- Mardi 23 mars 2010
- Mercredi 24 mars 2010
- Audition de M. Jean Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)
- Audition de Mme Françoise Weber, directrice générale, et M. Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique de l'Institut de veille sanitaire (InVS)
- Audition de M. Didier Houssin, directeur général de la santé au ministère de la santé et des sports
Mardi 23 mars 2010
- Présidence de M. François Autain, président -Audition de M. Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS)
La commission d'enquête a entendu M. Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS).
M. Noël Renaudin a tout d'abord précisé que le CEPS n'avait joué aucun rôle dans la gestion de la crise de la grippe A (H1N1)v et qu'il n'entrait pas dans ses compétences de procéder à des achats pour le compte de l'Etat. C'est donc à titre personnel et à la demande de la ministre de la santé qu'il est intervenu en appui à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), au moment de la finalisation des contrats entre cet établissement et les entreprises pharmaceutiques.
En « régime de croisière », dans le cadre de la politique de la santé ou de l'assurance maladie, les rapports entre l'Etat et les entreprises pharmaceutiques sont des rapports de client à fournisseur. Ceux-ci obéissent à des procédures, progressivement renforcées, garantissant la confidentialité, le respect des principes éthiques et la préservation de l'intérêt général. L'actuel CEPS a remplacé, en 2001, le comité économique du médicament créé par le gouvernement en 1993 pour mieux encadrer les conditions de la détermination des prix des produits pharmaceutiques.
Les règles de fixation des prix et des tarifs sont fondées sur les principes de collégialité, de transparence et de contrôle juridictionnel. Dans ce cadre, les rapports de l'Etat et de l'assurance maladie avec les entreprises pharmaceutiques sont des rapports banals, les entreprises étant des entreprises capitalistes mues par le profit et intervenant sur le marché international.
Des institutions se sont progressivement mises en place pour séparer l'évaluateur et le tarificateur, conforter l'indépendance des organismes d'évaluation. La commission de transparence relève depuis 2004 de la Haute Autorité de Santé, et le CEPS, sans être une autorité indépendante, jouit d'une certaine autonomie.
Sans assurer que toutes les décisions prises sont parfaites, ces principes apportent ainsi des garanties que les décisions sont prises de bonne foi, motivées par des critères d'intérêt général et « laissent peu d'espace aux manquements à la probité ».
Le cas spécifique de la négociation des contrats de vaccins H1N1 s'est inscrit dans le même cadre de rapports sains et comptables entre l'Etat et ses fournisseurs.
M. Noël Renaudin a insisté en premier lieu sur le contexte concurrentiel de cette négociation. La demande était nettement plus importante que l'offre, l'ensemble des pays aspirant alors à disposer rapidement d'un grand nombre de vaccins.
Les contrats ont été conclus principalement auprès de trois entreprises, GSK, Sanofi Pasteur et Novartis.
M. Noël Renaudin a observé que trois éléments de ces contrats pouvaient soulever un certain intérêt : le prix, les clauses de responsabilité et la possibilité de tranches optionnelles.
A propos des prix, il a déclaré que son intervention avait été modeste. Elle s'est limitée à indiquer au ministère de la santé que ceux-ci ne lui semblaient pas abusifs.
En ce qui concerne les clauses de responsabilité, le souci essentiel, en liaison avec le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), était d'obtenir le retrait d'une clause prévoyant l'irresponsabilité des entreprises pharmaceutiques, y compris en cas de défectuosité des produits.
Cette clause figurait dans tous les contrats, et l'un des arguments qui a pu permettre de la modifier était qu'elle présentait un risque d'annulation contentieuse.
Sa rédaction a finalement pu être notablement améliorée.
Enfin, il est facile de dire a posteriori qu'il aurait été opportun de prévoir des tranches optionnelles qu'il aurait été plus aisé de ne pas lever.
On y a certes pensé, mais une telle démarche ne correspondait pas à la réalité du contexte, ni à la nécessité d'obtenir rapidement des livraisons importantes.
Pour obtenir des livraisons rapides, il fallait passer les commandes très vite et le risque des tranches optionnelles était que leur livraison intervienne trop tard.
Dans l'ensemble, les délais de livraisons ont correspondu à ceux prévus : ils ont été un peu plus rapides dans le cas de Sanofi Pasteur, un peu plus lents dans celui de GSK.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. François Autain, président, a observé qu'en dépit des efforts consentis pour garantir la qualité des procédures de fixation des prix et d'admission au remboursement des médicaments, on pourrait estimer que 95 % des médicaments admis à remboursement ne sont pas plus efficaces que ceux déjà existants et qu'ils sont vendus plus cher.
M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité connaître les éléments pris en compte pour la négociation et la fixation des prix des vaccins proposés par les entreprises ayant passé des contrats avec les pouvoirs publics.
M. Noël Renaudin a indiqué que chaque Etat avait discuté avec différentes entreprises dans le cadre de la préparation d'une éventuelle pandémie H5N1. Le Royaume-Uni et l'Allemagne avaient ainsi négocié des accords avec GSK, mais non la France, qui s'était pour sa part adressée à Sanofi Pasteur et à Novartis. Dans un contexte où il était nécessaire d'obtenir la production rapide de doses par GSK pour la France, le prix proposé de 7 euros ne semblait pas excessif, car il était le même que celui qui figurait dans les contrats passés en mars 2006 entre GSK et le Royaume-Uni et l'Allemagne, et la France avait été dispensée de droits de réservation, contrairement à ces deux pays. Ce tarif était par ailleurs assez proche du prix des vaccins saisonniers.
M. François Autain, président, a observé que, selon les informations dont il disposait, les prix des vaccins saisonniers dans les pharmacies françaises sont compris entre 5,29 et 6,79 euros.
M. Noël Renaudin a répondu qu'il fallait se situer sur le marché international, en remarquant que la France avait obtenu de payer le vaccin de la grippe H1N1 aux prix européens du vaccin contre la grippe saisonnière, qui sont plus élevés que les prix français.
Le prix du vaccin de la grippe saisonnière est compris entre 11 et 12 euros en Allemagne, 5 et 7 livres en Angleterre (soit 9 à 10 euros en 2006), et 4,50 à 6,50 euros en Italie.
En France, les prix sortie d'usine s'élèvent à 4,10 euros (si l'on exclut un vaccin un peu adjuvé, moins vendu, dont le prix est supérieur d'environ 50 centimes d'euro), ce qui correspond à un prix de vente de l'ordre de 6,25 euros dans les pharmacies.
La France a obtenu de payer au prix unique européen, sinon au prix français, et n'a pas subi de discrimination par rapport aux autres Etats européens.
M. François Autain, président, a donc remarqué que la « pandémie était plus intéressante pour les laboratoires que l'épidémie ».
M. Noël Renaudin a exprimé son désaccord sur ce point de vue.
Le prix du vaccin H1N1 a été fixé par chaque entreprise à un niveau voisin du prix du vaccin saisonnier à l'échelle européenne.
En Allemagne et en Angleterre, le vaccin saisonnier est ainsi plus cher que le vaccin pandémique.
Il a ajouté que, d'un point de vue économique, les coûts de fabrication sont globalement les mêmes, l'amortissement du développement des produits étant très différent, comme le montre l'exemple des laboratoires GSK qui ont développé un vaccin contre la grippe H5N1 qui n'a pas été vendu.
Par ailleurs, les entreprises contractantes prenaient en compte la possibilité pour l'Etat de résilier les contrats passés pour un motif d'intérêt général, sous réserve d'une juste indemnité.
Répondant ensuite à plusieurs questions de M. Alain Milon, rapporteur, M. Noël Renaudin a indiqué que l'explication des différences de prix entre les vaccins réside dans l'appréciation par les entreprises de leur situation sur le marché, lorsqu'elles ont proposé les contrats.
Il a également précisé que les clauses de limitation de la responsabilité des producteurs en cas d'effets secondaires des vaccins n'avaient pas eu pour contrepartie une limitation des prix.
Suite à une observation de Mme Marie-Thérèse Hermange, il a souligné que les prix étaient déterminés au niveau européen suivant la capacité des entreprises à fournir rapidement le nombre de vaccins demandés, et non selon les quantités fournies.
Revenant sur la question du niveau des prix et posant la question des indemnisations prévues, M. Jean-Jacques Jégou a également souhaité savoir s'il n'aurait pas été possible d'obtenir des livraisons en doses individuelles prêtes à injecter pour éviter les phénomènes de file d'attente que l'on a constatés. Il s'est aussi demandé si la résiliation des commandes correspondant à 50 millions de doses pouvait avoir des conséquences sur les rapports entre les laboratoires et les pouvoirs publics.
M. Noël Renaudin a souligné que le souci premier du Gouvernement avait été d'obtenir les plus grandes quantités de vaccins, en diversifiant les sources d'approvisionnement. Par ailleurs, les prix de Novartis et de Sanofi-Pasteur correspondaient à ceux prévus par les contrats antérieurs. A l'été 2009, les prix demandés ne semblaient donc pas abusifs et il n'aurait sans doute pas été possible d'obtenir mieux.
Enfin, il a précisé avoir été consulté sur les règles d'indemnisation des résiliations de commandes, indemnisation qu'il avait préconisé de fixer au prorata des quantités non livrées, solution qui a été retenue.
GSK avait pensé que ce mode de calcul lui serait favorable car il croyait être en avance sur la proportion des quantités livrées. Mais la situation est en réalité contraire, et GSK se trouve en fait sanctionné par ses retards de livraison.
Il est probable que la résiliation partielle des contrats suscitera un peu d'amertume. Mais l'indemnisation proposée se situe dans la fourchette des niveaux de juste compensation.
M. François Autain, président, a remarqué que le prix cité pour les doses de vaccin H1N1 acquis par le Royaume-Uni, soit 5,8 euros, était plus avantageux que celui acquitté par la France.
M. Noël Renaudin a indiqué que les marchés entre GSK, qui est une entreprise britannique, et le Royaume-Uni sont libellés en livres sterling.
Le prix fixé en 2006 était de 4,83 livres, ce qui correspondait alors à 7 euros.
La variation de ce prix exprimé en euros correspond à la dépréciation de la livre par rapport à l'euro, le prix en livres n'ayant pas été réajusté.
Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports
La commission d'enquête a ensuite entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
A titre liminaire, la ministre a déclaré que les décisions qu'elle avait été amenée à prendre pour la gestion de la pandémie grippale procédaient de ses conceptions de l'éthique, de la justice et de la responsabilité. Son rôle, en tant que ministre de la santé, est de garantir comme un impératif absolu la protection de tous et de chacun. Cet impératif a donc guidé les choix qu'elle a effectués au moment de la pandémie et l'a conduite à privilégier la santé des Français plutôt que la seule prise en considération des coûts financiers. C'est un choix politique qu'elle assume. Avec le Gouvernement, elle a également pris la décision de préparer la France à affronter une menace sanitaire grave plutôt que d'improviser.
Dans un contexte d'incertitude, il fallait faire des choix guidés par la prudence, l'analyse et la prise en compte de l'ensemble des scénarios possibles. Ces choix ont été présentés régulièrement à l'ensemble des citoyens, avec pédagogie et transparence. La commission d'enquête sénatoriale offre l'occasion de prolonger cette démarche en prenant en compte les enseignements à tirer de l'expérience acquise, mais aussi de mettre un terme aux fantasmes, aux rumeurs et à la désinformation qui ont trouvé à s'exprimer au cours de la pandémie.
M. Alain Milon, rapporteur, a tout d'abord interrogé la ministre sur le dispositif de gestion de la crise. Il a souhaité connaître le rôle respectif des groupes d'experts consultatifs qui ont travaillé sur la grippe H1N1 et la façon dont ils ont participé à l'élaboration des avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). L'intervention de nombreux acteurs dans la gestion des aspects sanitaires de la crise a-t-elle permis d'optimiser les conditions de prise de décision dans un contexte d'urgence ? Enfin, quelle est la marge de manoeuvre dont dispose le décideur politique face aux recommandations des experts scientifiques ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a rappelé le cadre légal national qui résulte de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Conformément à la volonté de son rapporteur au Sénat, Claude Huriet, cette loi a organisé un système d'agences publiques sanitaires disposant d'une réelle légitimité scientifique pour assurer leurs fonctions de contrôle et de conseil. La pluridisciplinarité de l'expertise a été organisée et plusieurs garanties ont été mises en oeuvre pour conforter son indépendance. Ainsi, la gestion a été séparée de l'évaluation et les pouvoirs d'évaluation et de police séparés de la tutelle économique.
L'expertise répond à plusieurs exigences : la compétence, le souci de la santé publique, ce qui implique qu'elle soit pluraliste et collégiale, mais aussi la transparence, qui justifie l'obligation faite aux experts de révéler leurs liens d'intérêt avec les entreprises du secteur. Il faut d'ailleurs se garder de considérer que tout lien d'intérêt constitue forcément un conflit d'intérêts.
L'expertise scientifique et technique en matière de pandémie grippale relève de l'institut de veille sanitaire (InVS) et de l'agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS). Plusieurs comités ad hoc ont également été amenés à intervenir. Ils sont réunis au sein du HCSP créé par la loi de santé publique du 9 août 2004. Il existe également un comité de lutte contre la grippe. Les dimensions sociales et éthiques de la pandémie ont quant à elles été prises en compte au travers de l'avis n° 106 du comité consultatif national d'éthique (CCNE). Plusieurs réunions thématiques informelles ont par ailleurs été organisées au ministère. L'efficacité de la réponse à la pandémie reposant sur la réactivité des instances expertales, il était nécessaire de s'appuyer sur les organisations existantes plutôt que d'envisager d'en créer de nouvelles.
Au niveau européen, deux instances jouent un rôle essentiel, le centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l'agence européenne des médicaments (EMA). Enfin, au niveau international, c'est l'organisation mondiale de la santé (OMS) qui concentre les capacités d'expertise. Néanmoins, la France a organisé de nombreuses réunions avec les pays ayant une tradition de santé publique équivalente à la sienne, notamment le Canada, les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni.
La déontologie des expertises est toujours perfectible. C'est pour répondre à cette exigence qu'en juin 2009, un groupe de travail conduit par la Haute Autorité de santé (HAS) a été mis en place par le comité d'animation du système d'agences (Casa). Ses travaux ont abouti à l'élaboration d'une charte destinée à la prévention des conflits d'intérêts. Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a présenté pour sa part le 3 mars dernier une charte nationale de l'expertise scientifique et technique. D'autres pays, comme les Etats-Unis, se sont également engagés sur la voie du renforcement de la prévention des conflits d'intérêt en matière d'expertise.
M. François Autain, président, a souhaité savoir si des membres du cabinet de la ministre de la santé ont eu, au cours des cinq dernières années, un lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique. Il a, par ailleurs, relevé certaines difficultés dans la mise en oeuvre de la législation sur la déclaration des liens d'intérêt, dont témoigne le caractère tardif de la publication des liens des membres du comité de lutte contre la grippe avec l'industrie.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a indiqué qu'elle communiquerait par écrit la situation des membres de son cabinet et elle a précisé que les déclarations d'intérêt des membres du comité de lutte contre la grippe ont été rendues publiques il y a plusieurs mois. Rappelant que tout lien d'intérêt ne représente pas un conflit d'intérêt, elle a observé que la qualité de l'expertise repose sur le fait qu'elle s'exprime de façon plurielle et collégiale. Aucun expert ne prendrait le risque de remettre en cause sa crédibilité internationale devant une instance collégiale en émettant un avis évidemment biaisé. Par ailleurs, l'InVS, en charge de qualification de la pandémie, n'a aucun lien avec l'industrie pharmaceutique.
M. François Autain, président, a remarqué que c'est l'OMS qui qualifie la pandémie.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a précisé que l'OMS, qui lance les alertes sur l'émergence de nouveaux virus, s'appuie sur le travail de qualification et d'information d'organismes nationaux comme l'InVS.
M. Alain Milon, rapporteur, a rappelé à la ministre sa question sur la multiplicité des avis d'experts et sur la marge de manoeuvre dont dispose le décideur politique par rapport à eux.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a répondu que les experts n'indiquent jamais quelle décision prendre mais présentent toujours une diversité de scénarios possibles. Elle a estimé que les experts ont été loyaux dans leurs présentations et ont d'ailleurs présenté plus de questions que de réponses. Il appartient au décideur politique de choisir quel scénario sera adopté en fonction de l'impératif de sécurité et d'assumer ce choix.
La multiplicité des acteurs dans le domaine de l'expertise est une chance dans un Etat démocratique car elle garantit que l'expertise sera plurielle et contradictoire, ce qui permet de dégager un consensus et d'écarter les avis dérivants.
M. Alain Milon, rapporteur, a demandé des précisions sur les relations entre la France et l'OMS. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas souhaité avoir connaissance de la composition du comité d'urgence « grippe » ? Les représentants français à l'OMS ont-ils, à l'instar de leurs homologues suisses et britanniques, présenté des observations et des suggestions sur la stratégie de l'OMS et les conditions de déclaration de la pandémie grippale ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a présenté les comités d'experts de l'OMS dont les membres sont choisis par son directeur général. A côté du comité d'experts permanents qu'est le groupe d'experts-conseils stratégique (Sage), dont les quinze membres sont choisis pour trois ans, et qui peut s'adjoindre des experts invités, un comité d'urgence a été mis en place pour la grippe H1N1. L'OMS a déterminé la composition de ce comité mais a choisi de garder celle-ci secrète afin de protéger les experts de la pression des Etats qui auraient pu avoir intérêt à minimiser le risque.
M. François Autain, président, a noté que seuls certains Etats ont un tel intérêt.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a considéré que, face à l'impact économique des pandémies, que l'on peut mesurer par exemple au Mexique, de nombreux Etats pourraient avoir intérêt à ne pas communiquer sur l'ampleur d'une attaque virale. Elle a relevé que le choix du secret fait par l'OMS ne correspond pas à la pratique française en la matière mais qu'il n'y a, a priori, aucune raison de remettre en cause l'indépendance des experts choisis. L'OMS révèlera leur identité dès qu'elle aura déterminé la fin de la situation d'urgence.
M. François Autain, président, a demandé à la ministre si elle était favorable à ce que le nom des experts de l'OMS soit rendu public à l'avenir.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a estimé que l'argument selon lequel le secret protège les experts de l'influence des Etats n'est pas à minimiser.
M. François Autain, président, a souhaité savoir quel crédit peut être accordé à l'évaluation du risque pandémique par l'OMS.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a indiqué que, contrairement à une idée souvent exprimée, l'OMS n'a pas changé sa définition de ce qu'est une pandémie à l'occasion de l'apparition du virus A (H1N1). Les critères de définition d'une pandémie ont toujours été son caractère mondial, l'émergence d'un nouveau virus et la naïveté immunitaire de la population. Ces critères font l'objet d'un processus de révision continue qui a abouti en 2009 et est à nouveau engagé pour une échéance en 2014. Mais, contrairement à une idée reçue, la définition adoptée en 2005 était plus large et non pas plus restrictive que celle de 2009. La sévérité ou le nombre de décès n'ont jamais été des critères de définition de la pandémie. A l'inverse, avant 2009, l'extension géographique du virus n'était pas prise en compte. Selon les critères de 2005, le passage à la phase pandémique aurait donc eu lieu plus tôt. Il paraît, par ailleurs, particulièrement difficile d'utiliser la mortalité comme critère de détermination d'une pandémie étant donné les divergences des pratiques nationales permettant d'établir le nombre de décès imputables à une affection.
A la demande de certains Etats, dont la France, l'OMS a néanmoins assorti son alerte d'éléments d'évaluation de la sévérité du virus, qui a été qualifiée de « modérée ».
M. François Autain, président, a jugé que les critères de l'OMS ont abouti à traiter comme une pandémie une attaque virale qui n'était pas plus sérieuse que la grippe saisonnière.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a souligné la difficulté, en juin 2009, de porter un tel jugement.
M. Alain Milon, rapporteur, a indiqué que plusieurs autres critères peuvent être utilisés pour définir une pandémie, notamment le degré de contagion et les populations-cibles du virus.
Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir s'il a été fait un usage suffisant de l'expertise européenne.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a estimé que l'EMA a travaillé rapidement et efficacement pour permettre aux pays européens de disposer de vaccins de qualité. Elle a indiqué que les déclarations d'intérêt des experts membres de cette agence sont disponibles sur simple demande et a communiqué à la commission d'enquête le nom des experts français.
M. Alain Milon, rapporteur, s'est interrogé sur la faiblesse de la coopération entre Etats pour la gestion de la grippe et a demandé des précisions sur les contacts établis entre la ministre de la santé et ses homologues européens.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a considéré que la coopération européenne a fait preuve d'une réelle efficacité sur plusieurs points, notamment en permettant aux Etats membres de refuser collectivement l'inclusion par les laboratoires, dans les contrats de fourniture de vaccins, d'une clause scélérate les exonérant de toute responsabilité du fait des produits défectueux.
La présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008 a également été l'occasion de préparer la lutte contre les pandémies au niveau européen. Le Health security committee (comité de sécurité sanitaire) mis en place à cette fin s'est d'ailleurs réuni quotidiennement pendant la première phase pandémique.
M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité que la ministre retrace l'historique des négociations des contrats de fourniture de vaccins. A quelle période ont été arrêtées les quantités commandées à chacun des différents fournisseurs ? Pourquoi a-t-il été décidé de permettre à toute personne qui le souhaiterait de se faire vacciner, et pour quelle raison les contrats ne comportaient-ils pas de clause permettant de modifier l'importance des commandes en fonction des dates auxquelles elles pourraient être livrées ? Enfin, l'incertitude sur le nombre de doses de vaccin nécessaires n'aurait-elle pas dû conduire à prévoir la fourniture de « traitements » et non de doses, comme le contrat passé en 2005 avec le laboratoire Sanofi Pasteur pour la fourniture de vaccins contre la grippe H5N1 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a rappelé que la France disposait déjà, au moment des négociations, de deux contrats de préréservation de vaccins, signés en 2006 au moment de la préparation d'une éventuelle pandémie du virus H5N1, avec les laboratoires Novartis et Sanofi Pasteur. C'est d'ailleurs à la suite de la passation de ces contrats que le CCNE a préconisé une vaccination générale mais séquentielle de la population.
Une comparaison des stratégies de vaccination entre les différents pays européens fait apparaître plusieurs groupes distincts. Un premier groupe de dix Etats a choisi de vacciner l'ensemble de sa population avec deux doses de vaccin. Un deuxième groupe a choisi lui aussi la vaccination générale mais avec une seule dose. Un troisième groupe a choisi la vaccination d'un segment ciblé de sa population. Enfin, trois pays ont décidé de ne pas effectuer d'achat, la Pologne, la Lettonie et la Slovaquie.
La France se trouve dans une situation à part car elle a décidé de proposer la vaccination à l'ensemble de la population mais a tenu compte, au nom du principe de réalité, du fait que tous ne pourraient ou ne voudraient se faire vacciner. Un taux d'attrition a donc été calculé à partir de l'exemple des vaccinations obligatoires, auxquelles 35 % de la population ne se soumet pas. A également été pris en compte le taux de vaccination contre la méningite dans les zones frappées par cette maladie, qui est en moyenne de 75 % de la population. En conséquence, 47 millions de vaccins à deux doses ont été commandés.
Cette solution a été validée le 3 juillet en réunion interministérielle, de même que la stratégie d'achat. Dès lors, le directeur du cabinet de la ministre et le directeur général de la santé ont été mandatés pour nouer le plus tôt possible des contacts avec les industriels fournisseurs et négocier la préréservation de vaccins. Ces négociations étaient d'autant plus urgentes que la France ne disposait pas de contrat avec les laboratoires Glaxo-Smith-Kline (GSK) et Baxter qui apparaissaient comme les fournisseurs les plus prometteurs. C'est dans ce contexte que la ministre a adressé mi-mai des lettres d'intention aux industriels. En conséquence, GSK s'est engagé à fournir à la France 8,33 % de la capacité de production de son usine de Dresde. Baxter, qui s'était engagé à livrer 4 millions de doses de vaccin, a annulé son offre au cours de l'été pour des raisons de production. De même, Novartis a réduit son offre de 24 millions de doses à 16 millions. Les quantités qui seraient livrées étaient donc très incertaines au moment des négociations.
C'est l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) qui a conduit les véritables négociations avec les laboratoires, spécialement avec les sociétés GSK et Baxter, avec lesquelles aucun contrat n'avait été antérieurement conclu. Il est important, à cet égard, de conserver à l'esprit le contexte de l'époque : les laboratoires ne disposaient pas encore de la souche virale et ne connaissaient donc pas les conditions de production des vaccins. De plus, le déséquilibre entre l'offre et l'importance de la demande au niveau mondial plaçait les laboratoires en position de force. Ceux-ci privilégiaient les commandes fermes et définitives. Aucun laboratoire n'a accepté de s'engager sur un calendrier de livraison. La France a néanmoins obtenu la modification de la clause exonérant les laboratoires de toute responsabilité, ainsi que la fourniture de notices en français et d'étiquettes de lots qui n'était pas prévue au départ.
Enfin, les mêmes incertitudes découlaient de la possibilité pour les laboratoires d'obtenir rapidement une autorisation de mise sur le marché (AMM) de leurs vaccins.
L'absence de clause de sauvegarde découle du contexte des négociations, qui était défavorable à l'Etat. En mai 2009, les estimations de la capacité de production mondiale variaient entre 500 millions et moins d'un milliard de doses. Si le rendement de la souche virale était inférieur aux prévisions, la capacité de production pouvait même descendre à 250 millions de doses. La France a donc cherché à obtenir les meilleures conditions pour l'achat de ces vaccins, spécialement auprès du fournisseur le plus prometteur en raison de son expérience en matière de vaccins pandémiques : GSK.
M. François Autain, président, a rappelé que GSK avait investi 4,5 milliards d'euros dans ce domaine.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a noté que les concurrents de GSK ne paraissaient pas aussi bien placés pour répondre à la demande française : Novartis n'avait pas les mêmes capacités de production et Sanofi n'avait pas obtenu d'AMM pour son vaccin adjuvanté début 2009. Mais, à l'inverse de l'Allemagne et du Royaume-Uni, la France ne disposait pas d'un contrat de préréservation de vaccins avec GSK, car ce laboratoire n'avait pas répondu à l'appel d'offres lancé en 2005.
Le nombre de doses commandé était réaliste dans le contexte de l'époque et n'a d'ailleurs pas été contesté. Il a été fixé le 4 juillet dans un contexte où l'on ne disposait pas de bilan de la pandémie dans l'hémisphère Sud et où le virus paraissait certes modérément sévère, mais très contaminant, ce qui allait dans le sens de l'intérêt de prévoir une couverture de l'ensemble de la population. Il faut rappeler qu'à l'époque, le Royaume-Uni estimait qu'avant la fin du mois d'août le virus pourrait atteindre 100 000 personnes par jour.
Les négociations ont néanmoins été particulièrement poussées, spécialement sur la question du partage des responsabilités entre l'Etat et les fabricants. Si des quantités fermes ont été commandées, c'était dans le souci d'obtenir plus rapidement les vaccins, les laboratoires ayant fait savoir que les tranches conditionnelles ne seraient livrées qu'en 2010.
M. François Autain, président, a souligné que les contrats signés faisaient peser sur l'Etat la responsabilité des effets indésirables des vaccins.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a indiqué que tel est le cas pour l'ensemble des vaccins en période de pandémie.
La notion de traitement a bien été prise en compte lors des négociations et a permis à la puissance publique, usant de ses prérogatives, d'annuler la commande de 50 millions de doses de vaccin lorsqu'il a été établi qu'une seule injection était suffisante, sauf pour certaines parties de la population.
M. François Autain, président, a considéré que certains Etats, comme la Pologne, ont fait dans un contexte de difficultés budgétaires des choix en matière de vaccination qui paraissent a posteriori bien-fondés.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a souhaité s'arrêter un moment sur la question de la politique polonaise en matière de vaccination. Les propos de la ministre de la santé devant le Parlement polonais ont alimenté de nombreuses campagnes anti-vaccinales et il convient de souligner qu'ils relèvent de la désinformation. La ministre a en effet contesté tant l'efficacité que la sécurité des vaccins utilisés et s'est fondée sur ces arguments pour justifier le non-achat de vaccins. Or, l'expérience a montré que les vaccins étaient non seulement efficaces mais qu'ils n'ont pas d'effets secondaires notables. La Pologne n'a d'ailleurs présenté aucun argument contre la vaccination lors des nombreux sommets européens qui se sont tenus pendant la pandémie. En réalité, ce sont les difficultés budgétaires de la Pologne et l'état de son système de santé qui sont à l'origine de la position qu'elle a prise.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a fait état, à l'appui de ses propos, d'un courrier que lui adressé en septembre l'ambassadeur de Pologne, demandant à la France de s'engager avec son pays dans une démarche solidaire de fourniture de vaccins aux personnels diplomatiques, courrier qu'elle a jugé particulièrement significatif des contradictions de la position polonaise.
M. Alain Milon, rapporteur, a demandé si le choix de vacciner l'ensemble de la population est fondé lorsque le virus s'est déjà répandu.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a répondu que l'efficacité sociale de la vaccination était certes réduite dès lors que le virus pandémique était devenu actif en France mais que l'efficacité individuelle de la vaccination demeure.
M. Didier Houssin, directeur général de la santé, a précisé que les autorités ne disposaient d'aucune connaissance précise sur le moment où le virus attaquerait la France. Dès le mois de mai, cependant, plusieurs Etats de l'hémisphère Nord, dont le Royaume-Uni, le Canada et l'Espagne, avaient connu des cas de grippe A H1N1. Il paraissait donc possible que le virus arrive en France avant l'hiver. C'est cette inquiétude qui a poussé les autorités à négocier avec les laboratoires des calendriers prévisionnels de livraison des vaccins permettant d'engager la vaccination le plus rapidement possible avant le pic épidémique. Il est vraisemblable que certaines des mesures qui ont été prises, comme la fermeture de classes en Ile-de-France, ont eu un effet retardateur sur le pic épidémique.
M. François Autain, président, a estimé que l'effet barrière associé à une vaccination collective était très improbable dès lors que la vaccination avait commencé plus d'un mois et demi après le début de l'épidémie en France. La stratégie vaccinale adoptée par le Gouvernement n'a donc eu aucun effet sur le déroulement de la pandémie, comme le laissaient supposer les avis du HCSP. La protection offerte par les vaccins à deux doses, utilisés pour les enfants, a été aussi trop tardive pour être réellement efficace. Les Français l'ont d'ailleurs bien compris en n'allant pas se faire vacciner. En cette circonstance, le bon sens populaire a remis légitimement en cause la crédibilité de la parole publique.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a insisté sur le fait qu'il était très difficile d'engager une démarche de protection partielle de populations cibles face à un virus grippal qui ne s'attaquait pas aux mêmes populations que la grippe saisonnière. Le choix d'offrir à tous ceux qui le souhaitaient la possibilité de se faire vacciner était donc justifié d'un point de vue médical aussi bien qu'éthique.
Elle a par ailleurs observé que la France est le seul pays à disposer de chiffres fiables - et sans doute même minimisés - sur son taux de vaccination. En effet, les vaccinations sont comptabilisées à partir du nombre de coupons renvoyés. Les autres pays procèdent à des estimations qui, en France, conduiraient à évaluer à 16 millions le nombre des personnes vaccinées. L'Etat organisera néanmoins une évaluation de la politique de santé publique.
Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé des précisions sur les négociations relatives à l'indemnisation de la résiliation d'une partie des commandes de vaccins.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a regretté qu'une indiscrétion ait livré à la presse des informations qu'elle réservait à la commission d'enquête. Un accord a été trouvé avec la firme Novartis mais les négociations se poursuivent encore avec les firmes GSK et Sanofi Pasteur pour l'indemnisation de l'annulation, le 4 janvier, de la commande de 50 millions de doses. Le principe retenu a été celui d'une indemnisation fondée sur les dépenses effectivement mises en oeuvre par les laboratoires et fixée à 16 % du montant des contrats.
Mme Marie-Christine Blandin a rappelé que lors de la discussion de la loi dite Grenelle I, la création d'une agence nationale de l'expertise a été décidée par le législateur. Sa mise en place, qui devait intervenir dans les douze mois suivant la promulgation de la loi, est toujours attendue. Une telle instance serait pourtant de nature à garantir, plus efficacement que les chartes qui sont proposées à l'heure actuelle, la qualité de l'expertise publique en externalisant les contrôles des conflits d'intérêt.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a estimé qu'il serait compliqué de mettre en place une expertise des experts, spécialement dans le domaine de la santé dont les contraintes sont distinctes de celles des technologies de l'environnement.
M. François Autain, président, a signalé que des institutions comme la Cour des comptes exercent un contrôle similaire à celui envisagé par l'agence de l'expertise.
Mme Marie-Christine Blandin a souligné que l'agence prévue par la loi doit contrôler les protocoles destinés à prévenir les conflits d'intérêt et pas les experts eux-mêmes.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a indiqué que les décisions en matière de pandémie ont été prises non seulement avec les experts et les agences mais avec l'ensemble des échelons territoriaux et des services déconcentrés de l'Etat ainsi qu'avec les professionnels de terrain. De nombreuses réunions ont été organisées tant autour de la ministre qu'autour du directeur général de la santé.
M. François Autain, président, a remarqué que les recommandations du directeur général de la santé en matière de traitement n'avaient pas toujours été avisées.
Supposant que cette réflexion visait les recommandations relatives à l'utilisation de l'oseltamivir - ou Tamiflu - M. Didier Houssin a précisé que, à partir des retours d'expériences au Mexique, aux Etats-Unis et au Chili, et suite à un avis du comité de lutte contre la grippe en novembre, le champ de la prescription de cette molécule avait été élargi, hors AMM, aux cas de prévention. L'AFSSAPS a validé cette démarche. Cette recommandation a été notifiée aux médecins par l'intermédiaire d'un mail envoyé aux 50 000 professionnels inscrits sur le réseau « DGS-urgent ». L'évaluation menée au Chili montre que cette extension du champ de prescription de l'oseltamivir a sans doute sauvé de nombreuses vies. Il est à noter que la prescription d'oseltamivir reste très faible en France où cet antiviral n'est pas indiqué pour lutter contre la grippe saisonnière, comme dans d'autres pays et en particulier le Japon.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a insisté sur l'importance du rôle de la DGS en matière de notification urgente des évolutions en matière de connaissances scientifiques et de traitements.
Faisant état des constations qu'il avait faites sur le terrain, M. Serge Lagauche a observé que la communication gouvernementale est très mal passée, y compris auprès des personnels soignants. Il conviendrait à l'avenir de ne pas multiplier les modes de communication et de s'appuyer plutôt sur les relais de terrain pour favoriser la compréhension des directives par la population et limiter leur interprétation parfois erronée.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a considéré que des études sur la communication de la crise doivent être menées pour améliorer le système existant. Elle a signalé néanmoins que les professionnels de santé ont été finalement convaincus par les recommandations du ministère. A l'hôpital Henri Mondor de Créteil, situé dans le département où M. Serge Lagauche est élu, 17 % des personnels de santé avaient l'intention de se faire vacciner, 60 % ont finalement fait cette démarche.
M. François Autain, président, a affirmé que cette campagne avait pâti d'un réel défaut de communication et de compréhension.
M. Alain Milon, rapporteur, a déclaré, en conclusion du débat, qu'il ne fallait pas oublier, spécialement en France, que la vaccination a sauvé des millions de vies.
Mercredi 24 mars 2010
- Présidence de M. François Autain, président -Audition de M. Jean Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)
La commission d'enquête a tout d'abord entendu M. Jean Marimbert, directeur général de l'AFSSAPS.
M. Jean Marimbert a en premier lieu rappelé les principales activités déployées par l'AFSSAPS, avant l'apparition du virus A(H1N1)v, dans le cadre de la préparation de la France à une éventuelle pandémie de grande ampleur résultant d'une évolution du virus (H5N1).
Ces actions ont principalement consisté en :
- un contrôle des stocks stratégiques de produits de santé détenus par l'Etat qui a notamment conduit l'AFSSAPS, à l'automne 2008, à estimer possible une utilisation du Tamiflu au-delà de sa durée de péremption de cinq ans. Le Committee for Medicinal products for Human Use (CHMP) de l'Agence européenne des médicaments (EMEA) a officiellement entériné l'extension de la durée de validité du Tamiflu à sept ans au mois de mai 2009 ;
- l'élaboration, à la demande du ministère de la santé, d'une liste des médicaments et dispositifs médicaux indispensables en cas de pandémie ;
- la délivrance du statut d'établissement pharmaceutique à l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).
L'apparition du virus A(H1N1)v et la déclaration de l'état de pandémie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à partir du printemps 2009 ont intensifié les actions menées par l'AFSSAPS.
La première catégorie de mesures prises par l'agence correspond aux missions propres de l'AFSSAPS débouchant sur des décisions de son directeur général au nom de l'Etat. Il s'agit notamment, pour les vaccins, de la délivrance d'autorisations d'essais cliniques, d'autorisations d'importation de vaccins et de certificats de libération de lots de vaccins. Sur ce dernier point, M. Jean Marimbert a rappelé que tout lot de vaccins doit faire l'objet avant sa mise sur le marché d'un certificat délivré par un organisme public de contrôle habilité. L'AFSSAPS libère ainsi environ 40 % des lots de vaccins commercialisés en Europe et plus de la moitié des lots commercialisés en France.
L'AFSSAPS a, par ailleurs, été chargée de l'évaluation du vaccin non adjuvanté Panenza pour lequel l'agence a accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) le 16 novembre 2009, ainsi que de l'évaluation de l'oseltamivir PG développé par la pharmacie centrale des armées qui a fait, quant à lui, l'objet d'une AMM le 26 novembre 2009.
La mise en oeuvre de ces missions propres à l'agence s'est également traduite par la mise en place d'un ample dispositif de suivi des effets de l'utilisation des vaccins reposant sur un dispositif renforcé de pharmacovigilance ouvert à la déclaration des patients eux-mêmes et une série d'études de suivi centrées sur certaines populations, comme les femmes enceintes, ou sur certains risques, comme le syndrome de Guillain Barré. L'AFSSAPS a en outre inspecté ou participé à l'inspection de sites de production de vaccins et adjuvants.
En dehors des vaccins, l'AFSSAPS a également évalué d'autres produits utilisés dans le cadre de la pandémie, en particulier les antiviraux et les solutions hydroalcooliques.
L'agence a ensuite délivré au ministère de la santé des éléments d'expertise ainsi que des avis pour éclairer celui-ci dans les décisions qui lui incombaient. En particulier, elle a analysé régulièrement, pour le compte du ministère de la santé et du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), la portée des positions prises à l'échelon européen sur l'évaluation du rapport bénéfice/risque des vaccins ou encore sur le nombre de doses nécessaires. Elle a formulé des avis sur la possibilité d'utiliser des produits faisant partie de stocks de l'Etat sur la base de contrôles de stabilité effectués au sein des laboratoires de l'agence. Elle a fourni un avis sur la justification d'une extension de l'usage du Tamiflu à titre préemptif à dose pleine. Elle a participé aux travaux du comité de lutte contre la grippe et du comité technique des vaccinations du HCSP où elle était représentée par deux de ses agents.
Enfin, l'AFSSAPS a participé à la production et à la diffusion d'informations à destination des professionnels de santé et du grand public. C'est dans cet esprit que l'agence a mis en place une rubrique spéciale consacrée à la pandémie sur son site internet, qu'elle a organisé deux conférences de presse, la première sur les vaccins pandémiques évalués dans le cadre de la procédure centralisée et la seconde sur le vaccin non adjuvanté Panenza, et qu'elle a présenté, au cours de points de presse organisés au ministère de la santé, un bulletin hebdomadaire de pharmacovigilance des vaccins pandémiques, complété environ tous les mois par un bulletin analogue sur les antiviraux.
M. Jean Marimbert a ensuite détaillé l'organisation des processus d'intervention de l'agence, en présentant notamment les liaisons opérationnelles que l'agence entretient dans ce cadre avec les laboratoires pharmaceutiques. Il a, tout d'abord, souligné que beaucoup de ces processus sont assurés intégralement par des agents de l'établissement public, en particulier tout ce qui concerne le contrôle en laboratoire et l'inspection des sites.
Quant au dispositif renforcé de pharmacovigilance, il a reposé essentiellement sur la collaboration entre les équipes internes du service concerné de l'AFSSAPS et le réseau des centres régionaux de pharmacovigilance qui reçoit les signalements des professionnels de santé et des patients.
La mise au point des études de suivi a résulté d'échanges entre les équipes de l'AFSSAPS et un certain nombre de centres académiques ou bien, s'agissant du suivi spécifique du syndrome de Guillain-Barré, avec un réseau de cliniciens spécialisés dans le traitement de ce syndrome.
Pour les travaux d'évaluation des vaccins, il convient de distinguer, d'une part, la participation de l'agence au processus d'évaluation par le CHMP où elle dispose de représentants titulaires et suppléants - procédure dite centralisée - et, d'autre part, les travaux d'évaluation menés en dehors de ce cadre centralisé, notamment dans le cadre de la procédure de reconnaissance mutuelle. Il s'agit, dans ce dernier cas, de l'évaluation de plusieurs demandes d'autorisation d'essais cliniques, essentiellement réalisée par l'équipe d'évaluateurs internes de l'AFSSAPS, ainsi que de l'évaluation du vaccin Panenza qui a reposé sur le travail d'une équipe d'évaluateurs internes avec le concours de quelques experts externes et d'évaluateurs des agences des quatre autres pays parties à la procédure de reconnaissance mutuelle. L'instruction interne du dossier s'est faite selon une méthodologie homogène avec celle qui est utilisée dans le cadre de la procédure centralisée. Le travail d'instruction interne a servi ensuite de base à une consultation du groupe de travail de la commission d'AMM chargée des médicaments anti-infectieux, puis de la commission d'AMM en formation plénière qui a délivré un avis favorable le 12 novembre 2009.
L'évaluation de l'oseltamivir PG a également reposé sur un processus associant les compétences des évaluateurs internes de l'agence et de leurs collègues des laboratoires avec la consultation des groupes de travail de la commission d'AMM compétents pour les questions de qualité pharmaceutique, puis de la commission d'AMM elle-même.
Sont enfin à mentionner les avis que l'AFSSAPS a demandés à un groupe d'experts cliniciens sur l'utilisation des antiviraux hors AMM ou sans AMM dans le cadre de l'autorisation temporaire d'utilisation pour les cas graves de grippe A(H1N1).
M. Jean Marimbert a précisé que toutes les démarches d'évaluation ont été mises en oeuvre dans le respect des principes de base qui gouvernent cette activité : la collégialité et la pluridisciplinarité, la déclaration des intérêts des experts et leurs prises en compte pour écarter des processus d'évaluation ou des délibérations ceux présentant un conflit d'intérêt élevé, la transparence du processus qui se traduit notamment par la mise en ligne des comptes rendus des séances des commissions.
Il a ajouté que ces différents processus s'accompagnent de contacts fréquents d'ordre opérationnel avec les laboratoires pharmaceutiques. En particulier, l'instruction de dossiers de demandes d'autorisation implique un va-et-vient de questions et de réponses à caractère scientifique et technique. Il en va de même pour les processus de libération des lots au cours desquels la direction des laboratoires et des contrôles de l'AFSSAPS étudie les dossiers de lots fournis par les producteurs de vaccins et procède à des contrôles internes sur échantillon pour vérifier des paramètres essentiels de conformité du produit. Dans le contexte d'incertitude et de changement des données qui a caractérisé la période de gestion de la pandémie, des réunions ont parfois été organisées délibérément par l'agence en vue d'obtenir des éléments d'information actualisés sur certains paramètres essentiels pour la gestion de la crise, notamment les rendements vaccinaux et la montée en charge de la production.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité connaître le rôle joué par l'AFSSAPS dans le cadre de la négociation des marchés de fourniture de vaccins. Il s'est également interrogé sur l'articulation des compétences entre l'AFSSAPS et l'Agence européenne des médicaments (EMEA) dans les procédures d'AMM des vaccins, le rôle de l'AFSSAPS au sein du réseau européen des laboratoires et les relations que l'AFSSAPS entretient avec les autres agences sanitaires européennes.
M. Jean Marimbert a indiqué avoir participé, à la demande de la ministre de la santé et de son directeur de cabinet, à la dernière phase de négociation des contrats, soit au début du mois de juillet, aux côtés notamment de M. Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS). Sa participation a porté sur l'amélioration des clauses de responsabilité exigées par les laboratoires pharmaceutiques, ces derniers demandant une clause d'irresponsabilité pour les dommages liés aux défauts de fabrication des vaccins.
M. François Autain, président, a indiqué qu'il convient de distinguer la responsabilité pour défaut de fabrication de la responsabilité des laboratoires s'agissant des effets indésirables des vaccins, ces deux types de responsabilité n'entraînant pas les mêmes conséquences.
M. Jean Marimbert a indiqué que dans le cadre du droit commun, la responsabilité pour défaut de fabrication n'est qu'une composante de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques. Cependant, il convenait que cette responsabilité soit au moins assumée par les laboratoires. Il a, par ailleurs, rappelé les dispositions de l'article L. 3131-3 du code de la santé publique qui prévoient un régime de responsabilité spécifique en cas de menace sanitaire grave. Ce régime est plus favorable aux laboratoires. Ces derniers ne peuvent en effet être tenus pour responsables des dommages résultant de l'utilisation d'un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son AMM ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien de celle d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations. L'enjeu de la négociation avec les laboratoires a été de se rapprocher le plus possible de ce régime.
En réponse à M. François Autain, président, M. Jean Marimbert a précisé qu'il avait indiqué à la ministre de la santé, comme d'autres de ses interlocuteurs, que les clauses exigées par les laboratoires pharmaceutiques n'étaient pas acceptables.
Sur la question de l'articulation des échelons européen et national en matière de délivrance des AMM, il a rappelé que deux procédures sont à distinguer : les vaccins faisant appel à un mécanisme de recombinaison génétique font l'objet d'une procédure centralisée, alors que les autres, notamment le vaccin contre la grippe saisonnière ou le vaccin non-adjuvanté Palenza, sont évalués selon la procédure de reconnaissance mutuelle. Même si les voies d'examen sont différentes, les méthodologies utilisées sont identiques.
L'AFSSAPS joue, par ailleurs, un rôle essentiel au sein du réseau des laboratoires européens animé par la direction européenne pour la qualité des médicaments rattachée au Conseil de l'Europe. L'AFSSAPS délivre, dans ce cadre, plus de 50 % des certificats de libération des lots de vaccins commercialisés en France et environ 40 % de ceux commercialisés en Europe.
M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité avoir des précisions sur les procédures accélérées de délivrance des AMM mises en place par l'EMEA pour les vaccins pandémiques.
M. Jean Marimbert a indiqué que ces procédures ont été mises en place dans le cadre de la gestion de la « grippe aviaire », l'idée étant de raccourcir, dans la mesure du possible, les délais de délivrance des AMM tout en prenant toutes les précautions nécessaires. Ainsi, en 2005, l'OMS a fourni aux laboratoires qui en faisaient la demande, une souche prépandémique H5N1, pour permettre aux laboratoires capables de fabriquer des vaccins de préparer un produit en temps utile pour faire face à une pandémie de « grippe aviaire ». L'EMEA a alors mis en place une procédure exceptionnelle afin d'évaluer ces vaccins prépandémiques (dits AMM « mock-up » ou prototypes). Cette procédure se déroule en deux temps.
Tout d'abord les données de qualité pharmaceutique, d'efficacité clinique et de tolérance ont été évaluées, selon la procédure habituelle, avec la souche H5N1. Dans ce cadre, des essais cliniques ont été réalisés avec les vaccins des différents laboratoires sur plusieurs milliers de personnes. Cette procédure qui s'est déroulée entre 2005 et 2008 a permis à 3 vaccins d'obtenir un premier « feu vert » de l'EMEA fin 2008 - début 2009.
Dans un second temps, lorsque l'OMS a déclaré la situation de pandémie au mois de juin 2009, elle a sélectionné la souche virale utilisée pour la production de vaccins contre le virus A(H1N1)v. Deux opérations se sont alors déroulées parallèlement : la production des vaccins par les laboratoires et l'évaluation par les autorités sanitaires des vaccins avec la souche A(H1N1)v. Cette évaluation complémentaire de l'EMEA a consisté, d'une part, à valider le processus de production avec cette nouvelle souche virale à partir des dossiers des vaccins prototypes (AMM « mock-up H5N1 ») et, d'autre part, de donner une AMM pour les vaccins pandémiques fabriqués avec la souche A(H1N1)v à partir de l'extrapolation des résultats des essais cliniques réalisés avec la souche prépandémique H5N1.
Les autorités américaines en charge de l'évaluation des vaccins ont également eu recours à un tel raisonnement d'extrapolation en vue de l'autorisation des vaccins contre la grippe A(H1N1)v. La différence tient cependant au point de référence utilisé, qui est pour l'évaluation européenne le dossier clinique développé sur le vaccin H5N1 dans le cadre de la procédure dite « mock-up », alors que la Food and Drug Administration (FDA) s'appuie principalement sur les données antérieures liées aux vaccins contre la grippe saisonnière.
En réponse à M. François Autain, président, qui s'est interrogé sur le choix européen d'autoriser des vaccins avec adjuvant alors que les Etats-Unis ont pris la décision inverse, M. Jean Marimbert a présenté les deux principaux avantages des vaccins adjuvantés : ils permettent, d'une part, d'utiliser deux à quatre fois moins d'antigènes pour la production d'une dose de vaccin pour une même immunogénéité biologique et, d'autre part, de couvrir un plus large spectre de variantes du virus.
En ce qui concerne les différences de délais de délivrance des AMM, il a indiqué que les différences observées tiennent tout d'abord à la présence ou non d'adjuvant dans le vaccin : un vaccin adjuvanté étant plus rapidement fabriqué, le dossier d'AMM est présenté plus tôt et est donc susceptible de faire l'objet d'une AMM plus rapidement. Cependant, en ce qui concerne plus spécifiquement le vaccin Humenza du laboratoire Sanofi Pasteur, la délivrance tardive de son AMM par rapport aux autres vaccins tient au fait que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une procédure « mock up », mais d'une procédure ordinaire complète d'AMM. En effet, le vaccin prépandémique présenté par le laboratoire Sanofi Pasteur en 2008 n'a pas obtenu d'AMM « mock up » H5N1. Le laboratoire a donc dû présenter, pour le vaccin pandémique A (H1N1)v, un dossier complet d'AMM.
M. Alain Milon, rapporteur, a ensuite interrogé M. Jean Marimbert sur les procédures particulières de surveillance pharmacologique des effets indésirables des vaccins contre le virus A(H1N1)v. Rejoignant une question de Mme Marie-Thérèse Hermange, il a également souhaité avoir des précisions sur le choix du recours à deux, puis à une dose de vaccin. Il a notamment rappelé que lorsque la commission des affaires sociales a entendu, en janvier dernier, les laboratoires pharmaceutiques fournisseurs des vaccins H1N1 utilisés en France, un de leurs représentants a expliqué que le choix du vaccin à deux injections n'avait pas été fait par les laboratoires mais par les autorités des différents pays, qui avaient supposé que deux doses étaient nécessaires compte tenu du précédent H5N1.
M. Jean Marimbert a indiqué être surpris par cette déclaration d'un des fournisseurs de vaccins, la question du nombre de doses nécessaires à la vaccination n'ayant pas fait l'objet, à sa connaissance, d'une opposition entre l'EMEA et les laboratoires pharmaceutiques. Il a précisé que si des études avaient pu montrer dès le moins de septembre 2009 qu'une dose de vaccin était suffisante, celles-ci ne constituaient alors que des travaux préliminaires réalisés sur un nombre restreint de sujets. Ce n'est qu'au mois de novembre que ces études ont été complétées et qu'a pu être affirmé sur leur fondement qu'une dose de vaccin suffit pour certaines tranches d'âge de la population et pour certains vaccins. En tant que directeur général de l'AFSSAPS, il a indiqué que cette décision n'aurait pu être prise plus tôt, sur la base des simples études préliminaires du mois de septembre.
S'agissant de la surveillance des effets indésirables des vaccins, il a précisé qu'un dispositif renforcé a été mis en place par l'AFSSAPS. Ainsi des modalités spécifiques de déclaration et d'analyse des événements indésirables ont été mises en oeuvre dès le début de la campagne de vaccination. Les professionnels de santé et les patients eux-mêmes ont ainsi la possibilité de déclarer des éventuels effets indésirables. L'AFSSAPS analyse en continu l'ensemble de ces déclarations en s'appuyant sur les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV).
Dans une perspective de plus long terme, la surveillance s'appuiera également sur une série d'études de cohortes de sujets vaccinés qui seront suivis pendant six mois après la vaccination. Certaines de ces cohortes ont été demandées par l'EMEA dans le cadre des demandes d'AMM. L'AFSSAPS est également en train de concevoir avec ses partenaires publics et les laboratoires concernés des suivis de cohortes propres à la France et qui porteront soit sur le suivi des personnes vaccinées en général, soit sur le suivi de catégories de personnes les plus à risque vis-à-vis du virus A (H1N1)v, notamment les femmes enceintes.
Il a indiqué que ce suivi hebdomadaire n'a pas montré, à ce jour, de signal préoccupant.
En réponse à M. François Autain, président, qui s'est étonné que l'agence n'ait pas mentionné dans ses bulletins d'information le cas d'une personne vaccinée atteinte de sclérose en plaques, il a indiqué qu'il s'agit d'un cas individuel dont le lien de cause à effet entre la vaccination et l'apparition de la maladie est encore à démontrer. Il a affirmé que l'agence avait toujours agi en totale transparence en la matière.
Mme Marie-Christine Blandin a souhaité connaître les causes de l'évolution de la position de l'AFSSAPS sur l'utilisation du thiomersal dans les vaccins. Alors que dans un avis de 2000, l'agence mettait en garde contre les effets potentiellement indésirables de ce conservateur, elle indique, dans un avis d'octobre 2009, que compte tenu de ses propriétés en tant que conservateur indispensable dans les présentations de vaccins multidoses, les bénéfices de l'utilisation du thiomersal l'emportent sur le risque toxicologique théorique.
M. Jean Marimbert a indiqué que le thiomersal fait l'objet d'études depuis la fin des années 1990. Si, en 2000, l'AFSSAPS était réservée sur son utilisation, dès 2007, des travaux de l'EMEA ont démontré l'utilité de ce conservateur dans la fabrication de vaccins multi-doses et ont précisé qu'au vu des doses minimes de thiomersal utilisées dans les vaccins, tout risque de toxicité est exclu. Il n'y a donc pas eu de « retournement » de la position de l'AFSSAPS après l'émergence du risque pandémique en 2009, l'infléchissement de l'appréciation des effets du conservateur étant intervenu dès 2007.
En réponse à M. Michel Guerry, M. Jean Marimbert a indiqué que les vaccins américains se distinguent des vaccins européens par deux éléments : d'une part, la procédure d'AMM dont ils ont fait l'objet est différente de celle des vaccins européens - celle-ci repose sur des travaux d'extrapolation réalisés à partir du vaccin contre la grippe saisonnière et non le vaccin prépandémique -, d'autre part, ces vaccins ne sont pas adjuvantés. Il a indiqué que ce choix de vaccins non-adjuvantés constituait un pari important compte tenu des contraintes de fabrication des laboratoires.
Interrogé par Mme Christiane Kammermann, il a indiqué que le syndrome de Guillain-Barré découle dans trois quarts des cas du virus de la grippe lui-même. Quant à l'effet du vaccin, des études tendent à écarter un lien de cause à effet entre la vaccination et l'apparition du syndrome.
Evoquant une lettre signée du directeur général de l'AFSSAPS du 3 décembre 2010 relative à de nouvelles conditions de prescription de l'oseltamivir hors AMM, M. François Autain, président, a souhaité savoir pourquoi la commission d'AMM de l'agence n'a été consultée à ce sujet et pourquoi la pharmacovigilance de cette nouvelle prescription a été confiée au laboratoire Roche, fournisseur de l'antiviral.
Mme Marie-Christine Blandin a demandé si l'AFSSAPS a été amenée à prolonger les dates de péremption du Tamiflu.
M. Jean Marimbert a indiqué qu'avant la pandémie, l'AFSSAPS a estimé possible, dans le cadre du contrôle des stocks stratégiques de produits de santé détenus par l'Etat, une utilisation du Tamiflu au-delà de sa durée de péremption de cinq ans.
S'agissant de l'oseltamivir, il a indiqué devoir vérifier si la commission d'AMM a été ou non saisie de ce sujet. Il a précisé que la décision de modifier les conditions de prescription de l'oseltamivir à titre préventif - une dose complète au lieu d'une demi-dose pendant une durée limitée de cinq jours - a été prise compte tenu, d'une part, de la diminution des résistances que permet la prescription à titre préventif et, d'autre part, du fait qu'en règle générale, dans le cadre des traitements préventifs, des doses complètes sont utilisées.
En ce qui concerne la pharmacovigilance, il a rappelé qu'il existe une responsabilité de base en la matière du fabriquant du produit de santé, tout en reconnaissant que celle-ci ne peut reposer uniquement sur les travaux des laboratoires.
En réponse à M. François Autain, président, qui s'est interrogé sur la mise en place d'une instance chargée du contrôle de l'indépendance des experts dotée de moyens de contrôle adéquats, M. Jean Marimbert a indiqué qu'en dépit de progrès récents en matière de contrôle de conflits d'intérêts, des améliorations sont encore possibles. Alors qu'en 2000, le taux de déclaration des experts de l'agence était de 84 %, il s'élève en 2009 à 99 %. Des indicateurs sont aujourd'hui mis en place pour suivre en cours d'année ce taux de déclaration et les experts sont informés des règles régissant les conflits d'intérêts.
M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur les modalités de distribution des traitements de Tamiflu dont la date de péremption a été prolongée et qui n'ont pas fait l'objet d'un ré-étiquetage. Une telle distribution pourrait entraîner une confusion chez nos concitoyens. Il a également souhaité savoir pourquoi si peu de Tamiflu a été prescrit alors que l'Etat en a commandé 33 millions de traitements.
M. Jean Marimbert a indiqué que les traitements de Tamiflu ayant fait l'objet d'une prolongation de leur date de validité ne peuvent être distribués sans information préalable aux patients. L'application d'étiquettes-autocollantes portant la nouvelle date de péremption pourrait constituer une solution. Le faible recours au Tamiflu peut, quant à lui, s'expliquer par le fait que pour être efficace, cet antiviral doit être prescrit très rapidement.
Audition de Mme Françoise Weber, directrice générale, et M. Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique de l'Institut de veille sanitaire (InVS)
La commission d'enquête a ensuite entendu Mme Françoise Weber, directrice générale, et M. Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique de l'Institut de veille sanitaire (InVS).
Mme Françoise Weber a tout d'abord rappelé les missions principales de l'InVS : la surveillance permanente de l'état de santé de la population, ainsi que la veille et l'alerte sur les menaces sanitaires de toute nature. Son travail se base sur l'analyse et la synthèse permanente et réactive de données épidémiologiques, recueillies à travers les activités de veille de l'InVS, ses réseaux de surveillance, la consultation d'études et d'articles scientifiques. L'expertise de l'InVS est interne : elle est menée par ses agents, épidémiologistes, biostatisticiens ou experts en santé publique.
Elle a souligné que l'InVS avait été très fortement mobilisée par la pandémie dès le 23 avril 2009, en ayant pour mission de réévaluer régulièrement les hypothèses, les scénarios possibles et plausibles d'évolution de la pandémie, afin d'aider les pouvoirs publics dans leur prise de décision pour des mesures préventives et de prise en charge des malades par le système de soins.
A titre préliminaire, elle a mis en exergue l'important potentiel évolutif des virus grippaux, qui rend très difficile, voire impossible, de prévoir l'évolution des pandémies grippales. Ainsi, si les trois pandémies survenues au vingtième siècle ont eu un taux d'attaque à peu près identique et voisin de 25 %, les niveaux de létalité ont été très différents ; la pandémie la plus grave, en 1918, a tué 1,1 % de la population européenne, tandis que la pandémie la moins grave, celle de 1968-1969, avait entraîné un excès de 20 000 à 30 000 décès en France, la mortalité ayant été plus importante en 1969 et au début de 1970 qu'en 1968, année de la première vague de cette pandémie.
Mme Françoise Weber a ensuite présenté les trois phases d'évolution quant à la connaissance de la pandémie H1N1.
Dans une première phase, entre avril et septembre 2009, il a été constaté qu'il s'agissait bien d'une pandémie au sens scientifique et épidémiologique du terme, du fait d'un virus nouveau se répandant très rapidement sur tous les continents, mais celle-ci avait été qualifiée de « modérément grave » par l'OMS en juin, quand il s'est confirmé que la majorité des cas étaient bénins et la létalité du même ordre de grandeur que celle de la grippe saisonnière. Toutefois, certaines populations, notamment les femmes enceintes et les adultes de moins de soixante-cinq ans, étaient touchées par des formes beaucoup plus sévères que la grippe saisonnière, si bien qu'à ce stade on ne pouvait pas abandonner l'hypothèse d'un nombre très important de cas graves et de décès parmi des populations jeunes.
Dans une seconde phase, à partir de septembre, il a été possible de préciser les projections notamment sur les caractéristiques des cas graves, mais avec la persistance d'inconnues, et les estimations ont été à nouveau revues en prenant en compte les observations faites au cours de l'hiver austral et de l'épidémie estivale au Royaume-Uni.
Il n'était cependant toujours pas possible de faire une projection univoque sur la vague à venir dans l'hémisphère nord, d'autant plus que le virus pouvait muter entre les deux hémisphères : ainsi le taux d'hospitalisation en Nouvelle-Zélande (22 pour 100 000) avait été très supérieur à celui observé aux Etats-Unis (3 pour 100 000).
Fin septembre, en France comme dans les autres pays, ce sont les valeurs les plus basses des hypothèses de gravité de la pandémie qui ont été retenues comme les plus plausibles.
La troisième phase a permis de préciser l'ensemble des paramètres, et notamment le taux d'attaque. Les observations faites à partir de la seconde quinzaine de novembre, correspondant au pic observé dans la plupart des pays européens, ont permis de conclure que l'impact de la pandémie resterait, pour cette première vague, en-deçà de toutes les projections réalisées, ce dont on ne peut que se réjouir.
Quel est aujourd'hui le bilan que l'on peut faire de la vague hivernale en France ?
Par rapport à l'épidémie saisonnière la plus forte de ces dix dernières années, en 1999-2000, la vague de l'hiver 2009-2010 a été plus précoce, un peu plus longue et d'intensité légèrement supérieure et elle a eu un impact particulièrement important chez les enfants. Les formes asymptomatiques ou peu symptomatiques ont probablement été plus nombreuses que pendant la grippe saisonnière.
Le nombre de personnes atteintes par le virus pouvait être estimé, en janvier, entre huit et quinze millions de personnes (12 à 24 % de la population) auxquelles il faut ajouter cinq millions de personnes protégées par la vaccination. Treize à vingt millions de personnes (20 à 30 % de la population française) seraient ainsi immunisées, sans compter les personnes âgées de plus de cinquante ans dont on sait désormais qu'elles étaient d'emblée protégées.
En ce qui concerne les hospitalisations et les formes graves, on peut apporter les précisions suivantes :
- le nombre d'hospitalisations des consultants des services d'urgence a été multiplié par huit par rapport à la saison grippale précédente ;
- l'augmentation du nombre de cas a porté essentiellement sur la tranche d'âge 10-19 ans, puis sur les 20-64 ans ;
- le nombre de patients admis en soins intensifs ou de réanimation atteste d'une sévérité particulière du virus A (H1N1) en 2009 par rapport au virus saisonnier.
Enfin, le nombre de décès notifiés à ce jour comme directement liés à la grippe pandémique s'élève à trois cent dix, ce qui correspond toutefois à une fourchette basse, qui ne prend pas en compte les décès en dehors des établissements de santé, ni les décès indirects qui ne peuvent être comptabilisés qu'a posteriori.
Par comparaison, la grippe saisonnière cause chaque année 2 000 à 6 000 décès. La mortalité a donc été inférieure à celle envisagée par tous les scénarios en septembre 2009, en France comme dans tous les autres pays. On note cependant une sévérité particulière de certaines formes graves, et qui touchent une population jeune.
Que peut-on en attendre dans les prochains mois ?
Une vague épidémique de grande ampleur apparaît peu probable avant l'hiver prochain, compte tenu du taux estimé d'immunisation de la population et des données les plus récentes, à condition que le virus reste stable. Toutefois, des foyers localisés dans des groupes de populations peu immunisées ne peuvent être exclus.
Si l'hypothèse la plus probable est que le virus A (H1N1) circule à nouveau, il n'est pas possible de préciser à ce jour l'ampleur de sa circulation et de celle des autres virus, ni les caractéristiques de sa sévérité.
M. Alain Milon, rapporteur, a rappelé que l'InVS avait réalisé en septembre 2008 des modélisations des effets du vaccin pandémique H5N1, pour mesurer l'intérêt du recours à la vaccination contre la grippe H1N1 et l'ampleur qu'elle devait prendre selon le temps écoulé depuis le début de l'épidémie. Il a demandé si ces modélisations, dont le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avait relevé « les aléas potentiels », avaient été confirmées par les faits, et quels étaient les effets estimés d'une vaccination de l'ensemble de la population après le début de la pandémie.
Après avoir rappelé que, dès le mois de juin, le HCSP soulignait que la morbidité et la létalité de la grippe H1N1 étaient modérées et proches de celles de la grippe saisonnière, il s'est interrogé sur la possibilité d'affiner la comparaison entre la grippe H1N1 et les grippes dites saisonnières.
Il a demandé pourquoi, malgré des stratégies, notamment vaccinales, très différentes selon les pays, la grippe H1N1 avait revêtu à peu près partout les mêmes caractères.
Enfin, M. Alain Milon, rapporteur, a observé que, bien que les mesures prises dans le cadre de la préparation à une éventuelle pandémie H5N1 aient certainement permis d'accélérer la mise au point de la « réponse vaccinale » à la grippe H1N1, « le virus a été plus rapide que le vaccin », même dans les pays qui avaient consenti de très importants efforts pour mettre en place la vaccination dans les plus brefs délais.
Faut-il dès lors remettre en cause la priorité donnée à la « réponse vaccinale » aux pandémies grippales, d'autant plus que l'efficacité clinique des vaccinations antigrippales est relative ? Et quelles seraient les voies à privilégier pour apporter une réponse efficace aux pandémies grippales ?
Mme Françoise Weber a relevé que le terme d'« aléas potentiels » était tout à fait adapté aux modélisations, au regard du potentiel de variabilité et de mutation du virus. Les travaux réalisés s'appuient sur les seules expériences précédentes de la grippe saisonnière. Pour chacune des modélisations effectuées, elle a rappelé qu'il s'agit d'hypothèses basées sur la connaissance du virus.
M. Jean-Claude Desenclos a souligné que les modélisations sont utilisées pour analyser l'impact relatif des différents scénarios de couverture de vaccination, et les stratégies possibles. Le virus H1N1 partageant certaines caractéristiques avec le virus H5N1, l'investissement des travaux effectués sur le virus H5N1 a été réutilisé. Mais il faut souligner que les modèles ne permettent pas de prédire.
D'un point de vue clinique, on ne connaît pas actuellement l'efficacité des vaccins. Après le début d'une pandémie, la vaccination ne peut plus agir sur la transmission. Il faut donc protéger les personnes fragiles.
Sur la base d'une efficacité vaccinale comprise entre 30 % et 40 %, le nombre de décès évités est très intéressant pour le choix des stratégies publiques.
Mme Françoise Weber a rappelé que la vaccination poursuit deux objectifs : un effet « barrière » avant que la pandémie ne se développe et, ensuite, une protection individuelle des personnes les plus exposées. Dans le cas de la grippe H1N1, avant que la population âgée n'ait été identifiée comme plus fortement immunisée contre la maladie, la population cible recouvrait « quasiment toute la population ». On connaît mieux les populations cibles dans le cas de la grippe saisonnière.
M. Alain Milon, rapporteur, a relevé que l'InVS décrivait la pandémie comme liée à un virus nouveau, alors que des populations semblent avoir été en contact avec des virus sensiblement identiques puisqu'elles étaient déjà immunisées. Il a donc souhaité connaître dans quelle mesure il était adéquat de parler de nouveauté.
Mme Françoise Weber a répondu qu'une partie de la population disposait d'une immunité préalable non parce qu'elle avait déjà rencontré ce nouveau virus, mais « probablement par immunité croisée avec un autre virus ».
M. Jean-Claude Desenclos a ajouté que peu de personnes âgées avaient été atteintes de grippes liées au virus H1N1, mais qu'en revanche, la proportion des décès avait alors été élevée.
M. François Autain, président, a demandé selon quelles références évaluer la mortalité si on ne peut pas se référer à la létalité de la grippe saisonnière. En outre, on ne peut pas la calculer par rapport au nombre de personnes atteintes, que l'on connaît mal en raison de l'importance des formes asymptomatiques.
Cependant, en dépit de certaines particularités quant à des formes graves, la grippe H1N1 semble moins grave qu'une grippe saisonnière.
Il s'est demandé si l'on n'avait pas sous-estimé l'« exemple incomparable » des pays de l'hémisphère austral qui ont été touchés avant l'Europe. On n'a en effet pas perçu une diminution du niveau de vigilance en France, alors même qu'il était apparu que la grippe touchait l'Europe dans les mêmes conditions que les pays de l'hémisphère austral.
Rappelant les annonces d'une nouvelle vague en janvier, puis en février et en mars, sans que celle-ci n'ait eu lieu, il a observé que les virologues disent la grippe imprévisible, mais font des prévisions quand même.
Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si les pouvoirs publics avaient commandé des modélisations, et si des hypothèses étaient déjà envisagées, et selon quels critères, pour l'année prochaine.
Mme Françoise Weber a souligné que l'InVS exerçait une mission de veille et d'alerte, notamment d'appui au Gouvernement en matière de décision et de gestion des crises. De lui-même, l'InVS décrit donc des scénarios et propose des hypothèses.
En réponse aux observations de M. François Autain, président, elle a convenu que la pandémie avait été moins grave au plan qualitatif et populationnel mais qu'elle avait été d'une sévérité particulière chez un nombre beaucoup plus important de patients que la grippe saisonnière, comme en témoigne le nombre élevé d'hospitalisations ayant nécessité le recours à des moyens de réanimation d'une très haute technicité.
Le suivi de la situation dans l'hémisphère austral permettait de constater un taux d'hospitalisation supérieur à celui de la grippe saisonnière. On ne pouvait pas savoir si ce taux allait s'aggraver lors du passage du virus dans l'hémisphère nord, et il fallait donc considérer comme plausible une telle hypothèse, outre celle d'une situation se rapprochant de celle de la grippe de 1968-1969. Ce scénario correspond à un nombre plus élevé de personnes immunisées, auquel cas le virus prendrait le profil d'un virus saisonnier. A ce stade, il y a « de moins en moins de risques » d'une vague de grande ampleur l'hiver prochain, mais on ne dispose pas encore d'assez d'éléments pour déterminer lequel des deux scénarios se produirait.
Elle a répondu positivement à une question de M. Jean-Jacques Jégou sur l'inclusion du virus H1N1 dans le vaccin saisonnier tout en précisant, suite à une remarque de M. François Autain, président, « qu'il n'était pas tout à fait sûr » que ce virus devienne saisonnier.
M. Jean-Jacques Jégou s'est également interrogé sur l'efficacité de la campagne médiatique sur la vaccination, notamment pour inciter les jeunes à se faire vacciner.
Mme Françoise Weber a rappelé qu'elle n'avait pas compétence pour donner des conseils de communication au Gouvernement. Elle a précisé qu'elle avait essayé de décrire la situation de la manière la plus transparente, en délivrant un message de vigilance sans qu'il faille s'alarmer. De manière claire, il avait été souligné que la majorité des cas étaient bénins, mais que, dans de rares cas, il y avait de possibles formes graves et sévères, afin d'inciter les plus jeunes à se faire vacciner.
En réponse à une remarque de M. Jean-Jacques Jégou estimant que la campagne médiatique avait été un « échec », elle a observé qu'en tant que professionnelle de santé publique, elle ne pouvait que regretter qu'une mesure de prévention n'ait pas complètement abouti.
Nonobstant la vaccination contre une grippe saisonnière ou pandémique, M. François Autain, président, a observé que lorsqu'on commence à se faire vacciner, il faut le faire tous les ans. Mais ne faut-il pas adopter la cible de la vaccination saisonnière ? C'est un choix de santé publique qu'il appartient aux virologues de préciser.
Tout en précisant n'avoir pas les compétences d'un virologue, Mme Françoise Weber a observé que la vaccination antigrippale annuelle était dirigée contre des virus qui circulent, en fonction du risque qu'ils présentent. Elle a donc estimé qu'il n'y aurait pas lieu de poursuivre la vaccination en l'absence de menaces, sous des formes sévères, pour des sujets jeunes.
M. Jean-Claude Desenclos a indiqué que, pour sa part, l'InVS n'avait pas annoncé de nouvelle vague hivernale en janvier ni en février, mais indiqué qu'une telle probabilité était très faible.
M. François Autain, président, a précisé que sa référence aux virologues ne visait pas l'InVS.
M. Alain Milon, rapporteur, a réitéré sa question sur l'efficacité incertaine de la vaccination et la possibilité d'autres systèmes de lutte contre la pandémie.
Mme Françoise Weber a estimé que le constat que le virus avait été plus rapide que le vaccin ne devait pas remettre en cause la réponse vaccinale. Si la réponse à une pandémie est multiple, le vaccin apparaît comme une des réponses de prévention les plus efficaces. Bien que la vaccination soit arrivée à une phase relativement tardive, elle a estimé qu'il ne fallait pas remettre en cause l'efficacité de la vaccination comme mesure de prévention individuelle, même s'il faut travailler sur l'ensemble des mesures de prévention.
M. Jean-Claude Desenclos a ajouté que des pratiques d'hygiène, comme l'utilisation de masques ou le lavage des mains, avaient été promues comme moyens de lutter contre la grippe. Si des recherches restent à conduire pour améliorer l'acceptabilité de ces mesures, elles ont été appliquées par un plus grand nombre de personnes.
M. Claude Domeizel a demandé dans quelle mesure l'InVS avait été consulté avant, pendant et après la période d'appel d'offres pour les vaccins.
Mme Françoise Weber a rappelé que l'InVS n'est pas consulté sur la question des appels d'offres, mais qu'il fournit des éléments épidémiologiques qui permettent d'éclairer les mesures de gestion pouvant être prises au regard des scénarios possibles.
M. François Autain, président, a demandé à quelle date avait débuté la circulation active du virus H1N1 en observant que, pour que la vaccination ait une efficacité populationnelle, elle ne devait pas être mise en place plus d'un mois après cette date.
Mme Françoise Weber a indiqué que le virus avait commencé à circuler entre la deuxième quinzaine du mois de mai et début juin, mais de manière très limitée au début.
M. François Autain, président, a souligné que la campagne de vaccination avait commencé, elle, en novembre.
Mme Françoise Weber a observé que la campagne de vaccination gardait son intérêt en termes de protection individuelle.
Puis elle a souhaité apporter quelques précisions statistiques sur le mode de calcul de la mortalité. Le surcroît de 2 000 à 6 000 décès lors de la grippe saisonnière correspond à la surmortalité constatée, sans qu'on « étiquette » ces décès comme liés à la grippe. Ces résultats sont obtenus à partir de travaux épidémiologiques répétés pendant plusieurs années, faisant apparaître une variation en fonction du type de virus et du nombre de pathogènes qui circulent, susceptibles de co-affecter ou de sur-affecter une grippe.
Les travaux conduits cette année par l'InVS sur le pic de mortalité de l'hiver 2008-2009, qui traduit une surmortalité de 6 000 décès, ne s'expliquent pas par une plus grande virulence du virus, mais par la conjonction de plusieurs facteurs, dont une situation de grand froid et des pathogènes ayant co-affecté la grippe.
Pour l'hiver 2009-2010, le taux de mortalité était « un petit peu en-dessous » de la surmortalité moyenne, du fait de l'immunisation des personnes âgées contre le seul virus ayant circulé cette année-là et de la faible circulation d'autres agents pathogènes. En revanche, il a été observé cette année une mortalité exceptionnelle parmi les sujets jeunes par rapport à la grippe saisonnière. Il n'est donc, selon elle, pas possible d'affirmer que la grippe H1N1 est plus ou moins grave que la grippe saisonnière : elle est « différente », même si, quantitativement, les taux de mortalité n'ont pas été identiques à ceux de la grippe saisonnière, qui affecte traditionnellement des sujets âgés.
M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur la fiabilité des statistiques relatives au nombre de personnes atteintes, puisque les médecins ne sont pas tenus de procéder à des déclarations.
Mme Françoise Weber a répondu qu'il était hors de question de surcharger les médecins généralistes avec les déclarations de grippes tout à fait bénignes, d'autant plus qu'il y avait des formes asymptomatiques.
Elle a défendu l'humilité des épidémiologistes qui, loin de tenir des comptes, ne peuvent que conduire des estimations au mieux des moyens dont ils disposent, à partir de leurs réseaux de surveillance.
Compte tenu des différences avec la grippe saisonnière, le décompte dans les milieux hospitaliers était justifié par le « vrai risque » d'une « surcharge des hôpitaux et des services de réanimation », dont l'identification était une des missions de l'InVS.
M. Jean-Jacques Jégou a demandé comment apprécier la qualité de l'estimation de cinq millions de personnes touchées.
M. Jean-Claude Desenclos a répondu qu'il s'agissait d'« une estimation assez raisonnable dans son imprécision », qu'il a été possible d'affiner dans le cadre d'enquêtes par téléphone.
Audition de M. Didier Houssin, directeur général de la santé au ministère de la santé et des sports
La commission d'enquête a enfin entendu M. Didier Houssin, directeur général de la santé au ministère de la santé et des sports.
A titre liminaire, M. Didier Houssin a rappelé qu'il avait été nommé directeur général de la santé le 31 mars 2005. Le 31 août 2005, en pleine flambée épizootique mondiale liée au virus grippal H5N1, il a aussi été nommé délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire. Outre la menace de pandémie grippale liée à ce virus, il a affronté, dès 2005, l'épidémie liée au virus chikungunya à La Réunion et l'état d'hyper-endémie lié au méningocoque dans la zone de Dieppe. Il a donc été très tôt sensibilisé aux menaces épidémiques.
M. Didier Houssin a également précisé qu'il était médecin et n'avait aucun lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique.
Il a souhaité répondre à la question du rôle de l'industrie pharmaceutique dans la gestion par le Gouvernement de la pandémie liée au virus A (H1N1)v 2009.
En premier lieu, a-t-il affirmé, le Gouvernement a effectivement géré la pandémie A (H1N1)v.
Cette gestion a été suivie par le Président de la République ; des arbitrages importants ont été rendus par le Premier ministre, en particulier sur l'application du plan national « pandémie grippale », la mise en place du Centre interministériel de crise (CIC), l'acquisition des vaccins, la gratuité et le caractère non obligatoire de la vaccination ou par son cabinet.
La ministre de la santé et des sports a été naturellement en première ligne sur de nombreux sujets relevant de sa compétence : appréciation de la situation et de son évolution, préconisation ou prise de mesures de gestion, mobilisation du système de santé, information du public et des professionnels de santé, ou dans le cadre du CIC.
La Direction générale de la santé (DGS) s'est efforcée d'appuyer son action en faveur de la protection de la santé des français, soit en lui proposant des décisions, soit en mettant en oeuvre les décisions qu'elle avait prises.
La gestion gouvernementale de la pandémie a mobilisé de nombreux acteurs :
- la population
- de très nombreux professionnels, dans le secteur de la santé - y compris l'industrie pharmaceutique - mais aussi au niveau des autres ministères, de l'administration déconcentrée, des collectivités territoriales, du système scolaire, du secteur médico-social, des médias, etc.
L'industrie pharmaceutique, a-t-il souligné, a contribué à cette gestion en exerçant son rôle de fournisseur de produits de santé, dans les règles usuelles d'évaluation de la qualité, de la sécurité et de l'efficacité de ceux-ci.
La DGS s'est efforcée de préserver la continuité de ce rôle, avant la pandémie, c'est-à-dire entre 2006 et 2009, puis dans le cours de celle-ci, durant le printemps et l'été 2009, en appelant l'attention de ces entreprises sur l'importance :
- de la préparation de leurs plans de continuité d'activité. Un exercice « pandémie » du secteur pharmaceutique était d'ailleurs prévu en septembre 2009. Compte tenu de la volonté du secteur pharmaceutique de s'y engager, il pouvait être aussi un exemple pour la préparation d'autres secteurs économiques à une pandémie grippale ;
- de la mise en place d'un dispositif assurant la continuité d'approvisionnement de nombreux médicaments et dispositifs médicaux en situation de pandémie ;
- de la vérification des mesures prises concernant les antibiotiques et les antipyrétiques, afin d'éviter tout risque de rupture d'approvisionnement.
En deuxième lieu, M. Didier Houssin a souligné qu'il ne pensait pas que l'industrie pharmaceutique ait tenté, comme l'énonce la conclusion de la résolution créant la commission d'enquête, de manipuler, voire d'instrumentaliser la gestion du Gouvernement, que ce soit au niveau national, européen ou mondial.
Selon la résolution, cette manipulation aurait conduit l'industrie pharmaceutique, pour vendre des produits de santé :
- à influencer les décisions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) relatives à la qualification de l'urgence sanitaire signalée par le Mexique comme une urgence de portée internationale, et à la déclaration de l'état de pandémie, pour créer une pandémie qui n'existait pas ;
- à orienter les avis d'experts susceptibles de peser sur les décisions d'acquisition ou d'utilisation, notamment de vaccins ou d'antiviraux, aux niveaux national, européen ou international.
Certes, il est toujours difficile de démontrer qu'une chose n'existe pas, surtout quand elle est présentée comme une action occulte, comme un complot.
On peut cependant avancer des arguments qui semblent plaider contre l'hypothèse d'une manipulation fomentée par l'industrie pharmaceutique.
Le premier, a indiqué M. Didier Houssin, est un argument de faisabilité : l'identification, le signalement, l'analyse des faits épidémiologiques sont hors de portée de l'industrie pharmaceutique.
Les choses se passent en effet de la façon suivante : des médecins ou des hôpitaux observent, puis signalent aux autorités sanitaires d'un pays, que des personnes sont malades, que leur maladie présente des caractères inhabituels, qu'il y a des décès. L'analyse de ces signalements au niveau national, puis international, relève alors d'une expertise qui porte sur la qualification de la situation : que se passe t-il ? Que peut-il se passer ensuite ? Cette expertise, déterminante car elle dimensionne ce que l'on peut redouter et conditionne la définition de ce qu'il faudrait pouvoir faire, est celle des épidémiologistes.
Sauf à imaginer des liens occultes, les épidémiologistes des organismes concernés (InVS en France, ECDC en Europe, CDC Atlanta aux Etats-Unis...) sont sans lien avec les industries pharmaceutiques. L'industrie pharmaceutique ne pouvait donc pas préparer l'étape initiale, essentielle, d'une telle manipulation.
Les deux autres arguments sont de cohérence. D'abord, si l'industrie pharmaceutique au niveau mondial avait vraiment tenté une semblable manipulation, le travail de préparation des trente-cinq firmes pharmaceutiques productrices de vaccins dans le monde aurait été considérable en termes d'anticipation et de concertation, dans un domaine par ailleurs très concurrentiel. Comment admettre, dès lors, que l'industrie pharmaceutique, qui se serait si bien préparée, ait eu tant de mal à produire ces vaccins en grande quantité ? Comment aurait-elle pu ne pas anticiper la préparation, somme toute techniquement simple, de la présentation des vaccins en monodoses, ce qui aurait beaucoup simplifié l'organisation de la vaccination dans nombre de pays ? Mais l'on constate au contraire que l'industrie pharmaceutique n'était tout simplement pas prête à répondre à une demande importante de vaccins.
Ensuite, si l'industrie pharmaceutique tenait dans sa main, en France et en Europe, les experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), du comité de lutte contre la grippe, du comité technique des vaccinations et de la commission maladies transmissibles du Haut Conseil de santé publique, de l'Agence européenne du médicament, comment aurait-elle pu les laisser dire, à l'automne 2009, que les résultats des essais cliniques montraient que, dans beaucoup de cas, une seule dose de vaccin suffisait à protéger contre le virus.
En conclusion, M. Didier Houssin a insisté sur le fait que, jusqu'à la fin du mois de septembre 2009, la crainte des autorités et des instances compétentes était que la pandémie liée au virus A (H1N1)v 2009 se traduise par une hécatombe.
Elles ont donc tout fait pour éviter cela et protéger au mieux la santé des Français. Elles se sont efforcées d'adapter les actions à l'évolution des connaissances, dans un contexte longtemps marqué par de grandes incertitudes. Cette hécatombe n'a pas eu lieu. Est-ce en raison d'une chance inespérée, d'une erreur d'appréciation, d'une action efficace, ou de deux ou trois de ces raisons ? La commission d'enquête pourra en juger.
M. François Autain, président, a confirmé que l'objet de la création de la commission d'enquête était en effet de répondre à un certain nombre de questions et notamment à celle de l'influence éventuelle de l'industrie pharmaceutique sur la décision prise par l'OMS d'ériger en pandémie une grippe qui semble en fin de compte ressembler beaucoup à une grippe banale, même si elle a présenté certaines spécificités.
Il a espéré que d'autres éléments viendraient compléter ceux apportés par M. Didier Houssin pour établir la parfaite indépendance des experts vis-à-vis de l'industrie, indépendance qui actuellement suscite certaines interrogations, pour ne pas dire plus.
M. Alain Milon, rapporteur, a interrogé M. Didier Houssin :
- sur l'adéquation du dispositif d'expertise à la prise des décisions nécessaires à la gestion de la crise ;
- sur les observations ou suggestions qu'il avait pu formuler, dans le cadre de ses fonctions, sur la stratégie de l'OMS et les conditions de déclaration de la pandémie grippale ;
- sur le caractère opérationnel d'une définition des pandémies excluant toute référence à leur gravité ;
- sur les moyens d'améliorer les dispositifs de prévention des conflits d'intérêts et les conditions de leur application, en se fondant notamment sur les propositions du rapport de Mme Furet-Garabiol sur l'indépendance et la valorisation de l'expertise en santé publique.
Affirmant avoir été sensibilisé par le rapport du Dr Feinberg, directeur de l'Institute of Medicine, sur la gestion aux Etats-Unis de la grippe porcine de 1976, qui met en évidence que la présidence américaine avait alors été orientée trop vite vers un choix unique, sans possibilité de retour en arrière, M. Didier Houssin a exposé qu'il avait eu le souci de sérier les décisions à prendre et de proposer à la ministre, pour chacune, des options appuyées sur une expertise.
La première grande décision à prendre était celle concernant l'acquisition de vaccins : il a fallu, malheureusement, la prendre très tôt, en raison de la situation du marché et du déséquilibre entre l'offre et la demande.
Les étapes suivantes étaient les décisions concernant le passage de la prise en charge des patients de la phase hospitalière à l'accueil en secteur ambulatoire, l'organisation de la campagne de vaccination, la définition des populations à vacciner en priorité et, finalement, le lancement de la campagne. Une autre décision avait été préparée, qui aurait sans doute été la plus lourde à prendre : celle d'arrêter la campagne, en particulier dans l'hypothèse de la survenance d'effets indésirables graves.
Il fallait, chaque fois, s'appuyer sur une expertise adaptée à la nature de la décision à prendre.
Au niveau de l'organisation, le rôle de l'InVS a été fondamental, car c'est lui qui était compétent pour qualifier la situation, formuler des hypothèses et planifier les scénarios et il a permis aux décideurs politiques de disposer d'une vision très précise de la réalité de la situation.
L'AFSSAPS était, quant à elle, « l'expert produits » ou, pour les produits autorisés au niveau européen, le relais de l'expertise européenne, son action s'appuyant également sur les commissions d'autorisation de mise sur le marché et de pharmacovigilance.
Le troisième élément d'expertise était formé par le Haut Conseil de santé publique (HCSP), avec sa commission des maladies transmissibles et le comité technique des vaccins (CTV) qui lui est rattaché, ainsi que par le comité de lutte contre la grippe (CLCG), qui n'est pas une composante du HCSP mais un comité thématique et pluridisciplinaire, créé en 1995 et dont le rôle et le statut ont été renforcés en 2008. Ce comité a participé à la gestion de la crise et a fonctionné, sur les questions relatives à la vaccination, comme un groupe de travail pour le CTV.
Il faut aussi mentionner l'apport très important de l'avis du comité consultatif national d'éthique sur la grippe et le rapport du groupe de travail sur la question de l'allocation des vaccins qui avait été mis en place par la délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire (DILGA).
Le rôle de la DGS était, à partir des avis des experts, de formuler des préconisations, de présenter les scénarios et les arbitrages possibles, afin que la décision politique puisse s'appuyer sur un fondement scientifique, même si évidemment elle doit intégrer d'autres éléments. Il lui revenait ensuite, une fois la décision prise, de l'appliquer.
Faut-il optimiser l'organisation des instances d'expertise ? Peut-être, à la lumière de l'expérience, pourrait-on réexaminer le positionnement du comité de lutte contre la grippe. Il avait été créé, en 1995, pour organiser la gestion des grippes saisonnières. Son association à la préparation de la lutte contre les pandémies grippales pourrait conduire à se demander s'il ne conviendrait pas de l'intégrer au HCSP.
M. François Autain, président, a suggéré qu'il pourrait être également opportun de modifier sa composition, afin d'augmenter la représentation des cliniciens, ce dont est convenu M. Didier Houssin.
M. Didier Houssin a ensuite évoqué les ressources d'expertise internationales et européennes dont a bénéficié la DGS, à travers le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), l'OMS, qui joue le rôle d'« ensemblier épidémiologique » rassemblant les données fournies par les différents Etats, les échanges au sein du comité de sécurité sanitaire européen (Health Security Committee) et du G7.
Il a estimé que l'intégration d'un critère de gravité dans la définition des pandémies était une question importante, mais beaucoup moins simple qu'il n'y paraît. Comment en effet décompter en temps réel et de façon fiable les décès imputables à une affection ? Comment prendre en compte, comme l'a observé la ministre de la santé et des sports, la diversité des situations sanitaires d'un pays à l'autre ? Il s'agit, malgré tout, d'une question qu'il faudra creuser.
M. Didier Houssin a ensuite indiqué qu'il avait participé, en tant que membre du comité exécutif, aux travaux de l'Assemblée mondiale de la santé de mai 2009 et qu'il avait eu connaissance des observations des représentants de la Suisse et du Royaume-Uni évoquées par le président François Autain lors de l'audition de la ministre. Il a précisé qu'il avait participé à une conférence téléphonique organisée par la directrice générale de l'OMS pour répondre à la question de la qualification de la pandémie lors du passage à la phase 6. Dans l'incertitude qui régnait alors, la qualification de « gravité modérée » a semblé adaptée à une pandémie qui, sans pouvoir être assimilée à celle de 1918, présentait cependant des éléments inquiétants.
Répondant ensuite à la question du rapporteur sur les dispositifs de prévention des conflits d'intérêts, il a estimé qu'il fallait continuer de chercher à répondre le mieux possible à la double exigence de compétence et d'indépendance des experts, étant toutefois observé que les problèmes de conflits d'intérêts ne se posent pas dans toutes les instances.
On pourrait certes imaginer une autorité chargée de contrôler les déclarations de liens d'intérêts et la gestion des conflits pouvant en résulter, mais la ministre a déjà exprimé devant la commission d'enquête les réserves que peut susciter la complexité d'un tel dispositif.
D'autres pistes de recherche sont celles de la reconnaissance et de la valorisation de l'expertise, ainsi que celle de la rémunération des experts. La DGS cherche à les explorer, en coopération avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il existe donc des perspectives permettant d'espérer des progrès.
M. François Autain, président, a demandé si M. Didier Houssin excluait d'emblée la perspective d'une société idéale où les experts n'auraient aucun lien d'intérêt avec l'industrie. Il en existe cependant : c'est le cas de 25 % des experts de l'AFSSAPS, qui doivent pourtant être compétents, sinon l'AFSSAPS ne les emploierait pas.
Ne peut-on trouver assez d'experts compétents et indépendants pour faire fonctionner les instances qui existent, et éviter ainsi de faire peser la suspicion sur les décisions prises sur le fondement de leurs avis ?
Il est certes important de développer la transparence et il reste beaucoup à faire pour améliorer la définition et le fonctionnement des dispositifs qui tendent à l'assurer - que le ministère de la santé n'applique lui-même qu'imparfaitement. Mais la transparence ne suffit pas pour affranchir les experts des liens de dépendance. Il y a donc dans ce domaine un travail considérable à accomplir.
Mme Marie-Christine Blandin a observé à cet égard qu'il existe déjà un cadre législatif adapté à cet objectif. En plus de l'agence nationale de l'expertise prévue par le législateur dans le cadre de la loi dite « Grenelle I », dont la compétence ne concernerait pas seulement le secteur de l'environnement, il faut prendre en compte les dispositions introduites par le Sénat dans les textes applicables à l'enseignement supérieur et à la recherche qui reconnaissent l'expertise comme un des piliers fondamentaux de la recherche et évoquent la question de sa rémunération.
M. Claude Domeizel a souhaité avoir des précisions sur les conditions dans lesquelles avait été prise la décision de commander 94 millions de doses de vaccin et sur les raisons ayant conduit à prévoir une vaccination en deux injections, puis à revenir sur cette position.
Il a souligné qu'il existait des liens permanents entre les entreprises pharmaceutiques et les médecins, qui reçoivent régulièrement des visiteurs médicaux chargés de la promotion des produits pharmaceutiques.
Il a ensuite demandé à M. Didier Houssin des éclaircissements sur les informations récemment parues dans la presse, dont certaines sont relatives aux liens d'intérêts entre l'industrie pharmaceutique et plusieurs experts siégeant dans les groupes d'experts de l'OMS et dont d'autres concernent la France : ainsi, est-il exact que seulement deux des dix-sept membres du comité de lutte contre la grippe sont indépendants, et que le groupe d'expertise et d'information sur la grippe (GEIG) est intégralement financé par les producteurs de vaccins antigrippaux ?
M. Jean-Jacques Jégou, après avoir souligné la qualité et la clarté des arguments contenus dans l'exposé liminaire de M. Didier Houssin, a jugé impossible d'exiger qu'un expert soit « coupé de tout » pour être en mesure de rendre des avis susceptibles d'éclairer les décisions publiques. Peut-on d'ailleurs définir l'expert idéal ? Suffit-il d'exiger qu'il n'ait aucun lien d'intérêt ? Et le terme d'expert, dans quelque domaine que ce soit, ne recouvre-t-il pas des réalités bien différentes ?
En réponse à ces questions, M. Didier Houssin a notamment apporté les précisions suivantes :
- l'analyse du virus A (H1N1)v a permis d'établir très précocement qu'il s'agissait d'un virus nouveau, dont la structure génétique associe des composantes d'origine porcine, aviaire et humaine. De sa nouveauté, découle son potentiel pandémique, qui s'est vérifié par sa rapide propagation, et qui a conduit à estimer que deux injections seraient nécessaires pour assurer l'immunisation de personnes qui n'avaient jamais été confrontées à ce virus. M. François Autain, président, a contesté la nouveauté du virus A (H1N1)v, contre lequel il est apparu qu'une partie de la population était protégée, notamment parmi les personnes nées avant 1957. Le virus A (H1N1)v semble donc être plutôt une variation d'un virus déjà connu et non un virus que l'on doit considérer comme pandémique, quelque évolutive que soit par ailleurs la définition de la pandémie.
M. Didier Houssin a observé que l'on n'avait pas constaté avant l'automne 2009 que certaines classes d'âge semblaient effectivement peu touchées par le virus. C'est pourquoi l'ensemble des experts avaient considéré que la réaction du système immunitaire à ce virus « un peu nouveau » pouvait nécessiter deux, voire trois injections de vaccin, M. François Autain, président, se demandant si les experts ne s'étaient pas « trompés d'épidémie » et n'avaient pas confondu le virus (H1N1)v avec le virus H5N1 ;
- la décision d'acquérir 94 millions de doses de vaccin s'est fondée sur cette position scientifique, retenue en particulier par l'agence européenne des médicaments. Les préconisations proposées à l'autorité politique comportaient plusieurs scénarios situant le volume des achats entre 90 et 130 millions de doses. La décision prise in fine par le Premier ministre, le 3 juillet, a arrêté le chiffre de 94 millions de doses en fonction d'un taux de non-vaccination estimé à 25 % de la population.
M. François Autain, président, a observé que cette décision pouvait avoir un fondement politique, mais ne semblait pas avoir de fondement scientifique reposant sur la définition d'une stratégie vaccinale.
M. Didier Houssin a répondu que, dès le 10 mai, le comité de lutte contre la grippe avait donné un avis sur cette stratégie et recommandé une couverture large de la population, le comité technique de la vaccination et le HCSP ayant rendu leurs avis les 22 et 26 juin.
Répondant ensuite aux questions relatives aux liens d'intérêts, M. Didier Houssin a précisé :
- que les liens d'intérêts entre l'industrie et les experts susceptibles de donner un avis aux pouvoirs publics, dont la déclaration est obligatoire, ne doivent pas être confondus avec les contacts entre les médecins et les visiteurs médicaux ;
- que les formulaires relatifs à ces déclarations permettent de caractériser très précisément ces liens d'intérêt.
Passant en revue les différent cas de figure, il a d'abord cité les liens résultant d'une « participation financière au capital d'une entreprise », dont il n'a pas été recensé d'exemple. Il a ensuite répertorié les hypothèses très variées « d'activités exercées personnellement en lien avec l'industrie » : activités exercées de manière durable et faisant l'objet d'une rémunération régulière ; liens résultants d'activités ponctuelles qui peuvent être ou non rémunérées, telles la participation à un travail scientifique, la rédaction d'un rapport d'expertise, l'activité de conseil au sein d'un groupe de travail ou de réflexion, la participation à des colloques ou congrès. D'autres liens moins directs peuvent résulter du fait qu'un expert travaille dans un organisme ayant un contrat avec un industriel. Il peut aussi exister des liens d'intérêt résultant de l'activité du conjoint ou d'un enfant de l'expert dans une entreprise. On peut aller plus loin encore : ainsi les Etats-Unis se posent-ils la question de l'existence de liens résultant de la participation à un même « environnement de convivialité », comme un club de golf.
C'est à l'organisation qui conduit une expertise de recueillir les déclarations des experts qui y concourent, de s'assurer de leur actualisation et de prévenir les risques de conflits d'intérêts par les moyens les plus appropriés. Chacun s'efforce d'y parvenir le mieux possible, mais il existe certainement des marges de progrès permettant de resserrer ces dispositifs, dans le secteur de la politique sanitaire comme dans les autres.
Au sujet des liens d'intérêt des experts de l'OMS, M. Didier Houssin a rappelé qu'il existe naturellement à l'OMS de nombreux groupes d'experts. Dans le domaine de la grippe, on peut en évoquer principalement deux. Le premier est le Strategic advisory group of experts on immunization (SAGE), qui rassemble les virologues chargés de recommander le choix des souches à utiliser pour la fabrication des vaccins : on peut considérer que l'existence d'éventuels liens d'intérêt de ses membres avec l'industrie est dépourvue d'impact sur l'accomplissement de cette fonction. Le second est le comité d'urgence que le directeur général de l'OMS peut, en application de l'article 48 du Règlement sanitaire international, constituer et consulter sur tout événement sanitaire particulier. Comme l'a expliqué la ministre de la santé, les membres du comité d'urgence sur la grippe A (H1N1)v ne sont pas connus afin de les mettre à l'abri de possibles pressions des Etats.
En ce qui concerne, enfin, les éléments relatifs aux instances nationales cités par M. Claude Domeizel, M. Didier Houssin a rappelé que le comité de lutte contre la grippe est soumis au dispositif de prévention des conflits d'intérêt, observant par ailleurs que l'existence de liens ne crée pas automatiquement des conflits d'intérêts, en particulier s'il s'agit de liens ponctuels ou très anciens. Quant au GEIG, il s'agit d'une association d'origine industrielle qui a pour objet de coordonner chaque année la mise à disposition des vaccins saisonniers, d'en assurer la publicité et d'organiser à cette occasion une manifestation, dont l'organisation est confiée au président de son conseil scientifique, M. Bruno Lina, afin de promouvoir la vaccination contre la grippe saisonnière.
M. Didier Houssin est par ailleurs convenu avec M. Jean-Jacques Jégou de l'intérêt que peuvent présenter certains partenariats public-privé en matière de recherche. Ainsi, la recherche clinique translationnelle est-elle très utile pour faciliter la mise au service des malades des nouvelles molécules. Il n'en faut pas moins prévoir des garde-fous, identifier et gérer les problèmes qui peuvent se poser.
M. François Autain, président, a ensuite posé à M. Didier Houssin, au nom de M. Alain Milon, rapporteur, empêché de participer à la fin de la réunion, diverses questions relatives au déroulement des négociations avec les laboratoires et au rôle de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), qui est intervenu postérieurement au choix des fournisseurs et à la définition des quantités commandées.
M. Didier Houssin a répondu que les échanges avec les fournisseurs avaient débuté entre la fin avril et la mi-mai 2009. Ils se sont fondés sur les contrats qui avaient été déjà signés et, lorsqu'il n'y en avait pas, ils ont porté sur des questions techniques : quantités, délais de livraison, nature et type des vaccins...
M. François Autain, président, a remarqué que les contrats passés avec Novartis et Sanofi Pasteur dans le cadre de la préparation d'une éventuelle pandémie H5N1 portaient déjà sur quelque 40 millions de vaccins. N'aurait-on pu s'en tenir là au moins dans un premier temps ?
M. Didier Houssin a précisé que ce chiffre était en fait assez théorique, un vaccin adjuvanté de Sanofi, l'Emerflu, n'ayant pas obtenu d'autorisation de mise sur le marché (AMM) et Novartis pouvant ne pas disposer de capacités de production suffisantes. La société GSK paraissait en revanche mieux à même de fournir rapidement des quantités importantes. Le rôle de l'EPRUS a été conforme à la vocation de cet établissement, créé pour acquérir, stocker et gérer des produits sanitaires pour le compte du ministère de la santé.
M. François Autain, président, a ensuite fait état d'une remarque de M. Alain Milon, rapporteur, sur le nombre quasi identique, à la fin de janvier 2010, des personnes vaccinées contre la grippe saisonnière dans le cadre de la campagne organisée annuellement par l'assurance-maladie en direction de certaines populations cibles (5,5 millions de personnes) et des personnes vaccinées contre la grippe A (H1N1)v (5,7 millions), constatation qui peut conduire à s'interroger sur l'efficacité du dispositif de vaccination pandémique.
M. Didier Houssin a récusé cette comparaison entre un système rodé, dirigé vers des cibles bien identifiées, appuyé sur la fourniture en officine de vaccins monodoses, et une campagne organisée dans des conditions infiniment plus contraintes, qui se présentait comme « une course contre la montre dans un océan d'incertitudes ».
Soulignant que le prix de revient unitaire d'une vaccination A (H1N1)v peut être évalué, alors même que l'on ne dispose pas encore du chiffrage exact de toutes les dépenses à prendre en compte, à approximativement 200 euros, M. François Autain, président, a observé que le système « artisanal » de vaccination avait peut-être certains avantages.
M. Didier Houssin en est convenu, tout en soulignant qu'il n'avait pas été possible d'y recourir pour la vaccination pandémique.
M. François Autain, président, a enfin fait état de l'évolution récente de la définition communiquée aux médecins des symptômes permettant d'identifier les cas de grippe A (H1N1)v. Cette définition a en effet été considérablement élargie aux termes d'une nouvelle rédaction permettant de considérer comme atteinte de cette grippe toute personne ayant le nez qui coule, des courbatures et 38 degrés de fièvre. Il a observé que de mauvais esprits pourraient relever la coïncidence entre cette définition modifiée et les recommandations élargissant aussi les indications de prescription de l'oseltamivir, pour en conclure que le but recherché était de faciliter l'écoulement de stocks en voie de péremption.
S'engageant à vérifier une évolution de la définition de la grippe dont il a dit n'avoir pas connaissance, M. Didier Houssin a précisé que les nouvelles recommandations concernant la prescription d'oseltamivir avaient pour seul objet d'éviter des décès dus à la grippe. Il a en outre noté que la distribution gratuite de quantités limitées de produits déjà acquis par l'Etat ne permettrait ni aux laboratoires d'augmenter leurs ventes, ni à l'Etat de résorber ses stocks.