- Mercredi 26 mai 2010
- Audition de MM. Jean-Pierre Fourcade, président, Guy Collet, rapporteur général, Mme Elisabeth Fery-Lemonnier et M. Patrick Broudic, rapporteurs, du comité d'évaluation de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires
- Très petites entreprises et démocratie sociale - Audition de M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique
- Jeudi 27 mai 2010
Mercredi 26 mai 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Audition de MM. Jean-Pierre Fourcade, président, Guy Collet, rapporteur général, Mme Elisabeth Fery-Lemonnier et M. Patrick Broudic, rapporteurs, du comité d'évaluation de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires
Mme Muguette Dini, présidente. - Cette audition est organisée dans la perspective de la tenue du débat « La loi Hôpital, patients, santé et territoires : un an après » en séance publique le mardi 15 juin 2010, demandé par la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Le comité que j'ai l'honneur de présider a été créé par un amendement du Sénat. L'article 35 de la loi HPST est ainsi rédigé : « Il est créé un comité de suivi de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, placé auprès du ministre chargé de la santé. Sa composition et ses missions sont définies par voie réglementaire. Il remet un rapport au Parlement deux ans après la promulgation de la présente loi. »
Le décret définissant ses missions a été publié le 4 février 2010. Son titre s'écarte quelque peu du texte législatif, puisqu'il est ainsi libellé : « Décret relatif au comité d'évaluation de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ».
Le décret lui assigne trois missions :
- évaluer la mise en oeuvre de la réforme de la gouvernance hospitalière et en dresser un bilan ;
- évaluer et faire le bilan des procédures de suivi et d'amélioration de la qualité dans les établissements de santé ;
- évaluer la mise en oeuvre des mesures ayant pour objet de favoriser les coopérations entre établissements de santé.
Le comité d'évaluation compte douze membres : un sénateur et un député, un représentant des associations d'usagers, six représentants des personnels médicaux et non médicaux et des personnels de direction des établissements de santé, trois personnalités qualifiées choisies en raison de leur connaissance du système de santé.
Le comité a été installé par la ministre de la santé et des sports à Beauvais le 8 février dernier. Il a défini un programme d'auditions qui se poursuivra jusqu'à l'été. Il a également examiné les projets de décrets d'application et a pu faire connaître à la ministre de la santé les observations que certains d'entre eux avaient suscitées, en particulier le projet de décret sur les missions de service public dont la rédaction est apparue au comité non conforme à la loi en ce qu'il définissait une procédure d'attribution des missions de service public ne tenant pas compte de la situation antérieure à la publication de la loi. Il est par ailleurs saisi par la conférence des présidents de commissions médicales des établissements universitaires d'une « charte » par laquelle ils s'engagent à saisir la commission médicale d'établissement (CME) pour avis sur les questions dans lesquelles la loi ne le requiert pas. Il va également s'intéresser à la mission confiée à Elisabeth Hubert sur la médecine de proximité.
Après l'été, il commencera une série de visites d'hôpitaux dans plusieurs régions. Il doit arrêter à sa prochaine séance un programme d'enquête auprès des directeurs généraux d'agences régionales de santé (ARS), de présidents de conseil de surveillance, de directeurs et de présidents de commissions médicales d'établissements.
Le comité est parti d'un premier constat. Depuis la promulgation de la loi HPST, l'hôpital public n'est plus un établissement public local. Il n'a plus de collectivité de rattachement, mais un « ressort », c'est-à-dire qu'il a vocation à prendre en charge une population à différents niveaux définis par la loi. Le rattachement historique à la commune n'existe plus. Même si ce rattachement avait peu d'incidence sur le fonctionnement concret de l'hôpital, qu'il s'agisse du financement, de la désignation des responsables ou de la responsabilité financière, c'est un lien symbolique qui est rompu. Sans le dire, la loi HPST fait des établissements publics de santé des établissements d'Etat, sous l'autorité renforcée de l'ARS.
Le comité va s'attacher à mettre en évidence les implications de cette évolution. La première question qu'il se pose est celle de savoir comment va évoluer le positionnement des élus et, au premier chef, des maires des communes d'implantation dans la nouvelle configuration institutionnelle, caractérisée par le remplacement du conseil d'administration par un conseil de surveillance aux compétences plus limitées et par la place plus réduite des élus dans ce conseil, qui n'est plus présidé de droit par le maire. Ces changements vont-ils conduire les élus à prendre de la distance ou au contraire à maintenir une relation étroite avec l'hôpital, en raison de l'importance que revêt celui-ci dans la vie locale, tant sur le plan symbolique que sur le plan pratique ?
On retrouve dans cette dernière interrogation des questions essentielles relatives à l'hôpital : comment s'exerce la liberté de choix des patients ? Comment concilier proximité, qualité des soins et bonne utilisation des ressources publiques consacrées à l'hôpital et plus globalement à la santé ? Derrière ces sujets apparaissent des préoccupations bien connues des élus locaux : l'avenir des petites maternités et des petits services de chirurgie ; la prise en charge des urgences et de la permanence des soins de ville ; la répartition des médecins sur le territoire.
L'ambition de la loi HPST est d'apporter des éléments de réponse à ces différentes questions en favorisant les coopérations entre établissements de santé, mais aussi entre hôpitaux, professionnels de ville et structures médico-sociales, en diversifiant les modes d'exercice médical à l'hôpital, en permettant l'hospitalisation à domicile dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
A travers les nombreuses auditions auxquelles il procède, le comité s'intéresse aux conditions dans lesquelles la loi permettra d'améliorer l'offre de soins avec la réorganisation de l'hôpital et la mise en place des ARS qui ont compétence non seulement dans le domaine sanitaire, mais aussi dans le champ médico-social. L'insertion des établissements médico-sociaux dans le dispositif pose d'ailleurs certaines difficultés qui devront être prise en compte.
En ce qui concerne la gouvernance hospitalière, la loi HPST modifie les équilibres de pouvoirs au sein de l'hôpital public. Les pouvoirs du directeur sont renforcés mais il les partage avec le président de la commission médicale d'établissement (CME). Il doit en déléguer une partie à d'autres médecins, les chefs de pôle, qui doivent bénéficier d'une délégation de gestion. Ce changement de positionnement des acteurs de l'hôpital a conduit le comité de suivi à se poser un certain nombre de questions :
- Comment va évoluer le positionnement du chef d'établissement et quels seront ses rapports avec l'ARS ?
- Comment le président de CME va-t-il concilier son rôle de représentant de la communauté médicale et la tâche essentielle qui lui est confiée pour l'élaboration du projet médical ? Comment va fonctionner le lien entre président de la CME, directeur et chefs de pôle ?
- Comment le directeur va-t-il organiser son management ? Avec la suppression du conseil exécutif et un directoire très ramassé, il devra trouver des modes différents de fonctionnement avec les responsables de pôle.
- Comment la fonction de chef de pôle va-t-elle se mettre en place ?
Les coopérations sont un autre volet important de la loi HPST. Celle-ci comporte à cet égard deux grandes innovations : la communauté hospitalière de territoire et le groupement de coopération sanitaire « établissement de santé ». L'enjeu de ces deux dispositifs est le même : il s'agit de faciliter la création de structures viables au regard de leur fonctionnement médical. Plusieurs facteurs risquent en effet de fragiliser le tissu hospitalier.
Le premier de ces facteurs est la perspective d'arrêt de l'activité d'une génération de praticiens très polyvalents à dominance masculine, pratiquant au sein d'équipes parfois très réduites et qui acceptent des contraintes importantes de permanence des soins.
Le deuxième est que les nouvelles générations de praticiens souhaitent intégrer des équipes importantes leur permettant des échanges, le développement de techniques pointues, avec une charge de permanence des soins moins lourde.
Le troisième est la féminisation du corps médical (maternité, vie de famille, éducation des enfants) et la difficulté à trouver des postes pour les deux membres d'un couple dans une localité de taille modeste.
Ces facteurs de fragilité des hôpitaux et des cliniques conduisent à rechercher des regroupements. Le risque, dans la recherche de ces coopérations, est de rassembler dans de grands hôpitaux la totalité des fonctions au détriment des autres établissements.
Pour parvenir à concilier proximité et qualité, il est souhaitable d'utiliser à la fois les structures de coopération entre établissements publics et les groupements de coopération sanitaire (GCS) avec des établissements privés. En l'état de la réflexion, ces coopérations soulèvent plusieurs interrogations :
- les rivalités entre villes voisines et la peur des petits établissements de se voir défavorisés peuvent-elles être surmontées pour créer de véritables pôles hospitaliers dotés d'équipes médicales réellement communes et apporter une réponse aux problèmes posés par les déplacements des patients et de leurs familles ?
- La formule du GCS « établissement de santé », qui est une structure d'intégration, ne fera-t-elle pas hésiter les établissements potentiellement intéressés, notamment certains Ehpad, qui ne veulent pas perdre leur statut privé ?
- Comment traiter la question des territoires les moins peuplés, sachant que le déficit d'activité pour les équipes médicales hospitalières se double généralement de problèmes aigus pour le recrutement des médecins généralistes ?
- Comment les rapprochements public-privé peuvent-ils s'articuler avec la constitution de groupes de cliniques dont plusieurs s'appuient sur des fonds d'investissement ?
Le comité s'intéressera également aux relations entre directeurs généraux d'hôpitaux et ARS, qui seront naturellement très différentes selon que l'établissement de santé est un CHU ou un hôpital plus modeste. Cette question se posera de manière particulièrement sensible pour l'AP-HP à Paris et pour les établissements de Lyon et Marseille. Les organisations hospitalières de Paris, Lyon et Marseille sont celles qui accusent les déficits les plus importants, ce qui peut s'expliquer par de nombreux facteurs, tels que leur taille, leur attractivité, l'absence jusqu'il y a peu de facturation des consultations externes.
Beaucoup d'autres questions devront être abordées et le comité a été informé des difficultés d'application des nouvelles possibilités d'exercice médical, qu'il s'agisse des contrats des praticiens cliniciens ou du recours à des praticiens libéraux dans les hôpitaux publics. Sur des sujets tels que celui-ci, le comité aura une approche plus qualitative que quantitative, compte tenu des délais qui lui sont donnés pour travailler. Certains décrets d'application ne sont en effet pas encore pris et il est possible que certains ne soient jamais pris, par exemple sur les missions de service public, dans la mesure où la loi apparaît finalement suffisamment explicite.
Tel est l'état des travaux du comité. La mise en place d'une telle structure susceptible de recueillir l'avis des professionnels et de faciliter la mise en oeuvre de la loi est une initiative particulièrement intéressante. Le comité a déjà procédé à une vingtaine d'auditions et a notamment entendu les directeurs de l'école des hautes études en santé publique et de l'école nationale de la sécurité sociale, les fédérations hospitalières, l'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé (Anap), les directions concernées du ministère de la santé et la Cnam.
Trois éléments essentiels ressortent des premières auditions :
- sur la gouvernance, les rapports entre directeurs d'hôpitaux et présidents de CME sont bien meilleurs qu'on ne le dit parfois ; en outre, en ce qui concerne les personnels médicaux, et notamment les cadres infirmiers, la mise en place de la réforme se passe dans de bonnes conditions, avec une inquiétude relative au partage des responsabilités entre président du directoire et chefs de pôle ; enfin, la mise en place des conseils de surveillance méritera d'être observée avec attention : qui seront les personnalités qualifiées désignées ? Qui présidera ces conseils ?
- le mouvement de regroupement et de coopération est engagé et il conviendra d'évaluer la manière dont il se développe ;
- il est trop tôt pour conclure sur l'évolution des rapports public-privé et l'organisation du maillage complet de l'offre de soins, intégrant les médecins de ville, est encore un objectif à moyen terme.
M. Alain Milon. - Le comité d'évaluation a parfaitement compris les intentions du législateur, tant en ce qui concerne la gouvernance de l'hôpital que la réorganisation de la médecine et des relations entre les secteurs public et privé ou encore la mise en place des ARS. A-t-il été saisi des difficultés particulières rencontrées dans les hôpitaux psychiatriques auxquels s'applique pleinement la loi HPST et où plusieurs présidents de CME, voire des CME tout entières, ont récemment démissionné, comme par exemple à l'hôpital de Montfavet ? La question n'est pas tant celle des relations personnelles entre les directeurs d'hôpitaux et les présidents de CME que celle des relations institutionnelles entre ces deux autorités, en particulier pour la nomination des chefs de pôle.
L'évaluation des relations entre les ARS et les directeurs d'établissement est encore prématurée puisque les ARS n'ont été officiellement mises en place que le 1er avril. Ce sujet est cependant essentiel notamment pour organiser la coopération entre établissements de santé. La question du leadership sur un territoire sanitaire devra être posée surtout si le mouvement constaté actuellement de regroupement des cliniques privées dans un objectif de plus grande efficacité par rapport au secteur public se poursuit.
La composition et les compétences du conseil de surveillance des établissements de santé avaient fait l'objet de longs débats au Sénat. Il est indispensable que son rôle ne soit pas encore amoindri par les décrets d'application.
A l'occasion des auditions préparatoires à l'examen de la loi HPST, il était apparu que l'école des hautes études en santé publique de Rennes avait des ambitions extrêmement élevées ; elle devra toutefois faire de la formation opérationnelle des directeurs d'hôpitaux une priorité. La création de l'Anap a également répondu à un souhait du Sénat.
Enfin, il conviendra de bien surveiller la mise en place des différentes formes de regroupement définies par la loi, communautés hospitalières de territoire et groupements de coopération sanitaire, car l'objectif est de mutualiser les moyens des établissements et non de fragiliser certains d'entre eux.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Un problème particulier se pose pour les hôpitaux psychiatriques qui se considèrent mal traités par la loi. Néanmoins, en rencontrant plus d'une centaine de présidents de CME, le comité n'a pas perçu de difficultés majeures qui pourraient justifier des démissions en masse. Les présidents de CME ont adopté une charte qui établit bien leurs souhaits. Deux sujets restent sensibles : la nomination des chefs de pôle et la présence du corps médical au sein des conseils de surveillance. Sur les relations entre les ARS et les directeurs d'hôpitaux, il est encore trop tôt pour porter un jugement. Les regroupements en cours de cliniques privées se font à l'évidence souvent autour des secteurs les plus rentables. Le rapprochement entre des établissements publics et privés au sein de GCS sera d'autant plus difficile que les cliniques seront entre les mains d'actionnaires comme des fonds de pension ou surtout étrangers. L'école de Rennes a créé un institut du management qui pourrait être très intéressant pour la formation des directeurs d'hôpitaux, de leurs adjoints et des chefs de pôle mais son positionnement n'est pas encore suffisamment clair ; l'un des membres du comité d'évaluation, professeur à l'Essec, suit de plus près cette question. Les actions de l'Anap et de cet institut devront être coordonnées.
M. Guy Collet, rapporteur général. - Certes, des membres de CME ont menacé de démissionner, mais la plupart n'ont pas été plus loin. Le malaise constaté dans les hôpitaux psychiatriques tient à un mode d'organisation très spécifique et à une inquiétude sur l'insertion de ces structures dans les projets médicaux de territoire. Le rapport Couty n'a pour l'instant pas eu de suite alors que la question du positionnement des hôpitaux psychiatriques dans l'offre de soins d'une région nécessite une réponse.
M. Gilbert Barbier. - L'évolution des hôpitaux généraux dans les villes moyennes est préoccupante. Les parcours professionnels de plus en plus divergents de certains spécialistes, notamment les chirurgiens, les gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes obligent ces hôpitaux, du fait de la pénurie, à recruter des médecins étrangers. Cette situation conduit souvent à une chute de leur activité et à une baisse de la qualité des soins, les cliniques privées étant les grandes bénéficiaires de cette évolution.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Le comité d'évaluation a bien identifié les points importants à suivre dans le cadre de l'entrée en application de la loi. Un récent exemple local permet de regretter un manque de loyauté dans la pratique concrète des textes en ce qui concerne la nomination des directeurs ; sur la nomination des membres du conseil de surveillance, la désignation des membres du corps médical s'est passée dans de bonnes conditions, celle des personnalités qualifiées est toujours en attente. Le préfet pourrait jouer un rôle d'arbitre utile en la matière. Ce qui est surtout inquiétant, c'est le sentiment partagé qui semble poindre sur l'inutilité du conseil de surveillance. Or, celui-ci aura un rôle essentiel au moment de la création des CHT car celles-ci ne devront pas se faire dans le cadre de rapports de pouvoirs mais dans le sens d'une plus grande excellence pour l'organisation de la santé sur un territoire donné. Le directeur général de l'ARS du Nord-Pas-de-Calais a nommé quatre adjoints territoriaux afin de permettre une meilleure proximité dans le suivi des dossiers. Cela apparaît comme une bonne mesure et il serait sans doute intéressant que le comité de suivi puisse recenser des bonnes pratiques comme celles-ci pour ensuite permettre leur diffusion auprès des autres ARS.
M. Alain Vasselle. - Le comité d'évaluation a-t-il pu, malgré le caractère encore très récent de la mise en place des ARS, examiner la question de la gestion du risque, son partage entre l'assurance maladie et les ARS et son articulation entre le niveau national et le niveau régional ? Dans quelles conditions les CHT pourront-elles intégrer des établissements publics et des établissements privés ? Dans le domaine médico-social, quelles devront être les relations avec les conseils généraux et comment doit se passer la procédure d'appel à projets ? Enfin, deux journées de stage au CHU de Lille m'ont montré la très grande qualité de gestion de cet établissement qui, à bien des égards, apparaît exemplaire, notamment pour les relations nouées entre les professionnels de santé et les responsables administratifs, la coordination entre les soins de ville et l'hôpital et les relations avec les établissements privés voisins. En outre, cet établissement présente un budget pratiquement à l'équilibre.
M. Jacky Le Menn. - De nombreuses observations du comité d'évaluation recoupent les questionnements de la commission des affaires sociales et du groupe socialiste, exprimés lors des débats d'il y a un an sur la loi HPST. En qualifiant le conseil de surveillance d'organisme « croupion », l'opposition au Sénat montrait bien quel était le risque ; seule la présence d'élus est une garantie pour éviter les débordements ; l'approbation du budget et du plan d'investissement était aussi une nécessité. On assiste aujourd'hui à une étatisation insidieuse des établissements et à une mutation réelle des structures hospitalières. Il aurait mieux valu faire des élus des alliés et des partenaires plutôt que des adversaires.
Sur la gouvernance interne des hôpitaux, il n'y a pas de raison que les relations entre le directeur et le président de la CME qui étaient bonnes hier ne le soient plus demain car chacune de ces deux autorités découle d'une légitimité différente. En revanche, la question de la nomination des chefs de pôle pose problème car la loi confère au chef de pôle une légitimité provenant exclusivement du directeur, ce qui pourrait entraîner des conflits avec le corps médical et même le président de la CME ; cette source de fragilité pourrait au final avoir un impact sur la qualité des soins.
Sur les coopérations entre établissements, les risques pourront être écartés si chaque acteur garde la mesure de ses responsabilités, si les rapports sont équilibrés entre les différents partenaires ; à l'inverse, si l'un des établissements décide d'adopter une position dominante, les élus et les populations ne pourront que rejeter le projet. Le mouvement actuel de regroupement des cliniques favorisé par les fonds d'investissement avec un autre objet que la présence équilibrée des structures sur le territoire créera des tensions inévitables. Les relations actuelles entre les fédérations hospitalière de France (FHF) et de l'hospitalisation privée (FHP) sont peu propices à la création d'un bon climat dans ce domaine. C'est avant tout un problème de logique et de culture alors même que l'on souhaite appréhender d'une nouvelle manière les missions de service public de l'hôpital.
M. Jean-Louis Lorrain. - Le peu d'intérêt des élus pour le secteur psychiatrique est regrettable. L'articulation entre les conseils de surveillance de l'ARS et des établissements posera des problèmes aux élus membres de ces conseils. Il est essentiel qu'une relation se noue entre les ARS et les conseils généraux pour le secteur médico-social qui devra notamment bénéficier d'une meilleure interface avec le secteur hospitalier. Il est également important que de bonnes relations existent entre le pouvoir médical, les élus, les usagers, les associations. Les réseaux de santé devraient favoriser des intégrations plutôt qu'être des lieux de pouvoir. La question des coopérations transfrontalières est un sujet qui mérite d'être évalué dans le cadre de la mise en place de la loi HPST. Le processus d'accréditation des établissements est-il modifié par la réforme ? S'est-on penché sur la question fondamentale de la transmission des données entre établissements et professionnels ?
M. François Autain. - Les manifestations des infirmiers-anesthésistes à la gare Montparnasse, les perturbations dans de nombreux services de l'AP-HP et les grèves constatées depuis trois mois au CHU de Nantes sont des manifestations de la fébrilité qui existe aujourd'hui à l'hôpital. La mise en oeuvre de la loi HPST permettra-t-elle de ramener le calme ou bien est-elle la raison de cette fébrilité ? Le Sénat avait parfaitement analysé, il y a un an, la nécessité de faire présider le conseil de surveillance des établissements par un élu ; un amendement avait d'ailleurs été adopté à l'unanimité en ce sens avant d'être rejeté en CMP. Qu'en est-il du contrat d'engagement de service public, l'une des mesures les plus positives de la loi HPST, qui permet d'accorder des bourses aux étudiants en médecine qui s'engagent à exercer en zone médicale déficitaire ? De même, où en est-on pour les contrats de coopération ? N'est-ce pas une disposition en grande partie inapplicable ?
M. Claude Jeannerot. - De quelle manière se mettent en place les premiers partenariats public-privé ? Les acteurs concernés ont-ils une visibilité suffisante sur les orientations que l'on souhaite donner à ces coopérations, essentielles pour assurer l'offre de soins au plan territorial ? La place du médico-social est encore difficile à appréhender dans cette nouvelle organisation et les instances qui en seront chargées auprès des directeurs d'ARS paraissent tarder à se mettre en place.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il est incontestable, comme l'a souligné Gilbert Barbier, que beaucoup de villes moyennes et d'hôpitaux font face à une pénurie de spécialistes. Il faut reconnaître que les ordres des médecins donnent parfois le sentiment de s'opposer à la présence de médecins étrangers qui assurent le fonctionnement de beaucoup de services. Peut-être vaudrait-il mieux les évaluer et les intégrer lorsque cela est possible.
La notion de bonnes pratiques, évoquée par Jean-Marie Vanlerenberghe, est essentielle pour la mise en oeuvre de la réforme. En ce qui concerne la composition du conseil de surveillance, la nomination des personnalités qualifiées sera très importante puisque celles-ci participeront à l'élection du président. Si le maire s'investit au sein du conseil de surveillance, il sera à coup sûr écouté. Quant à la nomination des directeurs, elle a toujours été marquée par une certaine opacité et un rôle important des syndicats.
Sur les rapports public-privé, si certaines cliniques se regroupent actuellement sous l'influence de fonds de pension, la Mutualité française a elle-même créé un fonds d'intervention pour racheter des cliniques, ce qui peut contrebalancer l'intervention de ces fonds de pension. L'évolution des rapports entre public et privé est encore difficile à prévoir, mais il peut y avoir une forte concurrence à proximité d'hôpitaux régionaux.
On ne constate pas aujourd'hui de rejet des coopérations, mais davantage des difficultés à les mettre en oeuvre. La coopération transfrontalière évoquée par Jean-Louis Lorrain sera effectivement un enjeu important.
Sur la question de la transmission des dossiers médicaux, le comité a entendu les représentants de l'Asip (agence des systèmes d'information partagés de santé) car il est indéniable que la gestion des échanges d'information sera essentielle pour le bon fonctionnement des coopérations.
Sur la gouvernance de l'hôpital, il est excessif de dire que le conseil de surveillance est mis à l'écart. Il sera notamment maître de la stratégie en matière de coopérations. Il n'est pas possible encore de savoir si le maire sera le plus souvent président du conseil de surveillance, d'autant plus qu'il délègue parfois à des adjoints le soin de participer au conseil. Il serait préférable que le président du conseil soit un élu et il y a de grandes chances qu'il s'agisse du cas le plus fréquent.
Les rapports entre ARS, établissements médico-sociaux et conseils généraux demeurent limités, ce qui est normal dès lors que l'intervention du médico-social dans le champ de compétences des ARS est une novation importante. La notion d'appel à projet par les ARS suscite des inquiétudes car beaucoup de structures n'ont pas l'habitude de cette procédure.
M. Guy Collet, rapporteur général. - Les fonds de pension qui rachètent des cliniques choisissent des établissements à proximité d'un hôpital public de façon à obtenir des contrats de service public. L'un des groupes détenteurs de cliniques privées a décidé de rémunérer des étudiants en médecine qui s'engagent à travailler dans ses cliniques.
En ce qui concerne les contrats de service public, il faut rappeler que les cliniques qui ne respecteraient pas leurs engagements pourront se voir infliger des pénalités. Le projet de décret finalement non publié par le Gouvernement sur les missions de service public prévoyait une remise à plat de l'ensemble des missions de service public, ce qui n'a pas paru raisonnable au comité.
Le GCS est l'outil privilégié pour organiser la coopération entre public et privé. Il s'agit d'un instrument destiné à faciliter la prise en charge des patients sur un territoire. Des difficultés se posent néanmoins dès lors que les textes d'application de la loi en préparation prévoient que les GCS « établissements de santé » auront un statut public, de sorte que les établissements privés, y compris à but non lucratif, refusent de s'engager dans une structure qui les conduirait à perdre leur statut privé.
En ce qui concerne le conseil de surveillance, il aura un rôle essentiel dans la stratégie de l'établissement, notamment en matière de coopération. Il pourra s'autosaisir de toute question de son choix et intervenir sur de nombreux sujets s'il s'approprie les dispositions de la loi. Certes, le budget ne lui est pas soumis, mais dès lors qu'il est responsable des résultats financiers, il ne pourra s'en désintéresser. Il est très vraisemblable que le conseil sera présidé par un élu dans la quasi-totalité des cas.
Selon la loi HPST, le secteur médico-social est désormais un partenaire du secteur sanitaire, ce qui est extrêmement important. Actuellement, les places nouvelles en établissements reviennent presque exclusivement au secteur commercial, qui choisit ses régions d'installation, ce qui est logique mais néanmoins contestable en termes d'aménagement du territoire et d'accès au service public. Les fenêtres de temps dans lesquelles s'inscrivent les appels à projet risquent de ne pas permettre aux Ehpad publics d'être candidats, compte tenu des contraintes procédurales auxquelles ils sont soumis. Par ailleurs, il conviendra d'évaluer les conditions dans lesquelles les ARS assurent leurs compétences à l'égard des personnes âgées ; la loi prévoit en particulier l'obligation pour les ARS de passer des accords avec les conseils généraux de façon à offrir une offre sanitaire et médico-sociale cohérente.
M. Alain Milon. - En ce qui concerne les établissements privés et la permanence des soins, la volonté de la commission des affaires sociales, lors de l'examen du projet de loi, était de faire en sorte que la permanence des soins puisse être assurée par le secteur privé si elle n'est pas assurée en tout ou partie par le secteur public.
M. Patrick Broudic, rapporteur. - Sur la question des hôpitaux psychiatriques, soulevée par Alain Milon, il convient de rappeler qu'un rapport a été établi par une commission présidée par Edouard Couty, portant principalement sur l'organisation territoriale de la psychiatrie ; ce rapport fait le constat que le secteur psychiatrique, qui a constitué une révolution en 1960, est en charge non seulement du soin psychiatre mais aussi de la vie quotidienne des malades, des questions sociales et de logement en particulier. Or, si certains secteurs peuvent assumer parfaitement ces différentes missions, tel n'est pas le cas partout, loin s'en faut, de sorte que certains malades psychiatriques ne sont pas suivis et laissés à eux-mêmes, ce qui peut conduire à des décompensations.
La commission dirigée par Edouard Couty a donc proposé que le secteur soit recentré sur les aspects médicaux et puisse se coordonner avec les acteurs sociaux, qui pourraient prendre en charge la vie quotidienne des patients au sein d'un dispositif incluant les collectivités territoriales et les autres structures sociales devant assurer ce suivi. Ce rapport a été publié voilà un an et demi et n'a eu aucune suite.
M. Jean-Louis Lorrain. - Il existe des services d'accompagnement de la vie sociale (SAVS), qui peuvent être des interfaces entre le secteur psychiatrique et les conseils généraux. Il faut tenir compte de ce qui existe déjà au niveau local.
Très petites entreprises et démocratie sociale - Audition de M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique
La commission procède à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur le projet de loi n° 446 (2009-2010) complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. - Ce texte complète la loi du 20 août 2008, qui a réformé les critères de représentativité des syndicats en mettant fin à la présomption irréfragable de représentativité, en vigueur depuis les lendemains de la guerre. Désormais, les syndicats fondent leur représentativité sur l'élection, les salariés désignent ceux qui les représentent pour négocier les accords les concernant : c'est un progrès essentiel, tant la démocratie est indissociable de l'élection.
Cependant, la voix des salariés des entreprises de moins de onze salariés n'est pas prise en compte dans l'évaluation de la représentativité des syndicats, puisque les très petites entreprises (TPE) n'ont pas l'obligation d'organiser des élections professionnelles. Les partenaires sociaux signataires de la position commune d'avril 2008, à savoir le Medef, la CGPME, la CGT et la CFDT, avaient prévu à l'origine de mettre en place par la suite un mécanisme pour prendre en compte la position des salariés des TPE, et la loi du 20 août 2008 a renvoyé le sujet à une loi ultérieure. Une négociation entre les cinq centrales, le Medef, la CGPME et l'UPA devait aboutir avant le 30 juin 2009 : elle n'a pas abouti, le Gouvernement le regrette.
Le 20 janvier dernier, cependant, l'UPA et quatre syndicats de salariés adressaient une lettre au Gouvernement demandant que les salariés des TPE soient pris en compte ; c'est cette lettre que le Gouvernement a prise comme base pour ce projet de loi.
Les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du privé, soit quatre millions de personnes, qui ne sont jamais consultés sur la représentativité de syndicats pourtant chargés de négocier les accords de branche qui les concernent directement. Les accords de branche eux-mêmes perdent de la valeur dès lors qu'on ne s'assure pas de la représentativité de ceux qui les négocient. Priver des salariés du droit d'expression au prétexte qu'ils travaillent dans une très petite entreprise, c'est comme si l'on privait des citoyens du droit de vote à l'élection présidentielle au prétexte qu'ils habitent dans un très petit village.
La loi de 2008 a donc prévu des règles transitoires, dans l'attente de celles qui permettront de mesurer la représentativité des syndicats en 2013. Il faut donc, d'ici là, organiser la prise en compte de tous les salariés, y compris ceux des TPE, par des élections.
Lors du sommet social du 15 février dernier, le Président de la République a fixé deux échéances : une loi pour cette année et une consultation électorale dès la fin 2012.
La réforme que je vous propose est simple, pragmatique, sans idéologie, et elle fait confiance à la négociation collective.
En premier lieu, elle institue la mesure de l'audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. L'Etat organisera tous les quatre ans un scrutin auprès des quatre millions de salariés concernés. Par souci de souplesse et pour qu'il ne représente pas une charge nouvelle pour l'entreprise, nous prévoyons un vote électronique ou par correspondance. Tous les syndicats qui présenteront des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience dans les TPE.
Cette consultation se fera sur les sigles de syndicats. Certains auraient préféré une élection avec des candidats identifiés mais on ne peut désigner de candidats qu'à la condition qu'ils siègent ensuite dans une instance. Nous n'avons pas affaire ici à des fonctions, il n'y aura qu'une mesure de l'audience. D'où cette élection par sigles qui permettra de mesurer le poids électoral de chaque syndicat, par branche et au niveau interprofessionnel, en prenant en compte l'expression de tous les salariés.
Le secteur agricole dispose déjà, avec les élections aux chambres d'agriculture, d'un bon outil pour mesurer la représentativité des syndicats ; le secteur agricole y étant attaché, nous prévoyons de nous en tenir à ces élections aux chambres d'agriculture pour mesurer l'audience des syndicats agricoles.
En second lieu, ce texte renvoie à la négociation collective la possibilité de mettre en place des commissions paritaires pour les salariés des TPE. Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 ont demandé des commissions paritaires régionales, des discussions sont engagées entre partenaires sociaux. De telles commissions existent depuis la loi du 4 mai 2004 pour de nombreuses entreprises et dans l'artisanat depuis 2001 ; elles ont toujours dépendu de la négociation collective et de la volonté des partenaires sociaux. Des commissions paritaires existent ainsi dans le Gers, dans le Lot, en Loir-et-Cher ; elles réunissent des organisations patronales interprofessionnelles et des organisations de salariés. Les commissions paritaires pour les TPE auraient des attributions plus limitées, sans pouvoir, par exemple, négocier des accords.
Enfin, ce texte reporte de deux ans les élections prud'homales, pour éviter d'organiser la même année des élections professionnelles différentes, dont les résultats pourraient être contradictoires. Ce report donne aussi du temps à la réflexion. J'ai reçu hier le rapport de Jacky Richard sur l'avenir des élections prud'homales ; nous allons prendre le temps d'examiner les pistes qu'il propose. Les élections prud'homales coûtent 90 millions, mais la participation est toujours plus faible, à un point tel qu'on peut s'interroger sur leurs modalités.
M. Alain Gournac, rapporteur. - Monsieur le ministre, j'ai cinq questions à vous poser.
Peut-on garantir le secret et la fiabilité du vote électronique ou par correspondance ?
Quel est, ensuite, l'échelon territorial pertinent pour la commission paritaire ? Comment recevrez-vous des amendements qui préciseraient le rôle des commissions, et notamment le fait qu'elles ne seront titulaires d'aucun pouvoir de contrôle dans l'entreprise ?
Pensez-vous que l'heure soit venue d'ouvrir le dossier de la représentativité patronale ?
Quelles sont les préconisations du rapport de Jacky Richard ?
Enfin, ne pensez-vous pas que le Haut Conseil du dialogue social pourrait s'exprimer sur la mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des TPE, ou sur les moyens de garantir le secret du vote ?
Mme Annie David. - Je ne pense pas que l'on puisse mesurer la représentativité avec des élections sur sigles. Vous donnez l'exemple des habitants d'un petit village, qui seraient privés de vote à l'élection présidentielle ; mais avec votre texte, vous ne faites que leur proposer de voter pour un parti, qui désignerait ensuite le maire ! Voter pour un sigle n'est pas satisfaisant ; il serait bien préférable de voter pour des candidats.
Je regrette aussi que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires. Elles sont actuellement déjà facultatives. Qu'apporte donc de plus ce texte aux quatre millions de salariés des TPE ?
Pour les agriculteurs, vous allez mesurer l'audience syndicale à partir des élections aux chambres d'agriculture, mais les seuils pour déterminer la représentativité nationale ne sont-ils pas plus exigeants lors des élections agricoles ? Le mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), par exemple, me semble se heurter à de tels seuils et il est dommage qu'il ne soit pas mieux pris en compte !
Vous déplorez, comme nous, l'abstention grandissante aux élections prud'homales, mais la tendance touche aussi les élections politiques sans, cependant, qu'on remette en cause leur légitimité. Vous allez examiner les pistes du rapport Richard, j'espère que vous écarterez celle qui mène à une élection à deux degrés - sur le modèle des sénatoriales... - car les salariés des TPE n'auraient alors plus aucune possibilité d'être représentés.
Mme Raymonde Le Texier. - Les quatre millions de salariés des TPE seront appelés à voter pour des sigles, avant que des candidats ne soient désignés, lesquels pourront être issus de métiers et d'environnements professionnels sans rapport avec ceux des TPE : ce n'est pas du tout motivant. Le discours lénifiant qui présente la toute petite entreprise comme une organisation familiale harmonieuse a de beaux jours devant lui !
Nous regrettons aussi que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires : elles sont déjà facultatives. En quoi ce texte représente-t-il un progrès ?
Enfin, le report des élections prud'homales me semble un pur cavalier législatif.
Mme Catherine Procaccia. - Comme élue, je suis également choquée de l'élection en fonction de sigles : ce n'est guère mobilisateur et, comme le dit Raymonde Le Texier, on risque de voir finalement désignés des négociateurs de grandes centrales syndicales, dont le métier n'a pas grand-chose à voir avec les TPE et qui ne sont pas décisionnaires. Les régionales ont confirmé les défauts du scrutin de liste, qui éloigne les candidats du terrain, et on ne fait là qu'aller dans ce mauvais sens.
S'agissant des prud'homales, pourquoi se contenter maintenant de repousser la date des élections, au lieu d'envisager une réforme plus large, sur la base du rapport de Jacky Richard ?
Enfin, même si je ne suis pas favorable à des commissions paritaires obligatoires, ne peut-on pas envisager une troisième voie, par exemple une expérimentation pendant quelques années, avec une forte incitation ? Et s'agissant du mode d'élection, je ne me prononcerai pas a priori contre un scrutin à deux degrés, qui peut représenter un progrès sur le plan de la participation.
M. Eric Woerth, ministre. - Les outils techniques existent pour garantir la fiabilité et le secret du scrutin électronique ou par correspondance ; nous avons opté pour ces techniques parce qu'elles sont simples et qu'elles évitent que l'élection ne devienne une charge pour l'entreprise. Si un chef d'entreprise veut organiser le scrutin, il pourra le faire, mais des outils seront aussi disponibles pour alléger sa tâche.
Pourquoi adopter ce texte dès maintenant ? Mais parce que le calendrier est serré : nous devons constituer une liste électorale de quatre millions d'électeurs, passer un appel d'offres pour ce faire, laisser du temps aux organisations syndicales pour qu'elles puissent s'organiser et faire campagne. Tout cela prend du temps.
Les commissions paritaires sont régionales ; nous avons préféré cet échelon car des commissions locales paraissent moins appropriées, mais on peut aussi imaginer des commissions à un niveau géographique différent, au cas par cas. Tel est le sens de l'article 6. Le Parlement aura toute latitude pour préciser les missions et la composition de ces commissions paritaires, étant entendu qu'elles auront un rôle généraliste, consistant d'abord à examiner si les accords de branche et interprofessionnels sont bien appliqués dans les TPE. Le paternalisme a ses limites, et sans aller dans le sens des grandes entreprises comme Renault ou Areva et sans délier les liens personnels qui peuvent s'établir entre l'employeur et ses salariés, il s'agit d'organiser et de faire vivre le dialogue social dans la petite entreprise.
Enfin, je vous confirme que le dossier de la représentativité patronale n'est pas à l'ordre du jour.
M. Alain Gournac, rapporteur. - C'est dommage !
M. Eric Woerth, ministre. - Chaque chose en son temps...
Le rapport de Jacky Richard envisage trois scénarios pour l'avenir des élections prud'homales. D'abord, le maintien du suffrage universel assorti de mesures facilitant le vote, comme le vote électronique, pour enrayer l'abstention ; cependant, Jacky Richard remarque qu'on n'a jamais consacré autant de moyens qu'aux dernières élections prud'homales, pour une participation qui n'a jamais été aussi faible. Deuxième scénario, la désignation des conseillers prud'hommes à partir de l'audience syndicale consolidée mesurée en 2013 ; l'obstacle serait alors juridique, puisque ce serait faire de l'appartenance à un syndicat un filtre pour l'accès à la fonction de conseiller prud'homme, alors que rien n'oblige à être syndiqué pour être conseiller. Troisième scénario, une élection à deux degrés, avec un corps électoral composé de tous les délégués du personnel et de représentants des TPE, ce qui aurait l'avantage de représenter un nombre d'électeurs important, et de garantir une forte participation électorale.
Nous allons expertiser ces pistes. Les élections prud'homales coûtent cher, plus cher par électeur que l'élection présidentielle ...
Mme Annie David. - Elles se déroulent pendant le temps de travail, alors que la présidentielle a toujours lieu le dimanche !
M. Eric Woerth, ministre. - Je parle des seuls coûts d'organisation : 4,77 euros par électeur prud'homal, contre 4,73 euros par électeur présidentiel.
S'agissant du Haut Conseil au dialogue social, je crois effectivement utile de l'associer au processus.
D'une manière générale, ce texte ne vise pas à doter les TPE de délégués du personnel ni à assurer une représentation syndicale dans les TPE, mais à veiller à ce que les syndicats soient plus représentatifs, en tenant compte des salariés des TPE. Dans une négociation, on se demande toujours ce que pèse un négociateur, et le meilleur critère, en démocratie, demeure l'élection. Mais la représentativité est bien ici le seul enjeu : c'est pourquoi une élection en fonction du sigle suffit, plutôt qu'une élection pour des candidats qui, de surcroît, n'auraient pas de rôle précis à jouer puisque leur élection ne serait liée à aucune fonction.
En fait, les commissions paritaires répondent à une autre demande, formulée dans la lettre du 20 janvier dernier. Je sais que le Medef et la CGPME craignent une politisation dans les TPE, mais ce texte ne vise en rien à faire intervenir des élus syndicaux dans la vie de ces entreprises ; il a pour seul objectif d'améliorer la représentativité générale des syndicats.
Les commissions paritaires sont facultatives et leur rôle sera non pas de trancher des différends au sein des entreprises, mais d'examiner les conditions d'application des accords de branche et interprofessionnels, de contribuer à la négociation en faisant bien prendre en compte certaines spécificités des TPE.
Les seuils de représentativité dans les élections aux chambres d'agriculture ne me paraissent pas spécifiques, mais je vais vérifier ce point.
Enfin, nous repoussons les prud'homales de deux ans pour la bonne raison que nous ne sommes pas prêts et qu'il faut, comme je l'ai dit, lancer toute une procédure en amont.
Mme Patricia Schillinger. - Les délégués seront élus pour quatre ans. Comment ce délai est-il compatible avec la rotation rapide des salariés dans les TPE, avec les contrats aidés, avec les salariés en congé ?
Mme Gisèle Printz. - Combien ces élections coûteront-elles et qui les paiera ?
M. Eric Woerth, ministre. - Le corps électoral est fixé à un moment donné avant le scrutin, comme pour les autres élections, et il n'y aura pas de « délégués ». Les commissions paritaires seront composées de représentants syndicaux désignés par les organisations représentatives.
Le coût d'organisation est évalué à 20 millions ; l'Etat paiera, car c'est à lui qu'il revient d'organiser les élections et de garantir leur impartialité. Ces 20 millions s'ajouteront aux 90 millions des élections prud'homales, ce qui donne à réfléchir quand on sait que la représentativité des syndicats sera établie en 2013. La question des prud'homales n'est certainement pas que financière : quand la participation au vote atteint difficilement 25 %, c'est la légitimité même des élus qui est fragilisée.
- Présidence de Mme Catherine Procaccia, vice-présidente -
Mme Catherine Procaccia, vice-présidente. - La représentativité syndicale sera connue en 2013 et vous envisagez un dialogue avec les partenaires sociaux sur la réforme des élections prud'homales. Comptez-vous négocier avec les syndicats représentatifs actuels, ou bien en tenant compte de la représentativité connue en 2013 ?
M. Eric Woerth, ministre. - Nous allons négocier avec les syndicats qui sont reconnus représentatifs aujourd'hui. Quant à la réforme des élections prud'homales, elle relève de la loi.
Mme Raymonde Le Texier. - S'il s'agit seulement de mesurer la représentativité des syndicats, pourquoi le Medef et la CGPME ont-ils quitté la table des négociations ? Qu'avez-vous donc édulcoré dans le texte que vous nous proposez ?
M. Eric Woerth, ministre. - Effectivement, il n'y avait pas de quoi quitter la table des négociations, même si l'application des nouvelles règles de la démocratie sociale ne va pas de soi. Ce texte est dans le droit fil de la loi d'août 2008 et veut asseoir la démocratie sociale sur les élections. Les partenaires sociaux ont demandé des commissions paritaires : elles figurent dans ce texte et le débat parlementaire pourra en préciser le contenu.
Jeudi 27 mai 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Questions diverses
Mme Isabelle Debré. - Je souhaite au préalable évoquer la question de l'organisation de nos travaux. Nous avions une réunion de commission hier matin, mercredi, ce qui est tout à fait normal, puis une seconde l'après-midi avec l'audition du ministre, Eric Woerth. Nous en avons une autre ce matin, jeudi, alors que nous siégeons en séance publique et que le règlement du Sénat prévoit qu'on doit essayer de ne pas réunir les commissions au moment des séances. Ce n'est pas une critique, madame la présidente, mais nous avons un vrai problème et nous ne pouvons être présents partout en même temps.
Mme Muguette Dini, présidente. - Je ne le prends pas du tout comme une critique. Si nous avons reçu hier le ministre Eric Woerth, c'est à sa demande et sur le seul créneau horaire pour lequel il était disponible. Nous avions prévu, au départ, d'examiner le rapport d'Alain Gournac hier matin, c'est-à-dire le mercredi, jour dédié aux commissions. Il n'était évidemment pas possible que nous examinions le texte avant sa présentation par le ministre et c'est pourquoi nous avons été conduits à reporter le rapport à ce matin.
Mme Isabelle Debré. - L'organisation de nos travaux, en général et pas seulement ce matin et pour notre commission, est un gros problème. Nous devons encore siéger samedi, la nuit et être en commission. Je m'étais engagée à être dans l'hémicycle ce matin et c'est impossible.
Mme Muguette Dini, présidente. - Pour ce qui est de l'organisation des débats en séance publique, elle ne relève pas du tout de la compétence de notre commission mais de la Conférence des présidents qui a établi l'ordre du jour et qui a décidé de différer l'achèvement de l'examen du projet de loi agricole.
Mme Isabelle Debré. - Je comprends bien mais avec le dépôt prochain du projet de loi sur les retraites, peut-on vraiment imaginer qu'une matinée par semaine dédiée aux réunions de commission suffira à l'examen des amendements ? Pouvez-vous faire remonter l'information selon laquelle on ne parviendra pas à y faire face dans un créneau de temps aussi restreint ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Cette information est fréquemment relayée par toutes les commissions et toutes les formations politiques, et je le ferai à nouveau.
M. André Lardeux. - Comme quoi il ne fallait pas modifier la Constitution...
Création des maisons d'assistants maternels - Examen des amendements au texte de la commission en deuxième lecture
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 425 (2009-2010), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels, dans le texte n° 467 (2009.2010) adopté par la commission le 19 mai 2010.
M. André Lardeux, rapporteur. - Ces amendements avaient déjà été déposés en première lecture. Comme je souhaite que nous adoptions un texte conforme pour permettre son entrée en vigueur rapidement, je propose un avis défavorable sur chacun d'entre eux et je détaillerai plus précisément les arguments en séance. Ceci étant, je salue la constance de Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. - Des progrès ont été réalisés à l'Assemblée nationale mais nous ne désespérons pas, en effet, de faire encore évoluer la position de commission sur un certain nombre de sujets importants, comme l'obligation d'une convention d'encadrement, par exemple.
Très petites entreprises et démocratie sociale - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Alain Gournac, des amendements et à l'élaboration de son texte pour le projet de loi n° 446 (2009-2010) complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
M. Alain Gournac, rapporteur. - Comme l'indique son intitulé, ce projet de loi tend à compléter la réforme de la démocratie sociale que nous avons adoptée à l'été 2008. Il vise, pour l'essentiel, à régler un problème qui, à l'époque, avait été laissé en suspens : la mesure de l'audience syndicale dans les très petites entreprises (TPE), c'est-à-dire celles qui emploient moins de onze salariés.
La loi du 20 août 2008 a profondément rénové les critères de représentativité syndicale : à l'issue d'une période de transition qui s'achèvera au plus tard en août 2013, la représentativité des syndicats de salariés sera appréciée sur la base de leurs résultats aux élections des représentants du personnel. Plus précisément, seront représentatifs dans l'entreprise les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des voix lors de l'élection des délégués du personnel ou des élus au comité d'entreprise. Au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel, le seuil de représentativité est fixé à 8 %. En faisant ainsi dépendre la représentativité de l'élection, on devrait donner plus de légitimité aux syndicats pour négocier des accords collectifs au nom des salariés.
Cependant, un problème se pose dans les TPE, qui n'organisent aucune élection. Je vous rappelle en effet que l'élection d'un délégué du personnel n'est obligatoire qu'à partir de onze salariés et que la constitution d'un comité d'entreprise l'est à partir de cinquante salariés. En conséquence, la loi du 20 août 2008, dans son article 2, a demandé aux partenaires sociaux de négocier sur les « moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d'y mesurer l'audience des organisations syndicales ». Cette négociation, qui s'est tenue à l'automne 2009, n'a pas abouti : le Medef et la CGPME ont refusé d'aller au-delà d'un simple état des lieux pour entrer dans le vif de la discussion.
Toutefois, le 20 janvier dernier, quatre syndicats de salariés, la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, ainsi que l'Union professionnelle artisanale (UPA), ont envoyé une lettre commune au Premier ministre, dans laquelle ils faisaient la proposition suivante : la représentation des salariés des TPE devrait être assurée grâce à des commissions paritaires territoriales, qui auraient pour rôle d'aider au dialogue social, d'informer et de sensibiliser les salariés et les chefs d'entreprise dans le domaine des relations du travail et de veiller à l'application des accords collectifs ; les salariés des TPE éliraient leurs représentants dans ces commissions et ce scrutin servirait à apprécier l'audience des différentes organisations syndicales.
Le projet de loi qui nous est soumis s'inspire de ces propositions tout en tenant compte de certaines critiques. Il constitue à mes yeux un compromis satisfaisant. Pour mesurer l'audience syndicale dans les TPE, il est proposé d'organiser tous les quatre ans, au niveau régional, une élection sur sigles : chaque salarié voterait, non pour une liste de candidats, mais pour une étiquette syndicale. Le vote aurait lieu par voie électronique ou par correspondance, sous le contrôle du juge judiciaire, en distinguant un collège « cadres » et un collège « non-cadres ». Des commissions paritaires pour les TPE pourraient être constituées par voie d'accord collectif, afin d'aider salariés et employeurs à dialoguer et de veiller à l'application des accords collectifs. Les représentants des salariés au sein de ces commissions seraient désignés par les syndicats, en tenant compte des résultats du scrutin organisé auprès des salariés des TPE.
Ce projet de loi occasionnera très peu de contraintes supplémentaires pour les TPE, et ne mérite pas les critiques excessives que j'ai entendues de la part de certaines organisations patronales, qui ont parfois laissé croire qu'il allait généraliser la présence de délégués du personnel ou de délégués syndicaux dans les TPE. J'ajoute que la constitutionnalité de la réforme de 2008 serait sujette à caution si la voix des quatre millions de salariés travaillant dans ces entreprises était ignorée au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales. L'adoption rapide de ce projet de loi est donc indispensable pour cette raison juridique.
L'article 8, quant à lui, prévoit de reporter au plus tard le 31 décembre 2015 les prochaines élections prud'homales et de proroger le mandat des actuels conseillers prud'hommes. Ces élections sont organisées en principe tous les cinq ans, et les prochaines devaient avoir lieu en décembre 2013. Le Gouvernement avance trois arguments pour justifier leur report. Tout d'abord, des élections municipales, territoriales et européennes sont déjà programmées au cours du premier semestre de l'année 2014, et il faut éviter une démobilisation de l'électorat. Ensuite, il est souhaitable que la publication de la liste des organisations syndicales représentatives, qui doit intervenir au plus tard en août 2013, ne soit pas trop rapprochée des élections prud'homales, qui ont souvent été perçues par le passé comme un « test » de l'influence syndicale. Enfin, ce report permettrait de poursuivre la réflexion sur la réforme des élections prud'homales et, le cas échéant, de la mettre en oeuvre lors du prochain scrutin.
Le taux de participation aux élections prud'homales est en baisse continue, en dépit de leur coût élevé - 90 millions d'euros, nous a indiqué hier le ministre. La participation n'atteignit que 25 % en 2008, ce qui menace la légitimité de l'institution. En octobre 2009, le Gouvernement a donc confié à Jacky Richard, conseiller d'Etat, la mission de mener une réflexion sur le mode de désignation des conseillers prud'hommes. Trois pistes sont à l'étude : le maintien de l'élection sous sa forme actuelle, assorti d'une amélioration de ses conditions d'organisation, par exemple grâce au vote électronique ou par correspondance ; une élection au suffrage indirect par les représentants du personnel ; la désignation des conseillers prud'hommes par les organisations syndicales et patronales en fonction de leur représentativité. Jacky Richard n'a remis son rapport que mardi dernier, le Gouvernement doit encore rendre ses arbitrages et le Parlement voter une réforme dont la mise en oeuvre devra ensuite être préparée. Le report des élections est donc bienvenu.
Ce projet de loi est un progrès pour la démocratie sociale : il permettra de parachever la réforme de 2008, de renforcer le dialogue social dans les TPE et de laisser le temps de préparer la réforme du scrutin prud'homal.
Mme Annie David. - Je reste sceptique sur la représentativité des délégués des salariés : les quatre millions de salariés des TPE voteront pour des sigles, puis les syndicats désigneront des délégués. Mais rien ne dit que ces derniers seront eux-mêmes issus des TPE, alors qu'ils seront appelés à négocier le sort et l'avenir des salariés de ces entreprises. Il faut distinguer entre l'audience des syndicats, mesurée nationalement, et la représentativité des délégués.
Je regrette que la création des commissions paritaires soit facultative : il est à craindre que les principales organisations patronales s'opposent à leur création. Un article du projet de loi prévoit d'effectuer un bilan dans deux ans, ce qui pourrait fournir l'occasion de rendre obligatoires les commissions là où elles n'auront pas été créées.
Enfin, l'article sur les élections prud'homales est un cavalier législatif. Certes, de nombreux scrutins doivent se tenir en 2013 mais on aurait pu reporter les élections prud'homales d'une seule année au lieu de deux.
Mme Isabelle Debré. - L'UPA est-elle favorable à cette réforme, qui imposera de nouvelles contraintes aux TPE ? Quant à la cotisation supplémentaire égale à 0,15 % de la masse salariale qu'elle entraîne, a-t-on évalué son impact sur les entreprises ?
M. André Lardeux. - Il est curieux que l'on se propose de créer une charge nouvelle sur les entreprises : j'avais compris que l'on souhaitait plutôt faire l'inverse... Qui gérera le produit de ce prélèvement ?
Mme Patricia Schillinger. - Devoir choisir parmi des sigles plutôt que des candidats n'est pas de nature à motiver les salariés. En outre, les commissions paritaires devraient être rendues obligatoires, faute de quoi le Medef et la CGPME feront obstacle à leur mise en place. J'ai été très choquée d'apprendre hier que les élections prud'homales coûtaient 90 millions d'euros : c'est un montant exorbitant ! Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.
M. Yves Daudigny. - Ce projet de loi va dans le bon sens, mais son ambition est limitée. Je regrette moi aussi que les commissions paritaires soient facultatives. A l'avenir, pourquoi ne pas déposer une proposition de loi supprimant le seuil de onze salariés pour imposer dans toute entreprise la désignation d'un représentant du personnel ?
Mme Gisèle Printz. - Les salariés des TPE ont-ils réclamé cette réforme ?
M. Alain Gournac, rapporteur. - Contrairement à ce que je viens d'entendre, les commissions paritaires ne sont dotées d'aucun pouvoir de négociation : elles sont seulement destinées à faciliter le dialogue social et à éviter la multiplication des contentieux. Je rappelle en effet que la très grande majorité des affaires portées devant les prud'hommes concernent les TPE. On parle du coût du dialogue social, mais c'est un investissement !
Ce projet de loi est indispensable, car la voix des 20 % de salariés qui travaillent dans des TPE doit être prise en compte pour déterminer la représentativité des syndicats. L'un de mes amis a choisi, pour finir sa carrière professionnelle, de passer d'une grande à une petite entreprise, et il s'étonne de ne plus pouvoir se prononcer ! Je regrette seulement que la question n'ait pu être réglée par la négociation entre les partenaires sociaux. L'UPA est naturellement favorable à ce texte, ainsi que l'union nationale des professions libérales (UNAPL) et la FNSEA. La CGPME accepte la mesure de l'audience syndicale mais ne veut pas des commissions paritaires. Le Medef est hostile à l'ensemble du texte ; j'ai d'ailleurs été choqué de l'attitude de ses représentants lors de leur audition puisqu'ils m'ont menacé, mais je ne suis pas homme à me laisser intimider !
Je préfère que les commissions se mettent en place librement, sans être obligatoires. Il en existe déjà plusieurs, créées sur le fondement de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Je ne vois pas comment il serait possible d'organiser au niveau régional une consultation portant sur des candidats plutôt que sur des sigles.
Quant au prélèvement de 0,15 %, il résulte d'un accord de 2001, conclu par l'UPA et les syndicats dans certaines branches de l'artisanat, et n'a rien à voir avec ce texte. La présente réforme ne coûtera rien, en dehors des frais de fonctionnement minimes des commissions. Il faut favoriser le règlement amiable des conflits. Entre un petit patron et son employé, les choses se passent comme dans un couple : leurs liens sont étroits, mais parfois des querelles surgissent, qui de temps à autre se terminent mal. Certains patrons, condamnés parce qu'ils avaient licencié un salarié sur un coup de tête, en ont été profondément meurtris : il faut l'éviter.
Mme Muguette Dini, présidente. - Je comprends l'argument d'Annie David : il n'est pas assuré que les délégués au sein des commissions paritaires seront ceux qu'auraient désignés les salariés des TPE. Mais on peut faire confiance aux syndicats pour y nommer des personnalités compétentes, elles-mêmes issues des TPE.
Mme Annie David. - Je ne parlais pas de la représentativité des délégués au sein des commissions : j'ai bien compris que ces dernières n'auront pas de pouvoir de négociation. Je m'inquiétais, en revanche, de la représentativité des négociateurs appelés à conclure des accords nationaux relatifs aux TPE, par exemple dans le cadre de la concertation demandée par le Gouvernement. Rien ne dit que ces délégués seront issus des TPE.
M. Alain Gournac, rapporteur. - On peut faire confiance aux syndicats pour nommer les négociateurs idoines.
Examen des articles
Les articles 1er à 3 sont adoptés sans modification.
M. Alain Gournac, rapporteur. - L'amendement n° 5 du groupe CRC-SPG, qui porte sur le mode de calcul de l'effectif des entreprises, serait impossible à mettre en oeuvre : les listes pour le scrutin servant à mesurer l'audience des syndicats devront être établies plusieurs mois à l'avance, ce qui implique que l'effectif soit arrêté le 31 décembre de l'année précédente car il faudra adresser un courrier à tous les électeurs, mettre en place les modalités du vote électronique, etc. Je proposerai d'ailleurs que le Haut Conseil du dialogue social soit informé des conditions de déroulement du vote.
Mme Annie David. - Ce troisième alinéa est discriminatoire à l'égard des salariés des petites entreprises. Certes, celles-ci n'ont pas les mêmes moyens que les grandes pour mettre à jour leurs listes électorales, mais certaines d'entre elles profiteront de cette mesure dérogatoire pour n'apparaître dans aucune catégorie : ni celle des entreprises de moins de onze salariés, ni celle des entreprises excédant ce plafond.
Mme Catherine Procaccia. - Ne peut-il arriver qu'une personne travaillant à temps partiel pour plusieurs employeurs vote deux ou trois fois ?
Mme Isabelle Debré. - Catherine Procaccia a raison : les listes seront établies entreprise par entreprise. Il faudrait un logiciel extrêmement puissant pour vérifier qu'aucun salarié n'a pas déjà voté ailleurs.
M. Alain Gournac, rapporteur. - Le Gouvernement m'a assuré qu'il allait faire établir des listes nominatives permettant de croiser les informations.
Mme Isabelle Debré. - C'est envisageable à l'échelle des départements, mais comment prendre en compte les salariés travaillant simultanément dans deux départements ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Ils ne sont sans doute pas très nombreux.
Mme Isabelle Debré. - C'est une question de principe.
Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous l'accorde.
M. Alain Gournac, rapporteur. - Je considère pour ma part qu'il faut surtout mesurer l'audience de chaque syndicat, mais nous demanderons au Gouvernement de préciser ce point en séance publique.
M. Alain Gournac, rapporteur. - L'amendement n° 6 du groupe CRC-SPG substitue au vote sur des sigles un vote pour des candidats. Mais les élus devraient alors siéger dans une instance. Or, les commissions paritaires sont facultatives. L'amendement est donc inapplicable.
Mme Annie David. - Nous proposons que les syndicats désignent des candidats pour figurer sur les listes. On pourrait imaginer qu'elles soient ensuite appelées à siéger au sein des commissions paritaires : cela renforcerait la confiance envers les syndicats et la représentativité des délégués.
Mme Catherine Procaccia. - Je m'abstiendrai, car je partage certaines des préoccupations d'Annie David.
M. Alain Gournac, rapporteur. - Par mon amendement n° 1, je propose que le Haut Conseil du dialogue social veille à la bonne organisation du scrutin destiné à mesurer l'audience des syndicats.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission à l'article 4 est retracé dans le tableau suivant :
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 6
L'amendement rédactionnel n° 2 du rapporteur est adopté.
M. Alain Gournac, rapporteur. - L'amendement n° 7 du groupe CRC-SPG tend à rendre obligatoire les commissions paritaires : j'y suis hostile. Je suis persuadé qu'elles se mettront en place sans que l'on contraigne les TPE, gisements des emplois de demain.
Mme Isabelle Debré. - Cessons d'imposer des obligations aux entreprises ! Le bilan que le projet de loi prévoit donnera l'occasion de prendre de nouvelles dispositions si les commissions ne sont constituées.
Mme Annie David. - Les commissions paritaires, déjà autorisées par la loi de 2004, n'existent pas dans tous les départements. Quand aux délégués de site dans les TPE, on pourrait les compter sur les doigts d'une main. Il faut faire avancer les choses !
M. Yves Daudigny. - Madame Debré, il est parfois nécessaire d'obliger, sinon le travail nocturne des enfants existerait encore...
Mme Isabelle Debré. - Vous me savez particulièrement attentive au sort des enfants, comme en témoigne mon rapport sur les mineurs étrangers isolés. Mais s'agissant des commissions paritaires, je ne crois pas qu'il soit utile de les rendre d'emblée obligatoires. La question se posera en cas d'échec.
M. Alain Gournac, rapporteur. - D'ailleurs, des commissions obligatoires risqueraient d'être des coquilles vides. L'UPA est déterminée à agir.
Mme Annie David. - Le Medef l'est beaucoup moins...
M. Alain Gournac, rapporteur. - Il ne me paraît pas opportun de créer des commissions au niveau local. Mon amendement n° 3 supprime cette possibilité.
M. Alain Gournac, rapporteur. - Mon amendement n° 4 vise à mieux délimiter les compétences des commissions paritaires et à rassurer les employeurs qui redoutent que des personnes extérieures ne s'immiscent dans le fonctionnement de leur entreprise.
Mme Annie David. - Que signifie, dans le texte de l'amendement, l'expression « dans le champ considéré » ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Il s'agit de préciser l'échelon territorial ou professionnel considéré.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission à l'article 6 est retracé dans le tableau suivant :
Les articles 7 et 8 sont adoptés sans modification.
L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.