Mercredi 31 mars 2010
- Présidence de M. Jacques Legendre, président, puis de Mme Béatrice Descamps, secrétaire -Audition de M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV)
La commission a procédé à l'audition de M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV).
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a tout d'abord indiqué que l'industrie du jeu vidéo représente cinq mille emplois en France, non seulement dans une grande entreprise comme Ubisoft, mais également dans de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) de dix à quinze salariés, réparties sur l'ensemble du territoire et notamment à Roubaix, Annecy, Bordeaux ou Montpellier.
Puis il a expliqué que ce succès tient à l'engouement de nos compatriotes pour les jeux vidéo puisque la France compte 22 millions d'adeptes de ce loisir, dont 40 % de femmes, la moyenne d'âge des joueurs étant de 33 ans.
Il a observé, ensuite, que ce secteur est international et structurellement exportateur à la différence des autres industries culturelles. Les jeux français sont exportés pour moitié vers les Etats-Unis d'Amérique et pour un tiers vers le continent asiatique.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a fait valoir que le secteur du jeu vidéo constitue un véritable creuset de créativité associant de multiples industries culturelles connexes. En particulier, l'essor des univers créatifs et virtuels sur Internet a conduit la production de jeu vidéo à faire de plus en plus appel au monde de l'animation et à puiser son inspiration dans la bande dessinée ou encore le roman.
Pourtant, après s'être hissée au cinquième rang mondial des producteurs de jeux vidéo il y a trois ans, la France occupe désormais la septième place. En l'espace de dix ans, le secteur a perdu la moitié de ses salariés, notamment du fait de leur expatriation vers le Canada.
En effet, le Canada -et en particulier le Québec- déploie des efforts financiers significatifs pour encourager les entreprises étrangères de jeu vidéo à s'implanter sur son territoire. La proximité culturelle avec la France favorise, du reste, le développement des investissements des grandes entreprises françaises comme Ubisoft à Montréal, où ce secteur occupe aujourd'hui près de 12 500 salariés.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) a cependant estimé que la situation du jeu video n'est pas catastrophique et que de nombreux projets fleurissent encore en France.
La mise en oeuvre d'un crédit d'impôt en faveur de la production de jeu vidéo a été accueillie très positivement par les entreprises qui y ont vu un moyen indispensable d'entretenir leur compétitivité sur le marché mondial. Outre le Canada, la France doit faire face à la concurrence significative du continent asiatique, notamment de la Corée du Sud et de la Chine, pays qui attirent de plus en plus de jeunes talents français intéressés par des métiers de pointe rémunérés à des conditions très avantageuses.
La France dispose encore aujourd'hui d'acteurs industriels de premier plan dans le domaine du jeu vidéo, avec des fleurons mondiaux tels que Vivendi et Ubisoft. Toutefois, il convient également de tenir compte de la situation d'un vaste terreau de petites et moyennes entreprises qui ne demandent qu'à devenir prospères et à créer des emplois. En outre, il est indispensable de réfléchir aux moyens de développer et consolider une véritable spécificité française et européenne dans le secteur du jeu vidéo.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a indiqué que les aides consenties par le Québec en faveur de la production de jeu vidéo en l'espace de dix ans représentent près de 350 millions d'euros. La classe politique québécoise s'accorde à envisager un effort financier encore massif dans ce secteur pour les cinq prochaines années, de l'ordre de 700 millions d'euros, afin de permettre l'implantation de sociétés étrangères ou la création d'entreprises à Montréal.
Le Canada dispose de quatre grands pôles de compétitivité urbains de développement du jeu vidéo. En particulier, la ville de Toronto s'est illustrée en débloquant récemment une enveloppe de 198 millions d'euros pour accompagner l'installation d'un nouveau studio d'Ubisoft. À titre de comparaison, le crédit d'impôt français a atteint en 2008 34 millions d'euros et huit millions d'euros en 2009.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), s'est néanmoins réjoui de la qualité de la formation dispensée en France en matière de jeu vidéo et de multimédia interactif, incarnée notamment par l'école des Gobelins. Le parcours de formation est suffisamment généraliste et transversal pour englober des cours dans les domaines du son, de l'image et de la créativité culturelle, ce qui permet au secteur français de disposer d'une main d'oeuvre très polyvalente.
Il a insisté, en outre, sur le fait que la filière du jeu vidéo se caractérisait par un véritable changement de modèle économique. En effet, l'essor de l'Internet à haut débit a significativement changé la donne avec le développement du paiement à la demande dans le cadre de la dématérialisation des contenus audiovisuels. Or, le secteur du jeu vidéo se caractérise déjà par un modèle économique, appelé « Frimium », particulièrement adapté à la dématérialisation de contenus multimédias interactifs. Le Web ne constitue donc pas une rupture pour la filière du jeu vidéo, à la différence d'autres supports audiovisuels de narration pure, mais bien une véritable opportunité de développement. L'enjeu réside désormais dans l'émergence de géants mondiaux français dans le domaine du jeu vidéo en ligne.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a ajouté que l'essor du jeu vidéo en ligne avait conduit à une recherche accrue de produits originaux et de créativité. Or, la France dispose d'une main d'oeuvre excellemment formée et très prisée à ce niveau.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a souligné que, malgré la crise économique, le marché dématérialisé du jeu vidéo avait créé de la matière et des emplois, à la différence du jeu « physique » traditionnellement vendu en magasin.
Le secteur français du jeu vidéo a vocation à prospérer en France car les pratiques culturelles performantes continueront à s'y développer, dans un environnement créatif porteur mais également sécurisé. Le Syndicat national du jeu vidéo a notamment pour objectif d'éduquer et d'informer les producteurs et les publics des bonnes pratiques, comme la labellisation et la classification.
M. Jacques Legendre, président, a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution souhaitée du crédit d'impôt en faveur de la création de jeux vidéo.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a indiqué que ce crédit d'impôt a été mis en place sur la base de ce qu'était le jeu vidéo, il y a quelques années, à savoir un produit vendu sur support physique, alors qu'il est désormais de plus en plus produit et commercialisé sous forme dématérialisée, directement en ligne. Il serait donc souhaitable d'une part, d'abaisser le seuil des dépenses éligibles au crédit d'impôt de 150 000 à 100 000 euros et, d'autre part, de moduler la notion de date de commercialisation, afin de redonner vigueur et efficacité au dispositif dans le contexte de changement de modèle économique.
Mme Béatrice Descamps a tout d'abord évoqué le grand intérêt qu'elle portait à la pratique, seule ou en famille, du jeu vidéo. Elle a ensuite souhaité connaitre les raisons de la qualité de l'expertise française dans ce secteur.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a expliqué que la créativité du secteur du jeu vidéo était portée par l'excellence technique des formations supérieures généralistes, à l'instar de la créativité des bureaux d'études de technologie. Il a également relevé la grande capacité à mener des projets complexes de manière transversale et en équipe.
Après avoir souligné l'excellence française en matière de jeu vidéo, M. Jean-Pierre Leleux est revenu sur le crédit d'impôt et a souhaité une nouvelle réflexion sur ce dispositif. Il a ensuite demandé des précisions sur les questions de propriété intellectuelle, de contrefaçon et de dépôt légal dans ce nouveau modèle économique.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a jugé nécessaire de poursuivre la réflexion sur le seuil des dépenses éligibles au crédit d'impôt et sur des modes de financement proches de ceux de la production audiovisuelle. Il a regretté que la définition juridique du jeu vidéo soit encore floue et les jurisprudences contradictoires, malgré plus de trente années d'existence. Il a ensuite souligné que le secteur du jeu vidéo était caractérisé par un pacte social robuste bâti autour de l'entreprise.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a estimé que les entreprises françaises de jeu vidéo se trouvaient en situation d'insécurité juridique et donc, par conséquent, d'insécurité économique vis à vis de leurs partenaires internationaux.
M. Jacques Legendre, président, s'est interrogé sur la réelle possibilité d'apporter des aides comme celles existant au Canada dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
M. Jean-Claude Etienne a expliqué que les aides publiques canadiennes étaient largement complétées par des participations privées du monde de l'industrie sous forme de partenariat public-privé.
M. Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a souhaité que la simplicité des mécanismes de financement canadiens puisse servir d'exemple pour soutenir l'énergie des entrepreneurs français à créer et exporter, soulignant l'importance du partenariat public-privé. Il s'est dit mobilisé pour travailler avec les parlementaires sur le statut juridique du jeu vidéo.