la part des universités, ce mécanisme pouvant également inciter ces dernières à optimiser le parc immobilier ?
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Si l'on se fondait sur un raisonnement strictement comptable, les universités mal dotées sur le plan immobilier n'auraient jamais les moyens de renouveler leur patrimoine, compte tenu de la faiblesse de leurs dotations aux amortissements. Je précise que la limite au transfert de responsabilités tient aux règles de la domanialité publique, qui veulent qu'une université souhaitant céder un bien doit obtenir l'autorisation préalable de l'Etat.
M. Jean Arthuis, président. - Que se passera-t-il pour les immeubles dont des collectivités territoriales sont propriétaires ?
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - A l'heure actuelle, dans le cas le plus courant, les collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage, remettent les immeubles nouvellement construits à l'Etat.
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Il existe aussi le cas d'immeubles dont les collectivités territoriales restent propriétaires. Ceci est notamment courant à Paris. Le schéma qui consisterait à appliquer des loyers ne s'inscrirait pas dans l'esprit de la loi LRU et ne permettrait pas aux universités de disposer des mêmes marges de manoeuvre que leurs homologues étrangères. Il faut bien comprendre que le modèle envisagé par le ministère est conceptuellement déconnecté des dotations aux amortissements comptables. Si les commissaires aux comptes ont souvent émis des réserves relatives au volet patrimonial du bilan des établissements, c'est pour des considérations d'ordre comptable.
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - France Domaine estime la surface hors oeuvre nette de l'ensemble des universités à plus de 18 millions de m2, dont 15,3 millions de m2 propriété de l'Etat. Parallèlement, l'effort moyen annuel de l'Etat en faveur de l'immobilier, hors crédits de maintenance, s'est élevé à près de 600 millions d'euros entre 2007 et 2010. Est-ce un heureux hasard ? Le rapprochement de ces deux sommes conduit à une durée d'amortissement de trente ans, durée reconnue comme normale. Mais la question de la mise à niveau de la diversité des parcs immobiliers concernés n'est pas réglée pour autant. C'est pourquoi nous adhérons au système envisagé par le ministère, car il apparaît vertueux. Il va dans la bonne direction, même si nous émettons des réserves.
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Ce qui explique que nous proposions une clause de revoyure.
Mme Françoise Laborde. - La complexité du système explique-t-elle le faible nombre d'universités candidates (9 sur 84) ?
M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - D'autres facteurs peuvent aussi l'expliquer :
- seuls les établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies peuvent demander la dévolution du patrimoine immobilier ;
- ils doivent s'être dotés des compétences en matière de gestion financière et immobilière, et en faire la preuve.
Il est donc normal que le processus soit progressif. En outre, l'accès d'un petit nombre d'universités à l'autonomie immobilière dans un premier temps permettra d'apprécier les contraintes et contradictions du système, afin de l'adapter le cas échéant. Enfin, compte tenu de la situation des finances publiques, l'Etat ne pourrait assumer la dévolution du patrimoine simultanément pour l'ensemble des universités.
M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - La liste des neuf universités candidates à la dévolution montre la variété des situations. Une vraie gestion patrimoniale suppose une réelle volonté, qui n'existe pas encore partout. De nombreuses universités ont encore une connaissance imparfaite de leur patrimoine et ne se sont pas dotées des compétences techniques requises, ce qui commence cependant à être le cas d'un certain nombre d'entre elles. Tout cela demande du temps.
M. Jean Arthuis, président. - J'ai pu constater, dans ma région, les progrès réalisés depuis l'adoption de la loi LRU en termes de gouvernance.
A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication donnent acte à MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs, de leur communication, et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.