Mardi 27 avril 2010
- Présidence de M. Alain Lambert, président -Problématique générale de la mutualisation - Présentation du rapport d'information
La délégation a procédé à la présentation du rapport d'information de M. Alain Lambert sur la problématique générale de la mutualisation.
M. Alain Lambert, rapporteur, a défini la mutualisation des moyens des collectivités territoriales comme la mise en place, temporaire ou pérenne, d'une logistique commune à deux ou plusieurs collectivités.
Soulignant que la mutualisation pouvait consister aussi bien à partager des services que des équipements, il a indiqué qu'elle permettait :
- de mettre en place un service qu'une collectivité n'a pas les moyens d'accomplir seule ;
- d'améliorer un service existant ;
- de dégager des marges de manoeuvre pour améliorer un service en évitant les doublons.
Considérant que la mutualisation constituait un enjeu essentiel de l'optimisation des dépenses publiques locales de par sa vocation à faire plus ou mieux sans gaspillage de ressources, M. Alain Lambert, rapporteur, a insisté sur la responsabilité politique de veiller à ce qu'elle puisse s'exercer sans entrave.
Il a ensuite rappelé que la délégation avait décidé de séquencer les débats en consacrant une première réunion au « tronc commun » de la mutualisation, puis en examinant, au cours d'une seconde réunion à venir, deux aspects particuliers :
- la mutualisation dans le cadre des intercommunalités, sur le rapport de MM. Jacques Mézard et Yves Détraigne ;
- la mutualisation des moyens des conseils généraux et de leurs « satellites », sur la base de la réflexion conduite par M. Bruno Sido.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite salué la forte implication de M. Edmond Hervé qui, bien que n'ayant pas souhaité intervenir en qualité de rapporteur, avait participé à ses côtés aux auditions et fait part de ses observations, toutes pertinentes, au cours de la préparation de ce premier rapport.
Suite aux auditions auxquelles il avait procédé, M. Alain Lambert, rapporteur, a fait part de deux constats autour de la problématique générale :
- tous les interlocuteurs ont insisté sur la question préalable de la conformité de la mutualisation avec le droit communautaire, plusieurs d'entre eux ayant une position fort restrictive sur ce point ;
- l'hypothèque communautaire tend à masquer d'autres considérations fondamentales, notamment la donne managériale.
C'est donc autour de ces deux axes -hypothèque communautaire et adhésion des personnels- que M. Alain Lambert, rapporteur, a souhaité articuler sa présentation.
En ce qui concerne le premier axe, il a vu dans une interprétation trop frileuse du droit communautaire un obstacle majeur à la mutualisation qui peut agir :
- directement, lorsque l'hypothèque communautaire conduit les élus locaux à renoncer d'eux-mêmes à une telle initiative ;
- indirectement, lorsque les services de l'État mettent en garde les élus sur les contraintes communautaires.
Précisant qu'il n'appelait nullement à faire abstraction du droit communautaire, M. Alain Lambert, rapporteur, a néanmoins jugé que la portée des contraintes était souvent exagérée.
Considérant que le droit communautaire ne saurait servir de prétexte à l'attentisme politique ou à l'immobilisme juridique, il s'est élevé contre la tendance de certains de tout imputer à « Bruxelles ». Il a donc appelé à faire la part des choses entre la réalité juridique et ce qui relève de craintes ou de frilosités irraisonnées.
Il a ensuite évoqué l'évolution considérable à laquelle ont récemment donné lieu la jurisprudence de la Cour de justice et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, et s'est interrogé sur l'intégration au niveau français de cette nouvelle donne.
Il a constaté que beaucoup des personnes entendues en restaient à une analyse traditionnelle, fondée sur les « critères Teckal » (du nom de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, qui les a énoncés en 1999) selon lesquels une entreprise de mutualisation échappe au droit communautaire de la commande publique dès lors que deux conditions sont réunies (caractérisant les contrats in house) :
- l'autorité publique « adjudicatrice » doit exercer sur le prestataire un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ;
- le prestataire doit réaliser l'essentiel de son activité avec l'autorité « adjudicatrice ».
M. Alain Lambert, rapporteur, a déploré que la dialectique droit communautaire/mutualisation ne soit envisagée qu'au regard de cette approche, comme s'il n'y avait pas de salut pour celle-ci en dehors du « in house ».
S'élevant contre cette vision restrictive, il a relevé que les « critères Teckal » ne couvraient pas tous les cas de mutualisation et qu'ils étaient notamment inopérants lorsqu'il n'existait aucun lien entre les collectivités partenaires (par exemple entre un département et une région).
Il a également observé que le législateur communautaire pouvait revenir sur une jurisprudence qu'il estimait complaisante, sauf si le droit primaire fixait lui-même des limites. Il a estimé qu'une approche de la mutualisation au regard de la seule jurisprudence communautaire reviendrait donc à laisser la voie ouverte à des initiatives plus ou moins opportunes de la part de la Commission européenne. Il a ajouté qu'il était d'autant plus nécessaire de s'en prémunir que la Commission avait évoqué, avant la prise de fonctions des nouveaux commissaires, la possibilité d'une initiative tendant à revenir sur une jurisprudence qu'elle estimait trop compréhensive.
M. Alain Lambert, rapporteur, a expliqué que ces éléments l'avaient amené à examiner la possibilité de compléter l'approche de Teckal par une autre approche, qui s'y ajouterait sans s'y substituer.
Puis, il a fait part de la conclusion suivante : le droit communautaire lui-même, et en particulier les traités, exclut purement et simplement certaines activités de son champ d'application. Pour ces activités, la question des conditions dans lesquelles doit s'effectuer la mutualisation pour respecter le droit communautaire ne se pose donc pas : que les critères Teckal soient remplis ou non, la mutualisation est, par son objet même, juridiquement orthodoxe.
En particulier, M. Alain Lambert, rapporteur, a considéré qu'il était temps de prendre en compte l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui ouvre de nouvelles fenêtres pour la mutualisation. Il a notamment insisté sur la notion de services non économiques d'intérêt général, expliquant que, selon un protocole annexé au traité de Lisbonne, les États membres conservaient toute liberté pour les faire exécuter et les organiser. Les règles européennes de la concurrence ou de la commande publique sont donc inapplicables à ces services si bien que le droit national pourrait encourager leur mutualisation.
Remarquant que la notion de services non économiques d'intérêt général ouvrait probablement la voie à des mutualisations dans bien des secteurs (sécurité, sanitaire, social, culturel, sportif...), il a jugé utile que cette notion soit précisée, pour en déterminer le « champ des possibles ».
Il a annoncé que ce sujet serait l'un des axes de travail lors du déplacement à Bruxelles au début du mois de mai, avec les autres sénateurs de « l'équipe mutualisation ».
M. Alain Lambert, rapporteur, a exposé la question qu'il comptait poser à la Commission : notre droit interne ne peut-il autoriser une mutualisation sans formalisme, par simple convention et sans avoir à créer un organisme particulier, pour toutes les activités qui relèveraient des services non économiques d'intérêt général au sens du traité ?
En ce qui concerne le second axe de son intervention, à savoir la nécessaire adhésion des personnels, M. Alain Lambert, rapporteur, l'a considéré comme un préalable nécessaire à la mutualisation, et a souligné que cette recherche d'adhésion impliquait un management adapté : communication, formation, etc.
Rappelant que M. Edmond Hervé avait insisté sur cet aspect durant les auditions, il a également fait valoir que tous les cas de mutualisation réussie cités avaient donné lieu à une démarche d'accompagnement et avaient mené à une amélioration de la situation financière des personnes concernées. Il en a conclu que la mutualisation, source d'économies à moyen terme, pouvait s'accompagner de dépenses supplémentaires à court terme. Il y a vu un frein majeur, puisque des élus qui s'engageaient dans une telle initiative, même à un stade précoce de leur mandat, pouvaient difficilement, compte tenu du cycle électoral, bénéficier de marges de manoeuvre en fin de mandat.
Puis, M. Alain Lambert, rapporteur, a invité les membres de la délégation à soumettre toute idée qui faciliterait, encouragerait, voire contraindrait à la mutualisation. Il a déclaré, à ce propos, n'être pas favorable, à titre personnel, à une mutualisation contrainte, même si cette idée était parfois avancée, et s'est dit convaincu que les débats de ce jour nourriraient utilement les travaux à venir, sur lesquels ses collègues étaient appelés à prendre son relais.
M. Edmond Hervé a vu dans la mutualisation un thème consensuel, mais d'une grande complexité. Il a considéré que toute avancée en la matière supposait un projet, du temps et de la diplomatie.
Il a indiqué à la délégation avoir formulé trois observations auprès de M. Alain Lambert, rapporteur, dont celui-ci avait effectivement tenu compte dans la présentation de son rapport :
- le fait que la mutualisation soit une initiative politique, et non administrative ;
- le fait qu'elle se présente avant tout comme un moyen d'optimiser la dépense publique locale, sa raison d'être première ne consistant pas à réduire celle-ci, mais à la rendre plus efficace ;
- le fait qu'il n'avait jamais été démontré que les collectivités locales avaient, comme on a pu les en accuser, conduit des politiques inflationnistes pour les dépenses publiques. Il a notamment insisté sur l'obligation pour les collectivités de mettre en place de nouvelles structures dans le domaine social, par exemple des services d'insertion ou des missions locales, et jugé impossible de comparer ceux-ci avec les services classiques d'état civil.
M. Edmond Hervé a ensuite mis l'accent, à côté de la recherche d'efficacité, sur l'impératif de sécurité juridique. Il a jugé indispensable de prévenir les risques de contentieux, tant à l'égard des personnels qu'à l'égard des autorités publiques. Sur ce second point, il s'est réjoui de l'initiative prise par M. Alain Lambert, rapporteur, d'organiser des réunions auprès de responsables de la Commission européenne pour éclairer la délégation. Il a approuvé l'interprétation du traité de Lisbonne donnée par le rapporteur, jugeant indispensable que le Gouvernement se situe sur la même longueur d'ondes et se départisse de ses réserves à l'égard du droit communautaire pour accompagner et soutenir les initiatives des autorités locales en matière de mutualisation.
Évoquant le rôle des départements, il a vu dans la solidarité sociale et la solidarité territoriale leurs deux missions fondamentales. Sur ce point, il a jugé que la réforme des services déconcentrés de l'Etat présentait de graves lacunes pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui, a l'exception des plus peuplés, n'auront jamais la capacité, indépendamment de la mutualisation, de se doter de certains « services experts » pour jouer leur rôle de maîtrise d'ouvrage. Il a en conséquence estimé que, au nom de la solidarité territoriale, les départements devaient, en liaison avec la région, l'État et les grandes communautés, pouvoir mettre en place des services d'expertise, d'accompagnement et de soutien des petites collectivités, tout particulièrement dans trois domaines : fiscalité et finances, environnement et urbanisme.
M. Edmond Hervé a ensuite mis l'accent sur la réforme des chambres régionales des comptes. Les qualifiant de garants de la sécurité juridique à l'égard des responsables locaux, il estimé que ceux-ci avaient donc un grand besoin de leurs compétences en matière de contrôle de gestion. Se déclarant attaché à l'évaluation, il a estimé que le souci de développer le rôle des chambres régionales des comptes sur ce point ne saurait se faire aux dépens de leur mission essentielle et fort précieuse de contrôle de gestion. Il a mis en avant le lien entre cette considération et la problématique de la mutualisation, dans la mesure où la suppression de cette mission des chambres régionales des comptes serait inéluctablement compensée par la création de certains services.
M. Bruno Sido a fait part de son expérience de président de conseil général et des initiatives qu'il avait prises à ce titre au niveau de son département. Tout en mettant en garde contre une généralisation hâtive, dans la mesure où il fallait notamment tenir compte des différences de taille et de moyens entre les départements, il a estimé que certains organismes étaient de taille souvent trop réduite pour rendre dans de bonnes conditions tous les services que la population serait en droit d'attendre. Prenant l'exemple des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), il a indiqué que celui de la Haute-Marne n'avait pas de services supports (financiers, ressources humaines, informatique...) suffisamment étoffés au regard des missions qui sont les siennes, alors que le conseil général pourrait fort bien le faire bénéficier de l'expertise dont il dispose. Il a fait part de son intention de déposer, à l'occasion de l'examen du futur projet de loi sur les compétences des collectivités territoriales, des amendements tendant à faciliter la mutualisation des services supports entre les départements et les SDIS, sur le modèle de ce que le Parlement a décidé, sur sa proposition, à propos de l'entretien des véhicules lors du vote de la loi sur les transferts des parcs d'équipement aux départements.
Il a également fait sien l'objectif de sécurité juridique, mis en avant par M. Edmond Hervé. Considérant que la recherche d'économies n'était pas forcément l'ambition première d'une entreprise de mutualisation, il a souligné qu'elle pouvait néanmoins avoir aussi ce résultat, particulièrement appréciable dans le contexte actuel.
M. Bruno Sido a conclu son propos en relevant la grande actualité du sujet de la mutualisation, à laquelle, selon lui, le Gouvernement attache également la plus grande importance.
M. Pierre-Yves Collombat a déploré que la logique de la concurrence figure au coeur de la construction européenne. Il s'est en conséquence interrogé sur la portée effective de la notion de service non économique d'intérêt général, redoutant une interprétation qui la réduirait quasiment à néant, dans la mesure où toute activité est susceptible d'être qualifiée d'économique. Il a jugé particulièrement difficile, mais nécessaire, de revenir sur le credo de la concurrence afin que la mutualisation contribue à optimiser les dépenses publiques et à apporter des réponses aux collectivités territoriales soumises à de plus en plus d'obligations, par exemple en matière d'ingénierie publique.
Mme Marie-France Beaufils a rejoint M. Edmond Hervé sur la nécessité d'inscrire la mutualisation dans le cadre d'un projet, et sur le fait qu'elle ne saurait être présentée comme un instrument d'économies. L'essentiel, a-t-elle estimé, n'est pas de réduire la dépense publique, mais de répondre efficacement aux besoins de la population en matière de services publics. A cet égard, la mutualisation peut peut-être contribuer à apporter des réponses, mais certainement pas dans tout les cas. Elle a, en conséquence, mis en garde contre la tentation de tout vouloir mutualiser.
Elle a fait part de ses interrogations sur l'approche juridique proposée par le rapport, considérant que le traité de Lisbonne reposait sur une logique fortement concurrentielle et qu'un accord était nécessaire au niveau européen pour revenir sur certains éléments de la « directive services ». Elle a donc émis des doutes sur la possibilité de sécuriser juridiquement la mutualisation par des mesures purement nationales.
M. Alain Lambert, rapporteur, a fait valoir que, au niveau de l'État, de la protection sociale ou des collectivités territoriales, chaque acteur s'efforçait de démontrer son absence de responsabilité dans l'immense déficit des comptes publics. Il en a déduit que les critiques adressées sur l'attitude soi-disant dispendieuse des collectivités territoriales tenaient plus à des considérations d'opportunité qu'à des considérations idéologiques, auxquelles échappait le débat sur la mutualisation. Illustrant son propos par l'impact attendu du vieillissement sur les comptes publics, qu'il a qualifié de considérable, il a considéré que l'accent devait être mis sur sa maîtrise, et non sur sa réduction, jugée impossible. Cette maîtrise de la dépense publique est donc l'enjeu principal de la mutualisation, l'objectif essentiel n'étant pas de faire des économies, mais de maintenir un haut standard de prestations.
A l'appui du point de vue de M. Edmond Hervé sur l'importance du département en tant que cadre de mise en oeuvre de la solidarité territoriale, il a considéré que ce rôle conduirait ce niveau de collectivité à engager des moyens supplémentaires pour venir en aide à des collectivités ou intercommunalités dont la taille ne permet pas de garantir un niveau de service attendu par les habitants.
M. Alain Lambert, rapporteur, a également mis l'accent sur l'extrême mobilité qui est aujourd'hui celle des populations, habituées à travailler, à consommer, à vivre, à prendre des loisirs dans des lieux différents. Il y a vu un élément de nature à élargir le champ de responsabilité collective des responsables locaux, à laquelle devait s'adapter le droit en favorisant également une gestion élargie des services. Il a appelé à une adaptation du droit qui, dans le respect des engagements internationaux de la France, faciliterait la gestion par le résultat. Il a estimé que la mise en place de ces outils, à laquelle il avait souhaité inviter la délégation à réfléchir, était déconnectée de toute considération d'ordre idéologique et guidée avant tout par la recherche de l'efficacité, conformément aux attentes des citoyens.
M. Philippe Dallier a insisté sur les grandes difficultés auxquelles se heurtent ou vont se heurter les collectivités locales, dès lors que l'augmentation de leurs dépenses paraît inéluctable et que leurs recettes risquent de diminuer. Il a vu dans la mutualisation un moyen de réaliser des économies, soulignant que cette notion ne signifiait pas pour autant réduction des dépenses : la réalisation d'économies grâce à la mutualisation peut notamment permettre des redéploiements sur certaines politiques ou aider les collectivités à faire face à des dépenses en augmentation, par exemple dans le domaine social.
Il s'est déclaré conscient de la nécessité d'accompagner les entreprises de mutualisation, en particulier pour prendre en compte les inquiétudes qu'elles peuvent susciter chez les personnels concernés.
Ayant été témoin d'une initiative ambitieuse de mutualisation qui avait été mise en sommeil du fait des incertitudes liées au droit communautaire, il s'est réjoui du travail du rapporteur, qui lui a paru de nature à éclairer fort utilement les décideurs locaux sur la portée réelle des contraintes juridiques.
M. Jacques Mézard a rejoint le rapporteur sur l'évolution très positive de la jurisprudence communautaire au cours des derniers mois.
Il a souligné la diversité des formes susceptibles d'être prises par la mutualisation, considérant, à titre d'illustration, que l'intercommunalité était une manière d'y parvenir, à condition toutefois de respecter les exigences légales, à savoir accompagner tout transfert de compétences du transfert des services correspondants. Il a même estimé que l'intercommunalité devrait être le premier mode de mutualisation.
Évoquant la mutualisation verticale, en particulier au sein d'une intercommunalité, il a estimé que l'on ne pouvait considérer l'EPCI comme étant sous le contrôle des communes et, inversement, qu'il était inconcevable, ne serait-ce que pour des raisons constitutionnelles, de considérer les communes comme étant sous le contrôle de l'EPCI.
M. Jacques Mézard a également fait état du lien très fort entre le débat sur la mutualisation et la réforme des collectivités territoriales. Il a ainsi considéré que la spécialisation des compétences entre les différents niveaux aurait forcément des interactions sur la manière d'appréhender la mutualisation, et appelé le législateur à faire montre de cohérence au moment de ses décisions.
Il a, en outre, estimé que tout ne pouvait être mutualisé et que la mutualisation devait d'abord être conçue comme un outil de meilleure gestion, porteur de prestations améliorées pour les citoyens, en particulier dans les collectivités à faibles moyens.
M. Yves Daudigny a distingué le niveau de l'action publique de celui des moyens de sa mise en oeuvre :
- au premier niveau, se pose la question de savoir si l'on admet l'intervention des collectivités locales et de l'Etat pour la mise en place de services aux citoyens ou, au contraire, si l'on opte pour une logique de services mis en oeuvre par le secteur concurrentiel et par le secteur marchand. Il s'agit d'une question largement idéologique, sur laquelle les avis diffèrent et évoluent difficilement ;
- en revanche, au niveau des moyens permettant de mettre en oeuvre une action publique, il ne devrait pas y avoir de tabou, chacun devant être prêt à examiner toute évolution de nature à rendre l'action publique plus efficace. A cet égard, la mutualisation peut être une perspective intéressante, même si elle ne constitue pas une nouveauté, bien des initiatives ayant déjà été prises en ce domaine.
Il a, par ailleurs, souhaité savoir si la réflexion de la délégation porterait également sur la mutualisation des moyens entre une collectivité territoriale et un groupement d'intérêt public (GIP), par exemple entre un département et une maison départementale des personnes handicapées.
M. Edmond Hervé s'est déclaré favorable à la maîtrise de la dépense publique, à condition qu'elle ne soit pas conçue comme un objectif purement arithmétique. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de faire confiance aux élus locaux et de s'en remettre à une mise en oeuvre conventionnelle de la mutualisation plutôt que de chercher à tout régir par la loi.
M. Alain Lambert, rapporteur, a approuvé cette observation.
Il a indiqué à M. Yves Daudigny que la question de l'articulation des moyens des collectivités territoriales avec ceux des GIP entrait dans le cadre de la réflexion confiée à M. Bruno Sido. Il a mis en avant l'importance du rôle d'information et d'éclairage juridique que la délégation pouvait jouer auprès des élus locaux, soulignant que les renseignements qu'elle fournirait aux collectivités territoriales contribueraient à la réputation du Sénat.
M. Pierre-Yves Collombat s'est appuyé sur son expérience de maire pour témoigner de l'existence d'entreprises de mutualisation réussies et a proposé que la délégation fournisse des illustrations concrètes d'initiatives couronnées de succès.
M. Bruno Sido a indiqué que la loi française elle-même, telle qu'elle est actuellement rédigée, constituait souvent un obstacle à la mutualisation et qu'il convenait de l'adapter, à la lumière notamment de la nouvelle donne communautaire.