- Mercredi 24 mars 2010
- Communication
- Protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et transposition de la directive services - Examen des amendements
- Interdiction du Bisphénol A dans les plastiques alimentaires - Examen des amendements
- Mission d'information Californie - Communication
- Désignation de sénateurs
- Nomination d'un rapporteur pour avis
Mercredi 24 mars 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Communication
Avant d'aborder l'ordre du jour de la réunion, Mme Muguette Dini, présidente, a fait part à la commission du décès, le 15 mars dernier, de la sénatrice Jacqueline Chevé, élue des Côtes d'Armor, que la maladie avait tenue éloignée du Sénat depuis janvier 2009 mais qui avait très courageusement participé à nouveau à ses travaux juste avant l'interruption de la session, notamment au sein de la mission « mal-être au travail ».
Elle a indiqué avoir présenté, au nom de la commission, ses sincères condoléances à la famille, lors des obsèques qui ont eu lieu vendredi dernier, et a dit aux membres du groupe socialiste toute sa sympathie et son amitié à l'occasion de la perte qui les a frappés.
Elle a ensuite accueilli Jean-Louis Lorrain, précédemment membre de la commission jusqu'en septembre 2004, et redevenu sénateur du Haut-Rhin à la suite de la désignation, au Conseil constitutionnel, d'Hubert Haenel.
M. Jean-Louis Lorrain s'est déclaré très heureux de l'accueil chaleureux qui lui a été réservé et de la faculté qui lui a été donnée de réintégrer la commission en charge des questions qui l'intéressent tout particulièrement.
Mme Raymonde Le Texier a confirmé la peine ressentie par le groupe socialiste à la suite de la disparition de Jacqueline Chevé et a regretté que la maladie n'ait pas permis à ses collègues de connaître sa personnalité lumineuse, son caractère énergique et ses grandes qualités humaines.
M. Nicolas About a dit aussi toute sa tristesse et l'attachement qu'il portait à Jacqueline Chevé.
Protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et transposition de la directive services - Examen des amendements
La commission devait procéder à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 193 (2009-2010), présentée par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative à la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services dont Mme Annie Jarraud-Vergnolle est le rapporteur.
Aucun amendement n'a été déposé sur ce texte.
Interdiction du Bisphénol A dans les plastiques alimentaires - Examen des amendements
La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Gérard Dériot, à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 595 (2008-2009), présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, tendant à interdire le Bisphénol A (BPA) dans les plastiques alimentaires.
M. Gérard Dériot, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la commission s'est déclarée défavorable à l'adoption, en l'état, de l'article unique du texte proposé, notamment en raison de son champ d'application extrêmement vaste, qui pourrait laisser craindre qu'on commercialise, comme substituts, des molécules qui n'auraient pas été elles-mêmes suffisamment évaluées.
Pour autant, il ne semble pas légitime de balayer d'un revers de main l'ensemble des études scientifiques récemment publiées sur cette question et les inquiétudes qu'elles ont soulevées, même si elles sont encore en débat. Or, elles tendent à désigner les nouveau-nés comme une population particulièrement à risque et le chauffage intense du produit comme un facteur aggravant.
La commission a alors examiné deux amendements présentés par son rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur, a justifié l'intérêt d'une mesure temporaire de suspension de la commercialisation des biberons fabriqués à partir de BPA par le fait que, étant susceptibles d'être chauffés, ils présentent un risque potentiel de dissémination dans les aliments destinés aux bébés. La suspension qu'il propose serait effective jusqu'à ce que l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) adopte un avis motivé, au regard de la nouvelle méthodologie d'évaluation sur laquelle elle a commencé de travailler. Cette mesure constituerait un point d'équilibre entre une nécessaire prudence et les réalités scientifiques et économiques. Les industriels fabriquant des biberons ont déjà développé des gammes de produits sans BPA ; il ne semble donc pas y avoir de risque de rupture d'approvisionnement, qui pourrait être extrêmement dommageable pour les consommateurs.
Mme Catherine Procaccia a demandé des précisions sur l'étendue de la présence du BPA dans les plastiques alimentaires.
M. Gérard Dériot, rapporteur, a indiqué que cette molécule, qui fait partie des perturbateurs endocriniens, est utilisée depuis plus de quarante ans dans de très nombreux produits de la vie quotidienne, au travers soit du polycarbonate, soit des résines époxydes : bouteilles, emballages, canettes, boîtes de conserve etc. Il n'y aurait pas de danger immédiat en cas d'utilisation normale des matériaux, mais les études ont montré un facteur d'aggravation du risque, en cas de chauffage à température élevée. En outre, les adultes éliminent plus facilement ces perturbateurs endocriniens de leur organisme, alors que les bébés y sont plus sensibles en raison de l'immaturité de développement de leur système hormonal.
Mme Françoise Henneron a signalé l'utilisation, à destination des enfants en bas âge, d'autres formes de plastiques que le biberon, notamment certains récipients, qui peuvent parfois être également réchauffés.
M. Nicolas About a rappelé les conclusions de certaines études scientifiques, mentionnées dans le dernier avis de l'Afssa, selon lesquelles le BPA est également présent dans le lait maternel, en plus grande quantité que dans le lait maternisé préparé en biberon. Par ailleurs, ne devrait-on pas considérer que l'interdiction du BPA relève davantage du pouvoir réglementaire que de la loi, et le faire valoir en application de dispositions de la Constitution malheureusement trop peu usitées ?
Mme Annie David a souhaité savoir si le Canada a effectivement interdit les biberons fabriqués à base de BPA.
M. Gérard Dériot, rapporteur, a répondu que si le gouvernement canadien a bien présenté un projet de règlement visant à interdire les biberons en polycarbonate, celui-ci n'a jamais été adopté formellement, cette annonce ayant plutôt servi à faire pression sur les industriels pour qu'ils développent de nouvelles gammes de produits. Par ailleurs, il est nécessaire que les gouvernements financent des campagnes de communication, pour expliquer les bonnes pratiques d'utilisation de certains produits, notamment aux femmes enceintes et aux jeunes parents.
Mme Muguette Dini, présidente, a mis en avant le caractère équilibré d'une mesure temporaire de suspension des biberons fabriqués à base de BPA, qui répond aux dernières données scientifiques, dans l'attente de la publication des travaux en cours.
A la question de Mme Catherine Procaccia sur le thème de la saisine, par la commission, de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, M. Gérard Dériot, rapporteur, a répondu que l'étude devra porter sur l'impact sanitaire des perturbateurs endocriniens dans leur ensemble, sans se limiter au BPA.
La commission a ensuite examiné les autres amendements déposés sur le texte.
M. Gérard Dériot, rapporteur, a précisé que cet amendement tend à interdire tous les plastiques alimentaires à destination des enfants en bas âge et non seulement ceux contenant du BPA. Cette extension importante du champ d'application de la mesure ne correspond pas aux données scientifiques connues.
M. Guy Fischer en est convenu et a annoncé qu'il rectifiera l'amendement pour ne viser que les plastiques alimentaires contenant du BPA et à destination des enfants en bas âge.
Mme Catherine Procaccia a souligné l'absence de définition de la tranche d'âge envisagée par l'amendement.
Présentant les quatre amendements du groupe socialiste, M. Gérard Dériot, rapporteur, a signalé l'absence de définition des termes utilisés : que recouvrent le matériel médical et celui de puériculture ? Aucune précision n'étant apportée, le champ potentiel d'application est extrêmement vaste. Or, il semblerait que certains dispositifs médicaux, qui répondent à des normes prudentielles encore plus élevées que celles applicables aux matériaux en contact avec les aliments, peuvent contenir du polycarbonate, et donc du BPA : sondes, ampoules, composants d'appareils d'oxygénation ou de dialyse. En revanche, les prothèses sont le plus souvent métalliques et, quand elles sont en plastique, ce n'est pas le polycarbonate qui est utilisé, notamment pour des questions de stérilisation.
Au regard de cette diversité d'utilisation, une interdiction totale du BPA dans le secteur médical entraînerait des difficultés d'approvisionnement et de sécurité encore plus importantes que pour les plastiques alimentaires car son utilisation s'explique par ses caractéristiques techniques particulières. Trouver un substitut présentant des propriétés équivalentes serait donc indispensable, si bien qu'une mesure d'interdiction très large, outre sa justification scientifique peu fondée, nécessiterait du temps et demanderait une évaluation tout aussi poussée que celle faite sur le BPA.
Mme Patricia Schillinger, en accord avec ces remarques, a cependant fait valoir la fragilité des populations accueillies dans les hôpitaux et leur particulière sensibilité à ces perturbateurs endocriniens. C'est, par exemple, le cas des prématurés dans les services de néonatalité, voire de réanimation.
M. Alain Vasselle a établi un parallèle avec les dispositions adoptées dans le cadre du Grenelle de l'environnement, qui prévoient l'application générale d'un principe de substitution des molécules dangereuses dans le domaine des produits phytosanitaires. En ce qui concerne les plastiques alimentaires et le BPA, les inconvénients, voire les dangers, d'une interdiction complète pourraient être nettement supérieurs aux avantages intrinsèques des polycarbonates.
M. Gérard Dériot, rapporteur, a également mentionné le risque de toxicité des produits de substitution et la nécessité d'une évaluation attentive. De plus, il est important de surveiller particulièrement le matériel utilisé dans le secteur médical. En tout état de cause, de nombreuses études scientifiques sont en cours de réalisation dans l'ensemble des pays industrialisés ; il convient donc, d'une part, de prendre une première mesure de précaution ciblée au regard des données actuelles, d'autre part, de continuer de suivre attentivement cette question pour pouvoir réagir si le besoin s'en fait sentir.
Mission d'information Californie - Communication
Puis la commission a entendu une communication sur la réforme du système de santé aux Etats Unis présentée par M. Alain Vasselle au nom de la mission d'information effectuée en Californie.
M. Alain Vasselle a rappelé qu'une délégation de la commission a effectué un déplacement en Californie, du 10 au 18 septembre 2009, pour y étudier la réforme du système de santé voulue par l'administration Obama. Cette délégation s'est d'abord rendue à Sacramento, puis à San Francisco et à Los Angeles où elle a rencontré de nombreux interlocuteurs.
L'assurance maladie aux Etats-Unis peut être décrite comme un système mixte, dans la mesure où elle relève pour partie du secteur privé, pour partie du secteur public :
- un Américain sur deux est assuré dans le cadre d'un contrat de groupe proposé, et largement financé, par son employeur ;
- 4 % de la population souscrivent une assurance individuelle, dont ils assument totalement le coût ;
- les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans sont couvertes par le programme public Medicare, qui est exclusivement financé par l'Etat fédéral ;
- enfin, quarante-cinq millions d'Américains disposant de faibles revenus sont couverts par le programme public Medicaid, qui est cofinancé par l'Etat fédéral et par les Etats fédérés, et dont l'organisation varie selon les territoires.
Depuis 1997, Medicaid est complété par le programme CHIP (Children's health insurance program), qui couvre près de cinq millions d'enfants dont les parents ne sont pas éligibles à Medicaid mais qui sont trop pauvres pour souscrire une assurance privée.
Ce faisant, le système laisse de côté environ quarante-cinq millions de personnes, soit 15 % de la population, qui ne disposent d'aucune assurance maladie. Si les personnes non assurées peuvent obtenir des soins d'urgence dans les hôpitaux ou s'adresser à des structures caritatives, elles subissent néanmoins un accès restreint au système de santé et peuvent se retrouver dans une situation financière délicate en cas de maladie.
Le système d'assurance maladie en vigueur en Californie présente un certain nombre de spécificités :
- comme les autres Etats, la Californie a décliné sur son territoire les programmes fédéraux Medicaid et CHIP. Elle est même allée au-delà des exigences de la législation fédérale en créant, dès 1998, le programme Healthy Kids, qui vise à garantir que tous les enfants de zéro à cinq ans disposent d'une assurance maladie. Ce programme, administré par les comtés, est financé par une taxe sur les cigarettes. Une trentaine de comtés, sur les cinquante-huit que compte la Californie, ont d'ailleurs pris des mesures complémentaires pour assurer tous les enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans ;
- le comté de San Francisco est encore plus protecteur que le reste de la Californie grâce à son programme Healthy San Francisco, qui garantit l'accès aux soins de tous ses résidents, y compris ceux en situation irrégulière. En échange d'une contribution modeste, les personnes dépourvues d'assurance sont inscrites auprès d'une maison de santé qui leur fournit les soins de base et les oriente, le cas échéant, vers des spécialistes.
Puis M. Alain Vasselle a présenté la réforme adoptée, voici quelques jours, par le Congrès des Etats-Unis. Le président Obama en a fixé les grandes orientations puis a laissé une grande liberté aux parlementaires pour l'élaborer. La Chambre des Représentants et le Sénat ont d'abord établi des projets concurrents. C'est finalement le projet sénatorial qui a prévalu : voté par la chambre haute le 24 décembre 2009, il a été approuvé, dans les mêmes termes, le 21 mars dernier, par la Chambre des Représentants. Le projet sénatorial s'est imposé non pas nécessairement pour ses qualités intrinsèques mais plutôt pour des raisons politiques : l'élection sénatoriale partielle qui s'est produite au mois de janvier a fait perdre au Parti démocrate la majorité qualifiée qui lui était nécessaire pour mettre un terme aux tentatives d'obstruction de l'opposition. Pour éviter l'enlisement, il est donc apparu que la seule solution consistait à faire approuver, sans modification, le projet sénatorial par la Chambre des Représentants.
A la différence de celui de la Chambre des Représentants, le projet sénatorial ne prévoit pas de créer un régime d'assurance public mais veut favoriser la constitution d'assureurs à statut coopératif et à but non lucratif, dont la présence sur le marché devrait encourager la baisse des prix. Il s'organise autour de trois axes majeurs :
- d'abord, mieux réglementer le marché de l'assurance, en interdisant certaines pratiques jugées abusives et en facilitant la comparaison des tarifs entre les polices d'assurance ;
- ensuite, imposer de nouvelles obligations : les entreprises, sauf les plus petites, devront proposer un contrat de groupe à leurs salariés ; à défaut, elles s'acquitteront d'une pénalité ; les particuliers qui ne sont pas couverts par un contrat de groupe auront l'obligation de souscrire une assurance individuelle ; une aide, dégressive en fonction du revenu, leur sera versée pour leur permettre de faire face à cette dépense ;
- enfin, étendre les programmes Medicare et Medicaid pour couvrir un plus grand nombre d'Américains et améliorer le niveau des remboursements.
La mise en oeuvre de cette réforme devrait permettre de couvrir 94 % de la population résidente de moins de soixante-cinq ans en situation régulière sur le sol américain, soit 32 millions de personnes supplémentaires.
Son coût brut est évalué à 850 milliards de dollars sur dix ans. Il serait compensé par des mesures d'économies et par des hausses d'impôts, frappant surtout les compagnies d'assurance et les laboratoires pharmaceutiques, de sorte que la réforme devrait, au total, réduire le déficit budgétaire de 130 milliards au cours des dix prochaines années.
M. Alain Vasselle a ensuite présenté l'organisation du système de soins aux Etats-Unis. Plusieurs études suggèrent que les dépenses de santé pourraient être réduites de 30 % aux Etats-Unis sans diminuer la qualité des soins. La réforme qui vient d'être votée par le Congrès vise à améliorer l'efficacité du système de soins pour affecter les économies ainsi réalisées à l'extension de l'assurance maladie.
Les Etats-Unis sont le pays qui dépense le plus pour la santé : 16 % du Pib contre 11 % en France. En regard, les résultats obtenus en matière de santé publique apparaissent médiocres : le taux de mortalité infantile est, par exemple, deux fois plus élevé aux Etats-Unis qu'en France et les Etats-Unis se classent seulement au 34e rang mondial pour l'espérance de vie. Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer cette situation :
- d'abord, l'accès à la santé est inégalitaire : les personnes non assurées se soignent mal et se rendent dans les services d'urgence lorsque leur état de santé est déjà dégradé, ce qui occasionne des coûts importants ;
- ensuite, le marché de l'assurance est très concentré en de nombreux points du territoire américain, ce qui limite la concurrence et ne favorise pas la baisse des prix ;
- le niveau des honoraires médicaux est plus élevé aux Etats-Unis que dans les autres pays développés, notamment pour deux raisons : les futurs médecins s'endettent pour financer leurs études et doivent ensuite rembourser une fois qu'ils sont installés ; ils doivent aussi s'assurer contre le risque d'erreur médicale dans un pays où les procès sont fréquents ;
- pour se prémunir contre le risque d'erreur médicale, les médecins ont tendance à pratiquer une médecine « défensive » : ils multiplient les examens, dont beaucoup se révèlent finalement inutiles, pour qu'on ne puisse pas leur reprocher d'avoir été négligents ;
- enfin, le paiement à l'acte peut être un facteur supplémentaire d'accroissement des dépenses, puisque le revenu des médecins dépend du nombre d'actes accomplis.
Un modèle est souvent cité en exemple, en matière de maîtrise des dépenses : celui de Kaiser Permanente, société dont le siège est basé à Oakland. Fondée en 1945, Kaiser est à la fois une compagnie d'assurance et un prestataire de soins : elle emploie ses propres médecins et dispose de ses propres hôpitaux et ses clients ont l'obligation de se faire soigner par eux. Elle met en oeuvre une politique rigoureuse de maîtrise des coûts. Les médecins qu'elle emploie ne sont pas rémunérés à l'acte mais salariés. Leur activité est évaluée tous les mois, par rapport à celle de leurs confrères et par rapport aux objectifs fixés par l'entreprise. Tous les clients disposent d'un dossier médical consultable en ligne, ce qui permet d'éviter d'effectuer des actes redondants. Enfin, 80 % des médicaments utilisés sont des génériques. Ces efforts permettent à l'entreprise de pratiquer des tarifs inférieurs de 5 à 10 % à ceux de ses concurrents, malgré des investissements importants dans son système informatique au cours des dernières années.
Le modèle Kaiser Permanente ne saurait cependant constituer une réponse à l'inflation des dépenses de santé à l'échelle des Etats-Unis : pour beaucoup d'Américains, en effet, ce système est trop contraignant et porte une atteinte excessive à la liberté de choix du médecin. La culture américaine est trop individualiste pour qu'une telle organisation se généralise.
La réforme votée par le Congrès retient donc des solutions plus réalistes :
- elle s'attache d'abord à renforcer la politique de prévention ;
- elle vise ensuite à mieux rembourser les médecins généralistes, afin d'encourager un plus grand nombre d'étudiants à opter pour la médecine générale plutôt que pour les spécialités ;
- médecins de ville et hôpitaux sont incités financièrement à travailler de manière plus coordonnée ;
- des expérimentations sont également prévues pour évaluer les avantages de nouvelles méthodes de rémunération des médecins et des hôpitaux sur une base forfaitaire ;
- un centre pour l'innovation dans Medicare et Medicaid sera créé pour concevoir et évaluer de nouvelles modalités de rémunération des médecins et d'organisation des soins afin de dégager des économies supplémentaires ; un comité consultatif de quinze membres sera également chargé de proposer au Congrès des mesures complémentaires pour ralentir la progression des dépenses de santé.
En conclusion, M. Alain Vasselle a fait observer que l'opinion publique et la classe politique sont très divisées sur cette réforme, qui a été votée avec les seules voix démocrates. L'hostilité d'une grande partie de la population trouve son origine dans la culture politique des Etats-Unis : beaucoup d'Américains se méfient de l'intervention de l'Etat et considèrent qu'il appartient à chacun de se procurer une couverture contre le risque maladie. Les Républicains estiment, en outre, que la réforme risque de creuser le déficit de l'Etat fédéral, en dépit des évaluations rassurantes mises en avant par les Démocrates.
Une nouvelle étape du processus législatif est maintenant engagée : comme certains élus à la Chambre des Représentants avaient des réserves sur le texte du Sénat, leur vote favorable a été obtenu en échange de l'engagement que le texte serait modifié peu de temps après son entrée en vigueur ; après avoir voté le texte du Sénat, la Chambre des Représentants a donc approuvé un deuxième texte, plus modeste, qui apporte quelques corrections au premier et qui va devoir être approuvé par le Sénat. Pour contourner le risque d'obstruction par l'opposition républicaine, il est prévu d'avoir recours à une procédure accélérée, dite de « réconciliation », initialement conçue pour faciliter l'adoption du budget ; les Républicains promettent de se battre contre ce qu'ils estiment être un détournement de procédure.
Ces questions procédurales ne sauraient cependant occulter la portée historique d'une réforme qui a été en débat pendant des décennies. Elle devrait permettre de réduire ce qui apparaît, vu d'Europe, comme une anomalie : l'absence de couverture maladie pour plusieurs dizaines de millions de personnes résidant dans le pays le plus puissant de la planète.
Mme Jacqueline Alquier, elle-même membre de la mission d'information, a considéré que ce rapport synthétise, de façon très objective, les observations que la délégation a pu faire sur le terrain. Elle a souligné la distance culturelle entre la France et les Etats-Unis qui n'ont pas, à l'évidence, la même conception de l'égalité.
M. Paul Blanc s'est d'abord étonné que les Américains ne se soient pas davantage inspirés du modèle français d'assurance maladie, qui est pourtant très performant. Il a ensuite fait observer que l'espérance de vie des Américains, plus réduite qu'ailleurs, peut surtout s'expliquer par une mauvaise alimentation, source d'obésité et de diabète, et pas nécessairement par une mauvaise qualité des soins.
Egalement membre de la mission d'information, M. André Lardeux a souligné que cette réforme est la plus importante depuis la création de Medicare et Medicaid, voici quarante-cinq ans. Il n'est cependant pas certain qu'elle permette de ralentir l'évolution des dépenses de santé comme ses promoteurs l'escomptent. Une réforme du financement des partis et des campagnes électorales aux Etats-Unis serait nécessaire pour libérer les élus de l'influence des compagnies d'assurance qui ont tenté de faire obstacle à la réforme.
Mme Catherine Procaccia s'est interrogée sur la vision que les Américains ont du système français.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a elle aussi déploré l'influence du lobby des assureurs, avant d'insister sur l'écart entre les valeurs libérales qui dominent aux Etats-Unis et le modèle de solidarité à la française : un article récemment publié dans la presse a indiqué que les malades étaient parfois tirés au sort dans les hôpitaux, en raison de la pénurie de médecins... Elle a enfin demandé quelle appréciation on peut porter sur la qualité de la médecine américaine et si une partie du coût des soins reste à la charge du patient.
M. Gilbert Barbier, qui a participé au déplacement en Californie, a regretté que l'exposé du rapporteur ne mette pas suffisamment en évidence un point essentiel : la médecine américaine est la meilleure du monde et elle est à la pointe de la recherche. Il est vrai, en revanche, que la prévention a été trop longtemps négligée.
M. Alain Gournac s'est réjoui que les Américains s'orientent vers une meilleure régulation de leur système dominé par les assurances privées. La réforme a été difficile à faire accepter, même dans le camp démocrate, et elle ne résout pas le problème de la couverture des étrangers en situation irrégulière, pourtant nombreux aux Etats-Unis. Il a ensuite expliqué qu'un membre de sa famille résidant aux Etats-Unis, et assuré chez Kaiser, s'était vu refuser des soins d'urgence dans un hôpital et avait été transporté dans un autre établissement, appartenant au réseau de la compagnie, ce qui montre que ce modèle n'est pas la panacée. Enfin, on peut attendre de grands bénéfices d'une meilleure politique de prévention, notamment pour changer les habitudes en matière de nutrition.
M. Guy Fischer a demandé ce qu'il advient de l'assurance maladie des salariés si leur entreprise fait faillite. Il a déclaré se faire peu d'illusions sur les conséquences de la réforme aux Etats-Unis, qui ne permettra pas, vraisemblablement, de régler le problème de l'accès aux soins des plus démunis. On peut craindre que la France s'oriente vers le modèle américain en donnant une place toujours plus grande aux assurances privées.
M. Alain Vasselle a souligné qu'il est toujours enrichissant d'étudier des expériences étrangères afin d'avoir plus de recul sur notre propre modèle. S'il est vrai qu'une médecine de pointe est présente aux Etats-Unis, il n'est pas certain en revanche qu'elle soit accessible à tous. Le regard des Américains sur le modèle français d'assurance maladie dépend beaucoup de leur positionnement politique : si les Démocrates sont parfois admiratifs, les Républicains sont moins convaincus et considèrent qu'il revient à chaque citoyen de s'assurer.
Réagissant aux propos d'Alain Gournac, il a rappelé que les hôpitaux ont l'obligation de soigner les malades en cas d'urgence, ce qui conduit à penser que l'anecdote rapportée s'est produite en toute illégalité.
En dépit du problème d'obésité qui a été évoqué, les statistiques montrent que les Américains ne sont pas plus malades que les ressortissants des pays européens, notamment parce que la population américaine est un peu plus jeune. Ce n'est donc pas la prévalence des pathologies qui peut expliquer l'écart de dépenses entre les Etats-Unis et les autres pays développés.
Répondant à Annie Jarraud-Vergnolle, il a souligné que les tirages au sort relevés dans la presse ont certainement eu lieu dans des institutions à vocation caritative qui peuvent être confrontées, dans le contexte de crise actuelle, à une baisse de leurs ressources tandis que les besoins augmentent. Il a ajouté que les polices d'assurance prévoient généralement qu'une partie des dépenses reste à la charge de l'assuré.
Concernant les étrangers en situation irrégulière, une décision politique claire a été prise : ils ne sont pas pris en charge dans le cadre de la réforme. Enfin, en cas de faillite d'une entreprise, ses salariés perdent leur emploi et leur assurance, mais peuvent éventuellement devenir éligibles à Medicaid.
Désignation de sénateurs
La commission a ensuite procédé à la désignation de trois sénateurs - un sénateur de la majorité et deux sénateurs de l'opposition - appelés à siéger au sein du comité chargé de veiller au respect du principe du repos dominical posé à l'article L. 3132-3 du code du travail.
Mme Muguette Dini, présidente, a rappelé que la loi relative au repos dominical a prévu la création d'un comité, chargé d'établir un rapport sur l'application du texte, et composé de trois députés et trois sénateurs, à parité politique entre la majorité et l'opposition. L'Assemblée nationale a désigné deux députés de la majorité - Pierre Méhaignerie et Richard Maillié - et un député socialiste - Christian Eckert. Il appartient donc à la commission de choisir ses membres selon la configuration inverse, soit un sénateur de la majorité et deux de l'opposition. Elle a indiqué avoir déjà été saisie des candidatures d'Isabelle Debré, pour l'UMP, et d'Annie David pour le CRC-SPG.
Mme Raymonde Le Texier a indiqué que le groupe socialiste, très hostile au principe du travail dominical et aux modalités de sa mise en oeuvre, ne souhaite pas participer à ce comité, dont on peut supposer d'avance qu'il n'aura aucun rôle à jouer, si tant est qu'il soit un jour effectivement convoqué et réuni.
Mme Muguette Dini, présidente, a fait valoir que ce comité offre précisément à ses membres l'occasion d'exprimer leurs observations et réserves éventuelles dans le rapport qu'il doit établir d'ici à août prochain.
Après un débat auquel ont pris part Mmes Raymonde Le Texier, Muguette Dini, présidente, et Catherine Procaccia, le groupe socialiste a finalement présenté la candidature de Raymonde Le Texier.
Enfin, la commission a validé les trois noms soumis à sa désignation.
Nomination d'un rapporteur pour avis
La commission a enfin procédé à la nomination de Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis, sur la lettre rectificative n° 2329 (AN - XIIIe législature) au projet de loi n° 1577 (AN -XIIIe législature) relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.