Mercredi 5 mai 2010
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Lutte contre la piraterie - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 370 (2009-2010) de la commission pour le projet de loi n° 607 rectifié (2008-2009) relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer.
M. André Dulait, rapporteur - Le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer a été examiné par la commission le 30 avril dernier. La commission a adopté vingt amendements qui ont été intégrés au texte qui sera discuté demain en séance publique.
Trois amendements ont été déposés sur ce texte. Deux amendements présentés par le groupe socialiste sont identiques à des amendements rejetés précédemment par la commission. Un troisième amendement a été déposé hier par le Gouvernement.
A l'article 2 (Introduction d'un cadre juridique pour la répression de la piraterie), la commission examine un amendement n° 2 du groupe socialiste visant à introduire des garanties concernant la remise des personnes soupçonnées d'actes de piraterie à d'autres pays.
M. Didier Boulaud - Cet amendement vise à interdire la remise des pirates capturés à des pays qui appliquent la peine de mort ou dont les tribunaux ne présentent pas toutes les garanties en matière de droit de la défense.
M. André Dulait, rapporteur - Je partage les préoccupations des auteurs de cet amendement. Je voudrais d'ailleurs faire observer que les accords conclus par l'Union européenne avec des pays tiers, comme le Kenya ou les Seychelles, sur la remise des personnes soupçonnées d'actes de piraterie, prévoient déjà des dispositions de cette nature. Faut-il pour autant inscrire ces principes dans la loi ? Au cours de l'examen de cet amendement lors de la réunion du 30 avril dernier, le ministre de la défense s'y était opposé au motif que cela n'était pas utile. En outre, inscrire ces dispositions dans la loi pourrait conduire à des recours contre les décisions de remise des suspects et donc à une multiplication des contentieux devant les tribunaux français. Je vous propose donc d'émettre un avis défavorable à cet amendement.
M. Robert Badinter - Je ne comprends pas l'argument développé par le rapporteur sur le risque de contentieux. Interdire la remise d'une personne à un pays dans lequel celle-ci risquerait d'être condamnée à la peine de mort ou qui ne respecterait pas les droits de la défense me paraît tout à fait normal. Il ne s'agit là que de la reprise des normes constitutionnelles et internationales qui s'appliquent à la France. Pourquoi ne pas reprendre ces dispositions dans la loi ?
M. Josselin de Rohan, président - Il va de soi que jamais la France ne remettra de personnes soupçonnées d'actes de piraterie à des pays dans lesquels ces personnes risqueraient d'être condamnées à la peine de mort ou qui ne présenteraient pas toutes les garanties en matière de respect des droits de la défense. La question qui se pose ici est de savoir s'il est souhaitable ou non d'inscrire ces dispositions dans la loi. Pour ma part, je ne pense pas que cela soit nécessaire, étant donné que ces dispositions résultent d'engagements internationaux de la France.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
A l'article 6 (Création d'un régime sui generis pour la rétention à bord des navires), la commission examine un amendement n° 1 rectifié bis présenté par le groupe Socialiste tendant à prévoir un délai maximal de 32 jours pour la rétention des personnes à bord des navires.
M. Didier Boulaud - Cet amendement vise à prévoir un délai maximal de 32 jours pour la rétention des personnes à bord des navires. Ce délai est le même que celui prévu en matière de rétention des étrangers en situation irrégulière. Je précise en outre que la Belgique a adopté récemment une loi en matière de lutte contre la piraterie qui prévoit un délai maximal d'un mois en matière de rétention à bord.
M. André Dulait, rapporteur - A la différence de la garde à vue ou de la rétention des étrangers en situation irrégulière, aucun délai maximal n'est prévu pour la rétention à bord des navires. Les personnes que j'ai auditionnées ont toutes estimé que l'inscription d'une durée maximale de rétention présenterait plus de difficultés que d'avantages. En effet, il est très difficile de déterminer à l'avance le temps qui sera normalement nécessaire à un bâtiment pour rejoindre le territoire français, puisque cela dépend de la distance à laquelle il se trouve et de sa vitesse, mais aussi d'autres facteurs comme des conditions météorologiques par exemple. En outre, on pourrait imaginer le cas où, au cours de ce transfert, le bâtiment soit dérouté afin de porter secours à un autre navire. Il paraît donc très périlleux de fixer un délai maximal dans la loi. En réalité, le fait que la mesure restrictive ou privative de liberté soit contrôlée tous les cinq jours par le juge des libertés et de la détention, qui est un magistrat du siège, paraît offrir suffisamment de garanties. Je suis donc réservé sur cet amendement et je vous propose d'émettre un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.
Après l'article 6, la commission examine l'amendement n° 3 présenté par le Gouvernement visant introduisant un article additionnel visant à reconnaître la qualité de pupille de la nation aux enfants de victimes d'actes de piraterie.
M. André Dulait, rapporteur - Cet amendement du Gouvernement vise à prévoir la possibilité de reconnaître la qualité de pupille de la nation aux enfants dont le père, la mère, ou le soutien de famille, de nationalité française, a été victime d'actes de piraterie. Je rappelle que la qualité de pupille de la nation est réservée en principe aux enfants de militaire dont le père ou la mère ont été tué dans le cadre d'une guerre ou sur un théâtre d'opérations extérieures. Cette qualité a toutefois été élargie en 1990 aux enfants des victimes d'actes de terrorisme et en 1993 aux enfants de magistrats, policiers ou gendarmes décédés dans l'exercice de leur fonction. Il s'agit donc d'étendre ce dispositif aux enfants de victimes d'actes de piraterie. J'avoue que je m'interroge sur cet amendement. En reconnaissant la qualité de pupille de la nation aux enfants des victimes d'actes de piraterie, ne risque-t-on pas d'encourager d'autres demandes ? Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Roger Romani - Pour ma part, je suis favorable à cet amendement. Dès lors que la qualité de pupille de la nation a été étendue aux enfants des victimes d'actes de terrorisme, je ne vois pas de raisons de ne pas l'étendre aussi à la piraterie.
La commission émet alors un avis favorable à cet amendement.
Sur l'ensemble des amendements, la commission adopte les avis suivants :
Service européen pour l'action extérieure - Communication
La commission entend ensuite une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur les propositions de textes européens relatifs au service européen pour l'action extérieure (SEAE).
M. Josselin de Rohan, président - Avec la mise en place du Président stable du Conseil européen et du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la création du service européen pour l'action extérieure constitue une innovation majeure du traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009.
La création de ce service, souvent dénommé « service diplomatique commun », est prévue à l'article 27, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne.
D'après cet article, « Dans l'accomplissement de son mandat, le Haut représentant s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission ».
Je précise que ce service européen pour l'action extérieure n'a pas vocation à se substituer aux diplomaties nationales. Chaque Etat membre conservera son propre ministère, son réseau diplomatique et consulaire, et continuera de mener sa politique étrangère. Les orientations en matière de politique étrangère commune continueront de relever des chefs d'Etat et de Gouvernement réunis au sein du Conseil européen et les décisions des ministres des affaires étrangères réunis au sein du Conseil statuant en règle générale à l'unanimité.
L'objectif de la mise en place de ce service est de renforcer la cohérence entre, d'une part, les différents aspects et les différents moyens et instruments de la politique extérieure de l'Union européenne, qui sont actuellement dispersés entre le Conseil et la Commission européenne, et, d'autre part, entre la politique étrangère de l'Union européenne et celle conduite par les Etats membres.
Il s'agit également de favoriser l'émergence progressive d'une culture diplomatique européenne commune, en rapprochant les points de vue et en confrontant les différentes traditions diplomatiques nationales.
Cela explique la composition originale de ce service, qui devrait rassembler des fonctionnaires issus des services concernés de la Commission européenne, du secrétariat général du Conseil et des agents détachés des services diplomatiques nationaux.
La présidence suédoise avait élaboré un rapport préparatoire sur la mise en place de ce service, qui a été approuvé par les chefs d'Etat et de Gouvernement lors du Conseil européen d'octobre 2009.
Le Conseil européen avait souhaité une adoption de la décision relative à l'organisation et au fonctionnement de ce service avant la fin du mois d'avril.
Toutefois, la création de ce service a pris un certain retard, en raison de la mise en place de la nouvelle Commission européenne.
Dès sa nomination en qualité de Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Lady Catherine Ashton, par ailleurs vice-présidente de la Commission européenne, a indiqué que la création de ce service constituerait sa première priorité.
Elle a présenté, le 25 mars dernier, un projet de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure. Ce document E 5220 a été transmis, le 7 avril dernier, au Parlement, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, et notre commission a décidé de s'en saisir directement dès sa transmission.
Après plusieurs réunions et la prise en compte de modifications, les ministres des affaires étrangères sont parvenus, le 26 avril dernier, à un accord politique sur les principaux aspects du projet.
Toutefois, l'adoption définitive de ce texte dépendra de l'attitude qu'adoptera le Parlement européen.
Si, en vertu du traité de Lisbonne, la création de ce service nécessite une décision du Conseil prise à l'unanimité, sur proposition du Haut représentant, après approbation de la Commission européenne et après simple consultation du Parlement européen, il convient toutefois d'observer que les autres actes juridiques liés à la mise en place de ce service relèvent de la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire de la procédure de codécision, qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec le Conseil. Il s'agit, notamment, des actes relatifs à la modification du statut des fonctionnaires européens, à la modification du règlement financier et à la mise en place d'un budget propre à ce service. Le Parlement européen, qui est simplement consulté sur la décision relative à la création de ce service, réclame que ces différentes propositions fassent l'objet d'un « paquet global », ce qui aboutirait à lui conférer un droit de veto sur tous les aspects relatifs à la création de ce service.
Quels sont les principaux enjeux des négociations ? Ces enjeux portent sur la nature, le périmètre et la composition de ce service.
Le premier enjeu porte sur la nature de ce service.
Tous les États membres considèrent que le service européen pour l'action extérieure devrait être un service sui generis, équidistant de la Commission européenne et du Conseil.
Ce service serait placé sous l'autorité du Haut représentant mais il devrait également pouvoir assister le président du Conseil européen, ainsi que le président et les membres de la Commission européenne, dans l'exercice de leurs fonctions respectives, mais aussi et surtout, coopérer étroitement avec les Etats membres.
Pour sa part, le Parlement européen défend l'idée selon laquelle le futur service européen pour l'action extérieure devrait être intégré au sein de la Commission européenne, ce qui affaiblirait inévitablement le lien avec les Etats membres dans un domaine de nature éminemment intergouvernementale, tout en permettant au Parlement européen d'exercer un contrôle étroit sur ce service.
Cette option est toutefois rejetée unanimement par les Etats membres.
Une autre question essentielle pour les Etats membres tient à l'autonomie de ce service en termes de budget et de gestion du personnel.
En effet, dans le cas contraire, le Parlement européen serait tenté d'utiliser l'arme du budget pour peser sur les orientations de la politique étrangère de l'Union européenne, alors même que les traités ne lui reconnaissent pas une telle compétence.
Le deuxième enjeu porte sur le périmètre de ce service.
La France considère que le périmètre du futur service européen pour l'action extérieure devrait être le plus large possible afin de permettre au Haut représentant d'exercer pleinement son mandat. En vertu du traité, le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en sa qualité de vice-président de la Commission, a en effet la responsabilité de la coordination des aspects touchant aux relations extérieures au sein de la Commission européenne. Cela s'applique en particulier à l'aide au développement et à la politique de voisinage, dans une certaine mesure à la politique commerciale, mais aussi à la réponse de l'Union européenne aux crises. La crise haïtienne, par exemple, a montré que si l'Union européenne a été, de loin, le premier contributeur en termes d'aide matérielle et financière, son action a souffert d'un manque de visibilité et de coordination. Or, ces portefeuilles ont été confiés à différents commissaires européens par le président de la Commission, José Manuel Barroso, y compris la réponse de l'Union européenne aux crises.
Une conception large du service supposerait qu'il comprenne des directions géographiques, couvrant toutes les régions et tous les pays, y compris des pays bénéficiaires de l'aide au développement ou faisant l'objet de négociations d'adhésion, mais aussi des directions thématiques, comme par exemple une direction chargée de la réponse aux crises ou une direction chargée des relations avec les Nations unies.
La France souhaite également que le service européen pour l'action extérieure soit chargé de superviser la programmation stratégique des différents instruments financiers, comme l'instrument européen de voisinage et de partenariat, l'instrument de coopération et de développement ou le fonds européen de développement. Cela permettrait à ce service de jouer le rôle d'un chef de file dans l'élaboration des grandes orientations de ces fonds, même si leur gestion devrait continuer de relever de la Commission européenne. Cette dernière est toutefois réticente à l'idée de confier la programmation de ces instruments au service européen pour l'action extérieure.
Rappelons que l'aide publique au développement de l'Union européenne représente 2,2 milliards d'euros, alors que le budget de la politique étrangère et de sécurité commune est de l'ordre de seulement 280 millions d'euros.
En définitive, le compromis trouvé lors du Conseil du 26 avril prévoit que le service européen pour l'action extérieure participera à la programmation de ces instruments financiers, mais en liaison avec la Commission européenne et sous l'autorité des commissaires européens compétents.
Concernant les structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises, comme l'état-major de l'Union européenne, la direction « gestion des crises et planification », la « capacité civile de planification et de conduite » ou encore le « centre de situation », la France a milité et obtenu qu'elles fassent partie du service européen pour l'action extérieure, tout en relevant directement de l'autorité du Haut représentant, en sa seule qualité de Haut représentant, afin de préserver l'autonomie de leurs chaînes de commandement.
Enfin, ce service devrait aussi comprendre un nombre limité de fonctions de soutien, en particulier en matière d'informatique ou de gestion des ressources humaines, tout en s'appuyant sur d'autres services, comme ceux de la Commission européenne ou du secrétariat général du Conseil, pour les services de traduction, par exemple, par souci d'efficacité et pour limiter les doubles emplois et donc les coûts.
Enfin, le troisième enjeu porte sur l'organigramme et la répartition des postes entre la Commission, le Conseil et les Etats membres.
S'agissant de ses effectifs, le service européen pour l'action extérieure devrait comprendre plusieurs milliers d'agents, de 4 à 8 000, au sein de l'administration centrale à Bruxelles et dans les 135 délégations de l'Union européenne auprès des pays tiers et des organisations internationales. Ces agents proviendraient à la fois des services compétents du secrétariat général du Conseil, de la Commission européenne ainsi que des Etats membres. Si, dans un premier temps, les fonctionnaires issus de la Commission européenne et du secrétariat général du Conseil devaient être les plus nombreux, le personnel provenant des Etats membres devrait, lorsque le service aura atteint sa pleine capacité, représenter au moins un tiers des effectifs.
Toutefois, le poids de chaque institution au sein de ce service fait l'objet de fortes discussions.
La Commission souhaite obtenir un certain nombre de postes clefs. Elle est appuyée par le Parlement européen qui estime que, vu le nombre de politiques communautaires que les personnels auront à gérer, il est normal que la Commission en fournisse la plus grande partie. Comme un tiers viendrait des Etats membres, le Conseil serait alors réduit à la portion congrue.
Les nouveaux Etats membres et les « petits » pays insistent, pour leur part, sur l'équilibre géographique dans le choix des nominations.
Une autre question sensible porte sur le mode de désignation des chefs de délégation de l'Union européenne.
Le Parlement européen a réclamé récemment de pouvoir être associé à la nomination des chefs de délégation de l'Union européenne ou des représentants spéciaux, en procédant à leur audition, préalablement à leur désignation, sur le modèle du Sénat américain.
Cette demande a été rejetée par les Etats membres.
Il souhaite également que les diplomates nationaux détachés aient la possibilité de rester définitivement au sein du SEAE pour éviter que ces diplomates ne restent sous l'influence de leurs administrations d'origine, ce qui reviendrait indirectement à les maintenir sous son contrôle.
Enfin, la France souhaiterait que le Haut représentant soit assisté par un secrétaire général, à l'instar du secrétaire général du Conseil ou de la Commission.
Ce secrétaire général aurait pour mission de faire fonctionner le service européen pour l'action extérieure au quotidien, notamment pendant les nombreux déplacements du Haut représentant à l'étranger.
Cette idée, agrée au sein du Conseil, est toutefois contestée au sein du Parlement européen, qui souhaiterait que la représentation du Haut représentant devant le Parlement européen soit assurée à un niveau politique.
Compte tenu de l'importance des enjeux soulevés par la mise en place du service européen pour l'action extérieure pour l'émergence d'une diplomatie commune, il me semble souhaitable que notre commission prenne position sur ce dossier.
Je vous proposerai donc d'adopter une proposition de résolution européenne sur les principaux aspects relatifs à la création de ce service.
En particulier, il me semble nécessaire d'insister sur les points suivants.
Tout d'abord, je crois qu'il est utile de rappeler qu'en vertu des traités, le service européen pour l'action extérieure doit être un service sui generis, distinct de la Commission européenne et du Conseil. Le Parlement, au contraire, veut qu'il soit intégré à la Commission. Pour ce faire, il doit disposer d'une autonomie budgétaire et en termes de gestion du personnel.
Ensuite, il me paraît nécessaire que le périmètre de ce service soit le plus large possible et qu'il inclue notamment les aspects relatifs à l'élargissement ou à la politique de voisinage. Je pense également souhaitable que ce service ait son mot à dire à propos des orientations de l'aide au développement.
Si les structures politico-militaires doivent être intégrées au sein de ce service, elles doivent cependant conserver une certaine autonomie afin de préserver la chaîne de commandement.
Enfin, je voudrais rappeler que la politique étrangère reste une prérogative des Gouvernements des Etats membres.
Le Parlement européen n'a aucune légitimité pour prétendre vouloir exercer un contrôle d'opportunité sur l'action du service européen pour l'action extérieure ou approuver le choix des chefs de délégation de l'Union européenne dans les pays tiers ou auprès des organisations internationales.
La déclaration n°14 annexée au traité de Lisbonne stipule d'ailleurs expressément que « les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du Parlement européen ».
Je m'étonne d'ailleurs qu'il soit indiqué dans le rapport de la présidence suédoise que le service européen pour l'action extérieure devra entretenir « des contacts de travail étroit » avec le Parlement européen et qu'il devrait comprendre un bureau chargé des relations avec le Parlement européen, sans que soient mentionnés les Parlements nationaux.
Comme l'a indiqué Pierre Lellouche, lors de son audition devant la commission, le 2 février dernier, « les Parlements nationaux devraient jouer totalement leur rôle et faire entendre leur voix » à propos de ce service.
C'est la raison pour laquelle je considère que les Parlements nationaux devraient entretenir des contacts avec le service européen pour l'action extérieure afin de pouvoir être informés de la politique étrangère de l'Union européenne.
Enfin, étant donné l'importance de ce service, la France devrait être suffisamment représentée au sein de ce service, et cela à tous les échelons, et la place du français garantie, en tant que l'une des deux langues de la diplomatie.
La politique étrangère est le domaine qui suscite les plus fortes attentes de la part des Européens. Dans ce contexte, la mise en place du service européen pour l'action extérieure représente un enjeu majeur pour la crédibilité et l'efficacité de la politique étrangère de l'Union. Efforçons-nous de dépasser les querelles stériles et les enjeux de pouvoirs. Car ce qui compte, en définitive, c'est l'efficacité du dispositif. C'est cela qu'attendent les citoyens européens.
L'effacement de l'Europe l'a conduite à être absente des grands concerts internationaux et incapable de peser sur les règlements des conflits majeurs. C'est pourquoi l'existence d'une politique étrangère commune est un impératif majeur. Le service européen pour l'action extérieure doit être l'instrument de cette politique. Sa crédibilité comme son efficacité impliquent qu'il ne soit pas, dès l'origine, victime des conflits de pouvoir et des querelles corporatistes. L'Europe mérite mieux, les citoyens européens aussi.
M. Robert del Picchia - J'approuve totalement votre proposition de résolution.
Comme on peut le constater lors des réunions interparlementaires, par exemple dans le cadre de l'assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, il existe une tendance au sein du Parlement européen à vouloir se saisir de tous les sujets et d'exclure les parlementaires nationaux des questions européennes.
M. Daniel Reiner - J'ai écouté avec une grande attention votre communication tout à fait intéressante. Avant de nous prononcer sur le contenu de la proposition de résolution que vous nous présentez, nous souhaiterions toutefois disposer d'un délai afin d'étudier dans le détail les propositions qui nous sont soumises.
M. Josselin de Rohan, président - Conformément aux dispositions du règlement du Sénat, la commission aura à se prononcer lors d'une prochaine réunion sur les amendements éventuels qui pourront être présentés et sur le texte de la proposition de résolution.
M. Jean-Louis Carrère - Quel sera le délai-limite pour présenter des amendements ?
M. Josselin de Rohan, président - La commission se réunira mercredi 12 mai pour l'examen des amendements éventuels et du texte de la proposition de résolution. Le délai-limite pour le dépôt des amendements sera fixé au mardi 11 mai à midi.
M. Jean-Pierre Chevènement - Je suis partagé entre deux sentiments. D'un côté, on envisage la création d'un service pour se substituer à une véritable politique étrangère commune de l'Union européenne. A défaut d'une volonté, on crée un organisme. Les grands Etats membres de l'Union européenne n'ont pas la même politique étrangère. En ce qui concerne la défense, certains sont neutres, d'autres sont atlantistes et rares sont ceux qui affichent l'ambition d'une véritable défense européenne autonome.
Avec ce service européen pour l'action extérieure, on renouvelle l'erreur qui a été faite pour la monnaie unique et dont on voit aujourd'hui les effets. On ne peut que constater là encore un défaut de conception initiale.
En créant ce service, on ouvre, en effet, la boite de pandore.
Le Parlement européen cherche à s'approprier le contrôle de ce service et de la politique étrangère. Cela est inadmissible. La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a clairement rappelé, dans son arrêt du 30 juin 2009 sur la loi d'approbation du traité de Lisbonne, la nature du Parlement européen, qui « n'est pas un organe représentatif d'un peuple européen souverain ». Il est donc inenvisageable de confier au Parlement européen une compétence qu'il n'a pas. En ce sens, j'approuve votre proposition de résolution. Toutefois, je reste partagé car je suis très réservé sur la création du service européen pour l'action extérieure.
M. Josselin de Rohan, président - Le traité de Lisbonne vise précisément à renforcer la cohérence et l'efficacité de la politique étrangère de l'Union européenne. Le service européen pour l'action extérieure n'a pas vocation à remplacer les diplomaties nationales. Il s'agit de favoriser la coordination des politiques étrangères des Etats membres, afin que l'Union européenne parle davantage d'une seule voix. Il ne s'agit pas de construire une politique supranationale qui remplacerait les diplomaties nationales ou qui s'imposerait à elles. La politique étrangère commune ne sera suffisamment forte et crédible que si elle repose sur les politiques étrangères des Etats membres. C'est la raison pour laquelle il est indispensable que ce service entretienne des relations étroites avec les diplomaties nationales et que les diplomates des Etats membres soient suffisamment nombreux au sein de ce service.
M. Jacques Blanc - Nous avons été nombreux à regretter l'absence de visibilité de l'Union européenne à Haïti. Le traité de Lisbonne apporte des réponses à cet égard, avec la mise en place du service européen pour l'action extérieure.
Le traité de Lisbonne ne modifie cependant pas la nature de la politique étrangère et de sécurité commune, qui reste une politique de nature intergouvernementale.
Le Parlement européen, qui a vu ses pouvoirs augmenter avec le traité de Lisbonne, cherche -de manière assez logique d'ailleurs- à grignoter d'autres pouvoirs et à étendre son champ d'action.
Toutefois, face à cette attitude, il est indispensable de rappeler le rôle des parlements nationaux, non pas pour freiner la construction européenne, mais au contraire, parce que je suis persuadé que c'est en associant davantage les parlements nationaux que l'on pourra réellement progresser sur ces sujets.
L'arrêt de la Cour de Karlsruhe sur la loi d'application du traité de Lisbonne a donné lieu à un débat et à un rapport au sein de la commission des affaires européennes.
Je considère d'ailleurs que, sur ces questions, les parlements nationaux devraient pouvoir débattre collectivement, que ce soit au niveau des commissions des affaires étrangères ou bien des commissions des affaires européennes.
Je souscris donc, pour ma part, à votre proposition de résolution.
Je suis attentif en particulier à la place qui sera réservée à la politique de voisinage au sein du futur service européen pour l'action extérieure, compte tenu du rôle croissant de cette politique, qu'il s'agisse de l'Union pour la Méditerranée, du partenariat oriental ou encore de la Synergie Mer Noire.
Enfin, il me paraît indispensable d'insister, comme vous le faites, sur la place de la langue française, compte tenu du recul de l'usage de notre langue au sein des institutions européennes au profit de l'anglais.
M. Christian Poncelet - Je m'interroge sur l'inclusion des aspects liés à l'élargissement au sein du service européen pour l'action extérieure. Est-ce que ce service aura son mot à dire à propos des négociations d'adhésion avec des pays candidats et est-ce qu'il pourra recommander l'ouverture ou la clôture de négociations ?
M. Josselin de Rohan, président - D'après le rapport de la présidence suédoise, les aspects relatifs à l'élargissement et aux négociations d'adhésion ne devraient pas relever du service européen pour l'action extérieure mais demeurer de la compétence de la Commission européenne car l'élargissement n'est pas considéré comme une politique externe de l'Union européenne.
En tout état de cause, le service européen pour l'action extérieure n'aura pas un rôle décisionnel, mais il sera uniquement chargé de préparer les décisions, qui resteront du ressort des institutions politiques, c'est-à-dire, selon les cas, de la Commission européenne, du Conseil des ministres ou bien du Conseil européen.
A l'issue de ce débat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a conclu au dépôt de la proposition de résolution présentée par son président et a décidé de fixer au mardi 11 mai à midi le délai-limite du dépôt par tout sénateur d'amendements éventuels à ce texte, dont l'examen interviendra lors de la réunion de la commission du mercredi 12 mai dans la matinée.
Nouveau traité START - Communication
La commission entend ensuite une communication de M. Jean-Pierre Chevènement sur le nouveau traité START et la posture nucléaire des Etats-Unis.
M. Jean-Pierre Chevènement - La Nuclear Posture Review, rendue publique le 6 avril dernier par l'administration américaine et le nouveau traité START, signé le 8 avril entre les Etats-Unis et la Russie, constituent en quelque sorte le fruit de l'initiative lancée en avril 2009 par le Président Obama dans son discours de Prague. Il avait alors évoqué la perspective d'un monde sans armes nucléaires, tout en ajoutant qu'il n'en verrait probablement pas la réalisation de son vivant. Ce discours traçait néanmoins une orientation dont nous voyons aujourd'hui les premières concrétisations.
Ce traité « New START » prévoit, à échéance de sept ans, un plafond de 1 550 armes stratégiques déployées pour chacune des deux parties. Rappelons que la notion d'armes stratégiques déployées ne couvre qu'une partie des arsenaux nucléaires et ne comprend ni les armes stratégiques en réserve ou en attente de démantèlement, ni les armes « sub stratégiques » ou « tactiques ». Aujourd'hui, les Etats-Unis et la Russie sont liés par le traité SORT, conclu en 2002, qui prévoit, à l'échéance de 2012, un plafond compris entre 1 700 et 2 200 armes stratégiques opérationnelles déployées. On voit ainsi que l'effort de réduction prévu par le « new START » est particulièrement modeste. A l'horizon 2017 ou 2018, c'est-à-dire sept ans après son entrée en vigueur, la diminution sera de 30 % par rapport à la fourchette haute du plafond SORT et de 9 % seulement par rapport à la fourchette basse.
Encore faut-il mentionner une particularité du nouveau traité s'agissant du mode de comptabilisation des armes nucléaires air-sol. Par convention, le traité considère que chaque bombardier stratégique correspond à une seule arme, alors que, bien évidemment, les deux parties détiendront un nombre beaucoup plus élevé d'armes air-sol que de bombardiers stratégiques. Cette disposition a été justifiée par le fait que les armes ne sont pas en permanence à bord des avions.
Le traité fixe également un plafond de 800 vecteurs, dont 700 vecteurs déployés.
Il faut rapprocher les plafonds du nouveau traité du volume global des arsenaux des deux pays, estimé à 13 000 armes nucléaires pour la Russie et à 9 400 pour les Etats-Unis. Ces derniers viennent pour la première fois de rendre public le nombre de leurs armes opérationnelles, qui est de 5 113 têtes nucléaires déployées ou en réserve. La différence par rapport au volume total estimé, soit un peu plus de 4 200 têtes nucléaires, correspond à des têtes nucléaires retirées du service et en attente de démantèlement.
Comme START I, venu à expiration en décembre 2009, et à la différence de SORT, le traité « New START » est assorti de mesures de vérification.
Le traité ne comporte aucune disposition relative au déploiement des défenses antimissiles ou à la conversion de missiles balistiques en armes conventionnelles pour des frappes de précision, comme l'envisagent les Etats-Unis avec le projet « Prompt Global Strike ». Un échange de lettres entre les présidents Obama et Medvedev, à propos de la défense antimissile, est évoqué, mais il n'a pas été formalisé.
Le « New START » doit désormais recevoir dans chacun des deux pays l'approbation parlementaire nécessaire à sa ratification puis son entrée en vigueur.
Lors de la mission effectuée par la délégation de la commission à Washington la semaine dernière, les responsables de l'Administration nous ont indiqué leur souhait d'obtenir l'approbation du Sénat cet été, avant la suspension des travaux du mois d'août jusqu'aux élections de « mid-term » début novembre. Il n'est pas acquis que ce calendrier pourra être tenu. Par ailleurs, je rappelle que l'approbation des traités par le Sénat requiert une majorité qualifiée de 67 voix sur 100 sénateurs. La ratification ne semble pas soulever de difficulté pour la Russie, ce traité lui donnant largement satisfaction en préservant la parité nucléaire avec les Etats-Unis.
Beaucoup plus difficile devrait être la ratification du traité d'interdiction des essais nucléaires (TICE), que le Sénat américain a rejeté une première fois en 1999. Elle supposerait un ralliement significatif de sénateurs républicains qui n'est absolument pas acquis actuellement.
S'agissant de la défense antimissile, j'ajoute que nous avons entendu à Washington des responsables américains se féliciter que les essais d'interception effectués à partir du dispositif actuel attestaient d'un taux de réussite de 80 %. Mais un tel taux laisse entier le problème des 20 % qui ne sont pas interceptés. Encore s'agit-il d'essais sur des missiles que l'on lance soi-même. Qu'en serait-il en cas d'attaque par salves lancées par un adversaire ?
Pour en revenir au traité « New START », il traduit la volonté des Etats-Unis d'établir de meilleures relations avec la Russie. En termes de désarmement bilatéral, il ne peut s'agir que d'un premier pas. Pour aller plus avant, il faudrait inclure les armes nucléaires en réserve et les armes nucléaires tactiques, qui ne sont pas concernées par ce traité.
La Nuclear Posture Review (NPR) a quant à elle été rendue publique par l'administration américaine le 8 avril. Il s'agit d'un exercice qui a eu lieu environ tous les huit ans, à l'occasion de l'arrivée d'un nouveau président. La première NPR date de 1994 et la suivante de 2011.
La NPR 2010 retient cinq objectifs :
- prévenir la prolifération et le terrorisme nucléaires ;
- réduire le rôle des armes nucléaires dans la doctrine de défense des Etats-Unis ;
- maintenir dissuasion et stabilité stratégiques à des niveaux réduits de forces nucléaires ;
- renforcer la dissuasion régionale et rassurer les alliés des Etats-Unis ;
- soutenir la sûreté, la sécurité et l'efficacité de l'arsenal nucléaire.
La prévention de la prolifération apparaît comme l'une des grandes priorités de la NPR. Les Etats-Unis souhaitent faire renoncer l'Iran et la Corée du Nord à leurs ambitions nucléaires, renforcer le régime des garanties de l'AIEA et généraliser l'adhésion au protocole additionnel, mettre en oeuvre diverses mesures de nature à prévenir le terrorisme nucléaire, notamment un programme international visant à sécuriser en quatre ans l'ensemble des matières nucléaires.
Pour les Etats-Unis, la prolifération et le terrorisme nucléaires constituent aujourd'hui un risque plus important que celui d'une guerre nucléaire.
La NPR accorde une place importante à la stabilité stratégique avec la Russie et la Chine. Il est clair que l'arsenal nucléaire de la Russie présente un caractère dimensionnant pour celui des Etats-Unis. La poursuite des réductions dans l'arsenal américain est en réalité subordonnée à la réduction de l'arsenal russe qui impliquera nécessairement de traiter la question des armes nucléaires tactiques. La Russie en détient plusieurs milliers, même si l'on n'en connaît pas exactement le nombre. Les estimations varient de 3 000 à 8 000. La Chine est également un élément majeur de la stratégie nucléaire américaine. La modernisation qualitative et quantitative de l'arsenal nucléaire chinois, ainsi que le manque de transparence entourant les programmes et la doctrine et suscite des interrogations sur les intentions stratégiques futures de la Chine.
La NPR considère que la dissuasion nucléaire américaine n'a rien perdu de sa pertinence.
Je voudrais sur ce point souligner la distinction à établir entre le principe même de la dissuasion nucléaire et le dimensionnement des arsenaux. Il est clair que les Etats-Unis ne sont pas en situation de « stricte suffisance », comme nous le sommes nous-mêmes. Ils peuvent réduire le volume de leurs forces nucléaires tout en maintenant la crédibilité de leur dissuasion nucléaire. Comment la France pourrait-elle prendre la tête d'un mouvement en direction du désarmement nucléaire, comme l'y incitent certaines personnalités, alors qu'elle s'en tient pour sa part à la stricte suffisance ? C'est au contraire aux puissances nucléaires qui ne l'on pas fait de ramener leur posture à ce niveau de stricte suffisance.
L'un des volets importants de la NPR touche à la politique déclaratoire. Les Etats-Unis réduisent le rôle des armes nucléaires dans leur politique de défense.
La NPR écarte tout engagement de non-emploi en premier de l'arme nucléaire - le « no first use » - mais ils adoptent une nouvelle formulation des assurances négatives de sécurité accordées aux Etas non nucléaires.
Les Etats-Unis n'utiliseront pas ou ne menaceront pas d'utiliser l'arme nucléaire contre des Etats non dotés d'armes nucléaires qui sont parties au TNP et qui sont en conformité avec leurs obligations de non-prolifération nucléaire.
Toutefois, un Etat qui attaquerait les Etats-Unis ou un de leurs alliés avec des moyens chimiques ou biologiques serait exposé à une « réponse militaire conventionnelle dévastatrice ». Les Etats-Unis disposent pour cela de moyens sans équivalent dans aucune autre puissance militaire. En outre, l'évolution de la menace biologique les préoccupe et ils se réservent la possibilité, si nécessaire, d'ajuster cet engagement.
A travers ce type de déclaration, les Etats-Unis veulent créer les conditions psychologiques propices à l'acceptation de la perspective d'un monde sans armes nucléaires dans lequel les contrôles en matière de non-prolifération seraient resserrés. Il s'agit de soutenir le TNP, de contrecarrer les ambitions nucléaires de l'Iran et de la Corée du Nord, de faire admettre la logique de sanction à l'encontre de l'Iran. Nous savons sur ce point que les Etats-Unis poussent désormais pour des sanctions significatives, y compris, sur une base volontaire, au-delà de celles qui seraient édictées par le Conseil de sécurité des Nations unies. On évoque la cessation d'achat de pétrole brut à l'Iran ou le gel d'avoirs bancaires.
On trouve également dans la NPR des notions familières à la doctrine de dissuasion française, telles que les circonstances extrêmes ou la préservation des intérêts vitaux. C'est un pas dans la direction de l'objectif de minimisation dont parle la Commission internationale sur la non-prolifération et le désarmement nucléaires, dite commission « Evans-Kawaguchi ». Celle-ci préconise, à l'horizon 2025, une réduction de la totalité des arsenaux nucléaires à 2 000 armes : 500 armes pour chacune des deux grandes puissances nucléaires et 1 000 pour tous les autres. Mais pour atteindre cet objectif, il faudrait réduire fortement le nombre d'armes en réserve et d'armes nucléaires tactiques, et accélérer le démantèlement des armes retirées du service.
Il faut également mentionner l'attention accordée par la NPR au renforcement des architectures régionales de sécurité, ce qui renvoie aux modalités d'exercice de la dissuasion élargie, notamment au travers des armes nucléaires tactiques américaines stationnées en Europe. La présence de ces armes est présentée comme un élément important pour la cohésion de l'Alliance atlantique.
La NPR conditionne toute réduction future de l'arsenal américain à plusieurs conditions : maintenir une dissuasion nucléaire à l'égard d'adversaires régionaux, assurer la stabilité stratégique avec la Russie, renforcer les capacités conventionnelles américaines et alliées, aller de pair dans la diminution des armes nucléaires stratégiques et dans celle des armes nucléaires tactiques, mettre en oeuvre un programme d'extension de la durée de vie des armes actuelles pour maintenir la sûreté, la sécurité et l'efficacité de l'arsenal nucléaire américain.
La NPR revient également en conclusion sur la perspective d'un monde sans armes nucléaires. Elle énumère les conditions, nombreuses, qui la rendraient possible, notamment le règlement du plusieurs conflits régionaux et l'arrêt de la prolifération nucléaire. Elle considère que ces conditions ne sont clairement pas réunies aujourd'hui.
La NPR constitue en quelque sorte une version réaliste du discours de Prague. Les Etats-Unis n'entendent pas abandonner leur leadership, même s'ils considèrent pouvoir s'appuyer sur un arsenal plus réduit, mais plus solide. Ils se rapprochent de la notion de suffisance. Toutefois, la question de la Chine reste à l'horizon. Parmi les autres questions dominantes, citons celle de la défense antimissile, qui reste une priorité pour les Etats-Unis, la ratification du TICE, essentielle pour la crédibilité de l'engagement américain en faveur du désarmement nucléaire, le défi du démantèlement des armes nucléaires retirées du service, qui exigera de nombreuses années, l'évolution du Pakistan et la sécurité de son arsenal nucléaire et enfin, le face à face entre Israël et l'Iran.
M. Josselin de Rohan, président - Je remercie Jean-Pierre Chevènement pour cette communication qui complète le rapport d'information sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération qu'il nous a présenté au mois de février.
M. Xavier Pintat - Je partage les analyses de Jean-Pierre Chevènement sur le rôle que continuera de jouer, pour les Etats-Unis, la dissuasion nucléaire. Sur la défense antimissile, je comprends que l'on puisse s'interroger sur la fiabilité des systèmes actuels ou sur leur coût financier. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'une priorité confirmée pour les Etats-Unis, y compris pour la protection de leurs alliés en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. Qu'on le veuille ou non, ces architectures de défense antimissiles se mettront en place. La France dispose de capacités technologiques et industrielles notables dans les domaines spatial et balistique. Il s'agit de savoir si nous serons présents, d'une manière ou d'une autre, ou si cette défense antimissile se développera en dehors de toute participation française. En ce qui concerne la ratification du TICE par le Sénat américain, elle soulève en effet des difficultés. Certains doutent que la dissuasion nucléaire américaine puisse exclusivement reposer sur la simulation, d'où les réticences sur la renonciation définitive aux essais nucléaires.
M. Jean-Pierre Chevènement - L'analyse attentive de la politique américaine confirme que l'on ne sortira pas de l'ère nucléaire avant plusieurs décennies, à la fois pour des raisons techniques - les délais incompressibles de démantèlement des armes - et pour des raisons politiques : les préoccupations de la Russie, la montée en puissance de l'Asie. C'est pourquoi il importe de demeurer extrêmement vigilant et de prendre en compte les réalités. Alors que la Russie conserve des milliers d'armes nucléaires et que le Moyen-Orient n'est pas une zone exempte d'armes de destruction massive, l'Europe ne peut se permettre de devenir un vide stratégique en se privant de toute capacité de dissuasion nucléaire.
Elimination des armes à sous-munitions - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 383 (2009-2010) de la commission sur le projet de loi n° 113 (2009-2010) tendant à l'élimination des armes à sous-munitions.
Suivant les recommandations de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, la commission émet les avis suivants :