Mercredi 24 mars 2010
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -Audition de M. Henri Verdier, président de Cap Digital, pôle de compétitivité des contenus numériques
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Henri Verdier, président de Cap Digital, pôle de compétitivité des contenus numériques.
M. Henri Verdier a présenté, tout d'abord, le pôle de compétitivité Cap Digital, relais de la politique industrielle française dans le domaine des contenus et des usages numériques. Ce pôle qui permet le développement d'écosystèmes dans ces domaines est co-géré par les acteurs du secteur. Il rassemble environ 30 partenaires publics, 600 petites et moyennes entreprises (PME), 20 grands groupes et 200 laboratoires de recherche issus de 60 établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche.
Afin de remplir ses missions de dynamisation de la créativité et de développement de la cohésion au sein de l'écosystème des industries de création, le pôle dispose de quatre leviers de création, à savoir, à due proportion :
- des financements publics en faveur de projets de recherche collaboratifs et structurants (200 projets en 2009 pour 70 millions d'euros de soutien public) ;
- des aides à la croissance des PME, d'autant plus nécessaires que l'Europe ne compte que quatre grandes entreprises de moins de vingt-cinq ans dans ce domaine ;
- la consolidation des écosystèmes, notamment par le biais d'un dialogue entre tous les acteurs ;
- l'insertion dans une dynamique internationale de coopération et de compétition, en particulier avec le Canada.
Puis, M. Henri Verdier a exposé son analyse des mutations en cours de notre société, équivalentes selon lui à celles ayant présidé à la révolution industrielle. Il a évoqué l'accélération des cinq flux d'innovation liés à :
- la recherche ;
- la puissance technologique ;
- l'évolution du monde économique avec la captation de la créativité des écosystèmes, loin donc d'une économie planifiée ;
- l'évolution de la gouvernance, tant des Etats que des entreprises, avec notamment une évolution des technologies du pouvoir, permettant la création de communautés ayant les moyens d'agir (comme pour la campagne du candidat Obama sur Facebook ou Twitter) ;
- l'évolution des aspirations sociales, avec une demande de co-création et d'échanges de pair à pair.
On est aujourd'hui à la recherche d'un modèle différent, nécessitant la collaboration d'acteurs issus de mondes très divers. Puis viendra le temps de la synthèse créative, donnant du sens à ces évolutions. Cette évolution passe par une phase de « destruction créative », caractérisée à la fois par la multiplication de contenus créés par les internautes et le développement d'une industrie de masse, dont la France ne doit pas être absente.
Or, si notre pays dispose d'atouts dans le design et la création ainsi que dans le domaine des infrastructures (éducation, très haut débit, qualité des centres villes, ...), il souffre de faiblesses s'agissant :
- des dispositifs permettant de capter la créativité des individus dans la nouvelle économie fondée sur la contribution des internautes, comme le font Facebook ou Google. C'est pourtant à l'intersection de l'informatique et des contenus numériques que se situe un quart du potentiel de croissance ;
- d'un fonctionnement en « silos » qu'illustre, par exemple, le fossé croissant entre les PME et les grandes entreprises ;
- du risque de rester à l'écart de la création d'évènements et de projets de grande ampleur.
Puis, M. Henri Verdier a relevé que ces défis industriels concernaient désormais le monde de la culture et il a cité la technologie de l'information dématérialisée dite du « cloud computing », avec des centrales de calculs très puissantes, qui dissimulent une hyper-concentration des informations, notamment chez Google. Se pose donc le problème de l'architecture du savoir et de la typologie des techniques d'indexation, qui portent une certaine vision du monde.
De façon paradoxale, si la France s'est historiquement battue en faveur du pluralisme des médias, elle a laissé Google contrôler 60 % du trafic des sites de contenus et se construire des mémoires numériques via les centrales de calculs américaines.
Au-delà de la préoccupation de sauvegarde de notre patrimoine, M. Henri Verdier a insisté sur l'importance de ce défi industriel, qui requiert le développement de filiales industrielles pérennes.
Il a ensuite évoqué un autre défi majeur pour l'avenir, lié à l'accès aux données publiques. A cet égard, les statistiques publiques (qu'elles concernent l'état civil, le cadastre ou la météorologie, par exemple ...) sont trop souvent enfermées dans des « silos administratifs », chacun souhaitant exploiter ses propres données.
M. Henri Verdier a souligné à la fois la puissance de l'écosystème francilien (avec 180 000 entreprises, 400 000 emplois et 8 % des chercheurs) et l'excellent niveau mondial des aides françaises à la création et à l'innovation, dont on peut en revanche regretter la lenteur dans l'attribution et la complexité.
Il a ensuite jugé nécessaire de trouver des modèles permettant d'asseoir le préfinancement de la création sur les recettes, alors que celles-ci reposent aujourd'hui sur le préachat par les distributeurs. Il a aussi évoqué de nécessaires actions à conduire avec le monde de la culture et de l'éducation.
Par comparaison avec le Canada et les Etats-Unis d'Amérique, il a reproché au système éducatif français de ne pas encourager la confiance en soi, l'échec - pas admis dans notre pays - pouvant survenir à tout moment à la suite d'une erreur d'aiguillage sans possibilité de seconde chance.
Après avoir évoqué le travail exceptionnel d'écoles telles que celle des Gobelins, Mme Catherine Dumas s'est interrogée sur les actions permettant d'attirer les jeunes vers les métiers de la création. Elle a relevé que les parlementaires pouvaient contribuer à favoriser de nécessaires passerelles entre les acteurs. Enfin, elle a formulé une analyse nuancée du modèle américain, trop exclusivement basé sur la performance.
M. Michel Thiollière a souligné l'intérêt des idées évoquées par l'orateur concernant le monde émergent, face à notre monde « vertical ». Il a demandé, d'une part, si l'évolution française tendait à reproduire la situation observée en Amérique du Nord ou si notre pays était à la pointe dans certains domaines et, d'autre part, si les entreprises de Cap Digital souffraient du piratage et, dans ce cas, comment elles envisageaient la sortie de crise.
M. Jacques Legendre, président, s'est interrogé sur la qualité et la taille de l'écosystème francilien, et sur l'éventuelle nécessité de réfléchir au développement d'un écosystème au niveau national.
Rappelant les termes du débat sur la numérisation du livre, M. Serge Lagauche a demandé l'avis de l'orateur sur les solutions à trouver.
M. Henri Verdier a apporté les éléments de réponse suivants :
- s'agissant de la lutte contre la piraterie sur Internet, les acteurs de Cap Digital sont traversés par les lignes de fracture qui ont partagé la société française. A titre personnel, il a estimé que si l'on peut comprendre les tentatives d'atténuer la disparition de certains modèles économiques, il faut avoir aussi conscience que l'on ne peut en développer de nouveaux en s'opposant au consommateur ;
- la France dispose de plusieurs bonnes écoles dans le domaine de la création, que ce soit à Lille, Angoulême ou Poitiers, par exemple ;
- les Etats-Unis ne constituent certes pas un modèle social idéal mais ils regorgent d'idées nouvelles et enrichissantes. Ils ont inventé et structuré le réseau Internet et ils le dominent. Cependant, l'économie numérique recouvre un champ plus large avec, par exemple, de possibles innovations sociales dans les grands services publics ou la prise en compte des aspirations au développement durable ;
- s'agissant du Canada, le succès ne repose pas sur une tradition ou une capacité particulière d'innovation, mais résulte plutôt d'une forme de dumping permettant d'attirer des entreprises et des chercheurs étrangers, notamment au Québec, dont la politique dans ce domaine est très active. On compte ainsi 116 000 emplois et 12 000 chercheurs dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. De plus, la cité du multimédia à Montréal a bénéficié d'une localisation en centre ville : le Canada a ainsi attiré 7 000 étrangers dans le secteur des jeux vidéo ;
- il n'apparaît pas nécessaire de concentrer tous les acteurs sur un même lieu, l'essentiel étant de favoriser la dynamique qui peut naître d'interactions fréquentes entre les personnes. L'écosystème de l'Ile-de-France travaille aussi beaucoup avec d'autres villes, telles que Lyon, Angoulême ou Grenoble ;
- s'agissant du livre numérique, la rapidité de l'évolution est telle qu'une université de Hong-Kong vient de créer un système permettant de scanner un livre en le feuilletant. Par ailleurs, il convient d'être vigilant quant à l'accès au patrimoine numérisé.
Audition de Mme Marie Duru-Bellat, sociologue
Ensuite, la commission a procédé à l'audition de Mme Marie Duru-Bellat, sociologue de l'éducation.
A titre liminaire, Mme Marie Duru-Bellat a exposé sa réflexion sur la méritocratie telle qu'elle s'inscrit aujourd'hui dans la société française, à la suite de la parution récente de son essai intitulé « Le mérite contre la justice ». Alors que la plupart de ses travaux sur les inégalités reposent sur des enquêtes de terrain, elle a conduit dans cet ouvrage une réflexion plus politique sur l'idée de mérite, qui fait actuellement l'objet d'un engouement exagéré dans l'univers scolaire. Tout en précisant que ses propos ne devaient pas être entendus comme un rejet de la méritocratie, elle a relevé que la logique méritocratique pouvait aussi servir à justifier les inégalités.
Après avoir rappelé le consensus existant au sein de la société française autour de la méritocratie, elle a évoqué l'application de ce concept à l'univers scolaire. Elle a fait remarquer, tout d'abord, que si l'école fonctionne réellement sur la base du mérite, alors aucune corrélation entre réussite scolaire et origine sociale ne peut être mise en évidence. Or, l'ampleur des inégalités constatées permet d'infirmer ce postulat. Elle a observé ensuite le caractère très précoce des inégalités sociales dans le système scolaire qui ne sont compensées ni par la préscolarisation, ni par l'école primaire, et qui se révèlent relativement importantes au niveau du collège.
Par ailleurs, elle a précisé que les choix scolaires d'option, d'établissement et de filière étaient marqués par l'origine sociale des familles et se répercutaient sur le devenir des enfants. L'accès à des milieux scolaires d'inégale qualité a en effet une influence déterminante sur les chances de réussite scolaire des enfants et constitue un facteur d'accentuation des inégalités sociales. Elle a précisé que l'efficacité pédagogique, particulièrement à l'égard des enfants de milieux populaires, est un facteur identifié d'amélioration des résultats scolaires des élèves, quel que soit leur mérite individuel.
Mme Marie Duru-Bellat a ensuite critiqué la portée des dispositifs d'égalité des chances à l'issue du baccalauréat pour permettre l'accès de tous aux grandes écoles. Elle a considéré que ces mesures reposaient sur des postulats discutables, à savoir la capacité et le souhait de tous les enfants d'accéder aux grandes écoles. Sans remettre en cause les correctifs nécessaires pour que chaque enfant puisse réaliser ses projets, elle a souligné le déni de la société française face à l'ampleur des inégalités sociales, alors que les différences de niveau scolaire qui en résultent sont détectables dès les premières étapes de la scolarité. Elle a noté le caractère marginal des dispositifs d'égalité des chances qui interviennent très tardivement dans le système scolaire.
S'interrogeant sur la viabilité d'un système purement méritocratique, elle a considéré qu'un tel choix conduirait à privilégier la seule fonction de sélection au détriment de la fonction d'éducation qui incombe à l'école et à marginaliser une part importante de la population scolaire. Elle a jugé aussi que la seule réussite scolaire ne permettait pas d'appréhender toutes les qualités de l'enfant.
Elle a estimé, en conclusion, que, sans récuser l'importance du mérite individuel, il fallait le rééquilibrer par d'autres principes de justice sociale.
M. Yannick Bodin s'est interrogé sur le système d'orientation actuel en France. Il a plaidé pour la fin du principe d'orientation par l'échec. Justifiant les dispositifs d'égalité des chances mis en place ces dernières années, il a souligné les aspirations des familles qui les conduisent à opter majoritairement pour des formations sélectives à l'issue du baccalauréat, encouragées dans cette voie par les enseignants eux-mêmes. Il a jugé essentiel d'aider tous les élèves qui en sont capables à intégrer une grande école ou une formation sélective.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin a estimé que le système scolaire devait donner à chaque enfant la possibilité, à partir de ses capacités et compétences d'acquérir le plus haut niveau de connaissances possible. Qualifiant le système actuel d'individualiste, elle a regretté qu'il laisse l'enfant et les parents seuls responsables de l'échec ou du succès éventuel dans une compétition scolaire effrénée. Elle s'est alors interrogée sur la manière de sortir de cette logique, tout en relevant que l'avenir scolaire des enfants pouvait être déterminé dès la première année d'école maternelle et sans que le système scolaire puisse parvenir à en corriger les effets.
Mme Marie Duru-Bellat a souligné que l'existence d'une logique sélective précoce s'inscrivait au coeur du principe méritocratique lui-même. Elle a affirmé que l'impératif de classement qui en était le corollaire immédiat conduisait nécessairement à une orientation par l'échec. Abordant les perspectives de renouveau, elle a estimé essentiel de dissocier deux temps au cours de la scolarité, ce qui permettrait après une phase totalement commune à tous les élèves de mettre en oeuvre un processus plus sélectif et différencié, avant l'entrée sur le marché du travail. Elle a regretté que cette phase sélective commence de plus en plus précocement, en rognant peu à peu le temps de l'instruction commune.
Elle a indiqué que si les enquêtes internationales PIRLS plaçaient la France dans une position moyenne en termes de résultats scolaires des écoliers, elles montraient aussi un impact fort de l'origine socio-économique des enfants sur les résultats scolaires. Elle a indiqué que la question du mode de garde des jeunes enfants était au coeur des réflexions sur les moyens de réduire les inégalités entre les familles.
Mme Marie Duru-Bellat a estimé que les dispositifs post-baccalauréat avaient permis d'engager une réflexion sur les critères de sélection à l'entrée des grandes écoles et de promouvoir des qualités différentes de celles fixées par le seul mérite scolaire. Elle a confirmé que les familles encourageaient leurs enfants à s'orienter vers des études sélectives, qui constituent généralement un gage d'insertion professionnelle ultérieure, et que les filières courtes d'enseignement supérieur sélectionnaient leurs étudiants à partir de critères académiques proches de ceux des grandes écoles.
Après avoir constaté que seuls 50 % des enfants d'ouvriers accédaient au niveau du baccalauréat, elle a jugé discutables les dispositifs d'égalité des chances fondés sur un zonage géographique, qui offrent des possibilités de contournement par les classes moyennes. Elle s'est déclarée plutôt favorable à une discrimination positive fondée sur des critères essentiellement individuels, qui restent à déterminer.
M. René-Pierre Signé a fait part de son scepticisme sur la possibilité de réduire les inégalités sociales qui influent négativement sur le devenir scolaire des enfants. Il a estimé également que notre pays accordait une place trop importante au diplôme et que les qualités intrinsèques des élèves étaient peu valorisées.
M. Michel Thiollière s'est interrogé sur la vocation du système éducatif, qui devrait permettre à tous les enfants de réaliser leur projet en fonction de leurs capacités.
M. Claude Bérit-Débat a souligné les fortes inégalités sociales qui se révèlent dès la petite enfance. Il a souhaité disposer d'explications complémentaires relatives à l'impact des modes de garde, tout en s'interrogeant sur l'égalité d'accès des familles aux différents dispositifs.
Reconnaissant le rôle important joué par les inégalités entre les familles, Mme Marie Duru-Bellat a relevé qu'il ne fallait pas cependant céder au déterminisme social et que certains pays, notamment nordiques, réussissaient, par la mise en place de politiques éducatives spécifiques, à agir sur la corrélation entre inégalités scolaires et sociales.
Elle a considéré aussi qu'une action déterminée sur les conditions de vie économique des familles pouvait constituer une piste à privilégier. Elle a estimé que la mise en place de dispositifs de deuxième chance, alors même que la formation continue est peu développée en France, permettrait d'atténuer les inégalités scolaires. En outre, elle a indiqué que le choix des familles était essentiellement guidé par l'offre scolaire présente dans leur environnement proche. Celle-ci concourt en effet à créer des inégalités scolaires, comme l'illustre le cas de la carte des classes préparatoires. Enfin, Mme Marie Duru-Bellat a expliqué que les modes de garde de bonne qualité se caractérisaient par un taux d'encadrement élevé et un accueil très précoce des enfants afin de favoriser le développement du langage.
Audition de M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer a présenté un panorama de la politique de l'éducation nationale de la maternelle au baccalauréat. Il a rappelé l'importance de se concentrer sur la maîtrise du français par les élèves, dès le tout début de la scolarisation, alors que les écarts de maîtrise du vocabulaire constatés à la sortie de l'école maternelle nourriront les inégalités de performances scolaires ultérieures. Il a estimé qu'une mémoire exercée très tôt grâce au calcul mental et à l'apprentissage des conjugaisons constituait un instrument essentiel de toute acquisition et compréhension des connaissances. Les évaluations en CE1 et CM2 désormais installées dans le paysage éducatif permettront d'établir des diagnostics nationaux et locaux sur la base desquels seront aménagés les différents dispositifs d'aide personnalisée mis en place à l'école primaire. La personnalisation des parcours poursuit un objectif d'égalité des chances et vise à donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, tant au niveau des territoires que des individus.
Concernant le collège, M. Jean-Michel Blanquer a indiqué que même s'il était considéré comme l'angle mort des réformes qui ont touché successivement le primaire et le lycée, certaines évolutions positives devaient être soulignées. Un lien plus étroit entre le CM2 et la 6e est progressivement institué, notamment dans les réseaux ambition réussite (RAR). Le repérage des difficultés d'apprentissage dès la classe de 6e et le renforcement de l'interdisciplinarité tant dans le domaine des sciences que des humanités constituent des axes majeurs de travail. L'accompagnement éducatif de 16 heures à 18 heures a, en outre, été généralisé à l'ensemble des collèges, en laissant une large place aux initiatives locales.
Présentant la réforme du lycée, M. Jean-Michel Blanquer a regretté que la rénovation du baccalauréat professionnel et des filières technologiques n'ait pas reçu autant d'intérêt de la part de l'opinion publique que celle de la voie générale. Au lycée doit prévaloir la même logique d'individualisation des parcours qui guide l'ensemble de l'action de l'éducation nationale, les deux heures d'accompagnement personnalisé déjà expérimentées dans la voie professionnelle constituant un noeud essentiel de la réforme. La problématique de l'orientation est prise en compte notamment au travers des enseignements d'exploration qui permettront aux élèves de découvrir les filières tout en accroissant leur ouverture sur le monde. La lutte contre la hiérarchisation des filières passe notamment par un renforcement de la filière L dont la vocation internationale sera valorisée en mettant l'accent sur l'acquisition des langues étrangères. Afin d'éviter une organisation cloisonnée des parcours en tuyaux d'orgue, les passerelles seront renforcées et les transitions facilitées.
Mme Françoise Cartron a souhaité connaître les résultats de l'évaluation des dispositifs d'accompagnement éducatifs mis en place au collège. Elle a souligné qu'il était important que les bases de la maîtrise du langage soient acquises dès l'école maternelle et a suggéré que cette mission puisse être spécifiquement assignée aux deux premières années de maternelle.
Mme Colette Mélot s'est déclarée pleinement satisfaite des orientations proposées par le ministère de l'éducation nationale, un juste diagnostic des carences actuelles permettant de nourrir des réformes judicieuses. Elle a toutefois mis en garde contre la tentation de placer les enfants dans un moule unique trop tôt, dès l'école maternelle, sans tenir compte de leur rythme d'apprentissage.
S'agissant de la diversification de l'apprentissage des langues étrangères, M. Jacques Legendre, président, a exprimé son agacement quant aux réponses positives du ministère contredites par de multiples exemples de menace de suppression de sections d'enseignement. Il a souhaité, d'une part, savoir comment le ministère entendait concrétiser effectivement son engagement de diversifier davantage l'apprentissage des langues et, d'autre part, disposer d'un bilan de l'action des commissions académiques sur l'enseignement des langues vivantes étrangères.
M. Yannick Bodin a demandé comment l'éducation nationale prenait en compte le problème spécifique de l'enseignement du français comme langue étrangère pour les élèves dont le français n'est pas la langue maternelle.
Il a ensuite estimé que le métier d'enseignant devenait de plus en plus complexe car à la transmission des connaissances venait s'ajouter l'exigence de compétences en matière d'aide personnalisée, d'accompagnement éducatif et d'orientation scolaire. Au moment où l'éducation nationale fait un effort tout particulier pour redéfinir le métier d'enseignant, il est contradictoire de diminuer la qualité et le temps de leur formation professionnelle.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis chargé de l'enseignement agricole, a une nouvelle fois déploré que chaque année au moment des arbitrages budgétaires, la réalité des besoins de l'enseignement agricole ne soit pas prise en compte. Elle a regretté que l'action de rééquilibrage menée par la commission au cours du débat sur le projet de loi de finances soit teintée du désagréable sentiment de déposséder les jeunes relevant de l'éducation nationale pour améliorer le sort des élèves de l'enseignement agricole. Elle a estimé indispensable de mettre fin à ce mode d'approche budgétaire qui ne doit pas masquer la qualité de l'approche pédagogique propre à l'enseignement agricole, rappelant que l'enjeu est bien de conforter le système éducatif dans son ensemble et cela sans concurrence des différentes voies.
Elle a indiqué que le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche lui a confié une mission de réflexion sur une nouvelle dénomination de l'enseignement agricole et sur l'image de l'enseignement agricole dans son ensemble.
M. Alain Dufaut a dénoncé les effets pervers de la réforme de la carte scolaire notamment dans les collèges « ambition réussite » et les zones d'éducation prioritaires (ZEP). Plusieurs exemples dans le département de Vaucluse montrent que les établissements les plus en difficulté perdent un nombre très important d'élèves, allant jusqu'à la fermeture, et que cette réforme semble ainsi accroître la ségrégation scolaire et empêcher une véritable mixité sociale qui ne se décrète pas. Il a souhaité que des correctifs à cette politique soient apportés de toute urgence.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis chargé de l'enseignement professionnel, a souhaité tempérer l'optimisme du directeur général de l'enseignement scolaire en évoquant les suppressions massives d'emplois dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) mais aussi la réduction de la formation des enseignants via la « mastérisation ». Elle a ensuite demandé un premier bilan de la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans et des précisions sur l'enseignement des sciences économiques et sociales (SES) et de l'éco-gestion dans le cadre de la réforme du lycée. Enfin, elle a évoqué la volonté du ministère de faire effectuer une partie des remplacements des enseignants absents par des retraités et des étudiants, soulignant l'engagement de réformes de façon disparate.
En réponse, M. Jean-Michel Blanquer a estimé qu'il fallait adopter une approche humaniste et non technocratique de l'école maternelle pour mieux prendre en compte le développement progressif de l'enfant. Des inspecteurs de l'école maternelle (IEM) ont été nommés l'année dernière. La maternelle doit devenir prioritairement le lieu de la découverte du langage en sachant utiliser des moyens pédagogiques ludiques. Concernant le bilan de l'accompagnement éducatif, M. Jean-Michel Blanquer a tenu à saluer la réactivité de l'éducation nationale qui a su mettre en place en moins d'un an ce nouveau dispositif sur l'ensemble du territoire national. Cette première phase étant achevée, une évaluation qualitative doit être menée pour améliorer les performances. Les premiers résultats indiquent une très grande hétérogénéité des expériences, qui reflètent pour partie la large autonomie laissée aux établissements. L'exemple d'une expérience pilote menée en collaboration avec l'école d'économie de Paris, « la mallette des parents », tend à montrer que l'accompagnement éducatif obtient d'autant plus de résultats que les parents sont impliqués dans le processus. L'impact comportemental et notamment la réduction de l'absentéisme sont importants même si l'impact pédagogique paraît moins net, le dispositif étant encore trop récent.
S'agissant de l'apprentissage des langues étrangères, M. Jean-Michel Blanquer a souligné que la France connaissait une situation incomparable par rapport aux autres pays européens car la diversité de l'offre est extrêmement riche. La politique de diversification correspond à la politique des langues en général. L'apprentissage et la valorisation d'une première langue vivante (LV1), notamment dès l'école primaire, est une façon d'ouvrir la porte à une deuxième, voire à une troisième langue, et c'est également un facteur de développement même si cette LV1 est souvent l'anglais.
M. Jean-Michel Blanquer a précisé qu'un effort spécifique a été entrepris pour l'allemand dont l'apprentissage connait un certain renouveau. L'enseignement de l'arabe et de façon plus générale des langues portées par des élèves issus de l'immigration est à valoriser comme atout pour ces élèves mais également pour les autres élèves, même si l'on constate qu'elles ne sont pas forcément choisies par crainte d'être vécues comme un marqueur. Le dispositif de l'enseignement des langues et cultures d'origine (ELCO) est particulièrement concerné par cette problématique. Le chinois connaît actuellement un engouement certain avec des créations de classes. L'organisation de notre système doit être vivante et nous conduire parfois à fermer pour ouvrir. Le fonctionnement en réseau est également à développer.
Sur le sujet des élèves d'origine étrangère, M. Jean-Michel Blanquer a indiqué que les centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants (CASNAV) fonctionnaient assez bien et permettaient au bout d'une année d'intégrer ces élèves primo-arrivants dans des classes « normales ». La « mallette des parents », dont certains documents sont écrits en langues étrangères, est significative des mécanismes d'accompagnement des élèves d'origine étrangère. S'agissant des pratiques communautaristes, la valorisation des langues est un point essentiel pour éviter cette dichotomie de l'usage d'une langue pour la sphère privée et d'une autre pour la sphère publique. La politique volontariste des internats d'excellence joue aussi un rôle avec un brassage d'élèves venant d'horizons extrêmement divers et avec un encadrement fort fournissant des outils pour la réussite scolaire.
M. Jean-Michel Blanquer a également apporté les réponses suivantes :
- il n'y a bien évidemment pas de concurrence entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole car ce sont les élèves de France qui sont concernés. Il y a bien au contraire des convergences à trouver et l'éducation nationale aurait intérêt à regarder les pratiques de l'enseignement agricole notamment s'agissant des internats et de la personnalisation des parcours des élèves. Pour sa part, l'enseignement agricole gagnerait à ne pas être marginalisé concernant les diplômes et la certification. Sur le plan budgétaire, une clarification est souhaitable ;
- l'assouplissement de la carte scolaire n'est pas une fin en soi et cela peut apporter de bonnes ou de mauvaises choses selon la façon dont il est appliqué. Le but de cet assouplissement était d'arriver à une plus grande transparence et à une plus grande franchise. Par ailleurs, il n'est pas aberrant de fermer un établissement où rien ne va plus pour le rénover et l'ouvrir ailleurs avec l'appui des collectivités territoriales et ainsi repartir sur de bonnes bases en veillant à ne pas aboutir à des situations contreproductives. L'objectif est également d'avoir des taux d'encadrement réellement contrastés à l'avantage des ZEP. Le ministère a engagé une réflexion sur la carte scolaire avec deux objectifs qui ne sont pas toujours aisément conciliables : la liberté des parents et la mixité sociale. Le but est bien d'éviter les ghettos ;
- l'augmentation considérable du nombre de postes dans les années 90 ne s'est jamais traduite par une amélioration du niveau des élèves ;
- le succès de la réforme de la « mastérisation » qui répond à une revendication syndicale, notamment en termes de revalorisation des carrières, et à la nécessité d'un alignement sur les standards européens, dépendra beaucoup de l'accompagnement qui en sera fait. Il est évidemment souhaitable que les professeurs qui arrivent devant les élèves aient une formation pratique. Il est essentiel que les universités et les académies travaillent ensemble pour que les étudiants soient mis en situation à travers des stages en responsabilité et en observation. Il faut aussi encourager l'esprit de compagnonnage ;
- les premières observations sur le baccalauréat professionnel en trois ans sont positives. Ces résultats participent, d'une part, à la revalorisation de l'enseignement professionnel et, d'autre part, à la réduction du nombre encore trop important d'élèves qui sortent du système scolaire sans qualification ;
- à partir de l'an prochain, l'enseignement des sciences économiques et sociales (SES) et de l'éco-gestion sera généralisé. Il a été tenu compte des nombreuses observations faites à l'occasion de la consultation sur les programmes de ces disciplines. L'objectif est donc bien que l'économie soit incluse dans la culture générale ;
- s'agissant des remplacements, tous les systèmes scolaires à travers le monde ont recours à un volant de contractuels et le service public français ne fait pas exception. Si, aujourd'hui, l'enseignement privé remplace mieux que l'enseignement public, c'est parce qu'il utilise des contractuels. Le recours à de jeunes retraités et à des étudiants ne représente qu'une partie de la politique de remplacement et ne doit pas être diabolisé.
Nomination de rapporteurs
Au cours de la même séance, la commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :
- Mme Catherine Dumas rapporteur de la proposition de loi n° 343 (2009-2010) améliorant l'information sur la vigne et le vin ;
- et M. Pierre Bordier rapporteur du projet de loi n° 346 (2009-2010) ratifiant l'ordonnance n° 2009-1534 du 10 décembre 2009 relative à la compétence du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire en matière disciplinaire et à la mise en cohérence de diverses dispositions du livre VIII du code rural.